Art contemporain: Peinture-photographie: Art contemporain

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Art contemporain: Peinture-photographie: Art contemporain
Arts et culture
Art contemporain:
Peinture-photographie:
COMPLÉMENTARITÉ ET DÉPENDANCE
LES NOUVELLES DIMENSIONS DU VISIBLE
Photos: Saër Karam © 2005-2006
A notre époque, le rôle de
l’image dans l’espace de
notre vie quotidienne n’est
plus à démontrer. Nous
sommes en plein immergés
dans la civilisation de
l’image. En effet, l’œuvre
d’art: peinture, sculpture,
photographie, art vidéo,
animation, technique
d’impression, installation,
communique aux
observateurs des idées, des
contenus, des messages.
Elle s’inscrit dans le
contexte artistique, socioculturel et historique de
notre société. Ainsi,
l’œuvre du plasticien
devient-elle un livre dans
lequel chaque réalisation
apparaît avec un langage
qui lui est propre.
LA PHOTO, SUPPORT DE L’ŒUVRE PEINTE
Avant d’aborder l’importance que l’art photographique a
acquise de nos jours, il paraît important de signaler, que
l’irruption de la photo, au milieu du XIXème siècle a eu, par
rapport à la peinture, les dimensions d’une mutation capitale. C’est bien
grâce à la photographie que Degas, l’un des chefs de file de
l’impressionnisme, est parvenu à décomposer le mouvement des ballerines
ou celui du cheval au galop. Mais, bien avant l’invention de la photo au
XIXème siècle, des peintres tel Canaletto au XVIIIème siècle, ont eu recours
à des procédés mécaniques, entre autres la “chambre optique”, pour mieux
saisir la “vérité”, de la manière la plus rationnelle et la plus objective. Le
recours à des procédés mécaniques les aidait à travailler plus vite et à
multiplier les œuvres, sans rien perdre en qualité plastique. Si, entre
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l’art photographique comme support de leurs œuvres, les
hyperréalistes, eux, déclarent se soumettre entièrement aux
indications de leur épiscope. C’est tout juste si certains - tel
Warhol - se sont accordé le droit de tenter de manière quelque
peu arbitraire un agrandissement de photo ou de photo de presse.
Les hyperréalistes, ainsi qu’un grand nombre de plasticiens
figuratifs, ont pris acte du fait que la réalité d’aujourd’hui est,
d’abord, constituée par la prolifération des images
photographiques ou technologiques… Aussi, pour eux, l’art
réside-t-il dans une complémentarité et même, peut-être, une
dépendance entre la photo et l’œuvre peinte. Force étant
d’admettre que si l’œuvre est moins forte, moins évidente, moins
vraie que la photo, c’est qu’elle est ratée. Ces artistes plasticiens
n’ont aucun problème à s’approprier des photos, réalisées par des
professionnels, des artistes et des reporters-photographes et de
les retravailler, picturalement, aux moyens de la peinture, des
techniques d’impression ou de l’art sur ordinateur.
Canaletto, bardé de son appareillage rudimentaire et Degas, utilisant avec
émerveillement l’instantané, il y a une différence de degré dans la
perfection du procédé, il n’y a pas vraiment de différence de nature dans
l’aide mécanique et son utilisation. Aussi, à partir du XIXème siècle, les
artistes-peintres, notamment les impressionnistes et leurs diverses
postérités, se sont-ils largement servis de l’art photographique, réalisant
pleinement ses conséquences bénéfiques quant à la nouvelle dimension du
visible. Elargissant, ainsi, grâce à la photographie, le champ de leurs
expériences. Les touchantes “photos-peintures” du début du siècle
retouchées au pinceau, constituaient un nouveau langage plastique en soi
et permettaient de réaliser des œuvres séduisantes, pas trop chères pour
la clientèle “petite - bourgeoisie”. Et si, tout au long du XXème siècle, un
grand pourcentage d’artistes figuratifs contemporains ont eu recours à
Ces vingt dernières années, la peinture, après un long parcours
allant de l’abstraction au conceptuel, est en train de s’affranchir
du formalisme de la “non-image”, qui avait failli l’emprisonner,
pour redécouvrir - non pas seulement la figuration - mais
l’identité même du monde, une identité faite d’une accumulation
indéfinie d’images, avec lesquelles elle réagit et entre lesquelles
elle choisit. Le nombre des artistes figuratifs contemporains, qui
considèrent que la photographie pourrait être un intermédiaire
idéal pour aboutir à la créativité, augmente de plus en plus. Ceuxlà prennent des photos eux-mêmes, pour réaliser leurs tableaux
ou bien ils les saisissent dans des magazines, dans des films
vidéo ou sur Internet. Les documents sélectionnés sont, par la
suite, insensiblement décalés par cadrage, collage, montage,
juxtaposition ou omission, la composition ou les compositions
définitives étant ensuite projetées sur le support: papier, toile,
bois, mur, etc…
L’artiste dessine, d’abord, minutieusement, les contours; puis,
peint l’œuvre avec une certaine marge d’interprétation
personnelle qui mène à un langage plastique spécifique et,
parfois, à la créativité. Ici, l’ensemble des documents utilisés et
des diverses techniques auxquelles l’artiste a recours,
s’incorpore à la composition pour signifier l’œuvre et la qualifier,
esthétiquement, au même titre que la peinture académique,
impressionniste, cubique, surréaliste, abstraite… Avec cette
façon de procéder, l’artiste cherche à communiquer une émotion,
un message, non à transmettre, avec une virtuosité technique,
une simple information. On est donc très loin de l’art
“impersonnel” des hyperréalistes. En conclusion, depuis le
XIXème siècle et tout au long du XXème, la photographie a aidé les
peintres à renouveler leurs sujets. Tout particulièrement, ces
vingt dernières années, elle a jeté le trouble dans l’art et a obligé
les artistes à reconquérir un nouveau visible.
La création artistique contemporaine a démontré que la peinture
et la photographie ne se trouvent, en aucun cas, dans une relation
de soumission l’une avec l’autre mais, au contraire, dans un
rapport de complémentarité, au terme duquel “l’art” avec un
grand “A” est toujours gagnant.
NICOLE MALHAMÉ HARFOUCHE
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