LA FESSEE : POUR ou CONTRE

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LA FESSEE : POUR ou CONTRE
LA FESSEE : POUR ou CONTRE ?
La « fessée », le mot est si fortement ancré dans le champ lexical de l’éducation des enfants, que
j’aurais envie de vous proposer, comme une sorte de défi : et si nous parvenions à le faire
définitivement disparaître de notre vocabulaire ordinaire ?
Pourquoi en effet ne pas introduire un nouveau concept dans la nouvelle éducation ?
Pourquoi ne pas penser autrement la sanction, le « rappel à la loi », la limite … en un mot ce que veut
exprimer la fessée…?
J’espère parvenir à vous convaincre, mais, bien entendu, reste disponible à toute discussion.
Pour la fessée, les partisans diront :
- tout le monde se souvient d’en avoir reçu au moins une !... et s’en est bien remis…
- mais comment se faire comprendre quand la série de caprices devient surenchère et qu’on a
épuisé toutes ses autres « armes » ?
- et comment se contrôler quand ce « petit monstre » nous a poussés à bout ?
- et puis, on ne va tout de même pas « se » laisser dominer par un gamin qui veut faire la loi !
- certes, j’étais contre avant qu’il ne naisse, et son frère était plus « facile »… mais lui… il ne
comprend que la fessée !
Tandis que les opposants avanceront :
- la fessée, c’est une méthode éducative du passé !
- l’enfant est accessible à une explication : il a le droit de comprendre les raisons d’un interdit
- il faut savoir maîtriser ses « nerfs » !
- on ne doit pas frapper un enfant : c’est réprimé par la loi
- ce n’est pas par la fessée qu’on affirme son autorité !
- l’enfant peut comprendre que nous ne l’aimons pas… et cela fait de gros dégâts !!!
L’éducation d’un enfant résultant de multiples facteurs, cela exclue, hélas, toute possibilité de
recourir à des recettes. Et la « vérité », ou du moins son approche, est entre les deux.
Considérons la fessée comme le message d’une situation –très critique- de communication.
La nature nous a dotés en nous faisant parent, d’un outil disponible à tout moment et indispensable.
Et cet outil facilite grandement toute communication avec ce petit être inconnu, plein d’énergie,
curieux d’expérimenter la vie sous tous ses aspects… et bien-sûr les plus risqués, désireux de se
connaître… en apprenant à nous connaître… tandis que nous ne nous connaissons encore qu’à
peine… !!...
Cet « outil », nous savons en faire spontanément usage lorsque la situation est « normale », disons
non conflictuelle.
Chaque parent sait faire preuve d’une débordante imagination pour véhiculer non seulement les
mots que l’enfant ne peut encore bien comprendre , mais ces sentiments, constats, humeurs que
nous ne parvenons pas à dire…. Ainsi trouvons-nous spontanément les intonations, gestes, regards,
silences, mots… même brefs… pour dire notre satisfaction, notre fierté, notre bonheur, en somme…
Nous avons aussi à disposition tout un registre d’expression infra verbale de la désapprobation, la
déception, voire la colère : un doigt pointé en l’air, un ton de voix grave ou sec, un débit de parole
ferme, un froncement de sourcils, un œil désapprobateur, un « non ! »… un « chut !» … ou tout
simplement l’expression du désaccord : «ça, non, je ne peux l’accepter ! »
C’est un « quelque-chose qui ne s’apprend pas » qui fait trouver au parent le ton juste, tout en
permet tant à l’enfant de comprendre et accepter le message. Que l’interdit qui vient d’être posé,
même s’il le rend malheureux et provoque une frustration , ne lui nuira pas. Alors, il pleurera, aura
de la peine… puis oubliera.
Ce « quelque-chose », c’est avec l’annonce de sa venue que la nature commence à nous en doter.
Mais ce « quelque-chose » est aussi accompagné de craintes, voire d’anxiétés nourries par les
incertitudes de la vie, plus encore de la sienne… (« tu es ce que j’ai de plus précieux, je ne veux pas
te perdre ! »), d’attentes et de frustrations (« je voudrais tant que tu réussisses ta vie, mais vas-tu y
arriver ? »)
Tous ces messages que nous portons sans parfois oser les exprimer, sous tendent tous nos
comportements à son égard…sitôt que ce « cher petit » nous renvoie à notre impuissance, voire à
nos limites en ne répondant pas à nos attentes…
La magie de sa naissance, inévitablement, a aussi fait germer une anxiété et nous renvoie à notre
impuissance.
La surcharge de responsabilités devant lesquelles la « tête blonde » nous place, nous « pousse à
bout »
Encore relié au monde de l’enfance jusqu’avant sa venue… nous voici brutalement acculés à adopter
un comportement d’adulte, voire de « chef »… à cause de lui…
Mais reprenons l’argumentaire POUR ET CONTRE point par point…
La fessée, c’est du passé : nostalgie ? ou modernisme ? dans quel camp allons-nous nous placer ? je
vous propose celui, très risqué… mais combien libérateur de l’imagination. N’avons-nous pas le
devoir d’inventer notre vie ?
Si l’on frappe, c’est qu’on ne parvient pas à se maîtriser. Certes, cela s’apprend. Mais, le plus souvent,
avant de mettre au monde un enfant, nous avons « forgé » notre impulsivité sur l’enclume de la
vie … sociale, professionnelle, relationnelle… Et avec l’enfant, nous ne devrions plus être en
« apprentissage » !!!
On le « fesse » parce qu’il ne comprend rien d’autre ! Sommes-nous bien sûrs d’avoir exploré tous les
véhicules de communication dont la nature nous a dotés pour dire l’amour ? (et la multitude de
messages qu’il sous tend !)
Et nous, pouvons-nous le comprendre ? …quand il ne possède encore pas le langage et ses
subtilités… quand nous n’avons pas assez de temps…pour l’écouter, l’observer, le sentir…
Et que penser du traumatisme de la fessée, de la peur que nous avons qu’il ne comprenne pas notre
amour à son égard ?
Et la loi… cette fameuse convention internationale qui a donné des DROITS aux enfants ? Accorder
des droits à son enfant tout en lui enseignant ses devoirs : quel casse-tête… !!!...
J’arrive au terme de mon article, et je ne voudrais pas vous laisser dans le désespoir !
L’expérience m’a enseigné que l’éducation d’un enfant est finalement SIMPLISSIME lorsqu’on est
parents.
Parce que justement nous sommes PARENTS. Et c’est grâce à lui que nous le sommes devenus.
Un seul mot, mais oh combien riche et dense, représente la clé de cette œuvre unique et sublime : il
est plus vieux que l’enfance, que la fessée elle-même. C’est l’AMOUR
Mais n’oublions surtout pas d’aimer. C’est dans ce dictionnaire de l’amour que nous trouverons en
toute occasion, la plus sûre méthode d’éducation.
Michelle MAS
Médecin de santé publique et de l’Education Nationale
Conseiller Technique Inspection Académique de l’Eure
Mai 2010