Frères hospitaliers de Saint Jean de Dieu La charité de

Transcription

Frères hospitaliers de Saint Jean de Dieu La charité de
La maison de force de la Charité
et les Frères de Saint-Jean de Dieu1.
Cette maison se trouvait dans la paroisse de Cendres, d’origine très ancienne, donnée à
l’abbaye de Marmoutiers vers 1060 par Haimon, fondateur du prieuré de Sougeal. Il n’est pas
impossible que cette église, simple chapelle de moines à l’origine, eût été érigée en église
paroissiale pour remplacer celle de Saint-Samson sur Isle.
Le bourg de Cendres formait comme un faubourg de Pontorson du côté breton du
Couesnon. Son église dédiée à Saint-Etienne avait pour seigneur supérieur et fondateur le sire
de Combourg ; son recteur était nommé alternativement par le pape et l’évêque de Dol, de
l’évêché dont elle dépendait.
Les bourgeois de Pontorson fondèrent non loin de cette église un hôpital tenu par les frères
de la Charité de Saint-Jean de Dieu. Cette maison dédiée à Saint-Antoine et gouvernée par un
prieur que présentait le général2 de Pontorson avait des terres en Cendres, Pleine-Fougères,
Saint-Georges de Gréhaigne.
Frères hospitaliers de Saint Jean de Dieu
L’Ordre des Frères de la Charité ou des Frères hospitaliers de Saint Jean de Dieu fut fondé
par Joao Cidade3 au Portugal en 1540 pour le soin des malades. Ses membres avaient une
certaine compétence en médecine et pharmacie. Il a pour mission de “guérir les corps et
sauver les âmes“, à quoi s’ajoute un geste de charité : le don d’un pécule à la sortie de
l’hôpital pour aider les patients à reprendre une vie normale.
Par lettre patente de mars 1602, Henri IV permit aux frères de la Charité de Saint-Jean de
Dieu de s'
établir en France. Paris devient rapidement le centre névralgique de l'
Ordre des
Frères en France grâce à Marie de Médicis qui leur donne un terrain dans le faubourg SaintGermain pour construire l’hôpital de la Charité (1613). A la Charité les novices se forment à
la vie religieuse et bien à la médecine et à la chirurgie, les cours durent 3 ans.
établissements
Au XVIIème et du XVIIIème siècles, les Frères fondent une quarantaine d'
hospitaliers : 34 en France métropolitaine4 et 9 dans les possessions coloniales5.
Les fondations se font au grès des demandes. Elles émanent du Roi, de l'
Armée, des
Evêques ou des aristocrates locaux.
La Province religieuse ainsi constituée, comporte 3 types d'
établissements :
Des hôpitaux urbains assez importantes6 comme à Paris et à Grenoble ; des écoles de
chirurgie y sont alors annexées.
Des hôpitaux destinés aux militaires, comme à Saintes ou à la Rochelle.
Et enfin des petits hôpitaux, proches de dispensaires ruraux d'
une dizaine de lits.
Enfin les Frères de saint Jean de Dieu se distinguent également dans la France de l'
Ancien
Régime en annexant à certains de leurs Hôpitaux7 des pensionnats où ils reçoivent et soignent
les insensés. Ils fondent deux établissements particulièrement destinés au soulagement des
aliénés : à Senlis et surtout à Charenton.
La charité de Pontorson
Le 22 août 1644, Louis XIV fait écrire aux habitants de Pontorson de confier la Maison
dieu aux frères de la Charité de Saint-Jean de Dieu. Ils suivront ce conseil.
Les Frères de la Charité firent renouveler leurs titres à la propriété de l'
hôpital de Pontorson
par des lettres de " surannation "8 datées du 22 février 1738 et dont l'
enregistrement eut lieu en
la Cour des Comptes, aides et finances, le 28 septembre 1740.
Jusqu'
à la Révolution, les Frères travaillèrent au service des malades et des pauvres.
Plusieurs succombèrent à la tâche.
La nécrologie de la Province française donne le nom de treize religieux de la Charité
décédés à Pontorson : Hilaire Hautefeuille, mort le 4 août 1658 ; Etienne Forterat ? ;
Hyacinthe Chanon, le 28 février 1706 ; Mathias Bignon, le 11Novembre 1708 ; Calixte
Dangers, le 8 mars 1719 ; Bon Cavrel, le 31 octobre 1748 ; Irénée Colnel de Clairville, le 18
août 1767 ; Eustache Héduin, le 17 mars 1765 ; Achille Copineau, le 12 décembre 1768 ;
Exupère Magnier, le 12 décembre 1779 ; Coudray Prieur, le 19 novembre 1788 ; Eloi Ménan,
le 16 juin 1789 ; Joachim Poisson, le 26 novembre 1789.
L'
hôpital de Pontorson contenait six lits affectés indistinctement au service de la médecine
ou de la chirurgie ; et les trois religieux chargés de le desservir partageaient leurs soins entre
les pauvres malades et trente-six pensionnaires. Il y avait en outre cinq domestiques et deux
lessiviers.
La maison de force
Les religieux reçoivent dans leur maison de Pontorson soit par ordre du roi, soit par
convention avec les parents, des indésirables. De ces pensionnaires on distingue trois
catégories : " ceux dont l'
esprit est aliéné et que leur imbécillité rend incapables de se
conduire dans le monde ou que leurs fureurs rendaient dangereux, des fous ; Ceux qui sans
avoir troublé l'
ordre public par des délits, sans être assujettis à la sévérité des peines, se sont
livrés à l'
excès du libertinage, de la débauche, de la dissipation, ceux qui ont commis vol
d'
argent ou soustraction d'
effets, quelque abus de confiance, qui se sont servis de quelque
moyen peu délicat que la probité désavoue ; enfin ceux qui ont commis des actes de violence,
des excès, des délits ou des crimes qui intéressent l'
ordre et la sécurité publique, et que la
justice a condamnés à des peines afflictives ou déshonorantes ".
A la maison de Pontorson se sont rencontrés toutes sortes de pensionnaires. Les lettres de
cachet sont curieuses. En voici quelques extraits :
Un ordre du roi (1751) prescrit " d'
enfermer à la Charité de Pontorson, sur la demande de sa
famille, un gentilhomme qui boit avec les voleurs de grand chemin et qui a pris la qualité de
subdélégué de l'
intendant pour exiger de l'
argent dans les villages.
Une lettre de cachet de 1752 ordonne " à la requête des habitants de Saint-Étienne de
enfermer à la Charité de Pontorson, le prieur curé de cette paroisse pour cause
Corcoué9 d'
d'
ivrognerie, de ses jurements et du mauvais exemple qu'
il donne ".
Une autre de 1774 impose " sur une plainte de l'
évêque de St Brieuc d'
enfermer à Pontorson
un chanoine de cette église, dont la conduite est scandaleuse, s'
il ne consent à se démettre de
son bénéfice ".
Une autre de 1778 prescrit " de conduire à la Charité de Pontorson un religieux de l'
Ordre
de Cîteaux pour cause de démence ".
Une autre de 1783 ordonne " de conduire à la Charité de Pontorson un ex-lieutenant qui a
été renvoyé de la légion de Luxembourg pour avoir vendu une partie des effets appartenant à
un détachement de 300 hommes qu'
il commandait ".
Une autre de 1787 impose " d'
enfermer à la Charité de Pontorson, par égard pour sa famille
à laquelle il appartient, un jeune homme qui a contrefait la signature du trésorier des guerres
de Rouen et fait présenter à celui de Rennes une lettre de change falsifiée ".
Une dernière lettre de cachet " concerne les violences que le sieur Faunois, chanoine de
Tréguier, dit lui avoir été faites par M. de Botherel, officier au régiment des dragons de
L'
Hôpital, affaire qui se termine par l'
envoi du chanoine à Pontorson ".
Un règlement de vie a été établi pour ces prisonniers.
Dès son arrivée, le prisonnier est conduit dans une chambre garnie d'
un lit, d'
une chaise et
d'
une table. Il est dépouillé de ses vêtements : chemise, culotte, bas, souliers, chapeau, et on le
fait mettre au lit ; arrive-t-il en plein jour. On emporte tous ces effets et on les visite avec soin
pour voir s'
ils ne recèlent pas quelques limes ou autres instruments aptes à favoriser une
évasion. Cette inspection achevée, on rend au prisonnier les vêtements dont il a besoin. On
substitue néanmoins au chapeau et aux souliers un bonnet et des pantoufles, parce qu'
en cet
état, il est moins aisé de se sauver et que dans le cas d'
évasion les gens du voisinage qui
savent l'
usage de la maison reconnaîtront facilement le prisonnier et le ramèneront.
Chapeau et souliers, mais encore papiers, bijoux, argent du prisonnier sont inscrits sur un
registre pour être rendus à la sortie, ou aux familles si elles les réclament.
Chaque prisonnier a sa chambre particulière. Le logement est propre, bien aéré et garni de
petits meubles nécessaires ; mais un prisonnier n'
occupe pas longtemps la même chambre ; on
le transfère de temps en temps d'
un corridor dans un autre. Alors on visite minutieusement la
chambre qu'
il vient de quitter, l'
on vide la paillasse, le matelas ; et les découvertes que l'
on fait
dédommagent souvent de la peine donnée.
A 6 h. 1/2 en été, à 7 h. en hiver, on ouvre la chambre du prisonnier qui a la faculté de se
promener dans les cours jusqu'
à l'
heure de la prière et de la Messe, 7 h. en été, 8 h. en hiver.
Chaque prisonnier mange isolément. Le dé jeûner, un morceau de pain et un demi septier10
de vin est servi à l'
issue de la Messe ; le dîner, un bouilli de bœuf, du mouton ou du petit salé
et un demi septier de vin, à 10 h. 1/2 ; après la prière du soir, le souper, un rôti de veau ou de
mouton et un demi septier de vin, à 5 h. 1/2.
Les dimanche, mardi et jeudi, on sert de la volaille, de la salade et du dessert ; Les jours
maigres, à dîner, un potage, des légumes et du poisson ; à souper, des légumes et des œufs ; à
l'
un et l'
autre repas, un demi septier de vin.
Dans les moments du jour qui ne sont remplis par les repas et les exercices de piété, l'
un
des religieux, directeur des pensionnaires, escorté de plusieurs domestiques, accompagne à la
promenade dans les jardins une partie des prisonniers, tandis que ceux qui restent à la maison
s'
occupent à la lecture ou à quelques jeux tels que les échecs, le trictrac, les dames, le billard,
ou à quelque travail. En hiver, ceux qui dans leur chambre n'
ont pas de cheminée se chauffent
prosaïquement au chauffoir commun établi dans chaque corridor.
Personne ne peut parler à un pensionnaire sans y être autorisé par une permission du
ministre ou du magistrat chargé de la police dans la maison. L'
entrevue se fait à un parloir où
le prisonnier se trouve séparé par une grille de son interlocuteur, et en présence du religieux
directeur.
L'
on ne refuse pas au prisonnier le papier, l'
encre et la plume, lorsqu'
il les demande, mais il
doit rendre compte des fournitures reçues. Les lettres sont remises au frère directeur qui les
adresse au ministre ou au magistrat. L'
un ou l'
autre les fait parvenir à leur destination, s'
il le
juge à propos.
Lorsqu'
un prisonnier refuse d'
entendre la Messe, d'
assister à la prière, aux lectures
spirituelles, lorsqu'
il fait passer des lettres sans permission, qu'
il cherche à ameuter par des
propos séditieux, qu'
il forme et communique des projets d'
évasion, qu'
il frappe les
domestiques, il est étroitement enfermé dans sa chambre et n'
en sort que pour aller à l'
église.
Si le délit est considérable, le supérieur fait mettre le prisonnier au cachot, chambre plus
étroite, moins éclairée, saine tout de même, et il instruit sur-le-champ le ministre ou le
magistrat des motifs qui l'
ont déterminé à infliger cette punition.
Parfois, pour éviter ou prévenir la contagion des mauvais sujets entre eux et les autres
pensionnaires, on ne les fait sortir pour prendre l'
air que les uns après les autres.
Aussi bien, le directeur, l'
aumônier, le supérieur voient souvent ces hommes pour les
rappeler à eux-mêmes, leur inspirer l'
horreur de leurs dérèglements et le désir de les réparer.
Ce n'
est que lorsqu'
on a acquis une certitude presque physique de leur retour au bien qu'
on
leur accorde quelque liberté, mais sont prises les plus excessives précautions.
Parmi ces pensionnaires, se trouvent parfois des infirmes ou des malades qui ont besoin de
remèdes et d'
attentions particulières. Une infirmerie chauffée par un poêle ou un feu de
cheminée les réunit. Un religieux instruit dans la médecine et la chirurgie les visite tous les
jours deux fois, et leur prescrit des médicaments et les rafraîchissements nécessaires. Ces
potions sont administrées avec exactitude et charité, sans que les familles soient tenues de
payer un sol pour ces soins.
A 9 h. en été et à 7 h. en hiver, on renferme chaque prisonnier dans sa chambre, après avoir
retiré la lumière et avec de l'
eau, éteint les feux.
Les prisonniers paient leur pension. Le prix commun de 500 livres par an comprend
nourriture, éclairage, blanchissage. Mais dans ce tarif n'
entrent pas le tabac, la poudre, le
perruquier ni l'
entretien du vestiaire.
Certaines pensions ne dépassent pas 350 livres, mais d'
autres s'
élèvent jusqu'
à 800 livres.
Cela dépend du nombre de domestiques que les familles veulent attacher à la personne de leur
prisonnier, et de la manière dont elles veulent qu'
il soit nourri. Ceux qui paient une pension
supérieure ont des chambres à feu, plus vastes, d'
aspect plus agréable. On n'
y tolère cependant
pas de tapisseries, ni aucun meuble qui s'
attache avec des clous dont on pourrait se servir pour
fabriquer des instruments d'
évasion.
Avec ces prix de pension, la Charité ne faisait pas toujours de bonnes affaires.
L'
entretien d'
un religieux était estimé à 280 livres annuellement. Mais les domestiques qu'
il
faut nourrir et gager pour le service de ces pensionnaires et les fréquentes réparations que les
fous occasionnent aux lits et aux chambres réduisent notamment le produit des pensions qu'
on
paie pour eux. Les revenus de l'
hôpital étaient peu considérables ; les recettes s'
élevaient à
6.975 livres 14 sols et 4 deniers, et les dépenses à 6.923 livres 17 sols.
Une des dépenses les plus importante était celle de la pharmacie. Les religieux ne devaientils pas délivrer gratuitement des substances médicamentales aux habitants de la ville ? Ils
devaient aussi, sur ordonnance de médecin, fournir du bouillon aux femmes indigentes de
Pontorson.
Le règlement de l'
hôpital semblait sagement établi. N'
empêche qu'
un religieux peu satisfait
de quelques détails écrivit un mémoire pour consigner ses réflexions.
1° II faudrait inscrire le nom des parents qui ont sollicité des lettres de cachet, afin de savoir à
qui s'
adresser pour le paiement de la pension et de l'
entretien.
2° Souvent les parents refusent le nécessaire à ceux qu'
ils font enfermer. Il serait utile que le
supérieur puisse les informer de la situation, et s'
ils refusent d'
écouter ses doléances, en écrire
au ministre.
3° II serait nécessaire que le supérieur écrive tous les ans au ministre pour le renseigner de la
situation des pensionnaires et du temps de leur détention.
4° II est impossible que chaque prisonnier ait sa chambre. Y aurait-il inconvénient à ce que
plusieurs prisonniers soient dans une même chambre. On n'
aurait qu'
à choisir ceux qui
pourraient être ensemble. Quelquefois les exemples de l'
un corrigent l'
autre ; parfois, il est
vrai, ils les gâtent : c'
est au supérieur de veiller.
5° En général, on ne saurait porter trop d'
attention sur le choix des supérieurs. Leur fonction
est désagréable ; elle doit être bien payée. Il serait à désirer qu'
il y eût près du supérieur un
adjoint. Le même ne peut pas toujours rester en place ; il formerait son successeur. De
l'
activité est nécessaire pour ces fonctions ; à un certain âge, on a besoin de repos.
6° Le Commandant ou supérieur devrait avoir le droit d'
ouvrir les lettres des prisonniers qui
ne sont détenus qu'
à la réquisition des parents et de les faire parvenir à leur adresse.
7° Des inspecteurs devraient être établis dans chaque province pour visiter les prisonniers,
recevoir leurs plaintes et renseigner le ministre.
8° On ne peut informer le ministre chaque fois que l'
on juge à propos d'
infliger une peine, à
moins que ce ne soit dans un cas extraordinaire.
9° On pourrait faire manger les prisonniers ensemble, particulièrement ceux qui se conduisent
bien, et ce serait considéré comme une récompense. A cette table des gens sages on serait un
peu mieux nourri ; ce serait un attrait pour les prisonniers. Mais il leur faudrait pour y être
admis une longue épreuve.
10° Des salles de travail pourraient être aménagées pour éviter l'
oisiveté. Les longues
réflexions affermissent parfois dans le crime. On se décourage, on médite des projets de
vengeance. Le travail est un remède salutaire. Ajoutons-y quelques bons livres confiés à ceux
qui le méritent.
11° Enfin, que l'
on cherche à diminuer les peines et à multiplier les grâces.
Sages réflexions, à la vérité. Sans doute furent-elles écoutées !
Les religieux retenaient les fous jusqu'
à complète guérison ou la mort.
Pour les libertins, la détention ne devait pas durer plus d'
un an ou deux, s'
il n'
y avait eu que
de simples faiblesses, deux ou trois ans, si éclat ou scandale.
Les condamnés de justice n'
étaient relâchés qu'
à la révocation des ordres du roi : leur
détention était longue et parfois perpétuelle.
En tout cas, les détenus n'
étaient remis en liberté qu'
après que les religieux se fussent
assurés que tout ce qui était dû pour la pension et l'
entretien était payé. Une omission, un
oubli a souvent mis les religieux de la Charité dans des embarras et des procès fort
désagréables.
Un jour, l'
on vit arriver à la Charité de Pontorson, un frère de Saint-Jean de Dieu, muni
d'
une lettre de cachet.
C'
était le frère Ignace Joubin des Marrières. Les religieux de Pontorson furent stupéfaits. Ils
avaient entendu dire que ce frère avait fait beaucoup de bien au couvent hôpital de SaintMartin de Ré. Ce frère avait été même élu provincial, au chapitre tenu aux fêtes de la
Pentecôte. Mais le roi Louis XVI avait fait casser l'
élection ; il avait même fait procéder à une
autre élection et surveiller le chapitre par deux commissaires royaux. Que pouvait-on
reprocher au frère Ignace pour lui infliger une détention ? Joubin des Marrières était un
indésirable : il passait pour l'
un des enfants naturels de Louis XV ; il fallait s'
en débarrasser.
Délivré pendant les journées révolutionnaires, frère Ignace est décédé le 2 novembre 1806 à
Saint-Martin de Ré où il laissait une grande réputation de sainteté.
Le dernier prieur des frères de Saint-Jean de Dieu, à Pontorson, fut Allyre Charrière.
L’hôpital des femmes
La concession aux frères de Saint-Jean de Dieu ne permettait pas l'
entrée de l'
hôpital aux
femmes et aux filles pauvres et malades. Ces miséreuses qui ne pouvaient pas trouver le
logement recevaient cependant de l'
hôpital tous médicaments. Des personnes généreuses
songèrent à remédier à cette situation, et décidèrent de fonder un hôpital réservé aux femmes
et aux jeunes filles.
Les démarches commencèrent en 1732. Messire Gabriel Artur, doyen de la Cathédrale
d'
Avranches, originaire de Pontorson, et messire Victor Artur, sieur de la Villarmois11,
offrirent 6.000 livres pour la fondation d'
un hospice de femmes. Messire Pierre Tardif de
Moidrey ajouta 2.000 livres. Une maison située rue des Bordeaux12 fut donnée par madame
Hélène François Artur13, veuve du sieur Jacques Achard, pour loger les pauvres et les
orphelines. Un jardin14 fut offert par messire Charles Henri Louis de Marbodin15.
Ainsi fut fondé l'
hôpital des femmes. Cette fondation fut approuvée en 1770 par lettres
patentes de Louis XV. Un receveur gérait les revenus évalués à 1.854 livres 14 sous 6 deniers.
Une sœur du Carmel d'
Avranches dirigea l'
administration intérieure. Tel était encore l'
état de
cette maison en 1790.
Disparition de la paroisse de Cendres
La révolution détruisit la petite paroisse de Cendres, ses habitants demandèrent en vain, en
1803, la conservation de leur église comme oratoire, avec un chapelain demeurant auprès
d’eux, cela leur fut refusé. Le territoire de Cendres fut réuni partie à Pleine-Fougères, partie à
Pontorson. L’église de Cendres fut donnée, ainsi que le presbytère à la fabrique de Pontorson,
qui les vendit à l’hôpital, seul survivant du vieux Cendres, et l’église fut alors rasée.
A propos d'une lettre de cachet
Correspondance entre deux cousins à propos d'une lettre de cachet
Il s'agit d'une lettre de cachet envoyée par Louis René Joseph Comte du Boisbaudry16,
Chevalier seigneur de Launay-Morel, Chevalier de Saint Louis, capitaine des Garde-côtes du
littoral de Saint-Malo, adressée à son cousin Dominique du Boisbaudry.
à Monsieur du Boisbaudry en son château de la Haute-Touche, Ploërmel17
Je vous dirais, mon cher cousin, que les lettres de cachet sont enfin venues18 pour faire
enfermer le mari et la femme que vous savez, c'
est à dire le chevalier du Boisbaudry19 et son
aimable compagne.
La femme est désignée pour le Bon Sauveur20 dont Madame Guiyon de St Loial aura soin
comme sa plus proche parente21.
Le dit chevalier est destiné pour Pontorson22. quoique pour le meilleur marché, nous ayons
demandé Bicêtre, mais le directeur de cette maison a dit à Mr le Duc de Grillère qu'
il n'
ya
point de place et le Ministre à la lettre de cachet a dit qu'
à Bicêtre il n'
en eut coûté que 100
écus et à Pontorson, ils veulent 600 francs non compris le blanchissage ni le barbier et la
famille ne veut contribuer que de 144 livres, savoir, nous 3 louïs, Mr de la Vilthéard23, cent
francs, Mr de (mot illisible) 3 louïs, vous voyiez que je serais bien surchargé ! outre cela, la
petite cadette qui a douze ans24, qu'
on a mis au couvent, qui me coute pour sa pension 50 écus
et blanchissage outre de plus la dame vient d'
accoucher à Rennes le 22 de ce mois d'
un garçon
dont la dite dame a été grosse 10 mois, son mari étant a demeuré chez sa mère25 depuis le 7 de
mars dernier sans en avoir sorti ! C’est ce qu'
il y a de certain, voila ou les choses en sont.
Les lettres de cachet sont entre les mains du subdélégué de Dol à qui Mr l'
Intendant les a
envoyées, il est de mes amis. Nous attendons que la dite dame soit rétablie de sa couche pour
la faire arrêter et mener à sa destination et le mari en même temps, mais il faut du secret car
s'
ils avaient vent de ceci, ils nous échapperaient et en couterait beaucoup pour la recherche. Il
nous faudra payer 6 mois d'
avance pour le mari c à d. sa pension. ce sera au subdélégué de
Dol qu'
il faudra envoyer l'
argent. je finis en vous assurant de mon vrai respect avec lequel je
suis
Monsieur et cher cousin
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Du Boisbaudry, l'
aîné.
à Launay-Morel près Dol
ce 29 mars 1773.
N.B. Ce sera à la fin de février ou au commencement de mars qu'
on les mènera à leur
destination
Je ne sais rien de plus de l'
affaire.
Bibliographie.
BEUVE (abbé) :
Pontorson sur les bords du Couesnon, Braun et Liorit, Dinard, 1967, 340 p ;
BOISBAUDRY (du) Hyppolite :
Huit siècles sur le chemin de la Vie, histoire d’une famille bretonne, presses bretonnes, Saint-Brieuc, 1958, 239
De L’ESTOURBEILLON Régis (comte) :
Les familles françaises à Jersey pendant la Révolution. Nantes, imp. Vincent Forest, 1886, 680 p. (B.M.R.
346099). (Gouyon de Vaucouleurs, p. 119).
FRAIN DE GAULAIRYE :
Tableaux généalogiques, Vitré, 1898.
GUILLOTIN DE CORSON :
Les grandes seigneuries de Haute-Bretagne, Rennes, 1897-1899, 3 vol. in-8°.
Petites seigneuries de Haute Bretagne, Rennes 1907, in 8°.
Pouillé historique de l’archevêché de Rennes, Paris 1880-1886, 6 vol. in 8°.
Notes :
1
La source principale de cette étude est : Abbé BEUVE, Pontorson sur les bords du Couesnon, 1947, pages 255260. Et Guillotin de Corson, Pouillé, V, pp. 462-463.
2
Conseil d’administration de la paroisse, composé de douze anciens trésoriers, des deux trésoriers en exercice,
du recteur et des juges d’où relève l’église.
3
Naissance à Montemor-O-Novo (Portugal) en 1495, mort à Grenade (Espagne) le 8 mars 1550.
4
Couvrant à peu près l'
ensemble du territoire. Les Charités de Bourg (Sainte-Madeleine), Cadillac (SainteMarguerite), Charenton (Notre-Dame de la Paix), Château-Thierry (Saint-Jean-Baptiste), La Cellette, La
Guillotière (Saint-Pierre et Saint-Paul), Leyme, Lommelet, Pontorson (Saint-Antoine), Saint-Aubin (puis
Léhon/Dinan), Senlis (Saint-Denis et Saint-Firmin).
5
Au Canada et aux Antilles notamment
6
60 à 200 lits.
7
Comme à Cadillac, Pontorson ou Château-Thierry.
8
Lettres surannées, qui ont passé l'
an depuis la date et le seau y apposez. Et, Lettres de surannation, celles par
lesquelles est mandé executer celles qui sont surannées, nonobstant la surannation, ce qui est une espece de relief
de temps en fait de lettres patentes. Nicot, Thresor de la langue francoyse, 1606. Lettres de surannation, qui sont
des Lettres qu'
on obtient du Prince pour rendre la force & la validité à celles qui font surannées. Dictionnaire de
L'
Académie française, 1st Edition (1694). Université de Chicago, dictionnaires d’autrefois.
9
Aujourd’hui Corcoué-sur-Lorgne en Pays-de-Retz.
10
Mesure de contenance variable, selon qu’il s’agît de grain (12 boisseaux) ou de vin (8 pintes, environ 8 litres).
Toutefois, un demi-septier ne représente que la moitié d’une chopine, suit environ 1/4 de litre.
11
20.04.1706, Pontorson ; 15.04.1777, Avranches.
12
Aujourd'
hui école publique de garçons.
13
Probablement la sœur de Gabriel, doyen d’Avranches.
14
Sans doute celui qui aujourd'
hui est joint à l'
école.
15
Né à Pontorson le 16 juin 1719, marié Anne Marie de Saint-Genys, Saint-Broladre le 12 octobre 1745.
16
Louis rené Du Boisbaudry, né le 8 février 1699 à Roz-sur-Couesnon, Page du roi en 1717 (Hozier), Officier
des gardes françaises, commandant de bataillon, ancien colonel d'
infanterie et chevalier de l'
ordre royal et
militaire de Saint-Louis. Siégea aux états de 1736 dans les rangs de la noblesse de l'
évêché de Dol. Etait
commissaire des états à la conservation des marais de Dol. Capitaine général des gardes côtes du département de
Dol. (Cité en 1744). Le comte de Boisbaudry ancien officier aux gardes françaises meurt le 21 avril1783 dans sa
85 ème année au château de Launay-Morel en Roz sur Couesnon. (Gazette de France du 9 mai 1783, p.172).
Marié à Jeanne Céleste Cheville de Vaulereau le 11 novembre 1728 à Saint-Méloir-des-Ondes. Sans enfants,
c’est la fille de Jean Baptiste, Adélaïde Renée, qui héritera de Launay-Morel.
17
Communication Monsieur du Boisbaudry, d'
après Journal de Famille, archives du Boisbaudry
18
Les lettres de cachet ; Acte souverain, la lettre de cachet émane du roi ; elle ordonne l'
internement. Ce type de
placement "administratif" n'
est pas plus arbitraire que le placement en maison de Force qui n'
est soumis à aucune
formalité. La lettre de cachet doit suivre une procédure : la famille rédige un placet, l'
intendance enquête ... La
lettre de cachet est aussi le reflet d'
une société où la famille est maîtresse de la liberté de ses membres, les
surveille et les interne si besoin est. La Révolution Française abolit les lettres de cachet, mais maintient les fous
enfermés. 90% des lettres de cachet étaient demandées par les familles en vue de l'
emprisonnement des
marginaux et déviants, donc des fous.
19
Frère de Louis René, né le 22 juillet 1705 à Roz-sur-Couesnon, mort le 12 septembre 1781 à Cendres. Officier
aux gardes françaises. Détenu à la maison de force de la charité de Pontorson par lettres de cachet, à la demande
de la famille, pour dissipation de biens, ordre du roi du 9 janvier 1773. Veuf de Marguerite Browne, remarié à
Lefebvre Jeanne Renée, le 11 novembre 1756, à Saint-Servan-sur-Mer ;
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Maison de force. Ces locaux de correction, le plus souvent communautés religieuses, accueillent, moyennant
une pension, les "correctionnaires". Les insensés y sont plus nombreux en proportion que dans les hôpitaux
généraux (20%) ; certaines maisons se spécialisent, comme Charenton ou le Bon Sauveur à Caen. – Maison
tenue par la Congrégation du Bon Sauveur ; établissements : Bon Sauveur d'
Albi, Bégard, Caen, Picauville,
Saint-Lô.
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Françoise Perrine Nicolle Lefebvre, dame de Saint-Loyal, sa sœur, épouse de Servais François Gouyon de
Vaucouleurs, capitaine à la Compagnie des Indes, dont le fils François Jean Servais, lieutenant de frégate,
épousera Adélaïde Renée du Boisbaudry, le 7 juillet 1785, en la chapelle de Launay-Morel.
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Voir La maison de force de la Charité de Pontorson.
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De Saint-Gilles, cette famille alliée aux Du Boisbaudry par le mariage de Françoise Du Boisbaudry et RenéNicolas de Saint-Gilles le 7 janvier 1663 à Trans. Françoise étant la tante de Jean-Baptiste et de Louis-René Du
Boisbaudry.
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Adélaïde Renée de Boisbaudry, fille de feu messire Jean Baptiste Hyppolite et de Jeanne Renée Lefebvre,
dame de Merville, née le 19 décembre 1761 à Saint-Malo, publiée à Saints, en 1785 avec messire François Jean
Servais Gouyon.Lieutenant de vaisseau, son cousin, mariée le 7 juillet 1785, en la chapelle de Launay-Morel,
décédée le 18 août 1834 à Pontorson. Grand nombre de documents sur elle à Jersey de 1795 à 1811 aux familles
françaises à Jersey, pages 120 à124, 228, 266. A Jersey, avec son mari courrier des princes, a joué un rôle non
négligeable pendant les évènements révolutionnaires.
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Marie-Anne de Marcillé, dame de Launay-Morel, née à Roz-sur-Couesnon le 18 août 1679, décédée le 29 mai
1774 à Roz. La famille de Marcillé est originaire de Vitré

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