la meilleure amie du cheval
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la meilleure amie du cheval
LA MEILLEURE AMIE DU CHEVAL Fondatrice et présidente du Refuge de Darwyn, Anouk Thibaud recueille dans la campagne genevoise des équidés âgés, maltraités, abandonnés ou séquestrés afin de leur procurer gîte, couvert et soins. Visite de cette «SPA» pour canassons mal-aimés. Ala sortie du village de Sézenove, en pleine campagne genevoise, un drôle de «ranch»: le Refuge de Darwyn. Anouk Thibaud, la maîtresse des lieux, nous fait faire le tour du propriétaire: neuf hectares de terrain, un manège, des écuries et des boxes, un tipi et un saloon qui fait office de restaurant. Et surtout, des chevaux et quelques ânes, un troupeau de négligés, d’abîmés, d’abandonnés, d’éclopés, de décrépits… Un combat sur plusieurs fronts «La mission principale de notre association, c’est la protection des équidés!» Un combat que cette trentenaire mène sur plusieurs fronts: sauvetage de bêtes valides destinées à l’abattoir, prise en charge de montures vieilles ou maltraitées, accueil d’animaux séquestrés par la justice, placement de bourricots et de haridelles remis en état de marche. Une poignée d’employées, plusieurs bénévoles et quelques personnes en réinsertion l’épaulent quotidiennement. Ponette (16 ans) est seule dans l’enclos qu’elle partage habituellement avec deux appaloosas aveugles. «On ne l’a pas sortie, parce que le maréchal-ferrant doit s’en occuper aujourd’hui.» Notre hôte a récupéré cette rossinante en mai 2009: «Elle ne pouvait plus se lever tellement ses sabots étaient déformés. Son propriétaire était tout content de s’en débarrasser.» La voilà qui s’avance vers nous, en trottant prudemment. «Elle a retrouvé sa joie de vivre.» Depuis sa création, il y a dix ans, le Refuge de Darwyn a recueilli plus de 200 canassons malaimés et aidé une centaine de personnes qui voulaient se défaire de leurs compagnons à crinière. «Au début, on me prenait pour une folle. Maintenant, les gens ont compris l’utilité de notre action. On est vraiment devenu la SPA du cheval!» Anouk Thibaud est une battante, pas le genre à refuser les obstacles. Une quarantaine de plaintes traitées par an D’ailleurs, il en faut du courage – à l’instar du petit cheval blanc de Georges Brassens – pour s’en aller dialoguer, comme elle le fait, avec des personnes suspectées de maltraitance. Que ce soit en Suisse romande ou en France voisine. «On reçoit une bonne quarantaine de plaintes par an et on va vérifier sur place si elles sont justifiées. La plupart du temps, ça passe. Mais parfois, ça casse et on doit dénoncer le cas aux autorités et suivre le dossier. » Il est même arrivé que certains de ses interlocuteurs sortent le fusil… Cette femme de tête pointe son index en direction d’un grand parc où s’ébrouent onze franchesmontagnes. «Avant leur évacuation, en février dernier, ces juments vivaient entassées dans une écurie exiguë, fermée et sans lumière dont le sol était recouvert de 60 cm de fumier.» Une étable, située dans le Val-de-Travers, où elles hivernaient. Alerté par l’association d’Anouk Thibaud, le vétérinaire cantonal neuchâtelois a ordonné leur séquestre préventif et placé le troupeau à Sézenove jusqu’à décision du tribunal. Avec tous ces pensionnaires, ce «ranch» arrive à saturation. Anouk Thibaud a encore reçu deux appels ce matin de cavaliers qui cherchaient à faire adopter leur fidèle destrier. «On a le projet de construire un lieu pour les chevaux que nous confient les autorités, une sorte de fourrière suisse. On cherche du terrain, une ferme à retaper et des sous bien sûr.» Cette amazone a déjà l’habitude de galoper après l’argent pour faire tourner son manège. «Un cheval coûte 6000 francs par année, sans compter les imprévus.» Pour boucler ses fins de mois difficiles, le Refuge de Darwyn met sur pied des animations pour les enfants (camps d’été et anniversaires), tire quelques picaillons du merchandising, reçoit des dons et bénéficie de la générosité de diverses fondations privées. «Nous avons aussi des parrains ainsi que plus de 1600 membres cotisants. Et nous percevons 10% du chiffre d’affaires du restaurant mis récemment en gérance.» Tout ça sans que cette association ne vende son âme au diable… «Ici, il n’y aura jamais de viande de cheval à la carte. C’est marqué noir sur blanc dans le contrat.» TEXTE ALAIN PORTNER / PHOTOS NICOLAS RIGHETTI / REZO Infos et contact: le Refuge de Darwyn, chemin du Clos, 1233 Sézenove (GE), tél. 078'666'86'49, [email protected], www.refugedarwyn.ch. ELLE N’A PEUR DE PERSONNE EN HARLEY DAVIDSON Anouk Thibaud (35 ans) se défend d’être une militante intégriste de la cause animale. «Le cheval reste un cheval. Il faut demeurer humain avant tout.» Mais c’est vrai qu’elle voue une passion sans bornes pour les équidés. Pas pour les étalons pleins papiers, mais pour les rosses mises de côté. «Mon plaisir, c’est de sortir les chevaux de la galère et de les remettre en état pour qu’ils reprennent goût à la vie.» Mais si une bête ne peut pas être sauvée, elle n’hésitera pas à la faire euthanasier. Son amour pour la plus noble conquête de l’homme remonte à l’enfance. Sa chambre de jeune fille était tapissée de posters de belles montures. «Je dessinais des chevaux dans les marges de mes cahiers d’école pendant les cours.» A 14 ans, elle achète «Fleurette». «Son propriétaire me l’a vendue, parce qu’il ne pouvait pas honorer sa facture d’électricité. C’était une jument de 17 ans dont personne ne voulait.» Puis, il y a eu «Darwyn», un poulain qui donnera son nom au refuge qu’elle fondera ultérieurement. Avec ce dernier, qu’elle monte à cru faute de pouvoir s’offrir une selle (elle additionne déjà les petits boulots pour payer la pension de ses protégés!), Anouk Thibaud nouera une relation forte. «On était très complices. Il m’a aidée à surmonter le deuil de mon père. Ça a été une véritable bouée de secours pour moi.» A la mort de ce compagnon à quatre pattes, Anouk Thibaud quitte l’écurie de propriétaires qu’elle gérait et abandonne le milieu équestre. Provisoirement. Un an plus tard, en effet, la revoilà à la tête d’une pension pour équidés. Là, cette employée de commerce de formation, qui a appris sur le tas à s’occuper des chevaux, commence de recueillir un, puis deux, puis cinq destriers sans avenir. Histoire de leur donner une seconde chance. En 2000, cette amazone crée l’association pour se protéger juridiquement. Quatre ans plus tard, le Refuge de Darwyn s’implante à Sézenove, dans ses murs actuels. La même année, Anouk Thibaud devient maman d’une petite Tessy, âgée aujourd’hui de 6 ans et demi. «Elle aime les chevaux tout comme moi.» Cette fillette fait d’ailleurs déjà un peu d’équitation. Contrairement à sa mère qui n’apprécie plus guère la monte. «Pour me vider la tête, je préfère chevaucher ma Harley Davidson!» © Migros Magazine