tierney suttonthe voice
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MAGAZINE NEWS PORTRAIT TIERNEY SUTTON THE VOICE En Europe, on connaît ses élèves – Gretchen Parlato par exemple – presque davantage qu’elle. Aux États-Unis, où elle a été nominée trois fois consécutivement aux Grammy Awards, Tierney Sutton est une singer’s singers : une chanteuse admirée par ses pairs. par Romain Grosman Harmonies repensées, arrangements reconstruits, un malin plaisir aiguillonne cette perfectionniste et sa petite bande. « Je crois à la nécessité d’une forme d’expertise dans l’art, y compris dans l’art vocal. Quand on prend pour matériau des partitions interprétées des milliers de fois, il faut avoir les outils pour la refonder, la recréer. » La modernité, Tierney Sutton la traque dans la forme, un travail sur les nuances et les structures qui lui vaut d’être considérée comme l’une des plus brillante *,JAZZ NEWS - JUILLET 2012 interprète féminine contemporaine. Sans céder à la tentation des covers pop, dans une quasi austérité de choix. « J’aime la pop et le rock, mais quand on veut improviser, créer – et Keith Jarrett interrogé le sujet le disait très bien – l’architecture des classiques du jazz, de Jerome Kern, George Gershwin ou Duke Ellington, est la plus appropriée parce que la plus élaborée. » Cette excellence peut aussi reléguer au second plan l’émotion ? « J’ai longtemps eu l’obsession de la beauté formelle. Avec le temps, je me suis rapprochée des mots, de leur poids. Et du respect de la mélodie. » 'LVFLSOH GH OD UHOLJLRQ %DKD¶L TXL SU{QH l’égalité, on devine son envie scrupuleuse de se fondre dans ce groupe équilatéral, dans la consultation et l’expression. Enseignante depuis une dizaine d’année, Tierney Sutton, licenciée en russe, a pourtant appris en autodidacte, à l’exception d’un bref passage par le Berklee College avec pour professeur, le saxophoniste Jerry Bergonzi. Si ces dernières années, les projecteurs se sont davantage tournés vers elle, on la devine éloignée de la battle qui fait rage entre les jeunes divas : « Je les aime beaucoup. Esperanza Spalding et d’autres ont pris en mains leur sort, y compris mu- sicalement, en ayant l’audace d’imposer OHVLQÀXHQFHVGHOHXUJpQpUDWLRQGDQVOHXU musique. J’aime échanger avec mes étudiantes, je leur pique des idées. Mais j’ai surtout du plaisir à leur faire découvrir conduire les richesses de cette histoire : la science du phrasé de Frank Sinatra la souplesse de Bobby McFerrin, à leur enseigner la composition, l’harmonie. Et à leur faire partager le goût de l’excellence qui n’est pas aussi présent dans la pop culture, où les lacunes sont souvent criantes. » Pourquoi cette artiste, basée à Los Angeles, dont les columnists disent le plus grand bien est-elle si rare en Europe ? « Je m’ocFXSHGHPRQ¿OVMHVXLVVHVpWXGHVHWPDLQtenant qu’il est grand, je peux plus facilement me libérer, voyager. En Amérique, je tourne souvent. Avec mon quartette, et DYHF +XEHUW /DZV OH ÀWLVWH HW 5REHUW Koonse, le guitariste. » Le mystère Sutton devrait donc se dissiper sous peu. LE SON TIERNEY SUTTON American Road (BFM/Challenge) LE LIVE 27, 28 et 29/06 Paris (Duc des Lombards) LE NET www.tierneysutton.com Photo : Zoe Allen Depuis vingt ans, Tierney Sutton travaille avec le même groupe, des musiciens dont elle se sent proche au point de se considérer quasiment comme une des leurs. Ce qui explique son style, éminemment technique, comme une soliste parmi les solistes. « On partage une même philosophie. La notion de jazz est devenue vague. Les gens pensent au style classique du Nat King Cole Trio des années cinquante ou à l’avant-garde d’Ornette Coleman. Je crois que l’on peut allier l’improvisation et la tradition, les respecter, les allier harmonieusement. » Sa courte discographie en témoigne, qui fait une large place aux standards dans des exercices de réécritures d’une grande virtuosité.