Jerusalem The Pelican, The Servant, and the Mission 1. The Grand
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Jerusalem The Pelican, The Servant, and the Mission 1. The Grand
Jerusalem The Pelican, The Servant, and the Mission (Bethesda Session, Jerusalem 2014) 1. The Grand Pelican Giuseppe Locati On Friday 21st November 2014, after the midday meal and despite the rain and the cold, I go down to the Basilica of Nations or Gethsemane near Jerusalem. There is practically nobody in the Basilica at this hour except for a pilgrim kneeling on the left side of the columns and from time to time, a veiled Ukrainian woman comes in and out. I cross through the altar rails into the sanctuary and seat myself close to the traditional rock where Jesus prayed in agony before the imminent end of his life. The rock is enclosed in a crown of thorns interlaced in wrought iron and silver about a foot high and slightly inclined towards the interior. My gaze moves from the rock and focuses on the door of the tabernacle. I see the wings and a bird that looked like a pelican. I wait for the return of the Franciscan in charge of the Basilica and ask permission to get closer, to observe and to photograph the tabernacle. It is indeed a pelican but I do not succeed in getting a clear photo because of the many reflections even after switching off all the lights in the cupola. I ask Jean Ronayette to take the photos as he has a more sophisticated camera. On one of the photos, I clearly see the image of the Pelican leaning forward to feed its young. Immediately, my memory calls up the image of the pelican, which is at the heart of the missionary symbolism of the Missionaries of Africa. No member can ignore its deep meaning: to give his life. Left: The pelican on the door of the tabernacle in Jerusalem. Right: The pelican (a picture in the house of the Abizeramariya Sisters in Goma). The Phoenix, which rises from its ashes, is a symbol of the Risen Christ. The Lamb has a messianic significance. The Greek word for fish includes the name and title of the Christ. So, the Pelican, which opens its side to feed its young with its blood, is a symbol of Christ who, at the Last Supper, opens his flesh and gives his Body and Blood to the disciples. It is also an icon of the Crucifixion. The symbolism of the Pelican with its spirituality is “to lose one’s life and give it over as a gift to God and to humanity.” It also has a meaning “to continually feed those we have begotten in the faith.” Finally this symbolism is for me (and us) a strong invitation to have the confidence and courage to “follow and go up with the Great Pelican to Calvary and allow ourselves to be crucified for the world” and so join in his sufferings. “Now I rejoice in my sufferings for your sake, and in my flesh I am filling up what is lacking in the afflictions of Christ on behalf of his body, which is the church” (Col 1, 24). The Basilica of Gethsemane is at the heart of our Missionary of Africa identity. Photo 3 : le Dernier Souper (Couvent Franciscain S. Sauveur à Jérusalem) La figure de Marie est à droite du Christ dans le tableau. 2. The Suffering Servant On Tuesday 25th, around 18.30, I go to the Basilica of the Holy Sepulchre to pass the night. It is a new experience for me: to spend the whole night in the Aedicule which is the burial chamber of Christ in the Holy Sepulchre and in the Chapel of the Crucifixion. A group of Russian contemplative nuns also enter around 19.00. They go to adore and pray at the Stone of Anointing. After the closing of the main door, I stay in the Crucifixion Chapel. My retreat in Jerusalem from the 22nd to the 30th September had begun with Philippians 2, 6-11 which sent me to study Isaiah 52:13-53:12 which is the fourth song of the Suffering Servant. How is it possible that a man could take it upon himself the suffering and pain of the world and that he allows himself to be pierced for our crimes? “The punishment which gives us peace” (Is 53, 5) fell on this man who could not be anybody else but God himself, made visible in the flesh of our flesh, the Word who lived among us. This text of Isaiah shakes me and enters into me like the wind of the sea at Askalon. In my mouth, it tastes sweet as honey but in my bowels as bitter as gall. I have read this text dozens of times in my life without really ‘listening.’ That night, I am seduced, seized and shaken. They are not pious emotions or a religious oddity, or the seeking of a sorrowful spirituality for its own sake, nothing like that! It touches the deepest part of my being. The sense that I have given to my life has been put into question. I feel that I can no longer be the same man as before if this prophecy of the Suffering Servant remains engraved on my skin. Outwardly, nothing has changed but in reality, everything begins to change in me. Tomorrow morning I will go out a ‘new’ person from this Basilica. The experience has completely bowled me over. Is that why the Lord called me to Jerusalem? Right : The Crucified “Per Crucem, ad Lucem.” Left : the ‘Mater Dolorosa’ between the Chapel of the Crucifixion and the Chapel of Calvary. I walk a bit. I eat the sandwich prepared by the Sisters of the Work. At 23.00 hours, the Orthodox, Armenians, Copts and Franciscans celebrate the ritual of the incense in which all the chapels are incensed as well as night prayer. I participate at the night prayer of the Franciscans in the Chape l of the Apparitions. I stay in the Basilica until four o’clock in the morning. Samedi 29 novembre : Manolo Fernandez et moi, nous sommes partis à la Basilique du Sépulcre pour y veiller la nuit. Nous avons suivi chacun un parcours méditatif différent, tantôt à la Chapelle de la Crucifixion ou du Calvaire tantôt dans l'Edicule du Sépulcre. La fatigue me prend depuis le début, je ne tiendrai pas longtemps, ma « lutte avec Dieu » sera défaillante. Chaque samedi a lieu la liturgie eucharistique orthodoxe vers minuit. Cette nuit, la Messe orthodoxe ne finissait plus. Je me suis retiré derrière les colonnes entre la Chapelle des Apparitions et la Chapelle de Sainte-Hélène. Je me suis assis et couvert avec le capuchon à cause du froid. Manolo m'a rejoint pour me dire qu'il n'y avait plus assez de silence dans la Basilique. Moi, je ressentais beaucoup de froid. Il est 2h du matin, nous décidons de rentrer. Personne dans les rues ! 6. La Déposition de la Croix. 7. Dans le Jardin de Gethsémani : « Par ses plaies nous sommes guéris ». Dimanche 30 novembre : ce soir nous sommes six de la session à nous rendre à la Basilique du Sépulcre. Je suis avec les abbés Wellars Uwamungu du Rwanda et Salvator Niciteretse du Burundi ; les religieuses Anick Sandwidi (Immaculée Conception) du Burkina, Elzbieta Rogowska (FMM) de la Pologne, M-Thérèse Diouf (I. C.) du Sénégal. La consigne était le silence total entre nous. A la différence d'hier, j'ai bien tenu jusqu'à minuit, je n'ai pas accusé de fatigue. Une grande beauté se dégageait de la pénombre de l'Edicule du Sépulcre et de la Chapelle du Serviteur Crucifié! Un espace infini se dessinait dans l'âme ! J'accueillais le silence séculier des colonnes et des murs, témoins de mille événements ! Je me voyais détaché des entraves du passé et des inquiétudes pour l'avenir ; j'étais la biche en train de boire à la Source éternelle ; comme une brebis, je me laissais porter par les bras du Berger ! La « lutte avec Dieu » donnait son fruit et aboutissait au don du Shalom, la Paix messianique ! Quels chagrin et peine à la seule pensée que demain matin je quitterai cette Basilique et je n'y reviendrai plus ! Le franciscain Giuseppe de Brescia nous a appelés pour chanter le Nocturne avec eux. Tout en latin, sauf les lectures ! Il y a de la qualité dans leur manière de psalmodier les versets, un style virile, un tonus « andante con brio », une harmonie des voix; j ' y vois de la finesse, de l'envergure, de la régularité qui séduit la musique intérieure de l'âme ! La procession des franciscains pendant le chant du Nocturne. 9. Les colonnes. 10. L'acolyte arménien. 11. Le groupe des cinq compagnons avec moi. Vers une heure du matin, je ne tenais plus à cause du sommeil qui m'envahissait, j'ai pris la couverture et j'ai dormi près de la Crucifixion. Peu après, au réveil, j'ai vu que mes compagnons s'étaient tous endormis aussi. Le froid et l'humidité des lieux m'ont obligé à marcher pour me réchauffer. A 4 h, nous sommes sortis de la Basilique. J'ai fait mes adieux aux Chapelles de la Crucifixion et du Calvaire, et à la Mater Dolorosa. J'ai embrassé le portail, je m'en allais non sans peine... Le premier mois de la session Bethes da, j'étais occupé à courir dans les boutiques du souk palestinien ou à découvrir de nouveaux lieux pour les photos ; le deuxième mois, je me suis arrêté souvent dans les églises pour prier et intérioriser la spiritualité et la mémoire de ces lieux saints ; seulement le troisième mois, j'ai plongé dans l'abyme de Dieu et j'ai eu la surprise que je ne m'attendais pas. Cécité de l'homme que je suis pendant le premier mois, patience de Dieu à mon égard le mois suivant, grâce sur grâce le troisième mois ! 3. La Mission Jeudi 4 décembre, je quitterai Jérusalem pour rentrer à Goma (R.D. Congo). Je me sens «détendu, libre, aéré ». Paradoxe de la foi : la nuit du Sépulcre m'a libéré et amené au Jour! Goma est une mosaïque d'actes de générosité et de bonté qui ne font pas de bruit (orphelinats, foyer d'accueil de femmes en détresse, hôpitaux, maternités, associations de solidarité et entre voisins de maison) mais aussi un marécage de bolges dantesques : la corruption, l'indifférence à haut niveau face aux petits, le méli-mélo des promesses publiques fumeuses comme le volcan Nyiragongo, le manque de transparence, les détournements, l'impunité. En arrivant à Goma, quelle sera maintenant ma réaction face à tout cela ? La guerre ? Le compr omis ? Le silence ? L'indifférence ? La fuite ? Cette nuit, j'ai déposé l'arc, les flèches, le bouclier et l'épée, et même le javelot, j'ai renoncé à toute cuirasse et jarret en fer, tous ces équipements propres aux guerriers ne m'intéressent plus ! Je laisse derrière moi les Samson et les Goliath des récits bibliques avec leurs mâchoires d'âne et les casques de bronze. A quoi sert la guerre si non à nous détruire les uns les autres ? C'est quoi une mission portée avec aigreur d'esprit, mépris des adversaires (ou des confrères) et rejet des ennemis ? Je ne choisis pas non plus la passivité, l'absence du terrain de bataille, le confort dans un bureau, un chemin homilétique à la chapelle Lavigerie sans un suivi dans l'action, je ne veux pas rester les bras croisés, les yeux entrouverts pour faire semblant de ne pas bien voir, la bouche muette par peur des « grands » de ce monde et de l'Eglise. Et qui est vraiment grand en ce monde et en notre Eglise : l'oppresseur ou l'artisan de justice et de paix ? L'Homme sur la croix était muet comme la brebis devant les tondeurs, il n'a pas perdu son temps avec les raisonneurs à l'esprit tordu et prêts à toute sorte de question genre talmudique ou de polémique stérile, il n'a pas écrasé les roseaux brisés (= les paumés de l'histoire) et éteint les mèches encore fumant (ceux qui avancent dans le chemin de Dieu malgré leurs vulnérabilités), il a choisi de faire triompher le bon droit de Dieu sur la terre. Quelqu'un dira : Quelle naïveté de sa part ! Nous savons tous que son ministère messianique s'est terminé sur la croix ! Oui, mais..., il y a un « mais » : si au lieu de naïveté nous parlions de la confiance que le Serviteur Souffrant et Crucifié a voulu donner à chacun des hommes, si nous parlions de ses deux mains et bras ouverts qu'il a voulu tendre à chacun pour l'embrasser, si nous parlions de ses yeux compatissant à l'égard des brebis errant que nous étions tous et sans exception... ? Alors l'optique de l'histoire change ! Les gagnants ne sont pas les bourreaux des innocents la veille du Grand Sabbat mais le seul vainqueur est l'Agneau, Lui, le Crucifié et le Vivant après l'exil de la mort chez les pécheurs. Les fils des ténèbres ont gagné pour un jour, le Fils de l'homme règne pour l'éternité ! Il est Vainqueur par la force de l'Amour plus fort que la haine ! L'histoire n'appartiendra plus aux puissants tonitruant sur les trônes de la terreur mais aux doux (ceux qui renoncent à riposter aux provocations avec d'autres provocations) et aux affamés et assoiffés de la justice qui vient de Dieu (sa fidélité à ses engagements) qui ont suivi l'Agneau jusqu'à la fin ! Ceux-ci seulement verront face à face le Serviteur Glorieux ! Phot 12 : le Christ est Vivant (tissu brodé et placé dans la chambre mortuaire du Sépulcre). Je comprends que la mission commence par la conversion en moi-même, c'est la conversion la plus difficile, la plus résistante, la plus épineuse. Dans ma vision de la « conversion », il ne s'agit pas d'un changement moral ou psychologique ou intellectuel. La conversion est un bouleversement existentiel qui ébranle nos assises de tout genre, surtout l'égocentrisme sournois qui réduit la mission à une vision personnelle et terrestre des choses de la vie et la soif de dominer sur les autres. J'ai renoncé aux armes du guerrier mais je renonce aussi à la séduction de jouer au protagoniste, à l'activisme, à me mettre en vedette, à chercher absolument le consensus publique, à être mieux ou meilleur que... Franchement, toutes ces «ordures » ne m'intéressent plus ! Ma conversion ? Je peux seulement la recevoir du Serviteur Souffrant et continuer le chemin derrière lui, désarmé et avec une branche d'olivier dans la main, je ne sais pas où il me conduira mais je sais qu'il est là et au bout du voyage je verrai la grand surprise que Dieu a préparé pour ceux qu'il a choisis depuis toute éternité. Adieu, Jérusalem ! Je m'en vais à Goma, réchauffé par les rayons du Soleil qui a visité la session Bethesda et la Jeunesse de Dieu qui nous a tous rajeuni pendant trois mois. Merci aux Anges, aux Sages, aux Prophètes et Prophétesses que le Seigneur a envoyé parmi nous pour ouvrir des chemins nouveaux par leurs conférences ou leurs entretiens avec nous lors des visites aux sites archéologiques ! Je suis Missionnaire d'Afrique depuis « zamani » et pourtant pour la première fois j'ai découvert d'une manière intense d'avoir le cœur missionnaire du Pélican. Je présumais de « connaître » le Grand Mystère de la Foi par le ouï-dire, en fait je n'en savais rien ; maintenant les écailles sont tombées de mes yeux, j'ai vu et je crois! Je rentre à Goma réconcilié en Dieu avec mon passé, unifié en moi dans le temps présent et apaisé pour le futur qui m'attend. Si quelqu'un voudra me faire la guerre pour mes prises de position dans les Camps des déplacés ou dans l'Eglise à laquelle j'appartiens, je ne riposterai pas et je demeurerai silencieux comme le sable du Néguev. J'ai exploré en long et en large le pays de Canaan et je ramène à Goma les trois fruits précieux que j'ai trouvé et ramassé : la figue (la douceur de l'envoyé), le raisin (la joie du disciple), la grenade (la fécondité de l'apôtre). Qu 'ils sont beaux les pieds du messager qui vient de la montagne et annonce la paix ! Il s'en va, il s'en va en pleurant et portant la semence ; il s'en vient, il s'en vient en chantant et rapportant ses gerbes.... Photo 13 : la figue : la douceur de l'envoyé Photo 14 : le raisin : la joie du disciple. Photo 15 : la grenade : la fécondité de l'apôtre. Giuseppe Locati m.afr. (3, fin) Lundi 1 décembre