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Découverte de la filière
automobile en Artois
Le 13 novembre dernier, les chambres de Commerce et d'Industrie d'Arras, Béthune et Lens
organisaient une journée destinée à la promotion de la filière automobile dans la région. Dans
le contexte actuel, cette initiative prenait une dimension particulière, permettant de jauger les
atouts et les difficultés d'un secteur particulièrement malmené en ce moment.
Arras (62). À la différence de certaines régions où l'emploi repose sur une activité quasi unique liée à une spécialisation historique des acteurs du territoire, l'Artois
bénéficie d'un tissu industriel varié. Dans ce contexte,
l'automobile représente environ 10 000 emplois directs
sur les deux cents à deux cent trente mille que compte
la région. Afin d'évaluer correctement le poids du secteur sur le bassin d'emploi, il convient toutefois d'y ajouter quelque cent mille emplois indirects induits par la
présence des acteurs du secteur automobile.
Cette situation est beaucoup plus confortable que celle
d'autres bassins presque intégralement axés sur l'automobile. Cela peut expliquer le maintien de cette journée
malgré l'entrée du secteur dans une période peu favorable, et les conséquences prévisibles qu’aura la mévente
sur le tissu industriel français. L'organisation même de
la filière lui permet de mieux résister à la crise : par la
modernité des usines récemment implantées fruits d’in-
DR
Opération d'emboutissage réalisé sur une presse transfert Komatsu par UM Corporation à la cadence
de 26 à 27 coups par minute
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vestissements conséquents, par la mise en place de centres de recherche publics/privés ainsi que par des
actions de formations adaptées.
L'attractivité de la région est certainement à l'origine de
cette situation particulière qui ne profite malgré tout pas
à tous les acteurs du domaine. Ainsi, le fabricant de
pneumatiques Bridgestone installé à Béthune a finalement renoncé à nous ouvrir les portes de son centre de
production, afin de s'assurer le contrôle de sa communication à la suite de l'annonce, la veille de notre venue,
de mesures de chômage partiel visant à adapter la production à la baisse de la demande.
Des entreprises de renom
Au-delà des facteurs conjoncturels mondiaux qui échappent à tout contrôle local, l'Artois possède quelques
entreprises de première importance comme la
Française de Mécanique, spécialisée dans la fabrication
de moteurs, des équipementiers intérieurs tels que
Faurécia, IGA, APN, Visteon, Plastic Omnium ou encore
Bv production pour la fabrication des sièges, des équipementiers mécaniciens à l'image de Bosal, STA et
Akebono auxquels il ne faut pas omettre d'ajouter UM
corporation et Durisotti sur lesquels nous reviendrons
plus en détail.
Par ailleurs, le secteur est renforcé par la présence de
sociétés spécialisées dans les domaines du poids lourd et
du BTP comme Benalu, pour les bennes en alliages
légers, MSI pour la forge, Barre en carrosseries isothermes… ou encore Caterpillar et qui dispose d'une
usine de boîtes de transmission.
Il est important de noter que ces activités manufacturières sont appuyées par des entreprises d'ingénierie et
de recherche venues s'implanter sur le territoire, offrant
ainsi une proximité stratégique aux entreprises de production. Comme la société Namkey sise à Lens, ou
Visteon sur Harme, sans oublier les centres de
recherche appliquée tels que le CrittM2A dans le
domaine des moteurs et de l'acoustique, et le Crepim
qui œuvre dans le domaine de l'ignifugation des matériaux.
Les facteurs qui ont favorisé l'enracinement des acteurs
du domaine automobile, sont la proximité des marchés
liée à la situation géographique de l'Artois et à la qualité
des infrastructures routières. En effet, six autoroutes placent les sites de grands constructeurs tels que Peugeot,
DR
ce qui nous a permis de valider la production et de réussir à livrer les premières pièces bonnes sur 2003”,
raconte Frédéric Chausson, directeur administratif et
financier de l'entreprise. Bénéficiant de marché dédié,
UM Corporation voit rapidement croître son chiffre d'affaires à 9,8 millions d'euros en 2004, 20 en 2005, 31,9 en
2006 pour atteindre 39,3 millions d'euros l'an passé.
Précisons que, sur la période, l'entreprise n'a pas cessé
d'investir et que la mise de départ de 19500 kilo-euros
est aujourd'hui passée à 30000 kilo-euros. Au menu, il y
a la mise en place d'îlots de montage robotisés et le
rachat des terrains à Arcelor qui en était toujours propriétaire.
Un atelier moderne et compétitif
Une nouvelle surface de bâtiments est en cours de réhabilitation, afin d'accueillir pas moins
de 5 nouveaux îlots de montage dans le cadre d'un nouveau programme de véhicule.
Fiat, Citroën PSA Volkswagen, Ford, Daf, Volvo,
Toyota…à moins de 4 heures en camion. La diversité du
tissu industriel représente également un point captial,
donnant la possibilité aux donneurs d'ordre de trouver
des compétences dans les domaines de la mécanique,
des matériels électriques et informatiques, de la transformation des plastiques et des textiles… le tout dans un
rayon de 100 km.
Une friche industrielle revitalisée
Parmi les entreprises qui se sont implantées de récemment dans la région, le cas de la société UM Corporation
est significatif. Elle est née en 2003 d'une joint-venture
entre le japonais Unipres Corporation et l'italien MA,
dont la société mère est CLN Spa fondée par M.
Magnetto en 1948. Les deux groupes, qui totalisent 5200
personnes dans le monde pour le premier et 4200 pour
le second, ne sont en fait pas concurrents. Unipres est
spécialisé dans la production de pièces de structure et
MA dans la réalisation des pièces de peau. À l'origine de
la création d'UM Corporation, les besoins de Renault et
de Nissan aboutissant au lancement de l'activité sur un
ancien site de production de Sollac. Au cours de l'année
2003, deux presses transfert de 1500 tonnes sont installées auxquelles une presse de découpe vient ensuite
s'ajouter. “Cette première année d'activité a été consacrée à la remise en marche de l'usine et la mise au point
des premières fabrications. Dès novembre, nous avons
lancé la production des pièces de la Micra UK de Nissan,
L'outil de travail a joué un rôle capital dans la réussite
de l'entreprise, et la cadence de 26 à 27 coups par
minute, que nous avons pu constater sur une des
presses-transfert de 1500 tonnes réalisant un emboutissage profond, est un exemple pertinent de performance
de production. À cela, s’ajoute les systèmes de changement rapide d'outils qui équipent les trois lignes d'emboutissage, les deux presses-transfert d'origine ayant été
rejointes par une presse Rovetta de 1000 tonnes. La présence de ces équipements permet au personnel de réaliser les changements de production en 8 à 12 minutes.
Ce qui est particulièrement efficace sur ce type de
machines réputé pour son manque de souplesse.
Six autoroutes placent les sites de grands
constructeurstels que Peugeot, Fiat, Citroën PSA
Volkswagen,Ford, Daf, Volvo, Toyota…
à moins de 4 heures en camion.
Côté approvisionnement, les flans découpés sur la 600
tonnes sont empilés puis placés dans les dépileurs automatiques des presses-transfert. Les compagnons n'ont
ainsi qu'à assurer le déchargement des machines et le
rangement en conteneurs. En fait, car l'entreprise a mis
en place des procédures d'autocontrôle de la production.
Celui-ci est réalisé par prélèvements réguliers de pièces
au sein de la production. Les équipiers disposent de
gabarits pour réaliser les vérifications nécessaires à la
validation de la production.
Concernent l'atelier d'assemblage, il est actuellement
constitué de neuf îlots robotisés. Ainsi, les pièces produites en emboutissage sont utilisées pour réaliser des
sous-ensembles livrables aux différents clients de l'entreprise.
Ce type d'investissement est particulièrement stratégique dans le contexte actuel de production, car il offre
l’opportunité à UM Corporation de proposer une prestation complète à ses clients et d'apporter une forte valeur
ajoutée aux pièces. L'équation semble réussir, car une
nouvelle surface de bâtiments est en cours de réhabilitation, afin d'accueillir pas moins de 5 nouveaux îlots de
montage dans le cadre d'un nouveau programme de
véhicule.
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Certes, la crise actuelle du secteur n’est pas de bonne
augure pour l'avenir, mais les dirigeants semblent
confiants, expliquant que le chiffre d'affaires devrait
cette année stagner autour du niveau de l'an dernier, et
qu'il s'agit d'un résultat conforme aux prévisions.
D'autre part, un programme d'amélioration continue va
être lancé dans les semaines qui viennent, avec entre
autres comme objectif de ramener le niveau des stocks
à 2 jours de production au lieu des 4 actuels.
treprise nous explique : “si Durisotti est spécialisé dans
la transformation de véhicules utilitaires, nous avons en
fait aujourd'hui trois métiers complémentaires. Le premier est l'adaptation de véhicules au transport de personnes. Le second, la modification des véhicules destinés aux services de sécurité territoriale (police,
gendarmerie, pompier) et aux administrations, dont la
DDE est la plus visible. Le troisième métier est celui de
sous-traitant de transformation et d'assemblage pour les
constructeurs automobiles”.
Un carrossier aux méthodes industrielles
C'est en 1956 que les établissements Durisotti s’établissent à Sallaumines, afin d'assurer l'entretien des cars de
ramassage des employés des filatures. Face au déclin de
la filière, les deux frères fondateurs, Bruno et Louis
Durisotti, s'orientent vers la transformation d'utilitaires,
et procèdent au premier allongement de la Peugeot J7.
Pari osé et original à l'époque, ce tournant se concrétise
en 1973, lorsque le carrossier est retenu par la ville de
Stockholm pour la réalisation de 110 véhicules adaptés
au transport des personnes à mobilité réduite, sur la base
de fourgons Renault Master. Cette reconnaissance de
savoir-faire par un pays étranger marque une étape
majeure pour l'entreprise qui commence à prendre une
place de plus en plus importante sur le territoire français, en devenant tout d'abord sous-traitant pour les
constructeurs, puis en prenant des marchés institutionnels. Jean-François Durisotti, directeur général de l'en-
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“Si Durisotti est spécialisé dans la transformation de véhicules utilitaires, nous avons en fait
aujourd'hui trois métiers complémentaires. Le premier est l'adaptation de véhicules au transport de
personnes. Le second, la modification des véhicules destinés aux services de sécurité territoriale et
aux administrations et le troisième sous-traitant de transformation et d'assemblage pour les constructeurs automobiles”, Jean-François Durisotti.
La crise actuelle du secteur peut faire craindre
pour l'avenir, mais les dirigeants d'UM
Corporation semblent confiants, expliquant
que le chiffre d'affaires devrait cette année
stagner autour du niveau de l'an dernier, mais
qu'il s'agit d'un résultat conforme aux prévisions.
Dans ce dernier domaine, Durisotti intervient dès que
les tailles de séries concernées sont trop faibles pour justifier une industrialisation par le constructeur. Le
groupe, qui emploie 580 salariés répartis sur trois sites
(Sallaumine, Metz et Agen), justifie d'un fort savoir-faire.
“Nous sommes sur des activités où l'humain a une place
importante, et où l'expérience des compagnons est un
facteur primordial de compétitivité”, confie JeanFrançois Durisotti. Il est d'ailleurs important de signaler
que la totalité des éléments, nécessaires à la transformation des véhicules, est conçue en interne, et qu'une
bonne part est réalisée elle aussi sur place. Les seuls éléments confiés à l'extérieur sont des équipements qui
demandent des moyens spécifiques et lourds. Par exemple, certaines pièces injectées, mais Durisotti conçoit et
réalise tout de même les moules de ce type de pièces.
L'aspect conception est par ailleurs un point fort pour
l'entreprise. Le fait d'en réaliser la totalité en interne
permet de capitaliser le savoir-faire de l'entreprise, en
mettant au point des concepts innovants. Il faut signaler,
dans ce domaine, la mise au point d'un standard de plancher spécifiquement adapté à l'aménagement de
camionnettes pour le transport des personnes à mobilité
réduite. Le dispositif offre une grille de fixation standardisée pour l'ancrage des fauteuils roulants. Ce sont ainsi
160 configurations qui sont offertes aux clients pour le
positionnement des attaches de fauteuils roulants.
Des investissements stratégiques en production
Bien que l'activité de carrossier soit fortement
empreinte d'opérations manuelles, et que la réalisation
des éléments additionnels de carrosserie soit, chez la
majorité des acteurs, obtenue par des moyens semi artisanaux, Durrisotti se démarque par l'utilisation de
moyens de production très industriels au sein de ses ateliers. Ainsi, l'atelier de tôlerie ne se contente pas des
équipements traditionnellement visibles dans ce type
d'activité. Pour commencer, l'entreprise s'est dotée en
pliage d'une presse-plieuse LVD, de type PPEB de 220
tonnes. Ce moyen de production haut de gamme est
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équipé du dispositif de mesure
d'angle Easy Form Laser, qui permet d'obtenir un angle conforme
dès la première pièce produite, et
ainsi d'éviter les pertes de
matière première dues aux
pièces de réglages.
Concernant la découpe des
pièces, c'est une poinçonneuse à
commande numérique qui est
venue remplacer l'ensemble des
équipements de cisaillage et de
grugeage. “L'arrivée de cette
machine nous a permis de réaliser d'importantes économies de
matière première grâce à une
rationalisation du placement des
pièces dans la tôle”, explique
Fra n ç o i s L o o r, D i re c t e u r
Commercial de l'entreprise.
L'utilisation d'un logiciel d'imbrication de pièces de différentes
références dans les flans de tôle
permet, en fait, d'optimiser de 30 Durisotti s'est équipé d'une cellule d'assemblage robotisée afin de réaliser l'assemblage des côtés de caisses de la version rallongée de la gamme
% la surface de tôle utilisable de Jumpy de Citroen, Expext de Peugeot et Fiat Scudo qui sont bâties sur la même base de châssis.
manière automatique, un travail
inconcevable manuellement dans des conditions éconoseul impact lié à cet investissement. En effet, l'implanmiquement rentables.
tation de la ligne de dégraissage et de phosphatation à 7
L'atelier est également équipé en cintrage à commande
étages a totalement fait disparaître l'usage des solvants
numérique, ce qui permet la réalisation de nombreuses
de dégraissage dans les ateliers, qui représentaient une
pièces de structure de façon automatique. Durisotti s'est
quantité encore plus conséquente de rejets que la peindonc placé dans une logique d'investissement fort au
ture elle-même.
cours des dernières années, mais l'investissement le
Une intégration de l'assemblage robotisé
plus remarquable est incontestablement la ligne de
dégraissage automatisé et de peinture électrostatique.
En complément de son activité classique, Durisotti s'est
équipé d'une cellule d'assemblage robotisée. Elle réalise,
“Nous sommes sur des activités où l'humain a
à l'aide de cet équipement, l'assemblage des côtés de
une place importante, et où l'expérience des
caisses de la version rallongée de la gamme Jumpy de
compagnons est un facteur primordial de
Citroen, Expext de Peugeot et Fiat Scudo qui sont réalicompétitivité”, Jean-François Durisotti
sées sur la même base de chassîs. “Nous sommes là dans
un cas typique de sous-traitance économique pour un
constructeur”, explique François Loor. “Car les volumes
Représentant à elle seule plus d'un million d'euros, elle
qui sont en jeux, sont de 30 à 40 véhicules jour en
a permis d'agir sur 2 aspects complémentaires. Tout
moyenne. Il s'agit d'une qualité qui n'est pas suffisante
d'abord, le fait de faire appel à une peinture de type
pour justifier un traitement économiquement viable
époxy accroît de manière significative la qualité des
chez un constructeur. Il nous fait donc parvenir les planpièces qui, en gardant des caractéristiques d'aspect très
chers et les côtés de caisses non assemblés. Nous procéélevées, bénéficient d'une résistance très supérieure.
dons à l'allongement et à l'assemblage de la caisse avant
“La technologie électrostatique représente également un
de retourner l'ensemble au site d'assemblage”. La modiatout important dans notre métier, en nous apportant la
fication ainsi gérée est plus facile à réaliser et permet
garantie d'une pénétration de la peinture, même dans
donc au constructeur d'arriver sur le marché avec un
les endroits non visibles”, explique François Loor. Auproduit moins cher. Ce type de production plus automadelà de la garantie anti-corrosion que Durisotti s'engage
tisé se prête tout particulièrement à la production de
à certifier dans les mêmes conditions que le construcvéhicules autour de 2500 à 3000 unités par ans, comme
teur, la nouvelle ligne de peinture améliore grandement
les équipements pour les forces de police ou de sécurité.
les pratiques sur le plan environnemental. Tout d'abord,
Elle signifie pour le carrossier un investissement situé
l'utilisation d'une peinture poudre en lieu et place d'un
autour de 1,6 million d'euros, qui confirme le dynaproduit de revêtement liquide réduit de manière non
misme d'investissement de cette entreprise familiale.
négligeable la production de Composés Organiques
Vincent Lebugle
Volatiles (COV) dans l'atmosphère, mais ce n'est pas le
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