Cambodge Soir - Romduol, portraits d`un équipage
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Cambodge Soir - Romduol, portraits d`un équipage
Cambodge Soir, quotidien d'information francophone au Cambodge 1 sur 2 http://www.cambodgesoir.info/cambodge_soir/magazine_print.php?item... Romduol, portraits d'un équipage (2) 09-02-2007 Le voilier Romduol est né de leur coopération. Ce sont eux qui en assureront l'avenir. Sept portraits de marins venus d'horizons très différents, des terres cambodgiennes à la Bretagne. Kandara Samphon, le capitaine Pourquoi Kandara Samphon, informaticien de 32 ans, s’est-il donc mis en tête de construire un voilier breton au Cambodge? Né au Laos de parents cambodgiens, ce Franco-khmer a grandi en bon petit citadin, à Paris. Mais l’appel du large l’a emporté : dès qu’il a touché ses premières payes, le jeune homme, qui n’avait jamais navigué, s’est offert des cours de voile dans la plus prestigieuse école française dans ce domaine, Les Glénans, où il est devenu moniteur. Après plusieurs voyages sur la terre de ses parents, Kandara a décidé d’y travailler pendant un an, en congé sabbatique, en tant que volontaire de solidarité internationale au CIST (Centre de formation aux systèmes d’information) à Phnom Penh. Ses économies lui permettent de financer le Romduol, projet auquel il consacre depuis un an tous ses week-ends, au grand dam de sa famille. Une lubie? Un caprice de Franco-khmer parisien venu s’encanailler avec les pirates de Sihanoukville? Une volonté de renouer avec son pays d’origine tout en se tournant vers l’avenir et en rompant avec la nostalgie stérile d’un Cambodge révolu? Les yeux pétillants, Kandara ne cherche pas mille et une explications à son modeste projet : le Cambodge, la mer et l’énergie qui l’anime suffisent à justifier cette initiative. Photo Laurent Le Gouanvic Pech Bin, le vétéran Peu de gens connaissent aussi bien le monde de la pêche que le bien nommé Pech Bin, fils de policier, né au beau milieu des terres cambodgiennes à Kompong Thom et élevé dans l’univers urbain de Phnom Penh. C’est paradoxalement dans la capitale qu’il a eu son premier contact avec la mer, employé au siège du département des pêches dans les années 1980 puis affecté à la surveillance en mer en 1984. Il passera dix huit années dans ce service, à écumer les eaux troubles des quatre provinces maritimes face aux pêcheurs clandestins. Il collabore depuis 1998 avec le centre Krousar Thmey de Sihanoukville (confié depuis à PSE) qu’il dirige aujourd’hui. Ses fonctions au sein de la première ONG l’ont amené à rencontrer des marins de Concarneau, Lorient, Quimper et Brest, entre autres, à l’occasion d’une visite d’observation en Bretagne. C’est dans cette région de l’ouest de la France qu’il a vu pour la première fois des voiliers. Le projet du Romduol l’a donc tout de suite séduit. Il en est un peu le grand-père, veillant sans relâche à son bon déroulement, usant de toutes ses connexions et de son pouvoir de conviction pour rassembler les acteurs de ce petit chantier. Photo LLG Chea Saky, le chef de chantier Né à Pochentong, près de l’aéroport de Phnom Penh, Saky n’était pas vraiment destiné à vivre de la mer. Après une brève expérience dans la confection textile auprès de ses parents tailleurs, il a abandonné mètre et ciseaux pour plonger les mains dans le cambouis des moteurs de voiture, dans un garage de la banlieue de Phnom Penh. Il y serait probablement encore aujourd’hui, si les événements de 1997 ne l’avaient incité à prendre le large, plutôt que les armes, à Kompong Som. Le mécanicien s’est reconverti en marin-pêcheur, avant d’être embauché par Krousar Thmey puis PSE, jusqu’en septembre 2006. Recruté sur le projet Romduol en tant que chef de chantier, Saky a supervisé l’ensemble de la construction du bateau. Il en maîtrise désormais toutes les étapes, jusqu’à la conception des voiles, qu’il a recousues en suivant une technique qu’il est désormais le seul à connaître parmi les pêcheurs de Kompong Som. Vann, le jovial charpentier Photo LLG Vann, 38 ans, le visage rond et jovial, a quitté la mer après avoir travaillé comme matelot pendant deux ans. Mais il n’est pas retourné sur la terre ferme pour la cultiver, contrairement à son père, paysan : il est aujourd’hui charpentier, spécialisé dans la fabrication de bateaux de pêche. Un métier qu’il a appris à force d’observation, “en regardant les autres faire”. Jamais cependant Vann n’avait construit un voilier, pas plus qu’il n’était habitué à travailler avec des plans. Il a fallu un certain cran à ce père de famille Photo LLG originaire du Kampuchea Krom pour accepter ce défi et essuyer les moqueries de ses collègues, le voyant bâtir une étrange coque de noix sans moteur. Après sa première sortie sur le Romduol, Vann avait enfin perdu son 09/02/2007 22:54 Cambodge Soir, quotidien d'information francophone au Cambodge 2 sur 2 http://www.cambodgesoir.info/cambodge_soir/magazine_print.php?item... scepticisme, avouant qu’il n’était jusque là “convaincu qu’à 50%”. “Pour le prochain voilier, ça ira beaucoup plus vite et je sais déjà ce qu’on pourra améliorer”. Sary, le débrouillard En mer, Sary est intarissable, jamais à court d’anecdotes, de rocambolesques récits de marins ou de bonnes blagues de potaches. Mais dès qu’il retourne sur le plancher des vaches, ce formateur en mécanique de PSE retrouve son calme et sa bonhomie, clopin-clopant, traînant discrètement sa jambe de bois, amputé après avoir marché sur une mine quand il était soldat, à l’époque de l’Etat du Cambodge. Ancien capitaine d’un gros bateau de tourisme, ce Khmer krom sait parfaitement comment naviguer dans les eaux opaques du petit monde de Kompong Som. Sary-le-boiteux, Sary-le-boute-en-train et surtout Sary-la-débrouille a usé de son expertise et de ses contacts pour faire avancer le Romduol, un projet qui le laissait pourtant songeur. “On ne savait pas trop si ça marcherait”, reconnaît-il, rassuré après sa première virée sur le voilier. Piseth, le rebelle Photo LLG Agé de 26 ans, Piseth est le benjamin de l’équipage. Mais la valeur n’attend pas le nombre des années : plus à l’aise sur l’eau que sur la terre ferme, ce jeune marin-pêcheur au caractère bien trempé a appris la voile en quelques mois. Sur ses jeunes épaules repose en partie l’avenir du Romduol et de ses futurs avatars. Ce célibataire au regard ténébreux et à la mèche rebelle sera chargé de montrer l’exemple en prouvant aux autres pêcheurs qu’il est possible de naviguer et de pêcher avec ce bateau. Aujourd’hui encore, il utilise Photo LLG une petite barque à moteur, dont il ne peut se servir que sur des distances réduites, en raison du coût du carburant. Avec le Romduol, il envisage de se rendre dans des eaux plus poissonneuses, près des îles qu’il ne peut atteindre avec sa barque. Philippe, le Breton Le Poullelaouen, Philippe de son prénom, fait partie de ces innombrables Bretons voyageurs qui ont trouvé un nouveau port d’attache, loin du crachin de leur enfance. Ce marin-pêcheur originaire de Concarneau, en Bretagne, a jeté l’ancre à Kompong Som, où il a trouvé l’amour auprès d’une Cambodgienne, à la faveur d’une mission en tant que volontaire pour l’ONG Krousar Thmey et son centre des métiers de la mer. Son bateau à moteur est amarré le long de la digue de Koh Preap, non loin de sa maison. C’est là qu’une partie du matériel du Romduol a pu être entreposée à l’abri. Le marin breton a aussi et surtout apporté ses conseils et son aide lors des premiers tests en mer. Il est convaincu qu’un voilier comme celui-là peut permettre de pêcher d’une façon propre et économique et apporter des compléments de revenus aux familles les plus pauvres. Laurent Le Gouanvic Photo LLG 09/02/2007 22:54