On ne connaît pas assez la FAUSSE angine de poitrine

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On ne connaît pas assez la FAUSSE angine de poitrine
Cher lecteur,
Votre lettre d’information du jour a été rédigée par Pierre Lance, auteur de « Savants
maudits, chercheurs exclus ».
Je vous souhaite une bonne lecture.
Jean-Marc Dupuis
On ne connaît pas assez la FAUSSE angine de poitrine
Nous sommes abreuvés d'informations répétées concernant l'angine de poitrine, ou
athérosclérose, et de ses dangers mortels. On vous décrit les symptômes d'une crise d'angine
de poitrine, afin que chacun soit en mesure de l'identifier : crispation douloureuse au centre de
la poitrine, avec parfois irradiation de la douleur vers l'épaule ou vers la mâchoire.
Très bien.
Mais on oublie de vous dire quelque chose de très important : il existe une fausse angine de
poitrine sans gravité, mais dont les symptômes sont quasiment identiques à ceux de la vraie.
Comment les différencier ?
La fausse angine de poitrine (ou «faux angor», dans le langage médical) n'a pas du tout pour
origine l'obstruction des artères coronaires, mais simplement une crispation nerveuse au
niveau du plexus solaire (zone au-dessus du nombril). Y sont sujets les gens très nerveux,
anxieux, stressés ou surmenés, qui ne savent pas se relaxer et se détendre.
Le problème est que, au niveau de la sensation immédiate, le résultat au moment de la crise
est presque identique à celui de la vraie angine de poitrine, du fait que la crispation nerveuse
compresse les artères et donc les rétrécit provisoirement. Mais cette compression ne risque
pas d'empêcher complètement le sang de circuler comme dans le cas d'une obstruction de
l'artère par un caillot, donc ne fait pas courir le risque d'un infarctus du myocarde, sauf, bien
entendu, si l'intéressé fait aussi de l'athérosclérose, ce qui est évidemment possible, quoique
rare. Car, dans ce cas, la crispation nerveuse peut s'additionner à la présence d'une plaque
d'athérome et conduire au collapsus (chute de la pression sanguine et évanouissement).
Toutefois, les tempéraments des vrais et des faux angineux étant très différents, les risques
d'une coïncidence des deux pathologies sont assez limités. En effet, le vrai angineux sera
généralement corpulent, car gros mangeur d'aliments gras, et physiquement peu actif, tandis
que le faux angineux sera plutôt un nerveux toujours en mouvement et peu enclin à s'éterniser
à table. Bref, le faux angineux et le vrai, c'est un peu Laurel et Hardy. Si vous n'êtes ni l'un ni
l'autre, c'est-à-dire un type intermédiaire, comment allez-vous savoir, lorsqu'une crise
survient, surtout si c'est la première, si vous êtes en danger ou pas, s'il faut appeler le SAMU
ou non ?
Un test parfaitement réussi !
Eh bien, ce qui différencie principalement les deux crises, c'est que la vraie crise d'angine de
poitrine survient le plus souvent après un effort musculaire important, car celui-ci déclenche
évidemment un afflux de sang vers le cœur, et si les artères coronaires sont en mauvais état et
à demi bouchées... ça passe ou ça casse !
C'est d'ailleurs pour cette raison que les cardiologues font parfois faire à leurs patients des
«tests d'effort» en milieu hospitalier, afin de voir si cela déclenche une douleur.
C'est de cette manière qu'ils ont tué René Goscinny, le père d'Astérix, en lui faisant faire un de
ces «tests d'effort». Le test réussit parfaitement et le résultat fut concluant : Goscinny tomba
raide mort, victime d'un infarctus massif.
Soit dit en passant, soumettre à un test d'effort excessif un homme assez corpulent, aimant la
bonne chère, écrivain, donc plutôt sédentaire et pas très sportif (à Cannes, Goscinny pratiquait
surtout... la pétanque !) c'est une sottise monumentale de nature à provoquer l'infarctus que
l'on voudrait prévenir. Et ne pas être capable de réanimer le patient au beau milieu d'un
hôpital où l'on a tout ce qu'il faut sous la main, c'est incompréhensible. Car un infarctus traité
immédiatement est maîtrisable, à moins qu'il y ait grosse rupture de l'aorte, et encore.
Goscinny n'a pas eu de chance, mais s'il avait lu cette lettre, il se serait peut-être méfié et
aurait insisté auprès des médecins sur l'intérêt de produire l'effort inhabituel qu'on lui
demandait. En tout cas, Uderzo dut continuer tout seul l es albums de l'irréductible Gaulois...
La crise de faux angor, tout au contraire, ne résulte pas d'un effort quelconque. Elle peut vous
prendre à n'importe quel moment et même au beau milieu de votre sommeil. Elle résulte,
semble-t-il, d'une accumulation de stress, de préoccupations ou frustrations diverses, de soucis
professionnels ou de la sensation pénible d'être débordé et de ne pas pouvoir tenir son horaire
ou son calendrier. Tout cela est dans un coin de votre tête, même si vous pensez à autre chose,
même si vous regardez la télé ou bavardez avec des amis. La pression inconsciente est là et, à
un moment totalement imprévisible, elle secoue le système nerveux et enclenche la crispation.
Le verre d’eau salvateur
Outre qu'elle est bénigne, la crise de faux angor offre un avantage considérable : elle se soigne
le plus simplement du monde et en deux minutes. Vous la faites disparaître en avalant un
verre d'eau fraîche à petites gorgées. Si vous n'avez pas d'eau ni de boisson quelconque sous
la main, vous respirez profondément en marchant lentement et en vous répétant : «Relaxe !
Relaxe ! Détends-toi !». Mais le verre d'eau est nettement plus rapide, quasi immédiat.
Si vous êtes sujet à ce genre de crises, prenez la précaution d’avoir sur vous une toute petite
bouteille d’eau. A défaut, vous pouvez aussi accumuler de la salive dans votre bouche et
l'avaler. C'est le fait de déglutir qui est important. Pourquoi ?
Comme vous le savez peut-être, l'eau ou les aliments que vous avalez ne «tombent» pas dans
votre estomac par le simple effet de la pesanteur. Ils sont propulsés vers votre estomac par une
sorte de reptation de votre œsophage. (Probablement un héritage de nos lointains ancêtres
reptiliens.) De sorte que vous pouvez manger ou boire la tête en bas et ce que vous avalez ira
quand même vers votre estomac. Mais c'est moins pratique, surtout si c'est du liquide...
En déglutissant, vous amorcez le mouvement de votre tube digestif et celui-ci va opérer une
sorte de massage de toute la région du plexus solaire, décontractant les nerfs et assouplissant
les artères. Il n'est d'ailleurs pas impossible que le verre d'eau soit d'un bon effet même en cas
de vrai angor, mais là je ne vous garantis rien. De toute façon, le verre d'eau ne vous fera pas
de mal en attendant le SAMU ou le cardiologue. Boire un verre d'eau est d'ailleurs bénéfique
pour toutes sortes de malaises. C'est le premier degré de l'hydrothérapie.
Maintenant supposons que, dans le doute, vous consultiez un médecin, ce qui est très à la
mode. Et supposons qu'il fasse le bon diagnostic : vrai ou faux angor, ce qu'il ne peut dire que
s'il vous interroge soigneusement sur votre manière de vivre et sur la façon dont surviennent
les symptômes. Mais il est à craindre que, le plus souvent, il se contente de vous faire faire
des analyses et des examens (dont le fameux «test d'effort») dans l'hypothèse d'une vraie
angine de poitrine.
Supposons néanmoins qu'il en vienne à la conclusion du faux angor. Que va-t-il faire ? Que
peut faire un médecin contre le faux angor ? Rien d'autre que donner des anxiolytiques ou des
antidépresseurs qui, sous couleur de vous déstresser, vont vous abrutir passablement et
diminuer de 20 à 30 % votre réactivité nerveuse et psychologique. Et je mange mon chapeau
si jamais il vous parle du verre d'eau !
Alors, faux angineux, c'est à vous de voir. Mais, à mon avis, plutôt que d'avoir recours aux
camisoles chimiques dont les effets secondaires ne sont pas négligeables, mieux vaut, après
s'être bien assuré que l'on était exempt d'athérosclérose, se contenter des méthodes de
relaxation, de la sieste, d'une certaine dose de «j'm'enfoutisme» délibéré quand on est en
retard sur son planning et... de la petite bouteille d'eau à portée de main. Parce que si l'on
parvient à gérer son stress et à calmer ses nerfs, avec un faux angor, on peut très bien devenir
centenaire.
Pierre LANCE