EFFET DE LA FORMULATION DES EXPRESSIONS - Risc

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EFFET DE LA FORMULATION DES EXPRESSIONS - Risc
UNIVERSITÉ AIX-MARSEILLE I
UNIVERSITÉ DE PROVENCE
UFR : Psychologie, Sciences de l’Education
Laboratoire de Psychologie Cognitive (LPC) – UMR – CNRS 6146
EFFET DE LA FORMULATION DES
EXPRESSIONS D’INCERTITUDE
(internes versus externes) SUR LE CHOIX ET LA
PRISE DE DECISION
Thèse pour l’obtention du grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE PROVENCE
Présentée par
Nizar Fares
Sous la direction de Monsieur le Professeur Jean-Marc Fabre
JURY
Jean-Marc Fabre (Directeur)
Professeur de Psychologie Cognitive et Expérimentale, Université de Provence.
Jean-Paul Caverni
Professeur de Psychologie Cognitive et Expérimentale, Université de Provence.
Denis Hilton (Rapporteur)
Professeur de Psychologie Sociale, Université de Toulouse – Le Mirail.
Paolo Legrenzi (Rapporteur)
Professeur de Psychologie Cognitive, Université de Venise, Italie.
JUIN 2006
REMERCIEMENTS
Je tiens ici à remercier :
Jean-Marc Fabre pour la confiance qu’il m’a accordée tout au long de cette
thèse. La qualité de son écoute et ses conseils ont fait de nos discussions des
moments d’enrichissement. Soyez assuré ici de mon profond respect.
Jean-Paul Caverni, Denis Hilton et Paolo Legrenzi d’avoir accepté de lire ce
travail.
Aline Pélissier pour sa disponibilité, son aide précieuse pour la documentation
de cette thèse et pour son suivi permanent.
Mes amis pour leur gentillesse et leurs encouragements, surtout ceux avec qui
j’ai eu des discussions enrichissantes à propos de ce travail.
L’ensemble des membres du Laboratoire de Psychologie Cognitive, ainsi qu’aux
doctorants à qui je souhaite réussite et courage.
Pour tout ce que vous m’avez apporté et que vous avez pu me faire partager.
Tout simplement Merci...
Je dédie cette thèse à ma famille: Mes parents sans qui je ne serai pas là où j’en
suis et à qui je dois tout ce qui m’arrive de bien, je tiens à leur exprimer, ici,
toute ma reconnaissance et ma gratitude pour m’avoir encouragé tout au long
de mon parcours. À ma femme pour sa patience, sa disponibilité et pour tout le
bonheur qu’elle m’apporte.
Résumé:
L'objectif général de ce travail était, d’une part, de mettre en évidence l’effet des modes
de formulation linguistique des expressions d’incertitude sur la compréhension et les
inférences. Dans cette perspective, nous avons conduit plusieurs études empiriques dans
lesquelles nous avons fait varier le type d’expressions (i.e., internes, externes, internes en
formulation externe et des prévisions numériques), et le paradigme (i.e., choix entre deux
éventualités, codage numérique). Les résultats mettent en évidence l'existence d’un lien entre
les expressions d’incertitude et les attributions; en d’autres termes, les expressions internes
sont associées aux connaissances du sujet alors que les expressions externes et les prévisions
numériques font plus référence au monde externe.
D’autre part, nous nous proposions de réexaminer la problématique des effets de contexte sur
l’interprétation des expressions d’incertitude, et ce avec des expressions internes dans une
tâche de codage numérique, alors qu’aucune condition d’activation du taux de base n’est
réunie. Ainsi, nous avons démontré que l’interprétation des probabilités verbales était fonction
du taux de base perçu (e.g., faible, neutre, inconnu).
En effet, nos résultats fournissent une évidence supplémentaire de l’importance des effets de
contexte (i.e., le taux de base) mais aussi du mode de formulation des expressions
d’incertitude dans l’interprétation des probabilités verbales.
Mots clés :
Incertitude interne, incertitude externe, modulation contextuelle, sélection de sens, interprétation numérique,
taux de base, fréquence de base perçue, codage numérique, ambiguïté.
Table des matières
Introduction ............................................................................................................................. 1
PREMIERE PARTIE : Aspect Théoriques ________________________________
CHAPITRE I : Le jugement d'incertitude : De la traduction à la pragmatique ou de la
quantification aux effets de contextes
1. L'interprétation des probabilités verbales ........................................................................ 6
1.1. Les recherches princeps .................................................................................................. 7
1.2. Limites des recherches sur l'interprétation des expressions d'incertitude verbale ........ 11
2. Préférence dans la communication de l'incertitude : verbale vs. numérique ............... 12
2.1. La préférence du mode verbal ....................................................................................... 13
2.1.1. Choix involontaire ou préférence stratégique........................................................ 13
2.1.2. Le paradoxe du mode de communication préféré .................................................. 14
2.2. La préférence du mode numérique................................................................................ 16
2.3. Patterns, fiabilité et qualité des décisions sous les deux modes : verbal vs. numérique 16
3. Les effets de contexte.......................................................................................................... 20
3.1. Le taux de base ou fréquence de base perçue................................................................ 22
3.1.1. Effet du taux de base sur l'interprétation des probabilités verbales...................... 22
3.1.2. Effet du taux de base sur l'interprétation des prévisions numériques.................... 25
3.1.3. Vers deux processus de pensée............................................................................... 27
3.1.4. La négligence du taux de base ............................................................................... 28
3.2. Effet de la gravité des événements ................................................................................ 29
3.3. Effet de la composition du lot d'expressions et du type de problème ........................... 31
3.4. Effet de la définition de l'échelle de jugement .............................................................. 33
3.5. Vers d'autres effets de contextes ................................................................................... 34
CHAPITRE II : Vers une optique sémantique de l'étude des expressions verbales
d'incertitude : Ou au-delà du sens apparent
1. Le sens des expressions d'incertitude ............................................................................... 36
1.1. La directionalité des expressions d'incertitude.............................................................. 37
1.2. Les variantes de l'incertitude ......................................................................................... 39
1.2.1. L'incertitude interne et externe comme attribution ................................................ 40
1.2.2. L'incertitude interne et externe comme mode de construction............................... 42
1.3. L'évaluation de l'incertitude entre "dispositions" et "ignorance" .................................. 43
CHAPITRE III : Problématique et Hypothèses................................................................. 48
DEUXIEME PARTIE : Les Recherches Expérimentales___________________
CHAPITRE IV : Effet des modes de formulations linguistiques des expressions
d'incertitude sur le choix et la prise de décision
1. Expérience 1 : Effet du type d'expression (interne vs. externe) sur la perception de
l'incertitude ............................................................................................................................. 56
1.1. Méthode......................................................................................................................... 57
1.1.1. Participants ............................................................................................................ 57
1.1.2. Matériel .................................................................................................................. 57
1.1.3. Procédure ............................................................................................................... 58
1.2. Résultats et discussion................................................................................................... 58
2. Expérience 2 : Effet du type d'expression (interne vs. externe) sur la perception des
chances d'occurrence de l'événement ................................................................................... 64
2.1. Méthode......................................................................................................................... 64
2.2. Résultats et discussion................................................................................................... 65
3. Expérience 3 : Effet du type d'expression (interne vs. externe) sur le choix et la prise
de décision ............................................................................................................................... 70
3.1. Méthode......................................................................................................................... 71
3.1.1. Participants ............................................................................................................ 71
3.1.2. Matériel .................................................................................................................. 71
3.1.3. Procédure ............................................................................................................... 72
3.2. Résultats et discussion................................................................................................... 72
4. Expérience 4 : Effet du mode de formulation linguistique des expressions internes et
des expressions internes en mode de construction externe sur leur interprétation
numérique.…………………………………………………………………………………...78
4.1. Méthode......................................................................................................................... 79
4.1.1. Participants ............................................................................................................ 79
4.1.2. Matériel .................................................................................................................. 79
4.1.3. Procédure ............................................................................................................... 80
4.2. Résultats et discussion................................................................................................... 82
5. Discussion Générale du Chapitre IV………………………………………………….…85
5.1. Un peu de psychophysique............................................................................................ 87
5.2. Un coup d'œil sur les processus : Raisonnement Singulier vs. Distributionnel ............ 90
5.3. Le paradoxe d'Ellsberg et les deux visages de l'ambiguïté ........................................... 91
CHAPITRE V : Effet du taux de base perçu sur le codage des expressions d'incertitude
interne
1. Expérience 5 : Effet du taux de base perçu sur le codage des expressions d'incertitude
interne...................................................................................................................................... 96
1.1. Méthode......................................................................................................................... 96
1.1.1. Participants ............................................................................................................ 96
1.1.2. Matériel .................................................................................................................. 97
1.1.3. Procédure ............................................................................................................... 98
1.2. Résultats et discussion................................................................................................... 98
2. Expérience 6 : Le sens des expressions d'incertitude interne : L'interaction entre les
expressions contextualisées et les limites fonctionnelles de leurs sens…………………..104
2.1. Méthode....................................................................................................................... 105
2.2. Résultats et discussion................................................................................................. 106
3. Discussion Générale du Chapitre V................................................................................ 109
3.1. Le choix de l'échelle d'évaluation et des expressions.................................................. 109
3.2. La tâche de jugement................................................................................................... 110
3.3. L'évaluation de l'incertitude entre sélection de sens et modulation contextuelle........ 111
TROISIEMME PARTIE : CONCLUSION……………………………………...117
Références Bibliographiques………………………………………..………………..121
Annexes
Annexe 1 Matériel utilisé dans l'Expérience1(avec tableau des effectifs) ..................... 136
Annexe 2 Matériel utilisé dans l'Expérience 2 (avec tableau des effectifs) ................... 140
Annexe 3 Matériel utilisé dans l'Expérience 3 ............................................................... 144
Annexe 4 Matériel utilisé dans l'Expérience 4 et l'ensemble des données receuillis ..... 150
Annexe 5 Matériel utilisé dans l'Expérience 5 ............................................................... 166
Annexe 6 Matériel utilisé dans l'Expérience 6 .............................................................. 169
Annexe 7 Détails sur les analyses adoptées (Epsilon et CAH) ...................................... 170
INTRODUCTION
INTRODUCTION
Qui de nous n’a jamais entendu son médecin traitant déclarer qu’il y avait de fortes
chances que vos symptômes soient ceux de la gastroentérite, ou même plus récemment, des
experts météorologistes avancer qu’il était probable que la tempête tropicale Catherina
s’abatte sur la Louisiane. C’est à partir de constatations similaires concernant l’utilisation par
des experts d’expressions verbales d’incertitude au lieu de prévisions numériques, que furent
amorcées les premières études sur l’interprétation des probabilités verbales. Des raisons
théoriques sous-tendent, bien entendu, ces recherches : elles émergent d’une tentative de
comprendre la façon dont se forment les jugements, comment ils sont révisés et communiqués
sur la base et ces expressions.
Un grand pas a été franchi depuis les travaux princeps de Lichtenstein & Newman
(1967) sur la quantification de l’incertitude ; Cette optique de recherche dite originelle a cédé
la place à d’autres problématiques, dont la plus importante concerne les effets de contexte sur
l’interprétation de l’incertitude verbale et numérique, qu’ils soient relatifs à la probabilité a
priori perçue de l’événement (Tversky & Kahneman, 1982 ; Wallsten, Fillenbaum & Cox,
1986 ; Weber, Böckenholt, Hilton & Wallace, 1993), à la gravité des événements (Weber &
Hilton, 1990), à la définition de l’échelle d’évaluation (Fares, 2001), à la composition du lot
d’expression (Fabre, 1991, 1993) ou à la directionnalité (Teigen et Brun, 1999).
Ainsi, les recherches sur les jugements probabilistes et d’incertitude se sont portées sur
différents problèmes d’ordre théorique et méthodologique. Nous pouvons les classer selon
trois problématiques ou optiques de recherche (Teigen & Brun, 1999) i) l’optique de
traduction où l’objectif principal est de quantifier les expressions verbales d’incertitude en
1
INTRODUCTION
cherchant leurs équivalents numériques ; ii) l’optique sémantique, qui s’adresse aux sens
inhérents à de telles expressions, et cherche à savoir si elles véhiculent des informations
supplémentaires qui ne sont pas captées par les probabilités numériques et enfin, iii) l’optique
pragmatique dans laquelle la question centrale est de comprendre l’utilisation des expressions
verbales : comment sont-elles utilisées et comment affectent-elles le raisonnement, les
prévisions et la prise de décision.
Ce travail de thèse s’inscrit dans une optique théorique qui s’adresse principalement au
sens des expressions et à leurs interactions avec des éléments du contexte, c'est-à-dire le
processus de formation des jugements. Nous nous sommes intéressé dans un premier temps à
l’effet du mode de formulation linguistique des expressions d’incertitude (internes vs
externes) sur le choix et la prise de décision. L’aspect de la distinction « interne vs. externe »
sur lequel s’est portée notre attention est l’aspect que nous appelons « référentiel »
(expressions faisant référence à l’état du monde vs. expressions faisant référence à nos
propres connaissances). Est-ce que le choix d’un type d’expression plutôt qu’un autre agit sur
la prise de décision ? Sur quel indice (numérique ou verbal) se base l’individu pour prendre
une décision dans l’incertitude ? Les aspects théoriques et empiriques relatifs à cette question
sont présentés à travers les différents chapitres de la thèse.
Dans un deuxième temps, nous nous sommes intéressé à l’effet que peut avoir la
probabilité a priori d’un événement sur l’interprétation de l’incertitude, et ce avec des
expressions verbales d’incertitude internes dans une tâche de codage numérique.
La première partie de ce travail est consacrée à la présentation des aspects théoriques
relatifs à l’étude des jugements d’incertitude. Nous aborderons brièvement, dans le premier
chapitre, les travaux sur l’interprétation numérique des expressions verbales d’incertitude
2
INTRODUCTION
dans leur optique originale, c'est-à-dire les premières tentatives d’ajustement des probabilités
linguistiques à une échelle numérique (Bryant & Norman, 1980 ; Lichtenstein & Newman,
1967 ; Reagan, Mosteller & Youtz, 1989 ; Reyna, 1981). Nous insistons dans ce chapitre sur
les nouvelles avancées théoriques et empiriques qui visent à intégrer de nouvelles variables à
la compréhension de l’expression de l’incertitude (optique pragmatique) ; à savoir les effets
de contexte sur l’interprétation des expressions verbales d’incertitude (Brun & Teigen, 1988 ;
Wallsten, Fillenbaum & Cox, 1986 ; Weber & Hilton, 1990) et des prévisions numériques
précises (Flugstad & Windschitl, 2003 ; Kleiter, Dohety & Brake, 2002 ; Windschitl &
Weber, 1999), ainsi que les patterns de préférences dans le choix du mode verbal ou
numérique dans la communication de l’incertitude (Jaffe-Katz, Budescu & Wallsten, 1989 ;
Wallsten, Budescu, Zwick & Kemp, 1993).
Dans le deuxième chapitre, nous nous sommes intéressé à l’aspect sémantique de
l’étude des expressions d’incertitude, qui reste de loin celui qui a reçu le moins d’attention de
la part des chercheurs. En d’autres termes nous avons cherché à de savoir si ces expressions
contiennent plus d’informations qu’une simple localisation numérique sur une échelle
probabiliste et à appréhender l’effet que peut avoir le mode de communication de l’incertitude
(verbal, numérique ou les deux à la fois) sur le choix et son impact « rhétorique » sur les
inférences (Teigen & Brun, 1995, 1999).
Nous discuterons dans le troisième chapitre de l’intérêt et des limites des recherches
sur l’interprétation des expressions verbales d’incertitude ; nous exposerons également notre
problématique et nous formulerons nos hypothèses.
3
INTRODUCTION
Dans la deuxième partie de cette thèse, nous présenterons les recherches
expérimentales que nous avons conduites sur l’interprétation des expressions verbales
d’incertitude.
Le chapitre cinq est consacré à la première série d’expériences (expériences 1, 2, 3 et
4) dont l’objectif est d’étudier l’effet du mode de formulation linguistique des expressions
d’incertitude (interne vs. externe) sur leurs interprétations (et la prise de décision qui s’ensuit).
Tout d’abord, dans une tâche de choix entre deux situations véhiculant des degrés de certitude
variables, mais aussi dans une tâche de codage numérique (en déterminant le degré de
convenance des expressions verbales aux prévisions numériques). Tout cela illustre une
tentative de mettre en évidence le type d’inférence que fait le sujet sur le sens des expressions
et leur utilisation possible dans une situation d’incertitude.
L’objectif de la seconde série d’expériences présentées dans le chapitre six
(expériences 5 et 6) est d’approfondir les premiers résultats. Ainsi, nous avons choisi de
réexaminer l’effet du « taux de base » perçu des événements sur l’interprétation des
expressions verbales d’incertitude, en variant le paradigme classique et en utilisant des
expressions d’incertitude internes, afin de définir de telles expressions de façon plus précise et
de mettre en évidence les stratégies cognitives mises en place par le sujet lors d’une telle
activité. Enfin, nous présenterons l’esquisse d’un modèle qui peut rendre compte de la
variation de sens des expressions d’incertitude internes à travers le contexte.
La dernière partie de ce travail est consacrée à la discussion générale des résultats sur
l’interprétation des expressions verbales d’incertitude en fonction du contexte. Elle ouvrira
également des pistes d’étude sur l’utilisation des expressions verbales pour exprimer
l’incertitude dans des contextes particuliers.
4
PREMIERE PARTIE
ASPECTS THEORIQUES
5
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
- CHAPITRE I LE JUGEMENT D’INCERTITUDE : DE LA TRADUCTION A LA
PRAGMATIQUE OU DE LA QUANTIFICATION AUX EFFETS DE
CONTEXTE
1. L’interprétation des probabilités verbales
Dans la vie de tous les jours, nous utilisons fréquemment des expressions
d’incertitude telles que : « je suis certain », « il me semble », « il est possible », mais plus
encore, la plupart des experts, qu’ils soient médecins, politiques ou météorologistes,
expriment leurs opinions de manière qualitative en utilisant des expressions verbales. C’est
pourquoi un certain nombre de recherches pendant ces 30 dernières années se sont efforcées
de trouver des équivalents numériques aux expressions d’incertitude les plus courantes. (Brun
& Teigen, 1988 ; Budescu & Wallsten, 1985 ; Clarke, Ruffin, Hill & Beamen, 1992 ; Hamm,
1991 ; Lichtenstein & Newman, 1967 ; Mosteller & Youtz, 1990 ; Reagan, Mosteller &
Youtz, 1989 ; Tavana, Kennedy & Mohebbi, 1997). Ainsi, quantifier les expressions verbales
d’incertitude (e.g., sur une échelle probabiliste de 0 à 1) offre plusieurs avantages ; tout
d’abord (1) elles deviennent facilement comparables, ensuite, (2) on peut leur attribuer une
interprétation standard, et enfin, (3) elles peuvent constituer une base pour des calculs
inférentiels. Ainsi, avec p=.8 de beau temps, je sais que les chances d’avoir du soleil sont
supérieures à celles d’hier (lorsqu’hier la probabilité était de .4) et je peux supposer, qu’en
6
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
moyenne, il y aura du soleil 8 jours sur 10 sous les mêmes conditions météorologiques. Enfin,
je peux inférer que la proportion de jours sans soleil est de p=.2.
1.1. Les recherches princeps
L’une des études pilotes dans cette perspective fut initiée par Lichtenstein et Newman
(1967). Les auteurs ont essayé de trouver des équivalents numériques à 41 expressions
verbales d’incertitude. La tâche des sujets consistait à attribuer à chacune de ces expressions
une valeur numérique (de 0 % à 100 %) censée traduire le mieux son sens. Les résultats ont
montré tout d’abord que l’évaluation de certaines expressions comme : « Vraisemblable » et
« Invraisemblable » était symétrique1, ensuite que, sur les 11 paires d’expressions symétriques
la valeur moyenne de 8 d’entre elles a été sous-estimée. Enfin, l’étendue des réponses et la
variabilité était plus grande pour les expressions proches du centre de la distribution que pour
les expressions extrêmes.
Un peu plus tard, Bryant et Norman (1980) ont demandé à 16 médecins d’estimer la
vraisemblance d’une maladie décrite par 30 expressions probabilistes en deux sessions, en
choisissant à chaque fois une valeur numérique sur une échelle incrémentielle (par tranches de
0.05 jusqu'à 0.1). Les résultats ont montré une très forte corrélation entre les deux phases du
test, indiquant une faible variabilité intra-sujets. Par contre, les rangs attribués par les sujets
aux expressions ont été relativement élevés ; ainsi, seules 9 expressions ont été évaluées
comme inférieures à .5 . De plus, une expression comme « jamais » a été évaluée comme
supérieure à .9, alors que, d’autres expressions comme « invraisemblable » et « douteux » ont
reçu une plus faible moyenne d’évaluation, indiquant soit une ambiguïté dans leur sens soit
une erreur de mesure. Mais, Kong, Barnett, Mosteller et Youtz (1986), rapportent des résultats
1
Une paire d’expressions symétriques est constituée d’une expression verbale et de sa négation affixale (e.g.,
certain vs. incertain).
7
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
différents quant à la variabilité intergroupe. En demandant à des médecins, à des étudiants en
médecine et à des personnels paramédicaux d’attribuer des valeurs numériques à 12
expressions verbales d’incertitude, ils ont observé une faible variabilité entre les trois groupes
(comme l’avait déjà démontré Johnson, 1973 auparavant), ce qui plaide en faveur d’une
cohérence dans le codage à travers les contextes.
Dans une autre perspective, Reyna (1981) a étudié les propriétés de codage de 8
quantificateurs modaux (e.g., Formel, faisable, envisageable, nécessaire, etc.) avec des
négations affixales (e.g., impossible, incertain, etc.) et lexicales (e.g., pas sûr, pas possible,
etc.)1, afin de déterminer « la dimensionnalité subjective » de ce lot d’expressions et les effets
spécifiques des deux types de négation. Le matériel a consisté en une série de 24 phrases de la
forme « Il est X qu’il va avoir lieu », où X est remplacé par une des expressions verbales. La
tâche des sujets consistait tout d’abord à regrouper ensemble les expressions sur la base de
leur similarité ; ensuite à les hiérarchiser selon leurs chances d’occurrence et enfin, ils
attribuaient des pourcentages à chacune des phrases (i.e., afin de les traduire numériquement).
Les résultats ont montré l’existence d’une forte corrélation dans l’évaluation numérique entre
d’une part, les expressions affirmatives et les négations lexicales et d’autre part entre les
expressions affirmatives et les négations affixales. Ainsi, aux négations affixales (e.g.,
incertain) ont été assignées de plus faibles valeurs dans la tâche d’évaluation numérique (ou
probabiliste) qu’aux expressions correspondantes mais avec des négations lexicales (e.g., pas
certain), sans pour autant arriver à une différence significative entre les moyennes
d’évaluation. L’auteur interprète ses résultats dans le sens où les expressions ou adjectifs
modaux sont représentés en termes de degré tout au long d’une échelle unidimensionnelle de
quantification, et où l’effet des négations est soustractif et non multiplicatif. En d’autres
1
Les termes Anglais utilisés sont respectivement : Definite, feasable, conceivable, necessary, pour les
quantificateurs modaux. Pour les négations affixales : Impossible, uncertain, et pour les négations lexicales : Not
sure, not possible.
8
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
termes la présence d’une négation, qu’elle soit lexicale ou affixale, avec un quantificateur agit
sur la sélection de la valeur numérique censée traduire l’expression verbale, et qui a pour effet
direct une diminution dans le poids (i.e., ou la valeur numérique) attribué à cette dernière.
Dans une autre étude, Reagan, Mosteller et Youtz (1989), ont étudié le sens de 18
expressions probabilistes en trois temps, la distribution de fréquence du nombre qui
représente le mieux chaque expression, l’étendue de 0% à 100% qui représente le mieux
chaque expression et, enfin, le passage de la prévision numérique à l’expression verbale pour
trouver à quoi correspondent certaines étendues numériques. Pour la deuxième condition, la
question posée était la suivante : « si quelqu’un vous dit qu’un événement (est/a___), quelle
étendue de nombres de 0 % à 100 % représente le mieux la probabilité d’occurrence de
l’événement ? ». Pour la troisième variable, ils ont demandé aux sujets : « Supposez que
quelqu’un vous dise qu’un événement a (n)___% chances d’avoir lieu ; laquelle de ces
expressions utiliseriez-vous pour décrire cette probabilité ? ». Ici, 18 expressions verbales ont
été présentées aux sujets avec la possibilité d’en choisir plus d’une pour la même estimation
numérique. Quant aux pourcentages, ils ont été présentés en incrémentation de 5 % (5%, 10 %
jusqu'à 95 %). Il se dégage de leur étude deux résultats intéressants : l’un concerne la symétrie
et l’autre la synonymie des expressions verbales d’incertitude. Ainsi, comme nous l’avons
déjà souligné plus haut, Kong et al (1986) et Lichtenstein & Newman (1967) se sont déjà
intéressés à la question de savoir si des paires d’expressions telle que « vraisemblable » et
« invraisemblable » étaient symétriquement complémentaires, c'est-à-dire, si la position de
« vraisemblable » par rapport à 50% est comparable à la position de « invraisemblable » par
rapport à 50% ? Ces recherches ont démontré que ce n’est pas le cas ; Ainsi, une expression
comme
« vraisemblable »
est
plus
proche
de
50 %
que
ne
l’est
l’expression
« invraisemblable ». Les résultats de Reagan et al. (1989) vont également dans le même sens ;
ainsi, une expression comme « vraisemblable » dans la condition équivalent numérique
9
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
unique (i.e., distribution de fréquence) a été évaluée comme décrivant une probabilité de
l’ordre de 70 %, alors que l’expression « invraisemblable » a été traduite par une estimation
de 15 % ; il en était de même pour les 4 autres expressions symétriques composant le lot des
18 expressions probabilistes.
Quant à la synonymie des expressions, les analyses ont montré de très fortes
corrélations entre les couples d’expressions « très improbables » et « très faibles chances » ;
entre « improbable » et « faibles chances » ; et entre « très probable » et « très
vraisemblable ». Les résultats montrent également que 15 des expressions décrivent bien les
extrémités de l’étendue de 0 à 100 et deux seulement décrivent bien le milieu de l’échelle,
alors que plusieurs degrés de l’échelle probabiliste n’ont pas été bien discriminés : par
exemple l’étendue 30-35 % n’a pu être décrite par aucune des expressions. Ainsi, les résultats
de cette étude vont dans le même sens que d’autres, même si les méthodes d’analyse et le
design diffèrent (cf. Tableau 1).
Tableau 1. Les expressions probabilistes et leurs équivalents numériques à travers les recherches (extrait
de Reagan, Mosteller & Youtz,1989).
KBMY
Expressions
LN
Ha
BW
BN
FC
US
HP
Presque impossible
2
Très invraisemblable
10
Improbable
10
Invraisemblable
16
19
20
Possible
49
36
Probable
75
Vraisemblable
75
Très probable
89
Très vraisemblable
90
Presque certain
RMY WBRZF
0à8
10
17
10
15
1 à 23
20
11
15
2 à 30
38
43
20
40
1 à 55
72
72
77
70
70
70
51 à 96
73
74
73
70
67
70
59 à 90
80
90
87
89
85
94
90
88 à 99
10
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
Note. LN= Lichtenstein et Newman (1967) ; H= Hartsough (1977) ; BW= Budescu et
Wallsten (1985) ; BN= Bryant et Norman (1980) ; KBMY= Kong, Barnett, Mosteller et
Youtz (1986) ; FC : Choix libre ; US : Echelle uniforme ; HP : Haute probabilité ; RMY=
Reagan, Mosteller et Youtz (1989) ; WBRZF= Wallsten, Budescu, Rapoport, Zwick et
Forsyth (1986). H, BW et BN rapportent des moyennes alors que LN, KBMY, WBRZF et
RMY rapportent des médianes. Toutes les données excepté WBRZF proviennent d’une
évaluation d’un seul équivalent numérique de l’expression ; alors que WBRZF représente la
médiane de la limite supérieure et inférieure de chacune des expressions probabilistes.
1.2. Limites des recherches sur l’interprétation des expressions d’incertitude verbale
Quantifier l’incertitude est une tâche beaucoup plus complexe qu’une simple
approximation numérique des expressions verbales sur une échelle probabiliste ; en effet,
cette interprétation est problématique à plus d’un niveau.
Tout d’abord, il convient de souligner que ces recherches négligent un aspect très
important dans l’interprétation de l’incertitude, et qui concerne les patterns de préférence ou
de choix dans la communication (numérique ou verbale) de l’incertitude. Ainsi, il nous
semble raisonnable avant de conclure à l’existence d’un sens numérique capable de traduire
chaque expression verbale en chiffres (ou sens usuel), de s’assurer de la concordance et de la
cohérence des deux modes de communication. En d’autres termes, est-ce que le nombre (ou
prévision numérique, e.g., 70 %) auquel le sujet va assigner une expression verbale (e.g., très
probable), est le même que celui que la personne va utiliser pour traduire la même expression
verbale d’incertitude ?
11
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
La deuxième critique que l’on peut soulever à propos des recherches dans cette
optique d’étude concerne la négligence des effets de contexte dans l’interprétation des
probabilités linguistiques. Comme l’incertitude ne peut pas exister sans quelqu’un qui est
incertain, l’incertitude ne peut pas exister sans objet du doute. Ainsi, dans une communication
effective de l’incertitude, le référent cognitif est toujours présent et en l’absence d’un contexte
contrôlé auquel ces expressions feront référence, le sujet fait appel à des contextes spécifiques
(sémantiques) qui lui sont propres pour interpréter l’expression verbale ; or, ceci peut poser
un problème de validité inférentielle. En d’autres termes, il faut réintroduire le contexte dans
lequel se font de telles évaluations. D’autant plus que nous savons que pour former leurs
opinions dans l’incertitude les individus se basent parfois sur des statistiques, des calculs, ou
sur des inférences (Morgan, Henrion, 1990) : dans de tels cas, les individus possèdent une
base objective d’évaluation, et leurs évaluations peuvent être plus ou moins prédites ; or, le
plus souvent, les individus font des évaluations intuitives en utilisant des heuristiques
(Kahneman, Slovic, Tversky, 1982), phénomène qui rend les jugements dans l’incertitude
plus sensibles aux effets de contexte qui peuvent affecter non seulement la façon dont les
jugements sont créés et exprimés mais aussi interprétés.
2. Préférence dans la communication de l’incertitude : Verbale vs.
numérique
Pour communiquer l’incertitude l’individu utilise principalement deux modes de
communication. Elle peut être soit exprimée numériquement en utilisant des probabilités
numériques entre 0 % et 100 % (e.g., 20 %), ou en termes de rapport de chances (e.g., une
12
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
chance sur cinq) ; soit exprimée verbalement (e.g., probable, très possible) : c’est ce que l’on
appelle communément « probabilités verbales » ou « linguistiques ».
2.1. La préférence du mode verbal
2.1.1. Choix Involontaire ou Préférence Stratégique
Il existe actuellement une importante littérature sur la question de la préférence des
individus pour l’un ou l’autre des deux modes de communication. Il en ressort que les
individus préfèrent la plupart du temps communiquer leurs jugements probabilistes de façon
verbale plutôt que numérique (Wallsten, Fillenbaum & Cox, 1986 ; Zimmer, 1983). Ce choix
du verbal plutôt que du numérique est considéré par certain comme involontaire, résultant
d’une meilleure correspondance entre les mots et la représentation interne de l’incertitude des
individus. Ainsi, Zimmer (1983) note que le traitement mathématique des probabilités et de
l’incertitude s’est développé relativement tard dans l’histoire (Hacking, 1975 ; Bernstein,
1998), bien après l’apparition des conceptions linguistiques et intuitives de l’incertitude.
Ainsi, les individus traiteraient l’incertitude de manière verbale plutôt que numérique et les
jugements seraient révisés à la lumière de nouvelles informations selon un principe
linguistique et non numérique. Cette préférence du mode verbal découlerait aussi du fait que
ces expressions sont naturelles, faciles à comprendre et à communiquer, et qu’elles
véhiculent, mieux que les prévisions numériques, le flou et l’imprécision des opinions
(Budescu et Wallsten, 1985, 1987 ; Wallsten et Budescu, 1990). D’autres, cependant, voient
en la préférence des individus pour l’expression verbale un choix intentionnel et
essentiellement stratégique. En effet, dans une recherche de Wallsten, Budescu, Zwick, &
Kemp (1993) une majorité des participants (65 %) ont préféré exprimer leur incertitude
verbalement aux autres, mais préféraient (70 %) recevoir des autres une prévision numérique.
13
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
Ces résultats sont cohérents avec ceux d’Erev et Cohen (1990) et de Olson et Budescu (1997)
qui rapportent également dans leur étude des informations intéressantes sur les patterns de
préférence du mode verbal ou du numérique. Les auteurs ont mis en évidence une large
préférence pour le mode numérique quant il s’agit de communication précise (75 % des
sujets) ; mais cette préférence disparaît lorsqu’il s’agit de communication non précise (37 %
des sujets). Mais outre la préférence dans le mode de communication, la régularité empirique
la plus forte qui émerge de ces résultats, concerne la distinction entre événement vague et
événement précis.
Ainsi, cette préférence dans le choix du mode de communication de l’incertitude
(verbal ou numérique) comme le soulignent Weber et Hilton (1990) implique que les deux
modes de communication véhiculent des informations différentes.
2.1.2. Le Paradoxe du mode de communication préféré
Afin de mieux illustrer ce paradoxe, imaginons la situation suivante : « Le PDG d’un
groupe financier charge son directeur et son chef de service d’évaluer les chances
d’augmentation de la production si les nouvelles mesures logistiques sont appliquées ». En se
référant aux résultats de Wallsten et al. (1993), le directeur préfère recevoir l’opinion du chef
de service sous forme numérique, mais préfère la communiquer à son PDG de façon plutôt
verbale. Réexaminons cette situation. Si ce directeur veut comprendre au mieux ce qui a été
dit par le chef de service, et qu’il soit bien compris lorsqu’il transmettra cette information,
dans ce cas, le même mode devrait être utilisé dans les deux situations : or, ce n’est pas le cas
ici.
14
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
Pour mieux comprendre ce phénomène, nous pouvons étendre, comme l’ont suggéré
Tversky et Kahneman (1983), le concept de coopération dans la conversation de Grice
(1975), aux échanges dans les situations d’incertitude. Dans une analyse standard des règles
de conversation, le maximum de qualité nécessite que celui qui communique dise la vérité, ou
ce qu’il pense être la vérité. Alors que le maximum de quantité nécessite que celui qui parle
communique aux autres tout ce qu’ils ont besoin de savoir mais rien de plus qu’ils ne doivent
savoir.
Dans une situation d’incertitude, celui qui communique son opinion ne peut pas, par
définition, garantir la qualité absolue de ce qu’il avance, donc l’imprécision relative à un
niveau de probabilité, censé traduire l’incertitude, devient ainsi un obstacle pour atteindre le
maximum de qualité supposé remplir sa fonction principalement au niveau du transmetteur.
Dans ce cas, les règles de coopération doivent donc tenir compte et permettre un compromis
entre la qualité et la quantité des messages.
Si nous reprenons notre exemple, le directeur sait que les expressions numériques sont
précises, et ne prêtent pas à ambiguïté, alors que le langage naturel est vague, permettant ainsi
d’incorporer des connotations non quantifiables, chose qui le rend sujet à différentes
interprétations par différentes personnes. Autrement dit, la qualité des prévisions numériques
peut être évaluée, mais pas celle des expressions verbales (Von Winterfeldt & Edwards,
1986).
Fox (1986) argumente que les phrases probabilistes possèdent des propriétés logiques
qui ne peuvent être entièrement réduites et transformées en estimations numériques
(probabilistes). Par exemple, le mot « possible » peut signifier pour un médecin qu’il a
quelques raisons de suspecter une maladie ou des séquelles, comme la présence de
15
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
symptômes associés à telle ou telle maladie et, dans ce cas, cette expression d’incertitude est
plus qu’un équivalent d’un degré de probabilité. Une autre particularité des expressions
verbales réside dans le fait qu’elles véhiculent non seulement un niveau d’incertitude mais
également une certaine imprécision et une indétermination quant à leur degré ou niveau
« d’expression » et il n’est pas facile d’exprimer une telle imprécision de façon numérique,
même avec une estimation en étendues ou en intervalles numériques.
2.2. Préférence du mode numérique
Alors que Zimmer (1983,1984) suggère que l’expression verbale est plus proche de la
représentation interne de l’incertitude et que les individus commettent moins de biais en
utilisant des expressions verbales plutôt que numériques, pour la plupart des modèles
décisionnels (Savage, 1954), quand il s’agit d’évaluer ou d’exprimer l’incertitude, les
individus se comportent comme s’ils attribuaient des probabilités numériques à leurs
opinions ; basé en partie sur cette notion et sur l’idée que les individus peuvent exprimer leurs
probabilités jusqu'à un certain degré de précision, il est parfois soutenu (Behm & Vaupel,
1982) que les individus communiquent mieux leur incertitude avec des prévisions
numériques.
2.3. Patterns, fiabilité et qualités des décisions sous les deux modes : verbal vs.
numérique
Plusieurs recherches ont comparé les patterns et la qualité des décisions avec des
estimations probabilistes verbales et numériques impliquant des paradigmes de choix,
d’enchères ou de loterie (Budescu & Wallsten, 1990 ; Budescu, Weinberg & Wallsten, 1988 ;
Gonzalez-Vallejo & Wallsten, 1992). Ainsi, Budescu et al. (1988) ont comparé les deux
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CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
modes de communications sur la base de trois critères : leur fiabilité, leur cohérence interne,
et la validité du construct. Il en ressort qu’ils satisfont tous les deux aux trois critères avec une
dominance, quant à la fiabilité, du mode numérique, mais aussi on note que la variabilité
inter-sujets est plus grande avec le mode verbal plutôt que numérique. Jaffe-Katz, Budescu &
Wallsten (1989), trouvent également que les nombres sont plus pertinents que les phrases,
mais aussi que les individus ont utilisé des processus similaires pour faire des comparaisons
entre l’incertitude verbale et numérique. Reagan, Mosteller et Youtz (1989) ont démontré ,
dans une tâche d’évaluation en l’absence de contexte, l’équivalence des conditions
« équivalent numérique unique » et « passage de la prévision numérique à l’expression
verbale » ; ainsi, un coefficient de corrélation a été calculé pour les 18 expressions verbales
utilisées dans l’expérience et a montré que la cohérence des mesures dans les deux conditions
était très élevée.
Gonzalez et Frenck-Mestre (1993) ont comparé différentes caractéristiques de
problèmes probabilistes sur les évaluations verbales et numériques des probabilités. L’objectif
étant de faire ressortir la concordance1 ou la discordance de ces deux modes d’évaluation (cf.
Teigen, 1988b). Pour se faire, plusieurs informations ont été manipulées pour chaque
problème (ou scénario proposé aux sujets). Parmi elles, le poids de l’événement cible en
relation avec le poids total de toutes les alternatives (Poids Global) ou en relation avec chaque
alternative indépendamment (Poids Local), mais aussi les chances d’occurrence de
l’événement avec « probabilité a priori non spécifiée » et « probabilité a priori spécifiée ».
La tâche des sujets consistait à évaluer l’occurrence d’un événement soit verbalement,
en jugeant de la convenance de deux expressions verbales (probable et improbable) sur une
échelle numérique en 7 catégories, soit en attribuant une probabilité numérique à l’événement.
1
On parle de concordance numérique-verbal, lorsque les résultats permettent de conclure que sous tendant les
deux modes de réponse existe la même évaluation de la probabilité.
17
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
Les résultats ont montré qu’il n’existe pas une grande discordance significative entre les deux
modes. Ainsi, les scores des deux types d’évaluation (Verbale vs. Numérique) étaient plus
faible dans la condition avec « probabilité a priori » qu’avec la version « probabilité a priori
inconnu ». Mais le « poids local » a eu un effet significatif sur la condition d’évaluation
verbale pour deux des six scénarios utilisé. En effet, lorsque le « poids local » de l’événement
cible est élevé les sujets attribuent des évaluations verbales (scores de l’échelle de
convenance) élevées à ce dernier, et attribuent des évaluations faibles lorsque le poids local de
l’événement cible est faible.
Dans la même perspective, Budescu et al. (1988) ont demandé à leurs sujets de
produire un jugement verbal ou numérique sur la probabilité qu’une flèche pointée au centre
d’un cercle (divisé en radiale certaines zones ombrées et d’autres non) tombe dans la zone
ombrée. Il en ressort que les deux modes de réponse sont fiables. Zwick (1988) et Zwick et
Wallsten (1989), quant à eux, ont présenté à leurs sujets le pourcentage de différentes tranches
d’âges représenté dans une population, et ont demandé aux sujets de donner soit une réponse
verbale soit numérique à la question : « Quelles sont les chances qu’une personne choisie au
hasard de cette population soit très âgée ». Toutefois, les résultats présentés se sont focalisés
sur la comparaison de deux modèles alternatifs de chacun des deux modes de réponse, et ne
permettent pas d’évaluer directement la concordance entre les deux modes de réponse euxmêmes.
Même si ces deux modes possèdent plusieurs similitudes, c’est-à-dire aucune
différence significative en termes de mesure de la qualité de la décision, les deux modes
présentent des différences assez intéressantes en termes de patterns. Ainsi, en divisant
l’échelle d’évaluation numérique en 11 catégories (pour des raisons de comparaison) avec le
mode verbal), Budescu et al. (1988) ont observé que les jugements avaient une distribution
18
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
inégale à travers les catégories dans le cas du numérique plutôt que du verbal. Cette différence
est due à une plus grande utilisation de la catégorie 50 % dans la condition « numérique » que
dans la catégorie « verbale » équivalente, mais, malgré la différence de fréquence d’utilisation
des catégories médianes, leur précision est égale sous les deux modes d’évaluation.
Une explication possible réside dans le fait que les individus ont tendance à associer
l’imprécision ou le vague sentiment de confiance à la catégorie 50%, parce que cette position
est défendable sans tenir compte de l’issue finale, contrairement à l’utilisation d’une échelle
de réponse verbale, qui, même si elle traduit mieux l’incertitude, nécessite un minimum de
justification. Cette dernière constatation rejoint celle de Beyth-Marom (1982), pour qui l’une
des raisons qui font que les individus préfèrent le jugement verbal est leur conviction que la
qualité des prévisions verbales ne peut être évaluée de la même manière que celle des
prévisions numériques (pour eux et pour les autres). Par conséquent, les individus se sentent
plus à l’aise en fournissant une réponse verbale plutôt que numérique pour les catégories de
moyenne certitude (Wallsten, Budescu, Zwick, 1993). Si cette interprétation est correcte, elle
suggère que l’échelle verbale peut encourager une plus grande honnêteté que l’échelle
numérique parce que les individus ne sont pas obligés de faire correspondre leur jugement sur
une échelle de réponse.
Enfin, du point de vue des processus cette fois, Windschitl et Wells (1996) suggèrent
que les probabilités linguistiques diffèrent des probabilités numériques non seulement en
termes d’imprécision mais du fait qu’elles reflèteraient un raisonnement intuitif plutôt que
basé sur des règles. Ils trouvent ainsi, que les expressions verbales sont plus sensibles au
mode de formulation et aux effets de contexte que ne le sont les prévisions numériques. Mais,
le fait que la plupart des individus préfèrent les expressions verbales de l’incertitude aux
prévisions numériques n’enlève rien au fait que l’utilisation des expressions verbales dans des
19
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
situations de risque ou de prise de décision comporte de sérieux problèmes de qualité des
décisions et d’évaluation des prévisions. Ainsi, l’imprécision caractéristique, inhérente aux
expressions verbales d’incertitude, nous pousse à les étudier en relation avec ce qui peut agir
sur leur sens à savoir les effets de contexte. Par conséquent, l’introduction des expressions
verbales dans une communication effective peut en théorie réduire la variabilité jusque-là
observée.
3. Les effets de contexte
La question : « Comment se fait-il que le sens des expressions verbales d’incertitude
dépende du contexte ? » est importante pour des raisons théoriques et pratiques. Le point de
vue pratique émerge du fait que la plupart des individus, dont les experts qu’ils soient
médecins, juristes ou politiciens, préfèrent communiquer leur pensée verbalement (e.g.,
possible, improbable) plutôt que de façon numérique. Quant aux raisons théoriques, elles
émergent d’une tentative de comprendre comment se forment les jugements, comment ils sont
révisés et communiqués sur la base de ces expressions dans des contextes spécifiques.
Ainsi, nous pouvons tenter de regrouper les recherches sur les effets de contexte dans
l’interprétation des probabilités verbales principalement en trois catégories : (a) des effets
relatifs à la nature de l’information (e.g., le taux de base, la gravité des événements, le type de
problème), (b) des effets inhérents à la tâche de jugement (ex. définition de l’échelle,
composition des stimuli, nombre de catégories) et enfin, (c) des effets relatifs aux stimuli euxmêmes (ex. mode de construction linguistique).
20
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
Commençons tout d’abord par définir le terme « contexte », qui selon Parducci (1995) : «
…renvoie à une représentation conceptuelle de l’ensemble des événements, réels ou
imaginaires, qui déterminent le jugement dimensionnel de tout événement particulier. Cette
représentation constitue le contexte dans lequel le jugement est émis, un ensemble de
références auxquelles chaque événement particulier est comparé » (Parducci, 1995, p.55).
Plusieurs études ont démontré l’importance du contexte avec différents types
d’expressions verbales. Borges et Sawyers (1974) et Newstead, Pollard et Riezebos (1987)
ont démontré que l’interprétation numérique des expressions de quantité telles que :
Quelques, beaucoup, plusieurs, est influencée par la quantité d’objets disponibles et de leurs
propriétés. Ainsi, l’évaluation correspondant à une expression de quantification particulière
augmente avec le nombre total d’objets disponible. Mais aussi, la taille des objets décrits et
leur fonctionnalité semblent également influer sur l’interprétation des quantificateurs
(Hörmann, 1983 ; Newstead & Coventry, 2000).
Dans la même perspective de recherche, mais avec des expressions de fréquence cette
fois-ci, Pepper (1981) avance que de telles expressions possèdent un sens usuel et un sens qui
varie selon les personnes et le contexte. En particulier, le sens de certaines phrases (e.g.,
« presque jamais », « parfois » et « très souvent ») varie en fonction de la fréquence attendue
de l’événement décrit (Pepper & Prytulak, 1974). En demandant à leurs sujets d’évaluer le
sens de phrases comme : « souvent » ou « quelquefois » dans des contextes qui diffèrent en
fréquence attendue ou en absence de contexte, (la tâche des sujets était d’indiquer combien de
fois sur 100 occasions un événement spécifié pourrait avoir eu lieu), il en ressort que la
traduction numérique des phrases (incluant les expressions de fréquences) des phrases a été
significativement plus faible en présence d’un contexte de faible fréquence que dans d’autres
(i.e., contexte à forte fréquence et en absence de contexte), et plus forte pour la situation avec
21
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
grande fréquence que pour l’absence de contexte. Ainsi, l’évaluation numérique attribuée à
« très souvent », dans le contexte « tremblement de terre en Californie » a été plus faible que
celle de l’expression « quelquefois » dans le contexte « présence d’armes à feu dans un
Western ». Ainsi, considérant la proche correspondance entre les expressions de fréquence et
les expressions probabilistes, on devrait s’attendre à des résultats similaires.
3.1. Le taux de base1 ou la fréquence de base perçue
3.1.1. Effet du taux de base sur l’interprétation des probabilités verbales
Afin de mieux introduire ce paragraphe, commençons par prendre un exemple.
Imaginez que ce soir sera diffusé à la télévision un combat de boxe qui va opposer « Bobo »,
un jeune champion qui a remporté plusieurs titres auparavant et « Momo », un jeune boxeur
qui atteint pour la première fois la finale. Dans une interview recueillie auprès des entraîneurs
des deux joueurs sur les prévisions qu’ils font sur l’issue de ce combat, le premier déclare :
« Il est très probable que B gagne ce match », et le deuxième dit : « Il est très probable que M
gagne ce match ».
Assis devant votre téléviseur, si vous ne tenez compte que des prévisions faites par les
entraîneurs (sans aucune information sur le parcours des deux compétiteurs), vous penserez
certainement que le match sera très serré avec des chances de 50/50 pour chacun des deux
compétiteurs. Mais bien que, les deux entraîneurs aient exprimé le même degré de certitude
sur l’issue de ce match (très probable) ; vous persistez à penser que leurs chances ne sont pas
égales. Ainsi, le taux de base perçu (champion vs. jeune compétiteur) a influencé le sens et le
1
Le terme Anglais utilisé est « Base rate ».
22
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
poids que vous pourriez attribuer aux prévisions des entraîneurs, et par conséquent, à une
perception différente des chances de gain des deux joueurs.
Cet exemple illustre bien l’effet du contexte sur l’interprétation de l’incertitude
verbale. Dans cette perspective, l’approche la plus dominante dans l’étude des effets de
contexte, est celle du taux de base perçu (ou fréquence de base), qui suppose qu’une
expression verbale d’incertitude possède une étendue d’interprétations possibles et que le
contexte auquel ces expressions font référence agit sur la sélection d’une interprétation
numérique appropriée (Brun & Teigen, 1988 ; Wallsten, Fillenbaum et Cox, 1986 ; Weber &
Hilton, 1990). En d’autres termes, la manipulation du contexte peut influencer l’interprétation
des prévisions verbales et l’imprécision inhérente à ces expressions est résolue à travers une
moyenne pondérée du taux de base perçu (ou de la probabilité subjective de la personne sur
l’événement dans un contexte donné), et du sens de la prévision verbale elle-même prise
isolément.
Dans une de leurs études, Wallsten, Fillenbaum et Cox (1986) ont demandé à des
météorologistes de traduire des expressions verbales d’incertitude et des expressions de
fréquence (sur une échelle probabiliste) dans deux contextes médicaux : l’un avec une faible
probabilité a priori et l’autre avec une forte probabilité a priori. L’une des consignes était ainsi
amorcée : « Vous buvez habituellement 12 tasses de café par jour. Votre médecin vous dit
qu’il est fort probable que si vous arrêtiez le café vos problèmes gastriques disparaîtraient ».
Quelle est la probabilité que vos problèmes gastriques disparaissent ?
Les résultats ont montrés que l’interprétation des probabilités verbales a était fonction
du taux de base perçu de l’événement et ce malgré deux faits notables. Tout d’abord les sujets
ayant participés à l’expérience sont des experts (météorologistes), et la communication de
23
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
l’incertitude est d’une importance capitale dans leur profession. Mais aussi que parmi les
expressions verbales présentées dans l’expérience, plusieurs d’entre elles avaient un sens
numérique précis dans leur profession. Ainsi, l’interprétation des prévisions utilisant des
expressions de forte probabilité et de probabilité neutre a été plus affectée par le taux de
base,en rapport avec celles de faible probabilité qui ont été très peu affectée voire même pas
du tout. Ces résultats vont dans le même sens que ceux de Borges & Sawyers (1974) et de
Pepper & Prytulak (1974) sur les expressions de quantités qui montrent que les faibles
quantificateurs sont moins sensibles à la fréquence attendue ou à la quantité disponible, que
ne le sont les autres expressions.
L’une des explications avancée par les auteurs se base sur la distinction entre
expressions marquées et expressions non marquées (Greenberg, 1966). Une expression non
marquée est une expression qui fait référence à tout un continuum et aussi à une proportion de
ce dernier, alors qu’une expression marquée fait uniquement référence à une zone de ce
continuum. Les expressions de forte certitude sont des expressions non marquées. Si on
demande à quelqu’un d’estimer « les chances », « la possibilité » ou « la probabilité »
d’occurrence d’un événement X, dans ce cas, les réponses peuvent aller de la certitude de
non-réalisation à la certitude de réalisation (de 0 % à 100 %). Cependant, les expressions de
faibles probabilités, elles, sont marquées ; dans le sens où elles ne peuvent être comprises que
faisant référence à une proportion du continuum, c'est-à-dire à la certitude de non-réalisation
(e.g., peu probable). Le fait que les expressions non marquées sont utilisées pour labéliser le
continuum rend leur sens plus vague, donc plus sensible aux effets de contexte. Mais une
autre lecture peut aussi bien rendre compte de l’effet observé de façon plus claire et qui se
situe à notre avis dans un contexte sémantique de l’étude des probabilités verbales, c’est-àdire au niveau de la fonction communicative des expressions. En d’autres termes, il est
question ici d’expressions désignant l’occurrence de l’événement (expressions positives : e.g.,
24
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
possible) qui sont les expressions non marquées et celles qui font référence à sa non
occurrence (expressions négatives : ex. improbable) et qui sont les expressions marquées
(Pour plus de détail cf. chapitre 2 : la directionnalité).
Enfin, Wallsten et al. (1986) suggèrent que les phrases d’incertitude n’ont pas un
simple effet additif sur la probabilité du scénario, mais plutôt, que les fortes expressions
augmentent les scénarios à faible probabilité, et diminuent les scénarios à forte probabilité.
Ainsi, le sens des expressions verbales et celui des fréquences de base perçues des scénarios
sont combinés par les sujets de sorte qu’ils moyennent plus qu’ils n’additionnent. Une façon
de comprendre ce moyennage est de supposer qu’une expression verbale d’incertitude
possède un sens relativement stable pour l’individu, et que ce sens peut varier avec le contexte
sémantique. Cependant, l’individu a en plus un vague jugement de la probabilité de
l’événement en question qui peut lui-même être représenté comme une fonction dans
l’intervalle 0 et 1. Lorsque l’individu est confronté à une prédiction probabiliste à propos d’un
événement, il interprète cette dernière comme une moyenne pondérée de deux vagues
probabilités, l’une qu’il associe à l’expression et l’autre qu’il associe à l’événement ; de ce
fait, le poids attribué à la probabilité du scénario (décrit par l’expression) varie en fonction de
la quantité ou de la qualité des informations « indépendantes » disponibles à propos de
l’événement en question.
3.1.2. Effet de la fréquence de base sur l’interprétation des prévisions numériques : Cas
des processus associatifs
Il faut comprendre que la majorité des recherches sur les effets de contexte sont
appliquées à des situations dans lesquelles les prévisions fournies sont plutôt vagues et
25
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
imprécises, et que l’approche du taux de base exclut l’effet du contexte lorsque l’information
est numérique.
Cependant, plusieurs recherches soutiennent que le contexte peut également influencer
la perception de l’incertitude même lorsqu’une prévision numérique précise est fournie
(Flugstad & Windschitl, 2003 ; Kleiter, Dohety & Brake, 2002 ; Windschitl & Weber, 1999).
Dans une de leurs études, Windschitl et Weber (1999) ont testé l’effet du contexte sur la
certitude perçue avec des prévisions numériques. Ils ont présenté à leurs sujets des scénarios
décrivant des événements, contenant chacun une prévision numérique émanant d’un expert et
des informations sur le contexte (ce dernier a été manipulé dans un plan intergroupe). La
tâche des sujets consistait à indiquer la certitude perçue sur une échelle verbale (dans une
autre expérience, l’échelle était graphique ancrée aux extrémités). Les résultats ont montré
que l’évaluation des prévisions numériques a été influencée par le contexte auquel ces
prévisions faisaient référence.
Ainsi, dans leur approche du problème des effets de contexte, Windschitl et Weber
(1999), s’appuyant sur ce qu’ils appellent la représentativité, supposent que les forces des
associations mentales entre un contexte spécifique et un événement peuvent influencer la
représentativité perçue ; et que cette dernière peut avoir un effet direct sur la perception des
chances réelles de l’occurrence de l’événement (la certitude) sans affecter sa probabilité
subjective. Ainsi, même lorsqu’une prévision numérique est supposée être la meilleure
estimation de la probabilité d’un événement, ceci n’exclut pas un effet de la représentativité.
Par exemple, nous sommes plus confiants et optimistes de choisir comme compagnie aérienne
« Air France » plutôt qu’«Air Lib » même si nous savons qu’il y a 10 % de chances de retard
pour les deux compagnies. Ainsi, cette hypothèse partage des similarités avec une distinction
plus générale entre deux types de traitements de l’information.
26
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
3.1.3. Vers deux processus de pensée
Sloman (1996) fait la distinction entre processus basé sur des règles, et processus
associatif. Le processus basé sur des règles est un processus relativement contrôlé qui opère
selon les règles de la logique formelle, il est gouverné par de fortes contraintes et médiatisé
par une évaluation consciente de l’information et des événements. Alors que le processus
associatif est une forme plus spontanée qui opère selon les principes de similarité et de
contiguïté temporelle, gouvernés par des contraintes souples et n’est pas médiatisé par des
évaluations conscientes (Sloman, 1996).
Ainsi, la différence la plus pertinente entre les deux processus, pour cette approche, est
sans doute celle de l’exécution des règles. Alors qu’une réponse véhiculée par des processus
à base de règles suit, depuis son exécution, une ou plusieurs règles qui sont supposées être
pertinentes pour la tâche en cours, dans le processus associatif strict les réponses ne sont pas
médiatisées par l’exécution de règles, mais plutôt, l’activation des concepts influence
directement les réponses ; plus forte est l’association entre deux concepts, plus forte sera
l’activation de l’un vers l’autre. Ainsi, ces deux processus fonctionnent en synergie pour
guider le raisonnement et la prise de décision (Sloman, 1996).
Ainsi, l’approche de la représentativité (qui est un produit du processus associatif)
(Windschitl et Weber, 1999) se distingue de celle du taux de base proprement dit (Wallsten et
al. 1986) par le fait que les effets de contexte peuvent être produits par une simple association
contexte-événement qui peut influencer l’incertitude indépendamment de considérations à
base de règles. Il se peut même que de tels processus associatifs aient joué un rôle important
27
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
dans les effets de contexte qui ont été mis en évidence auparavant pour les prévisions
numériques (Wallsten et al. 1986 ; Weber, 1994 ; Weber et Hilton, 1990).
3.1.4. La négligence du taux de base
Bien que son impact soit robuste, plusieurs études ont démontré que les individus sont
relativement insensibles au taux de base lorsqu’ils produisent un jugement sur la base
d’informations diagnostiques (Bar-Hillel, 1983 ; Kahneman & Tversky, 1973 ; Tversky &
Kahneman, 1982 ; Wallsten, 1983). Le taux de base peut dans ce cas être sous-évalué voire
même ignoré, c’est ce que Kahneman et Tversky (1973) appellent « la négligence du taux de
base ». Dans une de leurs études, ils ont présenté à leurs sujets une description de deux
personnes (un étudiant ou un travailleur), et leur ont demandé de prédire leur champ d’activité
(études ou profession). Les résultats ont montré que les jugements a posteriori sont
déterminés principalement par le degré de similitude ou de représentativité du stéréotype
professionnel respectif (e.g., bibliothécaire ou avocat). La fréquence du taux de base de ces
catégories qui est connue par les sujets car explicitement soulignée dans la consigne a été
largement négligée. Les auteurs soulignent que les prévisions par similitude ou
représentativité sont généralement insensibles au taux de base. Cependant, le phénomène de
négligence du taux de base est bien plus général, puisqu’il apparaît même dans des jugements
qui ne peuvent être interprétés en termes de représentativité, et ce même avec des experts
(Casscells, Schoenberger & Grayboys, 1978 ; Bar-Hillel, 1980). Mais comme l’avait si bien
souligné Bar-Hillel (1983), la question n’est pas : « Pourquoi les individus sont insensibles au
taux de base ? » mais plutôt, « Dans quelles conditions ils l’utilisent ? ». En s’appuyant sur
une large revue de la littérature, elle suggère que les probabilités a priori sont utilisées (a)
28
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
lorsqu’elles sont perçues comme étant reliées causalement1 à l’événement en question ; (b)
lorsqu’ils sont formulés de manière spécifique, (c) ou encore, lorsqu’ils sont concrets et clairs.
Mais, cette explication ne corrobore pas les résultats obtenus depuis Wallsten et al. (1986)
Jusqu’aux travaux les plus récents qui ont mis en évidence l’effet du taux de base perçu, alors
qu’aucune de ces conditions d’activation n’étaient réunies. D’autres variables explicatives
sont susceptibles de rendre compte de ce phénomène ; parmi ces variables, des variables
procédurales (Borgida & Brekke, 1980) qui font référence au design, à la tâche et à la
présentation. Ainsi, la distinction entre plan inter et intragroupe semble intéressante pour
expliquer en partie la négligence du taux de base ; car il a été démontré que le taux de base a
plus d’impact lorsqu’on présente à chaque sujet plusieurs taux de base, que lorsque différents
taux de base sont présentés à différents sujets (Fischhoff, Slovic & Lichtenstein,1979). Mais
aussi en rattachant cette idée aux approches théoriques et méthodologiques soutenues par
Birnbaum (1982) et sa notion de plan « systextuels », ce dernier nous apprend que les plans
inter et intragroupes évoquent des contextes de référence différents, et par conséquent
produisent des jugements différents.
3.2. Effet de la gravité des événements
Certains des travaux les plus pertinents sur le taux de base, comme ceux cités plus haut
(Wallsten et al. 1986), ont utilisé des scénarios cliniques qui variaient dans la gravité des
symptômes relatés et dans la probabilité a priori de la maladie. Pour Weber et Hilton (1990),
1
Un taux de base est dit causal (par opposition à accessoire) lorsqu’il suggère l’existence d’un facteur causal qui
explique pourquoi une situation donnée est plus susceptible de donner lieu à une issue plutôt qu’à une autre ; par
exemple : Alain est candidat au CAPES, or nous savons que l’année dernière 75 % des candidats ont échoué à
l’examen. Ici le TB est causal parce que la cause inférée –difficulté de l’examen ou sélectivité du concoursexplique le TB.
29
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
il se peut que les individus se soient basés sur la gravité plus que sur la probabilité a priori de
l’événement pour évaluer les expressions verbales.
Weber et Hilton (1990) ont conduit une série d’expériences afin de mettre en évidence
l’effet et de la fréquence de base et de la gravité des événements sur l’interprétation des
probabilités verbales. Leurs résultats confirment ceux déjà trouvés auparavant sur l’effet de la
fréquence de base (Wallsten et al., 1986), mais ils mettent en évidence d’autres variables qui
auraient pu agir sur cette interprétation outre l’effet du taux de base. La première variable
isolée est le degré de gravité du scénario médical utilisé comme stimulus. Weber et Hilton
(1990) appellent cette variable : utilité ou non utilité de l’événement jugé, ou alternativement
sa conséquentialité. Ainsi, l’évaluation des expressions probabilistes est plus élevée pour les
scénarios décrits comme graves.
Plus récemment et dans une autre perspective, Samits et Hoorens (2005) ont démontré
que l’interprétation numérique des expressions probabilistes dépend de celui à qui est destinée
cette information. Ainsi, lorsque les individus ont à évaluer des événements négatifs (positifs)
qui pourraient leur arriver, ils pensent que l’expression verbale utilisée signifie une plus faible
(forte) probabilité numérique que lorsqu’il est question d’un événement négatif (positif) qui
pourrait arriver à quelqu’un d’autre. Pour expliquer cet optimisme irréel (Weinstein, 1989) ou
optimisme comparatif (Harris & Middleton, 1994), ils interprètent ce pattern en termes de
« nature menaçante de la phrase », et suggèrent que, l’interprétation des probabilités
linguistiques est un cas de raisonnement motivé. Ainsi, les sujets utiliseraient des stratégies
cognitives pour interpréter les probabilités verbales favorablement, lorsqu’ils sont motivés
pour, et cette motivation est d’autant plus forte quand ils sont confrontés à une
communication menaçante qui concerne leur santé future que lorsque ce n’est pas le cas ou
qu’elle concerne quelqu’un d’autre.
30
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
3.3. Effet de la composition du lot d’expressions et du type de problème
L’interprétation des expressions verbales d’incertitude se trouve également affectée
par les propriétés de la tâche de jugement elle-même. Dès lors, il nous semble étonnant que la
plupart des recherches aient négligé une telle dimension du problème. Ainsi, les quelques
tentatives de réponses à cette problématique nous les devons à la littérature psychophysique.
Dans cette perspective, Fabre (1991, 1993) propose une étude de l’incertitude qui relève
plutôt d’une sorte de psychophysique de l’expression verbale.
En reprenant en partie une expérience de Foley (1959) sur le codage des expressions
verbales d’incertitude l’auteur conclut aux mêmes résultats dans le codage (et la
hiérarchisation) des expressions verbales d’incertitude, et ce malgré deux différences notables
dans la procédure expérimentale. Ces différences portent l’une sur la composition du lot
d’expressions, l’autre sur la consigne de codage. Ainsi, le lot d’expressions utilisé par Foley
(1959) était déséquilibré, puisqu’il comportait plus d’expressions de certitude élevée que de
faible certitude. D’autre part, la définition de la borne inférieure de l’échelle de codage
donnait (a priori) une extension plus grande à cette échelle avec la consigne de Foley qu’avec
celle de Fabre. Ainsi, l’échelle de Foley est une échelle qui va de la certitude de nonréalisation à la certitude de réalisation (comme pour l’échelle probabiliste classique), alors
que celle de Fabre va de l’incertitude totale à la certitude totale. L’exploitation ultérieure de
ces différences a permis de mettre en évidence deux types d’effets de contexte, dont l’un est
général et l’autre spécifique à ce codage :
- Le niveau d’explicitation des réponses, lié au principe de fréquence (Parducci, 1983)
et donc à l’objectif de différenciation, qui concerne la composition du lot d’expressions.
31
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
- Le niveau d’analyse dimensionnelle, qui concerne la définition des bornes de
l’échelle et détermine la position explicite des valeurs d’échelle des stimulus.
Mais ce qui est essentiel pour entrer plus profondément dans le processus de jugement
est de comprendre que la distinction entre les deux bornes est de pure forme tant qu’on ne lui
associe pas une représentation de l’univers des possibles qui sert de référence à l’application
des expressions. En effet, selon que cet univers est constitué d’un nombre de possibles limité
ou illimité, la distinction entre l’incertitude et la certitude négative ne s’effectue pas de la
même manière. Par exemple, dans un univers de possibles restreint à deux éventualités,
l’incertitude se traduit par une répartition des chances de 1 contre 1, et la certitude négative
appliquée à un terme de l’alternative s’identifie à la certitude positive appliquée à l’autre
terme. Si, en revanche, l’univers est composé de mille éventualités, l’incertitude va grosso
modo se traduire par l’opposition de 1 contre 1000 ; une probabilité aussi faible et très proche
d’une certitude négative (1000 contre 1). Par conséquent la signification de la borne inférieure
de l’échelle dépend du référent cognitif, c'est-à-dire de l’univers des possibles qui est suggéré
par la présentation du problème. Lorsque l’univers des possibles est nettement délimité,
l’incertitude et la certitude négative sont clairement distinctes l’une de l’autre. Mais lorsque
l’univers n’est pas explicitement limité, ce qui est le cas de problèmes exprimés en termes de
chances d’apparition d’un événement sans autre spécification, la distance entre incertitude et
certitude négative doit être réduite. Dans ce cas, les bornes « incertitude » et « certitude
négative » doivent fonctionner de façon analogue (Fabre, 1991).
32
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
3.4. Effet de la définition de l’échelle de jugement
Si l’on suppose que les expressions verbales d’incertitude sont représentées
« internement » en termes de degré tout au long d’une échelle unidimensionnelle de
quantification (ou une étendue subjective) (Reyna, 1981), produire ainsi un jugement
reviendrait à évaluer le stimulus objet de jugement sur une échelle subjective de stimulation
qui, quelle que soit son étendue ou sa constitution, doit nécessairement posséder une
définition clairement labélisée.
Sachant que le jugement de certitude et l’interprétation des expressions verbales sont
très sensibles aux effets de contexte dans lequel ces expressions sont évaluées, nous pouvons
avancer sans doute que le premier contexte du jugement est celui de l’échelle d’évaluation.
Pour mettre en évidence l’effet de la définition de l’échelle de codage sur l’interprétation des
expressions d’incertitude, Fares (2001) a proposé à ses sujets une tâche de codage avec
différents types de problèmes et en introduisant différentes échelles de codage qui se
distinguent par la labélisation, tantôt de la borne inférieure, tantôt de la borne supérieure. Six
échelles de codage ont été proposées aux sujets : UP (incertitude vs. certitude), NP (Certitude
négative vs. certitude positive), IP (limite inférieure non spécifiée vs. certitude positive), UI,
NI, et II (où le I désigne toujours une limite non spécifiée).
Les analyses ont montré que lorsque la définition de la borne inférieure de l’échelle de
codage n’est pas explicitement spécifiée (cas de l’échelle IP), le codage des expressions a été
similaire à celui de l’échelle NP (dont la limite inférieure désigne la certitude négative ou de
non-réalisation), ce qui laisse supposer que, pour les sujets, le contraire de la certitude n’est
33
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
pas l’incertitude mais plutôt la certitude opposée ; si l’on réfléchit bien, ceci est plausible si
l’on suppose que l’échelle probabiliste courante est une échelle NP et non UP.
Toutefois, avec les échelles dont les limites supérieures n’ont pas été spécifiées (UI,
NI, II), le codage des expressions verbales a été significativement plus faible qu’avec celles
dont les limites supérieures ont été spécifiées. Ainsi, lorsqu’une échelle est définie, nous
observons que le système verbal produit une fréquence plus élevée d’utilisation du haut de
l’échelle ; c’est ce que Noizet (1967) appelle : la dissymétrie due à la dénomination. Cet effet
est dû au fait que l’échelle est définie en termes de certitude et non d’incertitude et renvoie à
l’analyse précédemment invoquée de Greenberg (1966).
3.5. Vers d’autres effets de contexte
Certes, la liste serait trop longue pour présenter tous les facteurs contextuels
(empiriques ou hypothétiques) qui peuvent influencer l’interprétation des probabilités
verbales telles que le nombre de catégories de réponses et le nombre de stimuli (Parducci &
Wedell, 1986 ; Preston & Colman, 2000), l’utilité des événements associés aux probabilités
(Svenson, 1975), etc. C’est pourquoi nous avons choisi de présenter uniquement les quelques
facteurs les plus pertinents par rapport à notre problématique.
Ainsi, malgré les effets robustes mis en évidence dans une perspective de calibrage, de
traduction et des effets de contexte dans l’interprétation des expressions verbales, il serait
réducteur de croire que les facteurs contextuels se limitent à la seule information véhiculée ou
à la tâche de jugement. Mais, pour mieux comprendre la formation des jugements et le sens
des expressions, il faudra aussi se pencher sur le contexte social, informationnel,
34
CHAPITRE I : LE JUGEMENT D’INCERTITUDE DE LA TRADUCTION A LA PRAGMATIQUE
motivationnel et celui du discours dans lequel les opinions sont construites et les expressions
formulées. Ainsi, tous ces facteurs contextuels peuvent fournir des indices complémentaires
qui peuvent influer sur ce qui est exprimé et sur ce qui est compris.
Ainsi, Fox & Irwin (1998) fournissent six sources d’informations sur lesquelles le
receveur s’appuie pour former son jugement dans l’incertitude : (a) Son avis et ses
suppositions a priori sur le monde ; (b) Son interprétation du contexte social et informationnel
dans lesquels les opinions de celui qui communique sont créés et formées ; (c) Son évaluation
de la crédibilité de la source ; (d) L’interprétation du contexte social et motivationnel dans
lequel les phrases sont formulées ; (e) Sa compréhension de l’information véhiculée
directement et indirectement par la source ; et (f) Son interprétation du contexte social et
discursif dans lequel ces phrases sont incorporées.
Nous pensons que la cinquième source d’information décrite par Fox et Irwin (1998),
à savoir la compréhension de l’information véhiculée, représente un élément fort intéressant
dans la mesure où elle s’intéresse plus au sens des expressions et à la qualité et la quantité des
informations qu’elles peuvent véhiculer. En effet, comprendre la phrase exprimée par l’autre
est plus qu’une localisation approximative sur une échelle numérique, et plus qu’une activité
de traduction, mais plutôt une profonde réflexion, basée sur des stratégies cognitives, sur le
choix et l’utilisation des expressions. Il en ressort que les expressions d’incertitude comme le
soulignent Fox et Irwin (1998) véhiculent plus d’informations que leur contenu apparent ne le
laisse supposer.
35
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
- CHAPITRE II -
VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE DE L’ETUDE DES
EXPRESSIONS VERBALES D’INCERTITUDE.
OU AU-DELÀ DU SENS APPARENT
1. Le sens des expressions d’incertitude
Malgré la littérature sans cesse grandissante sur les probabilités verbales, rares sont
celles qui se sont intéressées à leur fonction sémantique et communicative. Maintenant, on le
sait, de telles expressions possèdent une riche structure sémantique qui peut être utilisée pour
communiquer et véhiculer plus d’information qu’une localisation approximative sur une
échelle probabiliste (Budescu & Wallsten, 1995 ; Moxey & Sanford, 1993), même si des
divergences persistent quant à la nature de l’information véhiculée par ces phrases.
Dans cette optique de recherche, on peut distinguer les expressions d’incertitude sur la
base : de leur fonction communicative, c’est ce que Teigen & Brun (1999) appellent « la
directionnalité » : positive vs. négative ; du type de probabilité impliqué : aléatoire vs.
épistémique (Hacking, 1975) et de leurs modes de construction : interne vs externe (Howell &
Burnett, 1978 ; Kahneman & Tversky, 1982 ; Fox, 1987).
36
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
Nous avons choisi d’évoquer l’étude de Teigen, qui représente l’une des rares
tentatives d’étude du sens des expressions d’incertitude verbales elles-mêmes, en créant une
distinction entre différents types de probabilités verbales, ce qu’elles peuvent véhiculer
comme informations et leurs effets sur le choix et la prise de décision.
1.1. La directionnalité des expressions d’incertitude
L’une des distinctions au sein même des expressions d’incertitude peut se faire sur la
base de leur fonction communicative. Ainsi, la distinction la plus simple est celle entre les
phrases qui suggèrent l’occurrence d’un événement et les phrases qui décrivent sa nonoccurrence (Teigen & Brun, 1995 ; Teigen & Brun, 1999). Supposons que quelqu’un nous
dise que : l’événement T est « possible » ou « probable » ; par ces expressions, il nous invite à
considérer l’occurrence de l’événement. Par contre, en disant que T est « improbable »,
« impossible », c’est à la non-occurrence de l’événement que ces expressions renvoient ; c’est
ce que Teigen et Brun (1999) appellent « positif » pour le premier groupe et « négatif » pour
le deuxième. Cependant, il est important de ne pas confondre cette distinction qualitative avec
une division quantitative entre « forte probabilité » et « faible probabilité ». Par exemple, la
phrase : « une faible chance de T » est cohérente avec une « relativement faible probabilité »
de T, alors que la phrase peut être considérée comme positive dans le sens où elle fait
référence à T et non à non-T. Au contraire, la phrase « T n’est pas tout à fait certain », peut
décrire une forte probabilité de T ; néanmoins, la phrase est négative car elle attire notre
attention sur le fait que T peut, après tout, ne pas avoir lieu. Ainsi, les deux phrases sont dites
directionnelles, pointant ainsi vers des issues contradictoires. Les auteurs ont voulu vérifier si
l’information véhiculée soit en mode négatif soit positif débouchait sur des décisions
37
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
différentes. Ils avancent l’hypothèse qu’une expression positive facilite une décision positive,
alors qu’une expression négative va avoir plus tendance à rejeter l’option proposée. Moxey et
Sanford (1987, 2000) furent les premiers à attirer l’attention sur le fait que les expressions de
fréquences telles que « few » et « a few » possèdent des centres d’attention différents. Le
premier est négatif alors que le deuxième tend vers la positivité, et par conséquent, l’emploi
de l’un ou de l’autre déboucherait sur une compréhension différente quant à la quantité
disponible. De même, la plupart des expressions probabilistes peuvent être associées à des
quantificateurs (e.g., très peu, quelque, presque) ; par conséquent, la directionnalité d’une
expression telle que « possible » peut être influencée par le quantificateur qui l’accompagne.
Ainsi, un fort quantificateur ajouté à une expression va accentuer l’occurrence de son issue,
alors que s’il est ajouté à une phrase négative, ceci va produire l’effet inverse.
Pour tester leurs hypothèses, Teigen et Brun (1999) ont proposé à leurs sujets deux
scénarios. L’un d’eux a été amorcé ainsi : « Marianne souffre depuis longtemps de migraines,
et elle commence à songer à une nouvelle thérapie basée sur l’acupuncture. Le traitement est
long et coûteux. Marianne vous demande s’il est utile d’essayer ce traitement. Heureusement
vous vous rappelez que vous avez un couple de médecins qui connaissent bien le traitement
des migraines, auprès de qui vous avez demandé conseil. Ils ont discuté de ta question et ont
conclu, qu’il était assez incertain / qu’il y a quelques possibilités / que la probabilité est 3035 %, que le traitement soit efficace pour elle.
Sur cette base, allez-vous conseiller à Marianne d’essayer cette nouvelle méthode ?
(Oui absolument) 1---2---3---4 (Non absolument pas)
Dans cette expérience, le choix des expressions verbales et des probabilités
numériques a été effectué à l’issue d’un pré-test qui a montré que les deux expressions :
38
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
« Assez incertain » et « quelques possibilités » peuvent être traduites en une estimation de
probabilités aux alentours de 30-35 %.
Les résultats ont montré que quoiqu’elles se réfèrent à la même probabilité, les phrases
positives et les phrases négatives donnent lieu à des recommandations différentes ; plus
précisément, elles diffèrent dans la façon dont elles font apparaître le doute. Ainsi, il en
ressort, pour tous les scénarios, une recommandation positive lorsque les experts parlent de
possibilité que lorsqu’ils parlent d’incertitude. Ainsi plus de 90 % recommandent
l’acupuncture lorsqu’il s’agit de « quelques possibilités » que le traitement soit efficace,
contre moins d’un tiers lorsque l’effet du traitement est décrit comme « assez incertain ».
Quant à la condition « estimation numérique », le nombre de sujets ayant recommandé
l’acupuncture est significativement inférieur à la condition « expression positive » et
significativement supérieur à la condition « expression négative ».
Un phénomène similaire a été rapporté dans des études psycholinguistiques sur
l’intensité des quantificateurs. C’est ce que Champaud et Bassano (1987) appellent
« orientation informative et argumentative des expressions » ; en comparant le sens de trois
expressions : « presque », « à peine » et « à peu près », ils trouvent que bien qu’elles se
réfèrent et décrivent la même quantité, ces expressions sont interprétées différemment,
indiquant respectivement une orientation positive et négative.
1.2. Les variantes de l’incertitude
Dans la littérature, les termes « incertitude interne » et « incertitude externe » ont été
employés pour désigner plusieurs choses que l’on peut regrouper en deux catégories. Ils
39
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
servent à (1) qualifier l’état de connaissance du sujet face à un ou plusieurs événements et (2)
décrire un mode de construction des expressions d’incertitude.
1.2.1. L’incertitude interne et externe comme attribution : entre référentiel et temporel
Les probabilités psychologiques diffèrent non seulement par leurs forces, mais aussi,
par d’autres dimensions ; l’une des plus importantes est leur source. Dans certains cas, cette
incertitude peut être attribuée à notre état de connaissances (ou ignorance), et, dans d’autres
cas, elle peut être attribuée à des facteurs externes, comme la chance.
À la base, l’idée était celle de Howell et Burnett (1978) qui font une distinction entre
incertitude interne et externe selon que les événements sont contrôlés ou pas par l’individu.
Kahneman et Tversky (1982) ont repris ces mêmes termes pour distinguer l’incertitude
relative à l’état de connaissance de l’individu (Ignorance) et celle attribuée au monde externe
(Disposition). À ce niveau, on peut distinguer l’incertitude interne et l’incertitude externe sur
deux bases. La première distinction se fait sur une base que nous appellerons référentielle ou
informationnelle et la deuxième temporelle (même si l’une est le reflet de l’autre).
D’un point de vue référentiel, on parle d’incertitude externe lorsque celle-ci fait
référence à un événement du monde externe. Ainsi, on considère comme externe l’incertitude
associée à des événements tels que : l’issue d’un match de foot, le temps qu’il fera ce weekend ou le sexe du futur nouveau-né ; alors que les opinions concernant la hauteur de la tour
Montparnasse ou l’appartenance ou non de la Russie à l’Europe, reflètent une incertitude qui
est attribuée à notre état de connaissance plus qu’aux propriétés des objets eux-mêmes.
40
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
Ce qui distingue aussi l’incertitude interne de l’incertitude externe c’est l’aspect
temporel. Ainsi, à la base, c’est plus la réalisation effective ou potentielle de l’événement qui
entre en jeu, autrement dit l’événement a déjà eu lieu ou n’a pas encore eu lieu (passé vs.
futur) ; dans les deux cas, l’incertitude ou l’attitude face à l’événement ne sera plus la même
(Rothbart & Snyder, 1970 ; Brun & Teigen, 1990). Comparons ces deux phrases :
(a) Il y a de fortes chances que l’équipe bleue ait gagné son match contre l’équipe verte.
(b) Il y a de fortes chances que l’équipe bleue gagne son prochain match
Dans la phrase (a), l’incertitude décrite est nécessairement interne, puisque l’issue du
match est connue ; c’est un fait. Alors que, dans la phrase (b), elle est externe car son
occurrence ou sa non-occurrence dépend de facteurs liés au monde externe1.
Ainsi, il a été démontré que lorsqu’on demande à des sujets leurs opinions sur des
phrases décrivant des événements passés et futurs, ils expriment une plus grande confiance
dans les phrases à propos des événements passés, mais sont plus ambivalents quant il s’agit de
prédictions (Teigen, 1990), voire même beaucoup moins « surconfiants » que sur les
événements passés (Ronis & Yates, 1987 ; Wright, 1982), car les événements passés peuvent
être mieux connus, du moins en principe, que ceux qui n’ont pas encore eu lieu. Ainsi, les
jugements à propos du passé et du futur sont supposés être formés selon différents processus
mentaux. Selon Wright et Wishuda (1982), les réponses à des questions à propos
d’événements passés peuvent être directement puisées en mémoire (remémoration), alors que
les prédictions sur des événements futurs sont plus basées sur des inférences (ou intuition) ;
1
Cependant, il est légitime de penser que l’incertitude même dans ce cas est interne, dans la mesure où le futur
lui-même est incertain et imprévisible. Ainsi d’un point de vue déterministe, on peut dire que toute incertitude,
même à propos du futur, est due à l’ignorance, et donc subjective et interne plutôt que faisant partie de la réalité
externe.
41
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
ainsi, l’incertitude externe rend plus facile l’intégration du facteur « probabilité » dans la
représentation conceptuelle ou dans les modèles mentaux sur le monde réel (Keren, 1991).
1.2.2. L’incertitude interne et externe comme modes de construction
Cet aspect de la distinction, entre différents types d’expressions verbales, est sans
doute celui qui a été le moins étudié de toutes les variantes de l’incertitude. Dans cette
perspective, on peut distinguer l’incertitude interne de l’incertitude externe sur la base de leur
mode de construction ou formulation linguistique. Tversky et Kahneman (1982) furent les
premiers à attirer l’attention sur l’existence de deux lots d’expressions d’incertitude, en
avançant que ce qui distingue l’incertitude interne de l’incertitude externe c’est l’emploi du
pronom personnel « je » ou tout autre élément faisant référence à l’individu. Ainsi,
l’expression « je suis sûr que X aura lieu» peut être classé comme interne, alors que « il est
certain que X aura lieu », ressort plutôt de la catégorie externe. Cette distinction renvoie à une
distinction plus générale entre attributs internes et externes de l’expérience (Tversky et
Kahneman, 1982). Mais, nous pouvons étendre cette constatation, pour créer une autre
distinction qui comprend, (a) les expressions internes : qui sont des expressions d’incertitude
décrivant l’état de connaissance de l’individu face à l’événement objet d’incertitude, telle
que : « il me semble », « je suis convaincu » , (b) les expressions externes, qui englobent les
expressions probabilistes telle que : « probable », « fortes chances », et qui sont des
expressions qui font référence à l’état du monde et aux propriétés des objets, et enfin, (c) des
expressions qui ne peuvent être classées dans aucune des deux catégories, que nous
appellerons expressions internes en formulation externe telle que : « il est sûr », « il paraît ».
Cette distinction, entre incertitude interne et externe, nous semble cohérente avec une
utilisation combinée des deux types d’expressions dans une même phrase ; ainsi, je peux dire :
42
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
« je suis certain que tel événement est très probable » et qu’ « il y a peu de chances qu’il soit
sûr », sans tomber dans l’absurdité.
Fox et Irwin (1998) rapportent une étude de Fox et Malle (1997), dans laquelle il a été
démontré que les sujets étaient plus prêts à miser avec un bookmaker qui dit être à « 60 %
sûr » que l’équipe va gagner, qu’avec un autre bookmaker qui dit qu’il y a « 60 % de
chances» que l’équipe gagne. Dans une autre consigne, ils présentèrent à leurs sujets le récit
d’une personne qui dit être à « 70 % sûre » qu’elle se mariera dans les trois ans à venir, et de
quelqu’un d’autre qui avance qu’il y a « 75 % de chances » qu’il se marie d’ici trois ans. Les
sujets ont répondu que la personne qui a utilisé le mode interne (sûr) a certainement
quelqu’un en tête plus que ne l’est la personne utilisant le mode externe (chances), même si le
second utilise une prévision numérique supérieure au premier. Fox et Malle (1997) suggèrent
que les expressions internes tendent à être associées à un « raisonnement singulier » basé sur
des scénarios spécifiques ou l’impression de savoir, alors que les expressions en mode externe
tendent à être associé à l’utilisation d’un « raisonnement distributionnel », dans lequel le cas
en question est vu comme un exemple d’une classe de cas similaires. Contrairement à
Kahneman et Tversky (1982) qui font des modes distributionnel et singulier deux méthodes
de mesure (et non des propriétés) d’une même incertitude « externe ».
1.3. L’évaluation de l’incertitude entre dispositions et ignorance
Afin de mieux comprendre cette distinction entre les deux types d’incertitude et leur
implication dans l’évaluation de l’incertitude, prenons comme exemple ces deux phrases :
43
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
a) Le film de Peter Jackson « Le Seigneur des Anneaux » sera très probablement
nominé cette année aux Oscars, car c’est un film qui a déjà reçu plein de récompenses dans
plusieurs festivals internationaux.
b) Le film de Peter Jackson « Le Seigneur des Anneaux » sera très probablement
nominé cette année aux Oscars, car c’est un film basé sur un excellent scénario, présentant de
fabuleuses scènes d’action, des effets spéciaux à couper le souffle et une magnifique bande
sonore.
Dans la phrase (a) la probabilité que film « Le Seigneur des Anneaux » remporte un
oscar cette année peut être facilement évalué sur une base distributionnelle : ainsi, nous
adoptons une approche distributionnelle lorsque l’on traite le cas en question comme un cas
dans une classe de cas similaires, et comparons la probabilité d’un événement avec sa
fréquence relative à l’intérieur de cette classe. Pour la phrase (a) la probabilité que « Le
seigneur des anneaux » remporte un oscar est élevée à cause de la fréquence relative avec
laquelle il a déjà été récompensé dans d’autres festivals auparavant.
Avec la phrase (b), on penche plutôt vers une approche unique ou spécifique (ou
logique singulière). Ainsi, nous adoptons une approche singulière lorsque nous traitons un cas
à la fois comme étant unique, et dérivant aussi des jugements probabilistes en tenant compte
de la force des dispositions en compétition. Par conséquent, évaluer un événement qui dépend
de son propre système et de sa propre logique, reviendra à évaluer le poids des facteurs et des
forces relatives en jeu (sous-tendant l’événement), ce que Kahneman et Tversky (1982)
appellent « les dispositions en compétition ».
44
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
D’un point de vue singulier (ou unique), les événements sont vus comme le produit
causal des systèmes qui ont la prédisposition à les produire. En effet, dans l’exemple cidessus, la probabilité que le film reçoive un oscar est élevée parce qu’on sait qu’il est bien
réalisé et qu’il est pourvu d’excellentes qualités cinématographiques.
Ainsi, pour ces deux phrases, le degré de certitude exprimé est le même, mais
l’interprétation de la phrase diffère selon l’approche utilisée. En d’autres termes, le mode de
construction et la structure de la phrase (mode de présentation des constituants de
l’événement objet de jugement) impose une approche du jugement qui est différente, soit
distributionnelle, soit spécifique. Mais, Kahneman et Tversky (1982) notent également qu’une
même phrase peut être évaluée selon les deux modes. Les auteurs font des approches
Distributionnelle et Singulière deux méthodes d’évaluation de l’incertitude externe. Quant à
l’incertitude interne, elle peut être évaluée soit selon un mode raisonné basé sur l’examen des
arguments et de la pondération des preuves, soit selon un mode introspectif basé sur la force
des associations. Une phrase comme « je crois que la Russie appartient à l’Europe », ou « je
pense que Johnny a 70 ans » reflète une incertitude interne car elle résulte de l’ignorance
même partielle face à l’événement, et, comme pour l’incertitude externe, l’incertitude interne
peut parfois être évaluée par les deux modes. Ainsi, par exemple, la question sur l’âge de
Johnny peut être abordée soit introspectivement en cherchant une réponse familière (ou
situation comparable), soit en mode raisonné en essayant de déduire la réponse à partir
d’autres connaissances (Kahneman et Tversky, 1982). (cf. Figure 1)
45
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
INCERTITUDE
Attribution
Interne
Mode de construction
Externe
Interne
Externe
Reflétant
Ignorance
Décrivant
Dispositions
Evaluée selon
des modes
Incertitude
relative à la
personne
Incertitude
face à
l’événement
Reflétant
Raisonné
Distributionnel
ou
ou
Introspectif
Singulier
Raisonnement
Singulier
Raisonnement
Distributionnel
Figure 1. Les variantes de l’incertitude : interne vs externe, et leur évaluation.
Légende : cette figure est une tentative de mise en synthèse des différentes distinctions
conceptuelles (Fox & Malle, 1997 ; Kahneman & Tversky, 1982) relatives au jugement
d’incertitude. Comme nous pouvons le constater, l’incertitude décrit soit une « attribution »
soit un « mode de formulation », chacun de ces deux descripteurs possédant deux variantes
(interne et externe). Chacune de ses variantes à travers la distinction initiale implique la mise
46
CHAPITRE II : VERS UNE OPTIQUE SEMANTIQUE
en place de processus spécifiques, donc de jugements différents. On voit également qu’il
existe une transition entre les deux variantes de l’incertitude (interne et externe) à travers les
deux applications initiales de l’incertitude, la flèche présentée dans le schéma sert à
représenter le fait que chacune des deux conditions d’application de la distinction est le reflet
de l’autre ; en d’autres termes, l’incertitude interne peut devenir externe et l’externe peut ellemême devenir interne.
47
CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE
- CHAPITRE
III -
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
Les recherches sur les probabilités verbales ont porté principalement sur trois axes
d’étude : (a) la traduction des expressions verbales d’incertitude en prévisions numériques, (b)
les effets de contexte et principalement ceux relatifs aux taux de base, et, (c) les tentatives
d’approche, du sens des expressions d’incertitude.
La traduction des expressions verbales d’incertitude en prévisions numériques a pour
but de quantifier l’incertitude et les expressions communément utilisées afin de pouvoir faire
des prévisions précises et comprendre leur sens (Brun & Teigen, 1988 ; Bryant & Norman,
1980 ; Budescu & Wallsten, 1985 ; Kong, Barnett, Mosteller & Youtz, 1986 ; Lichtenstein &
Newman, 1967 ; Mosteller & Youtz, 1990 ; Reagan, Mosteller & Youtz, 1989 ; Reyna, 1981 ;
Tavana, Kennedy & Mohebbi, 1997). Elle permet aussi, d’étudier, en les comparant, les deux
modes de communication de l’incertitude (verbal vs. numérique) afin de voir lequel des deux
est le plus fiable pour communiquer et comprendre l’incertitude (Budescu & Wallsten,
1987 ; Budescu, Weinberg & Wallsten, 1988 ; Erev & Cohen, 1990 ; Gonzalez & FrenckMestre, 1993 ; Gonzalez-Vallejo & Wallsten, 1992 ; Olson & Budescu, 1997 ; Wallsten &
Budescu, 1990 ; Wallsten, Budescu & Zwick, 1993 ; Wallsten, Fillenbaum et Cox, 1986 ;
Weber & Hilton, 1990 ; Zimmer, 1983 ; Zwick & Wallsten, 1980). L’étude des effets de
contexte et, principalement, ceux relatifs au taux de base (Brun & Teigen, 1988 ; Wallsten,
Fillenbaum & Cox, 1986 ; Weber & Hilton, 1990), cherche à déterminer l’effet que peut avoir
la probabilité a priori perçue (faible ou forte) d’un événement, sur l’interprétation de
l’expression verbale qui le décrit. Enfin, les rares tentatives d’approche du sens des
48
CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE
expressions d’incertitude elles-mêmes (Teigen & Brun, 1995, 1999) concernent
principalement la fonction communicative et sémantique des expressions verbales
d’incertitude.
De toutes ces recherches sur l’interprétation des expressions verbales d’incertitude, il
ressort une faible variabilité intra-individuelle mais une grande variabilité inter-individuelle
dans l’interprétation de ces expressions verbales. Tout d’abord, concernant la variabilité intraindividuelle, la plupart des recherches rapportent une faible variabilité intra-sujets dans
l’interprétation numérique des expressions verbales d’incertitude (Beyth-Marom, 1982 ;
Bryant & Norman, 1980 ; Budescu & Wallsten, 1985 ; Johnson, 1973 ; Rapoport, Wallsten &
Cox, 1987). Ainsi, malgré l’imprécision apparente de ses expressions, leur sens reste
relativement stable dans certains contextes, ce qui plaide en faveur d’une cohérence et d’une
stabilité dans l’évaluation des sujets à travers le temps et les contextes. La variabilité interindividuelle dans l’interprétation des probabilités verbales s’avère, quant à elle, très grande
(Bryant & Norman, 1980 ; Budescu & Wallsten, 1985 ; Fabre, 1991 ; Hogarth,
1980 ; Johnson, 1973 ; Rapoport, Wallsten & Cox, 1987). Ces résultats se confirment même
avec des experts qui utilisent dans leur travail ce type d’expressions (Beyth-Marom, 1982;
Budescu & Wallsten, 1985). Ainsi, à des expressions comme « probable » ou « possible » ont
été assignées des probabilités allant de .01 à .99. Toutefois, cette variabilité ne fait pas
l’unanimité. En effet, d’autres recherches rapportent une variabilité inter-sujets plutôt
faible (Lichtenstein & Newman, 1967 ; Kong, Barnett, Mosteller & Youtz, 1986) et une
cohérence dans les moyennes d’estimation à travers les recherches. Par exemple, une
expression comme « très probable » est souvent placée entre .8 et .9, alors que « incertain »
réfère souvent à une probabilité de l’ordre de .5. Ceci dit, nous remarquons que la variabilité
inter-sujets concerne certaines expressions plus que d’autres. En effet, comme pour l’ordre
49
CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE
entre les expressions (i.e., hiérarchisation), l’évaluation est plus stable pour les expressions
dites « ancres » (i.e., qui définissent l’échelle de mesure) (Budescu & Wallsten, 1985).
En fait, l’origine de cette discordance dans les résultats relatifs à la variabilité peut
avoir plusieurs sources. Comme le souligne Clark (1990), ces différences peuvent résulter de
la variété des procédures d’évaluations utilisées par les expérimentateurs. Toutefois, nous
pouvons également imputer cette variabilité inter-sujets à des différences interindividuelles
dans l’utilisation du langage et aux effets de contexte ; ainsi, par exemple, la variabilité est
plus grande dans un contexte spécifique (e.g., taux de base spécifié), qu’en absence de
contexte (Beyth-Marom, 1982). Enfin, l’une des principales critiques que l’on peut porter
envers la majorité de ces études, concerne le choix des expressions. Ainsi, la plupart de ces
recherches n’utilisent pas exclusivement des expressions probabilistes ou d’incertitude telles
que « probable », « presque certain ». Ces recherches incluent, en outre, des expressions de
fréquences, « souvent », « la plupart du temps », « jamais », « rarement », « fréquemment »,
« presque jamais » (Bryant & Norman, 1980 ; Budescu & Wallsten, 1985 ; Kong, Barnett,
Mosteller & Youtz, 1986 ; Lichtenstein & Newman, 1967) ; des expressions comparatives :
« le plus vraisemblable » (Beyth-Marom, 1982) ; des expressions logiques : « cohérent
avec », « compatible avec », « ne peut être exclu » (Bryant & Norman, 1980), et beaucoup
d’autres expressions qui ne peuvent être classées dans aucune de ces catégories comme :
« imprévisible », « courant » (Budescu & Wallsten, 1985), « nécessairement », faisable »,
« concevable » (Reyna, 1981).
En outre, l’évaluation de ces expressions, sur une même échelle de jugement peut
nuire à la validité et à la spécificité des résultats dans le domaine des expressions
d’incertitude. Ainsi, demander à des sujets d’évaluer des stimuli hétérogènes sur la même
échelle dimensionnelle, peut faire varier les valeurs prises par chacune des expressions
50
CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE
d’incertitude. L’utilisation de cette échelle commune est d’autant plus gênante si l’objectif
premier de la quantification était l’établissement d’équivalents numériques censés traduire le
sens des expressions. Cette critique est renforcée par l’étude de Budescu, Weinberg et
Wallsten (1988) qui ont démontré que lorsque les sujets sont invités à produire, eux-mêmes,
leurs expressions pour décrire les probabilités, chacun produit en moyenne 13 expressions
verbales, sur un total de 111 expressions différentes employées par les 20 sujets. Ce résultat
nous pousse à repenser le sens des expressions, non seulement, en faisant le tri entre les
expressions d’incertitude verbales et les autres expressions qui décrivent la fréquence, la
quantité ou autres, mais aussi, en cherchant au sein même des expressions d’incertitude un
sens qui les distingue et qui peut agir sur leur interprétation.
Notre recherche repose en grande partie sur le choix des expressions verbales et leur
sens. Les quelques tentatives d’étude exclusivement réservées à des expressions verbales
d’incertitude ne distinguent pas entre les différents types de probabilités verbales1, mais
traitent toutes les phrases comme des indicateurs ou descripteurs plus ou moins vagues de
niveau probabiliste.
Ainsi, dans cette recherche, nous proposons une distinction au sein même des
expressions d’incertitude, entre expressions internes et expressions externes. Les expressions
internes sont des expressions qui font référence à l’individu et à son état de connaissance face
à l’événement objet de jugement (e.g., je pense, je suis sûr). Les expressions externes, quant à
elles, font référence aux événements externes ou à l’incertitude relative aux chances
d’occurrence de l’événement et englobent les expressions probabilistes (e.g., peu probable,
fortes chances). Avec cette distinction, les effets du mode de probabilité peuvent êtres traités
et discutés de manière plus précise. En effet, si la distinction interne/externe est plus qu’un
1
Nous utilisons le terme de probabilité verbale ou probabilité linguistique, par opposition à probabilité
numérique, pour décrire les expressions d’incertitude verbale.
51
CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE
problème purement terminologique, il devient alors possible de démontrer que le choix et
l’emploi d’un terme plutôt que d’un autre, implique, et mène, à des conséquences
psychologiques et comportementales différentes.
Nous supposons qu’il existe un lien entre le référent cognitif (ou attribution) et les
expressions d’incertitude employées, à savoir, que l’incertitude relative aux événements
externes est mieux décrite par les expressions externes, et que les expressions internes
traduisent mieux l’incertitude relative aux connaissances de la personne. Mais aussi, nous
pensons que les individus font plus confiance aux expressions internes qu’aux expressions
externes, même lorsque ces dernières décrivent une plus grande probabilité numérique.
Afin de vérifier nos hypothèses, quatre expériences ont été mises en place, et qui,
visent à étudier les effets, respectifs et conjoints, du facteur « type d’expressions » : internes
vs. externes, et des prévisions numériques associées afin de mettre en évidence l’impact de la
formulation linguistique (a) sur la certitude perçue (Expérience 1), (b) sur les chances
d’occurrence de l’événement (Expérience 2), (c) sur la préférence et le choix (Expérience 3),
et enfin (d) sur l’interprétation numérique (codage) des expressions verbales d’incertitude
(Expérience 4).
Dans ce dessein, nous avons choisi de comparer des expressions internes (sûr, certain,
convaincu) avec des expressions externes (possible, probables, chances). Comme nous
pouvons le constater les deux lots décrivent, respectivement, une forte et une moyenne
certitude, ils sont déséquilibrés et donc a priori incomparables. Pour y remédier nous les
avons associés à des prévisions numériques. Ces dernières, en les faisant varier à travers les
expressions, nous permettrons de mieux comprendre les patterns de choix en fonction de la
tâche demandée : soit évaluer la certitude exprimée soit les chances d’occurrence de
52
CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE
l’événement (pour les expériences 1 et 2). L’expérience 3, quant à elle, permet de discuter, à
la lumière des deux précédentes, avec plus de précisions l’impact de la formulation rhétorique
des expressions d’incertitude et des prévisions numériques sur le choix. Dans ses trois
expériences, nous avons opté pour l’utilisation d’un paradigme de choix. Plus concrètement,
un scénario décrivant une situation pour laquelle deux experts donnent leur avis respectif est
présenté au sujet : l’un des experts formule son incertitude en mode interne et l’autre en mode
externe, et à chacune de ces expressions est associée une prévision numérique (e.g., « Je suis
sûr à 60 % » pour la condition interne ; et « Il y a 70 % de chances » pour la condition
externe). Selon les conditions des expériences, la tâche du sujet va consister (a) à choisir celui
des deux interlocuteurs qui exprime la plus forte certitude, ou (b) lequel des deux événements
a le plus de chance de se produire, ou enfin, (c) à choisir parmi deux propositions décrites,
celle à laquelle le sujet accorde le plus de crédit ou qui lui convient le mieux, sans autres
précisions. Nous avons demandé également aux participants de justifier leurs réponses, afin
de comprendre les déterminants de leurs choix. Enfin, pour la quatrième expérience, nous
proposons d’étudier l’impact du référant cognitif associée aux expressions verbales sur leur
interprétation et ce dans une tâche de codage numérique. L’aspect de la distinction qui nous
intéresse est celui des expressions internes (e.g., je suis certain) et des expressions que nous
appelons internes en formulation externe (e.g., il est certain). L’idée de cette distinction nous
vient d’une part, de l’analyse des commentaires recueillis auprès des sujets dans les
expériences 1 et 2 montrant que les sujets se basent parfois sur le référent cognitif (i.e.,
événement faisant référence à l’individu ou au monde externe) pour décider dans l’incertitude,
et d’autre part, d’une distinction théorique proposée par Kahneman et Tversky (1982) mais
qui n’a pas fait l’objet de vérifications expérimentales. Pour se faire, nous avons demandé à
nos participants de juger de la convenance (i.e., sur une échelle allant de A : ne convient pas
du tout, à F :convient parfaitement) de chaque expression d’incertitude (i.e., interne vs.
53
CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE
interne en formulation externe) à différentes valeurs de l’échelle de codage (i.e., échelle allant
de l’incertitude codée « 1 » à la certitude codée « 10 ») supposées traduire leurs sens.
Dans ce travail, nous proposons également de réexaminer, avec une autre série
d’expériences, la problématique des effets de contexte sur l’interprétation des probabilités
verbales et plus précisément l’effet du taux de base perçu sur les expressions d’incertitude
interne (à la lumière de la distinction et des résultats précédents). Ainsi, nous souhaitions
savoir jusqu’à quel point l’information contextuelle peut agir sur le codage et donc sur le sens
des expressions. Plus concrètement, nous avons proposé aux sujets (Expérience 5) des phrases
contenant des expressions d’incertitude interne décrivant des événements qui diffèrent par
leurs taux de base. Nous leur avons alors demandé de classer ces expressions en ordre
croissant de certitude, en attribuant à chacune une valeur numérique sur une échelle qui va de
« 0 » (i.e., incertitude totale) à « 10 » (i.e., certitude totale), afin de voir si l’effet du taux de
base persiste alors qu’aucune condition d’activation de ce dernier n’est réunie. Mais aussi
nous leur avons demandé (Expérience 6), au lieu fournir un seul équivalent numérique à
chacune des expressions d’incertitude, d’attribuer une limite minimale et maximale censée
traduire l’étendu de sens des expressions en absence de contexte. Cette démarche nous
permettra de donner un cadre aux résultats et de mieux expliquer le sens des expressions à
travers les contextes de jugement.
54
DEUXIEME PARTIE
LES RECHERCHES EXPERIMENTALES
55
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
- CHAPITRE IV -
EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS LINGUITIQUES DES
EXPRESSIONS D’INCERTITUDE SUR LE CHOIX ET LA PRISE DE
DECISION
1. EXPERIENCE 1 : Effets du type d’expression (Interne vs. Externe) sur
la perception de la certitude
Dans cette première expérience, nous voulons étudier la perception et la
compréhension des expressions verbales d’incertitude en fonction de leur formulation
linguistique. En d’autres termes, nous souhaitions déterminer quelles pouvaient être les
conséquences de l’emploi d’une expression interne plutôt qu’externe sur la perception de la
certitude de l’autre. Notre hypothèse était que les sujets accordaient plus de crédibilité à une
expression interne qu’à une expression externe, lorsqu’il s’agissait de décrire et/ou percevoir
la certitude exprimée par l’autre, même lorsque cette dernière est associée à une plus grande
prévision numérique. La tâche demandée aux sujets consistait à choisir entre deux
interlocuteurs (experts), formulant chacun une prévision composée chacune d’une expression
d’incertitude (interne ou externe) et d’une prévision numérique, celui qui exprime la plus
forte certitude. Ainsi, nous nous attendons à ce que les sujets choisissent les expressions
internes plutôt que les expressions externes.
56
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
1.1. Méthode
1.1.1. Participants
Quarante-huit étudiants en première année de licence de psychologie à l’Université de
Provence ont accepté de participer notre expérience (moyenne d’âge : 18 ans).
1.1.2. Matériel
Les expressions
Six expressions ont été utilisées : 3 expressions d’incertitude interne (Sûr, Certain et
Convaincu) et 3 expressions d’incertitude externe1 (Chances, Probable et Possible), pour
former trois couples d’expressions comportant chacun une expression d’incertitude de chaque
lot : « Sûr vs. Chance », « Certain vs. Probable », et « Convaincu vs. Possible ». Chacune des
expressions internes était elle-même associée à une prévision numérique différente (70 %, 60
% et 30 %), alors que les prévisions numériques associées aux expressions externes
demeuraient invariables (70 %).
Les scénarios
Neuf scénarios ont été présentés aux sujets, décrivant chacun une situation pour
laquelle deux experts donnent leurs prévisions. Pour exprimer leur incertitude, l’un utilise une
expression interne et l’autre utilise une expression externe. À chacune de ces expressions est
associée une prévision numérique, soit la même (70 % vs. 70 %), soit légèrement différente
1
Plusieurs recherches, dans une optique de traduction, ont rapporté des moyennes d’évaluations très proches
pour les expressions du lot externe, c'est-à-dire entre « Probable », « Chances » et « Possible » (Beyth-Marom,
1982 ; Reagan, Mosteller & Youtz, 1989) ; et aussi celles du lot interne : « Convaincu », « Sûr », et « Certain »
(Fares, 2001).
57
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
(60 % vs. 70 %), soit très différente (30 % vs. 70 %). Nous avions donc 3 scénarios par couple
d’expression. Chacun de ces 3 couples différait par les prévisions numériques associées.
Dans la construction des scénarios, plusieurs facteurs ont été contrôlés. D’une part,
tous les scénarios décrivent des événements neutres1, et, d’autre part, la probabilité a priori de
chaque événement est inconnue2 de sorte que le sujet ne se base pas dans son évaluation sur
cet indice (cf. Annexe 1).
1.1.3. Procédure
Nous avons utilisé une tâche papier-crayon. La consigne et les scénarios étaient
présentés sur une même feuille. Les sujets étaient invités à lire les 9 scénarios, présentés dans
un ordre aléatoire et contenant chacun deux prévisions (i.e, une expression interne et une
prévision numérique vs. une expression externe et une prévision numérique), à choisir parmi
les deux interlocuteurs celui qui exprimait la plus forte certitude, et enfin, expliquer, si
possible, en quelques mots les raisons de ce choix.
1.2. Résultats et Discussion
Le Tableau 1 présente l’ensemble des réponses recueillies en pourcentage, selon le
type d’expression (interne vs. externe) et les prévisions numériques associées (70 %, 60 %, et
30 %).
1
Sachant qu’il a été démontré que la présence d’informations décrites comme graves (Weber & Hilton, 1990) ou
menaçantes (Harris & Middleton, 1994) pour les sujets, pouvait influer sur l’interprétation de l’incertitude, tous
les scénarios décrits ne contiennent pas de descriptions pouvant induire de telles représentations.
2
Les scénarios décrits ne contiennent aucune information sur les chances d’occurrence de l’événement, ni
d’indices permettant aux sujets d’inférer le taux de base (voir l’exemple de consigne dans la partie procédure).
58
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Tableau 1. Tableau comparatif entre les expressions internes et externes à travers les prévisions
numériques.
Prévisions numériques
Couple d'expressions
70% vs. 70%
60% vs. 70%
30% vs. 70%
« Sûr »
66.66 %
72.92 %
54.17 %
« Chances »
33.33 %
27.08 %
45.83 %
Prévisions numériques
Couple d'expressions
70% vs. 70%
60% vs. 70%
30% vs. 70%
« Certain »
72.92 %
72.92 %
64.58 %
« Probable »
27.08 %
27.08 %
35.42 %
Prévisions numériques
Couple d'expressions
70% vs. 70%
60% vs. 70%
30% vs. 70%
« Convaincu »
75 %
66.66 %
62.5 %
« Possible »
25 %
33.33 %
37.5 %
Pour analyser les résultats nous avons utilisé un test de proportions1 qui a permis de
mettre en évidence de façon significative l’effet « type d’expression » sur le jugement, et ce
en faveur des expressions internes pour les trois conditions de prévisions numériques : « 70 %
vs. 70 %» (p < .0001), « 60 % vs. 70 % » (p < .0001), et « 30 % vs. 70 % » (p < .05) (cf.
Figure 1).
1
Le test qui a servi à comparer les deux pourcentages observés est le test µ ou Epsilon dont la valeur calculée
n’est autre que la racine carrée du Khi deux d’ajustement (voir l’Annexe pour plus de détail).
59
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
80
71,53
70,83
70
60,42
Effectif %
60
50
39,58
40
30
28,47
Interne
Externe
29,16
20
10
0
70% vs. 70%
60% vs. 70%
30% vs. 70%
Prévisions numériques
Figure 1. Distribution des sujets en fonction du type d'expression et des prévisions numériques associées.
On constate que tous les sujets ont été capables de formuler un choix entre les deux
propositions. En effet, lorsqu’aux expressions internes et externes sont associées les mêmes
prévisions numériques (70 % pour l’expression interne vs. 70 % pour l’expression externe),
75 % des sujets trouvent que l’expression « Convaincu » véhicule plus de certitude que
l’expression « Possible », µ (1, N = 48) = 4.90 , p < .0001 ; près de 73 % jugent « Certain »
comme supérieure à « Probable », µ (1, N = 48) = 5.51, p < .0001, et, enfin, plus de 66 %
d’entre eux jugent « Sûr » comme plus forte que « Chances », µ (1, N = 48) = 3.33, p < .001.
Cette préférence pour l’expression interne s’observe même lorsque les expressions
sont associées à des prévisions numériques légèrement différentes (60 % pour l’expression
interne vs. 70 % pour l’expression externe) ; c’est ainsi que plus de 72 % des sujets
choisissent les expressions « Sûr » et « Certain » par rapport à « Chances » et « Probable », µ
60
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
(1, N = 48) = 4.51, p < .0001, et que plus de 66 % d’entre eux choisissent « Convaincu » par
rapport à « Possible », µ (1, N = 48) = 3.33, p < . 001.
Enfin, le résultat le plus troublant s’observe dans la condition où les deux prévisions
numériques associées aux expressions internes et externes sont très différentes (30 % interne
vs. 70 % externe). Dans cette dernière condition, seule la différence entre les expressions
« Sûr » et « Chances » n’était pas significative. En effet, seuls 54,2 % des participant
jugeaient « 30 % sûr » comme véhiculant une plus grande certitude que « 70 % de chances »,
µ (1, N = 48) = 0.78, p = .38, contre 62,5 % pour « Convaincu vs. Possible », µ (1, N = 48) =
2.55, p < .01, et 64,6 % pour « Certain vs. Probable », µ (1, N = 48) = 2.94, p < .005.
Afin de mieux cerner le lien entre les variantes de l’incertitude et les prévisions
numériques, il convient d’examiner l’évolution et/ou la variation des réponses à travers les
modalités de ses différents facteurs. Pour se faire, nous avons utilisé un khi deux de
tendance1 ; ce dernier nous a permis de constater que la différence entre les patterns de
réponses à travers les trois situations de jugement de pourcentage et les trois couples
d’expressions d’incertitude n’est pas significative. C'est-à-dire, que pour les trois
comparaisons, la distribution des valeurs a sensiblement la même configuration. Ainsi : pour
le couple « Sûr vs. Chances », χ² (1, N = 48) = 1.64, p = .20 ; pour la condition « Certain vs.
Probable », χ² (1, N = 48) = 0.8, p = .37 ; enfin, pour les expression « Convaincu vs.
Possible », χ² (1, N = 48) = 1.73, p = .19. Cet indice plaide en faveur d’une consistance de
l’effet : Type d’expression (interne/externe) et d’une stabilité dans le choix des sujets pour les
1
Ce test exploite une caractéristique dichotomique de la variable dépendante, il permet de voir comment évolue
cette dichotomie (e.g., interne vs. externe) en fonction d’un autre facteur (e.g., prévisions numériques à 3
modalités). Si la tendance de cette variable change significativement d’une modalité à l’autre, on peut dire que le
facteur influence sa variabilité.
61
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
expressions internes (Sûr, Certain, Convaincu) et ce quelle que soit la prévision numérique
associée (70 %, 60 % ou 30 %).
Mais, comment les sujets justifient-ils leurs propres patterns de préférence ? La plupart
des participants étaient capables de fournir une explication. Seuls 9 sujets se sont soit
abstenus soit ont déclaré ne pas savoir. Ainsi, nous pouvons regrouper les explications de la
majorité des 39 sujets restants, ayant choisis les expressions internes, en deux catégories :
leurs explications se sont portées soit (a) sur le référent cognitif, soit (b) sur le poids des
expressions. Concernant le référent cognitif, la majorité des sujets ayant choisi les expressions
internes soulignent que celui qui exprime son incertitude en mode interne « se base sur ses
connaissances et son expérience », « il s’implique », et « qu’il s’engage par l’emploi du « je »
dans ses prévisions, ce qui accroît sa crédibilité ». Concernant le poids des expressions,
certains sujets trouvaient que les expressions internes « parlent d’elles-mêmes », en ce sens
qu’elles véhiculent plus de certitude, indépendamment des prévisions numériques et du
référent cognitif auxquelles elles sont associées.
Parallèlement, une seule classe de justification de choix des expressions externe a été mise
en évidence. Il s’agit des événements auxquels ces expressions font référence. D’après les
rares sujets ayant choisi la variante externe de l’incertitude, celui qui utilise les expressions
externes « se base essentiellement sur des critères objectifs », « il est cohérent avec son
évaluation » alors que « l’utilisation des expressions internes renvoie à un sentiment
personnel ».
Les résultats de cette première expérience montrent clairement que les sujets se basent sur
l’expression interne pour évaluer l’incertitude liée à la personne face à l’événement et
négligent par conséquent l’expression externe, même lorsque à cette dernière est associée une
62
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
plus grande prévision numérique. Toutefois si l’on regarde les résultats de plus près, nous
remarquons que ces résultats fournissent des indices supplémentaires. Plus précisément, le
résultat de l’évaluation de la condition « 30 % Sûr vs. 70 % de Chances » (qui s’est avéré non
significatif) semble intéressant. En effet, au premier abord celui-ci paraît incohérent si l’on
suppose que les expressions composant chacun des lots « interne » et « externe » sont
équivalentes du point de vue de leur poids et, en théorie, de leurs sens. Mais, en réexaminant
plus en détail les protocoles des sujets afin de nous assurer de la cohérence du scénario décrit
et de la transcription correcte des données, une particularité nous a interpellé : le scénario qui
contenait ce couple d’expressions présentait une caractéristique que les autres ne partageaient
pas. En effet, ce scénario décrivait une postdiction, en d’autres termes, les prévisions
présentées faisaient référence à un événement passé (Scénario du séisme, cf. Annexe 1), alors
que tous les autres scénarios décrivaient des prédictions, c'est-à-dire des événements qui ne se
sont pas encore produits. Ainsi, la perception du délai temporel semble avoir joué un rôle
dans l’interprétation des prévisions verbales et/ou numériques. Cette constatation est très
cohérente avec les résultats des études de Brun et Teigen (1990) et de Rothbart et Snyder
(1970). Ces derniers ont montré que les sujets avaient des attitudes différentes face à un lancer
de dé, selon que celui-ci ait déjà été lancé ou pas encore ; en d’autres termes, la temporalité
des événements agit sur la perception de l’incertitude, ce qui rend la façon de faire apparaître
le doute de façon différente dans la prédiction et la postdiction.
Mais, à ce stade, nos résultats ne nous permettent pas de conclure à l’existence d’un lien
entre les deux variantes des expressions verbales d’incertitude (expressions internes vs.
expressions externes) et le type d’incertitude décrit (incertitude interne vs. Incertitude externe)
(i.e., relative à l’individu vs. relative au monde externe) tant qu’on n’a pas étudié l’autre
aspect de la distinction. En d’autres termes, il faut examiner aussi les expressions verbales
d’incertitude en relation avec « l’incertitude externe » (i.e., ou l’incertitude relative au monde
63
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
externe). Et c’est justement à ce problème que répond la deuxième expérience. Ce n’est qu’à
ce moment-là que nous pouvons aboutir à des conclusions cohérentes. En d’autres termes si
ce lien existe, on devrait s’attendre, à ce que lors de l’évaluation des chances d’occurrence de
l’événement, les sujets optent pour les expressions externes.
2. EXPERIENCE 2 : Effet du type d’expression (interne vs. externe) sur la
perception des chances d’occurrence de l’événement
L’objectif de cette expérience est de s’assurer que les sujets arrivent à discriminer la
certitude exprimée (i.e., l’expression verbale d’incertitude) de la probabilité perçue de
l’événement (i.e., ses chances d’occurrence). En d’autres termes est-ce que, les expressions
externes (et les prévisions numériques) constituent un meilleur descripteur de l’incertitude
relative à la réalisation ou non de l’événement, que ne le sont les expressions internes ?
On avance l’hypothèse que l’incertitude externe (i.e., relative à l’événement) est mieux
décrite par les expressions externes. C’est-à-dire que les sujets associent l’emploi des
expressions externes (et des prévisions numériques) aux chances d’occurrence de
l’événement.
2.1. Méthode
Trente participants se sont joints à l’expérience, tous étudiants en licence de
psychologie, à l’université de Provence. Les expressions verbales, les scénarios, et la
64
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
procédure expérimentale utilisés étaient les mêmes que ceux utilisés pour l’Expérience 1.
L’unique différence concerne la consigne qui cette fois fait référence à l’incertitude relative à
l’occurrence ou non de l’événement, et a été formulée ainsi : « On vous demande de lire
attentivement ces scénarios et de choisir parmi les deux événements décrits celui qui, selon
vous, a le plus de chances de se produire » (cf. Annexe 2). Mais aussi, dans un souci de
randomisation, nous avons fait en sorte que chacun des couples d’expressions (internes vs.
externes) n’apparaissait, aux participants, qu’une seule fois avec les mêmes prévisions
numériques.
2.2. Résultats et Discussion
Le Tableau 2 présente la répartition des sujets en fonction des réponses recueillies en
pourcentage, selon le type d’expression (interne vs. externe) et les prévisions numériques
associées (70 %, 60 %, et 30 %).
65
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Tableau 2. Tableau comparatif entre les expressions internes et externes à travers les prévisions
numériques.
Prévisions numériques
70% vs. 70%
Couple d'expressions
Sûr vs. Prob
Cert vs. Chan
Conv vs. Poss
Internes
36.67 %
43.33%
46.67 %
Externes
63.33 %
56.67 %
53.33%
Prévisions numériques
60% vs. 70%
Couple d'expressions
Cert vs. Poss
Sûr vs. Chan
Conv vs. Prob
Internes
26.67 %
6.67 %
23.33 %
Externes
73.33 %
93.33 %
76.67 %
Prévisions numériques
30% vs. 70%
Couple d'expressions
Conv vs. Chan
Cert vs. Prob
Sûr vs. Poss
Internes
10 %
13.33 %
16.67 %
Externes
90 %
86.67 %
83.33 %
Pour analyser les résultats nous avons choisi de comparer les pourcentages observés
pour chacune des variantes de l’incertitude (i.e., interne vs. externe) à travers les prévisions
numériques associées. Dans ce dessein, un test de proportion a été utilisé ce qui a permis de
mettre en évidence une différence hautement significative entre les expressions internes et
externes en faveur des expressions externes pour deux des trois conditions de prévisions
numériques : « 60 % vs. 70 %» (p < .0001) et « 30 % vs. 70 % » (p < .0001), mais pas avec la
condition « 70 % vs. 70 % » (p = .25) (cf. Figure 2).
66
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
100
90
86,67
81,11
80
Effectif %
70
60
50
57,78
Interne
42,22
Externe
40
30
18,89
20
13,33
10
0
70% vs. 70%
60% vs. 70%
30% vs. 70%
Prévisions numériques
Figure 2. Distribution des sujets en fonction des variantes de l'incertitude (interne vs. externe) et des
prévisions numériques associées (70 %, 60 %, 30 %).
En reprenant une à une les différentes expressions composant les deux lots (interne et
externe), nous remarquons que plus les prévisions numériques associées aux expressions
internes baissent, plus le choix des sujets se trouve orienté vers les expressions externes. C’est
ainsi que plus de 83 % des sujets, dans la condition « 30 % interne vs. 70 % externe »,
choisissent l’expression « Chances » à l’expression « Convaincu », µ (1, N = 30) = 6.20, p <
.0001 ; et l’expression « Probable » par rapport à « Certain », µ (1, N = 30) = 5.73, p < .0001 ;
et enfin, « Possible » à « Sûr », µ (1, N = 30) = 5.11, p < .0001.
Pour la condition « 60 % interne vs. 70 % externe », plus de 73 % des sujets
choisissent l’expression « Possible » à l’expression « Certain », µ (1, N = 30) = 3.56, p <
.001 ; l’expression « Chances » à l’expression « Sûr », µ (1, N = 30) = 6.66, p < .0001 ; et
enfin, l’expression « Probable » par rapport à « Convaincu », µ (1, N = 30) = 4.18, p < .0001.
67
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Parallèlement, nous remarquons aussi que, lorsque les prévisions numériques
accompagnant les expressions internes et externes sont similaires (condition « 70 % interne
vs. 70 % externe »), la différence entre les couples d’expressions « Certain vs. Chance » et
« Convaincu vs. Possible » ne s’est pas avérée significative (respectivement, µ (1, N = 30) =
1.08, p = .28 ; et µ (1, N= 30) = 0.46, p = .64) sauf pour le couple « Sûr vs. Probable », µ (1, N
= 30) = 2.01, p < .05.
Afin d’examiner la différence entre les patterns de réponses à travers les trois
situations de jugement de pourcentage et les trois couples d’expressions d’incertitude
caractérisant chaque lot, nous avons opté pour l’utilisation du khi deux de tendance. Ce
dernier nous a permis de constater que, dans la condition de prévisions numériques « 70 %
interne vs. 70 % externe », la différence de la tendance entre les trois couples d’expressions
(Sûr vs. Probable, Certain vs. Chances, et Convaincu vs. Possible) n’est pas significative (χ²
(1, N = 30) = 0.62, p = .43), de même pour la condition de prévisions numériques « 60 %
interne vs. 70 % externe » entre les couples : « Certain vs. Possible », « Sûr vs. Chances », et
« Convaincu vs. Probable » (χ² (1, N = 30) = 0.11, p = .74), et la condition « 30 % interne vs.
70 % externe » avec les expressions « Convaincu vs. Chances », « Certain vs. Probable », et
« Sûr vs. Possible » (χ² (1, N = 30) = 0.58, p = .45). Comme nous l’avons déjà souligné dans
la première expérience, cet indice plaide en faveur d’une consistance de l’effet : Type
d’expression (interne/externe) sur le choix des sujets pour les expressions externes
d’incertitude et ce quelle que soit la prévision numérique associée (70 %, 60 % ou 30 %).
Ainsi, les résultats montrent bien, que quand les sujets ont à juger les chances de
réalisation d’un événement, l’expression externe d’incertitude est privilégiée par rapport à
68
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
l’expression interne. Les commentaires recueillis auprès des sujets vont également dans ce
sens. Ainsi, la presque totalité des sujets a été capable de fournir des explications sur leurs
choix (sauf trois d’entre eux, qui se sont abstenus). Nous pouvons regrouper leurs explications
principalement en deux catégories : (a) L’objectivité et (b) le poids des prévisions
numériques. Concernant la première catégorie, la majorité des sujets trouvent que celui qui
formule ses prévisions en mode interne « donne une information objective », « l’opinion
personnelle ici n’est pas cohérente avec l’événement », « parle en termes de probabilité et on
peut lui faire confiance » ; ainsi les raisons les plus souvent évoquées sont « l’objectivité »,
mais aussi la « compatibilité » entre l’estimation des chances d’occurrence des événements et
les expressions qui le décrivent. Quant au poids des prévisions numériques, une grande partie
des sujets s’est basée sur la prévision numérique pour évaluer les chances d’occurrence de
l’événement : « 70 % est supérieur à 60 % et 30 % » ; et ce, vraisemblablement, sans tenir
compte de l’expression verbale qui l’accompagne. Enfin, quant aux choix des expressions
internes, les commentaires vont dans le même sens que ceux recueillis dans l’Expérience 1, et
qui concernent le poids des expressions et le référent cognitif.
Ainsi, en associant ces résultats avec ceux de la première expérience, nous observons
une cohérence entre les expressions internes et externes et la distinction plus générale entre
attributs internes et externes de « l’expérience ». En effet, nous suggérons que chacun des
deux modes de formulation de l’incertitude est cohérent avec chaque attribution de
l’incertitude ; en d’autres termes, l’emploi d’une expression externe est compatible avec la
description des attributions externes. Ainsi, il est plus approprié de dire : « Il est probable
qu’il pleuve demain », que de dire : « Il y a peu de chances que la Russie se trouve en
Afrique ». Mais aussi, que les expressions internes sont les meilleurs descripteurs de
69
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
l’incertitude de la personne ou de « l’ignorance », reflétée par les événements déjà réalisés
(e.g., « je crois qu’il s’appelle Alain »)1.
Les résultats des Expériences 1 et 2 montrent clairement que les sujets associent,
indépendamment des prévisions numériques, les expressions internes à l’état de connaissance
de la personne et les expressions externes aux chances d’occurrence de l’événement objet de
jugement. En effet, nous pensons que la distinction entre ces deux variantes de l’incertitude
constitue une condition nécessaire pour discuter avec plus de précision les patterns de
préférence dans le choix d’un type d’expressions plutôt que d’un autre (Expérience 3). En
effet, ces expériences, avec des consignes dirigées, ont permis aussi de montrer que les lots
d’expressions utilisées, quel que soit le degré d’équivalence globale entre eux, sont aptes à
fournir des réponses qui vont dans l’un ou l’autre sens.
3. EXPERIENCE 3 : Effets des modes de formulation linguistique des
expressions d’incertitude (internes vs. externes) sur le choix et la prise de
décision
L’objectif de cette expérience était d’étudier l’effet du mode de formulation
linguistique sur l’interprétation de l’incertitude dans une tâche de choix, et ce, sans orienter la
perception du sujet vers l’un des indicateurs de l’incertitude (externe, interne ou numérique).
Ainsi, à la lumière des deux expériences précédentes, il nous semble intéressant de voir sur
1
Nous pensons même que les expressions internes peuvent tout aussi bien décrire l’incertitude externe (e.g., je
pense qu’il fera beau demain), mais cette dernière constatation reste à prouver expérimentalement.
70
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
quel indice les sujets se basent-ils pour décider dans l’incertitude. Nous pensons que lorsque
le sujet ne possède pas de connaissances lui permettant de décider dans l’incertitude (comme
c’est le cas avec nos scénarios), il se basera plus sur les expressions d’incertitude interne qui
font référence aux connaissances de celui qui communique, alors que lorsque des
informations sur le contexte du jugement sont disponibles (e.g., taux de base perçu), il
préfèrera les expressions externes et les prévisions numériques. Ainsi, nous avançons
l’hypothèse qu’une expression interne favorise la décision envers l’option proposée, et ce,
même, lorsqu’une faible prévision numérique lui est associée.
3.1. Méthode
3.1.1. Participants
Trente-deux participants volontaires se sont joints à l’expérience, tous étudiants en
première année de licence de psychologie à l’Université de Provence.
3.1.2. Matériel
Les expressions utilisées sont les mêmes que celles qui ont été adoptées pour les
expériences 1 et 2, à savoir trois expressions de certitude interne (Sûr, Certain et Convaincu)
et trois expressions de certitude externe (Chances, Probable et Possible), pour former trois
couples d’expressions comportant chacun une expression de chaque lot (e.g., Sûr vs. Chance).
Chacune de ces expressions était elle-même associée à une prévision numérique, « 70 % »
pour les expressions externes et « 30 % », « 40 % », « 50 % », « 60 % », et « 70 % » pour les
expressions internes. Quant aux scénarios, 15 ont été construits dans lesquels nous proposons
71
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
deux prédictions, l’une formulée en mode interne (avec des prévisions numériques variables)
et l’autre en mode externe (avec des prévisions numériques constantes) (cf. Annexe 3).
3.1.3. Procédure
Les scénarios et la consigne étaient présentés sur papier. Les sujets étaient invités à
lire les scénarios et à choisir, parmi les deux événements décrit celui qui leur convenait le
mieux sur la base des prédictions fournies. Enfin, nous leur demandions d’expliquer en
quelques mots les raisons de leur choix. Tous les sujets voyaient les quinze scénarios, les trois
couples d’expressions et les cinq prévisions numériques mais dans un ordre différent.
3.2. Résultats et Discussion
Nous avons démontré avec les Expérience 1 et 2 la robustesse du choix des différentes
expressions qui composent et définissent les lots internes et externes, ce qui nous dispense de
reprendre des analyses pour vérifier la pertinence du choix des expressions et de raisonner
désormais uniquement en termes d’incertitude interne et externe.
Afin d’exploiter au maximum les données récoltées, et en tenant compte de l’échelle
de mesure de nos variables (nominale), nous avons eu recours au khi deux d’ajustement et au
khi deux de tendance.
Le Tableau 3 présente l’ensemble des réponses des sujets (préférence), en
pourcentage, en fonction de leurs préférences pour chacune des deux variantes de l’incertitude
(Interne vs. Externe) et des prévisions numériques associées.
72
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Tableau 3. Tableau comparatif entre les expressions internes et externes à travers les prévisions
numériques.
Prévisions numériques
30% vs. 70% 40% vs. 70% 50% vs. 70% 60% vs. 70% 70% vs. 70%
Préf. Internes
39.58 %
64.58 %
68.75 %
72.92 %
78.13 %
Préf. Externes
60.42 %
35.42 %
31.25 %
27.08 %
21.88 %
Tout d’abord, les résultats mettent en évidence l’effet du mode de construction
linguistique des expressions d’incertitude (internes vs. externes) sur le choix et la décision.
Ainsi, il existe une différence significative, indépendamment des prévisions numériques, entre
les expressions internes et les expressions externes (χ² (1, N = 32) = 41.42, p < .0001). Ainsi,
plus de 62 % des participants choisissent les expressions internes plutôt que les expressions
externes.
Afin de mieux apprécier la différence entre les expressions internes et externes à
travers les cinq modalités de prévisions numériques, nous avons utilisé un khi deux
d’ajustement qui nous a permis de mettre en évidence l’effet du type d’expression sur la
préférence dans chacune des conditions de prévision numérique. En effet il existe une
différence significative entre les deux types d’expressions pour les conditions « 30 % interne
vs. 70 % externe » (χ² (1, N = 32) = 3.76, p = .052), « 40 % interne vs. 70 % externe » (χ² (1,
N = 32) = 7.59, p < .005), « 50 % interne vs. 70 % externe » (χ² (1, N = 32) = 12.76, p <
.0004), « 60 % interne vs. 70 % externe » (χ² (1, N = 32) = 19.26, p < .0001), et enfin pour la
condition « 70 % interne vs. 70 % externe » (χ² (1, N = 32) = 29.26, p < .0001).
73
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Nous remarquons également que la distance qui sépare les expressions internes des
expressions externes est croissante, en allant de la condition « 40 % vs. 70 % » jusqu'à la
condition « 70 % vs. 70 % ». En d’autres termes, plus les prévisions numériques associées aux
expressions internes et externes sont proches, plus les sujets privilégient les expressions
internes, comme le montre si bien la Figure 3.
80
Nombre de choix
70
58
60
66
62
75
70
50
40
38
34
Interne
30
Externe
26
30
21
20
10
0
30%vs.70%
40%vs.70%
50%vs.70%
60%vs.70%
70%vs.70%
Prévisions numériques
Figure 3. Distribution des choix des sujets en fonction du type d'expression et des prévisions numériques.
Ce résultat se trouve également conforté par l’emploi d’un test de tendance qui nous a
permis de démontrer que la tendance dans la préférence des sujets était significative (i.e. donc
non systématique), χ²(1, N = 32) = 30.70, p < .0001, ce qui plaide en faveur d’une variation
dans l’interprétation des expressions d’incertitude en fonction des prévisions numériques
associées (cf. Figure 4). Enfin, on note l’existence d’une interaction significative entre le type
d’expression et les prévisions numériques associées (χ² (4, N = 32) = 37.66, p < .0001) qui
montre, comme pour le test de tendance, qu’il existe une large préférence pour les expressions
74
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
internes à travers les prévisions numériques sauf pour la condition « 30% vs. 70% », ou l’on
assiste à une inversion de la préférence en faveur des expressions externes.
35
Valeurs de Khi deux
30
29,26 ***
25
20
19,26 ***
15
12,76 **
10
7,594 **
5
3,76 ns
0
30%vs.70% 40%vs.70%
50%vs.70%
60%vs.70% 70%vs.70%
Prévisions numériques
Figure 4. Tendance d'évaluation à travers les prévisions numériques.
À travers ces résultats, on voit clairement que nos expressions internes sont préférées
aux expressions externes, même lorsqu’elles sont associées à de faibles prévisions
numériques. Ainsi, les sujets croient plus quelqu’un qui énonce « être sûr à 50 % » que
quelqu’un qui dit « qu’il y a 70 % de chances ». De même, on fait plus confiance à une phrase
du type « Je suis convaincu à 40 % » qu’à une phrase qui parle de « probabilité à 70 % ». Cet
effet est hautement significatif pour quatre des cinq prévisions numériques (40 %, 50 %, 60 %
et 70 %) en faveur des expressions internes. Une fois seulement, cette tendance s’inverse en
faveur des expressions externes pour la condition « 30 % interne » vs « 70 % externe ». Ainsi,
on assiste à une inversion brutale et marginalement significative dans la préférence des sujets
envers les expressions internes lorsque la prévision numérique associée était trop faible (χ²(1,
N = 32) = 3.76, p = .052).
75
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Afin de mieux mettre en évidence ce renversement de la préférence, il convient
d’analyser les patterns de choix des différents sujets à travers les différentes conditions. Ces
patterns peuvent être classés selon trois catégories que nous appellerons : (1) « Patterns de
Réponses Compatibles » (ou stabilité de la préférence) qui regroupent les sujets qui
choisissent exclusivement l’une ou l’autre des deux variantes de l’incertitude. C’est ainsi que,
18,75 % des sujets ont choisi exclusivement les expressions internes quelle que soit la
prévision numérique qui les accompagne, contre 3,13 % pour les expressions externes.
Ensuite, la catégorie (2) « Patterns d’Evaluation Contextuelle ou Stratégique » qui regroupe
les sujets faisant une distinction entre les deux types d’expressions selon les prévisions
numériques : dans cette catégorie, plus de 25 % des sujets optent pour l’expression interne
sauf pour la condition « 30 % vs. 70 % » ( ce renversement s’effectue à partir de « 40 % vs. 70
% » pour 6,25 % des participants). Ces deux premières catégories sont des conditions de
choix exclusifs à travers des cinq prévisions numériques, des deux variantes de l’incertitude et
les 15 scénarios : ce sont les catégories dans lesquelles les réponses des sujets nous paraissent
cohérentes. Enfin, pour les autres réponses, nous les classerons dans la catégorie (3)
« Patterns de Réponses Divergents », cette catégorie regroupe toutes formes de réponses
moins systématiques que dans les deux catégories précédentes. Par exemple, des sujets qui
choisissent l’expression interne uniquement avec les deux prévisions numériques « 60 % » et
« 70 % » ; ou ceux qui trouvent que « 50 % sûr » véhicule plus de certitude que « 70 % de
chances » alors qu’ils trouvent en même temps que « 60 % certain » est plus faible que « 70
% possible » sont classés dans cette catégorie.
Quant aux commentaires recueillis auprès des participants, ils sont principalement
orientés vers les notions d’implication et d’engagement de celui qui emploi l’expression
interne d’incertitude : « Sait de quoi il parle », « assume son choix », « se base sur son
expérience personnelle », « plus convainquant », « s’engage et s’implique ». En effet, la
76
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
presque totalité des commentaires, de ceux qui ont choisi les expressions internes, font
référence à la personne qui communique, et presque aucun commentaire n’a concerné le poids
des expressions (e.g., Sûr>Chances). Quant au choix des expressions externes les mêmes
explications ont été obtenus que ceux de la deuxième expérience à savoir la notion
d’objectivité des expressions utilisées et les pourcentages élevés qui sont associés aux
expressions externes.
Comme nous pouvons le constater, ses trois expériences ont permis de mettre en
évidence tout d’abord un lien entre les variantes de l’incertitude (i.e., interne vs. externe) et le
type d’incertitude impliqué (i.e. individu vs. monde externe), mais aussi les patterns de
préférence dans la communication de l’incertitude et les conséquence implication de l’emploi
d’un terme plutôt que d’un autre sur les inférences. En effet, comme nous l’avons déjà signalé
plus loin, la plupart des commentaires recueillis auprès des participants, et principalement
ceux justifiant le choix des expressions internes par rapports aux expressions externes,
concernent l’implication de celui qui parle et notamment l’emploi du « je », et en théorie de
tout autre pronom faisant référence à l’individu. Dès lors, il nous emble intéressant
d’examiner de plus près le lien entre les expressions d’incertitude et l’aspect référentiel, en
étendant la réflexion au seins même des expressions d’incertitude internes.
77
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
4. EXPERIENCE 4 : Effets des modes de formulation linguistique des
expressions d’incertitude (Internes vs. Internes en mode de construction
externe) sur leur interprétation numérique
Dans cette expérience nous proposons d’étudier l’impact du référant cognitif associée
aux expressions verbales sur leur interprétation et ce dans une tâche de codage numérique.
L’aspect de la distinction qui nous intéresse est celui des expressions internes et des
expressions que nous appelons internes en formulation externe.
Cette idée de distinction nous provient de l’un des indices fourni par les sujets en
explication de leur choix et leur préférence, à savoir, l’impact de l’emploi du pronom
personnel ou de tout autre élément faisant référence à l’individu, sur la compréhension et les
inférences. En effet, les commentaires recueillis auprès des sujets dans les Expériences 1 et 2
montrent que les sujets se basent parfois sur le référent cognitif (i.e., événement faisant
référence à l’individu ou au monde externe) pour décider dans l’incertitude. Ainsi, plusieurs
sujets trouvent que celui qui exprime son incertitude en employant le pronom personnel « je »
« s’implique plus dans sa tâche » et « sait de quoi il parle ».
Outre les protocoles verbaux recueillis, cette distinction repose également sur une
distinction théorique proposée par Kahneman et Tversky (1982) qui n’a pas fait objet de
vérifications expérimentales (cf. CHAPITRE II).
78
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Ainsi, on devrait, d’une part, s’attendre à ce que la préférence, jusque-là observée pour
l’expression d’incertitude interne s’atténue ou disparaisse si on lui enlève son référent
cognitif. Ceci devrait, en théorie, rendre l’évaluation des expressions plus objective et plus
basée sur une appréciation des constituants de la situation reflétée par les expressions externes
et/ou par les prévisions numériques. D’autre part, cette suppression devrait nous permettre de
nous assurer que la distinction entre les « expressions internes » (e.g., je suis sûr) et celles que
nous appelons « expressions internes en mode de formulation externe » (e.g., il est sûr) est
plus qu’une distinction linguistique mais aussi une variante sémantique. En d’autres termes
est-ce-que l’aspect référentiel contenu dans l’expression est une simple étiquette utilisée
indifféremment par les sujets ou bien au contraire, sa présence agit-elle sur le sens de ces
expressions ? Nous supposons que le poids des expressions internes diminue si on leur enlève
l’aspect référentiel, ce qui devrait les rapprocher des expressions externes.
4.1. Méthode
4.1.1. Participants
Quatre-vingt-un étudiants en deuxième année de licence de psychologie à l’Université
de Provence ont participé à l’expérience.
4.1.2. Matériel
Les expressions
En raison de certaines contraintes linguistiques dues à la transformation de certaines
des expressions internes en expressions en formulation externe, nous avons sélectionné deux
79
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
expressions internes parmi les trois utilisées dans les expériences précédentes, et leur avons
ajouté deux nouvelles expressions. Nous avons ainsi obtenu huit expressions : (a) Quatre
expressions internes, dont deux décrivaient une faible certitude : « Il me paraît » et « Il me
semble » et deux décrivant une forte certitude : « Je suis certain » et « Je suis sûr » ; et, (b)
quatre expressions en formulation externe qui correspondaient aux quatre expressions internes
reformulées (i.e., « Il paraît », « Il semble », « Il est certain » et « Il est sûr ».
4.1.3. Procédure
Pour examiner l’influence du mode de formulation linguistique des expressions
d’incertitude sur l’interprétation numérique, nous avons opté pour une méthode directe basée
en partie sur les travaux antérieurs de Budescu, Karelitz et Wallsten (2003) dont l’objectif
était d’étudier la façon dont les probabilités numériques sont appariées aux probabilités
linguistiques. Dans leur étude, les auteurs ont demandé à leurs sujets d’évaluer le degré de
convenance de 11 expressions probabilistes (e.g., Possible) à 11 valeurs numériques
proposées (e.g., 5 %, 10 %, 15 %, etc.) en utilisant deux méthodes : la Méthode du Stimulus
Unique (SSM) et la Méthode des Stimuli Multiples (MMS)1. Pour se faire, les sujets
utilisaient une échelle de convenance ancrée aux extrémités avec les termes « pas du tout » et
« absolument » (présentation sur écran d’ordinateur), et ils doivent faire bouger un curseur sur
une ligne qui représente d’échelle de convenance.
Dans notre étude, nous avons opté pour la méthode SSM qui consiste à présenter une
seule valeur numérique à la fois pour chaque expression au lieu d’en présenter plusieurs; mais
aussi, nous avons inversé la méthode de présentation en demandant aux participants d’évaluer
le degré de concordance des valeurs de l’échelle à chaque expression. Ainsi, nous présentions
1
Les termes anglais étaient : Single Stimulus Method (SSM)et Multiple Stimuli Method (MSM).
80
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
aux sujets une échelle d’évaluation composée de 10 degrés (i.e., incertitude totale codée
« 1 » ; certitude totale codée « 10 »). La tâche du sujet consistait à attribuer pour chaque
valeur de l’échelle, une valeur de convenance (i.e., A = le degré de l’échelle ou la prévision
ne convient pas du tout à l’expression ; F = la prévision convient parfaitement à l’expression)
en fonction de l’expression qui leur était présentée. Par exemple un participant pourrait
estimer que l’expression « je suis sûr » ne correspondait pas du tout à la valeur « 0 » de
l’échelle d’évaluation (e.g., codée « A »), mais à l’inverse convenait tout à fait à la valeur
« 10 » (e.g., codée « F »). Nous obtenions ainsi pour chacun des degrés de l’échelle, une
estimation de convenance pour chaque expression. Cette méthode permettait ainsi de mieux
cerner et décrire numériquement « le sens des expressions proposées ».
Quatre conditions expérimentales ont été crée, et dans lesquelles nous avons fait varier
les expressions ; en d’autres termes, chaque condition d’évaluation contenait deux expressions
d’incertitude : (a) Une expression de forte certitude interne (ou externe) et une expression de
faible certitude externe (ou interne). Ce choix de la méthode de présentation a été adopté en
raison de la lourdeur de la tâche. La répartition des sujets s’est faite de manière aléatoire et
chaque expression d’incertitude était présentée dans une phrase : « Imaginez que quelqu’un
vous dise : Il X que l’événement aura lieu » (où X est remplacé par l’expression
expérimentale). Les sujets devaient alors indiquer sur une échelle de 1 à 10 (où le chiffre 1
signifie l’incertitude totale et 10 la certitude totale), si chaque chiffre (e.g., « 4 ») traduisait ou
non la prédiction exprimée par la personne (e.g., « il me semble »). Nous avions donc deux
variables intra-sujets : (a) le type d’expressions avec deux modalités « interne » vs.
« externe » et (b) le degré de convenance avec ses six niveaux de A (ne convient pas du tout)
à F (convient parfaitement).
81
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
4.2. Résultats et Discussion
Afin de faciliter la lecture des résultats, nous avons scindé en 2 groupes notre échelle
initiale d’évaluation de la convenance. En d’autres termes, nous avons à notre disposition
trois degrés dans l’échelle qui décrivent la non-convenance (A, B et C) et trois degrés qui
décrivent la convenance (D, E et F) (cf. Annexe 4 pour l’ensemble des résultats). Après avoir
observé une même tendance d’attribution des degrés de convenance pour chacune des
catégories, nous avons sommé les trois descripteurs de chaque catégorie afin de mieux rendre
compte de la cohérence entre les degrés de l’échelle de certitude et les expressions internes et
externes (plus précisément, nous nous sommes intéressé au sens de la convenance représentée
par les valeurs D, E et F). Les réponses recueillies sont présentées dans le Tableau 4.
Tableau 4. Pourcentages des réponses selon le degré de convenance de chacune des valeurs de l'échelle
d'évaluation pour la traduction numérique de chacune des deux variantes de l'incertitude (interne vs.
interne en formulation externe) pour chaque expression.
Valeurs de l'échelle
Expressions
Variantes
1
Sûr
Interne
5.88
2
3
4
Interne en FE
Certain
Interne
7.14
Semble
6
9
10
17.65 47.06 94.12 94.12
100
100
13.33
80
100
100
100
92.86
100
10.53 31.58 84.21 89.47 94.74
100
60
7
60
14.29 14.29 64.29 78.57
Interne en FE
Parait
5
40
46.67
Interne
40
46.67
Interne en FE
12.5
25
Interne
15.79
15.79 26.32 42.11 42.11 63.16 57.89 47.37 42.11 36.84
Interne en FE
44.44
27.78 55.56 55.56 38.89 55.56 38.89
43.75 37.5
20
8
26.67 46.67 46.67 53.33
40
62.5 56.25 56.25 56.25 56.25 56.25
50
33.33 44.44
82
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Afin de comparer les deux modes de formulation linguistique à travers les quatre
expressions expérimentales, nous avons utilisé un test t . Ainsi, nos analyses ne montrent
aucune différence entre les expressions : « Je suis sûr » et « Il est sûr », t (9) = -1,162 ; p = .
27 ; entre « Il est certain » et « Je suis certain », t (9) = -1,73 ; p = .11, entre « Il parait » et « Il
me parait » ; t (9) = 0,82 ; p = .43, et enfin entre « Il semble » et « Il me semble » t (9) = 1,09 ;
p = .30.
Cependant, malgré l’absence de différence entre les deux types d’expressions, certains
détails méritent d’être examinés. Tout d’abord, nous observons que certaines valeurs de
l’échelle de jugement décrivent mieux certaines expressions que d’autres. Ainsi, pour les
expressions de forte certitude : « Sûr » et « Certain », au moins trois degrés de l’échelle (8, 9
et 10) traduisent parfaitement le poids des expressions. Alors que pour les expressions de
moyenne ou faible certitude : « Paraît » et « Semble », aucune des valeurs de l’échelle ne
parvient totalement à traduire le sens véhiculé par les expressions. En effet, le maximum
d’évaluation (62 %) se trouve affecté à la valeur « 5 » de l’échelle pour la variante externe de
l’expression « Paraît » (Il paraît) », et 63 % à la valeur « 6 » de l’échelle pour la variante
interne de l’expression « Semble » (Il me semble), sans pour autant observer une réelle
différence entre ces valeurs et les autres à travers les différents degrés de l’échelle de
jugement (cf. Figures 5 c et d).
Le deuxième fait intéressant concerne l’étendue des valeurs couvertes par les
expressions d’incertitude. Ainsi, nous observons, par exemple, que pour l’expression « Sûr »,
une augmentation plus précoce dans le poids de l’expression interne (Je suis sûr) que celui de
l’expression externe (Il est sûr), malgré l’existence d’une constance dans la tendance générale
des évaluations à travers les deux modes de formulation. Ainsi, la valeur « 7 » de l’échelle
83
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
décrit mieux l’incertitude interne qu’externe (p < .05), en d’autres termes, l’expression interne
est bien décrite par les valeurs 7, 8, 9 et 10, alors que la variante externe de l’expression ne
l’est qu’à partir de la valeur « 8 » de l’échelle (cf. Figure 5 a). De même pour l’expression
« Certain », mais cette fois à partir de la valeur « 6 » de l’échelle pour l’expression interne,
alors qu’elle ne commence qu’à « 7 » pour l’externe (p = .06) (cf. Figure 5 b).
Quant aux expressions de faible certitude, la même tendance est toujours observée
sauf pour l’expression « Paraît » : les valeurs moyennes (5 et 6, p < .05) de l’échelle
d’évaluation décrivent mieux la variante externe (i.e., il paraît) qu’interne ; alors que,
l’expression « Il me paraît » est mieux décrite par les valeurs extrêmes (proches de
l’incertitude totale) que médianes : en d’autres termes, cette expression peut bien désigner la
certitude comme l’incertitude.
(a)
(b)
Il est sûr
Il est certain
Je suis certain
Degré de convenance (%)
Degré de convenance (%)
Je suis sûr
100
80
60
40
20
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
100
80
60
40
20
0
10
1
2
3
Valeurs de l'échelle
4
5
6
7
8
9
10
Valeurs de l'échelle
(c)
(d)
Il semble
Il parait
Il me semble
Degré de convenance (%)
Degré de convenance (%)
Il me parait
100
80
60
40
20
0
1
2
3
4
5
6
7
Valeurs de l'échelle
8
9
10
100
80
60
40
20
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Valeurs de l'échelle
Figure 5. Degré de convenance des valeurs de l'échelle d'évaluation pour la description des expressions
internes (je suis sûr, je suis certain, il me paraît, et il me semble) et externes (il est sûr, il est certain, il
paraît, et il semble).
84
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Pour résumer, deux constatations sont à retenir de cette expérience. Tout d’abord, les
expressions de forte certitude sont très bien décrites par des valeurs de l’échelle, alors
qu’aucun degré de l’échelle d’évaluation ne semble bien traduire le sens des expressions à
faible degré de certitude.
Ainsi, ces résultats n’ont pas permis de mettre en évidence l’existence d’une
différence entre, les expressions internes et les expressions internes en formulation externe.
En d’autres termes on ne peut pas conclure à l’existence d’une différence sémantique entre
ces deux variantes de l’incertitude. En effet, nous pensons que la grande variabilité observée
dans le codage des expressions de faible certitude peut être résolue en introduisant ces
expressions dans un contexte ou dans une communication effective qui rendra leur sens plus
stable et plus clair.
5. Discussion Générale du Chapitre IV
Les résultats de ces expériences montrent clairement que les sujets arrivent à faire la
distinction entre l’incertitude relative à la personne (Expérience 1) et celle attribuée aux
événements externes (Expérience 2). En d’autres termes, les sujets trouvent que la prévision
numérique est le meilleur descripteur de l’incertitude externe (ou des probabilités aléatoires),
et que l’expression verbale est le reflet de l’incertitude interne (ou épistémique). Ainsi, les
85
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
sujets arrivent à distinguer entre l’incertitude face à la réalisation ou non de l’événement et les
chances réelles d’occurrence de l’événement lui-même.
Les résultats de l’Expérience 3 montrent clairement que pour choisir entre deux
éventualités, les sujets ont tendance à évaluer plutôt l’expression verbale que la prévision
numérique qui l’accompagne ; ce résultat est très cohérent avec la large littérature sur la
préférence du mode verbal, mais non avec celle du « paradoxe du mode de communication
préféré », qui suggère que les sujets préfèrent recevoir des autres une prévision numérique
plutôt qu’une expression verbale. Il se peut que la contextualisation des expressions ait
quelque chose à voir dans le phénomène observé, car la plupart des recherches portaient sur
l’avis des sujets sur le mode par lequel ils préféraient recevoir/communiquer l’incertitude.
Les résultats de la quatrième expérience, quant à eux, ont permis de mettre en
évidence la difficulté de dériver un sens numérique précis des expressions d’incertitude
interne, plus précisément celles de faible certitude. Mais aussi, que le sens des expressions à
travers l’interprétation numérique ne varie pas de façon significative et claire entre les deux
descripteurs de l’incertitude. Ainsi, la distinction (théorique) originelle de Kahneman et
Tversky (1982) entre incertitude interne et externe, qui suppose, rappelons-le, que ce qui
distingue les expressions internes des expressions externes, est l’emploi du pronom personnel
« je » ou tout autre élément faisant référence à l’individu, n’a pas pu être vérifiée
expérimentalement avec notre matériel. Ceci laisse supposer que la distinction entre ses deux
variantes de l’incertitude demeure encore une distinction terminologique ou linguistique et ne
possède aucun corrélat cognitif.
Toutefois, malgré la robustesse des résultats obtenus à travers ces expériences
montrant que la plupart des sujets trouvent qu’une phrase contenant une prévision telle que
86
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
« 40 % sûr » véhicule plus de certitude que celle qui décrit « 70% de chances » (Expérience
3), il faudra cependant donner un cadre à ces résultats en les inscrivant dans un contexte plus
général car, ils soulèvent un problème d’ordre pratique relatif à l’utilisation des expressions
d’incertitude et des prévisions numériques dans une communication effective. Pourquoi
l’expression interne est-elle préférée à l’expression externe même lorsqu’elle est associée à
une plus faible prévision numérique ? Et est-ce que ce choix est involontaire ou au contraire
essentiellement stratégique ?
Pour mieux illustrer les questions soulevé par ces résultats, commençons par prendre
un exemple : Imaginez que vous organisez une soirée pour fêter votre promotion. L’un de vos
collègues de bureau que vous comptiez inviter vous dit être à 40 % certain de venir à votre
soirée. En vous basant uniquement sur ces propos, la première chose qui vous vient à l’esprit
c’est qu’il n’est pas du tout sûr de venir, et peut-être que vous irez même jusqu’à ne pas
prévoir son couvert à table. Conclusion, vous n’accorderez que peu ou pas de crédit à ses
dires. Imaginons maintenant qu’il vous dise qu’il y a 70 % de chances qu’il vienne, dès lors
les choses sont différentes : ainsi, vous vous attendez à ce qu’il arrive à tout instant, et peutêtre même qu’il y a pour vous autant de chances de le voir venir à la soirée qu’il a réellement
voulu en exprimer. Alors, en se basant sur ces considérations, comment expliquer désormais
nos données ?
Différents concepts sont susceptibles de rendre compte de ces résultats.
5.1. Un peu de psychophysique
Nous commencerons tout d’abord par chercher une piste de réflexion en nous basant
sur la littérature psychophysique et, plus précisément, sur les recherches où le contexte a été
87
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
systématiquement manipulé entre groupes. Il en ressort que le même stimulus peut être jugé
« grand » ou « petit » en fonction des autres stimuli qui forment le contexte de jugement
(Parducci, 1968). Ainsi, dans une expérience sur l’étude du jugement avec des plans
intergroupes, Birnbaum (1999) a demandé à deux groupes de 20 sujets chacun, d’évaluer la
grandeur de nombres sur une échelle en 10 catégories (1 très très petit – 10 très très grand). Il
présente au premier groupe le chiffre « 9 », et au second le nombre « 221 ». Les résultats ont
montré que, le chiffre « 9 » a obtenu une moyenne d’évaluation de 5.13, alors qu’elle n’était
que de 3.10 pour le nombre « 221 ». L’explication réside dans le fait que des stimuli
différents apportent avec eux des contextes différents et, que, par conséquent, ces derniers
produisent des jugements différents. Ainsi, dans le cadre d’une comparaison inter-sujets, le
chiffre « 9 » possède une plus grande dimension subjective, il évoque ainsi un contexte de
plus petits nombres que ne l’est le contexte qui accompagne le nombre « 221 » qui, lui,
évoque un contexte de nombres à trois chiffres dans lequel il semble relativement petit.
Pour reprendre nos résultats (expérience 1, 2 et 3), nous pouvons avancer que le sens
qu’acquiert une expression d’incertitude dans une tâche de jugement absolu n’est pas le même
que dans une tâche de choix ou de comparaison par paires. Dans le premier cas de figure, une
phrase comme « je suis certain à 40 % de venir à la soirée », peut avoir chez celui qui
l’entend au moins deux interprétations possibles (indépendamment du contexte qui
accompagne la phrase d’incertitude) ; chacune de ces interprétations est tributaire de l’étendue
subjective que s’est construit le sujet. Si le sujet adopte une échelle d’évaluation probabiliste
qui va de la certitude de non-réalisation (0 %) à la certitude de réalisation (100 %), alors, dans
ce cas (et en l’absence d’autres expressions dans le contexte de jugement), l’expression
d’incertitude (certain) définit l’échelle d’évaluation et la prévision numérique qui
l’accompagne (30%) ne représente que la pondération de l’incertitude sur cette même échelle.
Autrement dit, « 30 % certain », c’est 30 % d’une échelle qui va de 0 % (complètement
88
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
certain de ne pas venir) à 100 % (complètement certain de venir). Ainsi, cette phrase, prise
isolément, décrirait une faible certitude de réalisation qui pourrait bien être traduite par une
expression comme « peu probable ». Dans le second cas de figure, si le sujet adopte une
échelle d’évaluation que nous appellerons directionnelle, car définie soit en termes
d’occurrence soit de non-occurrence de l’événement et non des deux à la fois, qui s’étend de
l’incertitude totale à la certitude totale ; alors, dans ce cas, plus le pourcentage augmente, plus
l’on s’éloigne de l’incertitude et l’on se rapproche de la certitude. Alors que, l’expression
« 30 % certain » a été associée à une faible certitude avec une échelle probabiliste (NP)1 ;
avec une échelle directionnelle (UP), une expression comme « possible » peut très bien
décrire la même phrase. Or, nous savons (Fares, 2001) qu’en l’absence d’une définition de la
limite inférieure d’une échelle d’évaluation, le sujet prend celle de la borne supérieure et
oppose son contraire à la limite inférieure. En effet, si la limite supérieure de l’échelle est
définie en terme de « lourdeur », la limite inférieure elle, sera, définie en termes de
« légèreté ». Dans l’exemple présent, l’échelle est définie en terme de « certitude de
réalisation », donc la limite inférieure sera : « la certitude de non réalisation », et non comme
on pourrait le penser « l’incertitude ».
Ainsi, l’expression verbale d’incertitude dans ce cas de jugement absolu ne représente
qu’une étiquette utilisée indifféremment par le sujet qui aurait pu la remplacer par « sûr »,
« chances » ou « probable ». Car, dans tous les cas, l’échelle est définie implicitement en
termes de certitude et ce quelle que soit l’expression verbale.
Le deuxième cas de figure est celui qui nous intéresse ici, à savoir le sens que l’on
attribue à une expression verbale d’incertitude dans une tâche de jugement par paire ou de
1
L’échelle NP est une échelle qui va de la certitude de non-réalisation (ou certitude Négative) à la certitude de
réalisation (ou certitude Positive), alors que l’échelle UP va de l’incertitude totale (Uncertainty) à la certitude de
réalisation ou certitude positive. Ces termes ont été employés pour la première fois par Fabre (1991, 1993).
89
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
choix entre deux ou plusieurs expressions ; dans ce cas, l’individu crée une échelle
d’évaluation subjective (NP ou UP, peu importe puisque l’ordre des expressions est supposé
être stable) dans laquelle il va classer les expressions dans une structure d’ordre, et va
considérer par la suite la prévision numérique qui accompagne l’expression comme un degré
(poids) sur l’étendue de signification1 de chacune des expressions. Ainsi, ce qu’il faut
comprendre, c’est que dans cette tâche de choix entre les deux prévisions, les sujets lors de
leur évaluation ne comparent pas deux échelles différentes (e.g., une échelle de certitude et
une échelle de chances), mais, bien au contraire, pour mieux assimiler le sens véhiculé par la
phrase, le sujet fait appel à son étendue subjective propre et se construit une « étendue de
stimulation » sur laquelle il va greffer les expressions. Une fois son échelle d’évaluation
définie, il ne lui reste plus qu’à classer les expressions dans une structure d’ordre.
Rappelons que, comme pour les expressions de fréquences (Pepper & Prytulak, 1974)
ou de quantités, les expressions d’incertitude possèdent une étendue de signification,
déterminée par le contexte auquel ces expressions font référence, représente toutes les valeurs
possibles de l’expression sur une échelle de jugement. Cette étendue de signification peut être
définit en délimitant la zone d’acceptation représentée par les valeurs maximale et minimale
de l’expression sur la même échelle de jugement (cf. expérience 5).
5.2. Un coup d’œil sur les processus : Raisonnement Singulier vs. Distributionnel
En comparant nos résultats avec la conception des variantes de l’incertitude de
Kahneman et Tversky (1982), le même modèle peut être appliqué aux expressions
d’incertitude et pas seulement à l’événement auxquels elles font référence.
1
Ce terme désigne tous les sens possibles que peut avoir une expression verbale à travers les contextes de
jugements.
90
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Tout d’abord, le langage utilisé par une personne peut pousser le destinataire à faire
des inférences sur le raisonnement de l’émetteur. Prenons l’exemple du géologue qui dit être
« sûr » que la secousse été de 5 sur l’échelle de Richter : ce dernier nous renvoie une
information différente de celle de son confrère qui dit qu’il est « très probable » que la
secousse ait été de 6. Pour le premier, l’utilisation d’une expression interne laisse entendre
qu’il a une connaissance parfaite de l’événement basée sur ses connaissances ou son
expérience antérieure, comme s’il avait déjà vécu une secousse semblable ; ainsi, les
commentaires recueillis auprès des sujets vont dans ce sens, à savoir que celui qui utilise
l’incertitude interne « est plus sûr », « sait ce qu’il dit ». Alors que, pour le second géologue,
l’utilisation de l’expression d’incertitude externe renvoie à une connaissance basée sur une
analyse des éléments ou constituants en jeu, une évaluation des risques, etc.
Ainsi, les expressions construites en mode interne sont supposées véhiculer plus de
certitude que celles qui sont en mode externe : en particulier, le mode interne tend à être
associé à un raisonnement singulier basé sur des scénarios spécifiques ou, comme le disent
Fox et Malle (1997) « l’impression de connaître », alors que les expressions externes tendent
à être associées à un raisonnement distributionnel basé sur des probabilités a priori, des
relations causales etc.
5.3. Le paradoxe d’Ellsberg et les deux visages de l’ambiguïté
Une troisième explication concerne la façon selon laquelle les deux types d’incertitude
font apparaître le doute chez le sujet. Ainsi, par exemple, pour la comparaison entre
l’expression interne et externe, lorsqu’aux deux expressions est associée la même probabilité
91
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
numérique (70 %), les sujets n’ont aucun mal à trouver celui des deux interlocuteurs qui
exprime la plus forte certitude, parce qu’ils discriminent les expressions du point de vue de
leurs forces (e.g., convaincu > possible). Mais les raisons sous-tendant leurs choix deviennent
différentes lorsque les prévisions numériques sont inégales (e.g., 50 % certain vs. 70 %
possible).
Selon le paradoxe d’Ellsberg (1961), les gens préfèrent l’incertitude provenant d’une
source unique à une double source d’incertitude, même si la probabilité est maintenue
constante. Ainsi, lorsqu’on demande à des sujets de miser sur l’issue d’un tirage (a) d’une
urne avec une proportion de 50/50 de jetons rouges et bleus, ou (b) de deux urnes contenant
des jetons rouges et bleus avec des proportions inconnues, la plupart des sujets préfèrent la
situation (a) à la situation (b), alors que, dans les deux cas p(rouge) = p(bleu) = .50.
Dans le cas présent, les couples d’expressions présentées aux sujets n’ont pas la même
valeur informative. Prenons l’exemple de quelqu’un qui dit : « Je suis sûr à 50 % de trouver
du travail d’ici 6 mois » : comme pour toutes les expressions du lot interne, la certitude
véhiculée est plus grande que celle du lot externe et, dans cette phrase, l’incertitude exprimée
provient non de l’expression verbale elle-même (e.g., Sûr) mais, de la seule prévision
numérique (50%). Par contre si la personne dit : « Il est probable à 70 % que je trouve du
travail d’ici 6 mois », nous nous trouverions là face à une double incertitude, l’une traduite
par l’expression et l’autre par la prévision numérique. Nous décrivons cette situation par
« l’attitude négative face à l’ambiguïté » (Einhorn & Hogarth, 1985), définie par Frisch et
Baron (1988) comme « l’expérience subjective d’une information manquante relative à la
prédiction » (1988, p.152), et qui explique en partie cette préférence nos expressions internes
par rapports aux externes mêmes lorsqu’elles sont associées à de faible prévisions
numériques.
92
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
Cependant, un résultat marquant nécessite une explication : il concerne le
renversement de la préférence observée avec les phrases comportant une expression interne
associée à une prévision numérique de 30 % et celles associées avec une expression externe
contenant une prévision de 70%. Ce résultat s’est révélé en faveur de l’expression externe et
de la prévision numérique qui l’accompagne (e.g., 70 % de chances). Deux éléments peuvent
expliquer ce renversement dans la préférence.
Tout d’abord, nous savons que le choix dans l’incertitude est fonction de plusieurs
facteurs qui peuvent affecter le jugement, comme la probabilité de l’événement, son utilité,
mais aussi son ambiguïté qui est déterminée par la fiabilité et la cohérence de l’information ou
la somme de discordance et de désaccord entre juges (Ellsberg, 1961). Ainsi, pour Einhorn et
Hogarth (1985), l’ambiguïté affecte les choix à travers son effet sur les jugements
probabilistes. Elle est fonction de la somme absolue des preuves disponibles, de la nonfiabilité des sources et de l’absence d’informations causales sur les processus qui génèrent les
résultats.
Ainsi, en reprenant nos résultats, nous pouvons constater que toutes les conditions sont
réunies pour induire l’ambiguïté. En effet, dans notre consigne, le sujet n’a aucun élément
d’information (e.g., la probabilité a priori) sur lequel fonder son choix, autre que les
descripteurs de l’incertitude employés par l’autre personne, d’autant plus que, comme l’a si
bien souligné Fox (1987), le langage employé pousse le receveur à des inférences sur l’état
d’esprit de celui qui communique. En effet, l’emploi dans une phrase d’incertitude de deux
descripteurs discordants, à savoir « 30% » et « sûr », laisse apparaître une certaine dissonance.
Devant une situation pareille (créée par l’emploi d’une expression de forte certitude et une
prévision numérique très faible), l’ambiguïté prend le pas sur l’incertitude ; et il a été
93
CHAPITRE IV : EFFETS DES MODES DE FORMULATIONS
démontré auparavant que l’ambiguïté ne rendait pas les individus disposés à agir (Curley,
Yates & Abrams, 1986), ainsi, ils accordent moins de confiance à ce type de phrase. En
d’autres termes, au-delà d’un certain seuil, les processus impliqués dans l’interprétation des
expressions en termes de « sélection de sens »1 sont entravés par l’ambiguïté liée au mode de
formulation linguistique employé lors de la prédiction et qui se manifeste par un renversement
de la préférence. De plus, il a été démontré que l’effet de l’ambiguïté augmente lorsqu’on
suppose la possibilité d’une évaluation négative par les autres ; cet effet est dû au fait que
lorsqu’une information devient disponible après une prise de décision, nous sommes jugés
comme si nous avions dû la connaître, même si elle n’était pas disponible au moment de la
décision (Baron & Hershley, 1988). En d’autres termes, le choix d’une expression comme
« 30% sûr » par rapport à « 70% de chances » est difficilement défendable pour les sujets,
d’autant plus, que nous leurs demandions de justifier leur choix.
Tous ses éléments regroupés témoignant de l’importance des expressions interne sur le
choix et la prise de décisions, nous poussent à les examiné sous une optique pragmatique de
l’étude des expressions verbales d’incertitude. En d’autres termes, il nous semble pertinent
d’étudier ses expressions internes en relation avec d’autres facteurs contextuels comme « le
taux de base perçu » afin d’observer de plus près l’impact de la variation de contexte sur le
sens des expressions.
1
La sélection de sens est un processus par lequel le sens usuel (sens de l’expression hors contexte) de
l’expression se transforme en fonction du contexte (Wallsten, Fillenbaum et Cox, 1986 ; Weber & Hilton, 1990 ;
Brun & Teigen, 1988), mais nous rectifierons ce concept plus loin pour décrire les variations dans le sens des
expressions internes.
94
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
- CHAPITRE V -
EFFETS DU TAUX DE BASE PERÇU SUR LE CODAGE DES
EXPRESSIONS D’INCERTITUDE INTERNE
La problématique des effets de contexte sur l’interprétation des probabilités verbales,
et plus précisément l’effet du taux de base ou fréquence de base perçue, est celle qui a, sans
doute, sollicité le plus d’intérêt chez les chercheurs. Cette approche, rappelons-le, suppose
qu’une expression verbale d’incertitude possède une étendue d’interprétations possibles et que
le contexte agit sur la sélection d’une interprétation numérique appropriée (Brun & Teigen,
1988 ; Wallsten, Fillenbaum et Cox, 1986 ; Weber & Hilton, 1990) ; ainsi, les expressions
d’incertitude se verront attribuer une plus forte valeur numérique dans un contexte à fort taux
de base que dans un contexte à faible taux de base. Mais paradoxalement, d’autres études ont
démontré que les individus sont relativement insensibles au taux de base lorsqu’ils produisent
un jugement sur la base d’informations diagnostiques (Bar-Hillel, 1983 ; Kahneman &
Tversky, 1973 ; Tversky & Kahneman, 1982 ; Wallsten, 1983).
L’objectif des deux expériences qui suivent est d’approfondir la problématique des
effets de contexte (l’effet de la fréquence de base perçue) sur l’interprétation des expressions
verbales. En se basant sur la distinction initiale que nous avons créée entre expressions
internes et externes, différentes en termes de qualité et de quantité d’informations véhiculées,
nous pensons que cette différence ne doit pas être sans conséquences sur la perception du taux
de base. Ainsi, il nous semble intéressant d’étudier les expressions internes en association
avec le taux de base perçu, dans la mesure où l’effet de ce dernier a été mainte fois mis en
évidence avec les expressions externes ou probabilistes.
95
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
1. EXPERIENCE 5 : Effet du « taux de base » sur l’interprétation
numérique des expressions d’incertitude interne dans une tâche de codage
et de classification
L’objectif de cette expérience était de vérifier l’effet du taux de base sur des
expressions internes, dans une tâche de codage numérique (classification), sur une échelle
d’évaluation qui va de « l’incertitude » à « la certitude ». Lorsque aucune des conditions
d’activation du taux de base n’est réunie, il convient de se poser la question de savoir si la
probabilité a priori aura un effet sur le codage des expressions verbales. Si tel est le cas, alors,
il se pourrait que l’on soit ici face à un autre phénomène qu’un simple effet de la probabilité
perçue de l’événement. Nous avançons l’hypothèse que la nature de l’information décrite dans
la phrase influence la façon dont le sujet s’approprie l’échelle d’évaluation. Plus précisément,
les phrases à fort taux de base se verront attribuer une valeur numérique plus grande que
celles qui décrivent un événement à faible fréquence de base (ou même neutre).
1.1. Méthode
1.1.1. Participants
Cinquante-neuf participants se sont joints à l’expérience, tous étudiants en deuxième
année de licence de psychologie à l’Université de Provence.
96
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
1.1.2. Matériel
Les expressions
Sept expressions d’incertitude interne ont été utilisées : « paraît », « semble »,
« suppose », « pense », « convaincu », « sûr », et « certain » ; ce qui nous donne un lot
d’expressions équilibré à savoir trois expressions de faible certitude, trois expressions de forte
certitude et une expression intermédiaire « pense » ; les énoncés étaient présentés dans un
ordre aléatoire. De plus, dans un souci de fiabilité sémantique, nous avons fait en sorte que
toutes les expressions décrivent d’une part, « la certitude » (contrairement à ce qui se fait
parfois en mêlant des expressions d’incertitude et des expressions de fréquence), et d’autre
part, toutes les expressions sont des expressions internes.
Les scénarios
Trois phrases ont été utilisées qui se différenciaient, d’une part, par leur contenu et,
d’autre part, par le taux de base perçu (i.e., faible, fort, et neutre). Nous avons choisi de ne
présenter qu’une seule phrase par condition (avec les sept expressions à classer) car les
scénarios proposés relèvent des trois conditions de fréquence de base. Les phrases étaient
énoncées ainsi : pour la condition « forte fréquence de base » : « Cet arbre mourra un jour »,
pour la condition « fréquence de base neutre » : « Cette voiture va tourner à droite », enfin,
pour la condition « faible fréquence de base » : « Une invasion extraterrestre va avoir lieu
dans les jours à venir ». (cf. Annexe 5 pour un exemple de consigne)
97
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
1.1.3. Procédure
Nous avons proposé à nos sujets une tâche de codage numérique des expressions
d’incertitude et opté pour une tâche de jugement absolu (par opposition au jugement par
paires) avec ancrage pré-expérimental. Cette méthode possède l’avantage de la facilité
d’administration. Ainsi, nous demandions aux sujets de classer les expressions d’incertitude
par ordre croissant de certitude. L’échelle de codage proposée était divisée en 11 catégories
allant de l’incertitude totale codée « 0 » à la certitude totale codée « 10 ».
Enfin, pour l’expérience elle-même, nous avons opté pour une tâche papier-crayon.
Les 59 participants ont été repartis aléatoirement dans les trois conditions expérimentales : (a)
faible taux de base (n = 23), (b) taux de base inconnu (n = 19) ; et (c) taux de base fort (n =
17). Chaque sujet ne passait que dans une seule condition, il voyait soit le scénario « Arbre »,
« Voiture » ou « Extraterrestre », et tous devaient juger les sept expressions d’incertitude,
communes à toutes les conditions, et présentées dans un ordre aléatoire.
1.2. Résultats et Discussion
Le Tableau 5 présente les moyennes d’évaluation des expressions verbales
d’incertitude sur une échelle UP en fonction du taux de base perçu (faible, fort, neutre).
Tableau 5. Moyenne des évaluations des expressions d'incertitude interne en fonction des scénarios.
Scénarios
Arbre
Voiture
ET
Paraît
3.53
3.79
2.39
Semble
3.71
4.47
2.87
3.24
3.68
Expressions d'incertitude
Suppose Pense Convaincu
3.94
5.47
9.35
4.32
5.68
8.58
3.52
4.87
7.52
3.93
5.34
8.48
Sûr
9.65
9.21
8.39
Certain
9.77
9.16
8.35
9.08
9.09
6.46
6.49
5.41
98
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
Une ANOVA à mesures répétées a été appliquée et a montré que l’effet du type de
scénario sur l’activité de codage était significatif, F (2, 56) = 7.15, p < .001. Les expressions
ont été, elles aussi, discriminées et leur classement par ordre croissant de certitude était le
suivant : « Paraît», « Semble », « Suppose », « Pense », « Convaincu », « Sûr » et « Certain ».
Nous n’avons pas noté d’interaction significative entre les scénarios et les
expressions : ainsi pour « Arbre vs. E.T. » F (6, 228) = 1.31 , p = .25, et F (6, 204) = 1.50 , p
= .17 pour les scénarios « Arbre vs. Voiture » ; enfin, pour « Voiture vs. E.T. » F (6, 240) =
0.65, p = .69. En effet, quelque soit le taux de base ,en moyenne, la tendance d’évaluation
reste la même à travers les sept expressions d’incertitude.
Pour les expressions de faible certitude, nos analyses nous ont permis de mettre en
évidence un effet tendanciellement significatif du type de scénario (ou taux de base) pour
l’expression « paraît », F (2, 56) = 3.05, p = .0551 ; ainsi, pour cette expression la différence
significative s’observe entre les deux conditions « Arbre vs. E.T. » (p < .05). De même pour
l’expression semble F (2, 56) = 3.83, p < .05, mais aucune différence significative avec les
expressions « suppose » et « pense » (cf, Figure 6).
99
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
Valeurs de l'échelle d'évaluation
10
9
8
7
6
Arbre
5
ET
4
Voiture
3
2
1
0
Paraît
Sem ble
Suppose
pense
Expressions du lot faible
Figure 6. Effet de la fréquence de base perçue sur les expressions de faible certitude.
Quant aux expressions véhiculant une forte certitude, l’effet du type de scénario était
aussi significatif. Ainsi, pour « convaincu » F (2, 56) = 7.61, p = .001 ; de plus, l’analyse post
hoc a révélé une différence significative entre « E.T. vs. Arbre» (p = .0005) et entre « E.T vs.
Voiture » (p < .05). L’effet scénario était d’autant plus accentué que l’on monte dans les
degrés de certitude : pour « sûr », nous avons F (2, 56) = 6.93, p < .005 ; de même, l’analyse
post hoc entre « E.T. vs. Arbre » et entre « E.T. vs. Voiture » a montré une différence
significative (respectivement p = .0007 ; p < .05). Enfin, le résultat est le même pour
l’expression « certain »,
F (2, 56) = 9.61 , p < .0005, et on observe une différence
significative pour « E.T. vs. Arbre » avec p < .0001 et entre « E.T. vs. Voiture » avec p < .05,
suite à une analyse post hoc (cf, Figure 7).
100
Valeurs de l'échelle d'évaluation
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Arbre
ET
Voiture
Convaincu
Sûr
Certain
Expressions du lot fort
Figure 7. Effet de la fréquence de base perçue sur les expressions de forte certitude.
Afin de mieux comprendre ces différences, une analyse en « bloc d’expressions » a été
réalisée. Pour cela, une analyse de Classification Ascendante Hiérarchique (cf. Annexe 6 pour
plus de détails) a permis de distinguer effectivement l’existence de deux lots d’expressions,
un « lot faible » contenant des expressions à faible et moyen degré de certitude (paraît,
semble, suppose, pense) et un « lot fort » qui contient les stimuli exprimant un degré de
certitude élevé (convaincu, sûr, certain) (cf. Figure 8).
101
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
Lot faible
PARAIT
SEMBLE
Expressions
SUPPOSE
PENSE
Lot fort
CONVAINC
SUR
CERTAIN
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
Carré des Dist. Euclidiennes
Figure 8. Représentation graphique de l'effet de lot des expressions d'incertitude interne sur la base d'une
analyse CAH.
Enfin, une ANOVA par rang a montré un effet « lot » significatif [H (1, 7) = 4.48, p <
.05]. Ces résultats vont dans le sens d’une validité de l’échelle de mesure. Sur le « Lot
faible », l’effet du scénario était significatif, F (2, 56) = 3.30, p < .05. Ainsi, la différence la
plus importante s’observe entre les deux conditions E.T. et VOITURE (p < .01). Les
expressions, quant à elles, ont été bien discriminées surtout entre paraît et semble (p < .05) et
paraît et suppose (p < .001), mais ce n’est pas le cas pour les expressions semble, suppose et
pense.
Sur le « Lot fort » également, l’effet du scénario était très significatif F (2,56) = 5.16,
p < .01. Dans ce lot, les trois fréquences de base se distinguent avec plus de précision : ainsi,
la différence était significative entre « E.T. » et « Arbre » (p < .0001), entre « E.T. » et
« Voiture » (p < .005), mais tendanciellement significative entre « Voiture » et « Arbre » (p =
102
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
.07). Enfin, au niveau des expressions, la distinction entre « convaincu » vs. « sûr » et
« convaincu » vs. « certain » est significative (p < .0001) et pas entre « sûr » et « certain ».
Les résultats de cette expérience montrent clairement que la probabilité a priori des
événements a influé sur la façon dont les sujets se sont appropriés le sens de ces phrases
exprimant une incertitude. Ainsi, une expression comme « sûr » a été perçue différemment
qu’il s’agissait d’une invasion extraterrestre, de la direction que va prendre une voiture ou
même du destin d’un arbre. Nos données montrent également une grande variabilité en ce qui
concerne les expressions de faible et moyenne certitude. Ces résultats sont cohérents avec ce
qui a déjà été mis en évidence au sujet des expressions probabilistes. De ce fait, pour pouvoir
expliquer ce phénomène, nous supposons que les expressions de moyenne et faible certitude
sont riches en sens et par conséquent, leur étendue de signification est grande, de sorte qu’une
expression comme « pense » peut couvrir à elle seule, dans certaines conditions, plusieurs
catégories de l’étendue contextuelle (Hogarth, 1980 ; Fabre 1991). Quant aux expressions à
fort degré de certitude, nous supposons qu’elles possèdent une étendue de signification plus
restreinte, car applicable aux seules conditions d’occurrence.
Ainsi, les résultats de cette expérience impose une démarche originale du problème du
taux de base : nous pensons que la problématique posée par les trois scénarios ne pousse pas
le sujet à une simple traduction numérique des expressions d’incertitude dans des contextes
spécifiques, mais plutôt à une « méta-réflexion » sur la validité de l’échelle de jugement. Dès
lors, il devient intéressant d’examiner de plus près l’activité cognitive qui sous-tend ce
jugement. Comment expliquer la variation des résultats à travers les trois scénarios ? En
d’autres termes, jusqu'à quel point l’information contextuelle peut-elle faire varier le codage,
donc le sens des expressions ? Comment étudier cette variabilité, et qu’est-ce qui la rend
103
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
possible ? C’est justement à ces questions d’ordre méthodologique, ou de réflexion, que
répond la sixième expérience.
2. EXPERIENCE 6 : Le sens des expressions d’incertitude : l’interaction
entre les expressions contextualisées et les limites fonctionnelles de leur sens
Dans cette expérience, nous allons tenter de donner un cadre aux résultats de
l’expérience précédente, afin de mieux expliquer les variations imputées au contexte, et ce, en
étudiant avec plus de précision la notion « d’étendue de signification » des expressions
internes. L’idée est d’approcher le sens des expressions internes d’incertitude en termes de
distributions de fréquences et non en équivalents numériques uniques, et ce en déterminant
pour chaque expression ses valeurs minimales et maximales afin de pouvoir évaluer leurs
étendues, mais aussi leurs variations sémantiques à travers les contextes. Nous supposons que
les expressions à faible degré de certitude couvrent une étendue de signification plus grande
que celles à fort degré de certitude. Mais nous subodorons aussi que la variation, dans le sens
des expressions après induction de contexte, se fera dans les limites de l’étendue de
signification
104
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
2.1. Méthode
Vingt-sept participants volontaires se sont joints à l’expérience, tous étaient étudiants
en deuxième année de licence de psychologie à l’Université de Provence ; la passation était
collective, par petits groupes.
La tâche demandée aux sujets se distingue de la précédente par le fait que nous ne
demandions pas aux sujets d’attribuer un seul équivalent numérique à chaque expression mais
de définir les limites minimale et maximale acceptables pour chacune. En d’autres termes,
nous leur demandions de définir une étendue numérique qui couvre tous les sens possibles de
l’expression. Ce design ressemble beaucoup à celui de Reagan, Mosteller et Youtz (1989) ;
Wallsten, Fillenbaum et Cox (1986), pour dériver la distribution de fréquences des
expressions probabilistes. La consigne pour cette condition a était la suivante :
« Imaginez un événement quelconque que l’on peut appeler X. Cet événement a des chances
de se produire, et on peut exprimer ces chances au moyen d’une expression verbale. Les
phrases suivantes expriment différents degrés de certitude concernant la réalisation de
l’événement X.
Je suis convaincu que l’événement X va se produire { - }
Il me semble que l’événement X va se produire { - }
Il me paraît que l’événement X va se produire { - }
Je suppose que l’événement X va se produire { - }
Je suis sûr que l’événement X va se produire { - }
Je pense que l’événement X va se produire { - }
Je suis certain que l’événement X va se produire { - }
105
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
On vous demande de délimiter chaque expression par un intervalle, autrement dit, de
définir pour chaque expression sa valeur minimale et sa valeur maximale sur une échelle
allant de 0 à 10. Le chiffre 0 exprime l’incertitude totale quant à la réalisation de l’évènement
X et le chiffre 10 exprime la certitude totale que l’évènement X va se produire ».
2.2. Résultats et Discussion
Le Graphique 9 présente les valeurs maximales et minimales moyennes des chaque
expression d’incertitude.
10
9,33
9,7
9,67
Valeurs de l'échelle
9
8
7,3
7
6
5,19
5,7
6,22
5
7,7
Ls
Li
3
1
7,78
4,67
4
2
7,33
3,67
2,85
2,48
0
Paraît
Sem ble
Lot fa ib le
Suppose
Pense
Convaincu
Sûr
Certain
Lot fo rt
Figure 9. Graphique des valeurs minimales (Limites inférieures) et maximales (Limites supérieures)
moyennes de chaque expression d'incertitude à travers les deux lots.
Une ANOVA appliquée aux étendues (en calculant une note moyenne pour chaque
étendue) de chaque expression a montré une différence significative entre les étendues des
106
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
expressions1, F (6, 26) = 5.52 ; p < .0001. Et, comme attendu, l’étendue des expressions du lot
Faible (paraît, semble, suppose, pense) était plus grande que celle du lot fort (convaincu, sûr,
certain) (p < .0005).
Afin de mieux apprécier cette différence entre les étendues des expressions des deux
lots, nous avons représenté les écarts entre les limites qui montrent que plus on monte dans
l’échelle de certitude plus l’écart se réduit (cf. Figure 10).
3
écart (Ls-Li)
2,5
2,71
2,85
2,55
2,63
2
2
1,92
1,97
1,5
1
0,5
0
Paraît
Sem ble
Suppose
Lot fai bl e
Pense
Convaincu
Sûr
Certain
Lot for t
Figure 10. Moyennes des écarts entre les deux lots d'expressions.
Comme on peut le constater, les résultats confirment nos hypothèses. Ainsi, après
avoir délimité les expressions en déterminant pour chacune sa valeur minimale et sa valeur
maximale et ce, avec un scénario non spécifié, nous avons défini « l’étendue de
signification » de chaque expression ; cette étendue de signification est supposée contenir les
variations dans le sens des expressions d’incertitude à travers les différents contextes (e.g.,
fréquence de base forte, faible ou neutre). Dès lors, si cette conception est vraie, en aucun cas
1
Dans le cas présent, les tests de significativités n’ont pas beaucoup de sens, dans la mesure où chaque sujet
attribue deux valeurs à chaque expression, et par conséquent les paires d’évaluation ne sont pas indépendantes.
107
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
l’interprétation des expressions d’incertitude ne devrait se trouver en dehors de cette étendue
de signification délimitée par la « zone d’acceptation » (représentée par les valeurs minimales
et maximales de chaque expression).
Ainsi, en comparant le codage des expressions internes d’incertitude (utilisées dans
l’expérience 5) dans les trois contextes, avec les zones d’acceptation de chaque expression, on
s’aperçoit que l’évaluation numérique, conformément à nos attentes, se situait entre les
marges fonctionnelles des expressions, quelle que soit l’information contextuelle qui
accompagnait l’expression à évaluer (cf. Figure 11).
10
9
Valeurs de l'échelle
8
7
6
LS
5
Arbre
4
Voiture
3
E.T.
2
LI
1
0
Paraît
Sem ble
Suppose
Pense
Convaincu
Sûr
Certain
Expressions verbales
Figure 11. Représentation graphique du sens numérique des expressions d'incertitude en fonction du
contexte et de la zone d'acceptation.
108
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
3. Discussion Générale du Chapitre V
Les résultats de nos expériences confirment l’effet du taux de base perçu sur le codage
numérique des expressions d’incertitude en faisant varier les valeurs prises par chaque
stimulus, en fonction du contexte. Ce résultat est très cohérent avec la large littérature sur la
question, malgré des différences notables dans la procédure expérimentale qu’il convient
d’expliquer.
3.1. Le choix de l’échelle d’évaluation et des expressions
Dans la littérature, pour évaluer des expressions d’incertitude, on fait appel à une
échelle probabiliste. Autrement dit, une échelle qui s’étend de la certitude de non-réalisation
(0 %) à la certitude de réalisation (100 %). Par contre, l’échelle que nous avons utilisée est
une échelle en 11 catégories qui va de l’incertitude totale (0) à la certitude totale (10), et
possède donc une étendue de stimulation théoriquement plus réduite que l’échelle probabiliste
classique.
Mais ce qu’il faut savoir, c’est que le choix de l’échelle a été fonction du choix des
expressions. Nous avions à notre disposition un lot d’expressions qui était symétrique (non au
sens psychophysique du terme), c’est-à-dire que toutes les expressions faisaient référence à
l’occurrence de l’événement (e.g., je pense que X aura lieu) plutôt qu’à sa non-réalisation :
pour emprunter la terminologie de Teigen et Brun (1999), elles sont positives1. Cependant, il
1
Certaines des expressions utilisées ici ont fait l’objet de certaines recherches qui ont étudié leurs
caractéristiques de position, ainsi que les possibilités de regroupement au sein d’une structure d’ordre (Foley,
1956 ; Fabre, 1991, 1993 ; Fares, 2001).
109
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
est légitime de penser que l’on puisse dire : « Je pense que X n’aura pas lieu », mais ceci ne
change en rien la positivité de l’expression car c’est l’événement qui s’en trouve affecté et
devient négatif1. De ce fait, il devient incohérent d’évaluer des expressions unidirectionnelles
sur une échelle directionnelle dichotomique. Il s’en suit, si tel est le cas, qu’une grande
étendue de l’échelle d’évaluation sera négligée par les sujets.
3.2. La tâche de jugement
La deuxième différence, qui est aussi importante à soulever, concerne la tâche de
jugement elle-même. Pour étudier l’effet du taux de base, plusieurs auteurs (Wallsten,
Fillenbaum et Cox, 1986 ; Windschitl & Weber, 1999) demandaient à leurs sujets (a) soit
d’estimer la probabilité d’occurrence d’un événement en se basant sur l’expression qui le
décrit, (b) soit de fournir directement une prévision numérique sur les chances d’occurrence
d’un événement non décrit par une expression (e.g., quelle est la probabilité qu’il neige à
Montréal en septembre/Octobre/Novembre ? ou la probabilité de contracter la Malaria lors
d’un séjour à Hawaï/Inde ?). Le paradigme utilisé ici était très différent. Ainsi, la tâche
proposée aux sujets était une simple tâche de classification ou de hiérarchisation des
expressions dans un ordre de certitude croissante. En d’autres termes, il n’était pas
explicitement précisé que les sujets devaient évaluer les expressions en fonction du taux de
base, ou estimer les chances d’occurrence de l’événement, d’autant plus qu’il n’a pas été
spécifié si ces phrases sont formulées par un tiers ou comme s’ils avaient eu eux-mêmes à les
prononcer.
1
Contrairement aux expressions externes qui, elles, sont directionnelles, c'est-à-dire peuvent être positives ou
négatives (e.g., probable et improbable), les expressions internes d’incertitude ne possèdent pas pour la plupart
de négations affixales.
110
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
Dès lors, à la lumière de ces constatations, il devient intéressant d’examiner de plus
près ces résultats. Tout d’abord, il semblerait que l’effet du taux de base perçu soit un
phénomène beaucoup plus général qu’il n’y paraît. Ainsi, nous observons qu’il influe sur
l’interprétation de l’incertitude même lorsque les événements ne peuvent être expliqués en
termes de causalité et qu’ils ne sont pas concrets. Ceci est d’autant plus frappant que chacun
des sujets ne voit qu’un seul taux de base. En d’autres termes, aucune des conditions
d’activation du taux de base n’est présente.
3.3. L’évaluation de l’incertitude entre sélection de sens et modulation contextuelle
Contrairement aux expressions externes qui sont évaluées en termes de « sélection de
sens » approprié, nous supposons que les expressions internes, pour la plupart, sont plutôt
sujettes, pour emprunter le terme de Cruse (1986), à une « modulation contextuelle ». En
d’autres termes, l’interprétation des expressions internes est plus déterminée par les autres
éléments (informationnels) contextuels composant la phrase que par leur sens lui-même. En
effet, leur sens résulte d’une interaction avec une variété de facteurs contextuels. Ainsi,
l’interprétation des expressions internes dans un contexte spécifique est créée en situation
plutôt que dérivée du sens propre de l’expression. La modulation contextuelle est un
processus de création de sens à partir, et à l’intérieur, de l’étendue de significations en
fonction du contexte. Ce nouveau sens acquis par contextualisation que nous appelons « sens
induit » est une spécification de l’étendue de signification. Ainsi, la variabilité due au
contexte agit sur l’appréhension du sens des expressions par les sujets, donc, sur
l’interprétation numérique. Trois cas de figure peuvent se présenter (a), lorsque l’information
sur le contexte est connue et décrit un événement à forte probabilité a priori, l’induction est
positive, alors que, (b) lorsque l’événement décrit a un faible taux de base le sens de
111
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
l’expression baisse : c’est ce que nous appelons l’« induction négative » ; enfin, (c) une
troisième variation concerne les contextes neutres ou à taux de base inconnu ou non perçu,
que nous appelons « induction systématique », et qui ressemble de près au sens usuel, c’est-àdire au processus de traduction des expressions externes en absence de contexte. Cette
induction systématique opère lorsque le contexte renvoie peu ou pas d’informations sur les
chances d’occurrence de l’événement ou sur le degré de certitude face à l’événement. Nous
pensons que ce type d’induction dépend d’autres facteurs qui sont essentiellement inhérents
aux sujets et par conséquent à des contextes spécifiques qui peuvent être activé au moment de
l’évaluation d’où la difficulté de faire des prédictions sur les variations de sens des
expressions d’incertitude dans de tels contextes.
Cette idée que les expressions internes ne possèdent pas de sens usuel se trouve, en
partie, confortée par les résultats de l’Expérience 4 qui montrent qu’aucune des valeurs de
l’échelle d’évaluation de l’incertitude ne convient vraiment à leur description. Ainsi, on peut
supposer, comme l’ont suggéré Moxey et Sanford (1993) et Sanford, Moxey & Paterson
(1996) en parlant des expressions de quantités, que les expressions d’incertitude internes
jouent le rôle d’opérateurs mentaux qui contrôlent les patterns d’inférence dans le contexte
linguistique dans lequel elles interviennent, mais ne débouchent pas sur une interprétation
numérique.
Ainsi, nous estimons qu’il est plus convenable pour évaluer les expressions internes de
parler en termes « d’étendue de signification ». En effet, il n’y a pas de sens à chercher
l’équivalent numérique d’une phrase comme : « il me semble que», ou « je pense que X aura
lieu », sans faire référence à un contexte auquel ces expressions renvoient. Ainsi, présentées
hors contexte, ces expressions renvoient peu d’informations sur le degré de certitude et encore
moins sur les chances d’occurrence de l’événement ; nous pensons même que certains
112
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
contextes rendent ces expressions peu informatives : c’est le cas d’un contexte à taux de base
perçu inconnu ou neutre. Ainsi, une phrase comme : « il me semble qu’il pleuvra demain »,
est, elle aussi, très peu informative car nous n’avons aucun élément d’information sur les
facteurs en jeu qui peuvent faire qu’il pleuve demain ou pas ( ni taux de base, ni degré
d’expertise de la personne), ce qui rend l’évaluation inappropriée et incohérente. Le taux de
base a influé sur l’interprétation des expressions internes, mais cette évaluation s’est faite en
termes de « modulation contextuelle » et non de « sélection de sens ». Sur la base de ces
considérations, nous proposons un schéma du processus de jugement des expressions
d’incertitude (cf. Figure 12).
113
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
Echelle
d’évaluat
ion
Sens des expressions en
l’absence de contexte
Induction
de contexte
Sens des expressions
dans un contexte
spécifique
1
Dérivation de
sens
Sélection de
sens
Externe
0
SU
SV
SID
Création de
sens
1
Modulation
contextuelle
Induction positive
Induction systématique
Interne
Induction négative
ZA
0
ES
SIC
Figure 12. Processus de formation des jugements dans l’interprétation des expressions verbales
d’incertitude interne et externe.
SU : le « sens usuel » d’une expression, désigne la valeur numérique ou sens de l’expression verbale
d’incertitude en l’absence de contexte.
SV : le « sens variable ou relatif », c’est le sens de l’expression externe en fonction des différences
interindividuelles et contextuelles.
114
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
ES : « L’étendue de signification », c’est l’ensemble des valeurs numériques traduisant l’étendue sémantique de
l’expression ; en d’autres termes, ce sont les différents sens que possède l’expression verbale d’incertitude.
ZA : Cette étendue de signification évolue à l’intérieur de la « zone d’acceptation », définie par les limites ou
valeurs maximale et minimale de l’expression ; en d’autres termes, ce sont les marges fonctionnelles de
l’expression.
SI : « Le sens induit », c’est le sens acquis par l’expression dans un contexte spécifique. Le type d’induction est
fonction du type d’expression. Pour les expressions externes, le sens est induit par dérivation (SID) alors que
pour les expressions internes, il l’est par création (SIC). Ce dernier processus peut, en fonction du contexte,
débouchée soit sur une induction positive, soit négative soit systématique (ou de traduction).
Comme nous l’avons souligné plus haut nous pensons que les processus impliqués
dans l’évaluation des expressions internes et externes sont différents. Comme on peut le voir
dans sur la Figure 19, les deux variantes de l’incertitude aboutissent grosso modo aux mêmes
résultats dans leur interprétation numérique dans un contexte spécifique (e.g., taux de base).
Or, nous pensons que le sens, de départ, que possède chaque type d’expression en absence de
contexte est différent. Ainsi, on se basant sur la littérature traitant de la question, nous en
concluant à l’existence de deux sens pour les expressions externes : un sens que possède
l’expression en absence de contexte (e.g., probable = 70 %), et un sens variable qui évolue en
fonction du contexte dans lequel se trouve l’expression, telle qu’un faible taux de base (e.g., il
est probable qu’il pleuve au Zaïre le mois de Mars = 20 %) ou fort taux de base (e.g., il est
probable qu’il neige à Londres le mois de novembre = 95 %) ; ainsi, la nature du contexte agit
sur la sélection d’un sens approprié pour l’expression. Alors que, les expressions internes,
elles, ne possèdent pas de sens usuel, mais simplement une étendue de significations, dans ce
cas, on ne peut pas parler de sélection de sens, dans la mesure où, en absence de contexte, ces
expressions n’en possèdent pas un, mais plutôt de modulation contextuelle. En effet, ce
processus est un processus de création de sens à partir du contexte qu’une dérivation de sens à
partir du sens de l’expression elle-même.
115
CHAPITRE V : EFFETS DU TAUX DE BASE
Il ressort de ces deux expériences que le jugement des expressions d’incertitude est
une activité complexe qui couvre « la traduction » et « les additions de contexte ». Ainsi, les
possibilités offertes par le langage (ZA) sont larges et multiples et ne sont pas guidées par une
spécification contextuelle particulière. Cet effet de l’information permet de préciser le
processus d’appréhension de l’information par le sujet, qui ajuste ses réponses en fonction du
contexte en tenant compte de la probabilité a priori des chances d’occurrence de l’événement.
La conception du jugement comme tâche de traduction assortie d’une éventuelle induction
positive ou négative est compatible avec une modélisation de cette activité de jugement des
expressions d’incertitude qui distingue sens usuel, espace des possibles et effet de la
contextualisation.
Enfin, admettre que les expressions internes ont peu de sens en elles-mêmes, soulève
autant de questions que de réponses. En particulier, nous ne savons pas grand chose sur le
processus de création du sens, mais nous pensons que cette étude apporte quelques réponses
du moins concernant une partie du fonctionnement de ce processus.
116
CONCLUSION
TROISIEME PARTIE
CONCLUSION
L’objectif principal des recherches expérimentales présentées ici était, d’une part,
d’étudier l’effet des modes de formulation linguistique des expressions d’incertitude sur la
compréhension et les inférences, et, d’autre part, d’aborder la problématique des effets de
contextes en réexaminant celui du taux de base perçu sur l’interprétation des expressions
verbales d’incertitude.
S’inscrivant dans une optique sémantique de l’étude des expressions verbales
d’incertitude, la première série d’expériences (Expériences 1, 2, 3, et 4) avait pour but
d’éclairer l’importance du mode de construction linguistique dans l’interprétation de
l’incertitude. En effet, les expériences 1 et 2 ont permis de démontrer l’existence d’un lien
entre le type d’expression employé (interne vs. externe) et le type d’incertitude impliqué
(épistémique vs. aléatoire). En d’autres termes, les expressions d’incertitude internes (e.g., Il
me semble, je suis sûr) décrivent bien l’état de connaissances de la personne et les expressions
d’incertitude externes (e.g., probable, possible) et les prévisions numérique associées (e.g.,
70% de chances) sont directement reliées à l’incertitude relative à l’état du monde.
L’expérience 3, quant à elle, a permis, à la lumière des deux précédentes, de discuter avec
plus de précision les patterns de préférence de l’un ou de l’autre des modes d’expressions
d’incertitude. En effet, nous avons mis en évidence une préférence pour les expressions
117
CONCLUSION
internes par rapport aux expressions externes même lorsque ces dernières sont associées à de
plus fortes prévisions numériques (e.g., 40 % sûr > 70 % de chances).
Avec la 4ème et dernière expérience de cette série, nous avons voulu, en se basant sur les
commentaires recueillis auprès des sujets mais aussi sur une distinction théorique de
Kahneman et Tversky (1982) entre expressions internes et externes, examiner l’effet du
référent cognitif sur l’interprétation numérique de l’incertitude ; en d’autres termes, quelles
conséquences pouvait avoir l’emploi du pronom personnel (e.g., « je ») ou tout autre élément
faisant référence à l’individu, sur l’interprétation de l’incertitude? Dans ce dessein, nous
avons comparé des expressions internes (e.g., je suis sûr) et des expressions que nous avons
appelées « internes en formulation externe » (e.g., Il est sûr) dans une tâche de codage
numérique. Nos résultats ont montré que les deux types d’expressions débouchaient sur des
interprétations très similaires, ce qui ne nous a pas permis de conclure à une distinction
sémantique entre ces deux variantes de l’incertitude.
Ainsi, les résultats de la première série d’expériences ont permis de comprendre
l’impact de la formulation rhétorique des expressions d’incertitude sur le choix, et de
démontrer que les deux variantes de l’incertitude (interne vs. externe) possèdent des corrélats
cognitifs (i.e., distinction sémantique). Ainsi, nous avons expliqué les différences entre les
expressions internes et externes, d’une part, (a) en termes d’effet de contexte : en effet, il
existe une différence entre l’évaluation par paires et le jugement absolu ; ainsi la présence
d’une phrase comme : « je suis sûr à 60% », prise isolément, renvoie une information
différente pour celui qui l’entend, par rapport aux deux phrases: « je suis sûr à 60% » et « il
est possible à 70% » : dans le premier cas, l’expression verbale d’incertitude (i.e., sûr) définit
l’échelle subjective d’évaluation, et la prévision numérique qui l’accompagne n’est qu’une
pondération de la certitude, alors que, dans le deuxième cas de figure, le sujet tend à classer
les deux prédictions dans une structure d’ordre, en se basant sur le poids des expressions.
118
CONCLUSION
D’autre part, ces différences peuvent être imputées (b) à une différence dans les
processus impliqués dans l’évaluation des expressions. En effet, les expressions internes sont
évaluées par un raisonnement singulier ou unique, alors que les expressions externes tendent
plutôt à être associées à un raisonnement distributionnel.
Enfin, (c) nous avons également associé ces résultats à la notion d’ambiguïté générée
par la présence, dans les expressions externes, d’une double incertitude, l’une relative à
l’expression et l’autre à la prévision numérique qui l’accompagne, (e.g., 70 % probable), alors
que pour les expressions internes, et quelle que soit la prévision numérique qui les
accompagne, l’incertitude provenait uniquement de la prévision numérique (e.g., 50 % sûr) :
c’est l’attitude négative envers l’ambiguïté.
La deuxième série d’expériences (Expériences 5 et 6) avait pour objectif d’approfondir
la problématique des effets de contextes et, plus précisément, celui du taux de base perçu sur
l’interprétation des expressions d’incertitude internes. Nos résultats ont montré que, même
lorsque aucune des conditions d’activation du taux de base n’est réunie, l’interprétation des
expressions verbales a été fonction de ce dernier. En effet, et en accord avec ce qui a déjà été
mis en évidence auparavant sur les expressions probabilistes, un faible taux de base associé à
une expression fait baisser la valeur numérique attribuée à cette dernière, alors qu’avec un fort
taux de base, c’est l’inverse qui se produit. À la lumière de ces résultats, nous avons proposé
de modéliser l’activité cognitive sous-tendant l’interprétation des expressions verbales
d’incertitude. Ainsi, nous supposons que les processus d’évaluation impliqués dans
l’évaluation des expressions d’incertitude, en présence d’informations sur le contexte
permettant des inférences, diffèrent selon le type d’expressions. En effet, les expressions
internes, contrairement aux expressions externes, ne présentent pas un sens unique en
119
CONCLUSION
l’absence de contexte et, par conséquent, ne peuvent déboucher sur une interprétation
numérique fiable. Par contre, lorsque des informations sur le contexte deviennent disponibles,
les expressions internes sont évaluées en termes de modulation contextuelle, alors que les
expressions externes, elles, sont plutôt sujettes à une sélection de sens approprié,
Pour résumer, nos résultats fournissent une preuve supplémentaire de l’importance du
contexte, qu’il soit relatif à la nature de l’information décrite (e.g., Taux de base) ou inhérent
aux expressions elles-mêmes (mode de formulation linguistique), dans l’interprétation des
expressions verbales d’incertitude. Mais, malgré l’intérêt de ces résultats, les interrogations
restent nombreuses. En particulier, les concepts d’induction positive, négative et systématique
sont encore trop vagues pour pouvoir faire des prévisions spécifiques. Il faut d’ailleurs
préciser que c’est dans cette situation (i.e., taux de base faible, neutre et fort) que nous
rencontrerions les plus grandes difficultés, retrouvant ici d’une autre façon le problème
difficile de la distinction entre incertitude et certitude de non-réalisation (Fabre, 1991). En
effet, d’une part, ces expériences doivent être poursuivies pour vérifier le bien-fondé de la
distinction entre les processus de « modulation contextuelle » et de « sélection de sens ». Pour
ce faire, il est évident que d’autres réalisations expérimentales sont nécessaires; et d’autre
part, le modèle proposé, qui intègre trois classes de détermination: processus d’évaluation,
type d’expression et nature de l’information, doit faire l’objet de vérifications expérimentales
supplémentaires qui permettraient en particulier de fixer la méthodologie de détermination
des valeurs supposées non spécifiées par le contexte (SU et ZA). Enfin, il reste à tester l’effet
de l’introduction d’une échelle NP (Certitude négative – Certitude positive), afin de pouvoir
étudier la façon dont le sujet ajuste ses réponses face à des expressions décrivant un fait
incertain par rapport à sa non-réalisation.
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135
ANNEXE 1
ANNEXE 1
CONSIGNE
On vous demande de lire attentivement ces scénarios et de choisir parmi les deux
interlocuteurs celui qui, selon vous, exprime la plus forte certitude (entourer votre
réponse). Expliquer si possible en quelques mots les raisons de votre choix (au moins pour
deux des scénarios).
Le match
Julien et Vincent sont deux fans de foot. Ils sont venus assister à l’un des matchs les plus
importants du Championnat d’Europe des Nations. Avant le coup d’envoi, ils font des
pronostics sur l’issue du match. Vincent dit : « Je suis sûr à 70 % que l’équipe verte va
gagner ». Julien dit : « Il y a 70 % de chances que l’équipe jaune gagne ».
Vincent
Julien
[…………………………………………………………………………………………………]
Le Job
Deux copains qui viennent d’obtenir leurs diplômes de fin d’études discutent de leurs avenirs
professionnels. Michel dit : « Je suis certain à 60 % de trouver du travail d’ici 6 mois »,
Laurent lui dit : « Il est probable à 70 % que je trouve du travail d’ici 6 mois ».
Michel
Laurent
[…………………………………………………………………………………………………]
Le vaccin
Deux chercheurs font des prévisions quant à la découverte prochaine d’un vaccin contre une
forme d’allergie bénigne à l’huile de soja. Le premier dit : « Je suis convaincu à 30 % que le
vaccin sera au point dans un proche avenir ». Le deuxième dit : « Il est possible à 70 % que le
vaccin soit au point dans un proche avenir ».
136
ANNEXE 1
Le premier chercheur
Le deuxième chercheur
[…………………………………………………………………………………………………]
L’orientation
Le baccalauréat en poche, Jérôme se prépare à choisir son orientation pour ses études
universitaires. Deux de ses anciens professeurs discutent du choix que fera Jérôme. Le
premier dit : « Je suis convaincu à 60 % que Jérôme choisira une filière scientifique ». Le
deuxième dit : « Il est possible à 70 % que Jérôme choisisse une filière littéraire ».
Le premier enseignant
Le deuxième enseignant
[…………………………………………………………………………………………………]
La plage
Vous êtes allongé sur la plage et juste à côté de vous discutent Brad et Peter deux maîtrenageurs. Brad dit : « Je suis convaincu à 70 % que demain il y aura plus de monde
qu’aujourd’hui sur la plage », Peter dit : « Il est possible à 70 % que demain il y ait moins de
monde qu’aujourd’hui sur la plage ».
Brad
Pete
[…………………………………………………………………………………………………]
Le pétrole
Voici les prévisions de deux économistes de l’OPEP sur l’évolution du cours du pétrole dans
les jours à venir. Le premier dit : « Je suis certain à 70 % que le cours du pétrole baissera ».
Le deuxième dit : « Il est probable à 70 % que le cours du pétrole reste stable ».
Le premier économiste
Le deuxième économiste
[…………………………………………………………………………………………………]
137
ANNEXE 1
Les élections
Deux politologues discutent de l’avenir politique de leurs partis lors des prochaines élections
législatives. Le premier dit : « Je suis certain à 30 % que nous remporterons les prochaines
élections législatives ». Le deuxième dit : « Il est probable à 70 % que nous remportions les
prochaines élections législatives ».
Le premier politologue
Le deuxième politologue
[…………………………………………………………………………………………………]
Le séisme
Deux géologues en expédition sur l’île de Koulanga ont été surpris par une secousse sismique.
Le premier géologue dit : « Je suis sûr à 30 % que cette secousse était de 5 sur l’échelle de
Richter ». Le second répond : « Il y a 70 % de chances que cette secousse soit de 6 sur
l’échelle de Richter ».
Le premier géologue
Le deuxième géologue
[…………………………………………………………………………………………………]
L’hippodrome
Vous assistez à une course de chevaux. Assis à côté de vous, deux passionnés de chevaux
discutent avant le top départ. Alain dit : « Je suis sûr à 60 % que le cheval N°12 remportera la
course ». Bernard dit : « Il y a 70 % de chances que le cheval N°17 remporte la course ».
Alain
Bernard
[…………………………………………………………………………………………………]
138
ANNEXE 1
Tableau des Effectifs
Prévisions numériques
Couple d'expressions
70% vs. 70%
60% vs. 70%
30% vs. 70%
« Sûr »
32
35
26
« Chances »
16
13
22
Prévisions numériques
Couple d'expressions
70% vs. 70%
60% vs. 70%
30% vs. 70%
« Certain »
35
35
31
« Probable »
13
13
17
Prévisions numériques
Couple d'expressions
70% vs. 70%
60% vs. 70%
30% vs. 70%
« Convaincu »
36
32
30
« Possible »
12
16
18
139
ANNEXE 2
ANNEXE 2
CONSIGNE
On vous demande de lire attentivement ces scénarios et de choisir parmi les deux
événements décrits celui qui, selon vous, a le plus de chance de se produire (entourer votre
réponse). Expliquer si possible en quelques mots les raisons de votre choix (au moins pour
deux des neuf scénarios).
Le match
Julien et Vincent sont deux fans de foot. Ils sont venus assister à l’un des matchs les plus
importants du Championnat d’Europe des Nations. Avant le coup d’envoi, ils font des
pronostics sur l’issue du match. Vincent dit : « Je suis sûr à 70 % que l’équipe verte va
gagner ». Julien dit : « Il est probable à 70 % que l’équipe jaune gagne ».
L’équipe verte gagnera
L’équipe jaune gagnera
[……………………………..…………………………………………………………………]
Le Job
Deux copains qui viennent d’obtenir leurs diplômes de fin d’études discutent de leurs avenirs
professionnels. Michel dit : « Il est possible à 70 % que je trouve du travail chez SATCOM»,
Laurent lui dit : « Je suis certain à 60 % de trouver du travail chez LOGICOM».
Trouver du travail chez Satcom
Trouver du travail chez Logicom
[……………………………..…………………………………………………………………]
Le vaccin
Deux chercheurs font des prévisions quant à la découverte prochaine par leurs laboratoires
d’un vaccin contre une forme d’allergie bénigne à l’huile de soja. Le premier dit : « Je suis
convaincu à 30 % que notre vaccin sera au point très prochainement ». Le deuxième dit : « Il
y a 70 % de chances que notre vaccin soit au point très prochainement ».
140
ANNEXE 2
Le vaccin du premier Labo
Le vaccin du deuxième Labo
[…………………………..……………………………………………………………………]
L’orientation
Le baccalauréat en poche, Jérôme se prépare à choisir son orientation pour ses études
universitaires. Deux de ses anciens professeurs discutent du choix que fera Jérôme. Le
premier dit : « Il est probable à 70 % que Jérôme choisisse une filière scientifique ». Le
deuxième dit : « Je suis certain à 70 % que Jérôme choisira une filière littéraire ».
Jérôme choisira une filière scientifique
Jérôme choisira une filière littéraire
[……………………………..…………………………………………………………………]
La plage
Vous êtes allongé sur la plage et juste à côté de vous discutent Brad et Peter deux maîtrenageurs. Brad dit : « Je suis sûr à 60 % que demain il y aura plus de monde qu’aujourd’hui sur
la plage », Peter dit : « Il y a 70 % de chances que demain il y ait moins de monde
qu’aujourd’hui sur la plage ».
Plus de monde sur la plage
Moins de monde sur la plage
[…………………………..……………………………………………………………………]
Le pétrole
Voici les prévisions de deux économistes de l’OPEP sur l’évolution du cours du pétrole dans
les jours à venir. Le premier dit : « Je suis convaincu à 70 % que le cours du pétrole baissera
dans les jours à venir ». Le deuxième dit : « Il est possible à 70 % que le cours du pétrole
augmente dans les jours à venir ».
Le cours du pétrole baissera
Le cours du pétrole augmentera
[…………………………..……………………………………………………………………]
141
ANNEXE 2
Les élections
Deux politologues discutent de l’avenir politique de leurs partis lors des prochaines élections
législatives. Le premier dit : « Il y a 70 % de chances que nous remportions les prochaines
élections législatives ». Le deuxième dit : « Je suis certain à 30 % que nous remporterons les
prochaines élections législatives ».
Le premier parti gagnera
Le deuxième parti gagnera
[……………………………..…………………………………………………………………]
Le séisme
Sur une île du pacifique, deux géologues en expédition discutent de l’activité sismique dans la
région. Le premier dit : « Il est possible à 70 % que la prochaine secousse soit de 5° sur
l’échelle de Richter ». Le second répond : « Je suis sûr à 30 % que la prochaine secousse sera
de 6° sur l’échelle de Richter ».
La secousse sera de 5°
La secousse sera de 6°
[…………………………………………………………………………………………………]
L’hippodrome
Vous assistez à une course de chevaux. Assis à côté de vous, deux passionnés de chevaux
discutent avant le top départ. Alain dit : « Je suis convaincu à 60 % que le cheval N°12
remportera la course ». Bernard dit : « Il est probable à 70 % que le cheval N°17 remporte la
course ».
Cheval N°12 gagnera
Cheval N°17 gagnera
[……………………………..…………………………………………………………………]
142
ANNEXE 2
Tableau des Effectifs
Prévisions numériques
70% vs. 70%
Couple d'expressions
Sûr vs. Prob
Cert vs. Chan
Conv vs. Poss
Internes
11
13
14
Externes
19
17
16
Prévisions numériques
60% vs. 70%
Couple d'expressions
Cert vs. Poss
Sûr vs. Chan
Conv vs. Prob
Internes
8
2
7
Externes
22
28
23
Prévisions numériques
30% vs. 70%
Couple d'expressions
Conv vs. Chan
Cert vs. Prob
Sûr vs. Poss
Internes
3
4
5
Externes
27
26
25
143
ANNEXE 3
ANNEXE 3
CONSIGNE
On vous demande de lire attentivement ces scénarios et de choisir parmi les deux
propositions décrites celle qui vous convient le mieux (entourer votre réponse).
Expliquer si possible en quelques mots les raisons de votre choix (au moins pour deux
des quinze scénarios).
*****************
Le désert
En essayant de rejoindre en Jeep l’oasis de Tozeur dans le désert tunisien ; vous arrivez à un
endroit avec un panneau indiquant deux chemins différents pour atteindre l’oasis sans
spécification de la distance. Alors, vous décidez de vous arrêter pour demander à des
indigènes le meilleur chemin à prendre. L’un vous dit : « Je suis certain à 40 % qu’en
empruntant le chemin du Djérid vous arriverez avant le couché du soleil ». Alors qu’un
deuxième vous dit : « Il y a 70 % de chance qu’en empruntant le chemin de Zarzis vous
arriviez avant le couché du soleil ».
Quel chemin allez-vous prendre ?
Djérid
Zarzis
[……………………………..…………………………………………………………………]
Le voyage
Vous avez décidé de partir en vacances, mais en arrivant à l’aéroport, vous apprenez que les
agents de pistes sont en grève. Ainsi, certains vols partiront à l’heure, d’autres non. Le bureau
des renseignements de l’aéroport n’étant pas en mesure de vous informer, vous décidez
d’attendre. Par chance, vous vous trouvez à côté de deux personnels navigants qui discutent
des horaires des vols. Le premier dit : « Je suis sûr à 60 % que le vol de la compagnie Atlantic
Airways partira à l’heure ». Le deuxième dit : « Il y a 70 % de chances que le vol de la
compagnie Global Airlines parte à l’heure ».
Chez quelle compagnie achèterez-vous votre billet ?
144
ANNEXE 3
Atlantic Airways
Global Airlines
[……………………………..…………………………………………………………………]
Le vitrage
À fin d’insonoriser votre appartement, vous décidez d’opter pour le double vitrage. Hésitant
sur la marque à choisir, vous allez vous renseigner auprès de deux experts indépendants. Le
premier vous dit : « Il est possible à 70 % qu’avec un vitrage Z33 le bruit diminuera
considérablement ». Alors qu’un deuxième vous dit : « Je suis convaincu à 50 % qu’avec un
vitrage X33 le bruit diminuera considérablement ».
Quel vitrage allez-vous installer chez vous ?
Vitrage Z33
Vitrage X33
[……………………………..…………………………………………………………………]
Le ski
Vous avez décidé de partir aux sports d’hiver, mais en route, en écoutant la radio, vous
apprenez qu’à cause du léger réchauffement climatique de ces derniers jours, plusieurs
stations de ski, dans la région où vous vous trouver, ont été fermées pour des raisons de
sécurité, et seules, quelques-unes sont restées ouvertes. À une heure des deux stations les plus
proches, vous décidez de vous arrêter pour demander leur avis à des gens du coin. Le premier
vous dit : « Il y a 70 % de chances que la station M. soit réouverte ». Le deuxième vous
dit : « Je suis convaincu à 70 % que la station R. sera réouverte ».
Vers quelle station allez-vous continuer ?
La station M
La station R
[……………………………..…………………………………………………………………]
Les abdos
Vous voulez muscler vos abdominaux. Mais, avant d’acheter votre matériel, vous décidez de
consulter un site Internet sur la remise en forme. Après avoir posé votre question sur le forum
deux coachs sportifs vous ont répondu. Le premier vous a dit : « Je suis sûr à 40 % qu’avec
AbdoRock, vous aurez de beaux abdos en moins d’un mois ». Alors que le deuxième vous a
145
ANNEXE 3
dit : « Il est probable à 70 % qu’avec AbdoSteel vous ayez de beaux abdos en moins d’un
mois ».
Quel appareil allez-vous acheter ?
AbdoRock
AbdoStell
[……………………………..…………………………………………………………………]
La bourse
Vous songez depuis quelque temps à acheter des actions en bourse. Mais, avant d’investir
vous décidez de vous familiariser avec le milieu financier en allant acheter deux des plus
grands magazines qui traitent des investissements boursiers. Vous lisez dans le premier
magazine un financier déclarer : « Je suis certain à 70 % que le cours de la société TBR
augmentera dans les jours à venir ». Dans le deuxième magazine, un autre financier déclare :
« Il est possible à 70 % que le cours de la société VFX augmente dans les jours à venir ».
Dans quelle société placerez-vous votre argent ?
La société TBR
La société VFX
[……………………………..…………………………………………………………………]
La course
Imaginez que vous êtes allé assister à une course hippique ; n’étant pas expert en chevaux, vous
décidez avant de parier d’aller faire un tour vers les paddocks. En passant à côté de deux anciens
jockeys, vous avez écouté leurs prévisions. Le premier a dit : « Il est probable à 70 % que le cheval
N° 8 gagne la course ». Le deuxième dit : « Je suis convaincu à 30 % que le cheval N° 5 gagnera la
course ».
Sur quel cheval miserez-vous ?
Le cheval N° 8
Le cheval N° 5
[……………………………..…………………………………………………………………]
Le palmier
Vous venez de planter dans votre jardin, un palmier que vous avez ramené du Maroc. Sachant
que cet arbre réagit mal au froid, vous décidez alors d’aller au salon de l’agriculture pour
demander conseil. Après exposition de votre problème, un agronome vous dit : « Il y a 70 %
146
ANNEXE 3
de chances qu’en utilisant l’engrais Ferligon votre arbre résiste au froid ». Alors qu’un
deuxième agronome vous dit : « Je suis sûr à 70 % qu’en utilisant l’engrais Amilgène votre
arbre résistera au froid ».
Quel engrais allez-vous acheter ?
L’engrais Ferligon
L’engrais Amilgène
[…………………………………………………………………………………………………]
Le traitement
Ayant essayé tous les traitements médicamenteux possibles pour soulager votre migraine sans
succès ; vous apprenez en regardant une émission sur la question, l’existence de nouvelles
méthodes thérapeutiques : l’acupuncture et la réflexologie. Mais avant d’entreprendre l’une
ou l’autre, vous décidez de demander leurs avis à deux médecins en leur expliquant votre cas.
Le premier vous dit : « Il est possible à 70 % que l’acupuncture puisse vous soulager ». Le
deuxième vous dit : « Je suis sûr à 50 % que la réflexologie pourra vous soulager ». Mais à
cause de contraintes financières, vous ne pouvez pas vous permettre d’essayer les deux
traitements.
Lequel allez-vous choisir ?
L’acupuncture
La réflexologie
[…………………………………………………………………………………………………]
Le perroquet
Votre Gris du Gabon déprime depuis quelque temps. Alors, vous décidez de lui trouver une
partenaire. Mais ayant cherché sans succès une femelle de même espèce sans succès ; vous
décidez d’aller dans une clinique vétérinaire pour demander l’avis de deux vétérinaires, quant
à la compatibilité entre votre gris du Gabon et des femelles perroquet d’autres espèces. Le
premier vous dit : « Je suis convaincu à 60 % qu’une femelle Karakas lui conviendra ». Alors
qu’un deuxième vous dit : « Il est probable à 70 % qu’une femelle Cacatoès lui convienne ».
Quelle femelle allez-vous lui choisir ?
Une femelle Karakas
Une femelle Cacatoès
[…………………………………………………………………………………………………]
147
ANNEXE 3
La plage
Vous décidez de partir à la mer, mais vous apprenez qu’à cause d’un dégazage sauvage, une
nappe de pétrole se rapproche des côtes et risque d’atteindre dans les heures à venir l’une des
deux plages de la région. En vous renseignant sur l’incident auprès de deux marins pompiers.
Le premier vous dit : « Je suis convaincu à 40 % que la plage A sera épargnée ». Le second
vous dit : « Il est possible à 70 % que la plage B soit épargnée ».
Vers quelle plage allez-vous partir pour vous baigner ?
La plage A
La plage B
[……………………………..…………………………………………………………………]
L’aéroport
Vous apprenez que votre star hollywoodienne préférée va arriver en avion de Los Angeles
d’une minute à l’autre pour assister au festival de Cannes. Alors, vous décidez d’aller à
l’aéroport pour la voir en chair et en os. Cependant, un problème se présente, vous ne savez
pas sur quel aéroport, elle arrivera. Par chance, vous entendez deux paparazzis discuter du
même sujet. Le premier dit : « Il est possible à 70 % qu’elle arrive sur l’aéroport d’Orly ». Le
deuxième dit : « Je suis certain à 50 % qu’elle arrivera sur l’aéroport de Roissy ».
Vers quel aéroport allez-vous vous diriger ?
Roissy
Orly
[…………………………………………………………………………………………………]
Les détectives
Vous soupçonnez depuis quelque temps votre mari d’infidélité, alors vous décidez d’engager
un détective privé. Afin de le choisir vous allez en consulter deux. Après avoir exposé en
détail votre situation, le premier vous dit : « Il est probable à 70 % que je résolve l’affaire
d’ici une semaine ». Le deuxième vous dit : « Je suis sûr à 30 % que je résoudrai l’affaire
d’ici une semaine ».
Quel détective allez-vous engager ?
Le détective A
Le détective B
[…………………………………………………………………………………………………]
148
ANNEXE 3
Les couches
Vous venez d’avoir un bébé, mais vous hésitez sur la marque de couches à choisir. Vous allez
voir deux pharmacies différentes. Le premier pharmacien vous dit : « Je suis certain à 60 %
qu’avec la marque BabyDream le siège de votre bébé ne sera plus irrité ». Le deuxième
pharmacien vous dit : « Il y a 70 % de chances qu’avec la marque BabyCool le siège de votre
bébé ne soit plus irrité ».
Quelle marque allez-vous choisir ?
BabyDream
BabyCool
[…………………………………………………………………………………………………]
Le transport
Une grève des transports publics a été annoncée ; par conséquent le service sera réduit et vous
devez vous rendre d’ici une heure à l’autre bout de la ville pour un entretien d’embauche.
N’ayant pas de véhicule personnel, vous hésitez entre le train et le bus. Vous profitez alors de
la proximité de la gare et du terminus pour aller demander des renseignements dans l'une et
dans l’autre. Désespéré de la situation, vous leur racontez votre histoire. Le contrôleur dans la
gare vous dit : « Je suis certain à 30 % qu’en prenant le train vous arriverez à l’heure à votre
RDV ». Alors que dans le terminus des bus l’autre contrôleur vous dit : « Il est probable à
70 % qu’en prenant le bus vous arriviez à l’heure à votre RDV ».
Quel moyen de transport allez-vous choisir ?
Le train
Le bus
[……………………………..…………………………………………………………………]
149
ANNEXE 4
ANNEXE 4
LES CONSIGNES :
CONSIGNE « a » : « il est sûr » vs. « il me paraît »
Dans cette expérience, nous allons vous présenter des évaluations numériques et des
expressions verbales. Votre tâche consiste à juger de la concordance de chacune des
évaluations numériques avec chacune des expressions verbales présentées.
Veuillez lire attentivement l’exemple suivant jusqu'à ce que vous soyez sûre d’avoir compris
la tâche.
Exemple : Si quelqu’un vous dit : « Il y a de fortes chances qu’il pleuve demain ».
Sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude
totale), selon vous est-ce que le chiffre « 1 » traduit bien l’incertitude exprimée par la
personne? (entourez votre réponse)
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Normalement les réponses devraient être soit A soit B. Parce que le chiffre « 1 » décrit plutôt
une très faible certitude donc ne convient pas à l’expression « fortes chances ».
Maintenant, si vous avez compris vous pouvez commencer.
**********
Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il est sûr que l’événement X aura lieu ».
Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la
certitude totale), est-ce que le chiffre « 7 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne
(entourez votre réponse) ?
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
150
ANNEXE 4
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
**********
Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il me paraît que l’événement X aura lieu ».
Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la
certitude totale), est-ce que le chiffre « 4 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne
(entourez votre réponse) ?
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
151
ANNEXE 4
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
152
ANNEXE 4
CONSIGNE « b » : « il me semble » vs. « il est certain »
Dans cette expérience, nous allons vous présenter des évaluations numériques et des
expressions verbales. Votre tâche consiste à juger de la concordance de chacune des
évaluations numériques avec chacune des expressions verbales présentées.
Veuillez lire attentivement l’exemple suivant jusqu'à ce que vous soyez sûre d’avoir compris
la tâche.
Exemple : Si quelqu’un vous dit : « Il y a de fortes chances qu’il pleuve demain ».
Sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude
totale), selon vous est-ce que le chiffre « 1 » traduit bien l’incertitude exprimée par la
personne? (entourez votre réponse)
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Normalement les réponses devraient être soit A soit B. Parce que le chiffre « 1 » décrit plutôt
une très faible certitude donc ne convient pas à l’expression « fortes chances ».
Maintenant, si vous avez compris vous pouvez commencer.
**********
Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il me semble que l’événement X aura lieu ».
Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la
certitude totale), est-ce que le chiffre « 2 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne
(entourez votre réponse) ?
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
153
ANNEXE 4
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
**********
Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il est certain que l’événement X aura lieu ».
Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la
certitude totale), est-ce que le chiffre « 6 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne
(entourez votre réponse) ?
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression
154
ANNEXE 4
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
155
ANNEXE 4
CONSIGNE « c » : « Je suis sûr » vs. « il semble »
Dans cette expérience, nous allons vous présenter des évaluations numériques et des
expressions verbales. Votre tâche consiste à juger de la concordance de chacune des
évaluations numériques avec chacune des expressions verbales présentées.
Veuillez lire attentivement l’exemple suivant jusqu'à ce que vous soyez sûre d’avoir compris
la tâche.
Exemple : Si quelqu’un vous dit : « Il y a de fortes chances qu’il pleuve demain ».
Sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude
totale), selon vous est-ce que le chiffre « 1 » traduit bien l’incertitude exprimée par la
personne? (entourez votre réponse)
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Normalement les réponses devraient être soit A soit B. Parce que le chiffre « 1 » décrit plutôt
une très faible certitude donc ne convient pas à l’expression « fortes chances ».
Maintenant, si vous avez compris vous pouvez commencer.
**********
Imaginez que quelqu’un vous dise : « Je suis sûr que l’événement X aura lieu ».
Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la
certitude totale), est-ce que le chiffre « 8 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne
(entourez votre réponse) ?
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
156
ANNEXE 4
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
**********
Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il semble que l’événement X aura lieu ».
Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la
certitude totale), est-ce que le chiffre « 1 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne
(entourez votre réponse) ?
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression
157
ANNEXE 4
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
158
ANNEXE 4
CONSIGNE « d » : « il paraît » vs. « je suis certain »
Dans cette expérience, nous allons vous présenter des évaluations numériques et des
expressions verbales. Votre tâche consiste à juger de la concordance de chacune des
évaluations numériques avec chacune des expressions verbales présentées.
Veuillez lire attentivement l’exemple suivant jusqu'à ce que vous soyez sûre d’avoir compris
la tâche.
Exemple : Si quelqu’un vous dit : « Il y a de fortes chances qu’il pleuve demain ».
Sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la certitude
totale), selon vous est-ce que le chiffre « 1 » traduit bien l’incertitude exprimée par la
personne? (entourez votre réponse)
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Normalement les réponses devraient être soit A soit B. Parce que le chiffre « 1 » décrit plutôt
une très faible certitude donc ne convient pas à l’expression « fortes chances ».
Maintenant, si vous avez compris vous pouvez commencer.
**********
Imaginez que quelqu’un vous dise : « Il paraît que l’événement X aura lieu ».
Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la
certitude totale), est-ce que le chiffre « 5 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne
(entourez votre réponse) ?
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
159
ANNEXE 4
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 9 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
**********
Imaginez que quelqu’un vous dise : « Je suis certain que l’événement X aura lieu ».
Selon vous sur une échelle qui va de 1 à 10 (où le 1 signifie l’incertitude totale et le 10 la
certitude totale), est-ce que le chiffre « 9 » traduit bien l’incertitude exprimée par la personne
(entourez votre réponse) ?
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 5 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 1 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
160
ANNEXE 4
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 4 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 7 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 10 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 8 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 3 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 2 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
Selon vous jusqu'à quel point le chiffre « 6 » traduit bien l’expression
Ne traduit pas du tout
A—B—C—D—E—F Traduit parfaitement
161
ANNEXE 4
LES RÉSULTATS DE TOUS LES DEGRÉS DE L’ECHELLE DE CONVENANCE :
Tableau 1. Pourcentages des réponses selon le degré de convenance de chacune des valeurs de l’échelle
d’évaluation pour la traduction numérique de chacune des deux variantes (interne vs. interne en
formulation externe) de l’expression « Sûr »
Valeurs de l'échelle
Degrés de
Types
convenance
d'expressions
1
A
Interne
88.24
Interne en FE
100
Interne
5.88
Interne en FE
0
Interne
0
0
Interne en FE
0
0
Interne
0
0
0
0
Interne en FE
0
0
0
0
Interne
5.88
0
0
0
0
5.88 29.41 58.82 35.29 5.88
Interne en FE
0
0
0
0
0
13.33 26.67
Interne
0
0
0
0
0
0
0
5.88 64.71 88.24
Interne en FE
0
0
0
0
0
0
0
13.33 46.67 93.33
B
C
D
E
F
2
3
4
5
6
7
8
9
10
0
0
0
5.88
0
0
66.67 26.67 33.33 13.33 6.67 13.33
0
0
0
76.47 82.35 41.18 17.65
23.53 17.65 5.88
33.33 66.67
0
40
0
0
0
0
0
13.33
20
0
0
0
0
0
0
20
0
0
17.65 41.18 64.71 29.41
0
5.88
13.33 46.67 33.33 26.67
0
0
20
52.94 64.71 52.94 5.88
6.67 26.67 53.33
20
6.67
40
53.33 6.67
162
ANNEXE 4
Tableau 2. Pourcentages des réponses selon le degré de convenance de chacune des valeurs de l’échelle
d’évaluation pour la traduction numérique de chacune des deux variantes (interne vs. interne en
formulation externe) de l’expression « Certain »
Valeurs de l'échelle
Degrés de
Types
convenance
d'expressions
1
A
Interne
85.71
42.86 21.43 14.29 14.29 7.143
Interne en FE
94.74
73.68 47.37 21.05 15.79 21.05 10.53 5.26
Interne
7.14
Interne en FE
5.26
Interne
0
Interne en FE
0
0
Interne
0
0
0
7.14
Interne en FE
0
0
0
0
Interne
0
0
0
Interne en FE
0
0
Interne
7.14
Interne en FE
0
B
C
D
E
F
2
50
3
4
5
64.29 28.57 28.57
6
0
7
8
9
10
0
0
28.57
0
5.26
0
21.43
0
7.14
0
26.32 47.37 42.11 31.58 26.32
0
5.26
0
0
7.14 14.29 42.86 42.86 28.57
0
0
7.14
0
0
0
0
7.14 57.14 57.14 14.29
0
7.14
10.53 26.32 52.63 26.32
0
0
7.14
7.14
50
7.14
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
5.26
0
5.26 36.84 42.11 21.05 5.26
7.14 21.43 85.71
31.58 57.89 36.84 10.53
0
7.14 85.71
5.26 57.89 89.47
163
ANNEXE 4
Tableau 3. Pourcentages des réponses selon le degré de convenance de chacune des valeurs de l’échelle
d’évaluation pour la traduction numérique de chacune des deux variantes (interne vs. interne en
formulation externe) de l’expression « Paraît »
Valeurs de l'échelle
Degrés de
Types
convenance
d'expressions
1
2
3
4
5
6
7
A
Interne
53.33
20
0
6.67
0
6.67
6.67
Interne en FE
75
50
0
0
6.25
0
0
Interne
0
26.67
53.33 13.33 26.67 13.33 33.33
Interne en FE
6.25
12.5
37.5
Interne
6.67
6.67
6.67
Interne en FE
6.25
12.5
18.75
Interne
0
13.33
6.67
Interne en FE
0
0
Interne
13.33
26.67
26.67
0
0
Interne en FE
0
12.5
25
12.5
37.5
6.25
25
Interne
26.67
6.67
6.67
0
6.67
0
6.67
Interne en FE
12.5
12.5
0
6.25
6.25
0
6.25
B
C
D
E
F
8
9
6.67 46.67
10
60
0
31.25 31.25
40
6.67
0
12.5 18.75 18.75 31.25 37.5
12.5
6.25
33.33 53.33 46.67 13.33 6.67
0
0
6.25
0
6.25
0
6.67
0
0
6.25
6.25
50
12.5
25
12.5
46.67 13.33 26.67 26.67
18.75 18.75 18.75
50
25
6.67 13.33 46.67 26.67
0
43.75 31.25 12.5
0
13.33
40
12.5 18.75 37.5
164
ANNEXE 4
Tableau 4. Pourcentages des réponses selon le degré de convenance de chacune des valeurs de l’échelle
d’évaluation pour la traduction numérique de chacune des deux variantes (interne vs. interne en
formulation externe) de l’expression « Semble »
Valeurs de l'échelle
Degrés de
Types
convenance
d'expressions
1
2
3
4
5
A
Interne
57.89
0
5.26
0
0
Interne en FE
33.33
27.78
0
0
0
Interne
21.05
47.37 63.16 15.79 10.53 10.53 5.26 36.84 10.53 10.53
Interne en FE
16.67
33.33 27.78 22.22 5.56 11.11 44.44 33.33 11.11 11.11
Interne
5.26
36.84
Interne en FE
5.56
11.11 16.67 22.22 55.56 33.33 5.56
Interne
5.26
5.26
Interne en FE
11.11
0
Interne
10.53
10.53 10.53 10.53 31.58 26.32 26.32 36.84 15.79 5.26
Interne en FE
16.67
11.11 22.22 33.33 11.11 11.11 16.67 27.78 11.11 5.56
Interne
0
0
Interne en FE
16.67
16.67
B
C
D
E
F
6
7
8
9
10
10.53 26.32 10.53 42.11 52.63
0
11.11 11.11
5.26 42.11 47.37 15.79 10.53 5.26
50
44.44
5.26
0
5.56
5.56
0
0
5.26
0
27.78 22.22 11.11 38.89 22.22 16.67 5.56
0
10.53 21.05 5.26 36.84 31.58
5.26 10.53 5.26
5.56
0
0
16.67 5.56
0
10.53 21.05 31.58
0
5.56 16.67 38.89
165
ANNEXE 5
ANNEXE 5
CONSIGNE « a »
Enoncé : « Cet arbre mourra un jour »
Les phrases suivantes expriment différents degrés de certitude concernant,
la réalisation de cet évènement.
Je suis sûr que cet arbre mourra un jour [ ]
Je suppose que cet arbre mourra un jour [ ]
Je pense que cet arbre mourra un jour [ ]
Je suis certain que cet arbre mourra un jour [ ]
Il me semble que cet arbre mourra un jour [
]
Je suis convaincu que cet arbre mourra un jour [ ]
Il me paraît que cet arbre mourra un jour [ ]
On vous demande d’attribuer à chacune de ces phrases un chiffre sur une
échelle de 0 à 10. Le chiffre 0 signifie l’incertitude totale quant à la réalisation
de l’évènement et, le chiffre 10 signifie la certitude totale que l’arbre mourra un
jour.
166
ANNEXE 5
CONSIGNE « b »
Enoncé : « Cette voiture va tourner à droite »
Les phrases suivantes expriment différents degrés de certitude concernant,
la réalisation de cet évènement.
Je suis sûr que la voiture va tourner à droite [
]
Je suppose que la voiture va tourner à droite [
]
Je pense que la voiture va tourner à droite [
]
Je suis certain que la voiture va tourner à droite [
Il me semble que la voiture va tourner à droite [
]
]
Je suis convaincu que la voiture va tourner à droite [
Il me paraît que la voiture va tourner à droite [
]
]
On vous demande d’attribuer à chacune de ces phrases un chiffre sur une
échelle de 0 à 10. Le chiffre 0 signifie l’incertitude totale quant à la réalisation
de l’évènement et, le chiffre 10 signifie la certitude totale que la voiture va
tourner à droite.
167
ANNEXE 5
CONSIGNE « c »
Enoncé : « Une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à
venir »
Les phrases suivantes expriment différents degrés de certitude concernant,
la réalisation de cet évènement.
Je suis sûr qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ]
Je suppose qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ]
Je pense qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ]
Je suis certain qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir
[ ]
Il me semble qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [
]
Je suis convaincu qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à
venir [
]
Il me paraît qu’une invasion extraterrestre va avoir lieu dans les jours à venir [ ]
On vous demande d’attribuer à chacune de ces phrases un chiffre sur une
échelle de 0 à 10. Le chiffre 0 signifie l’incertitude totale quant à la réalisation
de l’évènement et, le chiffre 10 signifie la certitude totale qu’une invasion
extraterrestre va avoir lieu dans les jours avenirs.
168
ANNEXE 6
ANNEXE 6
CONSIGNE
« Imaginez un événement quelconque que l’on peut appeler X. Cet événement a
des chances de se produire, et on peut exprimer ces chances au moyen d’une
expression verbale. Les phrases suivantes expriment différents degrés de
certitude concernant la réalisation de l’évènement X.
Je suis convaincu que l’évènement X va se produire { - }
Il me semble que l’évènement X va se produire { - }
Il me paraît que l’évènement X va se produire { - }
Je suppose que l’évènement X va se produire { - }
Je suis sûr que l’évènement X va se produire { - }
Je pense que l’évènement X va se produire { - }
Je suis certain que l’évènement X va se produire { - }
On vous demande de délimiter chaque expression par un intervalle,
autrement dit, de définir pour chaque expression sa valeur minimale et sa valeur
maximale sur une échelle de 0 à 10. Le chiffre 0 exprime l’incertitude totale
quant à la réalisation de l’évènement X et le chiffre 10 exprime la certitude
totale que l’évènement X va se produire ».
169
ANNEXE 7
ANNEXE 7
DÉTAILS SUR LES ANALYSES ADOPTÉES
Le test de proportions « Epsilon » :
Ce test sert à comparer deux pourcentages observés.
Décision :
•
Si µ > µ alpha, on rejette H0. Il existe une différence statistiquement significative et on
cherche de degré de signification p.
•
Si µ < µ alpha, on ne peut pas rejeter H0.
Remarque : le µ est la racine carrée du khi deux que l’on aurait pu calculer.
Formule : µ =
Pa − Pb
P × (1 − P )
+
Na
P × (1 − P)
Nb
Pa : Proportion de a
Pb : Proportion de b
Na : Effectif de a
Nb : Effectif de b
P : Il faut d’abord calculer Na+ (=Na*Pa) et Nb+(Nb*Pb)
P= (Na+ + Nb+)/(Na+Nb)
170
ANNEXE 7
Application : (exemple sur la condition Sûr vs. Chance pour la condition de prévision 70 %
vs. 70 %).
J’ai deux proportions observées Pa = 0.67 et Pb = 0.23
Mon effectif est le même donc Na = Nb = 48
Na+ = 24 * 0.67 = 16,08
Nb+ = 24 * 0.23 = 5,52
P = (16,08 + 5,52) / (24+24) = 0,45
Il ne reste plus qu’a appliquer la formule. On obtient, µ = 3,33
µ 3,33 > 1,96 (i.e., µ alpha à 5%) donc on admet H0. Cette différence est significative au seuil
p = .0017 ( À lire dans la table de l’epsilon)
171
ANNEXE 7
La Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) ou Clusters Analysis
Définition :
La CAH utilise des mesures de dissemblance ou de distance entre les objets pour former des
classes. Ces distances peuvent être basées sur une ou plusieurs dimensions. L’algorithme de la
CAH ne tient pas compte de la nature des distances qui lui sont indiquées ; peu importe donc
qu’il s’agisse de véritables distances, ou d’autres mesures dérivées qui peuvent être plus
explicites pour uu chercheurs.
Mesure :
Pour la mesure des distances, la distance euclidienne est probablement le type de distance le
plus couramment utilisé. Ces distances sont calculées à partir des données brutes. La distance
Euclidienne standard peut être élevé au carré afin de « surpondérer » les objets atypiques
(éloignés).
Règle d’agrégation :
La règle d’agrégation détermine le moment où deux classes seront suffisamment similaires
pour n’en former qu’une seule. Plusieurs possibilités sont offertes : par exemple, nous
pourrions lier deux classes ensemble lorsque chacun des deux objets dans les deux classes est
plus proche de l’autre que de la distance d’agrégation respective. Ou encore, nous pouvons
utiliser les « plus proches voisins » au sein des classes pour déterminer les distances entre
classes.
La méthode d’agrégation que nous avons utilisée est la Méthode de Ward. Cette méthode se
distingue de toutes les autres méthodes d’agrégation en ce sens qu’elle utilise une analyse de
la variance rapprochée afin d’évaluer les distances entre classes. En résumé, cette méthode
172
ANNEXE 7
tente de minimiser la Somme des Carrés de tous les couples (hypothétiques) de classes
pouvant être formée à chaque étape. (se référer à Ward, 1963 pour les détails concernant cette
méthode).
Le distance se calcule ainsi : (x, y ) = ∑i ( xi − yi )²
173