Budget culturel européen pour 2014/2020 : +36,75%

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Budget culturel européen pour 2014/2020 : +36,75%
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Proposition de la Commission européenne
Budget culturel européen pour 2014/2020 : +36,75% ?
En pleine crise économique et financière, la Commission européenne a rendu publique, le 29 juin
2011, une proposition budgétaire
pour la période 2014/2020 en forte
augmentation. La proposition le
chiffre à 1,6 milliards d’euros alors
que, selon Relais Culture Europe, il
n’était que de 1,17 milliard d’euros
(400M€ pour le programme Culture, 755M€ pour le programme Media et 15M€pour Media Mundus)
pour la période 2007/2013…, soit
une augmentation de +36,75%
(même si tout porte à croire que le
sous-programme Media bénéficiera
de l’essentiel de l’augmentation).
Aujourd’hui, cette proposition entre
dans le cycle de discussions et de négociations qui doivent aboutir à son
adoption par l’autorité budgétaire
de l’UE constituée du Conseil et du
Parlement européens. La confirmation – ou infirmation – devrait être
connue le 29 novembre.
Proposition de budget 2014/2020
de la Commission européenne
Pour la commission, l’augmentation de l’ef-
fort culturel suppose que l’Union européenne retrouve
l’esprit budgétaire de ses fondateurs, celui de fonctionner sur des ressources propres. Or, « aujourd’hui, plus
de 85% du financement de l’Union européenne est fondé
sur des agrégats statistiques dérivés du revenu national
brut (RNB) et sur la TVA, éléments que beaucoup d’Etats
membres assimilent à des contributions nationales qu’il
s’agit de minimiser. Cet état de fait a donné naissance à
une attitude résumée par l’expression ‘‘I want my money
back”, qui met à mal la raison d’être d’un budget commun et remet en cause le principe fondamental de solidarité qui sous-tend l’Union. »
Pour créer des ressources propres à l’UE, la proposition
de budget pour 2014/2020 se fonde donc sur une taxe
sur les transactions financières (à la seule échelle européenne puisqu’à ce jour, les autres puissances économiques y sont réticentes) et une nouvelle ressource TVA.
D’où la proposition, conjointe au projet de budget, d’un
texte législatif et d’un appel à une conférence interparlementaire avec les parlements nationaux pour débattre de
cette question décisive.
‘‘Europe créative”. Pour le budget précédent (qui vaut
jusqu’en 2013), l’enveloppe budgétaire culturelle était
divisée, fonds structurels non compris, en trois programmes : ‘‘Culture”, ‘‘Médias” ‘‘Médias Mundus” (ce
dernier programme étant destiné à accroître la compétitivité et la diversité de l’industrie audiovisuelle européenne afin de permettre à l’Europe de jouer plus efficacement son rôle culturel et politique dans le monde).
Pour la période 2014/2020, la Commission européenne
estime nécessaire de procéder à « une profonde simplification de l’utilisation des fonds » qui, pour ce qui est de
FNCC
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Proposition de la Commission européenne. Budget culturel européen pour 2014/2020 : +36,75% ?
la culture, se traduira par la mise en place du
programme unique ‘‘Europe créative”, doté de
1,6 milliard d’euros (l’éducation et la formation étant dotées d’un budget de 15,2 milliards
d’euros).
Externalisation de la gestion des budgets. A
ce regroupement, la Commission ajoute des
mesures d’externalisation vers des « agences exécutives existantes » dont les mandats
seraient revisités. « C’est la voie choisie, par
exemple, pour des propositions relatives aux
programmes pour l’éducation et la culture. »
Ainsi, l’agence Education, audiovisuel et
culture (EACEA) centralisera l’emploi du
budget culture, la Commission ne se réservant
qu’un petit nombre d’actions d’ordre symbolique, notamment les Capitales européennes de
la culture, les prix culturels de l’UE, ou encore
les actions communes avec des institutions
internationales.
Enfin, « un instrument financier novateur »,
géré par le groupe BEI (Banque européenne
d’investissement, dont l’objet est de soutenir
les investissements des petites et moyennes
entreprises) sera chargé d’apporter des capitaux
propres et des capitaux d’emprunt aux industries culturelles et créatives afin de « lever l’un
des principaux obstacles au développement de
contenus culturels et créatifs, à savoir l’accès
au financement, et de toucher des industries
culturelles et créatives qui ne bénéficient pas
du soutien d’autres programmes européens ».
Les objectifs. Dans sa proposition, la Commis-
sion souligne que son « ambition concernant
le prochain budget de l’UE est de dépenser
différemment, en mettant davantage l’accent
sur les résultats et la performance ». En termes
de culture, les notions de résultat et de performance peuvent être définies de multiples
manières... La crise ‘‘aidant’’, l’interprétation
retenue est évidemment celle de générer des
retombées économiques. Ce qui est le sens de
l’adjectif Europe créative – la création culturelle est créatrice de richesses – et conduit
naturellement l’UE à porter son effort principalement sur les industries culturelles. On peut
noter que cette approche entre en résonnance
directe avec l’un des quatre ‘‘scénarios” d’ave-
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nir de politiques culturelles publiques décrites
par le DEPS (Département des études, de la
prospective et des statistiques du ministère de
la Culture) dans son étude prospective Culture
et Média 2030. C’est le scénario titré « l’impératif créatif » qui, imaginant un renforcement de la dimension communautaire, décrit
un engagement fort de l’UE pour la culture
qui s’organise autour « d’actions structurelles
au sein d’un marché intérieur des industries
créatives concernant les atouts patrimoniaux
[industrie touristique] et les industries culturelles, dans une perspective de déploiement
des exportations, mais visant aussi une politique territoriale [européenne] coordonnée. » Et
le DEPS clôt le chapitre sur ‘‘l’impératif créatif” par cette note : ce choix « laisse toutefois
les milieux artistiques et culturels sceptiques
quant à leur instrumentalisation »…
Inquiétudes. En effet, on constate déjà une
certaine inquiétude des artistes vis-à-vis des
grandes orientations de cette proposition de
budget. Ainsi, l’association Culture Action
Europe (qui regroupe 100 membres et représentent plus de 50000 acteurs artistiques et
culturels de l’Europe et au-delà) écrit : le programme « ‘‘Europe créative” est pour l’instant
défini principalement en termes de soutien
aux industries culturelles et créatives, orienté
fortement vers un objectif de croissance économique. Cette vision réductrice du secteur
soulève de nombreuses questions. »
La lecture de la proposition de la Commission
peut, de fait, expliquer ces craintes : « L’aide
financière de l’UE en faveur des activités
culturelles et des médias soutient le patrimoine culturel commun des Européens et vise
à accroître la circulation des œuvres européennes créatives tant à l’intérieur qu’à l’extérieur
de l’UE. […] Le rôle économique croissant
du secteur des industries culturelles et créatives s’inscrit très largement dans le cadre des
objectifs de la stratégie Europe 2020. »
Ajoutons que la satisfaction manifeste de
l’Office européen de la musique (EMO), qui
se félicite de cette aide envers les ICC (Industries culturelles créatives) et met en avant leur
potentiel de croissance, d’innovation et d’em-
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FNCC
ploi, peut confirmer les craintes d’un délaissement du versant non industriel des arts et de
la culture.
constate en effet que, par exemple, de nombreux programmes ‘‘compétitivité régionale”
FEDER peinent à l’être.
Les fonds structurels – Feder, Leader+ –
De ce dernier point de vue, la prise en compte
des crédits de l’UE par les collectivités territoriales a sans doute un rôle majeur à jouer. Les
choses semblent ici avancer, comme en témoigne la Déclaration d’Avignon 2010 à propos de
l’Europe adoptée à la suite du séminaire intitulé ‘‘Les Rencontres européennes : Europe,
Culture, Territoires”. Un texte qui souligne
l’importance de la culture dans la construction d’une citoyenneté européenne, affirme le
rôle qu’ont à jouer les collectivités territoriales, demande que « les prochains programmes
d’action de l’Union européenne, traduisent,
tant sur le plan des objectifs que sur celui des
moyens, cette vision d’une politique culturelle
forte, levier des transformations à venir » et
s’engage à y œuvrer.
constituent l’autre grande source des financements culturels européens. En effet, à l’instar
des CUCS français (contrats urbains de cohésion sociale), ces fonds comportent des parts
de budgets pouvant bénéficier à des actions de
nature culturelle mais dont la finalité générale
est autre.
En 2009, la Commission européenne avait
évoqué la suppression des fonds structurels,
provoquant immédiatement de nombreuses
réactions négatives. L’idée semble aujourd’hui
abandonnée. Cependant, la question reste de
l’usage culturel à venir des fonds structurels.
Quoi qu’il en soit au final des arbitrages définitifs, une « profonde simplification » s’impose, laquelle « passera nécessairement par
une mise en commun des efforts déployés par
toutes les institutions pour réviser à la fois les
dispositions générales du règlement financier
et les règles sectorielles en cours d’élaboration ». Ces formulations peu explicites laissent
présager des débats délicats quant au degré de
soutien des versants culturels des fonds structurels.
Le rôle des collectivités. Malgré ces réserves
et surtout malgré l’incertitude quant à l’issue
de l’instauration d’une taxation des transactions financières, on ne peut que se féliciter de
constater la perspective d’accroissement très
significatif de la part dédiée à la culture, et ce
alors même qu’un grand nombre de démocraties européennes – mais non la France – ont
procédé à des fortes restrictions de leurs budgets culturels nationaux. Reste que les crédits
européens doivent être ‘‘consommés”. On
FNCC
Enfin, ne pourrait-on imaginer que la FNCC
engage un contact avec le Comité des régions
de l’Union européenne, une instance composée de 344 membres, dont 24 français (mais
aucun dans sa commission culture) ? Cette
instance n’est certes que consultative, mais le
Conseil de l’Europe ainsi que la Commission
européenne ont obligation d’en prendre les
avis, notamment sur les questions relatives à
l’éducation et à la culture. A noter également,
le travail de lobbying du Conseil des communes et régions d’Europe (association fondée dès
1951), de l’Assemblée des régions d’Europe
(1985) ainsi que de la Maison européenne des
pouvoirs locaux français, à Bruxelles. Autant
de structures faisant entendre la voix des collectivités auprès des instances européennes et
dont la culture pourrait bénéficier.
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Vincent Rouillon
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