Document complémentaire_III Reich et musique

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Document complémentaire_III Reich et musique
DOCUMENT COMPLÉMENTAIRE : Le IIIe Reich et la musique
• L’art dégénéré et l’art pur.
Tous ceux qui n’étaient pas allemands étaient considérés comme dégénérés. Leur musique est le résultat de déraillements. L’affiche
de Lothar Heinemann (cf. cours) illustre bien la pensée hitlérienne : l’Allemagne est le « premier peuple musicien de la Terre »
(Deutschland das Land der Musik). On ne compte plus, sous le III Reich, le nombre de pamphlets et dictionnaires antisémites. En
1940, le Dictionnaire des Juifs dans la musique marque l’aboutissement scientifique. L’expression « musique dégénérée » est choisie
pour ses connotations diffamantes, lors de l’exposition de 1938 à Düsseldorf. L’emploi de cette expression ne signifiait pas que cet art
était accepté et pouvait être revendiqué, bien que Ernst Krenek, Kurt Weill et Arnold Schoenberg dont la musique était supposée
dégénérée, considéraient que c’était rendre « un hommage en négatif ». Durant cette période, on peut distinguer des compositeurs
dits officiels, qui composaient pour le régime et dont l’Histoire n’a retenu aucun nouveau nom mais a gardé ceux déjà établis comme
Richard Strauss ou Orff, et des compositeurs, à l’inverse, exilés, proches d’Arnold Schoenberg pour la majorité, qui n’ont pas voulu
cautionner le régime. Dans cette dernière catégorie, il y a les exilés, comme Schoenberg qui vivra en Californie, et les exilés
intérieurs, qui « s’auto interdisent » comme Karl Amadeus Hartmann. Enfin, il y a les compositeurs juifs que le régime s’est attaché à
éliminer. Mendelssohn en est l’exemple même. Le troisième Reich tenta d’effacer sa mémoire, parce que de famille juive, en
détruisant un monument édifié en son honneur, en 1892, et en aryanisant sa célèbre œuvre, Songe d’une nuit d’été.
Dans le camp de Terezin (Theresienstadt), les manifestations culturelles furent nombreuses et cela, dès l’ouverture du camp. Récitals,
musiques de chambre furent très souvent à l’affiche. Ullmann écrivit son Concerto pour Piano et sa Troisième Sonate pour des
pianistes solistes comme : Klein, Steiner-Kraus, Herz-Sommer, Arany. Cette vie musicale s’éteint brutalement en octobre 1940, avec
l’extermination de ces musiciens. Sous le troisième Reich, des compositeurs allemands furent vénérés comme des dieux. Ce fut le cas
de Beethoven dont la Neuvième Symphonie fut l’œuvre de référence de l’orchestre Philharmonique de Berlin ; ou d’Haendel dont la
ville natale devint le haut lieu des festivités en son honneur. Ils représentaient la germanité. Mais Wagner fut le plus utilisé. Hitler
disait de lui qu’il était le seul prédécesseur légitime du national-socialisme.
• La vie et l’œuvre de Richard Wagner.
Richard Wagner naît à Leipzig le 22 mai 1813. Un an plus tard, après la mort de son père, sa mère se marie avec l’acteur Ludwig
Geyer, qui pourrait être le véritable père de Wagner. C’est à 15 ans qu’il découvre la musique et qu’il décide de l’étudier en
s’inscrivant à l’Université de Leipzig. Beethoven fait partie des compositeurs qui ont exercé une influence importante sur lui. Son
premier opéra, Les fées, s’inspirant de Weber, est achevé en 1833. À la même époque, il devient directeur musical aux opéras de
Würzburg et de Magdebourg. La création de Das Liebesverbot, en 1936, inspiré de Measure for measure de Shakespeare, n’obtient
pas beaucoup de succès. Dans la même année, il épouse l’actrice Minna Planer et emménage à Riga où il devient directeur musical.
Criblé de dettes, Wagner s’enfuit à Londres où il est pris dans une tempête qui lui inspire Le vaisseau fantôme. Il termine Rienzi en
1840 et le fait jouer à Dresde deux ans plus tard. Le succès est considérable. Le séjour de Wagner à Dresde prend fin en 1846 en
raison de son engagement dans les milieux anarchistes. Il passe les douze années suivantes en exil. Lohengrin est achevé avant
l’insurrection de Dresde en 1849 et Wagner demande à son ami Franz Liszt de le faire jouer en son absence. En 1850, Liszt dirige luimême la première à Weimar. Pendant son exil à Zurich, il présente sa nouvelle conception de l’opéra, la Gesamtkunstwerk ou « œuvre
d’art totale », dans laquelle musique, chant, danse, poésie, sont mêlés de façon indissociable. La découverte de la philosophie
d’Arthur Schopenhauer, et Mathilde Wesendonck, vont être ses deux sources d’inspiration pour Tristan et Isolde. En 1859, il retourne
à Paris pour superviser l’adaptation de Tannhäuser dont la création en 1861 fait un scandale. Il s’installe ensuite à Biebrich en Prusse
où il commence Les maîtres chanteurs de Nuremberg. En 1862, il se sépare définitivement de Minna. À partir de 1864, la carrière de
Wagner prend un virage spectaculaire. Le jeune roi de Bavière, Louis II, passionné par ses œuvres, le fait venir à Munich et s’arrange
pour que Tristan et Isolde soit représenté en 1865. Le succès est au rendez-vous. La même année naît, de sa liaison avec Cosima von
Bülow, une fille illégitime : Isolde. Il l’épouse en 1870 et aura encore une fille et un fils. Deux ans plus tard, il choisit la ville de
Bayreuth pour accueillir sa nouvelle salle d’Opéra : le Festspielhauss (« maison du festival »). Il ouvrit ses portes en 1874 avec la
création de la Tétralogie. Guillaume II, l’empereur Pierre II du Brésil, le roi Louis II de Bavière y assistèrent. Si, du point de vue
artistique, le festival connut un succès remarquable, d’un point de vue financier, ce fut un désastre. Wagner s’attelle à son dernier
opéra, Parsifal, en 1877 et le produit en 1882 lors du deuxième festival de Bayreuth. Wagner s’éteint en février 1883 d’une crise
cardiaque.
• L’antisémitisme de Wagner et l’appropriation de sa musique par le régime nazi.
Durant toute sa vie, Wagner n’a cessé d’émettre des opinions antisémites, accusant les Juifs d’être des étrangers nuisibles à
l’Allemagne. Il souhaite leur expulsion ou leur assimilation à la culture germanique. Le premier essai de Wagner est Le judaïsme dans
la musique de 1850. À l’intérieur de celui-ci, il tente d’expliquer la prétendue « aversion populaire » envers la musique des
compositeurs juifs comme Mendelssohn ou Meyerbeer. Pour lui, le peuple allemand était repoussé par les Juifs à cause « de leur
aspect et de leur comportement d’étranger ». Il le republiera en 1869, et de nombreuses protestations se firent entendre lors d’une
représentation des Maîtres chanteurs de Nuremberg. À la mort de Wagner, Bayreuth devint le lieu de rassemblement des groupes
d’extrêmes droites, soutenus par sa femme Cosima. Sous le régime nazi, Wagner fut un modèle. Hitler adorait Wagner depuis son
adolescence et voyait en lui, le précurseur de son action politique. En 1939, Breker réalisa trois bustes du compositeur, artiste élu,
dont un fit partie des collections personnelles d’Hitler. Ces œuvres du compositeur furent reprises lors de nombreuses occasions
comme à Berlin en 1935, ou encore lors du festival de Bayreuth de 1937. La musique de Wagner, tout comme celle de Beethoven, a
été choisie par le régime nazi parce qu’elle dégageait une force et une puissance exceptionnelles, et une certaine violence comme dans
la Walkyrie de Wagner. Ceux qui l’écoutaient longuement donnaient l’impression d’être en transe. Elle se trouvait proche des chants
de guerre allemands.
D’après l’article d’Eugénie Alecian, dans « Musique en vie » n° 19, Janvier 2005.
http://www.jardindemusique.org/PAGES/MEV/ARCHIVES%20MEV/MEV19.htm#reich