EFFET DE LA FORMULATION DES EXPRESSIONS - Risc
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EFFET DE LA FORMULATION DES EXPRESSIONS - Risc
UNIVERSITÉ AIX-MARSEILLE I UNIVERSITÉ DE PROVENCE UFR : Psychologie, Sciences de l’Education Laboratoire de Psychologie Cognitive (LPC) – UMR – CNRS 6146 EFFET DE LA FORMULATION DES EXPRESSIONS D’INCERTITUDE (internes versus externes) SUR LE CHOIX ET LA PRISE DE DECISION Thèse pour l’obtention du grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE PROVENCE Présentée par Nizar Fares Sous la direction de Monsieur le Professeur Jean-Marc Fabre JURY Jean-Marc Fabre (Directeur) Professeur de Psychologie Cognitive et Expérimentale, Université de Provence. Jean-Paul Caverni Professeur de Psychologie Cognitive et Expérimentale, Université de Provence. Denis Hilton (Rapporteur) Professeur de Psychologie Sociale, Université de Toulouse – Le Mirail. Paolo Legrenzi (Rapporteur) Professeur de Psychologie Cognitive, Université de Venise, Italie. JUIN 2006 REMERCIEMENTS Je tiens ici à remercier : Jean-Marc Fabre pour la confiance qu’il m’a accordée tout au long de cette thèse. La qualité de son écoute et ses conseils ont fait de nos discussions des moments d’enrichissement. Soyez assuré ici de mon profond respect. Jean-Paul Caverni, Denis Hilton et Paolo Legrenzi d’avoir accepté de lire ce travail. Aline Pélissier pour sa disponibilité, son aide précieuse pour la documentation de cette thèse et pour son suivi permanent. Mes amis pour leur gentillesse et leurs encouragements, surtout ceux avec qui j’ai eu des discussions enrichissantes à propos de ce travail. L’ensemble des membres du Laboratoire de Psychologie Cognitive, ainsi qu’aux doctorants à qui je souhaite réussite et courage. Pour tout ce que vous m’avez apporté et que vous avez pu me faire partager. Tout simplement Merci... Je dédie cette thèse à ma famille: Mes parents sans qui je ne serai pas là où j’en suis et à qui je dois tout ce qui m’arrive de bien, je tiens à leur exprimer, ici, toute ma reconnaissance et ma gratitude pour m’avoir encouragé tout au long de mon parcours. À ma femme pour sa patience, sa disponibilité et pour tout le bonheur qu’elle m’apporte. Résumé: L'objectif général de ce travail était, d’une part, de mettre en évidence l’effet des modes de formulation linguistique des expressions d’incertitude sur la compréhension et les inférences. Dans cette perspective, nous avons conduit plusieurs études empiriques dans lesquelles nous avons fait varier le type d’expressions (i.e., internes, externes, internes en formulation externe et des prévisions numériques), et le paradigme (i.e., choix entre deux éventualités, codage numérique). Les résultats mettent en évidence l'existence d’un lien entre les expressions d’incertitude et les attributions; en d’autres termes, les expressions internes sont associées aux connaissances du sujet alors que les expressions externes et les prévisions numériques font plus référence au monde externe. D’autre part, nous nous proposions de réexaminer la problématique des effets de contexte sur l’interprétation des expressions d’incertitude, et ce avec des expressions internes dans une tâche de codage numérique, alors qu’aucune condition d’activation du taux de base n’est réunie. Ainsi, nous avons démontré que l’interprétation des probabilités verbales était fonction du taux de base perçu (e.g., faible, neutre, inconnu). En effet, nos résultats fournissent une évidence supplémentaire de l’importance des effets de contexte (i.e., le taux de base) mais aussi du mode de formulation des expressions d’incertitude dans l’interprétation des probabilités verbales. Mots clés : Incertitude interne, incertitude externe, modulation contextuelle, sélection de sens, interprétation numérique, taux de base, fréquence de base perçue, codage numérique, ambiguïté. Table des matières Introduction ............................................................................................................................. 1 PREMIERE PARTIE : Aspect Théoriques ________________________________ CHAPITRE I : Le jugement d'incertitude : De la traduction à la pragmatique ou de la quantification aux effets de contextes 1. L'interprétation des probabilités verbales ........................................................................ 6 1.1. Les recherches princeps .................................................................................................. 7 1.2. Limites des recherches sur l'interprétation des expressions d'incertitude verbale ........ 11 2. Préférence dans la communication de l'incertitude : verbale vs. numérique ............... 12 2.1. La préférence du mode verbal ....................................................................................... 13 2.1.1. Choix involontaire ou préférence stratégique........................................................ 13 2.1.2. Le paradoxe du mode de communication préféré .................................................. 14 2.2. La préférence du mode numérique................................................................................ 16 2.3. Patterns, fiabilité et qualité des décisions sous les deux modes : verbal vs. numérique 16 3. Les effets de contexte.......................................................................................................... 20 3.1. Le taux de base ou fréquence de base perçue................................................................ 22 3.1.1. Effet du taux de base sur l'interprétation des probabilités verbales...................... 22 3.1.2. Effet du taux de base sur l'interprétation des prévisions numériques.................... 25 3.1.3. Vers deux processus de pensée............................................................................... 27 3.1.4. La négligence du taux de base ............................................................................... 28 3.2. Effet de la gravité des événements ................................................................................ 29 3.3. Effet de la composition du lot d'expressions et du type de problème ........................... 31 3.4. Effet de la définition de l'échelle de jugement .............................................................. 33 3.5. Vers d'autres effets de contextes ................................................................................... 34 CHAPITRE II : Vers une optique sémantique de l'étude des expressions verbales d'incertitude : Ou au-delà du sens apparent 1. Le sens des expressions d'incertitude ............................................................................... 36 1.1. La directionalité des expressions d'incertitude.............................................................. 37 1.2. Les variantes de l'incertitude ......................................................................................... 39 1.2.1. L'incertitude interne et externe comme attribution ................................................ 40 1.2.2. L'incertitude interne et externe comme mode de construction............................... 42 1.3. L'évaluation de l'incertitude entre "dispositions" et "ignorance" .................................. 43 CHAPITRE III : Problématique et Hypothèses................................................................. 48 DEUXIEME PARTIE : Les Recherches Expérimentales___________________ CHAPITRE IV : Effet des modes de formulations linguistiques des expressions d'incertitude sur le choix et la prise de décision 1. Expérience 1 : Effet du type d'expression (interne vs. externe) sur la perception de l'incertitude ............................................................................................................................. 56 1.1. Méthode......................................................................................................................... 57 1.1.1. Participants ............................................................................................................ 57 1.1.2. Matériel .................................................................................................................. 57 1.1.3. Procédure ............................................................................................................... 58 1.2. Résultats et discussion................................................................................................... 58 2. Expérience 2 : Effet du type d'expression (interne vs. externe) sur la perception des chances d'occurrence de l'événement ................................................................................... 64 2.1. Méthode......................................................................................................................... 64 2.2. Résultats et discussion................................................................................................... 65 3. Expérience 3 : Effet du type d'expression (interne vs. externe) sur le choix et la prise de décision ............................................................................................................................... 70 3.1. Méthode......................................................................................................................... 71 3.1.1. Participants ............................................................................................................ 71 3.1.2. Matériel .................................................................................................................. 71 3.1.3. Procédure ............................................................................................................... 72 3.2. Résultats et discussion................................................................................................... 72 4. Expérience 4 : Effet du mode de formulation linguistique des expressions internes et des expressions internes en mode de construction externe sur leur interprétation numérique.…………………………………………………………………………………...78 4.1. Méthode......................................................................................................................... 79 4.1.1. Participants ............................................................................................................ 79 4.1.2. Matériel .................................................................................................................. 79 4.1.3. Procédure ............................................................................................................... 80 4.2. Résultats et discussion................................................................................................... 82 5. Discussion Générale du Chapitre IV………………………………………………….…85 5.1. Un peu de psychophysique............................................................................................ 87 5.2. Un coup d'œil sur les processus : Raisonnement Singulier vs. Distributionnel ............ 90 5.3. Le paradoxe d'Ellsberg et les deux visages de l'ambiguïté ........................................... 91 CHAPITRE V : Effet du taux de base perçu sur le codage des expressions d'incertitude interne 1. Expérience 5 : Effet du taux de base perçu sur le codage des expressions d'incertitude interne...................................................................................................................................... 96 1.1. Méthode......................................................................................................................... 96 1.1.1. Participants ............................................................................................................ 96 1.1.2. Matériel .................................................................................................................. 97 1.1.3. Procédure ............................................................................................................... 98 1.2. Résultats et discussion................................................................................................... 98 2. Expérience 6 : Le sens des expressions d'incertitude interne : L'interaction entre les expressions contextualisées et les limites fonctionnelles de leurs sens…………………..104 2.1. Méthode....................................................................................................................... 105 2.2. Résultats et discussion................................................................................................. 106 3. Discussion Générale du Chapitre V................................................................................ 109 3.1. Le choix de l'échelle d'évaluation et des expressions.................................................. 109 3.2. La tâche de jugement................................................................................................... 110 3.3. L'évaluation de l'incertitude entre sélection de sens et modulation contextuelle........ 111 TROISIEMME PARTIE : CONCLUSION……………………………………...117 Références Bibliographiques………………………………………..………………..121 Annexes Annexe 1 Matériel utilisé dans l'Expérience1(avec tableau des effectifs) ..................... 136 Annexe 2 Matériel utilisé dans l'Expérience 2 (avec tableau des effectifs) ................... 140 Annexe 3 Matériel utilisé dans l'Expérience 3 ............................................................... 144 Annexe 4 Matériel utilisé dans l'Expérience 4 et l'ensemble des données receuillis ..... 150 Annexe 5 Matériel utilisé dans l'Expérience 5 ............................................................... 166 Annexe 6 Matériel utilisé dans l'Expérience 6 .............................................................. 169 Annexe 7 Détails sur les analyses adoptées (Epsilon et CAH) ...................................... 170 INTRODUCTION INTRODUCTION Qui de nous n’a jamais entendu son médecin traitant déclarer qu’il y avait de fortes chances que vos symptômes soient ceux de la gastroentérite, ou même plus récemment, des experts météorologistes avancer qu’il était probable que la tempête tropicale Catherina s’abatte sur la Louisiane. C’est à partir de constatations similaires concernant l’utilisation par des experts d’expressions verbales d’incertitude au lieu de prévisions numériques, que furent amorcées les premières études sur l’interprétation des probabilités verbales. Des raisons théoriques sous-tendent, bien entendu, ces recherches : elles émergent d’une tentative de comprendre la façon dont se forment les jugements, comment ils sont révisés et communiqués sur la base et ces expressions. Un grand pas a été franchi depuis les travaux princeps de Lichtenstein & Newman (1967) sur la quantification de l’incertitude ; Cette optique de recherche dite originelle a cédé la place à d’autres problématiques, dont la plus importante concerne les effets de contexte sur l’interprétation de l’incertitude verbale et numérique, qu’ils soient relatifs à la probabilité a priori perçue de l’événement (Tversky & Kahneman, 1982 ; Wallsten, Fillenbaum & Cox, 1986 ; Weber, Böckenholt, Hilton & Wallace, 1993), à la gravité des événements (Weber & Hilton, 1990), à la définition de l’échelle d’évaluation (Fares, 2001), à la composition du lot d’expression (Fabre, 1991, 1993) ou à la directionnalité (Teigen et Brun, 1999). Ainsi, les recherches sur les jugements probabilistes et d’incertitude se sont portées sur différents problèmes d’ordre théorique et méthodologique. Nous pouvons les classer selon trois problématiques ou optiques de recherche (Teigen & Brun, 1999) i) l’optique de traduction où l’objectif principal est de quantifier les expressions verbales d’incertitude en 1 INTRODUCTION cherchant leurs équivalents numériques ; ii) l’optique sémantique, qui s’adresse aux sens inhérents à de telles expressions, et cherche à savoir si elles véhiculent des informations supplémentaires qui ne sont pas captées par les probabilités numériques et enfin, iii) l’optique pragmatique dans laquelle la question centrale est de comprendre l’utilisation des expressions verbales : comment sont-elles utilisées et comment affectent-elles le raisonnement, les prévisions et la prise de décision. Ce travail de thèse s’inscrit dans une optique théorique qui s’adresse principalement au sens des expressions et à leurs interactions avec des éléments du contexte, c'est-à-dire le processus de formation des jugements. Nous nous sommes intéressé dans un premier temps à l’effet du mode de formulation linguistique des expressions d’incertitude (internes vs externes) sur le choix et la prise de décision. L’aspect de la distinction « interne vs. externe » sur lequel s’est portée notre attention est l’aspect que nous appelons « référentiel » (expressions faisant référence à l’état du monde vs. expressions faisant référence à nos propres connaissances). Est-ce que le choix d’un type d’expression plutôt qu’un autre agit sur la prise de décision ? Sur quel indice (numérique ou verbal) se base l’individu pour prendre une décision dans l’incertitude ? Les aspects théoriques et empiriques relatifs à cette question sont présentés à travers les différents chapitres de la thèse. Dans un deuxième temps, nous nous sommes intéressé à l’effet que peut avoir la probabilité a priori d’un événement sur l’interprétation de l’incertitude, et ce avec des expressions verbales d’incertitude internes dans une tâche de codage numérique. La première partie de ce travail est consacrée à la présentation des aspects théoriques relatifs à l’étude des jugements d’incertitude. Nous aborderons brièvement, dans le premier chapitre, les travaux sur l’interprétation numérique des expressions verbales d’incertitude 2 INTRODUCTION dans leur optique originale, c'est-à-dire les premières tentatives d’ajustement des probabilités linguistiques à une échelle numérique (Bryant & Norman, 1980 ; Lichtenstein & Newman, 1967 ; Reagan, Mosteller & Youtz, 1989 ; Reyna, 1981). Nous insistons dans ce chapitre sur les nouvelles avancées théoriques et empiriques qui visent à intégrer de nouvelles variables à la compréhension de l’expression de l’incertitude (optique pragmatique) ; à savoir les effets de contexte sur l’interprétation des expressions verbales d’incertitude (Brun & Teigen, 1988 ; Wallsten, Fillenbaum & Cox, 1986 ; Weber & Hilton, 1990) et des prévisions numériques précises (Flugstad & Windschitl, 2003 ; Kleiter, Dohety & Brake, 2002 ; Windschitl & Weber, 1999), ainsi que les patterns de préférences dans le choix du mode verbal ou numérique dans la communication de l’incertitude (Jaffe-Katz, Budescu & Wallsten, 1989 ; Wallsten, Budescu, Zwick & Kemp, 1993). Dans le deuxième chapitre, nous nous sommes intéressé à l’aspect sémantique de l’étude des expressions d’incertitude, qui reste de loin celui qui a reçu le moins d’attention de la part des chercheurs. En d’autres termes nous avons cherché à de savoir si ces expressions contiennent plus d’informations qu’une simple localisation numérique sur une échelle probabiliste et à appréhender l’effet que peut avoir le mode de communication de l’incertitude (verbal, numérique ou les deux à la fois) sur le choix et son impact « rhétorique » sur les inférences (Teigen & Brun, 1995, 1999). Nous discuterons dans le troisième chapitre de l’intérêt et des limites des recherches sur l’interprétation des expressions verbales d’incertitude ; nous exposerons également notre problématique et nous formulerons nos hypothèses. 3 INTRODUCTION Dans la deuxième partie de cette thèse, nous présenterons les recherches expérimentales que nous avons conduites sur l’interprétation des expressions verbales d’incertitude. Le chapitre cinq est consacré à la première série d’expériences (expériences 1, 2, 3 et 4) dont l’objectif est d’étudier l’effet du mode de formulation linguistique des expressions d’incertitude (interne vs. externe) sur leurs interprétations (et la prise de décision qui s’ensuit). Tout d’abord, dans une tâche de choix entre deux situations véhiculant des degrés de certitude variables, mais aussi dans une tâche de codage numérique (en déterminant le degré de convenance des expressions verbales aux prévisions numériques). Tout cela illustre une tentative de mettre en évidence le type d’inférence que fait le sujet sur le sens des expressions et leur utilisation possible dans une situation d’incertitude. L’objectif de la seconde série d’expériences présentées dans le chapitre six (expériences 5 et 6) est d’approfondir les premiers résultats. Ainsi, nous avons choisi de réexaminer l’effet du « taux de base » perçu des événements sur l’interprétation des expressions verbales d’incertitude, en variant le paradigme classique et en utilisant des expressions d’incertitude internes, afin de définir de telles expressions de façon plus précise et de mettre en évidence les stratégies cognitives mises en place par le sujet lors d’une telle activité. Enfin, nous présenterons l’esquisse d’un modèle qui peut rendre compte de la variation de sens des expressions d’incertitude internes à travers le contexte. La dernière partie de ce travail est consacrée à la discussion générale des résultats sur l’interprétation des expressions verbales d’incertitude en fonction du contexte. Elle ouvrira également des pistes d’étude sur l’utilisation des expressions verbales pour exprimer l’incertitude dans des contextes particuliers. 4 PREMIERE PARTIE ASPECTS THEORIQUES 5 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE - CHAPITRE I LE JUGEMENT D’INCERTITUDE : DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE OU DE LA QUANTIFICATION AUX EFFETS DE CONTEXTE 1. L’interprétation des probabilités verbales Dans la vie de tous les jours, nous utilisons fréquemment des expressions d’incertitude telles que : « je suis certain », « il me semble », « il est possible », mais plus encore, la plupart des experts, qu’ils soient médecins, politiques ou météorologistes, expriment leurs opinions de manière qualitative en utilisant des expressions verbales. C’est pourquoi un certain nombre de recherches pendant ces 30 dernières années se sont efforcées de trouver des équivalents numériques aux expressions d’incertitude les plus courantes. (Brun & Teigen, 1988 ; Budescu & Wallsten, 1985 ; Clarke, Ruffin, Hill & Beamen, 1992 ; Hamm, 1991 ; Lichtenstein & Newman, 1967 ; Mosteller & Youtz, 1990 ; Reagan, Mosteller & Youtz, 1989 ; Tavana, Kennedy & Mohebbi, 1997). Ainsi, quantifier les expressions verbales d’incertitude (e.g., sur une échelle probabiliste de 0 à 1) offre plusieurs avantages ; tout d’abord (1) elles deviennent facilement comparables, ensuite, (2) on peut leur attribuer une interprétation standard, et enfin, (3) elles peuvent constituer une base pour des calculs inférentiels. Ainsi, avec p=.8 de beau temps, je sais que les chances d’avoir du soleil sont supérieures à celles d’hier (lorsqu’hier la probabilité était de .4) et je peux supposer, qu’en 6 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE moyenne, il y aura du soleil 8 jours sur 10 sous les mêmes conditions météorologiques. Enfin, je peux inférer que la proportion de jours sans soleil est de p=.2. 1.1. Les recherches princeps L’une des études pilotes dans cette perspective fut initiée par Lichtenstein et Newman (1967). Les auteurs ont essayé de trouver des équivalents numériques à 41 expressions verbales d’incertitude. La tâche des sujets consistait à attribuer à chacune de ces expressions une valeur numérique (de 0 % à 100 %) censée traduire le mieux son sens. Les résultats ont montré tout d’abord que l’évaluation de certaines expressions comme : « Vraisemblable » et « Invraisemblable » était symétrique1, ensuite que, sur les 11 paires d’expressions symétriques la valeur moyenne de 8 d’entre elles a été sous-estimée. Enfin, l’étendue des réponses et la variabilité était plus grande pour les expressions proches du centre de la distribution que pour les expressions extrêmes. Un peu plus tard, Bryant et Norman (1980) ont demandé à 16 médecins d’estimer la vraisemblance d’une maladie décrite par 30 expressions probabilistes en deux sessions, en choisissant à chaque fois une valeur numérique sur une échelle incrémentielle (par tranches de 0.05 jusqu'à 0.1). Les résultats ont montré une très forte corrélation entre les deux phases du test, indiquant une faible variabilité intra-sujets. Par contre, les rangs attribués par les sujets aux expressions ont été relativement élevés ; ainsi, seules 9 expressions ont été évaluées comme inférieures à .5 . De plus, une expression comme « jamais » a été évaluée comme supérieure à .9, alors que, d’autres expressions comme « invraisemblable » et « douteux » ont reçu une plus faible moyenne d’évaluation, indiquant soit une ambiguïté dans leur sens soit une erreur de mesure. Mais, Kong, Barnett, Mosteller et Youtz (1986), rapportent des résultats 1 Une paire d’expressions symétriques est constituée d’une expression verbale et de sa négation affixale (e.g., certain vs. incertain). 7 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE différents quant à la variabilité intergroupe. En demandant à des médecins, à des étudiants en médecine et à des personnels paramédicaux d’attribuer des valeurs numériques à 12 expressions verbales d’incertitude, ils ont observé une faible variabilité entre les trois groupes (comme l’avait déjà démontré Johnson, 1973 auparavant), ce qui plaide en faveur d’une cohérence dans le codage à travers les contextes. Dans une autre perspective, Reyna (1981) a étudié les propriétés de codage de 8 quantificateurs modaux (e.g., Formel, faisable, envisageable, nécessaire, etc.) avec des négations affixales (e.g., impossible, incertain, etc.) et lexicales (e.g., pas sûr, pas possible, etc.)1, afin de déterminer « la dimensionnalité subjective » de ce lot d’expressions et les effets spécifiques des deux types de négation. Le matériel a consisté en une série de 24 phrases de la forme « Il est X qu’il va avoir lieu », où X est remplacé par une des expressions verbales. La tâche des sujets consistait tout d’abord à regrouper ensemble les expressions sur la base de leur similarité ; ensuite à les hiérarchiser selon leurs chances d’occurrence et enfin, ils attribuaient des pourcentages à chacune des phrases (i.e., afin de les traduire numériquement). Les résultats ont montré l’existence d’une forte corrélation dans l’évaluation numérique entre d’une part, les expressions affirmatives et les négations lexicales et d’autre part entre les expressions affirmatives et les négations affixales. Ainsi, aux négations affixales (e.g., incertain) ont été assignées de plus faibles valeurs dans la tâche d’évaluation numérique (ou probabiliste) qu’aux expressions correspondantes mais avec des négations lexicales (e.g., pas certain), sans pour autant arriver à une différence significative entre les moyennes d’évaluation. L’auteur interprète ses résultats dans le sens où les expressions ou adjectifs modaux sont représentés en termes de degré tout au long d’une échelle unidimensionnelle de quantification, et où l’effet des négations est soustractif et non multiplicatif. En d’autres 1 Les termes Anglais utilisés sont respectivement : Definite, feasable, conceivable, necessary, pour les quantificateurs modaux. Pour les négations affixales : Impossible, uncertain, et pour les négations lexicales : Not sure, not possible. 8 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE termes la présence d’une négation, qu’elle soit lexicale ou affixale, avec un quantificateur agit sur la sélection de la valeur numérique censée traduire l’expression verbale, et qui a pour effet direct une diminution dans le poids (i.e., ou la valeur numérique) attribué à cette dernière. Dans une autre étude, Reagan, Mosteller et Youtz (1989), ont étudié le sens de 18 expressions probabilistes en trois temps, la distribution de fréquence du nombre qui représente le mieux chaque expression, l’étendue de 0% à 100% qui représente le mieux chaque expression et, enfin, le passage de la prévision numérique à l’expression verbale pour trouver à quoi correspondent certaines étendues numériques. Pour la deuxième condition, la question posée était la suivante : « si quelqu’un vous dit qu’un événement (est/a___), quelle étendue de nombres de 0 % à 100 % représente le mieux la probabilité d’occurrence de l’événement ? ». Pour la troisième variable, ils ont demandé aux sujets : « Supposez que quelqu’un vous dise qu’un événement a (n)___% chances d’avoir lieu ; laquelle de ces expressions utiliseriez-vous pour décrire cette probabilité ? ». Ici, 18 expressions verbales ont été présentées aux sujets avec la possibilité d’en choisir plus d’une pour la même estimation numérique. Quant aux pourcentages, ils ont été présentés en incrémentation de 5 % (5%, 10 % jusqu'à 95 %). Il se dégage de leur étude deux résultats intéressants : l’un concerne la symétrie et l’autre la synonymie des expressions verbales d’incertitude. Ainsi, comme nous l’avons déjà souligné plus haut, Kong et al (1986) et Lichtenstein & Newman (1967) se sont déjà intéressés à la question de savoir si des paires d’expressions telle que « vraisemblable » et « invraisemblable » étaient symétriquement complémentaires, c'est-à-dire, si la position de « vraisemblable » par rapport à 50% est comparable à la position de « invraisemblable » par rapport à 50% ? Ces recherches ont démontré que ce n’est pas le cas ; Ainsi, une expression comme « vraisemblable » est plus proche de 50 % que ne l’est l’expression « invraisemblable ». Les résultats de Reagan et al. (1989) vont également dans le même sens ; ainsi, une expression comme « vraisemblable » dans la condition équivalent numérique 9 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE unique (i.e., distribution de fréquence) a été évaluée comme décrivant une probabilité de l’ordre de 70 %, alors que l’expression « invraisemblable » a été traduite par une estimation de 15 % ; il en était de même pour les 4 autres expressions symétriques composant le lot des 18 expressions probabilistes. Quant à la synonymie des expressions, les analyses ont montré de très fortes corrélations entre les couples d’expressions « très improbables » et « très faibles chances » ; entre « improbable » et « faibles chances » ; et entre « très probable » et « très vraisemblable ». Les résultats montrent également que 15 des expressions décrivent bien les extrémités de l’étendue de 0 à 100 et deux seulement décrivent bien le milieu de l’échelle, alors que plusieurs degrés de l’échelle probabiliste n’ont pas été bien discriminés : par exemple l’étendue 30-35 % n’a pu être décrite par aucune des expressions. Ainsi, les résultats de cette étude vont dans le même sens que d’autres, même si les méthodes d’analyse et le design diffèrent (cf. Tableau 1). Tableau 1. Les expressions probabilistes et leurs équivalents numériques à travers les recherches (extrait de Reagan, Mosteller & Youtz,1989). KBMY Expressions LN Ha BW BN FC US HP Presque impossible 2 Très invraisemblable 10 Improbable 10 Invraisemblable 16 19 20 Possible 49 36 Probable 75 Vraisemblable 75 Très probable 89 Très vraisemblable 90 Presque certain RMY WBRZF 0à8 10 17 10 15 1 à 23 20 11 15 2 à 30 38 43 20 40 1 à 55 72 72 77 70 70 70 51 à 96 73 74 73 70 67 70 59 à 90 80 90 87 89 85 94 90 88 à 99 10 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE Note. LN= Lichtenstein et Newman (1967) ; H= Hartsough (1977) ; BW= Budescu et Wallsten (1985) ; BN= Bryant et Norman (1980) ; KBMY= Kong, Barnett, Mosteller et Youtz (1986) ; FC : Choix libre ; US : Echelle uniforme ; HP : Haute probabilité ; RMY= Reagan, Mosteller et Youtz (1989) ; WBRZF= Wallsten, Budescu, Rapoport, Zwick et Forsyth (1986). H, BW et BN rapportent des moyennes alors que LN, KBMY, WBRZF et RMY rapportent des médianes. Toutes les données excepté WBRZF proviennent d’une évaluation d’un seul équivalent numérique de l’expression ; alors que WBRZF représente la médiane de la limite supérieure et inférieure de chacune des expressions probabilistes. 1.2. Limites des recherches sur l’interprétation des expressions d’incertitude verbale Quantifier l’incertitude est une tâche beaucoup plus complexe qu’une simple approximation numérique des expressions verbales sur une échelle probabiliste ; en effet, cette interprétation est problématique à plus d’un niveau. Tout d’abord, il convient de souligner que ces recherches négligent un aspect très important dans l’interprétation de l’incertitude, et qui concerne les patterns de préférence ou de choix dans la communication (numérique ou verbale) de l’incertitude. Ainsi, il nous semble raisonnable avant de conclure à l’existence d’un sens numérique capable de traduire chaque expression verbale en chiffres (ou sens usuel), de s’assurer de la concordance et de la cohérence des deux modes de communication. En d’autres termes, est-ce que le nombre (ou prévision numérique, e.g., 70 %) auquel le sujet va assigner une expression verbale (e.g., très probable), est le même que celui que la personne va utiliser pour traduire la même expression verbale d’incertitude ? 11 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE La deuxième critique que l’on peut soulever à propos des recherches dans cette optique d’étude concerne la négligence des effets de contexte dans l’interprétation des probabilités linguistiques. Comme l’incertitude ne peut pas exister sans quelqu’un qui est incertain, l’incertitude ne peut pas exister sans objet du doute. Ainsi, dans une communication effective de l’incertitude, le référent cognitif est toujours présent et en l’absence d’un contexte contrôlé auquel ces expressions feront référence, le sujet fait appel à des contextes spécifiques (sémantiques) qui lui sont propres pour interpréter l’expression verbale ; or, ceci peut poser un problème de validité inférentielle. En d’autres termes, il faut réintroduire le contexte dans lequel se font de telles évaluations. D’autant plus que nous savons que pour former leurs opinions dans l’incertitude les individus se basent parfois sur des statistiques, des calculs, ou sur des inférences (Morgan, Henrion, 1990) : dans de tels cas, les individus possèdent une base objective d’évaluation, et leurs évaluations peuvent être plus ou moins prédites ; or, le plus souvent, les individus font des évaluations intuitives en utilisant des heuristiques (Kahneman, Slovic, Tversky, 1982), phénomène qui rend les jugements dans l’incertitude plus sensibles aux effets de contexte qui peuvent affecter non seulement la façon dont les jugements sont créés et exprimés mais aussi interprétés. 2. Préférence dans la communication de l’incertitude : Verbale vs. numérique Pour communiquer l’incertitude l’individu utilise principalement deux modes de communication. Elle peut être soit exprimée numériquement en utilisant des probabilités numériques entre 0 % et 100 % (e.g., 20 %), ou en termes de rapport de chances (e.g., une 12 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE chance sur cinq) ; soit exprimée verbalement (e.g., probable, très possible) : c’est ce que l’on appelle communément « probabilités verbales » ou « linguistiques ». 2.1. La préférence du mode verbal 2.1.1. Choix Involontaire ou Préférence Stratégique Il existe actuellement une importante littérature sur la question de la préférence des individus pour l’un ou l’autre des deux modes de communication. Il en ressort que les individus préfèrent la plupart du temps communiquer leurs jugements probabilistes de façon verbale plutôt que numérique (Wallsten, Fillenbaum & Cox, 1986 ; Zimmer, 1983). Ce choix du verbal plutôt que du numérique est considéré par certain comme involontaire, résultant d’une meilleure correspondance entre les mots et la représentation interne de l’incertitude des individus. Ainsi, Zimmer (1983) note que le traitement mathématique des probabilités et de l’incertitude s’est développé relativement tard dans l’histoire (Hacking, 1975 ; Bernstein, 1998), bien après l’apparition des conceptions linguistiques et intuitives de l’incertitude. Ainsi, les individus traiteraient l’incertitude de manière verbale plutôt que numérique et les jugements seraient révisés à la lumière de nouvelles informations selon un principe linguistique et non numérique. Cette préférence du mode verbal découlerait aussi du fait que ces expressions sont naturelles, faciles à comprendre et à communiquer, et qu’elles véhiculent, mieux que les prévisions numériques, le flou et l’imprécision des opinions (Budescu et Wallsten, 1985, 1987 ; Wallsten et Budescu, 1990). D’autres, cependant, voient en la préférence des individus pour l’expression verbale un choix intentionnel et essentiellement stratégique. En effet, dans une recherche de Wallsten, Budescu, Zwick, & Kemp (1993) une majorité des participants (65 %) ont préféré exprimer leur incertitude verbalement aux autres, mais préféraient (70 %) recevoir des autres une prévision numérique. 13 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE Ces résultats sont cohérents avec ceux d’Erev et Cohen (1990) et de Olson et Budescu (1997) qui rapportent également dans leur étude des informations intéressantes sur les patterns de préférence du mode verbal ou du numérique. Les auteurs ont mis en évidence une large préférence pour le mode numérique quant il s’agit de communication précise (75 % des sujets) ; mais cette préférence disparaît lorsqu’il s’agit de communication non précise (37 % des sujets). Mais outre la préférence dans le mode de communication, la régularité empirique la plus forte qui émerge de ces résultats, concerne la distinction entre événement vague et événement précis. Ainsi, cette préférence dans le choix du mode de communication de l’incertitude (verbal ou numérique) comme le soulignent Weber et Hilton (1990) implique que les deux modes de communication véhiculent des informations différentes. 2.1.2. Le Paradoxe du mode de communication préféré Afin de mieux illustrer ce paradoxe, imaginons la situation suivante : « Le PDG d’un groupe financier charge son directeur et son chef de service d’évaluer les chances d’augmentation de la production si les nouvelles mesures logistiques sont appliquées ». En se référant aux résultats de Wallsten et al. (1993), le directeur préfère recevoir l’opinion du chef de service sous forme numérique, mais préfère la communiquer à son PDG de façon plutôt verbale. Réexaminons cette situation. Si ce directeur veut comprendre au mieux ce qui a été dit par le chef de service, et qu’il soit bien compris lorsqu’il transmettra cette information, dans ce cas, le même mode devrait être utilisé dans les deux situations : or, ce n’est pas le cas ici. 14 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE Pour mieux comprendre ce phénomène, nous pouvons étendre, comme l’ont suggéré Tversky et Kahneman (1983), le concept de coopération dans la conversation de Grice (1975), aux échanges dans les situations d’incertitude. Dans une analyse standard des règles de conversation, le maximum de qualité nécessite que celui qui communique dise la vérité, ou ce qu’il pense être la vérité. Alors que le maximum de quantité nécessite que celui qui parle communique aux autres tout ce qu’ils ont besoin de savoir mais rien de plus qu’ils ne doivent savoir. Dans une situation d’incertitude, celui qui communique son opinion ne peut pas, par définition, garantir la qualité absolue de ce qu’il avance, donc l’imprécision relative à un niveau de probabilité, censé traduire l’incertitude, devient ainsi un obstacle pour atteindre le maximum de qualité supposé remplir sa fonction principalement au niveau du transmetteur. Dans ce cas, les règles de coopération doivent donc tenir compte et permettre un compromis entre la qualité et la quantité des messages. Si nous reprenons notre exemple, le directeur sait que les expressions numériques sont précises, et ne prêtent pas à ambiguïté, alors que le langage naturel est vague, permettant ainsi d’incorporer des connotations non quantifiables, chose qui le rend sujet à différentes interprétations par différentes personnes. Autrement dit, la qualité des prévisions numériques peut être évaluée, mais pas celle des expressions verbales (Von Winterfeldt & Edwards, 1986). Fox (1986) argumente que les phrases probabilistes possèdent des propriétés logiques qui ne peuvent être entièrement réduites et transformées en estimations numériques (probabilistes). Par exemple, le mot « possible » peut signifier pour un médecin qu’il a quelques raisons de suspecter une maladie ou des séquelles, comme la présence de 15 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE symptômes associés à telle ou telle maladie et, dans ce cas, cette expression d’incertitude est plus qu’un équivalent d’un degré de probabilité. Une autre particularité des expressions verbales réside dans le fait qu’elles véhiculent non seulement un niveau d’incertitude mais également une certaine imprécision et une indétermination quant à leur degré ou niveau « d’expression » et il n’est pas facile d’exprimer une telle imprécision de façon numérique, même avec une estimation en étendues ou en intervalles numériques. 2.2. Préférence du mode numérique Alors que Zimmer (1983,1984) suggère que l’expression verbale est plus proche de la représentation interne de l’incertitude et que les individus commettent moins de biais en utilisant des expressions verbales plutôt que numériques, pour la plupart des modèles décisionnels (Savage, 1954), quand il s’agit d’évaluer ou d’exprimer l’incertitude, les individus se comportent comme s’ils attribuaient des probabilités numériques à leurs opinions ; basé en partie sur cette notion et sur l’idée que les individus peuvent exprimer leurs probabilités jusqu'à un certain degré de précision, il est parfois soutenu (Behm & Vaupel, 1982) que les individus communiquent mieux leur incertitude avec des prévisions numériques. 2.3. Patterns, fiabilité et qualités des décisions sous les deux modes : verbal vs. numérique Plusieurs recherches ont comparé les patterns et la qualité des décisions avec des estimations probabilistes verbales et numériques impliquant des paradigmes de choix, d’enchères ou de loterie (Budescu & Wallsten, 1990 ; Budescu, Weinberg & Wallsten, 1988 ; Gonzalez-Vallejo & Wallsten, 1992). Ainsi, Budescu et al. (1988) ont comparé les deux 16 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE modes de communications sur la base de trois critères : leur fiabilité, leur cohérence interne, et la validité du construct. Il en ressort qu’ils satisfont tous les deux aux trois critères avec une dominance, quant à la fiabilité, du mode numérique, mais aussi on note que la variabilité inter-sujets est plus grande avec le mode verbal plutôt que numérique. Jaffe-Katz, Budescu & Wallsten (1989), trouvent également que les nombres sont plus pertinents que les phrases, mais aussi que les individus ont utilisé des processus similaires pour faire des comparaisons entre l’incertitude verbale et numérique. Reagan, Mosteller et Youtz (1989) ont démontré , dans une tâche d’évaluation en l’absence de contexte, l’équivalence des conditions « équivalent numérique unique » et « passage de la prévision numérique à l’expression verbale » ; ainsi, un coefficient de corrélation a été calculé pour les 18 expressions verbales utilisées dans l’expérience et a montré que la cohérence des mesures dans les deux conditions était très élevée. Gonzalez et Frenck-Mestre (1993) ont comparé différentes caractéristiques de problèmes probabilistes sur les évaluations verbales et numériques des probabilités. L’objectif étant de faire ressortir la concordance1 ou la discordance de ces deux modes d’évaluation (cf. Teigen, 1988b). Pour se faire, plusieurs informations ont été manipulées pour chaque problème (ou scénario proposé aux sujets). Parmi elles, le poids de l’événement cible en relation avec le poids total de toutes les alternatives (Poids Global) ou en relation avec chaque alternative indépendamment (Poids Local), mais aussi les chances d’occurrence de l’événement avec « probabilité a priori non spécifiée » et « probabilité a priori spécifiée ». La tâche des sujets consistait à évaluer l’occurrence d’un événement soit verbalement, en jugeant de la convenance de deux expressions verbales (probable et improbable) sur une échelle numérique en 7 catégories, soit en attribuant une probabilité numérique à l’événement. 1 On parle de concordance numérique-verbal, lorsque les résultats permettent de conclure que sous tendant les deux modes de réponse existe la même évaluation de la probabilité. 17 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE Les résultats ont montré qu’il n’existe pas une grande discordance significative entre les deux modes. Ainsi, les scores des deux types d’évaluation (Verbale vs. Numérique) étaient plus faible dans la condition avec « probabilité a priori » qu’avec la version « probabilité a priori inconnu ». Mais le « poids local » a eu un effet significatif sur la condition d’évaluation verbale pour deux des six scénarios utilisé. En effet, lorsque le « poids local » de l’événement cible est élevé les sujets attribuent des évaluations verbales (scores de l’échelle de convenance) élevées à ce dernier, et attribuent des évaluations faibles lorsque le poids local de l’événement cible est faible. Dans la même perspective, Budescu et al. (1988) ont demandé à leurs sujets de produire un jugement verbal ou numérique sur la probabilité qu’une flèche pointée au centre d’un cercle (divisé en radiale certaines zones ombrées et d’autres non) tombe dans la zone ombrée. Il en ressort que les deux modes de réponse sont fiables. Zwick (1988) et Zwick et Wallsten (1989), quant à eux, ont présenté à leurs sujets le pourcentage de différentes tranches d’âges représenté dans une population, et ont demandé aux sujets de donner soit une réponse verbale soit numérique à la question : « Quelles sont les chances qu’une personne choisie au hasard de cette population soit très âgée ». Toutefois, les résultats présentés se sont focalisés sur la comparaison de deux modèles alternatifs de chacun des deux modes de réponse, et ne permettent pas d’évaluer directement la concordance entre les deux modes de réponse euxmêmes. Même si ces deux modes possèdent plusieurs similitudes, c’est-à-dire aucune différence significative en termes de mesure de la qualité de la décision, les deux modes présentent des différences assez intéressantes en termes de patterns. Ainsi, en divisant l’échelle d’évaluation numérique en 11 catégories (pour des raisons de comparaison) avec le mode verbal), Budescu et al. (1988) ont observé que les jugements avaient une distribution 18 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE inégale à travers les catégories dans le cas du numérique plutôt que du verbal. Cette différence est due à une plus grande utilisation de la catégorie 50 % dans la condition « numérique » que dans la catégorie « verbale » équivalente, mais, malgré la différence de fréquence d’utilisation des catégories médianes, leur précision est égale sous les deux modes d’évaluation. Une explication possible réside dans le fait que les individus ont tendance à associer l’imprécision ou le vague sentiment de confiance à la catégorie 50%, parce que cette position est défendable sans tenir compte de l’issue finale, contrairement à l’utilisation d’une échelle de réponse verbale, qui, même si elle traduit mieux l’incertitude, nécessite un minimum de justification. Cette dernière constatation rejoint celle de Beyth-Marom (1982), pour qui l’une des raisons qui font que les individus préfèrent le jugement verbal est leur conviction que la qualité des prévisions verbales ne peut être évaluée de la même manière que celle des prévisions numériques (pour eux et pour les autres). Par conséquent, les individus se sentent plus à l’aise en fournissant une réponse verbale plutôt que numérique pour les catégories de moyenne certitude (Wallsten, Budescu, Zwick, 1993). Si cette interprétation est correcte, elle suggère que l’échelle verbale peut encourager une plus grande honnêteté que l’échelle numérique parce que les individus ne sont pas obligés de faire correspondre leur jugement sur une échelle de réponse. Enfin, du point de vue des processus cette fois, Windschitl et Wells (1996) suggèrent que les probabilités linguistiques diffèrent des probabilités numériques non seulement en termes d’imprécision mais du fait qu’elles reflèteraient un raisonnement intuitif plutôt que basé sur des règles. Ils trouvent ainsi, que les expressions verbales sont plus sensibles au mode de formulation et aux effets de contexte que ne le sont les prévisions numériques. Mais, le fait que la plupart des individus préfèrent les expressions verbales de l’incertitude aux prévisions numériques n’enlève rien au fait que l’utilisation des expressions verbales dans des 19 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE situations de risque ou de prise de décision comporte de sérieux problèmes de qualité des décisions et d’évaluation des prévisions. Ainsi, l’imprécision caractéristique, inhérente aux expressions verbales d’incertitude, nous pousse à les étudier en relation avec ce qui peut agir sur leur sens à savoir les effets de contexte. Par conséquent, l’introduction des expressions verbales dans une communication effective peut en théorie réduire la variabilité jusque-là observée. 3. Les effets de contexte La question : « Comment se fait-il que le sens des expressions verbales d’incertitude dépende du contexte ? » est importante pour des raisons théoriques et pratiques. Le point de vue pratique émerge du fait que la plupart des individus, dont les experts qu’ils soient médecins, juristes ou politiciens, préfèrent communiquer leur pensée verbalement (e.g., possible, improbable) plutôt que de façon numérique. Quant aux raisons théoriques, elles émergent d’une tentative de comprendre comment se forment les jugements, comment ils sont révisés et communiqués sur la base de ces expressions dans des contextes spécifiques. Ainsi, nous pouvons tenter de regrouper les recherches sur les effets de contexte dans l’interprétation des probabilités verbales principalement en trois catégories : (a) des effets relatifs à la nature de l’information (e.g., le taux de base, la gravité des événements, le type de problème), (b) des effets inhérents à la tâche de jugement (ex. définition de l’échelle, composition des stimuli, nombre de catégories) et enfin, (c) des effets relatifs aux stimuli euxmêmes (ex. mode de construction linguistique). 20 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE Commençons tout d’abord par définir le terme « contexte », qui selon Parducci (1995) : « …renvoie à une représentation conceptuelle de l’ensemble des événements, réels ou imaginaires, qui déterminent le jugement dimensionnel de tout événement particulier. Cette représentation constitue le contexte dans lequel le jugement est émis, un ensemble de références auxquelles chaque événement particulier est comparé » (Parducci, 1995, p.55). Plusieurs études ont démontré l’importance du contexte avec différents types d’expressions verbales. Borges et Sawyers (1974) et Newstead, Pollard et Riezebos (1987) ont démontré que l’interprétation numérique des expressions de quantité telles que : Quelques, beaucoup, plusieurs, est influencée par la quantité d’objets disponibles et de leurs propriétés. Ainsi, l’évaluation correspondant à une expression de quantification particulière augmente avec le nombre total d’objets disponible. Mais aussi, la taille des objets décrits et leur fonctionnalité semblent également influer sur l’interprétation des quantificateurs (Hörmann, 1983 ; Newstead & Coventry, 2000). Dans la même perspective de recherche, mais avec des expressions de fréquence cette fois-ci, Pepper (1981) avance que de telles expressions possèdent un sens usuel et un sens qui varie selon les personnes et le contexte. En particulier, le sens de certaines phrases (e.g., « presque jamais », « parfois » et « très souvent ») varie en fonction de la fréquence attendue de l’événement décrit (Pepper & Prytulak, 1974). En demandant à leurs sujets d’évaluer le sens de phrases comme : « souvent » ou « quelquefois » dans des contextes qui diffèrent en fréquence attendue ou en absence de contexte, (la tâche des sujets était d’indiquer combien de fois sur 100 occasions un événement spécifié pourrait avoir eu lieu), il en ressort que la traduction numérique des phrases (incluant les expressions de fréquences) des phrases a été significativement plus faible en présence d’un contexte de faible fréquence que dans d’autres (i.e., contexte à forte fréquence et en absence de contexte), et plus forte pour la situation avec 21 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE grande fréquence que pour l’absence de contexte. Ainsi, l’évaluation numérique attribuée à « très souvent », dans le contexte « tremblement de terre en Californie » a été plus faible que celle de l’expression « quelquefois » dans le contexte « présence d’armes à feu dans un Western ». Ainsi, considérant la proche correspondance entre les expressions de fréquence et les expressions probabilistes, on devrait s’attendre à des résultats similaires. 3.1. Le taux de base1 ou la fréquence de base perçue 3.1.1. Effet du taux de base sur l’interprétation des probabilités verbales Afin de mieux introduire ce paragraphe, commençons par prendre un exemple. Imaginez que ce soir sera diffusé à la télévision un combat de boxe qui va opposer « Bobo », un jeune champion qui a remporté plusieurs titres auparavant et « Momo », un jeune boxeur qui atteint pour la première fois la finale. Dans une interview recueillie auprès des entraîneurs des deux joueurs sur les prévisions qu’ils font sur l’issue de ce combat, le premier déclare : « Il est très probable que B gagne ce match », et le deuxième dit : « Il est très probable que M gagne ce match ». Assis devant votre téléviseur, si vous ne tenez compte que des prévisions faites par les entraîneurs (sans aucune information sur le parcours des deux compétiteurs), vous penserez certainement que le match sera très serré avec des chances de 50/50 pour chacun des deux compétiteurs. Mais bien que, les deux entraîneurs aient exprimé le même degré de certitude sur l’issue de ce match (très probable) ; vous persistez à penser que leurs chances ne sont pas égales. Ainsi, le taux de base perçu (champion vs. jeune compétiteur) a influencé le sens et le 1 Le terme Anglais utilisé est « Base rate ». 22 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE poids que vous pourriez attribuer aux prévisions des entraîneurs, et par conséquent, à une perception différente des chances de gain des deux joueurs. Cet exemple illustre bien l’effet du contexte sur l’interprétation de l’incertitude verbale. Dans cette perspective, l’approche la plus dominante dans l’étude des effets de contexte, est celle du taux de base perçu (ou fréquence de base), qui suppose qu’une expression verbale d’incertitude possède une étendue d’interprétations possibles et que le contexte auquel ces expressions font référence agit sur la sélection d’une interprétation numérique appropriée (Brun & Teigen, 1988 ; Wallsten, Fillenbaum et Cox, 1986 ; Weber & Hilton, 1990). En d’autres termes, la manipulation du contexte peut influencer l’interprétation des prévisions verbales et l’imprécision inhérente à ces expressions est résolue à travers une moyenne pondérée du taux de base perçu (ou de la probabilité subjective de la personne sur l’événement dans un contexte donné), et du sens de la prévision verbale elle-même prise isolément. Dans une de leurs études, Wallsten, Fillenbaum et Cox (1986) ont demandé à des météorologistes de traduire des expressions verbales d’incertitude et des expressions de fréquence (sur une échelle probabiliste) dans deux contextes médicaux : l’un avec une faible probabilité a priori et l’autre avec une forte probabilité a priori. L’une des consignes était ainsi amorcée : « Vous buvez habituellement 12 tasses de café par jour. Votre médecin vous dit qu’il est fort probable que si vous arrêtiez le café vos problèmes gastriques disparaîtraient ». Quelle est la probabilité que vos problèmes gastriques disparaissent ? Les résultats ont montrés que l’interprétation des probabilités verbales a était fonction du taux de base perçu de l’événement et ce malgré deux faits notables. Tout d’abord les sujets ayant participés à l’expérience sont des experts (météorologistes), et la communication de 23 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE l’incertitude est d’une importance capitale dans leur profession. Mais aussi que parmi les expressions verbales présentées dans l’expérience, plusieurs d’entre elles avaient un sens numérique précis dans leur profession. Ainsi, l’interprétation des prévisions utilisant des expressions de forte probabilité et de probabilité neutre a été plus affectée par le taux de base,en rapport avec celles de faible probabilité qui ont été très peu affectée voire même pas du tout. Ces résultats vont dans le même sens que ceux de Borges & Sawyers (1974) et de Pepper & Prytulak (1974) sur les expressions de quantités qui montrent que les faibles quantificateurs sont moins sensibles à la fréquence attendue ou à la quantité disponible, que ne le sont les autres expressions. L’une des explications avancée par les auteurs se base sur la distinction entre expressions marquées et expressions non marquées (Greenberg, 1966). Une expression non marquée est une expression qui fait référence à tout un continuum et aussi à une proportion de ce dernier, alors qu’une expression marquée fait uniquement référence à une zone de ce continuum. Les expressions de forte certitude sont des expressions non marquées. Si on demande à quelqu’un d’estimer « les chances », « la possibilité » ou « la probabilité » d’occurrence d’un événement X, dans ce cas, les réponses peuvent aller de la certitude de non-réalisation à la certitude de réalisation (de 0 % à 100 %). Cependant, les expressions de faibles probabilités, elles, sont marquées ; dans le sens où elles ne peuvent être comprises que faisant référence à une proportion du continuum, c'est-à-dire à la certitude de non-réalisation (e.g., peu probable). Le fait que les expressions non marquées sont utilisées pour labéliser le continuum rend leur sens plus vague, donc plus sensible aux effets de contexte. Mais une autre lecture peut aussi bien rendre compte de l’effet observé de façon plus claire et qui se situe à notre avis dans un contexte sémantique de l’étude des probabilités verbales, c’est-àdire au niveau de la fonction communicative des expressions. En d’autres termes, il est question ici d’expressions désignant l’occurrence de l’événement (expressions positives : e.g., 24 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE possible) qui sont les expressions non marquées et celles qui font référence à sa non occurrence (expressions négatives : ex. improbable) et qui sont les expressions marquées (Pour plus de détail cf. chapitre 2 : la directionnalité). Enfin, Wallsten et al. (1986) suggèrent que les phrases d’incertitude n’ont pas un simple effet additif sur la probabilité du scénario, mais plutôt, que les fortes expressions augmentent les scénarios à faible probabilité, et diminuent les scénarios à forte probabilité. Ainsi, le sens des expressions verbales et celui des fréquences de base perçues des scénarios sont combinés par les sujets de sorte qu’ils moyennent plus qu’ils n’additionnent. Une façon de comprendre ce moyennage est de supposer qu’une expression verbale d’incertitude possède un sens relativement stable pour l’individu, et que ce sens peut varier avec le contexte sémantique. Cependant, l’individu a en plus un vague jugement de la probabilité de l’événement en question qui peut lui-même être représenté comme une fonction dans l’intervalle 0 et 1. Lorsque l’individu est confronté à une prédiction probabiliste à propos d’un événement, il interprète cette dernière comme une moyenne pondérée de deux vagues probabilités, l’une qu’il associe à l’expression et l’autre qu’il associe à l’événement ; de ce fait, le poids attribué à la probabilité du scénario (décrit par l’expression) varie en fonction de la quantité ou de la qualité des informations « indépendantes » disponibles à propos de l’événement en question. 3.1.2. Effet de la fréquence de base sur l’interprétation des prévisions numériques : Cas des processus associatifs Il faut comprendre que la majorité des recherches sur les effets de contexte sont appliquées à des situations dans lesquelles les prévisions fournies sont plutôt vagues et 25 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE imprécises, et que l’approche du taux de base exclut l’effet du contexte lorsque l’information est numérique. Cependant, plusieurs recherches soutiennent que le contexte peut également influencer la perception de l’incertitude même lorsqu’une prévision numérique précise est fournie (Flugstad & Windschitl, 2003 ; Kleiter, Dohety & Brake, 2002 ; Windschitl & Weber, 1999). Dans une de leurs études, Windschitl et Weber (1999) ont testé l’effet du contexte sur la certitude perçue avec des prévisions numériques. Ils ont présenté à leurs sujets des scénarios décrivant des événements, contenant chacun une prévision numérique émanant d’un expert et des informations sur le contexte (ce dernier a été manipulé dans un plan intergroupe). La tâche des sujets consistait à indiquer la certitude perçue sur une échelle verbale (dans une autre expérience, l’échelle était graphique ancrée aux extrémités). Les résultats ont montré que l’évaluation des prévisions numériques a été influencée par le contexte auquel ces prévisions faisaient référence. Ainsi, dans leur approche du problème des effets de contexte, Windschitl et Weber (1999), s’appuyant sur ce qu’ils appellent la représentativité, supposent que les forces des associations mentales entre un contexte spécifique et un événement peuvent influencer la représentativité perçue ; et que cette dernière peut avoir un effet direct sur la perception des chances réelles de l’occurrence de l’événement (la certitude) sans affecter sa probabilité subjective. Ainsi, même lorsqu’une prévision numérique est supposée être la meilleure estimation de la probabilité d’un événement, ceci n’exclut pas un effet de la représentativité. Par exemple, nous sommes plus confiants et optimistes de choisir comme compagnie aérienne « Air France » plutôt qu’«Air Lib » même si nous savons qu’il y a 10 % de chances de retard pour les deux compagnies. Ainsi, cette hypothèse partage des similarités avec une distinction plus générale entre deux types de traitements de l’information. 26 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE 3.1.3. Vers deux processus de pensée Sloman (1996) fait la distinction entre processus basé sur des règles, et processus associatif. Le processus basé sur des règles est un processus relativement contrôlé qui opère selon les règles de la logique formelle, il est gouverné par de fortes contraintes et médiatisé par une évaluation consciente de l’information et des événements. Alors que le processus associatif est une forme plus spontanée qui opère selon les principes de similarité et de contiguïté temporelle, gouvernés par des contraintes souples et n’est pas médiatisé par des évaluations conscientes (Sloman, 1996). Ainsi, la différence la plus pertinente entre les deux processus, pour cette approche, est sans doute celle de l’exécution des règles. Alors qu’une réponse véhiculée par des processus à base de règles suit, depuis son exécution, une ou plusieurs règles qui sont supposées être pertinentes pour la tâche en cours, dans le processus associatif strict les réponses ne sont pas médiatisées par l’exécution de règles, mais plutôt, l’activation des concepts influence directement les réponses ; plus forte est l’association entre deux concepts, plus forte sera l’activation de l’un vers l’autre. Ainsi, ces deux processus fonctionnent en synergie pour guider le raisonnement et la prise de décision (Sloman, 1996). Ainsi, l’approche de la représentativité (qui est un produit du processus associatif) (Windschitl et Weber, 1999) se distingue de celle du taux de base proprement dit (Wallsten et al. 1986) par le fait que les effets de contexte peuvent être produits par une simple association contexte-événement qui peut influencer l’incertitude indépendamment de considérations à base de règles. Il se peut même que de tels processus associatifs aient joué un rôle important 27 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE dans les effets de contexte qui ont été mis en évidence auparavant pour les prévisions numériques (Wallsten et al. 1986 ; Weber, 1994 ; Weber et Hilton, 1990). 3.1.4. La négligence du taux de base Bien que son impact soit robuste, plusieurs études ont démontré que les individus sont relativement insensibles au taux de base lorsqu’ils produisent un jugement sur la base d’informations diagnostiques (Bar-Hillel, 1983 ; Kahneman & Tversky, 1973 ; Tversky & Kahneman, 1982 ; Wallsten, 1983). Le taux de base peut dans ce cas être sous-évalué voire même ignoré, c’est ce que Kahneman et Tversky (1973) appellent « la négligence du taux de base ». Dans une de leurs études, ils ont présenté à leurs sujets une description de deux personnes (un étudiant ou un travailleur), et leur ont demandé de prédire leur champ d’activité (études ou profession). Les résultats ont montré que les jugements a posteriori sont déterminés principalement par le degré de similitude ou de représentativité du stéréotype professionnel respectif (e.g., bibliothécaire ou avocat). La fréquence du taux de base de ces catégories qui est connue par les sujets car explicitement soulignée dans la consigne a été largement négligée. Les auteurs soulignent que les prévisions par similitude ou représentativité sont généralement insensibles au taux de base. Cependant, le phénomène de négligence du taux de base est bien plus général, puisqu’il apparaît même dans des jugements qui ne peuvent être interprétés en termes de représentativité, et ce même avec des experts (Casscells, Schoenberger & Grayboys, 1978 ; Bar-Hillel, 1980). Mais comme l’avait si bien souligné Bar-Hillel (1983), la question n’est pas : « Pourquoi les individus sont insensibles au taux de base ? » mais plutôt, « Dans quelles conditions ils l’utilisent ? ». En s’appuyant sur une large revue de la littérature, elle suggère que les probabilités a priori sont utilisées (a) 28 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE lorsqu’elles sont perçues comme étant reliées causalement1 à l’événement en question ; (b) lorsqu’ils sont formulés de manière spécifique, (c) ou encore, lorsqu’ils sont concrets et clairs. Mais, cette explication ne corrobore pas les résultats obtenus depuis Wallsten et al. (1986) Jusqu’aux travaux les plus récents qui ont mis en évidence l’effet du taux de base perçu, alors qu’aucune de ces conditions d’activation n’étaient réunies. D’autres variables explicatives sont susceptibles de rendre compte de ce phénomène ; parmi ces variables, des variables procédurales (Borgida & Brekke, 1980) qui font référence au design, à la tâche et à la présentation. Ainsi, la distinction entre plan inter et intragroupe semble intéressante pour expliquer en partie la négligence du taux de base ; car il a été démontré que le taux de base a plus d’impact lorsqu’on présente à chaque sujet plusieurs taux de base, que lorsque différents taux de base sont présentés à différents sujets (Fischhoff, Slovic & Lichtenstein,1979). Mais aussi en rattachant cette idée aux approches théoriques et méthodologiques soutenues par Birnbaum (1982) et sa notion de plan « systextuels », ce dernier nous apprend que les plans inter et intragroupes évoquent des contextes de référence différents, et par conséquent produisent des jugements différents. 3.2. Effet de la gravité des événements Certains des travaux les plus pertinents sur le taux de base, comme ceux cités plus haut (Wallsten et al. 1986), ont utilisé des scénarios cliniques qui variaient dans la gravité des symptômes relatés et dans la probabilité a priori de la maladie. Pour Weber et Hilton (1990), 1 Un taux de base est dit causal (par opposition à accessoire) lorsqu’il suggère l’existence d’un facteur causal qui explique pourquoi une situation donnée est plus susceptible de donner lieu à une issue plutôt qu’à une autre ; par exemple : Alain est candidat au CAPES, or nous savons que l’année dernière 75 % des candidats ont échoué à l’examen. Ici le TB est causal parce que la cause inférée –difficulté de l’examen ou sélectivité du concoursexplique le TB. 29 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE il se peut que les individus se soient basés sur la gravité plus que sur la probabilité a priori de l’événement pour évaluer les expressions verbales. Weber et Hilton (1990) ont conduit une série d’expériences afin de mettre en évidence l’effet et de la fréquence de base et de la gravité des événements sur l’interprétation des probabilités verbales. Leurs résultats confirment ceux déjà trouvés auparavant sur l’effet de la fréquence de base (Wallsten et al., 1986), mais ils mettent en évidence d’autres variables qui auraient pu agir sur cette interprétation outre l’effet du taux de base. La première variable isolée est le degré de gravité du scénario médical utilisé comme stimulus. Weber et Hilton (1990) appellent cette variable : utilité ou non utilité de l’événement jugé, ou alternativement sa conséquentialité. Ainsi, l’évaluation des expressions probabilistes est plus élevée pour les scénarios décrits comme graves. Plus récemment et dans une autre perspective, Samits et Hoorens (2005) ont démontré que l’interprétation numérique des expressions probabilistes dépend de celui à qui est destinée cette information. Ainsi, lorsque les individus ont à évaluer des événements négatifs (positifs) qui pourraient leur arriver, ils pensent que l’expression verbale utilisée signifie une plus faible (forte) probabilité numérique que lorsqu’il est question d’un événement négatif (positif) qui pourrait arriver à quelqu’un d’autre. Pour expliquer cet optimisme irréel (Weinstein, 1989) ou optimisme comparatif (Harris & Middleton, 1994), ils interprètent ce pattern en termes de « nature menaçante de la phrase », et suggèrent que, l’interprétation des probabilités linguistiques est un cas de raisonnement motivé. Ainsi, les sujets utiliseraient des stratégies cognitives pour interpréter les probabilités verbales favorablement, lorsqu’ils sont motivés pour, et cette motivation est d’autant plus forte quand ils sont confrontés à une communication menaçante qui concerne leur santé future que lorsque ce n’est pas le cas ou qu’elle concerne quelqu’un d’autre. 30 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE 3.3. Effet de la composition du lot d’expressions et du type de problème L’interprétation des expressions verbales d’incertitude se trouve également affectée par les propriétés de la tâche de jugement elle-même. Dès lors, il nous semble étonnant que la plupart des recherches aient négligé une telle dimension du problème. Ainsi, les quelques tentatives de réponses à cette problématique nous les devons à la littérature psychophysique. Dans cette perspective, Fabre (1991, 1993) propose une étude de l’incertitude qui relève plutôt d’une sorte de psychophysique de l’expression verbale. En reprenant en partie une expérience de Foley (1959) sur le codage des expressions verbales d’incertitude l’auteur conclut aux mêmes résultats dans le codage (et la hiérarchisation) des expressions verbales d’incertitude, et ce malgré deux différences notables dans la procédure expérimentale. Ces différences portent l’une sur la composition du lot d’expressions, l’autre sur la consigne de codage. Ainsi, le lot d’expressions utilisé par Foley (1959) était déséquilibré, puisqu’il comportait plus d’expressions de certitude élevée que de faible certitude. D’autre part, la définition de la borne inférieure de l’échelle de codage donnait (a priori) une extension plus grande à cette échelle avec la consigne de Foley qu’avec celle de Fabre. Ainsi, l’échelle de Foley est une échelle qui va de la certitude de nonréalisation à la certitude de réalisation (comme pour l’échelle probabiliste classique), alors que celle de Fabre va de l’incertitude totale à la certitude totale. L’exploitation ultérieure de ces différences a permis de mettre en évidence deux types d’effets de contexte, dont l’un est général et l’autre spécifique à ce codage : - Le niveau d’explicitation des réponses, lié au principe de fréquence (Parducci, 1983) et donc à l’objectif de différenciation, qui concerne la composition du lot d’expressions. 31 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE - Le niveau d’analyse dimensionnelle, qui concerne la définition des bornes de l’échelle et détermine la position explicite des valeurs d’échelle des stimulus. Mais ce qui est essentiel pour entrer plus profondément dans le processus de jugement est de comprendre que la distinction entre les deux bornes est de pure forme tant qu’on ne lui associe pas une représentation de l’univers des possibles qui sert de référence à l’application des expressions. En effet, selon que cet univers est constitué d’un nombre de possibles limité ou illimité, la distinction entre l’incertitude et la certitude négative ne s’effectue pas de la même manière. Par exemple, dans un univers de possibles restreint à deux éventualités, l’incertitude se traduit par une répartition des chances de 1 contre 1, et la certitude négative appliquée à un terme de l’alternative s’identifie à la certitude positive appliquée à l’autre terme. Si, en revanche, l’univers est composé de mille éventualités, l’incertitude va grosso modo se traduire par l’opposition de 1 contre 1000 ; une probabilité aussi faible et très proche d’une certitude négative (1000 contre 1). Par conséquent la signification de la borne inférieure de l’échelle dépend du référent cognitif, c'est-à-dire de l’univers des possibles qui est suggéré par la présentation du problème. Lorsque l’univers des possibles est nettement délimité, l’incertitude et la certitude négative sont clairement distinctes l’une de l’autre. Mais lorsque l’univers n’est pas explicitement limité, ce qui est le cas de problèmes exprimés en termes de chances d’apparition d’un événement sans autre spécification, la distance entre incertitude et certitude négative doit être réduite. Dans ce cas, les bornes « incertitude » et « certitude négative » doivent fonctionner de façon analogue (Fabre, 1991). 32 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE 3.4. Effet de la définition de l’échelle de jugement Si l’on suppose que les expressions verbales d’incertitude sont représentées « internement » en termes de degré tout au long d’une échelle unidimensionnelle de quantification (ou une étendue subjective) (Reyna, 1981), produire ainsi un jugement reviendrait à évaluer le stimulus objet de jugement sur une échelle subjective de stimulation qui, quelle que soit son étendue ou sa constitution, doit nécessairement posséder une définition clairement labélisée. Sachant que le jugement de certitude et l’interprétation des expressions verbales sont très sensibles aux effets de contexte dans lequel ces expressions sont évaluées, nous pouvons avancer sans doute que le premier contexte du jugement est celui de l’échelle d’évaluation. Pour mettre en évidence l’effet de la définition de l’échelle de codage sur l’interprétation des expressions d’incertitude, Fares (2001) a proposé à ses sujets une tâche de codage avec différents types de problèmes et en introduisant différentes échelles de codage qui se distinguent par la labélisation, tantôt de la borne inférieure, tantôt de la borne supérieure. Six échelles de codage ont été proposées aux sujets : UP (incertitude vs. certitude), NP (Certitude négative vs. certitude positive), IP (limite inférieure non spécifiée vs. certitude positive), UI, NI, et II (où le I désigne toujours une limite non spécifiée). Les analyses ont montré que lorsque la définition de la borne inférieure de l’échelle de codage n’est pas explicitement spécifiée (cas de l’échelle IP), le codage des expressions a été similaire à celui de l’échelle NP (dont la limite inférieure désigne la certitude négative ou de non-réalisation), ce qui laisse supposer que, pour les sujets, le contraire de la certitude n’est 33 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE pas l’incertitude mais plutôt la certitude opposée ; si l’on réfléchit bien, ceci est plausible si l’on suppose que l’échelle probabiliste courante est une échelle NP et non UP. Toutefois, avec les échelles dont les limites supérieures n’ont pas été spécifiées (UI, NI, II), le codage des expressions verbales a été significativement plus faible qu’avec celles dont les limites supérieures ont été spécifiées. Ainsi, lorsqu’une échelle est définie, nous observons que le système verbal produit une fréquence plus élevée d’utilisation du haut de l’échelle ; c’est ce que Noizet (1967) appelle : la dissymétrie due à la dénomination. Cet effet est dû au fait que l’échelle est définie en termes de certitude et non d’incertitude et renvoie à l’analyse précédemment invoquée de Greenberg (1966). 3.5. Vers d’autres effets de contexte Certes, la liste serait trop longue pour présenter tous les facteurs contextuels (empiriques ou hypothétiques) qui peuvent influencer l’interprétation des probabilités verbales telles que le nombre de catégories de réponses et le nombre de stimuli (Parducci & Wedell, 1986 ; Preston & Colman, 2000), l’utilité des événements associés aux probabilités (Svenson, 1975), etc. C’est pourquoi nous avons choisi de présenter uniquement les quelques facteurs les plus pertinents par rapport à notre problématique. Ainsi, malgré les effets robustes mis en évidence dans une perspective de calibrage, de traduction et des effets de contexte dans l’interprétation des expressions verbales, il serait réducteur de croire que les facteurs contextuels se limitent à la seule information véhiculée ou à la tâche de jugement. Mais, pour mieux comprendre la formation des jugements et le sens des expressions, il faudra aussi se pencher sur le contexte social, informationnel, 34 CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE motivationnel et celui du discours dans lequel les opinions sont construites et les expressions formulées. Ainsi, tous ces facteurs contextuels peuvent fournir des indices complémentaires qui peuvent influer sur ce qui est exprimé et sur ce qui est compris. Ainsi, Fox & Irwin (1998) fournissent six sources d’informations sur lesquelles le receveur s’appuie pour former son jugement dans l’incertitude : (a) Son avis et ses suppositions a priori sur le monde ; (b) Son interprétation du contexte social et informationnel dans lesquels les opinions de celui qui communique sont créés et formées ; (c) Son évaluation de la crédibilité de la source ; (d) L’interprétation du contexte social et motivationnel dans lequel les phrases sont formulées ; (e) Sa compréhension de l’information véhiculée directement et indirectement par la source ; et (f) Son interprétation du contexte social et discursif dans lequel ces phrases sont incorporées. Nous pensons que la cinquième source d’information décrite par Fox et Irwin (1998), à savoir la compréhension de l’information véhiculée, représente un élément fort intéressant dans la mesure où elle s’intéresse plus au sens des expressions et à la qualité et la quantité des informations qu’elles peuvent véhiculer. En effet, comprendre la phrase exprimée par l’autre est plus qu’une localisation approximative sur une échelle numérique, et plus qu’une activité de traduction, mais plutôt une profonde réflexion, basée sur des stratégies cognitives, sur le choix et l’utilisation des expressions. Il en ressort que les expressions d’incertitude comme le soulignent Fox et Irwin (1998) véhiculent plus d’informations que leur contenu apparent ne le laisse supposer. 35 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE - CHAPITRE II - VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE DE L’ETUDE DES EXPRESSIONS VERBALES D’INCERTITUDE. OU AU-DELÀ DU SENS APPARENT 1. Le sens des expressions d’incertitude Malgré la littérature sans cesse grandissante sur les probabilités verbales, rares sont celles qui se sont intéressées à leur fonction sémantique et communicative. Maintenant, on le sait, de telles expressions possèdent une riche structure sémantique qui peut être utilisée pour communiquer et véhiculer plus d’information qu’une localisation approximative sur une échelle probabiliste (Budescu & Wallsten, 1995 ; Moxey & Sanford, 1993), même si des divergences persistent quant à la nature de l’information véhiculée par ces phrases. Dans cette optique de recherche, on peut distinguer les expressions d’incertitude sur la base : de leur fonction communicative, c’est ce que Teigen & Brun (1999) appellent « la directionnalité » : positive vs. négative ; du type de probabilité impliqué : aléatoire vs. épistémique (Hacking, 1975) et de leurs modes de construction : interne vs externe (Howell & Burnett, 1978 ; Kahneman & Tversky, 1982 ; Fox, 1987). 36 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE Nous avons choisi d’évoquer l’étude de Teigen, qui représente l’une des rares tentatives d’étude du sens des expressions d’incertitude verbales elles-mêmes, en créant une distinction entre différents types de probabilités verbales, ce qu’elles peuvent véhiculer comme informations et leurs effets sur le choix et la prise de décision. 1.1. La directionnalité des expressions d’incertitude L’une des distinctions au sein même des expressions d’incertitude peut se faire sur la base de leur fonction communicative. Ainsi, la distinction la plus simple est celle entre les phrases qui suggèrent l’occurrence d’un événement et les phrases qui décrivent sa nonoccurrence (Teigen & Brun, 1995 ; Teigen & Brun, 1999). Supposons que quelqu’un nous dise que : l’événement T est « possible » ou « probable » ; par ces expressions, il nous invite à considérer l’occurrence de l’événement. Par contre, en disant que T est « improbable », « impossible », c’est à la non-occurrence de l’événement que ces expressions renvoient ; c’est ce que Teigen et Brun (1999) appellent « positif » pour le premier groupe et « négatif » pour le deuxième. Cependant, il est important de ne pas confondre cette distinction qualitative avec une division quantitative entre « forte probabilité » et « faible probabilité ». Par exemple, la phrase : « une faible chance de T » est cohérente avec une « relativement faible probabilité » de T, alors que la phrase peut être considérée comme positive dans le sens où elle fait référence à T et non à non-T. Au contraire, la phrase « T n’est pas tout à fait certain », peut décrire une forte probabilité de T ; néanmoins, la phrase est négative car elle attire notre attention sur le fait que T peut, après tout, ne pas avoir lieu. Ainsi, les deux phrases sont dites directionnelles, pointant ainsi vers des issues contradictoires. Les auteurs ont voulu vérifier si l’information véhiculée soit en mode négatif soit positif débouchait sur des décisions 37 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE différentes. Ils avancent l’hypothèse qu’une expression positive facilite une décision positive, alors qu’une expression négative va avoir plus tendance à rejeter l’option proposée. Moxey et Sanford (1987, 2000) furent les premiers à attirer l’attention sur le fait que les expressions de fréquences telles que « few » et « a few » possèdent des centres d’attention différents. Le premier est négatif alors que le deuxième tend vers la positivité, et par conséquent, l’emploi de l’un ou de l’autre déboucherait sur une compréhension différente quant à la quantité disponible. De même, la plupart des expressions probabilistes peuvent être associées à des quantificateurs (e.g., très peu, quelque, presque) ; par conséquent, la directionnalité d’une expression telle que « possible » peut être influencée par le quantificateur qui l’accompagne. Ainsi, un fort quantificateur ajouté à une expression va accentuer l’occurrence de son issue, alors que s’il est ajouté à une phrase négative, ceci va produire l’effet inverse. Pour tester leurs hypothèses, Teigen et Brun (1999) ont proposé à leurs sujets deux scénarios. L’un d’eux a été amorcé ainsi : « Marianne souffre depuis longtemps de migraines, et elle commence à songer à une nouvelle thérapie basée sur l’acupuncture. Le traitement est long et coûteux. Marianne vous demande s’il est utile d’essayer ce traitement. Heureusement vous vous rappelez que vous avez un couple de médecins qui connaissent bien le traitement des migraines, auprès de qui vous avez demandé conseil. Ils ont discuté de ta question et ont conclu, qu’il était assez incertain / qu’il y a quelques possibilités / que la probabilité est 3035 %, que le traitement soit efficace pour elle. Sur cette base, allez-vous conseiller à Marianne d’essayer cette nouvelle méthode ? (Oui absolument) 1---2---3---4 (Non absolument pas) Dans cette expérience, le choix des expressions verbales et des probabilités numériques a été effectué à l’issue d’un pré-test qui a montré que les deux expressions : 38 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE « Assez incertain » et « quelques possibilités » peuvent être traduites en une estimation de probabilités aux alentours de 30-35 %. Les résultats ont montré que quoiqu’elles se réfèrent à la même probabilité, les phrases positives et les phrases négatives donnent lieu à des recommandations différentes ; plus précisément, elles diffèrent dans la façon dont elles font apparaître le doute. Ainsi, il en ressort, pour tous les scénarios, une recommandation positive lorsque les experts parlent de possibilité que lorsqu’ils parlent d’incertitude. Ainsi plus de 90 % recommandent l’acupuncture lorsqu’il s’agit de « quelques possibilités » que le traitement soit efficace, contre moins d’un tiers lorsque l’effet du traitement est décrit comme « assez incertain ». Quant à la condition « estimation numérique », le nombre de sujets ayant recommandé l’acupuncture est significativement inférieur à la condition « expression positive » et significativement supérieur à la condition « expression négative ». Un phénomène similaire a été rapporté dans des études psycholinguistiques sur l’intensité des quantificateurs. C’est ce que Champaud et Bassano (1987) appellent « orientation informative et argumentative des expressions » ; en comparant le sens de trois expressions : « presque », « à peine » et « à peu près », ils trouvent que bien qu’elles se réfèrent et décrivent la même quantité, ces expressions sont interprétées différemment, indiquant respectivement une orientation positive et négative. 1.2. Les variantes de l’incertitude Dans la littérature, les termes « incertitude interne » et « incertitude externe » ont été employés pour désigner plusieurs choses que l’on peut regrouper en deux catégories. Ils 39 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE servent à (1) qualifier l’état de connaissance du sujet face à un ou plusieurs événements et (2) décrire un mode de construction des expressions d’incertitude. 1.2.1. L’incertitude interne et externe comme attribution : entre référentiel et temporel Les probabilités psychologiques diffèrent non seulement par leurs forces, mais aussi, par d’autres dimensions ; l’une des plus importantes est leur source. Dans certains cas, cette incertitude peut être attribuée à notre état de connaissances (ou ignorance), et, dans d’autres cas, elle peut être attribuée à des facteurs externes, comme la chance. À la base, l’idée était celle de Howell et Burnett (1978) qui font une distinction entre incertitude interne et externe selon que les événements sont contrôlés ou pas par l’individu. Kahneman et Tversky (1982) ont repris ces mêmes termes pour distinguer l’incertitude relative à l’état de connaissance de l’individu (Ignorance) et celle attribuée au monde externe (Disposition). À ce niveau, on peut distinguer l’incertitude interne et l’incertitude externe sur deux bases. La première distinction se fait sur une base que nous appellerons référentielle ou informationnelle et la deuxième temporelle (même si l’une est le reflet de l’autre). D’un point de vue référentiel, on parle d’incertitude externe lorsque celle-ci fait référence à un événement du monde externe. Ainsi, on considère comme externe l’incertitude associée à des événements tels que : l’issue d’un match de foot, le temps qu’il fera ce weekend ou le sexe du futur nouveau-né ; alors que les opinions concernant la hauteur de la tour Montparnasse ou l’appartenance ou non de la Russie à l’Europe, reflètent une incertitude qui est attribuée à notre état de connaissance plus qu’aux propriétés des objets eux-mêmes. 40 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE Ce qui distingue aussi l’incertitude interne de l’incertitude externe c’est l’aspect temporel. Ainsi, à la base, c’est plus la réalisation effective ou potentielle de l’événement qui entre en jeu, autrement dit l’événement a déjà eu lieu ou n’a pas encore eu lieu (passé vs. futur) ; dans les deux cas, l’incertitude ou l’attitude face à l’événement ne sera plus la même (Rothbart & Snyder, 1970 ; Brun & Teigen, 1990). Comparons ces deux phrases : (a) Il y a de fortes chances que l’équipe bleue ait gagné son match contre l’équipe verte. (b) Il y a de fortes chances que l’équipe bleue gagne son prochain match Dans la phrase (a), l’incertitude décrite est nécessairement interne, puisque l’issue du match est connue ; c’est un fait. Alors que, dans la phrase (b), elle est externe car son occurrence ou sa non-occurrence dépend de facteurs liés au monde externe1. Ainsi, il a été démontré que lorsqu’on demande à des sujets leurs opinions sur des phrases décrivant des événements passés et futurs, ils expriment une plus grande confiance dans les phrases à propos des événements passés, mais sont plus ambivalents quant il s’agit de prédictions (Teigen, 1990), voire même beaucoup moins « surconfiants » que sur les événements passés (Ronis & Yates, 1987 ; Wright, 1982), car les événements passés peuvent être mieux connus, du moins en principe, que ceux qui n’ont pas encore eu lieu. Ainsi, les jugements à propos du passé et du futur sont supposés être formés selon différents processus mentaux. Selon Wright et Wishuda (1982), les réponses à des questions à propos d’événements passés peuvent être directement puisées en mémoire (remémoration), alors que les prédictions sur des événements futurs sont plus basées sur des inférences (ou intuition) ; 1 Cependant, il est légitime de penser que l’incertitude même dans ce cas est interne, dans la mesure où le futur lui-même est incertain et imprévisible. Ainsi d’un point de vue déterministe, on peut dire que toute incertitude, même à propos du futur, est due à l’ignorance, et donc subjective et interne plutôt que faisant partie de la réalité externe. 41 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE ainsi, l’incertitude externe rend plus facile l’intégration du facteur « probabilité » dans la représentation conceptuelle ou dans les modèles mentaux sur le monde réel (Keren, 1991). 1.2.2. L’incertitude interne et externe comme modes de construction Cet aspect de la distinction, entre différents types d’expressions verbales, est sans doute celui qui a été le moins étudié de toutes les variantes de l’incertitude. Dans cette perspective, on peut distinguer l’incertitude interne de l’incertitude externe sur la base de leur mode de construction ou formulation linguistique. Tversky et Kahneman (1982) furent les premiers à attirer l’attention sur l’existence de deux lots d’expressions d’incertitude, en avançant que ce qui distingue l’incertitude interne de l’incertitude externe c’est l’emploi du pronom personnel « je » ou tout autre élément faisant référence à l’individu. Ainsi, l’expression « je suis sûr que X aura lieu» peut être classé comme interne, alors que « il est certain que X aura lieu », ressort plutôt de la catégorie externe. Cette distinction renvoie à une distinction plus générale entre attributs internes et externes de l’expérience (Tversky et Kahneman, 1982). Mais, nous pouvons étendre cette constatation, pour créer une autre distinction qui comprend, (a) les expressions internes : qui sont des expressions d’incertitude décrivant l’état de connaissance de l’individu face à l’événement objet d’incertitude, telle que : « il me semble », « je suis convaincu » , (b) les expressions externes, qui englobent les expressions probabilistes telle que : « probable », « fortes chances », et qui sont des expressions qui font référence à l’état du monde et aux propriétés des objets, et enfin, (c) des expressions qui ne peuvent être classées dans aucune des deux catégories, que nous appellerons expressions internes en formulation externe telle que : « il est sûr », « il paraît ». Cette distinction, entre incertitude interne et externe, nous semble cohérente avec une utilisation combinée des deux types d’expressions dans une même phrase ; ainsi, je peux dire : 42 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE « je suis certain que tel événement est très probable » et qu’ « il y a peu de chances qu’il soit sûr », sans tomber dans l’absurdité. Fox et Irwin (1998) rapportent une étude de Fox et Malle (1997), dans laquelle il a été démontré que les sujets étaient plus prêts à miser avec un bookmaker qui dit être à « 60 % sûr » que l’équipe va gagner, qu’avec un autre bookmaker qui dit qu’il y a « 60 % de chances» que l’équipe gagne. Dans une autre consigne, ils présentèrent à leurs sujets le récit d’une personne qui dit être à « 70 % sûre » qu’elle se mariera dans les trois ans à venir, et de quelqu’un d’autre qui avance qu’il y a « 75 % de chances » qu’il se marie d’ici trois ans. Les sujets ont répondu que la personne qui a utilisé le mode interne (sûr) a certainement quelqu’un en tête plus que ne l’est la personne utilisant le mode externe (chances), même si le second utilise une prévision numérique supérieure au premier. Fox et Malle (1997) suggèrent que les expressions internes tendent à être associées à un « raisonnement singulier » basé sur des scénarios spécifiques ou l’impression de savoir, alors que les expressions en mode externe tendent à être associé à l’utilisation d’un « raisonnement distributionnel », dans lequel le cas en question est vu comme un exemple d’une classe de cas similaires. Contrairement à Kahneman et Tversky (1982) qui font des modes distributionnel et singulier deux méthodes de mesure (et non des propriétés) d’une même incertitude « externe ». 1.3. L’évaluation de l’incertitude entre dispositions et ignorance Afin de mieux comprendre cette distinction entre les deux types d’incertitude et leur implication dans l’évaluation de l’incertitude, prenons comme exemple ces deux phrases : 43 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE a) Le film de Peter Jackson « Le Seigneur des Anneaux » sera très probablement nominé cette année aux Oscars, car c’est un film qui a déjà reçu plein de récompenses dans plusieurs festivals internationaux. b) Le film de Peter Jackson « Le Seigneur des Anneaux » sera très probablement nominé cette année aux Oscars, car c’est un film basé sur un excellent scénario, présentant de fabuleuses scènes d’action, des effets spéciaux à couper le souffle et une magnifique bande sonore. Dans la phrase (a) la probabilité que film « Le Seigneur des Anneaux » remporte un oscar cette année peut être facilement évalué sur une base distributionnelle : ainsi, nous adoptons une approche distributionnelle lorsque l’on traite le cas en question comme un cas dans une classe de cas similaires, et comparons la probabilité d’un événement avec sa fréquence relative à l’intérieur de cette classe. Pour la phrase (a) la probabilité que « Le seigneur des anneaux » remporte un oscar est élevée à cause de la fréquence relative avec laquelle il a déjà été récompensé dans d’autres festivals auparavant. Avec la phrase (b), on penche plutôt vers une approche unique ou spécifique (ou logique singulière). Ainsi, nous adoptons une approche singulière lorsque nous traitons un cas à la fois comme étant unique, et dérivant aussi des jugements probabilistes en tenant compte de la force des dispositions en compétition. Par conséquent, évaluer un événement qui dépend de son propre système et de sa propre logique, reviendra à évaluer le poids des facteurs et des forces relatives en jeu (sous-tendant l’événement), ce que Kahneman et Tversky (1982) appellent « les dispositions en compétition ». 44 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE D’un point de vue singulier (ou unique), les événements sont vus comme le produit causal des systèmes qui ont la prédisposition à les produire. En effet, dans l’exemple cidessus, la probabilité que le film reçoive un oscar est élevée parce qu’on sait qu’il est bien réalisé et qu’il est pourvu d’excellentes qualités cinématographiques. Ainsi, pour ces deux phrases, le degré de certitude exprimé est le même, mais l’interprétation de la phrase diffère selon l’approche utilisée. En d’autres termes, le mode de construction et la structure de la phrase (mode de présentation des constituants de l’événement objet de jugement) impose une approche du jugement qui est différente, soit distributionnelle, soit spécifique. Mais, Kahneman et Tversky (1982) notent également qu’une même phrase peut être évaluée selon les deux modes. Les auteurs font des approches Distributionnelle et Singulière deux méthodes d’évaluation de l’incertitude externe. Quant à l’incertitude interne, elle peut être évaluée soit selon un mode raisonné basé sur l’examen des arguments et de la pondération des preuves, soit selon un mode introspectif basé sur la force des associations. Une phrase comme « je crois que la Russie appartient à l’Europe », ou « je pense que Johnny a 70 ans » reflète une incertitude interne car elle résulte de l’ignorance même partielle face à l’événement, et, comme pour l’incertitude externe, l’incertitude interne peut parfois être évaluée par les deux modes. Ainsi, par exemple, la question sur l’âge de Johnny peut être abordée soit introspectivement en cherchant une réponse familière (ou situation comparable), soit en mode raisonné en essayant de déduire la réponse à partir d’autres connaissances (Kahneman et Tversky, 1982). (cf. Figure 1) 45 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE INCERTITUDE Attribution Interne Mode de construction Externe Interne Externe Reflétant Ignorance Décrivant Dispositions Evaluée selon des modes Incertitude relative à la personne Incertitude face à l’événement Reflétant Raisonné Distributionnel ou ou Introspectif Singulier Raisonnement Singulier Raisonnement Distributionnel Figure 1. Les variantes de l’incertitude : interne vs externe, et leur évaluation. Légende : cette figure est une tentative de mise en synthèse des différentes distinctions conceptuelles (Fox & Malle, 1997 ; Kahneman & Tversky, 1982) relatives au jugement d’incertitude. Comme nous pouvons le constater, l’incertitude décrit soit une « attribution » soit un « mode de formulation », chacun de ces deux descripteurs possédant deux variantes (interne et externe). Chacune de ses variantes à travers la distinction initiale implique la mise 46 CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE en place de processus spécifiques, donc de jugements différents. On voit également qu’il existe une transition entre les deux variantes de l’incertitude (interne et externe) à travers les deux applications initiales de l’incertitude, la flèche présentée dans le schéma sert à représenter le fait que chacune des deux conditions d’application de la distinction est le reflet de l’autre ; en d’autres termes, l’incertitude interne peut devenir externe et l’externe peut ellemême devenir interne. 47 CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE - CHAPITRE III - PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES Les recherches sur les probabilités verbales ont porté principalement sur trois axes d’étude : (a) la traduction des expressions verbales d’incertitude en prévisions numériques, (b) les effets de contexte et principalement ceux relatifs aux taux de base, et, (c) les tentatives d’approche, du sens des expressions d’incertitude. La traduction des expressions verbales d’incertitude en prévisions numériques a pour but de quantifier l’incertitude et les expressions communément utilisées afin de pouvoir faire des prévisions précises et comprendre leur sens (Brun & Teigen, 1988 ; Bryant & Norman, 1980 ; Budescu & Wallsten, 1985 ; Kong, Barnett, Mosteller & Youtz, 1986 ; Lichtenstein & Newman, 1967 ; Mosteller & Youtz, 1990 ; Reagan, Mosteller & Youtz, 1989 ; Reyna, 1981 ; Tavana, Kennedy & Mohebbi, 1997). Elle permet aussi, d’étudier, en les comparant, les deux modes de communication de l’incertitude (verbal vs. numérique) afin de voir lequel des deux est le plus fiable pour communiquer et comprendre l’incertitude (Budescu & Wallsten, 1987 ; Budescu, Weinberg & Wallsten, 1988 ; Erev & Cohen, 1990 ; Gonzalez & FrenckMestre, 1993 ; Gonzalez-Vallejo & Wallsten, 1992 ; Olson & Budescu, 1997 ; Wallsten & Budescu, 1990 ; Wallsten, Budescu & Zwick, 1993 ; Wallsten, Fillenbaum et Cox, 1986 ; Weber & Hilton, 1990 ; Zimmer, 1983 ; Zwick & Wallsten, 1980). L’étude des effets de contexte et, principalement, ceux relatifs au taux de base (Brun & Teigen, 1988 ; Wallsten, Fillenbaum & Cox, 1986 ; Weber & Hilton, 1990), cherche à déterminer l’effet que peut avoir la probabilité a priori perçue (faible ou forte) d’un événement, sur l’interprétation de l’expression verbale qui le décrit. Enfin, les rares tentatives d’approche du sens des 48 CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE expressions d’incertitude elles-mêmes (Teigen & Brun, 1995, 1999) concernent principalement la fonction communicative et sémantique des expressions verbales d’incertitude. De toutes ces recherches sur l’interprétation des expressions verbales d’incertitude, il ressort une faible variabilité intra-individuelle mais une grande variabilité inter-individuelle dans l’interprétation de ces expressions verbales. Tout d’abord, concernant la variabilité intraindividuelle, la plupart des recherches rapportent une faible variabilité intra-sujets dans l’interprétation numérique des expressions verbales d’incertitude (Beyth-Marom, 1982 ; Bryant & Norman, 1980 ; Budescu & Wallsten, 1985 ; Johnson, 1973 ; Rapoport, Wallsten & Cox, 1987). Ainsi, malgré l’imprécision apparente de ses expressions, leur sens reste relativement stable dans certains contextes, ce qui plaide en faveur d’une cohérence et d’une stabilité dans l’évaluation des sujets à travers le temps et les contextes. La variabilité interindividuelle dans l’interprétation des probabilités verbales s’avère, quant à elle, très grande (Bryant & Norman, 1980 ; Budescu & Wallsten, 1985 ; Fabre, 1991 ; Hogarth, 1980 ; Johnson, 1973 ; Rapoport, Wallsten & Cox, 1987). Ces résultats se confirment même avec des experts qui utilisent dans leur travail ce type d’expressions (Beyth-Marom, 1982; Budescu & Wallsten, 1985). Ainsi, à des expressions comme « probable » ou « possible » ont été assignées des probabilités allant de .01 à .99. Toutefois, cette variabilité ne fait pas l’unanimité. En effet, d’autres recherches rapportent une variabilité inter-sujets plutôt faible (Lichtenstein & Newman, 1967 ; Kong, Barnett, Mosteller & Youtz, 1986) et une cohérence dans les moyennes d’estimation à travers les recherches. Par exemple, une expression comme « très probable » est souvent placée entre .8 et .9, alors que « incertain » réfère souvent à une probabilité de l’ordre de .5. Ceci dit, nous remarquons que la variabilité inter-sujets concerne certaines expressions plus que d’autres. En effet, comme pour l’ordre 49 CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE entre les expressions (i.e., hiérarchisation), l’évaluation est plus stable pour les expressions dites « ancres » (i.e., qui définissent l’échelle de mesure) (Budescu & Wallsten, 1985). En fait, l’origine de cette discordance dans les résultats relatifs à la variabilité peut avoir plusieurs sources. Comme le souligne Clark (1990), ces différences peuvent résulter de la variété des procédures d’évaluations utilisées par les expérimentateurs. Toutefois, nous pouvons également imputer cette variabilité inter-sujets à des différences interindividuelles dans l’utilisation du langage et aux effets de contexte ; ainsi, par exemple, la variabilité est plus grande dans un contexte spécifique (e.g., taux de base spécifié), qu’en absence de contexte (Beyth-Marom, 1982). Enfin, l’une des principales critiques que l’on peut porter envers la majorité de ces études, concerne le choix des expressions. Ainsi, la plupart de ces recherches n’utilisent pas exclusivement des expressions probabilistes ou d’incertitude telles que « probable », « presque certain ». Ces recherches incluent, en outre, des expressions de fréquences, « souvent », « la plupart du temps », « jamais », « rarement », « fréquemment », « presque jamais » (Bryant & Norman, 1980 ; Budescu & Wallsten, 1985 ; Kong, Barnett, Mosteller & Youtz, 1986 ; Lichtenstein & Newman, 1967) ; des expressions comparatives : « le plus vraisemblable » (Beyth-Marom, 1982) ; des expressions logiques : « cohérent avec », « compatible avec », « ne peut être exclu » (Bryant & Norman, 1980), et beaucoup d’autres expressions qui ne peuvent être classées dans aucune de ces catégories comme : « imprévisible », « courant » (Budescu & Wallsten, 1985), « nécessairement », faisable », « concevable » (Reyna, 1981). En outre, l’évaluation de ces expressions, sur une même échelle de jugement peut nuire à la validité et à la spécificité des résultats dans le domaine des expressions d’incertitude. Ainsi, demander à des sujets d’évaluer des stimuli hétérogènes sur la même échelle dimensionnelle, peut faire varier les valeurs prises par chacune des expressions 50 CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE d’incertitude. L’utilisation de cette échelle commune est d’autant plus gênante si l’objectif premier de la quantification était l’établissement d’équivalents numériques censés traduire le sens des expressions. Cette critique est renforcée par l’étude de Budescu, Weinberg et Wallsten (1988) qui ont démontré que lorsque les sujets sont invités à produire, eux-mêmes, leurs expressions pour décrire les probabilités, chacun produit en moyenne 13 expressions verbales, sur un total de 111 expressions différentes employées par les 20 sujets. Ce résultat nous pousse à repenser le sens des expressions, non seulement, en faisant le tri entre les expressions d’incertitude verbales et les autres expressions qui décrivent la fréquence, la quantité ou autres, mais aussi, en cherchant au sein même des expressions d’incertitude un sens qui les distingue et qui peut agir sur leur interprétation. Notre recherche repose en grande partie sur le choix des expressions verbales et leur sens. Les quelques tentatives d’étude exclusivement réservées à des expressions verbales d’incertitude ne distinguent pas entre les différents types de probabilités verbales1, mais traitent toutes les phrases comme des indicateurs ou descripteurs plus ou moins vagues de niveau probabiliste. Ainsi, dans cette recherche, nous proposons une distinction au sein même des expressions d’incertitude, entre expressions internes et expressions externes. Les expressions internes sont des expressions qui font référence à l’individu et à son état de connaissance face à l’événement objet de jugement (e.g., je pense, je suis sûr). Les expressions externes, quant à elles, font référence aux événements externes ou à l’incertitude relative aux chances d’occurrence de l’événement et englobent les expressions probabilistes (e.g., peu probable, fortes chances). Avec cette distinction, les effets du mode de probabilité peuvent êtres traités et discutés de manière plus précise. En effet, si la distinction interne/externe est plus qu’un 1 Nous utilisons le terme de probabilité verbale ou probabilité linguistique, par opposition à probabilité numérique, pour décrire les expressions d’incertitude verbale. 51 CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE problème purement terminologique, il devient alors possible de démontrer que le choix et l’emploi d’un terme plutôt que d’un autre, implique, et mène, à des conséquences psychologiques et comportementales différentes. Nous supposons qu’il existe un lien entre le référent cognitif (ou attribution) et les expressions d’incertitude employées, à savoir, que l’incertitude relative aux événements externes est mieux décrite par les expressions externes, et que les expressions internes traduisent mieux l’incertitude relative aux connaissances de la personne. Mais aussi, nous pensons que les individus font plus confiance aux expressions internes qu’aux expressions externes, même lorsque ces dernières décrivent une plus grande probabilité numérique. Afin de vérifier nos hypothèses, quatre expériences ont été mises en place, et qui, visent à étudier les effets, respectifs et conjoints, du facteur « type d’expressions » : internes vs. externes, et des prévisions numériques associées afin de mettre en évidence l’impact de la formulation linguistique (a) sur la certitude perçue (Expérience 1), (b) sur les chances d’occurrence de l’événement (Expérience 2), (c) sur la préférence et le choix (Expérience 3), et enfin (d) sur l’interprétation numérique (codage) des expressions verbales d’incertitude (Expérience 4). Dans ce dessein, nous avons choisi de comparer des expressions internes (sûr, certain, convaincu) avec des expressions externes (possible, probables, chances). Comme nous pouvons le constater les deux lots décrivent, respectivement, une forte et une moyenne certitude, ils sont déséquilibrés et donc a priori incomparables. Pour y remédier nous les avons associés à des prévisions numériques. Ces dernières, en les faisant varier à travers les expressions, nous permettrons de mieux comprendre les patterns de choix en fonction de la tâche demandée : soit évaluer la certitude exprimée soit les chances d’occurrence de 52 CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE l’événement (pour les expériences 1 et 2). L’expérience 3, quant à elle, permet de discuter, à la lumière des deux précédentes, avec plus de précisions l’impact de la formulation rhétorique des expressions d’incertitude et des prévisions numériques sur le choix. Dans ses trois expériences, nous avons opté pour l’utilisation d’un paradigme de choix. Plus concrètement, un scénario décrivant une situation pour laquelle deux experts donnent leur avis respectif est présenté au sujet : l’un des experts formule son incertitude en mode interne et l’autre en mode externe, et à chacune de ces expressions est associée une prévision numérique (e.g., « Je suis sûr à 60 % » pour la condition interne ; et « Il y a 70 % de chances » pour la condition externe). Selon les conditions des expériences, la tâche du sujet va consister (a) à choisir celui des deux interlocuteurs qui exprime la plus forte certitude, ou (b) lequel des deux événements a le plus de chance de se produire, ou enfin, (c) à choisir parmi deux propositions décrites, celle à laquelle le sujet accorde le plus de crédit ou qui lui convient le mieux, sans autres précisions. Nous avons demandé également aux participants de justifier leurs réponses, afin de comprendre les déterminants de leurs choix. Enfin, pour la quatrième expérience, nous proposons d’étudier l’impact du référant cognitif associée aux expressions verbales sur leur interprétation et ce dans une tâche de codage numérique. L’aspect de la distinction qui nous intéresse est celui des expressions internes (e.g., je suis certain) et des expressions que nous appelons internes en formulation externe (e.g., il est certain). L’idée de cette distinction nous vient d’une part, de l’analyse des commentaires recueillis auprès des sujets dans les expériences 1 et 2 montrant que les sujets se basent parfois sur le référent cognitif (i.e., événement faisant référence à l’individu ou au monde externe) pour décider dans l’incertitude, et d’autre part, d’une distinction théorique proposée par Kahneman et Tversky (1982) mais qui n’a pas fait l’objet de vérifications expérimentales. Pour se faire, nous avons demandé à nos participants de juger de la convenance (i.e., sur une échelle allant de A : ne convient pas du tout, à F :convient parfaitement) de chaque expression d’incertitude (i.e., interne vs. 53 CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE interne en formulation externe) à différentes valeurs de l’échelle de codage (i.e., échelle allant de l’incertitude codée « 1 » à la certitude codée « 10 ») supposées traduire leurs sens. Dans ce travail, nous proposons également de réexaminer, avec une autre série d’expériences, la problématique des effets de contexte sur l’interprétation des probabilités verbales et plus précisément l’effet du taux de base perçu sur les expressions d’incertitude interne (à la lumière de la distinction et des résultats précédents). Ainsi, nous souhaitions savoir jusqu’à quel point l’information contextuelle peut agir sur le codage et donc sur le sens des expressions. Plus concrètement, nous avons proposé aux sujets (Expérience 5) des phrases contenant des expressions d’incertitude interne décrivant des événements qui diffèrent par leurs taux de base. Nous leur avons alors demandé de classer ces expressions en ordre croissant de certitude, en attribuant à chacune une valeur numérique sur une échelle qui va de « 0 » (i.e., incertitude totale) à « 10 » (i.e., certitude totale), afin de voir si l’effet du taux de base persiste alors qu’aucune condition d’activation de ce dernier n’est réunie. Mais aussi nous leur avons demandé (Expérience 6), au lieu fournir un seul équivalent numérique à chacune des expressions d’incertitude, d’attribuer une limite minimale et maximale censée traduire l’étendu de sens des expressions en absence de contexte. Cette démarche nous permettra de donner un cadre aux résultats et de mieux expliquer le sens des expressions à travers les contextes de jugement. 54 DEUXIEME PARTIE LES RECHERCHES EXPERIMENTALES 55 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS - CHAPITRE IV - EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS LINGUITIQUES DES EXPRESSIONS D’INCERTITUDE SUR LE CHOIX ET LA PRISE DE DECISION 1. EXPERIENCE 1 : Effets du type d’expression (Interne vs. Externe) sur la perception de la certitude Dans cette première expérience, nous voulons étudier la perception et la compréhension des expressions verbales d’incertitude en fonction de leur formulation linguistique. En d’autres termes, nous souhaitions déterminer quelles pouvaient être les conséquences de l’emploi d’une expression interne plutôt qu’externe sur la perception de la certitude de l’autre. Notre hypothèse était que les sujets accordaient plus de crédibilité à une expression interne qu’à une expression externe, lorsqu’il s’agissait de décrire et/ou percevoir la certitude exprimée par l’autre, même lorsque cette dernière est associée à une plus grande prévision numérique. La tâche demandée aux sujets consistait à choisir entre deux interlocuteurs (experts), formulant chacun une prévision composée chacune d’une expression d’incertitude (interne ou externe) et d’une prévision numérique, celui qui exprime la plus forte certitude. Ainsi, nous nous attendons à ce que les sujets choisissent les expressions internes plutôt que les expressions externes. 56 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS 1.1. Méthode 1.1.1. Participants Quarante-huit étudiants en première année de licence de psychologie à l’Université de Provence ont accepté de participer notre expérience (moyenne d’âge : 18 ans). 1.1.2. Matériel Les expressions Six expressions ont été utilisées : 3 expressions d’incertitude interne (Sûr, Certain et Convaincu) et 3 expressions d’incertitude externe1 (Chances, Probable et Possible), pour former trois couples d’expressions comportant chacun une expression d’incertitude de chaque lot : « Sûr vs. Chance », « Certain vs. Probable », et « Convaincu vs. Possible ». Chacune des expressions internes était elle-même associée à une prévision numérique différente (70 %, 60 % et 30 %), alors que les prévisions numériques associées aux expressions externes demeuraient invariables (70 %). Les scénarios Neuf scénarios ont été présentés aux sujets, décrivant chacun une situation pour laquelle deux experts donnent leurs prévisions. Pour exprimer leur incertitude, l’un utilise une expression interne et l’autre utilise une expression externe. À chacune de ces expressions est associée une prévision numérique, soit la même (70 % vs. 70 %), soit légèrement différente 1 Plusieurs recherches, dans une optique de traduction, ont rapporté des moyennes d’évaluations très proches pour les expressions du lot externe, c'est-à-dire entre « Probable », « Chances » et « Possible » (Beyth-Marom, 1982 ; Reagan, Mosteller & Youtz, 1989) ; et aussi celles du lot interne : « Convaincu », « Sûr », et « Certain » (Fares, 2001). 57 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS (60 % vs. 70 %), soit très différente (30 % vs. 70 %). Nous avions donc 3 scénarios par couple d’expression. Chacun de ces 3 couples différait par les prévisions numériques associées. Dans la construction des scénarios, plusieurs facteurs ont été contrôlés. D’une part, tous les scénarios décrivent des événements neutres1, et, d’autre part, la probabilité a priori de chaque événement est inconnue2 de sorte que le sujet ne se base pas dans son évaluation sur cet indice (cf. Annexe 1). 1.1.3. Procédure Nous avons utilisé une tâche papier-crayon. La consigne et les scénarios étaient présentés sur une même feuille. Les sujets étaient invités à lire les 9 scénarios, présentés dans un ordre aléatoire et contenant chacun deux prévisions (i.e, une expression interne et une prévision numérique vs. une expression externe et une prévision numérique), à choisir parmi les deux interlocuteurs celui qui exprimait la plus forte certitude, et enfin, expliquer, si possible, en quelques mots les raisons de ce choix. 1.2. Résultats et Discussion Le Tableau 1 présente l’ensemble des réponses recueillies en pourcentage, selon le type d’expression (interne vs. externe) et les prévisions numériques associées (70 %, 60 %, et 30 %). 1 Sachant qu’il a été démontré que la présence d’informations décrites comme graves (Weber & Hilton, 1990) ou menaçantes (Harris & Middleton, 1994) pour les sujets, pouvait influer sur l’interprétation de l’incertitude, tous les scénarios décrits ne contiennent pas de descriptions pouvant induire de telles représentations. 2 Les scénarios décrits ne contiennent aucune information sur les chances d’occurrence de l’événement, ni d’indices permettant aux sujets d’inférer le taux de base (voir l’exemple de consigne dans la partie procédure). 58 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Tableau 1. Tableau comparatif entre les expressions internes et externes à travers les prévisions numériques. Prévisions numériques Couple d'expressions 70% vs. 70% 60% vs. 70% 30% vs. 70% « Sûr » 66.66 % 72.92 % 54.17 % « Chances » 33.33 % 27.08 % 45.83 % Prévisions numériques Couple d'expressions 70% vs. 70% 60% vs. 70% 30% vs. 70% « Certain » 72.92 % 72.92 % 64.58 % « Probable » 27.08 % 27.08 % 35.42 % Prévisions numériques Couple d'expressions 70% vs. 70% 60% vs. 70% 30% vs. 70% « Convaincu » 75 % 66.66 % 62.5 % « Possible » 25 % 33.33 % 37.5 % Pour analyser les résultats nous avons utilisé un test de proportions1 qui a permis de mettre en évidence de façon significative l’effet « type d’expression » sur le jugement, et ce en faveur des expressions internes pour les trois conditions de prévisions numériques : « 70 % vs. 70 %» (p < .0001), « 60 % vs. 70 % » (p < .0001), et « 30 % vs. 70 % » (p < .05) (cf. Figure 1). 1 Le test qui a servi à comparer les deux pourcentages observés est le test µ ou Epsilon dont la valeur calculée n’est autre que la racine carrée du Khi deux d’ajustement (voir l’Annexe pour plus de détail). 59 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS 80 71,53 70,83 70 60,42 Effectif % 60 50 39,58 40 30 28,47 Interne Externe 29,16 20 10 0 70% vs. 70% 60% vs. 70% 30% vs. 70% Prévisions numériques Figure 1. Distribution des sujets en fonction du type d'expression et des prévisions numériques associées. On constate que tous les sujets ont été capables de formuler un choix entre les deux propositions. En effet, lorsqu’aux expressions internes et externes sont associées les mêmes prévisions numériques (70 % pour l’expression interne vs. 70 % pour l’expression externe), 75 % des sujets trouvent que l’expression « Convaincu » véhicule plus de certitude que l’expression « Possible », µ (1, N = 48) = 4.90 , p < .0001 ; près de 73 % jugent « Certain » comme supérieure à « Probable », µ (1, N = 48) = 5.51, p < .0001, et, enfin, plus de 66 % d’entre eux jugent « Sûr » comme plus forte que « Chances », µ (1, N = 48) = 3.33, p < .001. Cette préférence pour l’expression interne s’observe même lorsque les expressions sont associées à des prévisions numériques légèrement différentes (60 % pour l’expression interne vs. 70 % pour l’expression externe) ; c’est ainsi que plus de 72 % des sujets choisissent les expressions « Sûr » et « Certain » par rapport à « Chances » et « Probable », µ 60 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS (1, N = 48) = 4.51, p < .0001, et que plus de 66 % d’entre eux choisissent « Convaincu » par rapport à « Possible », µ (1, N = 48) = 3.33, p < . 001. Enfin, le résultat le plus troublant s’observe dans la condition où les deux prévisions numériques associées aux expressions internes et externes sont très différentes (30 % interne vs. 70 % externe). Dans cette dernière condition, seule la différence entre les expressions « Sûr » et « Chances » n’était pas significative. En effet, seuls 54,2 % des participant jugeaient « 30 % sûr » comme véhiculant une plus grande certitude que « 70 % de chances », µ (1, N = 48) = 0.78, p = .38, contre 62,5 % pour « Convaincu vs. Possible », µ (1, N = 48) = 2.55, p < .01, et 64,6 % pour « Certain vs. Probable », µ (1, N = 48) = 2.94, p < .005. Afin de mieux cerner le lien entre les variantes de l’incertitude et les prévisions numériques, il convient d’examiner l’évolution et/ou la variation des réponses à travers les modalités de ses différents facteurs. Pour se faire, nous avons utilisé un khi deux de tendance1 ; ce dernier nous a permis de constater que la différence entre les patterns de réponses à travers les trois situations de jugement de pourcentage et les trois couples d’expressions d’incertitude n’est pas significative. C'est-à-dire, que pour les trois comparaisons, la distribution des valeurs a sensiblement la même configuration. Ainsi : pour le couple « Sûr vs. Chances », χ² (1, N = 48) = 1.64, p = .20 ; pour la condition « Certain vs. Probable », χ² (1, N = 48) = 0.8, p = .37 ; enfin, pour les expression « Convaincu vs. Possible », χ² (1, N = 48) = 1.73, p = .19. Cet indice plaide en faveur d’une consistance de l’effet : Type d’expression (interne/externe) et d’une stabilité dans le choix des sujets pour les 1 Ce test exploite une caractéristique dichotomique de la variable dépendante, il permet de voir comment évolue cette dichotomie (e.g., interne vs. externe) en fonction d’un autre facteur (e.g., prévisions numériques à 3 modalités). Si la tendance de cette variable change significativement d’une modalité à l’autre, on peut dire que le facteur influence sa variabilité. 61 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS expressions internes (Sûr, Certain, Convaincu) et ce quelle que soit la prévision numérique associée (70 %, 60 % ou 30 %). Mais, comment les sujets justifient-ils leurs propres patterns de préférence ? La plupart des participants étaient capables de fournir une explication. Seuls 9 sujets se sont soit abstenus soit ont déclaré ne pas savoir. Ainsi, nous pouvons regrouper les explications de la majorité des 39 sujets restants, ayant choisis les expressions internes, en deux catégories : leurs explications se sont portées soit (a) sur le référent cognitif, soit (b) sur le poids des expressions. Concernant le référent cognitif, la majorité des sujets ayant choisi les expressions internes soulignent que celui qui exprime son incertitude en mode interne « se base sur ses connaissances et son expérience », « il s’implique », et « qu’il s’engage par l’emploi du « je » dans ses prévisions, ce qui accroît sa crédibilité ». Concernant le poids des expressions, certains sujets trouvaient que les expressions internes « parlent d’elles-mêmes », en ce sens qu’elles véhiculent plus de certitude, indépendamment des prévisions numériques et du référent cognitif auxquelles elles sont associées. Parallèlement, une seule classe de justification de choix des expressions externe a été mise en évidence. Il s’agit des événements auxquels ces expressions font référence. D’après les rares sujets ayant choisi la variante externe de l’incertitude, celui qui utilise les expressions externes « se base essentiellement sur des critères objectifs », « il est cohérent avec son évaluation » alors que « l’utilisation des expressions internes renvoie à un sentiment personnel ». Les résultats de cette première expérience montrent clairement que les sujets se basent sur l’expression interne pour évaluer l’incertitude liée à la personne face à l’événement et négligent par conséquent l’expression externe, même lorsque à cette dernière est associée une 62 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS plus grande prévision numérique. Toutefois si l’on regarde les résultats de plus près, nous remarquons que ces résultats fournissent des indices supplémentaires. Plus précisément, le résultat de l’évaluation de la condition « 30 % Sûr vs. 70 % de Chances » (qui s’est avéré non significatif) semble intéressant. En effet, au premier abord celui-ci paraît incohérent si l’on suppose que les expressions composant chacun des lots « interne » et « externe » sont équivalentes du point de vue de leur poids et, en théorie, de leurs sens. Mais, en réexaminant plus en détail les protocoles des sujets afin de nous assurer de la cohérence du scénario décrit et de la transcription correcte des données, une particularité nous a interpellé : le scénario qui contenait ce couple d’expressions présentait une caractéristique que les autres ne partageaient pas. En effet, ce scénario décrivait une postdiction, en d’autres termes, les prévisions présentées faisaient référence à un événement passé (Scénario du séisme, cf. Annexe 1), alors que tous les autres scénarios décrivaient des prédictions, c'est-à-dire des événements qui ne se sont pas encore produits. Ainsi, la perception du délai temporel semble avoir joué un rôle dans l’interprétation des prévisions verbales et/ou numériques. Cette constatation est très cohérente avec les résultats des études de Brun et Teigen (1990) et de Rothbart et Snyder (1970). Ces derniers ont montré que les sujets avaient des attitudes différentes face à un lancer de dé, selon que celui-ci ait déjà été lancé ou pas encore ; en d’autres termes, la temporalité des événements agit sur la perception de l’incertitude, ce qui rend la façon de faire apparaître le doute de façon différente dans la prédiction et la postdiction. Mais, à ce stade, nos résultats ne nous permettent pas de conclure à l’existence d’un lien entre les deux variantes des expressions verbales d’incertitude (expressions internes vs. expressions externes) et le type d’incertitude décrit (incertitude interne vs. Incertitude externe) (i.e., relative à l’individu vs. relative au monde externe) tant qu’on n’a pas étudié l’autre aspect de la distinction. En d’autres termes, il faut examiner aussi les expressions verbales d’incertitude en relation avec « l’incertitude externe » (i.e., ou l’incertitude relative au monde 63 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS externe). Et c’est justement à ce problème que répond la deuxième expérience. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous pouvons aboutir à des conclusions cohérentes. En d’autres termes si ce lien existe, on devrait s’attendre, à ce que lors de l’évaluation des chances d’occurrence de l’événement, les sujets optent pour les expressions externes. 2. EXPERIENCE 2 : Effet du type d’expression (interne vs. externe) sur la perception des chances d’occurrence de l’événement L’objectif de cette expérience est de s’assurer que les sujets arrivent à discriminer la certitude exprimée (i.e., l’expression verbale d’incertitude) de la probabilité perçue de l’événement (i.e., ses chances d’occurrence). En d’autres termes est-ce que, les expressions externes (et les prévisions numériques) constituent un meilleur descripteur de l’incertitude relative à la réalisation ou non de l’événement, que ne le sont les expressions internes ? On avance l’hypothèse que l’incertitude externe (i.e., relative à l’événement) est mieux décrite par les expressions externes. C’est-à-dire que les sujets associent l’emploi des expressions externes (et des prévisions numériques) aux chances d’occurrence de l’événement. 2.1. Méthode Trente participants se sont joints à l’expérience, tous étudiants en licence de psychologie, à l’université de Provence. Les expressions verbales, les scénarios, et la 64 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS procédure expérimentale utilisés étaient les mêmes que ceux utilisés pour l’Expérience 1. L’unique différence concerne la consigne qui cette fois fait référence à l’incertitude relative à l’occurrence ou non de l’événement, et a été formulée ainsi : « On vous demande de lire attentivement ces scénarios et de choisir parmi les deux événements décrits celui qui, selon vous, a le plus de chances de se produire » (cf. Annexe 2). Mais aussi, dans un souci de randomisation, nous avons fait en sorte que chacun des couples d’expressions (internes vs. externes) n’apparaissait, aux participants, qu’une seule fois avec les mêmes prévisions numériques. 2.2. Résultats et Discussion Le Tableau 2 présente la répartition des sujets en fonction des réponses recueillies en pourcentage, selon le type d’expression (interne vs. externe) et les prévisions numériques associées (70 %, 60 %, et 30 %). 65 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Tableau 2. Tableau comparatif entre les expressions internes et externes à travers les prévisions numériques. Prévisions numériques 70% vs. 70% Couple d'expressions Sûr vs. Prob Cert vs. Chan Conv vs. Poss Internes 36.67 % 43.33% 46.67 % Externes 63.33 % 56.67 % 53.33% Prévisions numériques 60% vs. 70% Couple d'expressions Cert vs. Poss Sûr vs. Chan Conv vs. Prob Internes 26.67 % 6.67 % 23.33 % Externes 73.33 % 93.33 % 76.67 % Prévisions numériques 30% vs. 70% Couple d'expressions Conv vs. Chan Cert vs. Prob Sûr vs. Poss Internes 10 % 13.33 % 16.67 % Externes 90 % 86.67 % 83.33 % Pour analyser les résultats nous avons choisi de comparer les pourcentages observés pour chacune des variantes de l’incertitude (i.e., interne vs. externe) à travers les prévisions numériques associées. Dans ce dessein, un test de proportion a été utilisé ce qui a permis de mettre en évidence une différence hautement significative entre les expressions internes et externes en faveur des expressions externes pour deux des trois conditions de prévisions numériques : « 60 % vs. 70 %» (p < .0001) et « 30 % vs. 70 % » (p < .0001), mais pas avec la condition « 70 % vs. 70 % » (p = .25) (cf. Figure 2). 66 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS 100 90 86,67 81,11 80 Effectif % 70 60 50 57,78 Interne 42,22 Externe 40 30 18,89 20 13,33 10 0 70% vs. 70% 60% vs. 70% 30% vs. 70% Prévisions numériques Figure 2. Distribution des sujets en fonction des variantes de l'incertitude (interne vs. externe) et des prévisions numériques associées (70 %, 60 %, 30 %). En reprenant une à une les différentes expressions composant les deux lots (interne et externe), nous remarquons que plus les prévisions numériques associées aux expressions internes baissent, plus le choix des sujets se trouve orienté vers les expressions externes. C’est ainsi que plus de 83 % des sujets, dans la condition « 30 % interne vs. 70 % externe », choisissent l’expression « Chances » à l’expression « Convaincu », µ (1, N = 30) = 6.20, p < .0001 ; et l’expression « Probable » par rapport à « Certain », µ (1, N = 30) = 5.73, p < .0001 ; et enfin, « Possible » à « Sûr », µ (1, N = 30) = 5.11, p < .0001. Pour la condition « 60 % interne vs. 70 % externe », plus de 73 % des sujets choisissent l’expression « Possible » à l’expression « Certain », µ (1, N = 30) = 3.56, p < .001 ; l’expression « Chances » à l’expression « Sûr », µ (1, N = 30) = 6.66, p < .0001 ; et enfin, l’expression « Probable » par rapport à « Convaincu », µ (1, N = 30) = 4.18, p < .0001. 67 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Parallèlement, nous remarquons aussi que, lorsque les prévisions numériques accompagnant les expressions internes et externes sont similaires (condition « 70 % interne vs. 70 % externe »), la différence entre les couples d’expressions « Certain vs. Chance » et « Convaincu vs. Possible » ne s’est pas avérée significative (respectivement, µ (1, N = 30) = 1.08, p = .28 ; et µ (1, N= 30) = 0.46, p = .64) sauf pour le couple « Sûr vs. Probable », µ (1, N = 30) = 2.01, p < .05. Afin d’examiner la différence entre les patterns de réponses à travers les trois situations de jugement de pourcentage et les trois couples d’expressions d’incertitude caractérisant chaque lot, nous avons opté pour l’utilisation du khi deux de tendance. Ce dernier nous a permis de constater que, dans la condition de prévisions numériques « 70 % interne vs. 70 % externe », la différence de la tendance entre les trois couples d’expressions (Sûr vs. Probable, Certain vs. Chances, et Convaincu vs. Possible) n’est pas significative (χ² (1, N = 30) = 0.62, p = .43), de même pour la condition de prévisions numériques « 60 % interne vs. 70 % externe » entre les couples : « Certain vs. Possible », « Sûr vs. Chances », et « Convaincu vs. Probable » (χ² (1, N = 30) = 0.11, p = .74), et la condition « 30 % interne vs. 70 % externe » avec les expressions « Convaincu vs. Chances », « Certain vs. Probable », et « Sûr vs. Possible » (χ² (1, N = 30) = 0.58, p = .45). Comme nous l’avons déjà souligné dans la première expérience, cet indice plaide en faveur d’une consistance de l’effet : Type d’expression (interne/externe) sur le choix des sujets pour les expressions externes d’incertitude et ce quelle que soit la prévision numérique associée (70 %, 60 % ou 30 %). Ainsi, les résultats montrent bien, que quand les sujets ont à juger les chances de réalisation d’un événement, l’expression externe d’incertitude est privilégiée par rapport à 68 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS l’expression interne. Les commentaires recueillis auprès des sujets vont également dans ce sens. Ainsi, la presque totalité des sujets a été capable de fournir des explications sur leurs choix (sauf trois d’entre eux, qui se sont abstenus). Nous pouvons regrouper leurs explications principalement en deux catégories : (a) L’objectivité et (b) le poids des prévisions numériques. Concernant la première catégorie, la majorité des sujets trouvent que celui qui formule ses prévisions en mode interne « donne une information objective », « l’opinion personnelle ici n’est pas cohérente avec l’événement », « parle en termes de probabilité et on peut lui faire confiance » ; ainsi les raisons les plus souvent évoquées sont « l’objectivité », mais aussi la « compatibilité » entre l’estimation des chances d’occurrence des événements et les expressions qui le décrivent. Quant au poids des prévisions numériques, une grande partie des sujets s’est basée sur la prévision numérique pour évaluer les chances d’occurrence de l’événement : « 70 % est supérieur à 60 % et 30 % » ; et ce, vraisemblablement, sans tenir compte de l’expression verbale qui l’accompagne. Enfin, quant aux choix des expressions internes, les commentaires vont dans le même sens que ceux recueillis dans l’Expérience 1, et qui concernent le poids des expressions et le référent cognitif. Ainsi, en associant ces résultats avec ceux de la première expérience, nous observons une cohérence entre les expressions internes et externes et la distinction plus générale entre attributs internes et externes de « l’expérience ». En effet, nous suggérons que chacun des deux modes de formulation de l’incertitude est cohérent avec chaque attribution de l’incertitude ; en d’autres termes, l’emploi d’une expression externe est compatible avec la description des attributions externes. Ainsi, il est plus approprié de dire : « Il est probable qu’il pleuve demain », que de dire : « Il y a peu de chances que la Russie se trouve en Afrique ». Mais aussi, que les expressions internes sont les meilleurs descripteurs de 69 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS l’incertitude de la personne ou de « l’ignorance », reflétée par les événements déjà réalisés (e.g., « je crois qu’il s’appelle Alain »)1. Les résultats des Expériences 1 et 2 montrent clairement que les sujets associent, indépendamment des prévisions numériques, les expressions internes à l’état de connaissance de la personne et les expressions externes aux chances d’occurrence de l’événement objet de jugement. En effet, nous pensons que la distinction entre ces deux variantes de l’incertitude constitue une condition nécessaire pour discuter avec plus de précision les patterns de préférence dans le choix d’un type d’expressions plutôt que d’un autre (Expérience 3). En effet, ces expériences, avec des consignes dirigées, ont permis aussi de montrer que les lots d’expressions utilisées, quel que soit le degré d’équivalence globale entre eux, sont aptes à fournir des réponses qui vont dans l’un ou l’autre sens. 3. EXPERIENCE 3 : Effets des modes de formulation linguistique des expressions d’incertitude (internes vs. externes) sur le choix et la prise de décision L’objectif de cette expérience était d’étudier l’effet du mode de formulation linguistique sur l’interprétation de l’incertitude dans une tâche de choix, et ce, sans orienter la perception du sujet vers l’un des indicateurs de l’incertitude (externe, interne ou numérique). Ainsi, à la lumière des deux expériences précédentes, il nous semble intéressant de voir sur 1 Nous pensons même que les expressions internes peuvent tout aussi bien décrire l’incertitude externe (e.g., je pense qu’il fera beau demain), mais cette dernière constatation reste à prouver expérimentalement. 70 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS quel indice les sujets se basent-ils pour décider dans l’incertitude. Nous pensons que lorsque le sujet ne possède pas de connaissances lui permettant de décider dans l’incertitude (comme c’est le cas avec nos scénarios), il se basera plus sur les expressions d’incertitude interne qui font référence aux connaissances de celui qui communique, alors que lorsque des informations sur le contexte du jugement sont disponibles (e.g., taux de base perçu), il préfèrera les expressions externes et les prévisions numériques. Ainsi, nous avançons l’hypothèse qu’une expression interne favorise la décision envers l’option proposée, et ce, même, lorsqu’une faible prévision numérique lui est associée. 3.1. Méthode 3.1.1. Participants Trente-deux participants volontaires se sont joints à l’expérience, tous étudiants en première année de licence de psychologie à l’Université de Provence. 3.1.2. Matériel Les expressions utilisées sont les mêmes que celles qui ont été adoptées pour les expériences 1 et 2, à savoir trois expressions de certitude interne (Sûr, Certain et Convaincu) et trois expressions de certitude externe (Chances, Probable et Possible), pour former trois couples d’expressions comportant chacun une expression de chaque lot (e.g., Sûr vs. Chance). Chacune de ces expressions était elle-même associée à une prévision numérique, « 70 % » pour les expressions externes et « 30 % », « 40 % », « 50 % », « 60 % », et « 70 % » pour les expressions internes. Quant aux scénarios, 15 ont été construits dans lesquels nous proposons 71 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS deux prédictions, l’une formulée en mode interne (avec des prévisions numériques variables) et l’autre en mode externe (avec des prévisions numériques constantes) (cf. Annexe 3). 3.1.3. Procédure Les scénarios et la consigne étaient présentés sur papier. Les sujets étaient invités à lire les scénarios et à choisir, parmi les deux événements décrit celui qui leur convenait le mieux sur la base des prédictions fournies. Enfin, nous leur demandions d’expliquer en quelques mots les raisons de leur choix. Tous les sujets voyaient les quinze scénarios, les trois couples d’expressions et les cinq prévisions numériques mais dans un ordre différent. 3.2. Résultats et Discussion Nous avons démontré avec les Expérience 1 et 2 la robustesse du choix des différentes expressions qui composent et définissent les lots internes et externes, ce qui nous dispense de reprendre des analyses pour vérifier la pertinence du choix des expressions et de raisonner désormais uniquement en termes d’incertitude interne et externe. Afin d’exploiter au maximum les données récoltées, et en tenant compte de l’échelle de mesure de nos variables (nominale), nous avons eu recours au khi deux d’ajustement et au khi deux de tendance. Le Tableau 3 présente l’ensemble des réponses des sujets (préférence), en pourcentage, en fonction de leurs préférences pour chacune des deux variantes de l’incertitude (Interne vs. Externe) et des prévisions numériques associées. 72 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Tableau 3. Tableau comparatif entre les expressions internes et externes à travers les prévisions numériques. Prévisions numériques 30% vs. 70% 40% vs. 70% 50% vs. 70% 60% vs. 70% 70% vs. 70% Préf. Internes 39.58 % 64.58 % 68.75 % 72.92 % 78.13 % Préf. Externes 60.42 % 35.42 % 31.25 % 27.08 % 21.88 % Tout d’abord, les résultats mettent en évidence l’effet du mode de construction linguistique des expressions d’incertitude (internes vs. externes) sur le choix et la décision. Ainsi, il existe une différence significative, indépendamment des prévisions numériques, entre les expressions internes et les expressions externes (χ² (1, N = 32) = 41.42, p < .0001). Ainsi, plus de 62 % des participants choisissent les expressions internes plutôt que les expressions externes. Afin de mieux apprécier la différence entre les expressions internes et externes à travers les cinq modalités de prévisions numériques, nous avons utilisé un khi deux d’ajustement qui nous a permis de mettre en évidence l’effet du type d’expression sur la préférence dans chacune des conditions de prévision numérique. En effet il existe une différence significative entre les deux types d’expressions pour les conditions « 30 % interne vs. 70 % externe » (χ² (1, N = 32) = 3.76, p = .052), « 40 % interne vs. 70 % externe » (χ² (1, N = 32) = 7.59, p < .005), « 50 % interne vs. 70 % externe » (χ² (1, N = 32) = 12.76, p < .0004), « 60 % interne vs. 70 % externe » (χ² (1, N = 32) = 19.26, p < .0001), et enfin pour la condition « 70 % interne vs. 70 % externe » (χ² (1, N = 32) = 29.26, p < .0001). 73 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Nous remarquons également que la distance qui sépare les expressions internes des expressions externes est croissante, en allant de la condition « 40 % vs. 70 % » jusqu'à la condition « 70 % vs. 70 % ». En d’autres termes, plus les prévisions numériques associées aux expressions internes et externes sont proches, plus les sujets privilégient les expressions internes, comme le montre si bien la Figure 3. 80 Nombre de choix 70 58 60 66 62 75 70 50 40 38 34 Interne 30 Externe 26 30 21 20 10 0 30%vs.70% 40%vs.70% 50%vs.70% 60%vs.70% 70%vs.70% Prévisions numériques Figure 3. Distribution des choix des sujets en fonction du type d'expression et des prévisions numériques. Ce résultat se trouve également conforté par l’emploi d’un test de tendance qui nous a permis de démontrer que la tendance dans la préférence des sujets était significative (i.e. donc non systématique), χ²(1, N = 32) = 30.70, p < .0001, ce qui plaide en faveur d’une variation dans l’interprétation des expressions d’incertitude en fonction des prévisions numériques associées (cf. Figure 4). Enfin, on note l’existence d’une interaction significative entre le type d’expression et les prévisions numériques associées (χ² (4, N = 32) = 37.66, p < .0001) qui montre, comme pour le test de tendance, qu’il existe une large préférence pour les expressions 74 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS internes à travers les prévisions numériques sauf pour la condition « 30% vs. 70% », ou l’on assiste à une inversion de la préférence en faveur des expressions externes. 35 Valeurs de Khi deux 30 29,26 *** 25 20 19,26 *** 15 12,76 ** 10 7,594 ** 5 3,76 ns 0 30%vs.70% 40%vs.70% 50%vs.70% 60%vs.70% 70%vs.70% Prévisions numériques Figure 4. Tendance d'évaluation à travers les prévisions numériques. À travers ces résultats, on voit clairement que nos expressions internes sont préférées aux expressions externes, même lorsqu’elles sont associées à de faibles prévisions numériques. Ainsi, les sujets croient plus quelqu’un qui énonce « être sûr à 50 % » que quelqu’un qui dit « qu’il y a 70 % de chances ». De même, on fait plus confiance à une phrase du type « Je suis convaincu à 40 % » qu’à une phrase qui parle de « probabilité à 70 % ». Cet effet est hautement significatif pour quatre des cinq prévisions numériques (40 %, 50 %, 60 % et 70 %) en faveur des expressions internes. Une fois seulement, cette tendance s’inverse en faveur des expressions externes pour la condition « 30 % interne » vs « 70 % externe ». Ainsi, on assiste à une inversion brutale et marginalement significative dans la préférence des sujets envers les expressions internes lorsque la prévision numérique associée était trop faible (χ²(1, N = 32) = 3.76, p = .052). 75 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Afin de mieux mettre en évidence ce renversement de la préférence, il convient d’analyser les patterns de choix des différents sujets à travers les différentes conditions. Ces patterns peuvent être classés selon trois catégories que nous appellerons : (1) « Patterns de Réponses Compatibles » (ou stabilité de la préférence) qui regroupent les sujets qui choisissent exclusivement l’une ou l’autre des deux variantes de l’incertitude. C’est ainsi que, 18,75 % des sujets ont choisi exclusivement les expressions internes quelle que soit la prévision numérique qui les accompagne, contre 3,13 % pour les expressions externes. Ensuite, la catégorie (2) « Patterns d’Evaluation Contextuelle ou Stratégique » qui regroupe les sujets faisant une distinction entre les deux types d’expressions selon les prévisions numériques : dans cette catégorie, plus de 25 % des sujets optent pour l’expression interne sauf pour la condition « 30 % vs. 70 % » ( ce renversement s’effectue à partir de « 40 % vs. 70 % » pour 6,25 % des participants). Ces deux premières catégories sont des conditions de choix exclusifs à travers des cinq prévisions numériques, des deux variantes de l’incertitude et les 15 scénarios : ce sont les catégories dans lesquelles les réponses des sujets nous paraissent cohérentes. Enfin, pour les autres réponses, nous les classerons dans la catégorie (3) « Patterns de Réponses Divergents », cette catégorie regroupe toutes formes de réponses moins systématiques que dans les deux catégories précédentes. Par exemple, des sujets qui choisissent l’expression interne uniquement avec les deux prévisions numériques « 60 % » et « 70 % » ; ou ceux qui trouvent que « 50 % sûr » véhicule plus de certitude que « 70 % de chances » alors qu’ils trouvent en même temps que « 60 % certain » est plus faible que « 70 % possible » sont classés dans cette catégorie. Quant aux commentaires recueillis auprès des participants, ils sont principalement orientés vers les notions d’implication et d’engagement de celui qui emploi l’expression interne d’incertitude : « Sait de quoi il parle », « assume son choix », « se base sur son expérience personnelle », « plus convainquant », « s’engage et s’implique ». En effet, la 76 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS presque totalité des commentaires, de ceux qui ont choisi les expressions internes, font référence à la personne qui communique, et presque aucun commentaire n’a concerné le poids des expressions (e.g., Sûr>Chances). Quant au choix des expressions externes les mêmes explications ont été obtenus que ceux de la deuxième expérience à savoir la notion d’objectivité des expressions utilisées et les pourcentages élevés qui sont associés aux expressions externes. Comme nous pouvons le constater, ses trois expériences ont permis de mettre en évidence tout d’abord un lien entre les variantes de l’incertitude (i.e., interne vs. externe) et le type d’incertitude impliqué (i.e. individu vs. monde externe), mais aussi les patterns de préférence dans la communication de l’incertitude et les conséquence implication de l’emploi d’un terme plutôt que d’un autre sur les inférences. En effet, comme nous l’avons déjà signalé plus loin, la plupart des commentaires recueillis auprès des participants, et principalement ceux justifiant le choix des expressions internes par rapports aux expressions externes, concernent l’implication de celui qui parle et notamment l’emploi du « je », et en théorie de tout autre pronom faisant référence à l’individu. Dès lors, il nous emble intéressant d’examiner de plus près le lien entre les expressions d’incertitude et l’aspect référentiel, en étendant la réflexion au seins même des expressions d’incertitude internes. 77 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS 4. EXPERIENCE 4 : Effets des modes de formulation linguistique des expressions d’incertitude (Internes vs. Internes en mode de construction externe) sur leur interprétation numérique Dans cette expérience nous proposons d’étudier l’impact du référant cognitif associée aux expressions verbales sur leur interprétation et ce dans une tâche de codage numérique. L’aspect de la distinction qui nous intéresse est celui des expressions internes et des expressions que nous appelons internes en formulation externe. Cette idée de distinction nous provient de l’un des indices fourni par les sujets en explication de leur choix et leur préférence, à savoir, l’impact de l’emploi du pronom personnel ou de tout autre élément faisant référence à l’individu, sur la compréhension et les inférences. En effet, les commentaires recueillis auprès des sujets dans les Expériences 1 et 2 montrent que les sujets se basent parfois sur le référent cognitif (i.e., événement faisant référence à l’individu ou au monde externe) pour décider dans l’incertitude. Ainsi, plusieurs sujets trouvent que celui qui exprime son incertitude en employant le pronom personnel « je » « s’implique plus dans sa tâche » et « sait de quoi il parle ». Outre les protocoles verbaux recueillis, cette distinction repose également sur une distinction théorique proposée par Kahneman et Tversky (1982) qui n’a pas fait objet de vérifications expérimentales (cf. CHAPITRE II). 78 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Ainsi, on devrait, d’une part, s’attendre à ce que la préférence, jusque-là observée pour l’expression d’incertitude interne s’atténue ou disparaisse si on lui enlève son référent cognitif. Ceci devrait, en théorie, rendre l’évaluation des expressions plus objective et plus basée sur une appréciation des constituants de la situation reflétée par les expressions externes et/ou par les prévisions numériques. D’autre part, cette suppression devrait nous permettre de nous assurer que la distinction entre les « expressions internes » (e.g., je suis sûr) et celles que nous appelons « expressions internes en mode de formulation externe » (e.g., il est sûr) est plus qu’une distinction linguistique mais aussi une variante sémantique. En d’autres termes est-ce-que l’aspect référentiel contenu dans l’expression est une simple étiquette utilisée indifféremment par les sujets ou bien au contraire, sa présence agit-elle sur le sens de ces expressions ? Nous supposons que le poids des expressions internes diminue si on leur enlève l’aspect référentiel, ce qui devrait les rapprocher des expressions externes. 4.1. Méthode 4.1.1. Participants Quatre-vingt-un étudiants en deuxième année de licence de psychologie à l’Université de Provence ont participé à l’expérience. 4.1.2. Matériel Les expressions En raison de certaines contraintes linguistiques dues à la transformation de certaines des expressions internes en expressions en formulation externe, nous avons sélectionné deux 79 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS expressions internes parmi les trois utilisées dans les expériences précédentes, et leur avons ajouté deux nouvelles expressions. Nous avons ainsi obtenu huit expressions : (a) Quatre expressions internes, dont deux décrivaient une faible certitude : « Il me paraît » et « Il me semble » et deux décrivant une forte certitude : « Je suis certain » et « Je suis sûr » ; et, (b) quatre expressions en formulation externe qui correspondaient aux quatre expressions internes reformulées (i.e., « Il paraît », « Il semble », « Il est certain » et « Il est sûr ». 4.1.3. Procédure Pour examiner l’influence du mode de formulation linguistique des expressions d’incertitude sur l’interprétation numérique, nous avons opté pour une méthode directe basée en partie sur les travaux antérieurs de Budescu, Karelitz et Wallsten (2003) dont l’objectif était d’étudier la façon dont les probabilités numériques sont appariées aux probabilités linguistiques. Dans leur étude, les auteurs ont demandé à leurs sujets d’évaluer le degré de convenance de 11 expressions probabilistes (e.g., Possible) à 11 valeurs numériques proposées (e.g., 5 %, 10 %, 15 %, etc.) en utilisant deux méthodes : la Méthode du Stimulus Unique (SSM) et la Méthode des Stimuli Multiples (MMS)1. Pour se faire, les sujets utilisaient une échelle de convenance ancrée aux extrémités avec les termes « pas du tout » et « absolument » (présentation sur écran d’ordinateur), et ils doivent faire bouger un curseur sur une ligne qui représente d’échelle de convenance. Dans notre étude, nous avons opté pour la méthode SSM qui consiste à présenter une seule valeur numérique à la fois pour chaque expression au lieu d’en présenter plusieurs; mais aussi, nous avons inversé la méthode de présentation en demandant aux participants d’évaluer le degré de concordance des valeurs de l’échelle à chaque expression. Ainsi, nous présentions 1 Les termes anglais étaient : Single Stimulus Method (SSM)et Multiple Stimuli Method (MSM). 80 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS aux sujets une échelle d’évaluation composée de 10 degrés (i.e., incertitude totale codée « 1 » ; certitude totale codée « 10 »). La tâche du sujet consistait à attribuer pour chaque valeur de l’échelle, une valeur de convenance (i.e., A = le degré de l’échelle ou la prévision ne convient pas du tout à l’expression ; F = la prévision convient parfaitement à l’expression) en fonction de l’expression qui leur était présentée. Par exemple un participant pourrait estimer que l’expression « je suis sûr » ne correspondait pas du tout à la valeur « 0 » de l’échelle d’évaluation (e.g., codée « A »), mais à l’inverse convenait tout à fait à la valeur « 10 » (e.g., codée « F »). Nous obtenions ainsi pour chacun des degrés de l’échelle, une estimation de convenance pour chaque expression. Cette méthode permettait ainsi de mieux cerner et décrire numériquement « le sens des expressions proposées ». Quatre conditions expérimentales ont été crée, et dans lesquelles nous avons fait varier les expressions ; en d’autres termes, chaque condition d’évaluation contenait deux expressions d’incertitude : (a) Une expression de forte certitude interne (ou externe) et une expression de faible certitude externe (ou interne). Ce choix de la méthode de présentation a été adopté en raison de la lourdeur de la tâche. La répartition des sujets s’est faite de manière aléatoire et chaque expression d’incertitude était présentée dans une phrase : « Imaginez que quelqu’un vous dise : Il X que l’événement aura lieu » (où X est remplacé par l’expression expérimentale). Les sujets devaient alors indiquer sur une échelle de 1 à 10 (où le chiffre 1 signifie l’incertitude totale et 10 la certitude totale), si chaque chiffre (e.g., « 4 ») traduisait ou non la prédiction exprimée par la personne (e.g., « il me semble »). Nous avions donc deux variables intra-sujets : (a) le type d’expressions avec deux modalités « interne » vs. « externe » et (b) le degré de convenance avec ses six niveaux de A (ne convient pas du tout) à F (convient parfaitement). 81 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS 4.2. Résultats et Discussion Afin de faciliter la lecture des résultats, nous avons scindé en 2 groupes notre échelle initiale d’évaluation de la convenance. En d’autres termes, nous avons à notre disposition trois degrés dans l’échelle qui décrivent la non-convenance (A, B et C) et trois degrés qui décrivent la convenance (D, E et F) (cf. Annexe 4 pour l’ensemble des résultats). Après avoir observé une même tendance d’attribution des degrés de convenance pour chacune des catégories, nous avons sommé les trois descripteurs de chaque catégorie afin de mieux rendre compte de la cohérence entre les degrés de l’échelle de certitude et les expressions internes et externes (plus précisément, nous nous sommes intéressé au sens de la convenance représentée par les valeurs D, E et F). Les réponses recueillies sont présentées dans le Tableau 4. Tableau 4. Pourcentages des réponses selon le degré de convenance de chacune des valeurs de l'échelle d'évaluation pour la traduction numérique de chacune des deux variantes de l'incertitude (interne vs. interne en formulation externe) pour chaque expression. Valeurs de l'échelle Expressions Variantes 1 Sûr Interne 5.88 2 3 4 Interne en FE Certain Interne 7.14 Semble 6 9 10 17.65 47.06 94.12 94.12 100 100 13.33 80 100 100 100 92.86 100 10.53 31.58 84.21 89.47 94.74 100 60 7 60 14.29 14.29 64.29 78.57 Interne en FE Parait 5 40 46.67 Interne 40 46.67 Interne en FE 12.5 25 Interne 15.79 15.79 26.32 42.11 42.11 63.16 57.89 47.37 42.11 36.84 Interne en FE 44.44 27.78 55.56 55.56 38.89 55.56 38.89 43.75 37.5 20 8 26.67 46.67 46.67 53.33 40 62.5 56.25 56.25 56.25 56.25 56.25 50 33.33 44.44 82 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Afin de comparer les deux modes de formulation linguistique à travers les quatre expressions expérimentales, nous avons utilisé un test t . Ainsi, nos analyses ne montrent aucune différence entre les expressions : « Je suis sûr » et « Il est sûr », t (9) = -1,162 ; p = . 27 ; entre « Il est certain » et « Je suis certain », t (9) = -1,73 ; p = .11, entre « Il parait » et « Il me parait » ; t (9) = 0,82 ; p = .43, et enfin entre « Il semble » et « Il me semble » t (9) = 1,09 ; p = .30. Cependant, malgré l’absence de différence entre les deux types d’expressions, certains détails méritent d’être examinés. Tout d’abord, nous observons que certaines valeurs de l’échelle de jugement décrivent mieux certaines expressions que d’autres. Ainsi, pour les expressions de forte certitude : « Sûr » et « Certain », au moins trois degrés de l’échelle (8, 9 et 10) traduisent parfaitement le poids des expressions. Alors que pour les expressions de moyenne ou faible certitude : « Paraît » et « Semble », aucune des valeurs de l’échelle ne parvient totalement à traduire le sens véhiculé par les expressions. En effet, le maximum d’évaluation (62 %) se trouve affecté à la valeur « 5 » de l’échelle pour la variante externe de l’expression « Paraît » (Il paraît) », et 63 % à la valeur « 6 » de l’échelle pour la variante interne de l’expression « Semble » (Il me semble), sans pour autant observer une réelle différence entre ces valeurs et les autres à travers les différents degrés de l’échelle de jugement (cf. Figures 5 c et d). Le deuxième fait intéressant concerne l’étendue des valeurs couvertes par les expressions d’incertitude. Ainsi, nous observons, par exemple, que pour l’expression « Sûr », une augmentation plus précoce dans le poids de l’expression interne (Je suis sûr) que celui de l’expression externe (Il est sûr), malgré l’existence d’une constance dans la tendance générale des évaluations à travers les deux modes de formulation. Ainsi, la valeur « 7 » de l’échelle 83 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS décrit mieux l’incertitude interne qu’externe (p < .05), en d’autres termes, l’expression interne est bien décrite par les valeurs 7, 8, 9 et 10, alors que la variante externe de l’expression ne l’est qu’à partir de la valeur « 8 » de l’échelle (cf. Figure 5 a). De même pour l’expression « Certain », mais cette fois à partir de la valeur « 6 » de l’échelle pour l’expression interne, alors qu’elle ne commence qu’à « 7 » pour l’externe (p = .06) (cf. Figure 5 b). Quant aux expressions de faible certitude, la même tendance est toujours observée sauf pour l’expression « Paraît » : les valeurs moyennes (5 et 6, p < .05) de l’échelle d’évaluation décrivent mieux la variante externe (i.e., il paraît) qu’interne ; alors que, l’expression « Il me paraît » est mieux décrite par les valeurs extrêmes (proches de l’incertitude totale) que médianes : en d’autres termes, cette expression peut bien désigner la certitude comme l’incertitude. (a) (b) Il est sûr Il est certain Je suis certain Degré de convenance (%) Degré de convenance (%) Je suis sûr 100 80 60 40 20 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 100 80 60 40 20 0 10 1 2 3 Valeurs de l'échelle 4 5 6 7 8 9 10 Valeurs de l'échelle (c) (d) Il semble Il parait Il me semble Degré de convenance (%) Degré de convenance (%) Il me parait 100 80 60 40 20 0 1 2 3 4 5 6 7 Valeurs de l'échelle 8 9 10 100 80 60 40 20 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Valeurs de l'échelle Figure 5. Degré de convenance des valeurs de l'échelle d'évaluation pour la description des expressions internes (je suis sûr, je suis certain, il me paraît, et il me semble) et externes (il est sûr, il est certain, il paraît, et il semble). 84 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Pour résumer, deux constatations sont à retenir de cette expérience. Tout d’abord, les expressions de forte certitude sont très bien décrites par des valeurs de l’échelle, alors qu’aucun degré de l’échelle d’évaluation ne semble bien traduire le sens des expressions à faible degré de certitude. Ainsi, ces résultats n’ont pas permis de mettre en évidence l’existence d’une différence entre, les expressions internes et les expressions internes en formulation externe. En d’autres termes on ne peut pas conclure à l’existence d’une différence sémantique entre ces deux variantes de l’incertitude. En effet, nous pensons que la grande variabilité observée dans le codage des expressions de faible certitude peut être résolue en introduisant ces expressions dans un contexte ou dans une communication effective qui rendra leur sens plus stable et plus clair. 5. Discussion Générale du Chapitre IV Les résultats de ces expériences montrent clairement que les sujets arrivent à faire la distinction entre l’incertitude relative à la personne (Expérience 1) et celle attribuée aux événements externes (Expérience 2). En d’autres termes, les sujets trouvent que la prévision numérique est le meilleur descripteur de l’incertitude externe (ou des probabilités aléatoires), et que l’expression verbale est le reflet de l’incertitude interne (ou épistémique). Ainsi, les 85 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS sujets arrivent à distinguer entre l’incertitude face à la réalisation ou non de l’événement et les chances réelles d’occurrence de l’événement lui-même. Les résultats de l’Expérience 3 montrent clairement que pour choisir entre deux éventualités, les sujets ont tendance à évaluer plutôt l’expression verbale que la prévision numérique qui l’accompagne ; ce résultat est très cohérent avec la large littérature sur la préférence du mode verbal, mais non avec celle du « paradoxe du mode de communication préféré », qui suggère que les sujets préfèrent recevoir des autres une prévision numérique plutôt qu’une expression verbale. Il se peut que la contextualisation des expressions ait quelque chose à voir dans le phénomène observé, car la plupart des recherches portaient sur l’avis des sujets sur le mode par lequel ils préféraient recevoir/communiquer l’incertitude. Les résultats de la quatrième expérience, quant à eux, ont permis de mettre en évidence la difficulté de dériver un sens numérique précis des expressions d’incertitude interne, plus précisément celles de faible certitude. Mais aussi, que le sens des expressions à travers l’interprétation numérique ne varie pas de façon significative et claire entre les deux descripteurs de l’incertitude. Ainsi, la distinction (théorique) originelle de Kahneman et Tversky (1982) entre incertitude interne et externe, qui suppose, rappelons-le, que ce qui distingue les expressions internes des expressions externes, est l’emploi du pronom personnel « je » ou tout autre élément faisant référence à l’individu, n’a pas pu être vérifiée expérimentalement avec notre matériel. Ceci laisse supposer que la distinction entre ses deux variantes de l’incertitude demeure encore une distinction terminologique ou linguistique et ne possède aucun corrélat cognitif. Toutefois, malgré la robustesse des résultats obtenus à travers ces expériences montrant que la plupart des sujets trouvent qu’une phrase contenant une prévision telle que 86 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS « 40 % sûr » véhicule plus de certitude que celle qui décrit « 70% de chances » (Expérience 3), il faudra cependant donner un cadre à ces résultats en les inscrivant dans un contexte plus général car, ils soulèvent un problème d’ordre pratique relatif à l’utilisation des expressions d’incertitude et des prévisions numériques dans une communication effective. Pourquoi l’expression interne est-elle préférée à l’expression externe même lorsqu’elle est associée à une plus faible prévision numérique ? Et est-ce que ce choix est involontaire ou au contraire essentiellement stratégique ? Pour mieux illustrer les questions soulevé par ces résultats, commençons par prendre un exemple : Imaginez que vous organisez une soirée pour fêter votre promotion. L’un de vos collègues de bureau que vous comptiez inviter vous dit être à 40 % certain de venir à votre soirée. En vous basant uniquement sur ces propos, la première chose qui vous vient à l’esprit c’est qu’il n’est pas du tout sûr de venir, et peut-être que vous irez même jusqu’à ne pas prévoir son couvert à table. Conclusion, vous n’accorderez que peu ou pas de crédit à ses dires. Imaginons maintenant qu’il vous dise qu’il y a 70 % de chances qu’il vienne, dès lors les choses sont différentes : ainsi, vous vous attendez à ce qu’il arrive à tout instant, et peutêtre même qu’il y a pour vous autant de chances de le voir venir à la soirée qu’il a réellement voulu en exprimer. Alors, en se basant sur ces considérations, comment expliquer désormais nos données ? Différents concepts sont susceptibles de rendre compte de ces résultats. 5.1. Un peu de psychophysique Nous commencerons tout d’abord par chercher une piste de réflexion en nous basant sur la littérature psychophysique et, plus précisément, sur les recherches où le contexte a été 87 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS systématiquement manipulé entre groupes. Il en ressort que le même stimulus peut être jugé « grand » ou « petit » en fonction des autres stimuli qui forment le contexte de jugement (Parducci, 1968). Ainsi, dans une expérience sur l’étude du jugement avec des plans intergroupes, Birnbaum (1999) a demandé à deux groupes de 20 sujets chacun, d’évaluer la grandeur de nombres sur une échelle en 10 catégories (1 très très petit – 10 très très grand). Il présente au premier groupe le chiffre « 9 », et au second le nombre « 221 ». Les résultats ont montré que, le chiffre « 9 » a obtenu une moyenne d’évaluation de 5.13, alors qu’elle n’était que de 3.10 pour le nombre « 221 ». L’explication réside dans le fait que des stimuli différents apportent avec eux des contextes différents et, que, par conséquent, ces derniers produisent des jugements différents. Ainsi, dans le cadre d’une comparaison inter-sujets, le chiffre « 9 » possède une plus grande dimension subjective, il évoque ainsi un contexte de plus petits nombres que ne l’est le contexte qui accompagne le nombre « 221 » qui, lui, évoque un contexte de nombres à trois chiffres dans lequel il semble relativement petit. Pour reprendre nos résultats (expérience 1, 2 et 3), nous pouvons avancer que le sens qu’acquiert une expression d’incertitude dans une tâche de jugement absolu n’est pas le même que dans une tâche de choix ou de comparaison par paires. Dans le premier cas de figure, une phrase comme « je suis certain à 40 % de venir à la soirée », peut avoir chez celui qui l’entend au moins deux interprétations possibles (indépendamment du contexte qui accompagne la phrase d’incertitude) ; chacune de ces interprétations est tributaire de l’étendue subjective que s’est construit le sujet. Si le sujet adopte une échelle d’évaluation probabiliste qui va de la certitude de non-réalisation (0 %) à la certitude de réalisation (100 %), alors, dans ce cas (et en l’absence d’autres expressions dans le contexte de jugement), l’expression d’incertitude (certain) définit l’échelle d’évaluation et la prévision numérique qui l’accompagne (30%) ne représente que la pondération de l’incertitude sur cette même échelle. Autrement dit, « 30 % certain », c’est 30 % d’une échelle qui va de 0 % (complètement 88 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS certain de ne pas venir) à 100 % (complètement certain de venir). Ainsi, cette phrase, prise isolément, décrirait une faible certitude de réalisation qui pourrait bien être traduite par une expression comme « peu probable ». Dans le second cas de figure, si le sujet adopte une échelle d’évaluation que nous appellerons directionnelle, car définie soit en termes d’occurrence soit de non-occurrence de l’événement et non des deux à la fois, qui s’étend de l’incertitude totale à la certitude totale ; alors, dans ce cas, plus le pourcentage augmente, plus l’on s’éloigne de l’incertitude et l’on se rapproche de la certitude. Alors que, l’expression « 30 % certain » a été associée à une faible certitude avec une échelle probabiliste (NP)1 ; avec une échelle directionnelle (UP), une expression comme « possible » peut très bien décrire la même phrase. Or, nous savons (Fares, 2001) qu’en l’absence d’une définition de la limite inférieure d’une échelle d’évaluation, le sujet prend celle de la borne supérieure et oppose son contraire à la limite inférieure. En effet, si la limite supérieure de l’échelle est définie en terme de « lourdeur », la limite inférieure elle, sera, définie en termes de « légèreté ». Dans l’exemple présent, l’échelle est définie en terme de « certitude de réalisation », donc la limite inférieure sera : « la certitude de non réalisation », et non comme on pourrait le penser « l’incertitude ». Ainsi, l’expression verbale d’incertitude dans ce cas de jugement absolu ne représente qu’une étiquette utilisée indifféremment par le sujet qui aurait pu la remplacer par « sûr », « chances » ou « probable ». Car, dans tous les cas, l’échelle est définie implicitement en termes de certitude et ce quelle que soit l’expression verbale. Le deuxième cas de figure est celui qui nous intéresse ici, à savoir le sens que l’on attribue à une expression verbale d’incertitude dans une tâche de jugement par paire ou de 1 L’échelle NP est une échelle qui va de la certitude de non-réalisation (ou certitude Négative) à la certitude de réalisation (ou certitude Positive), alors que l’échelle UP va de l’incertitude totale (Uncertainty) à la certitude de réalisation ou certitude positive. Ces termes ont été employés pour la première fois par Fabre (1991, 1993). 89 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS choix entre deux ou plusieurs expressions ; dans ce cas, l’individu crée une échelle d’évaluation subjective (NP ou UP, peu importe puisque l’ordre des expressions est supposé être stable) dans laquelle il va classer les expressions dans une structure d’ordre, et va considérer par la suite la prévision numérique qui accompagne l’expression comme un degré (poids) sur l’étendue de signification1 de chacune des expressions. Ainsi, ce qu’il faut comprendre, c’est que dans cette tâche de choix entre les deux prévisions, les sujets lors de leur évaluation ne comparent pas deux échelles différentes (e.g., une échelle de certitude et une échelle de chances), mais, bien au contraire, pour mieux assimiler le sens véhiculé par la phrase, le sujet fait appel à son étendue subjective propre et se construit une « étendue de stimulation » sur laquelle il va greffer les expressions. Une fois son échelle d’évaluation définie, il ne lui reste plus qu’à classer les expressions dans une structure d’ordre. Rappelons que, comme pour les expressions de fréquences (Pepper & Prytulak, 1974) ou de quantités, les expressions d’incertitude possèdent une étendue de signification, déterminée par le contexte auquel ces expressions font référence, représente toutes les valeurs possibles de l’expression sur une échelle de jugement. Cette étendue de signification peut être définit en délimitant la zone d’acceptation représentée par les valeurs maximale et minimale de l’expression sur la même échelle de jugement (cf. expérience 5). 5.2. Un coup d’œil sur les processus : Raisonnement Singulier vs. Distributionnel En comparant nos résultats avec la conception des variantes de l’incertitude de Kahneman et Tversky (1982), le même modèle peut être appliqué aux expressions d’incertitude et pas seulement à l’événement auxquels elles font référence. 1 Ce terme désigne tous les sens possibles que peut avoir une expression verbale à travers les contextes de jugements. 90 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Tout d’abord, le langage utilisé par une personne peut pousser le destinataire à faire des inférences sur le raisonnement de l’émetteur. Prenons l’exemple du géologue qui dit être « sûr » que la secousse été de 5 sur l’échelle de Richter : ce dernier nous renvoie une information différente de celle de son confrère qui dit qu’il est « très probable » que la secousse ait été de 6. Pour le premier, l’utilisation d’une expression interne laisse entendre qu’il a une connaissance parfaite de l’événement basée sur ses connaissances ou son expérience antérieure, comme s’il avait déjà vécu une secousse semblable ; ainsi, les commentaires recueillis auprès des sujets vont dans ce sens, à savoir que celui qui utilise l’incertitude interne « est plus sûr », « sait ce qu’il dit ». Alors que, pour le second géologue, l’utilisation de l’expression d’incertitude externe renvoie à une connaissance basée sur une analyse des éléments ou constituants en jeu, une évaluation des risques, etc. Ainsi, les expressions construites en mode interne sont supposées véhiculer plus de certitude que celles qui sont en mode externe : en particulier, le mode interne tend à être associé à un raisonnement singulier basé sur des scénarios spécifiques ou, comme le disent Fox et Malle (1997) « l’impression de connaître », alors que les expressions externes tendent à être associées à un raisonnement distributionnel basé sur des probabilités a priori, des relations causales etc. 5.3. Le paradoxe d’Ellsberg et les deux visages de l’ambiguïté Une troisième explication concerne la façon selon laquelle les deux types d’incertitude font apparaître le doute chez le sujet. Ainsi, par exemple, pour la comparaison entre l’expression interne et externe, lorsqu’aux deux expressions est associée la même probabilité 91 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS numérique (70 %), les sujets n’ont aucun mal à trouver celui des deux interlocuteurs qui exprime la plus forte certitude, parce qu’ils discriminent les expressions du point de vue de leurs forces (e.g., convaincu > possible). Mais les raisons sous-tendant leurs choix deviennent différentes lorsque les prévisions numériques sont inégales (e.g., 50 % certain vs. 70 % possible). Selon le paradoxe d’Ellsberg (1961), les gens préfèrent l’incertitude provenant d’une source unique à une double source d’incertitude, même si la probabilité est maintenue constante. Ainsi, lorsqu’on demande à des sujets de miser sur l’issue d’un tirage (a) d’une urne avec une proportion de 50/50 de jetons rouges et bleus, ou (b) de deux urnes contenant des jetons rouges et bleus avec des proportions inconnues, la plupart des sujets préfèrent la situation (a) à la situation (b), alors que, dans les deux cas p(rouge) = p(bleu) = .50. Dans le cas présent, les couples d’expressions présentées aux sujets n’ont pas la même valeur informative. Prenons l’exemple de quelqu’un qui dit : « Je suis sûr à 50 % de trouver du travail d’ici 6 mois » : comme pour toutes les expressions du lot interne, la certitude véhiculée est plus grande que celle du lot externe et, dans cette phrase, l’incertitude exprimée provient non de l’expression verbale elle-même (e.g., Sûr) mais, de la seule prévision numérique (50%). Par contre si la personne dit : « Il est probable à 70 % que je trouve du travail d’ici 6 mois », nous nous trouverions là face à une double incertitude, l’une traduite par l’expression et l’autre par la prévision numérique. Nous décrivons cette situation par « l’attitude négative face à l’ambiguïté » (Einhorn & Hogarth, 1985), définie par Frisch et Baron (1988) comme « l’expérience subjective d’une information manquante relative à la prédiction » (1988, p.152), et qui explique en partie cette préférence nos expressions internes par rapports aux externes mêmes lorsqu’elles sont associées à de faible prévisions numériques. 92 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS Cependant, un résultat marquant nécessite une explication : il concerne le renversement de la préférence observée avec les phrases comportant une expression interne associée à une prévision numérique de 30 % et celles associées avec une expression externe contenant une prévision de 70%. Ce résultat s’est révélé en faveur de l’expression externe et de la prévision numérique qui l’accompagne (e.g., 70 % de chances). Deux éléments peuvent expliquer ce renversement dans la préférence. Tout d’abord, nous savons que le choix dans l’incertitude est fonction de plusieurs facteurs qui peuvent affecter le jugement, comme la probabilité de l’événement, son utilité, mais aussi son ambiguïté qui est déterminée par la fiabilité et la cohérence de l’information ou la somme de discordance et de désaccord entre juges (Ellsberg, 1961). Ainsi, pour Einhorn et Hogarth (1985), l’ambiguïté affecte les choix à travers son effet sur les jugements probabilistes. Elle est fonction de la somme absolue des preuves disponibles, de la nonfiabilité des sources et de l’absence d’informations causales sur les processus qui génèrent les résultats. Ainsi, en reprenant nos résultats, nous pouvons constater que toutes les conditions sont réunies pour induire l’ambiguïté. En effet, dans notre consigne, le sujet n’a aucun élément d’information (e.g., la probabilité a priori) sur lequel fonder son choix, autre que les descripteurs de l’incertitude employés par l’autre personne, d’autant plus que, comme l’a si bien souligné Fox (1987), le langage employé pousse le receveur à des inférences sur l’état d’esprit de celui qui communique. En effet, l’emploi dans une phrase d’incertitude de deux descripteurs discordants, à savoir « 30% » et « sûr », laisse apparaître une certaine dissonance. Devant une situation pareille (créée par l’emploi d’une expression de forte certitude et une prévision numérique très faible), l’ambiguïté prend le pas sur l’incertitude ; et il a été 93 CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS démontré auparavant que l’ambiguïté ne rendait pas les individus disposés à agir (Curley, Yates & Abrams, 1986), ainsi, ils accordent moins de confiance à ce type de phrase. En d’autres termes, au-delà d’un certain seuil, les processus impliqués dans l’interprétation des expressions en termes de « sélection de sens »1 sont entravés par l’ambiguïté liée au mode de formulation linguistique employé lors de la prédiction et qui se manifeste par un renversement de la préférence. De plus, il a été démontré que l’effet de l’ambiguïté augmente lorsqu’on suppose la possibilité d’une évaluation négative par les autres ; cet effet est dû au fait que lorsqu’une information devient disponible après une prise de décision, nous sommes jugés comme si nous avions dû la connaître, même si elle n’était pas disponible au moment de la décision (Baron & Hershley, 1988). En d’autres termes, le choix d’une expression comme « 30% sûr » par rapport à « 70% de chances » est difficilement défendable pour les sujets, d’autant plus, que nous leurs demandions de justifier leur choix. Tous ses éléments regroupés témoignant de l’importance des expressions interne sur le choix et la prise de décisions, nous poussent à les examiné sous une optique pragmatique de l’étude des expressions verbales d’incertitude. En d’autres termes, il nous semble pertinent d’étudier ses expressions internes en relation avec d’autres facteurs contextuels comme « le taux de base perçu » afin d’observer de plus près l’impact de la variation de contexte sur le sens des expressions. 1 La sélection de sens est un processus par lequel le sens usuel (sens de l’expression hors contexte) de l’expression se transforme en fonction du contexte (Wallsten, Fillenbaum et Cox, 1986 ; Weber & Hilton, 1990 ; Brun & Teigen, 1988), mais nous rectifierons ce concept plus loin pour décrire les variations dans le sens des expressions internes. 94 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE - CHAPITRE V - EFFETS DU TAUX DE BASE PERÇU SUR LE CODAGE DES EXPRESSIONS D’INCERTITUDE INTERNE La problématique des effets de contexte sur l’interprétation des probabilités verbales, et plus précisément l’effet du taux de base ou fréquence de base perçue, est celle qui a, sans doute, sollicité le plus d’intérêt chez les chercheurs. Cette approche, rappelons-le, suppose qu’une expression verbale d’incertitude possède une étendue d’interprétations possibles et que le contexte agit sur la sélection d’une interprétation numérique appropriée (Brun & Teigen, 1988 ; Wallsten, Fillenbaum et Cox, 1986 ; Weber & Hilton, 1990) ; ainsi, les expressions d’incertitude se verront attribuer une plus forte valeur numérique dans un contexte à fort taux de base que dans un contexte à faible taux de base. Mais paradoxalement, d’autres études ont démontré que les individus sont relativement insensibles au taux de base lorsqu’ils produisent un jugement sur la base d’informations diagnostiques (Bar-Hillel, 1983 ; Kahneman & Tversky, 1973 ; Tversky & Kahneman, 1982 ; Wallsten, 1983). L’objectif des deux expériences qui suivent est d’approfondir la problématique des effets de contexte (l’effet de la fréquence de base perçue) sur l’interprétation des expressions verbales. En se basant sur la distinction initiale que nous avons créée entre expressions internes et externes, différentes en termes de qualité et de quantité d’informations véhiculées, nous pensons que cette différence ne doit pas être sans conséquences sur la perception du taux de base. Ainsi, il nous semble intéressant d’étudier les expressions internes en association avec le taux de base perçu, dans la mesure où l’effet de ce dernier a été mainte fois mis en évidence avec les expressions externes ou probabilistes. 95 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE 1. EXPERIENCE 5 : Effet du « taux de base » sur l’interprétation numérique des expressions d’incertitude interne dans une tâche de codage et de classification L’objectif de cette expérience était de vérifier l’effet du taux de base sur des expressions internes, dans une tâche de codage numérique (classification), sur une échelle d’évaluation qui va de « l’incertitude » à « la certitude ». Lorsque aucune des conditions d’activation du taux de base n’est réunie, il convient de se poser la question de savoir si la probabilité a priori aura un effet sur le codage des expressions verbales. Si tel est le cas, alors, il se pourrait que l’on soit ici face à un autre phénomène qu’un simple effet de la probabilité perçue de l’événement. Nous avançons l’hypothèse que la nature de l’information décrite dans la phrase influence la façon dont le sujet s’approprie l’échelle d’évaluation. Plus précisément, les phrases à fort taux de base se verront attribuer une valeur numérique plus grande que celles qui décrivent un événement à faible fréquence de base (ou même neutre). 1.1. Méthode 1.1.1. Participants Cinquante-neuf participants se sont joints à l’expérience, tous étudiants en deuxième année de licence de psychologie à l’Université de Provence. 96 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE 1.1.2. Matériel Les expressions Sept expressions d’incertitude interne ont été utilisées : « paraît », « semble », « suppose », « pense », « convaincu », « sûr », et « certain » ; ce qui nous donne un lot d’expressions équilibré à savoir trois expressions de faible certitude, trois expressions de forte certitude et une expression intermédiaire « pense » ; les énoncés étaient présentés dans un ordre aléatoire. De plus, dans un souci de fiabilité sémantique, nous avons fait en sorte que toutes les expressions décrivent d’une part, « la certitude » (contrairement à ce qui se fait parfois en mêlant des expressions d’incertitude et des expressions de fréquence), et d’autre part, toutes les expressions sont des expressions internes. Les scénarios Trois phrases ont été utilisées qui se différenciaient, d’une part, par leur contenu et, d’autre part, par le taux de base perçu (i.e., faible, fort, et neutre). Nous avons choisi de ne présenter qu’une seule phrase par condition (avec les sept expressions à classer) car les scénarios proposés relèvent des trois conditions de fréquence de base. Les phrases étaient énoncées ainsi : pour la condition « forte fréquence de base » : « Cet arbre mourra un jour », pour la condition « fréquence de base neutre » : « Cette voiture va tourner à droite », enfin, pour la condition « faible fréquence de base » : « Une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir ». (cf. Annexe 5 pour un exemple de consigne) 97 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE 1.1.3. Procédure Nous avons proposé à nos sujets une tâche de codage numérique des expressions d’incertitude et opté pour une tâche de jugement absolu (par opposition au jugement par paires) avec ancrage pré-expérimental. Cette méthode possède l’avantage de la facilité d’administration. Ainsi, nous demandions aux sujets de classer les expressions d’incertitude par ordre croissant de certitude. L’échelle de codage proposée était divisée en 11 catégories allant de l’incertitude totale codée « 0 » à la certitude totale codée « 10 ». Enfin, pour l’expérience elle-même, nous avons opté pour une tâche papier-crayon. Les 59 participants ont été repartis aléatoirement dans les trois conditions expérimentales : (a) faible taux de base (n = 23), (b) taux de base inconnu (n = 19) ; et (c) taux de base fort (n = 17). Chaque sujet ne passait que dans une seule condition, il voyait soit le scénario « Arbre », « Voiture » ou « Extraterrestre », et tous devaient juger les sept expressions d’incertitude, communes à toutes les conditions, et présentées dans un ordre aléatoire. 1.2. Résultats et Discussion Le Tableau 5 présente les moyennes d’évaluation des expressions verbales d’incertitude sur une échelle UP en fonction du taux de base perçu (faible, fort, neutre). Tableau 5. Moyenne des évaluations des expressions d'incertitude interne en fonction des scénarios. Scénarios Arbre Voiture ET Paraît 3.53 3.79 2.39 Semble 3.71 4.47 2.87 3.24 3.68 Expressions d'incertitude Suppose Pense Convaincu 3.94 5.47 9.35 4.32 5.68 8.58 3.52 4.87 7.52 3.93 5.34 8.48 Sûr 9.65 9.21 8.39 Certain 9.77 9.16 8.35 9.08 9.09 6.46 6.49 5.41 98 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE Une ANOVA à mesures répétées a été appliquée et a montré que l’effet du type de scénario sur l’activité de codage était significatif, F (2, 56) = 7.15, p < .001. Les expressions ont été, elles aussi, discriminées et leur classement par ordre croissant de certitude était le suivant : « Paraît», « Semble », « Suppose », « Pense », « Convaincu », « Sûr » et « Certain ». Nous n’avons pas noté d’interaction significative entre les scénarios et les expressions : ainsi pour « Arbre vs. E.T. » F (6, 228) = 1.31 , p = .25, et F (6, 204) = 1.50 , p = .17 pour les scénarios « Arbre vs. Voiture » ; enfin, pour « Voiture vs. E.T. » F (6, 240) = 0.65, p = .69. En effet, quelque soit le taux de base ,en moyenne, la tendance d’évaluation reste la même à travers les sept expressions d’incertitude. Pour les expressions de faible certitude, nos analyses nous ont permis de mettre en évidence un effet tendanciellement significatif du type de scénario (ou taux de base) pour l’expression « paraît », F (2, 56) = 3.05, p = .0551 ; ainsi, pour cette expression la différence significative s’observe entre les deux conditions « Arbre vs. E.T. » (p < .05). De même pour l’expression semble F (2, 56) = 3.83, p < .05, mais aucune différence significative avec les expressions « suppose » et « pense » (cf, Figure 6). 99 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE Valeurs de l'échelle d'évaluation 10 9 8 7 6 Arbre 5 ET 4 Voiture 3 2 1 0 Paraît Sem ble Suppose pense Expressions du lot faible Figure 6. Effet de la fréquence de base perçue sur les expressions de faible certitude. Quant aux expressions véhiculant une forte certitude, l’effet du type de scénario était aussi significatif. Ainsi, pour « convaincu » F (2, 56) = 7.61, p = .001 ; de plus, l’analyse post hoc a révélé une différence significative entre « E.T. vs. Arbre» (p = .0005) et entre « E.T vs. Voiture » (p < .05). L’effet scénario était d’autant plus accentué que l’on monte dans les degrés de certitude : pour « sûr », nous avons F (2, 56) = 6.93, p < .005 ; de même, l’analyse post hoc entre « E.T. vs. Arbre » et entre « E.T. vs. Voiture » a montré une différence significative (respectivement p = .0007 ; p < .05). Enfin, le résultat est le même pour l’expression « certain », F (2, 56) = 9.61 , p < .0005, et on observe une différence significative pour « E.T. vs. Arbre » avec p < .0001 et entre « E.T. vs. Voiture » avec p < .05, suite à une analyse post hoc (cf, Figure 7). 100 Valeurs de l'échelle d'évaluation CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 Arbre ET Voiture Convaincu Sûr Certain Expressions du lot fort Figure 7. Effet de la fréquence de base perçue sur les expressions de forte certitude. Afin de mieux comprendre ces différences, une analyse en « bloc d’expressions » a été réalisée. Pour cela, une analyse de Classification Ascendante Hiérarchique (cf. Annexe 6 pour plus de détails) a permis de distinguer effectivement l’existence de deux lots d’expressions, un « lot faible » contenant des expressions à faible et moyen degré de certitude (paraît, semble, suppose, pense) et un « lot fort » qui contient les stimuli exprimant un degré de certitude élevé (convaincu, sûr, certain) (cf. Figure 8). 101 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE Lot faible PARAIT SEMBLE Expressions SUPPOSE PENSE Lot fort CONVAINC SUR CERTAIN 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 Carré des Dist. Euclidiennes Figure 8. Représentation graphique de l'effet de lot des expressions d'incertitude interne sur la base d'une analyse CAH. Enfin, une ANOVA par rang a montré un effet « lot » significatif [H (1, 7) = 4.48, p < .05]. Ces résultats vont dans le sens d’une validité de l’échelle de mesure. Sur le « Lot faible », l’effet du scénario était significatif, F (2, 56) = 3.30, p < .05. Ainsi, la différence la plus importante s’observe entre les deux conditions E.T. et VOITURE (p < .01). Les expressions, quant à elles, ont été bien discriminées surtout entre paraît et semble (p < .05) et paraît et suppose (p < .001), mais ce n’est pas le cas pour les expressions semble, suppose et pense. Sur le « Lot fort » également, l’effet du scénario était très significatif F (2,56) = 5.16, p < .01. Dans ce lot, les trois fréquences de base se distinguent avec plus de précision : ainsi, la différence était significative entre « E.T. » et « Arbre » (p < .0001), entre « E.T. » et « Voiture » (p < .005), mais tendanciellement significative entre « Voiture » et « Arbre » (p = 102 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE .07). Enfin, au niveau des expressions, la distinction entre « convaincu » vs. « sûr » et « convaincu » vs. « certain » est significative (p < .0001) et pas entre « sûr » et « certain ». Les résultats de cette expérience montrent clairement que la probabilité a priori des événements a influé sur la façon dont les sujets se sont appropriés le sens de ces phrases exprimant une incertitude. Ainsi, une expression comme « sûr » a été perçue différemment qu’il s’agissait d’une invasion extraterrestre, de la direction que va prendre une voiture ou même du destin d’un arbre. Nos données montrent également une grande variabilité en ce qui concerne les expressions de faible et moyenne certitude. Ces résultats sont cohérents avec ce qui a déjà été mis en évidence au sujet des expressions probabilistes. De ce fait, pour pouvoir expliquer ce phénomène, nous supposons que les expressions de moyenne et faible certitude sont riches en sens et par conséquent, leur étendue de signification est grande, de sorte qu’une expression comme « pense » peut couvrir à elle seule, dans certaines conditions, plusieurs catégories de l’étendue contextuelle (Hogarth, 1980 ; Fabre 1991). Quant aux expressions à fort degré de certitude, nous supposons qu’elles possèdent une étendue de signification plus restreinte, car applicable aux seules conditions d’occurrence. Ainsi, les résultats de cette expérience impose une démarche originale du problème du taux de base : nous pensons que la problématique posée par les trois scénarios ne pousse pas le sujet à une simple traduction numérique des expressions d’incertitude dans des contextes spécifiques, mais plutôt à une « méta-réflexion » sur la validité de l’échelle de jugement. Dès lors, il devient intéressant d’examiner de plus près l’activité cognitive qui sous-tend ce jugement. Comment expliquer la variation des résultats à travers les trois scénarios ? En d’autres termes, jusqu'à quel point l’information contextuelle peut-elle faire varier le codage, donc le sens des expressions ? Comment étudier cette variabilité, et qu’est-ce qui la rend 103 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE possible ? C’est justement à ces questions d’ordre méthodologique, ou de réflexion, que répond la sixième expérience. 2. EXPERIENCE 6 : Le sens des expressions d’incertitude : l’interaction entre les expressions contextualisées et les limites fonctionnelles de leur sens Dans cette expérience, nous allons tenter de donner un cadre aux résultats de l’expérience précédente, afin de mieux expliquer les variations imputées au contexte, et ce, en étudiant avec plus de précision la notion « d’étendue de signification » des expressions internes. L’idée est d’approcher le sens des expressions internes d’incertitude en termes de distributions de fréquences et non en équivalents numériques uniques, et ce en déterminant pour chaque expression ses valeurs minimales et maximales afin de pouvoir évaluer leurs étendues, mais aussi leurs variations sémantiques à travers les contextes. Nous supposons que les expressions à faible degré de certitude couvrent une étendue de signification plus grande que celles à fort degré de certitude. Mais nous subodorons aussi que la variation, dans le sens des expressions après induction de contexte, se fera dans les limites de l’étendue de signification 104 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE 2.1. Méthode Vingt-sept participants volontaires se sont joints à l’expérience, tous étaient étudiants en deuxième année de licence de psychologie à l’Université de Provence ; la passation était collective, par petits groupes. La tâche demandée aux sujets se distingue de la précédente par le fait que nous ne demandions pas aux sujets d’attribuer un seul équivalent numérique à chaque expression mais de définir les limites minimale et maximale acceptables pour chacune. En d’autres termes, nous leur demandions de définir une étendue numérique qui couvre tous les sens possibles de l’expression. Ce design ressemble beaucoup à celui de Reagan, Mosteller et Youtz (1989) ; Wallsten, Fillenbaum et Cox (1986), pour dériver la distribution de fréquences des expressions probabilistes. La consigne pour cette condition a était la suivante : « Imaginez un événement quelconque que l’on peut appeler X. Cet événement a des chances de se produire, et on peut exprimer ces chances au moyen d’une expression verbale. Les phrases suivantes expriment différents degrés de certitude concernant la réalisation de l’événement X. Je suis convaincu que l’événement X va se produire { - } Il me semble que l’événement X va se produire { - } Il me paraît que l’événement X va se produire { - } Je suppose que l’événement X va se produire { - } Je suis sûr que l’événement X va se produire { - } Je pense que l’événement X va se produire { - } Je suis certain que l’événement X va se produire { - } 105 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE On vous demande de délimiter chaque expression par un intervalle, autrement dit, de définir pour chaque expression sa valeur minimale et sa valeur maximale sur une échelle allant de 0 à 10. Le chiffre 0 exprime l’incertitude totale quant à la réalisation de l’évènement X et le chiffre 10 exprime la certitude totale que l’évènement X va se produire ». 2.2. Résultats et Discussion Le Graphique 9 présente les valeurs maximales et minimales moyennes des chaque expression d’incertitude. 10 9,33 9,7 9,67 Valeurs de l'échelle 9 8 7,3 7 6 5,19 5,7 6,22 5 7,7 Ls Li 3 1 7,78 4,67 4 2 7,33 3,67 2,85 2,48 0 Paraît Sem ble Lot fa ib le Suppose Pense Convaincu Sûr Certain Lot fo rt Figure 9. Graphique des valeurs minimales (Limites inférieures) et maximales (Limites supérieures) moyennes de chaque expression d'incertitude à travers les deux lots. Une ANOVA appliquée aux étendues (en calculant une note moyenne pour chaque étendue) de chaque expression a montré une différence significative entre les étendues des 106 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE expressions1, F (6, 26) = 5.52 ; p < .0001. Et, comme attendu, l’étendue des expressions du lot Faible (paraît, semble, suppose, pense) était plus grande que celle du lot fort (convaincu, sûr, certain) (p < .0005). Afin de mieux apprécier cette différence entre les étendues des expressions des deux lots, nous avons représenté les écarts entre les limites qui montrent que plus on monte dans l’échelle de certitude plus l’écart se réduit (cf. Figure 10). 3 écart (Ls-Li) 2,5 2,71 2,85 2,55 2,63 2 2 1,92 1,97 1,5 1 0,5 0 Paraît Sem ble Suppose Lot fai bl e Pense Convaincu Sûr Certain Lot for t Figure 10. Moyennes des écarts entre les deux lots d'expressions. Comme on peut le constater, les résultats confirment nos hypothèses. Ainsi, après avoir délimité les expressions en déterminant pour chacune sa valeur minimale et sa valeur maximale et ce, avec un scénario non spécifié, nous avons défini « l’étendue de signification » de chaque expression ; cette étendue de signification est supposée contenir les variations dans le sens des expressions d’incertitude à travers les différents contextes (e.g., fréquence de base forte, faible ou neutre). Dès lors, si cette conception est vraie, en aucun cas 1 Dans le cas présent, les tests de significativités n’ont pas beaucoup de sens, dans la mesure où chaque sujet attribue deux valeurs à chaque expression, et par conséquent les paires d’évaluation ne sont pas indépendantes. 107 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE l’interprétation des expressions d’incertitude ne devrait se trouver en dehors de cette étendue de signification délimitée par la « zone d’acceptation » (représentée par les valeurs minimales et maximales de chaque expression). Ainsi, en comparant le codage des expressions internes d’incertitude (utilisées dans l’expérience 5) dans les trois contextes, avec les zones d’acceptation de chaque expression, on s’aperçoit que l’évaluation numérique, conformément à nos attentes, se situait entre les marges fonctionnelles des expressions, quelle que soit l’information contextuelle qui accompagnait l’expression à évaluer (cf. Figure 11). 10 9 Valeurs de l'échelle 8 7 6 LS 5 Arbre 4 Voiture 3 E.T. 2 LI 1 0 Paraît Sem ble Suppose Pense Convaincu Sûr Certain Expressions verbales Figure 11. Représentation graphique du sens numérique des expressions d'incertitude en fonction du contexte et de la zone d'acceptation. 108 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE 3. Discussion Générale du Chapitre V Les résultats de nos expériences confirment l’effet du taux de base perçu sur le codage numérique des expressions d’incertitude en faisant varier les valeurs prises par chaque stimulus, en fonction du contexte. Ce résultat est très cohérent avec la large littérature sur la question, malgré des différences notables dans la procédure expérimentale qu’il convient d’expliquer. 3.1. Le choix de l’échelle d’évaluation et des expressions Dans la littérature, pour évaluer des expressions d’incertitude, on fait appel à une échelle probabiliste. Autrement dit, une échelle qui s’étend de la certitude de non-réalisation (0 %) à la certitude de réalisation (100 %). Par contre, l’échelle que nous avons utilisée est une échelle en 11 catégories qui va de l’incertitude totale (0) à la certitude totale (10), et possède donc une étendue de stimulation théoriquement plus réduite que l’échelle probabiliste classique. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que le choix de l’échelle a été fonction du choix des expressions. Nous avions à notre disposition un lot d’expressions qui était symétrique (non au sens psychophysique du terme), c’est-à-dire que toutes les expressions faisaient référence à l’occurrence de l’événement (e.g., je pense que X aura lieu) plutôt qu’à sa non-réalisation : pour emprunter la terminologie de Teigen et Brun (1999), elles sont positives1. Cependant, il 1 Certaines des expressions utilisées ici ont fait l’objet de certaines recherches qui ont étudié leurs caractéristiques de position, ainsi que les possibilités de regroupement au sein d’une structure d’ordre (Foley, 1956 ; Fabre, 1991, 1993 ; Fares, 2001). 109 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE est légitime de penser que l’on puisse dire : « Je pense que X n’aura pas lieu », mais ceci ne change en rien la positivité de l’expression car c’est l’événement qui s’en trouve affecté et devient négatif1. De ce fait, il devient incohérent d’évaluer des expressions unidirectionnelles sur une échelle directionnelle dichotomique. Il s’en suit, si tel est le cas, qu’une grande étendue de l’échelle d’évaluation sera négligée par les sujets. 3.2. La tâche de jugement La deuxième différence, qui est aussi importante à soulever, concerne la tâche de jugement elle-même. Pour étudier l’effet du taux de base, plusieurs auteurs (Wallsten, Fillenbaum et Cox, 1986 ; Windschitl & Weber, 1999) demandaient à leurs sujets (a) soit d’estimer la probabilité d’occurrence d’un événement en se basant sur l’expression qui le décrit, (b) soit de fournir directement une prévision numérique sur les chances d’occurrence d’un événement non décrit par une expression (e.g., quelle est la probabilité qu’il neige à Montréal en septembre/Octobre/Novembre ? ou la probabilité de contracter la Malaria lors d’un séjour à Hawaï/Inde ?). Le paradigme utilisé ici était très différent. Ainsi, la tâche proposée aux sujets était une simple tâche de classification ou de hiérarchisation des expressions dans un ordre de certitude croissante. En d’autres termes, il n’était pas explicitement précisé que les sujets devaient évaluer les expressions en fonction du taux de base, ou estimer les chances d’occurrence de l’événement, d’autant plus qu’il n’a pas été spécifié si ces phrases sont formulées par un tiers ou comme s’ils avaient eu eux-mêmes à les prononcer. 1 Contrairement aux expressions externes qui, elles, sont directionnelles, c'est-à-dire peuvent être positives ou négatives (e.g., probable et improbable), les expressions internes d’incertitude ne possèdent pas pour la plupart de négations affixales. 110 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE Dès lors, à la lumière de ces constatations, il devient intéressant d’examiner de plus près ces résultats. Tout d’abord, il semblerait que l’effet du taux de base perçu soit un phénomène beaucoup plus général qu’il n’y paraît. Ainsi, nous observons qu’il influe sur l’interprétation de l’incertitude même lorsque les événements ne peuvent être expliqués en termes de causalité et qu’ils ne sont pas concrets. Ceci est d’autant plus frappant que chacun des sujets ne voit qu’un seul taux de base. En d’autres termes, aucune des conditions d’activation du taux de base n’est présente. 3.3. L’évaluation de l’incertitude entre sélection de sens et modulation contextuelle Contrairement aux expressions externes qui sont évaluées en termes de « sélection de sens » approprié, nous supposons que les expressions internes, pour la plupart, sont plutôt sujettes, pour emprunter le terme de Cruse (1986), à une « modulation contextuelle ». En d’autres termes, l’interprétation des expressions internes est plus déterminée par les autres éléments (informationnels) contextuels composant la phrase que par leur sens lui-même. En effet, leur sens résulte d’une interaction avec une variété de facteurs contextuels. Ainsi, l’interprétation des expressions internes dans un contexte spécifique est créée en situation plutôt que dérivée du sens propre de l’expression. La modulation contextuelle est un processus de création de sens à partir, et à l’intérieur, de l’étendue de significations en fonction du contexte. Ce nouveau sens acquis par contextualisation que nous appelons « sens induit » est une spécification de l’étendue de signification. Ainsi, la variabilité due au contexte agit sur l’appréhension du sens des expressions par les sujets, donc, sur l’interprétation numérique. Trois cas de figure peuvent se présenter (a), lorsque l’information sur le contexte est connue et décrit un événement à forte probabilité a priori, l’induction est positive, alors que, (b) lorsque l’événement décrit a un faible taux de base le sens de 111 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE l’expression baisse : c’est ce que nous appelons l’« induction négative » ; enfin, (c) une troisième variation concerne les contextes neutres ou à taux de base inconnu ou non perçu, que nous appelons « induction systématique », et qui ressemble de près au sens usuel, c’est-àdire au processus de traduction des expressions externes en absence de contexte. Cette induction systématique opère lorsque le contexte renvoie peu ou pas d’informations sur les chances d’occurrence de l’événement ou sur le degré de certitude face à l’événement. Nous pensons que ce type d’induction dépend d’autres facteurs qui sont essentiellement inhérents aux sujets et par conséquent à des contextes spécifiques qui peuvent être activé au moment de l’évaluation d’où la difficulté de faire des prédictions sur les variations de sens des expressions d’incertitude dans de tels contextes. Cette idée que les expressions internes ne possèdent pas de sens usuel se trouve, en partie, confortée par les résultats de l’Expérience 4 qui montrent qu’aucune des valeurs de l’échelle d’évaluation de l’incertitude ne convient vraiment à leur description. Ainsi, on peut supposer, comme l’ont suggéré Moxey et Sanford (1993) et Sanford, Moxey & Paterson (1996) en parlant des expressions de quantités, que les expressions d’incertitude internes jouent le rôle d’opérateurs mentaux qui contrôlent les patterns d’inférence dans le contexte linguistique dans lequel elles interviennent, mais ne débouchent pas sur une interprétation numérique. Ainsi, nous estimons qu’il est plus convenable pour évaluer les expressions internes de parler en termes « d’étendue de signification ». En effet, il n’y a pas de sens à chercher l’équivalent numérique d’une phrase comme : « il me semble que», ou « je pense que X aura lieu », sans faire référence à un contexte auquel ces expressions renvoient. Ainsi, présentées hors contexte, ces expressions renvoient peu d’informations sur le degré de certitude et encore moins sur les chances d’occurrence de l’événement ; nous pensons même que certains 112 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE contextes rendent ces expressions peu informatives : c’est le cas d’un contexte à taux de base perçu inconnu ou neutre. Ainsi, une phrase comme : « il me semble qu’il pleuvra demain », est, elle aussi, très peu informative car nous n’avons aucun élément d’information sur les facteurs en jeu qui peuvent faire qu’il pleuve demain ou pas ( ni taux de base, ni degré d’expertise de la personne), ce qui rend l’évaluation inappropriée et incohérente. Le taux de base a influé sur l’interprétation des expressions internes, mais cette évaluation s’est faite en termes de « modulation contextuelle » et non de « sélection de sens ». Sur la base de ces considérations, nous proposons un schéma du processus de jugement des expressions d’incertitude (cf. Figure 12). 113 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE Echelle d’évaluat ion Sens des expressions en l’absence de contexte Induction de contexte Sens des expressions dans un contexte spécifique 1 Dérivation de sens Sélection de sens Externe 0 SU SV SID Création de sens 1 Modulation contextuelle Induction positive Induction systématique Interne Induction négative ZA 0 ES SIC Figure 12. Processus de formation des jugements dans l’interprétation des expressions verbales d’incertitude interne et externe. SU : le « sens usuel » d’une expression, désigne la valeur numérique ou sens de l’expression verbale d’incertitude en l’absence de contexte. SV : le « sens variable ou relatif », c’est le sens de l’expression externe en fonction des différences interindividuelles et contextuelles. 114 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE ES : « L’étendue de signification », c’est l’ensemble des valeurs numériques traduisant l’étendue sémantique de l’expression ; en d’autres termes, ce sont les différents sens que possède l’expression verbale d’incertitude. ZA : Cette étendue de signification évolue à l’intérieur de la « zone d’acceptation », définie par les limites ou valeurs maximale et minimale de l’expression ; en d’autres termes, ce sont les marges fonctionnelles de l’expression. SI : « Le sens induit », c’est le sens acquis par l’expression dans un contexte spécifique. Le type d’induction est fonction du type d’expression. Pour les expressions externes, le sens est induit par dérivation (SID) alors que pour les expressions internes, il l’est par création (SIC). Ce dernier processus peut, en fonction du contexte, débouchée soit sur une induction positive, soit négative soit systématique (ou de traduction). Comme nous l’avons souligné plus haut nous pensons que les processus impliqués dans l’évaluation des expressions internes et externes sont différents. Comme on peut le voir dans sur la Figure 19, les deux variantes de l’incertitude aboutissent grosso modo aux mêmes résultats dans leur interprétation numérique dans un contexte spécifique (e.g., taux de base). Or, nous pensons que le sens, de départ, que possède chaque type d’expression en absence de contexte est différent. Ainsi, on se basant sur la littérature traitant de la question, nous en concluant à l’existence de deux sens pour les expressions externes : un sens que possède l’expression en absence de contexte (e.g., probable = 70 %), et un sens variable qui évolue en fonction du contexte dans lequel se trouve l’expression, telle qu’un faible taux de base (e.g., il est probable qu’il pleuve au Zaïre le mois de Mars = 20 %) ou fort taux de base (e.g., il est probable qu’il neige à Londres le mois de novembre = 95 %) ; ainsi, la nature du contexte agit sur la sélection d’un sens approprié pour l’expression. Alors que, les expressions internes, elles, ne possèdent pas de sens usuel, mais simplement une étendue de significations, dans ce cas, on ne peut pas parler de sélection de sens, dans la mesure où, en absence de contexte, ces expressions n’en possèdent pas un, mais plutôt de modulation contextuelle. En effet, ce processus est un processus de création de sens à partir du contexte qu’une dérivation de sens à partir du sens de l’expression elle-même. 115 CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE Il ressort de ces deux expériences que le jugement des expressions d’incertitude est une activité complexe qui couvre « la traduction » et « les additions de contexte ». Ainsi, les possibilités offertes par le langage (ZA) sont larges et multiples et ne sont pas guidées par une spécification contextuelle particulière. Cet effet de l’information permet de préciser le processus d’appréhension de l’information par le sujet, qui ajuste ses réponses en fonction du contexte en tenant compte de la probabilité a priori des chances d’occurrence de l’événement. La conception du jugement comme tâche de traduction assortie d’une éventuelle induction positive ou négative est compatible avec une modélisation de cette activité de jugement des expressions d’incertitude qui distingue sens usuel, espace des possibles et effet de la contextualisation. Enfin, admettre que les expressions internes ont peu de sens en elles-mêmes, soulève autant de questions que de réponses. En particulier, nous ne savons pas grand chose sur le processus de création du sens, mais nous pensons que cette étude apporte quelques réponses du moins concernant une partie du fonctionnement de ce processus. 116 CONCLUSION TROISIEME PARTIE CONCLUSION L’objectif principal des recherches expérimentales présentées ici était, d’une part, d’étudier l’effet des modes de formulation linguistique des expressions d’incertitude sur la compréhension et les inférences, et, d’autre part, d’aborder la problématique des effets de contextes en réexaminant celui du taux de base perçu sur l’interprétation des expressions verbales d’incertitude. S’inscrivant dans une optique sémantique de l’étude des expressions verbales d’incertitude, la première série d’expériences (Expériences 1, 2, 3, et 4) avait pour but d’éclairer l’importance du mode de construction linguistique dans l’interprétation de l’incertitude. En effet, les expériences 1 et 2 ont permis de démontrer l’existence d’un lien entre le type d’expression employé (interne vs. externe) et le type d’incertitude impliqué (épistémique vs. aléatoire). En d’autres termes, les expressions d’incertitude internes (e.g., Il me semble, je suis sûr) décrivent bien l’état de connaissances de la personne et les expressions d’incertitude externes (e.g., probable, possible) et les prévisions numérique associées (e.g., 70% de chances) sont directement reliées à l’incertitude relative à l’état du monde. L’expérience 3, quant à elle, a permis, à la lumière des deux précédentes, de discuter avec plus de précision les patterns de préférence de l’un ou de l’autre des modes d’expressions d’incertitude. En effet, nous avons mis en évidence une préférence pour les expressions 117 CONCLUSION internes par rapport aux expressions externes même lorsque ces dernières sont associées à de plus fortes prévisions numériques (e.g., 40 % sûr > 70 % de chances). Avec la 4ème et dernière expérience de cette série, nous avons voulu, en se basant sur les commentaires recueillis auprès des sujets mais aussi sur une distinction théorique de Kahneman et Tversky (1982) entre expressions internes et externes, examiner l’effet du référent cognitif sur l’interprétation numérique de l’incertitude ; en d’autres termes, quelles conséquences pouvait avoir l’emploi du pronom personnel (e.g., « je ») ou tout autre élément faisant référence à l’individu, sur l’interprétation de l’incertitude? Dans ce dessein, nous avons comparé des expressions internes (e.g., je suis sûr) et des expressions que nous avons appelées « internes en formulation externe » (e.g., Il est sûr) dans une tâche de codage numérique. Nos résultats ont montré que les deux types d’expressions débouchaient sur des interprétations très similaires, ce qui ne nous a pas permis de conclure à une distinction sémantique entre ces deux variantes de l’incertitude. Ainsi, les résultats de la première série d’expériences ont permis de comprendre l’impact de la formulation rhétorique des expressions d’incertitude sur le choix, et de démontrer que les deux variantes de l’incertitude (interne vs. externe) possèdent des corrélats cognitifs (i.e., distinction sémantique). Ainsi, nous avons expliqué les différences entre les expressions internes et externes, d’une part, (a) en termes d’effet de contexte : en effet, il existe une différence entre l’évaluation par paires et le jugement absolu ; ainsi la présence d’une phrase comme : « je suis sûr à 60% », prise isolément, renvoie une information différente pour celui qui l’entend, par rapport aux deux phrases: « je suis sûr à 60% » et « il est possible à 70% » : dans le premier cas, l’expression verbale d’incertitude (i.e., sûr) définit l’échelle subjective d’évaluation, et la prévision numérique qui l’accompagne n’est qu’une pondération de la certitude, alors que, dans le deuxième cas de figure, le sujet tend à classer les deux prédictions dans une structure d’ordre, en se basant sur le poids des expressions. 118 CONCLUSION D’autre part, ces différences peuvent être imputées (b) à une différence dans les processus impliqués dans l’évaluation des expressions. En effet, les expressions internes sont évaluées par un raisonnement singulier ou unique, alors que les expressions externes tendent plutôt à être associées à un raisonnement distributionnel. Enfin, (c) nous avons également associé ces résultats à la notion d’ambiguïté générée par la présence, dans les expressions externes, d’une double incertitude, l’une relative à l’expression et l’autre à la prévision numérique qui l’accompagne, (e.g., 70 % probable), alors que pour les expressions internes, et quelle que soit la prévision numérique qui les accompagne, l’incertitude provenait uniquement de la prévision numérique (e.g., 50 % sûr) : c’est l’attitude négative envers l’ambiguïté. La deuxième série d’expériences (Expériences 5 et 6) avait pour objectif d’approfondir la problématique des effets de contextes et, plus précisément, celui du taux de base perçu sur l’interprétation des expressions d’incertitude internes. Nos résultats ont montré que, même lorsque aucune des conditions d’activation du taux de base n’est réunie, l’interprétation des expressions verbales a été fonction de ce dernier. En effet, et en accord avec ce qui a déjà été mis en évidence auparavant sur les expressions probabilistes, un faible taux de base associé à une expression fait baisser la valeur numérique attribuée à cette dernière, alors qu’avec un fort taux de base, c’est l’inverse qui se produit. À la lumière de ces résultats, nous avons proposé de modéliser l’activité cognitive sous-tendant l’interprétation des expressions verbales d’incertitude. Ainsi, nous supposons que les processus d’évaluation impliqués dans l’évaluation des expressions d’incertitude, en présence d’informations sur le contexte permettant des inférences, diffèrent selon le type d’expressions. En effet, les expressions internes, contrairement aux expressions externes, ne présentent pas un sens unique en 119 CONCLUSION l’absence de contexte et, par conséquent, ne peuvent déboucher sur une interprétation numérique fiable. Par contre, lorsque des informations sur le contexte deviennent disponibles, les expressions internes sont évaluées en termes de modulation contextuelle, alors que les expressions externes, elles, sont plutôt sujettes à une sélection de sens approprié, Pour résumer, nos résultats fournissent une preuve supplémentaire de l’importance du contexte, qu’il soit relatif à la nature de l’information décrite (e.g., Taux de base) ou inhérent aux expressions elles-mêmes (mode de formulation linguistique), dans l’interprétation des expressions verbales d’incertitude. Mais, malgré l’intérêt de ces résultats, les interrogations restent nombreuses. En particulier, les concepts d’induction positive, négative et systématique sont encore trop vagues pour pouvoir faire des prévisions spécifiques. Il faut d’ailleurs préciser que c’est dans cette situation (i.e., taux de base faible, neutre et fort) que nous rencontrerions les plus grandes difficultés, retrouvant ici d’une autre façon le problème difficile de la distinction entre incertitude et certitude de non-réalisation (Fabre, 1991). En effet, d’une part, ces expériences doivent être poursuivies pour vérifier le bien-fondé de la distinction entre les processus de « modulation contextuelle » et de « sélection de sens ». Pour ce faire, il est évident que d’autres réalisations expérimentales sont nécessaires; et d’autre part, le modèle proposé, qui intègre trois classes de détermination: processus d’évaluation, type d’expression et nature de l’information, doit faire l’objet de vérifications expérimentales supplémentaires qui permettraient en particulier de fixer la méthodologie de détermination des valeurs supposées non spécifiées par le contexte (SU et ZA). Enfin, il reste à tester l’effet de l’introduction d’une échelle NP (Certitude négative – Certitude positive), afin de pouvoir étudier la façon dont le sujet ajuste ses réponses face à des expressions décrivant un fait incertain par rapport à sa non-réalisation. 120 BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE Bar-Hillel, M. (1980). The base rate fallacy in probability judgment. Acta Psychologica, 44, 211-233. Bar-Hillel, M. (1983). The base rate fallacy controversy. In R. W. Scholz (Ed.), Decision making under uncertainty. Amsterdam: North-Holland. 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Vincent Julien […………………………………………………………………………………………………] Le Job Deux copains qui viennent d’obtenir leurs diplômes de fin d’études discutent de leurs avenirs professionnels. Michel dit : « Je suis certain à 60 % de trouver du travail d’ici 6 mois », Laurent lui dit : « Il est probable à 70 % que je trouve du travail d’ici 6 mois ». Michel Laurent […………………………………………………………………………………………………] Le vaccin Deux chercheurs font des prévisions quant à la découverte prochaine d’un vaccin contre une forme d’allergie bénigne à l’huile de soja. Le premier dit : « Je suis convaincu à 30 % que le vaccin sera au point dans un proche avenir ». Le deuxième dit : « Il est possible à 70 % que le vaccin soit au point dans un proche avenir ». 136 ANNEXE 1 Le premier chercheur Le deuxième chercheur […………………………………………………………………………………………………] L’orientation Le baccalauréat en poche, Jérôme se prépare à choisir son orientation pour ses études universitaires. Deux de ses anciens professeurs discutent du choix que fera Jérôme. Le premier dit : « Je suis convaincu à 60 % que Jérôme choisira une filière scientifique ». Le deuxième dit : « Il est possible à 70 % que Jérôme choisisse une filière littéraire ». Le premier enseignant Le deuxième enseignant […………………………………………………………………………………………………] La plage Vous êtes allongé sur la plage et juste à côté de vous discutent Brad et Peter deux maîtrenageurs. Brad dit : « Je suis convaincu à 70 % que demain il y aura plus de monde qu’aujourd’hui sur la plage », Peter dit : « Il est possible à 70 % que demain il y ait moins de monde qu’aujourd’hui sur la plage ». Brad Pete […………………………………………………………………………………………………] Le pétrole Voici les prévisions de deux économistes de l’OPEP sur l’évolution du cours du pétrole dans les jours à venir. Le premier dit : « Je suis certain à 70 % que le cours du pétrole baissera ». Le deuxième dit : « Il est probable à 70 % que le cours du pétrole reste stable ». Le premier économiste Le deuxième économiste […………………………………………………………………………………………………] 137 ANNEXE 1 Les élections Deux politologues discutent de l’avenir politique de leurs partis lors des prochaines élections législatives. Le premier dit : « Je suis certain à 30 % que nous remporterons les prochaines élections législatives ». Le deuxième dit : « Il est probable à 70 % que nous remportions les prochaines élections législatives ». Le premier politologue Le deuxième politologue […………………………………………………………………………………………………] Le séisme Deux géologues en expédition sur l’île de Koulanga ont été surpris par une secousse sismique. Le premier géologue dit : « Je suis sûr à 30 % que cette secousse était de 5 sur l’échelle de Richter ». Le second répond : « Il y a 70 % de chances que cette secousse soit de 6 sur l’échelle de Richter ». Le premier géologue Le deuxième géologue […………………………………………………………………………………………………] L’hippodrome Vous assistez à une course de chevaux. Assis à côté de vous, deux passionnés de chevaux discutent avant le top départ. Alain dit : « Je suis sûr à 60 % que le cheval N°12 remportera la course ». Bernard dit : « Il y a 70 % de chances que le cheval N°17 remporte la course ». Alain Bernard […………………………………………………………………………………………………] 138 ANNEXE 1 Tableau des Effectifs Prévisions numériques Couple d'expressions 70% vs. 70% 60% vs. 70% 30% vs. 70% « Sûr » 32 35 26 « Chances » 16 13 22 Prévisions numériques Couple d'expressions 70% vs. 70% 60% vs. 70% 30% vs. 70% « Certain » 35 35 31 « Probable » 13 13 17 Prévisions numériques Couple d'expressions 70% vs. 70% 60% vs. 70% 30% vs. 70% « Convaincu » 36 32 30 « Possible » 12 16 18 139 ANNEXE 2 ANNEXE 2 CONSIGNE On vous demande de lire attentivement ces scénarios et de choisir parmi les deux événements décrits celui qui, selon vous, a le plus de chance de se produire (entourer votre réponse). Expliquer si possible en quelques mots les raisons de votre choix (au moins pour deux des neuf scénarios). Le match Julien et Vincent sont deux fans de foot. Ils sont venus assister à l’un des matchs les plus importants du Championnat d’Europe des Nations. Avant le coup d’envoi, ils font des pronostics sur l’issue du match. Vincent dit : « Je suis sûr à 70 % que l’équipe verte va gagner ». Julien dit : « Il est probable à 70 % que l’équipe jaune gagne ». L’équipe verte gagnera L’équipe jaune gagnera [……………………………..…………………………………………………………………] Le Job Deux copains qui viennent d’obtenir leurs diplômes de fin d’études discutent de leurs avenirs professionnels. Michel dit : « Il est possible à 70 % que je trouve du travail chez SATCOM», Laurent lui dit : « Je suis certain à 60 % de trouver du travail chez LOGICOM». Trouver du travail chez Satcom Trouver du travail chez Logicom [……………………………..…………………………………………………………………] Le vaccin Deux chercheurs font des prévisions quant à la découverte prochaine par leurs laboratoires d’un vaccin contre une forme d’allergie bénigne à l’huile de soja. Le premier dit : « Je suis convaincu à 30 % que notre vaccin sera au point très prochainement ». Le deuxième dit : « Il y a 70 % de chances que notre vaccin soit au point très prochainement ». 140 ANNEXE 2 Le vaccin du premier Labo Le vaccin du deuxième Labo […………………………..……………………………………………………………………] L’orientation Le baccalauréat en poche, Jérôme se prépare à choisir son orientation pour ses études universitaires. Deux de ses anciens professeurs discutent du choix que fera Jérôme. Le premier dit : « Il est probable à 70 % que Jérôme choisisse une filière scientifique ». Le deuxième dit : « Je suis certain à 70 % que Jérôme choisira une filière littéraire ». Jérôme choisira une filière scientifique Jérôme choisira une filière littéraire [……………………………..…………………………………………………………………] La plage Vous êtes allongé sur la plage et juste à côté de vous discutent Brad et Peter deux maîtrenageurs. Brad dit : « Je suis sûr à 60 % que demain il y aura plus de monde qu’aujourd’hui sur la plage », Peter dit : « Il y a 70 % de chances que demain il y ait moins de monde qu’aujourd’hui sur la plage ». Plus de monde sur la plage Moins de monde sur la plage […………………………..……………………………………………………………………] Le pétrole Voici les prévisions de deux économistes de l’OPEP sur l’évolution du cours du pétrole dans les jours à venir. Le premier dit : « Je suis convaincu à 70 % que le cours du pétrole baissera dans les jours à venir ». Le deuxième dit : « Il est possible à 70 % que le cours du pétrole augmente dans les jours à venir ». Le cours du pétrole baissera Le cours du pétrole augmentera […………………………..……………………………………………………………………] 141 ANNEXE 2 Les élections Deux politologues discutent de l’avenir politique de leurs partis lors des prochaines élections législatives. Le premier dit : « Il y a 70 % de chances que nous remportions les prochaines élections législatives ». Le deuxième dit : « Je suis certain à 30 % que nous remporterons les prochaines élections législatives ». Le premier parti gagnera Le deuxième parti gagnera [……………………………..…………………………………………………………………] Le séisme Sur une île du pacifique, deux géologues en expédition discutent de l’activité sismique dans la région. Le premier dit : « Il est possible à 70 % que la prochaine secousse soit de 5° sur l’échelle de Richter ». Le second répond : « Je suis sûr à 30 % que la prochaine secousse sera de 6° sur l’échelle de Richter ». La secousse sera de 5° La secousse sera de 6° […………………………………………………………………………………………………] L’hippodrome Vous assistez à une course de chevaux. Assis à côté de vous, deux passionnés de chevaux discutent avant le top départ. Alain dit : « Je suis convaincu à 60 % que le cheval N°12 remportera la course ». Bernard dit : « Il est probable à 70 % que le cheval N°17 remporte la course ». Cheval N°12 gagnera Cheval N°17 gagnera [……………………………..…………………………………………………………………] 142 ANNEXE 2 Tableau des Effectifs Prévisions numériques 70% vs. 70% Couple d'expressions Sûr vs. Prob Cert vs. Chan Conv vs. Poss Internes 11 13 14 Externes 19 17 16 Prévisions numériques 60% vs. 70% Couple d'expressions Cert vs. Poss Sûr vs. Chan Conv vs. Prob Internes 8 2 7 Externes 22 28 23 Prévisions numériques 30% vs. 70% Couple d'expressions Conv vs. Chan Cert vs. Prob Sûr vs. Poss Internes 3 4 5 Externes 27 26 25 143 ANNEXE 3 ANNEXE 3 CONSIGNE On vous demande de lire attentivement ces scénarios et de choisir parmi les deux propositions décrites celle qui vous convient le mieux (entourer votre réponse). Expliquer si possible en quelques mots les raisons de votre choix (au moins pour deux des quinze scénarios). ***************** Le désert En essayant de rejoindre en Jeep l’oasis de Tozeur dans le désert tunisien ; vous arrivez à un endroit avec un panneau indiquant deux chemins différents pour atteindre l’oasis sans spécification de la distance. Alors, vous décidez de vous arrêter pour demander à des indigènes le meilleur chemin à prendre. L’un vous dit : « Je suis certain à 40 % qu’en empruntant le chemin du Djérid vous arriverez avant le couché du soleil ». Alors qu’un deuxième vous dit : « Il y a 70 % de chance qu’en empruntant le chemin de Zarzis vous arriviez avant le couché du soleil ». Quel chemin allez-vous prendre ? Djérid Zarzis [……………………………..…………………………………………………………………] Le voyage Vous avez décidé de partir en vacances, mais en arrivant à l’aéroport, vous apprenez que les agents de pistes sont en grève. Ainsi, certains vols partiront à l’heure, d’autres non. Le bureau des renseignements de l’aéroport n’étant pas en mesure de vous informer, vous décidez d’attendre. Par chance, vous vous trouvez à côté de deux personnels navigants qui discutent des horaires des vols. Le premier dit : « Je suis sûr à 60 % que le vol de la compagnie Atlantic Airways partira à l’heure ». Le deuxième dit : « Il y a 70 % de chances que le vol de la compagnie Global Airlines parte à l’heure ». Chez quelle compagnie achèterez-vous votre billet ? 144 ANNEXE 3 Atlantic Airways Global Airlines [……………………………..…………………………………………………………………] Le vitrage À fin d’insonoriser votre appartement, vous décidez d’opter pour le double vitrage. Hésitant sur la marque à choisir, vous allez vous renseigner auprès de deux experts indépendants. Le premier vous dit : « Il est possible à 70 % qu’avec un vitrage Z33 le bruit diminuera considérablement ». Alors qu’un deuxième vous dit : « Je suis convaincu à 50 % qu’avec un vitrage X33 le bruit diminuera considérablement ». Quel vitrage allez-vous installer chez vous ? Vitrage Z33 Vitrage X33 [……………………………..…………………………………………………………………] Le ski Vous avez décidé de partir aux sports d’hiver, mais en route, en écoutant la radio, vous apprenez qu’à cause du léger réchauffement climatique de ces derniers jours, plusieurs stations de ski, dans la région où vous vous trouver, ont été fermées pour des raisons de sécurité, et seules, quelques-unes sont restées ouvertes. À une heure des deux stations les plus proches, vous décidez de vous arrêter pour demander leur avis à des gens du coin. Le premier vous dit : « Il y a 70 % de chances que la station M. soit réouverte ». Le deuxième vous dit : « Je suis convaincu à 70 % que la station R. sera réouverte ». Vers quelle station allez-vous continuer ? La station M La station R [……………………………..…………………………………………………………………] Les abdos Vous voulez muscler vos abdominaux. Mais, avant d’acheter votre matériel, vous décidez de consulter un site Internet sur la remise en forme. Après avoir posé votre question sur le forum deux coachs sportifs vous ont répondu. Le premier vous a dit : « Je suis sûr à 40 % qu’avec AbdoRock, vous aurez de beaux abdos en moins d’un mois ». Alors que le deuxième vous a 145 ANNEXE 3 dit : « Il est probable à 70 % qu’avec AbdoSteel vous ayez de beaux abdos en moins d’un mois ». Quel appareil allez-vous acheter ? AbdoRock AbdoStell [……………………………..…………………………………………………………………] La bourse Vous songez depuis quelque temps à acheter des actions en bourse. Mais, avant d’investir vous décidez de vous familiariser avec le milieu financier en allant acheter deux des plus grands magazines qui traitent des investissements boursiers. Vous lisez dans le premier magazine un financier déclarer : « Je suis certain à 70 % que le cours de la société TBR augmentera dans les jours à venir ». Dans le deuxième magazine, un autre financier déclare : « Il est possible à 70 % que le cours de la société VFX augmente dans les jours à venir ». Dans quelle société placerez-vous votre argent ? La société TBR La société VFX [……………………………..…………………………………………………………………] La course Imaginez que vous êtes allé assister à une course hippique ; n’étant pas expert en chevaux, vous décidez avant de parier d’aller faire un tour vers les paddocks. En passant à côté de deux anciens jockeys, vous avez écouté leurs prévisions. Le premier a dit : « Il est probable à 70 % que le cheval N° 8 gagne la course ». Le deuxième dit : « Je suis convaincu à 30 % que le cheval N° 5 gagnera la course ». Sur quel cheval miserez-vous ? Le cheval N° 8 Le cheval N° 5 [……………………………..…………………………………………………………………] Le palmier Vous venez de planter dans votre jardin, un palmier que vous avez ramené du Maroc. Sachant que cet arbre réagit mal au froid, vous décidez alors d’aller au salon de l’agriculture pour demander conseil. Après exposition de votre problème, un agronome vous dit : « Il y a 70 % 146 ANNEXE 3 de chances qu’en utilisant l’engrais Ferligon votre arbre résiste au froid ». Alors qu’un deuxième agronome vous dit : « Je suis sûr à 70 % qu’en utilisant l’engrais Amilgène votre arbre résistera au froid ». Quel engrais allez-vous acheter ? L’engrais Ferligon L’engrais Amilgène […………………………………………………………………………………………………] Le traitement Ayant essayé tous les traitements médicamenteux possibles pour soulager votre migraine sans succès ; vous apprenez en regardant une émission sur la question, l’existence de nouvelles méthodes thérapeutiques : l’acupuncture et la réflexologie. Mais avant d’entreprendre l’une ou l’autre, vous décidez de demander leurs avis à deux médecins en leur expliquant votre cas. Le premier vous dit : « Il est possible à 70 % que l’acupuncture puisse vous soulager ». Le deuxième vous dit : « Je suis sûr à 50 % que la réflexologie pourra vous soulager ». Mais à cause de contraintes financières, vous ne pouvez pas vous permettre d’essayer les deux traitements. Lequel allez-vous choisir ? L’acupuncture La réflexologie […………………………………………………………………………………………………] Le perroquet Votre Gris du Gabon déprime depuis quelque temps. Alors, vous décidez de lui trouver une partenaire. Mais ayant cherché sans succès une femelle de même espèce sans succès ; vous décidez d’aller dans une clinique vétérinaire pour demander l’avis de deux vétérinaires, quant à la compatibilité entre votre gris du Gabon et des femelles perroquet d’autres espèces. Le premier vous dit : « Je suis convaincu à 60 % qu’une femelle Karakas lui conviendra ». Alors qu’un deuxième vous dit : « Il est probable à 70 % qu’une femelle Cacatoès lui convienne ». Quelle femelle allez-vous lui choisir ? Une femelle Karakas Une femelle Cacatoès […………………………………………………………………………………………………] 147 ANNEXE 3 La plage Vous décidez de partir à la mer, mais vous apprenez qu’à cause d’un dégazage sauvage, une nappe de pétrole se rapproche des côtes et risque d’atteindre dans les heures à venir l’une des deux plages de la région. En vous renseignant sur l’incident auprès de deux marins pompiers. Le premier vous dit : « Je suis convaincu à 40 % que la plage A sera épargnée ». Le second vous dit : « Il est possible à 70 % que la plage B soit épargnée ». Vers quelle plage allez-vous partir pour vous baigner ? La plage A La plage B [……………………………..…………………………………………………………………] L’aéroport Vous apprenez que votre star hollywoodienne préférée va arriver en avion de Los Angeles d’une minute à l’autre pour assister au festival de Cannes. Alors, vous décidez d’aller à l’aéroport pour la voir en chair et en os. Cependant, un problème se présente, vous ne savez pas sur quel aéroport, elle arrivera. Par chance, vous entendez deux paparazzis discuter du même sujet. Le premier dit : « Il est possible à 70 % qu’elle arrive sur l’aéroport d’Orly ». Le deuxième dit : « Je suis certain à 50 % qu’elle arrivera sur l’aéroport de Roissy ». Vers quel aéroport allez-vous vous diriger ? Roissy Orly […………………………………………………………………………………………………] Les détectives Vous soupçonnez depuis quelque temps votre mari d’infidélité, alors vous décidez d’engager un détective privé. Afin de le choisir vous allez en consulter deux. Après avoir exposé en détail votre situation, le premier vous dit : « Il est probable à 70 % que je résolve l’affaire d’ici une semaine ». Le deuxième vous dit : « Je suis sûr à 30 % que je résoudrai l’affaire d’ici une semaine ». Quel détective allez-vous engager ? Le détective A Le détective B […………………………………………………………………………………………………] 148 ANNEXE 3 Les couches Vous venez d’avoir un bébé, mais vous hésitez sur la marque de couches à choisir. Vous allez voir deux pharmacies différentes. Le premier pharmacien vous dit : « Je suis certain à 60 % qu’avec la marque BabyDream le siège de votre bébé ne sera plus irrité ». Le deuxième pharmacien vous dit : « Il y a 70 % de chances qu’avec la marque BabyCool le siège de votre bébé ne soit plus irrité ». Quelle marque allez-vous choisir ? BabyDream BabyCool […………………………………………………………………………………………………] Le transport Une grève des transports publics a été annoncée ; par conséquent le service sera réduit et vous devez vous rendre d’ici une heure à l’autre bout de la ville pour un entretien d’embauche. N’ayant pas de véhicule personnel, vous hésitez entre le train et le bus. Vous profitez alors de la proximité de la gare et du terminus pour aller demander des renseignements dans l'une et dans l’autre. Désespéré de la situation, vous leur racontez votre histoire. Le contrôleur dans la gare vous dit : « Je suis certain à 30 % qu’en prenant le train vous arriverez à l’heure à votre RDV ». Alors que dans le terminus des bus l’autre contrôleur vous dit : « Il est probable à 70 % qu’en prenant le bus vous arriviez à l’heure à votre RDV ». Quel moyen de transport allez-vous choisir ? Le train Le bus [……………………………..…………………………………………………………………] 149 ANNEXE 4 ANNEXE 4 LES CONSIGNES : CONSIGNE « a » : « il est sûr » vs. « il me paraît » Dans cette expérience, nous allons vous présenter des évaluations numériques et des expressions verbales. Votre tâche consiste à juger de la concordance de chacune des évaluations numériques avec chacune des expressions verbales présentées. Veuillez lire attentivement l’exemple suivant jusqu'à ce que vous soyez sûre d’avoir compris la tâche. Exemple : Si quelqu’un vous dit : « Il y a de fortes chances qu’il pleuve demain ». Sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), selon vous est-ce que le chiffre « 1 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne? (entourez votre réponse) Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Normalement les réponses devraient être soit A soit B. Parce que le chiffre « 1 » décrit plutôt une très faible certitude donc ne convient pas à l’expression « fortes chances ». Maintenant, si vous avez compris vous pouvez commencer. ********** Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il est sûr que l’événement X aura lieu ». Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), est-ce que le chiffre « 7 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne (entourez votre réponse) ? Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement 150 ANNEXE 4 Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement ********** Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il me paraît que l’événement X aura lieu ». Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), est-ce que le chiffre « 4 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne (entourez votre réponse) ? Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement 151 ANNEXE 4 Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement 152 ANNEXE 4 CONSIGNE « b » : « il me semble » vs. « il est certain » Dans cette expérience, nous allons vous présenter des évaluations numériques et des expressions verbales. Votre tâche consiste à juger de la concordance de chacune des évaluations numériques avec chacune des expressions verbales présentées. Veuillez lire attentivement l’exemple suivant jusqu'à ce que vous soyez sûre d’avoir compris la tâche. Exemple : Si quelqu’un vous dit : « Il y a de fortes chances qu’il pleuve demain ». Sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), selon vous est-ce que le chiffre « 1 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne? (entourez votre réponse) Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Normalement les réponses devraient être soit A soit B. Parce que le chiffre « 1 » décrit plutôt une très faible certitude donc ne convient pas à l’expression « fortes chances ». Maintenant, si vous avez compris vous pouvez commencer. ********** Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il me semble que l’événement X aura lieu ». Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), est-ce que le chiffre « 2 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne (entourez votre réponse) ? Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement 153 ANNEXE 4 Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement ********** Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il est certain que l’événement X aura lieu ». Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), est-ce que le chiffre « 6 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne (entourez votre réponse) ? Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression 154 ANNEXE 4 Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement 155 ANNEXE 4 CONSIGNE « c » : « Je suis sûr » vs. « il semble » Dans cette expérience, nous allons vous présenter des évaluations numériques et des expressions verbales. Votre tâche consiste à juger de la concordance de chacune des évaluations numériques avec chacune des expressions verbales présentées. Veuillez lire attentivement l’exemple suivant jusqu'à ce que vous soyez sûre d’avoir compris la tâche. Exemple : Si quelqu’un vous dit : « Il y a de fortes chances qu’il pleuve demain ». Sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), selon vous est-ce que le chiffre « 1 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne? (entourez votre réponse) Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Normalement les réponses devraient être soit A soit B. Parce que le chiffre « 1 » décrit plutôt une très faible certitude donc ne convient pas à l’expression « fortes chances ». Maintenant, si vous avez compris vous pouvez commencer. ********** Imaginez que quelqu’un vous dise : « Je suis sûr que l’événement X aura lieu ». Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), est-ce que le chiffre « 8 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne (entourez votre réponse) ? Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement 156 ANNEXE 4 Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement ********** Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il semble que l’événement X aura lieu ». Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), est-ce que le chiffre « 1 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne (entourez votre réponse) ? Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression 157 ANNEXE 4 Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement 158 ANNEXE 4 CONSIGNE « d » : « il paraît » vs. « je suis certain » Dans cette expérience, nous allons vous présenter des évaluations numériques et des expressions verbales. Votre tâche consiste à juger de la concordance de chacune des évaluations numériques avec chacune des expressions verbales présentées. Veuillez lire attentivement l’exemple suivant jusqu'à ce que vous soyez sûre d’avoir compris la tâche. Exemple : Si quelqu’un vous dit : « Il y a de fortes chances qu’il pleuve demain ». Sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), selon vous est-ce que le chiffre « 1 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne? (entourez votre réponse) Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Normalement les réponses devraient être soit A soit B. Parce que le chiffre « 1 » décrit plutôt une très faible certitude donc ne convient pas à l’expression « fortes chances ». Maintenant, si vous avez compris vous pouvez commencer. ********** Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il paraît que l’événement X aura lieu ». Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), est-ce que le chiffre « 5 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne (entourez votre réponse) ? Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement 159 ANNEXE 4 Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement ********** Imaginez que quelqu’un vous dise : « Je suis certain que l’événement X aura lieu ». Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude totale), est-ce que le chiffre « 9 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne (entourez votre réponse) ? Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement 160 ANNEXE 4 Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression Ne traduit pas du tout A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement 161 ANNEXE 4 LES RÉSULTATS DE TOUS LES DEGRÉS DE L’ECHELLE DE CONVENANCE : Tableau 1. Pourcentages des réponses selon le degré de convenance de chacune des valeurs de l’échelle d’évaluation pour la traduction numérique de chacune des deux variantes (interne vs. interne en formulation externe) de l’expression « Sûr » Valeurs de l'échelle Degrés de Types convenance d'expressions 1 A Interne 88.24 Interne en FE 100 Interne 5.88 Interne en FE 0 Interne 0 0 Interne en FE 0 0 Interne 0 0 0 0 Interne en FE 0 0 0 0 Interne 5.88 0 0 0 0 5.88 29.41 58.82 35.29 5.88 Interne en FE 0 0 0 0 0 13.33 26.67 Interne 0 0 0 0 0 0 0 5.88 64.71 88.24 Interne en FE 0 0 0 0 0 0 0 13.33 46.67 93.33 B C D E F 2 3 4 5 6 7 8 9 10 0 0 0 5.88 0 0 66.67 26.67 33.33 13.33 6.67 13.33 0 0 0 76.47 82.35 41.18 17.65 23.53 17.65 5.88 33.33 66.67 0 40 0 0 0 0 0 13.33 20 0 0 0 0 0 0 20 0 0 17.65 41.18 64.71 29.41 0 5.88 13.33 46.67 33.33 26.67 0 0 20 52.94 64.71 52.94 5.88 6.67 26.67 53.33 20 6.67 40 53.33 6.67 162 ANNEXE 4 Tableau 2. Pourcentages des réponses selon le degré de convenance de chacune des valeurs de l’échelle d’évaluation pour la traduction numérique de chacune des deux variantes (interne vs. interne en formulation externe) de l’expression « Certain » Valeurs de l'échelle Degrés de Types convenance d'expressions 1 A Interne 85.71 42.86 21.43 14.29 14.29 7.143 Interne en FE 94.74 73.68 47.37 21.05 15.79 21.05 10.53 5.26 Interne 7.14 Interne en FE 5.26 Interne 0 Interne en FE 0 0 Interne 0 0 0 7.14 Interne en FE 0 0 0 0 Interne 0 0 0 Interne en FE 0 0 Interne 7.14 Interne en FE 0 B C D E F 2 50 3 4 5 64.29 28.57 28.57 6 0 7 8 9 10 0 0 28.57 0 5.26 0 21.43 0 7.14 0 26.32 47.37 42.11 31.58 26.32 0 5.26 0 0 7.14 14.29 42.86 42.86 28.57 0 0 7.14 0 0 0 0 7.14 57.14 57.14 14.29 0 7.14 10.53 26.32 52.63 26.32 0 0 7.14 7.14 50 7.14 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 5.26 0 5.26 36.84 42.11 21.05 5.26 7.14 21.43 85.71 31.58 57.89 36.84 10.53 0 7.14 85.71 5.26 57.89 89.47 163 ANNEXE 4 Tableau 3. Pourcentages des réponses selon le degré de convenance de chacune des valeurs de l’échelle d’évaluation pour la traduction numérique de chacune des deux variantes (interne vs. interne en formulation externe) de l’expression « Paraît » Valeurs de l'échelle Degrés de Types convenance d'expressions 1 2 3 4 5 6 7 A Interne 53.33 20 0 6.67 0 6.67 6.67 Interne en FE 75 50 0 0 6.25 0 0 Interne 0 26.67 53.33 13.33 26.67 13.33 33.33 Interne en FE 6.25 12.5 37.5 Interne 6.67 6.67 6.67 Interne en FE 6.25 12.5 18.75 Interne 0 13.33 6.67 Interne en FE 0 0 Interne 13.33 26.67 26.67 0 0 Interne en FE 0 12.5 25 12.5 37.5 6.25 25 Interne 26.67 6.67 6.67 0 6.67 0 6.67 Interne en FE 12.5 12.5 0 6.25 6.25 0 6.25 B C D E F 8 9 6.67 46.67 10 60 0 31.25 31.25 40 6.67 0 12.5 18.75 18.75 31.25 37.5 12.5 6.25 33.33 53.33 46.67 13.33 6.67 0 0 6.25 0 6.25 0 6.67 0 0 6.25 6.25 50 12.5 25 12.5 46.67 13.33 26.67 26.67 18.75 18.75 18.75 50 25 6.67 13.33 46.67 26.67 0 43.75 31.25 12.5 0 13.33 40 12.5 18.75 37.5 164 ANNEXE 4 Tableau 4. Pourcentages des réponses selon le degré de convenance de chacune des valeurs de l’échelle d’évaluation pour la traduction numérique de chacune des deux variantes (interne vs. interne en formulation externe) de l’expression « Semble » Valeurs de l'échelle Degrés de Types convenance d'expressions 1 2 3 4 5 A Interne 57.89 0 5.26 0 0 Interne en FE 33.33 27.78 0 0 0 Interne 21.05 47.37 63.16 15.79 10.53 10.53 5.26 36.84 10.53 10.53 Interne en FE 16.67 33.33 27.78 22.22 5.56 11.11 44.44 33.33 11.11 11.11 Interne 5.26 36.84 Interne en FE 5.56 11.11 16.67 22.22 55.56 33.33 5.56 Interne 5.26 5.26 Interne en FE 11.11 0 Interne 10.53 10.53 10.53 10.53 31.58 26.32 26.32 36.84 15.79 5.26 Interne en FE 16.67 11.11 22.22 33.33 11.11 11.11 16.67 27.78 11.11 5.56 Interne 0 0 Interne en FE 16.67 16.67 B C D E F 6 7 8 9 10 10.53 26.32 10.53 42.11 52.63 0 11.11 11.11 5.26 42.11 47.37 15.79 10.53 5.26 50 44.44 5.26 0 5.56 5.56 0 0 5.26 0 27.78 22.22 11.11 38.89 22.22 16.67 5.56 0 10.53 21.05 5.26 36.84 31.58 5.26 10.53 5.26 5.56 0 0 16.67 5.56 0 10.53 21.05 31.58 0 5.56 16.67 38.89 165 ANNEXE 5 ANNEXE 5 CONSIGNE « a » Enoncé : « Cet arbre mourra un jour » Les phrases suivantes expriment différents degrés de certitude concernant, la réalisation de cet évènement. Je suis sûr que cet arbre mourra un jour [ ] Je suppose que cet arbre mourra un jour [ ] Je pense que cet arbre mourra un jour [ ] Je suis certain que cet arbre mourra un jour [ ] Il me semble que cet arbre mourra un jour [ ] Je suis convaincu que cet arbre mourra un jour [ ] Il me paraît que cet arbre mourra un jour [ ] On vous demande d’attribuer à chacune de ces phrases un chiffre sur une échelle de 0 à 10. Le chiffre 0 signifie l’incertitude totale quant à la réalisation de l’évènement et, le chiffre 10 signifie la certitude totale que l’arbre mourra un jour. 166 ANNEXE 5 CONSIGNE « b » Enoncé : « Cette voiture va tourner à droite » Les phrases suivantes expriment différents degrés de certitude concernant, la réalisation de cet évènement. Je suis sûr que la voiture va tourner à droite [ ] Je suppose que la voiture va tourner à droite [ ] Je pense que la voiture va tourner à droite [ ] Je suis certain que la voiture va tourner à droite [ Il me semble que la voiture va tourner à droite [ ] ] Je suis convaincu que la voiture va tourner à droite [ Il me paraît que la voiture va tourner à droite [ ] ] On vous demande d’attribuer à chacune de ces phrases un chiffre sur une échelle de 0 à 10. Le chiffre 0 signifie l’incertitude totale quant à la réalisation de l’évènement et, le chiffre 10 signifie la certitude totale que la voiture va tourner à droite. 167 ANNEXE 5 CONSIGNE « c » Enoncé : « Une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir » Les phrases suivantes expriment différents degrés de certitude concernant, la réalisation de cet évènement. Je suis sûr qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ] Je suppose qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ] Je pense qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ] Je suis certain qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ] Il me semble qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ] Je suis convaincu qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ] Il me paraît qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ] On vous demande d’attribuer à chacune de ces phrases un chiffre sur une échelle de 0 à 10. Le chiffre 0 signifie l’incertitude totale quant à la réalisation de l’évènement et, le chiffre 10 signifie la certitude totale qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours avenirs. 168 ANNEXE 6 ANNEXE 6 CONSIGNE « Imaginez un événement quelconque que l’on peut appeler X. Cet événement a des chances de se produire, et on peut exprimer ces chances au moyen d’une expression verbale. Les phrases suivantes expriment différents degrés de certitude concernant la réalisation de l’évènement X. Je suis convaincu que l’évènement X va se produire { - } Il me semble que l’évènement X va se produire { - } Il me paraît que l’évènement X va se produire { - } Je suppose que l’évènement X va se produire { - } Je suis sûr que l’évènement X va se produire { - } Je pense que l’évènement X va se produire { - } Je suis certain que l’évènement X va se produire { - } On vous demande de délimiter chaque expression par un intervalle, autrement dit, de définir pour chaque expression sa valeur minimale et sa valeur maximale sur une échelle de 0 à 10. Le chiffre 0 exprime l’incertitude totale quant à la réalisation de l’évènement X et le chiffre 10 exprime la certitude totale que l’évènement X va se produire ». 169 ANNEXE 7 ANNEXE 7 DÉTAILS SUR LES ANALYSES ADOPTÉES Le test de proportions « Epsilon » : Ce test sert à comparer deux pourcentages observés. Décision : • Si µ > µ alpha, on rejette H0. Il existe une différence statistiquement significative et on cherche de degré de signification p. • Si µ < µ alpha, on ne peut pas rejeter H0. Remarque : le µ est la racine carrée du khi deux que l’on aurait pu calculer. Formule : µ = Pa − Pb P × (1 − P ) + Na P × (1 − P) Nb Pa : Proportion de a Pb : Proportion de b Na : Effectif de a Nb : Effectif de b P : Il faut d’abord calculer Na+ (=Na*Pa) et Nb+(Nb*Pb) P= (Na+ + Nb+)/(Na+Nb) 170 ANNEXE 7 Application : (exemple sur la condition Sûr vs. Chance pour la condition de prévision 70 % vs. 70 %). J’ai deux proportions observées Pa = 0.67 et Pb = 0.23 Mon effectif est le même donc Na = Nb = 48 Na+ = 24 * 0.67 = 16,08 Nb+ = 24 * 0.23 = 5,52 P = (16,08 + 5,52) / (24+24) = 0,45 Il ne reste plus qu’a appliquer la formule. On obtient, µ = 3,33 µ 3,33 > 1,96 (i.e., µ alpha à 5%) donc on admet H0. Cette différence est significative au seuil p = .0017 ( À lire dans la table de l’epsilon) 171 ANNEXE 7 La Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) ou Clusters Analysis Définition : La CAH utilise des mesures de dissemblance ou de distance entre les objets pour former des classes. Ces distances peuvent être basées sur une ou plusieurs dimensions. L’algorithme de la CAH ne tient pas compte de la nature des distances qui lui sont indiquées ; peu importe donc qu’il s’agisse de véritables distances, ou d’autres mesures dérivées qui peuvent être plus explicites pour uu chercheurs. Mesure : Pour la mesure des distances, la distance euclidienne est probablement le type de distance le plus couramment utilisé. Ces distances sont calculées à partir des données brutes. La distance Euclidienne standard peut être élevé au carré afin de « surpondérer » les objets atypiques (éloignés). Règle d’agrégation : La règle d’agrégation détermine le moment où deux classes seront suffisamment similaires pour n’en former qu’une seule. Plusieurs possibilités sont offertes : par exemple, nous pourrions lier deux classes ensemble lorsque chacun des deux objets dans les deux classes est plus proche de l’autre que de la distance d’agrégation respective. Ou encore, nous pouvons utiliser les « plus proches voisins » au sein des classes pour déterminer les distances entre classes. La méthode d’agrégation que nous avons utilisée est la Méthode de Ward. Cette méthode se distingue de toutes les autres méthodes d’agrégation en ce sens qu’elle utilise une analyse de la variance rapprochée afin d’évaluer les distances entre classes. En résumé, cette méthode 172 ANNEXE 7 tente de minimiser la Somme des Carrés de tous les couples (hypothétiques) de classes pouvant être formée à chaque étape. (se référer à Ward, 1963 pour les détails concernant cette méthode). Le distance se calcule ainsi : (x, y ) = ∑i ( xi − yi )² 173