William Sheller de passage à Genève

Transcription

William Sheller de passage à Genève
31 L ANGUE FRANÇAISE
Un concert présenté par JONAS FOLLONIER ET LORIS S. MUSUMECI
William Sheller
de passage à Genève
Une facette importante de la langue française, du moins depuis le XXème siècle, se devait
d’être traitée dans cette édition spéciale : la chanson française. Parmi les grands représentants de cette tradition artistique phénoménale, il y a William Sheller. Son style a le
mérite d’être à la fois classique et original ; nous sommes allés l’écouter au Théâtre du
Léman le 19 novembre dernier dans le cadre de sa tournée Stylus.
U n concert original
La sim plicité qui parle aux cœ urs
Nous nous attendions à ce que le chanteur de septante ans nous proposât des
chansons tirées de son dernier album,
mais étrangement, ce ne fut pas le cas.
Etrangement, car la tournée porte le
même nom que l’album ; étrangement
aussi, car Stylus est un opus absolument
sublime, si ce n’est le meilleur de William Sheller : construit sur la même
formule instrumentale que la tournée
(piano, voix, quatuor à cordes), l’album
réunit de véritables perles (Youpylong,
Bus stop, Les enfants du weekend, …)
que l’on aurait aimé entendre.
De Cuir de Russie à Un archet sur mes
veines en passant par Mon hôtel, toutes
les chansons de William Sheller concordent en un miracle, celui de la simplicité
qui s’adresse aux cœurs. Sheller réussit
ce pari fou de rendre par des mots simples la complexité des rêves, des images
floues, des sentiments inexprimables.
Ainsi en est-il de ces paroles : « J’voudrais leur dire une dernière fois bonsoir » (Les orgueilleuses), « Pour tout
vous dire, j’n’aime pas le soir qui tombe »
(Mon hôtel), ou encore « Maman est
folle / On n’y peut rien / Mais c’qui nous
console / C’est qu’elle nous aime bien »
(Maman est folle).
Nous comprenons rapidement la formule
de la soirée : avant chaque chanson, Sheller explique au public le contexte dans
lequel il l’a créée, entre souvenirs d’enfance et rêveries. L’émotion ne se fait
pas attendre avec comme premier titre
J’cours tout seul, bien connu du grand
public, et Nicolas, une pépite de 1980 qui
raconte l’histoire d’un enfant envoyé
dans un pensionnant. On ne regrette pas
la batterie de la version originale.
Le titre Simplement (1984) pourrait à
lui seul résumer la démarche artistique
de Sheller. Non seulement les paroles de
cette chanson, mais aussi sa musicalité,
montrent la simplicité qui caractérise
son art. En effet, la mélodie jouée au piano est proposée dans sa première pureté,
sans fioriture aucune, dégageant un parfum d’enfance et de sincérité. – Suite p. 32
Le Regard Libre | Décembre 2016 | Numéro spécial langue française
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Ce style particulier des chansons de William Sheller les rapproche des romantiques Fantäsiestücke de Schumann :
« Les Fantasiestücke exposent le réel
dans toute sa proximité, en morceaux.
Écoutons leurs titres : le soir, l’aspiration, les idées noires, la question, la nuit,
la fin du chant. Tout est simple, de cette
simplicité qui parfois épouvante. » (Michel Schneider)
Le bonheur m algré les souffrances
Les anecdotes partagées au public avant
chaque titre apportent une dimension
ludique et même comique à ce concert
qui aurait pu s’annoncer froid et austère.
Grâce à sa bonhommie et au sourire qu’il
cultive malgré une maladie qui le suit
depuis plus d’un an et qui l’a totalement
transformé physiquement, c’est tout le
contraire qui se passe : le concert n’est
pas froid, mais doux, chalheureux et intime.
seulement une conviction, mais aussi désormais une réalité vécue : le bonheur
malgré les souffrances. Contraint d’annuler plusieurs dates de sa tournée pour
cause de santé, Sheller est néanmoins
heureux dans sa vie, heureux de se produire à Genève, également, où l’interprétation de sa chanson Genève se dotait
d’une saveur particulière. Voilà bien
l’une des leçons des chansons shelleriennes : le bonheur est possible malgré
les aléas de la vie, voire peut-être grâce
à ceux-ci. Le bonheur consiste d’abord en
une quête, un regard déterminé, une volonté de vivre tout en étant lucide sur ce
qui nous attend : « Je veux être un homme heureux » nous répète Sheller à la fin
du spectacle, seul au piano cette fois. Le
trésor de l’homme, c’est sa volonté. Merci
William pour cette espérance et ces
grands moments d’émotion.
Et l’un des thèmes qui traverse toute son
œuvre semble être pour le chanteur non
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William Sheller aux victoires de la musique 2016, où il fut récompensé pour ses quarante ans de carrière
Le Regard Libre | Décembre 2016 | Numéro spécial langue française
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