2007_2 Medinfo Trombophilie

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2007_2 Medinfo Trombophilie
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Tests prédictifs : thrombophilie
Dr Urs Widmer
Life & Health Products
Swiss Re Reinsurance Company
Mythenquai 50/60
8022 Zurich
Une thrombose est l’exemple par excellence d’une maladie à causes multiples.
Elle est la conséquence du cumul de
facteurs de risques congénitaux et acquis. La thrombophilie (du grec : thrombos morceau, philos ami, de phileein
aimer ; prédisposition à la thrombose)
est la prédisposition, causée génétiquement ou acquise, à l’apparition
d’une thrombose. Les thromboses se
trouvent dans les veines et artères. Les
manifestations les plus fréquentes de
thromboses veineuses sont les thromboses veineuses profondes des jambes
et les embolies pulmonaires. Le décès
d’une femme de 27 ans qui est intervenu en l’an 2000 à l’aéroport de
Heathrow à la descente de l’avion au retour d’Australie, à la suite d’une thrombose veineuse avec embolie pulmonaire aiguë, a suscité un très large
écho dans la presse mondiale. Une
étude française réalisée sur plus de
135 millions de passagers a montré que
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l’incidence d’une embolie pulmonaire
pour des voyages de moins de 5000 km
était de 1 par million de passagers,
chiffre qui passe à 4,8 par million de
passagers pour des voyages de plus
de 10 000 km ( « Economy-Class-Syndrom » ) 1. Se pose la question de tests
prédictifs pour l’évaluation du risque
de la thromboembolie veineuse. Le
progrès impressionnant de la recherche
sur le sujet de la thrombose nous a
apporté toute une série de nouveaux
tests de coagulation au cours des
dernières années – mesures fonctionnelles, analyses des protéines ou tests
génétiques – qui aident à évaluer le
risque d’une première thrombose ou de
sa récidive. Mais on ne saurait oublier
qu’une soigneuse anamnèse familiale
pour établir s’il y a eu des événements
thromboemboliques donne au moins
autant d’informations qu’un panel de
tests de coagulation. Le problème clinique consiste dans la formulation de
directives judicieuses pour le test effectué afin d’établir s’il y a thrombophilie
ou non. Des conférences de consensus
ont défini des indications pour les tests
de coagulation. Des analyses du rapport avantages-coûts avec prise en
considération de la sensitivité au test,
13
de la spécificité et de la fréquence épidémiologique de la thrombose dans la
population en général ou dans des populations à risque définies fournissent
la base à cet effet. Un test pour thrombophilie revient à environ CHF 800.–.
Combien de personnes doit-on tester
pour empêcher un événement thromboembolique ? Les médecins des assurances doivent apprécier les résultats
de tests de coagulation pour l’examen
du risque dans des propositions d’assurance vie et invalidité. S’agit-il d’un
résultat de laboratoire sans signification ? Existe-t-il un risque accru pour
une première thrombose ou sa récidive
avec incidence sur le calcul de la prime
ou, en d’autres termes : le test actuariel
est-il déterminant ? Est-ce que les tests
ont eu lieu dans le cadre de l’examen
d’une thrombose manifeste ou s’agit-il
d’un test prédictif présymptomatique ?
Est-il question d’un test génétique présymptomatique, pour lequel la nouvelle
loi fédérale sur l’analyse génétique humaine (LAGH) doit être prise en considération ?
1 Mécanismes de la thrombose
La triade formulée par le pathologiste
berlinois Rudolf Virchow à propos de
manifestation de la thrombose, soit
prédisposition accrue à la coagulation,
atteintes aux parois des vaisseaux et
stase sanguine, constitue la base des
réflexions. Les facteurs de risque sont
classifiés en événements aigus (infection, intervention chirurgicale, cathéter
intraveineux, angéite, compression veineuse par suite d’un long vol, grossesse) ou prédispositions accrues durables à la thrombose (âge, surcharge
pondérale, artériosclérose, traitements
au moyen d’oestrogènes). La prédisposition à la thrombose peut être d’origine génétique (par ex. le facteur V de
Leiden) ou avoir été acquise au fil du
temps (par ex. malignome, syndrome
antiphospholipide).
Certains facteurs de risque sont connus
depuis toujours, comme l’immobilisation pendant la grossesse et après la
naissance ( « milk leg » ), d’autres sont
plutôt récents comme la thrombose
mentionnée après un vol au long cours
ou la e-thrombose, soit celle qui intervient après avoir joué excessivement à
des jeux électroniques. La cascade de
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coagulation est un système de contrôle
optimisé, sophistiqué au cours de l’évolution pour le pilotage de la polymérisation de la fibrine, polymérisation judicieuse, potentielle mais également funeste au plan hémostatique. D’abord,
la matrice de fibrine stabilise le thrombus contenant des plaquettes et lui
confère flexibilité et force de traction.
Les facteurs promoteurs de la coagulation (par ex. facteur V Leiden, prothrombine, facteur VII, IX, VIII, facteur de von
Willebrand) sont en équilibre avec des
inhibiteurs de la coagulation (antithrombine, protéine C, protéine S). Un
trouble de l’équilibre de la cascade de
coagulation par une réduction des inhibiteurs de la coagulation (loss of fonction mutation) entraîne généralement
une prédisposition plus nette à la
thrombose qu’une multiplication des
facteurs promoteurs (gain of fonction
mutation).
S’agissant des thromboses artérielles,
les thrombocytes sont d’une grande
importance. Par analogie au comportement d’adhésion de leucocytes roulants sur des endothéliales post-capillaires activées dans la recherche sur
l’inflammation, le comportement d’ad-
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hésion de thrombocytes fait l’objet de
recherches avec diverses vitesses sanguines et forces de cisaillement. En cas
de flux lent, les fibrinogènes servent
de récepteur pour l’agrégation des
plaquettes. Sous haute pression, flux
élevé et grandes forces de cisaillement,
le facteur de von Willebrand (Vwf)
transmet aux multimères le réseau
nécessaire de récepteurs pour l’interaction des thrombocytes avec la paroi
du vaisseau. Si les multimères vWF sont
pathologiquement augmentés, par ex.
du fait d’une déficience de protéase
ADAMTS 13 en cas de microangiopathie
thrombotique (syndrome hémolyticourémique ou Purpura thrombopénique
thrombotique/maladie de Moschowitz), il se produit une thrombose diffuse d’un petit vaisseau avec ischémie
organique consécutive. Des localisations atypiques de thromboses dans
des veines mésentériques, portales,
veines de la rétine ou dans des veines
sinusales sont découvertes en cas de
thrombocyte essentielle ou autres maladies du syndrome myéloprolifératif.
Thrombocyte essentielle, polycythaemia vera et myélofibrose idiopathique
sont des syndromes myéloprolifératifs,
qui proviennent d’une cellule précur-
15
Tableau 1
Lien de dépendance entre la localisation de la thrombose
et la nature du trouble de coagulation
Prédisposition à la thrombose
Localisation typique de la thrombose
Prédisposition héréditaire de la thrombose
Déficience en protéine C
Thrombose veineuse profonde des jambes
Déficience en protéine S
Thrombose veineuse profonde des jambes
Déficience en antithrombine III
Thrombose veineuse profonde des jambes
Facteur V Leiden
Thrombose veineuse profonde des jambes,
cerveau
Mutation du gène de la prothrombine G20210A
Thrombose veineuse profonde des jambes,
cerveau
Prédisposition acquise de la thrombose
Syndrome des anticorps antiphospholipides
Artères, veines, placenta, etc.
Maladie myéloproliférative (JAK2 pos)
Veines porte et hépatiques
Purpura thrombotique thrombocytopénique (TTP)
Microcirculation, pas le foie ni les poumons
seur. Il a été montré récemment qu’un
grand pourcentage de patients affectés
de troubles myéloprolifératifs présente
une mutation acquise, une gain-offunction mutation dominante dans la
Janus Kinase 2 (JAK2) Gen 2. L’utilité de
cette mutation somatique dans le diagnostic et la classification des syndromes myéloprolifératifs et de la
valeur prédictive dans l’optique de
thromboses ou de transformation leucémique n’est pas encore établie. Le
tableau 1 donne un aperçu de localisations typiques de thromboses dépen-
dant de la prédisposition à la thrombose qui en est à la base.
La thrombophilie est un défi spécial
pour les obstétriciens car la grossesse
représente en soi un facteur de risque
« acquis » de thrombose. Une prédisposition accrue à la coagulation et une
fibrinolyse réduite sont des mécanismes d’adaptation en préparation
aux risques hémostatiques de la naissance. Il était par ailleurs connu qu’une
thrombophilie augmente le risque
d’avortement, de pré-éclampsie et
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d’éclampsie. Les avortements au 1er et
au 2 e trimestre sont déclenchés en
partie par des thromboses de veines
conduisant le placenta, le plus souvent
dans le cadre d’un syndrome antiphospholipide (APS). Le résultat de la combinaison du génotype de coagulation
de la mère et du foetus avec le phénotype dans le lit veineux foeto-maternel
est complexe. Dans des expériences
effectuées sur des animaux, des taux
accrus d’avortement ont été démontrés
en cas de thrombophilies acquises. Une
analyse d’expression génétique globale
a identifié des candidats génétiques
déterminants pour la régulation de
l’hémostase sur la surface de contact
foeto-maternelle par des trophoblastes
foetales. Lorsque le fait, pour la mère,
d’être porteuse de gènes de mutations
prothrombotiques est combiné avec
une thrombophilie foetale, le taux
d’avortement en est encore accru.
À titre de cause d’avortement, on découvre étonnamment une morphogénèse perturbée du placenta et, dans
une moindre mesure, les thromboses
placentaires et infarctus attendus.
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2 Test pour thrombophilie
La rareté de thromboembolies empêche un screening général de la
thrombophilie dans la population. Le
diagnostic d’une thromboembolie veineuse au moyen de tests D-Dimer,
d’ultrasons à compression et duplex
ainsi que de veinographie CT, toujours
moyennant prise en compte de la probabilité clinique pré-test, a atteint une
sensitivité et spécificité élevées. En
comparaison de l’ère précédant l’imagerie moderne, il y a aujourd’hui nettement moins de thromboses et d’embolies pulmonaires qui sont manquées.
Dans près de 40 % des thromboses
veineuses profondes des jambes, on
découvre des embolies pulmonaires.
Un test pour thrombophilie est recommandé en cas d’apparition de thromboses chez des personnes de moins
de 50 ans, en cas d’anamnèse familiale
positive, en l’absence de déclencheur
typique, en présence de localisation
atypique, de récidive de thrombose
ainsi qu’après un avortement.
Un test typique pour thrombophilie
recouvre : un petit status de la coagulation (Quick, PPT, fibrinogène, temps
de thrombine, D-Dimer), exclusion d’un
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manque d’antithrombine, de manque
de protéine C et S, résistance aPC : facteur V Leiden, mutation du gène de la
prothrombine G20210A , lupus anticoagulant, resp. syndrome des anticorps
antiphospholipides, thrombopénie induite par l’héparine. En cas de troubles
de l’irrigation sanguine de la rétine, il
est recommandé de procéder à un
screening vasculitis ou d’établir l’exclusion d’un syndrome d’hyperviscosité.
Les thromboses apparaissant sous traitement à l’héparine font penser à des
thrombopénies induites par l’héparine
(HIT). Depuis peu, des thromboses ar-
Tableau 2
térielles ont également été décrites
après thrombocythopénie induite par
les inhibiteurs des récepteurs de la
glycoprotéine lib/Illa. En cas de localisation atypique de la thrombose (mésentère, veine porte, cerveau et rétine),
on recherchera dans l’hémogramme
les signes d’un syndrome myéloprolifératif, et des procédures médicographiques devraient exclure des facteurs
locaux.
Le test de la thrombophilie chez des patients ayant subi une première thrombose veineuse idiopathique débouche
Tests positifs de la thrombophilie après apparition d’une thromboembolie veineuse (selon Cushman5 )
5%
55%
Pas de
dysfonctionnement
Déficience en anticoagulant endogène
• Déficience en antithrombine
• Déficience en protéine C
• Déficience en protéine S
40%
Facteurs promoteurs de coagulation accrus
• Facteur V Leiden
20%
• Mutation du gène de
5%
la prothrombine G20210A
• Facteur VIII accru
15%
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chez la moitié d’entre eux sur une prédisposition identifiable à la coagulation
(tableau 2). Un manque d’anticoagulants endogènes (protéine C, protéine
S, antithrombine) est plus rare, mais
signifie le plus souvent une prédisposition plus sérieuse à la thrombose. Il y
a plus souvent des troubles gain-ofcoagulation-function (facteur V Leiden,
variante prothrombine 20210A et autres facteurs accrus de coagulation),
qui représentent dans l’ensemble des
facteurs de risques de thrombose plus
faibles.
3
Facteur V Leiden et autres tests
génétiques de dépistage
de la thrombophilie
Le facteur V Leiden est vraiment, hormis le test génétique effectué pour
établir s’il y a hémochromatose, un des
tests génétiques les plus fréquents.
D’autres tests génétiques de dépistage
sont le test de la mutation du gène de
la prothrombine ou facteur II G20210A
et le test C677T MTHFR Mutation.
Le facteur V Leiden est une variante née
de la mutation ponctuelle du facteur V
humain normal, qui favorise les thromboses. Le facteur V circule dans le
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plasma. L’activation par la thrombine
conduit à un facteur Va activé, qui agit
notamment en tant que co-facteur de la
conversion de prothrombine en thrombine. Au niveau moléculaire, la variante
Leiden du facteur V ne peut pas être
inactivée comme le type sauvage du
facteur V par de la protéine C activée
(APC). Le facteur V Leiden est la cause
la plus fréquente d’une résistance APC,
pour la détermination de laquelle
Dahlbäck a décrit un test simple en
1993. Le temps de coagulation (aPPT)
est mesuré avec ou sans APC exogène.
Alors que chez des patients normaux
les aPPT augmentent après supplément
de protéine C, elle demeure pratiquement inchangée chez des patients avec
facteur V Leiden, parce que la mutation
Leiden rend impossible l’inactivation
du facteur V Leiden par APC. Le facteur
V Leiden tient son nom de la ville hollandaise de Leiden, où il a été identifié
pour la première fois en 1994 par le
groupe de Bertina 3. Le facteur V Leiden
peut être déterminé par un simple test
génétique sur 3 ml de sang EDTA. La
mutation (1691G ➝ A substitution) perturbe l’interface de l’enzyme de restriction Mnll, de sorte que l’analyse des
fragments arpès digestion avec MnII
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permet le diagnostic facteur V type
sauvage, facteur V Leiden hétérozygote ou facteur V Leiden homozygote.
Contrairement à des tests fonctionnels
et antigéniques de la coagulation, qui
ne sont pas efficaces au moment d’une
thrombose aiguë avec déséquilibre des
facteurs de coagulation et qui ne doivent généralement se faire que 3 mois
après la thrombose, les tests génétiques permettent un diagnostic précis
à tout moment. La mutation du facteur
V Leiden se trouve dans 4 à 10 % de
la population normale caucasienne,
alors qu’il n’apparaît que rarement en
Afrique. La population avec facteur V
Leiden est probablement née il y a
30 000 ans par un effet « founder » ,
après la séparation de l’humanité en
peuples africain, asiatique et caucasien. Est-ce que la mutation du facteur V Leiden confère un avantage au
porteur dans l’évolution, qui explique
la grande propagation ? Est-ce qu’une
proposition d’assurance avec facteur V
Leiden devrait être assortie de primes
preferred (préférentielles) ? Une hypothèse prétend que dans une société
primitive avec grand risque de blessures saignantes, une capacité de
coagulation légèrement accrue était
un avantage. Mais sous nos conditions
modernes, l’inconvénient de la prédisposition accrue à la thrombose est
prédominant.
Deux pour cent de la population sont
sujets à la mutation du gène de la
prothrombine ou facteur II G20210A et
10 % sont homozygotes pour la mutation C677T MTHFR (homocystéine). Être
positivement porteur de ces prédicteurs de la thrombophilie ne conduit
pas nécessairement à un événement
cliniquement manifeste. Les thromboembolies sont dues à des facteurs
multiples, le résultat d’une interaction
entre des facteurs de risque congénitaux et acquis. L’efficacité prédictive
de tests génétiques est en général très
différente. Dans la maladie monogénétique d’Huntington, il est possible de
faire, selon le type de déficience génétique, des déclarations relativement
précises quant au moment de la première manifestation ou de la gravité de
l’évolution de la maladie. Mais dans la
grande majorité des maladies monogénétiques, il n ’y a qu’une légère corrélation entre mutation génétique et manifestation de la maladie, entre génotype
et phénotype. La prédisposition à la
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Tableau 3
Prédicteurs de thrombophilie : Prévalence dans la population
normale et risque relatif (RR) d’une première manifestation
thrombotique dans une étude rétrospective (LETS) et une étude
prospective (LITE), modifié selon Cushman 5
Facteur de risque
Prévalence dans
Risque relatif
population normale rétrospectif LETS 1
Risque relatif
prospectif LITE 2
Facteur V Leiden hétérozygote
3 – 7%
8,1
3,7
Facteur V Leiden homozygote
0,2%
80
24
Prothrombine G20210A
2%
2,8
1,9
Déficience en protéine C
0,2 – 0,5%
3,1
3,4
?
2,5
1,5
Homocystéine
1
2
LETS: Leiden Thrombophilia Study 4
LITE: Longitudinal Investigation of Thromboembolism Etiology 6
Tableau 4
Risque d’une nouvelle thrombose après arrêt de l’anticoagulation 7
Facteur de risque
Risque relatif
Facteur de risque transitoire
< 0,5
Facteur de risque persistant
>
_2
Thrombose veineuse profonde non provoquée
>
_2
Protéine C, protéine S et manque AT
1–3
Facteur V Leiden hétérozygote
1–2
Facteur V Leiden homozygote
Prothrombine G20210A
Hétérozygote pour prothrombine
4,1
1–2
?
G20210A et facteur V Leiden
2–5
Augmentation D-Dimer après l’arrêt du traitement anticoagulant
~2
Source : Hematology Am Soc Hematol Educ Program. 2004 ; 439
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thrombose est une maladie multigénétique. L’hémostase stoppe subitement,
en cas de blessure, la perte de sang. Le
thrombus entravant le vaisseau naît de
l’interaction harmonisée de la paroi du
vaisseau, du sang (système plasmatique de coagulation, thrombocytes) et
de l’hémodynamique. L’effet prothrombique de la mutation du facteur V
Leiden est modulé par une multitude
d’autres facteurs héréditaires et acquis, influences environnementales
comprises. Le risque d’une thromboembolie sur la base d’une mutation hétérozygote ou monozygote existante du
facteur V Leiden, avec ou sans autres
facteurs de risque tels que la grossesse, les inhibiteurs d’ovulation ou
la fumée, ne peut être évalué qu’au
moyen d’analyses onéreuses, rétrospectives ou prospectives. Des études
rétrospectives ou prospectives fondées
sur des populations font rapport de
divers risques relatifs pour une thrombose veineuse (tableau 3). La Leiden
Thrombophilia Study (LETS) est une
enquête de population cas-témoins de
Hollandais non sélectionnés de moins
de 70 ans et ne souffrant pas de cancer,
atteints d’une première thrombose veineuse profonde 4. L’étude Longitudinal
Investigation of Thromboembolism
Etiology (LITE) est une étude de cohorte de 21 680 femmes et hommes
des USA, âgés de 65 à 100 ans, chez
lesquels un risque d’événement thromboembolique a été élucidé au moyen
d’un test de thrombophilie. Les résultats des études sont similaires, mais
presque tous les prédicteurs de
thrombophilie, facteur V Leiden inclus,
étaient des facteurs de risque nettement plus faibles dans l’étude prospective LITE que dans l’étude rétrospective
LETS. Les risques établis prospectivement à l’heure actuelle pour une récidive de thrombose après cessation de
l’anticoagulation pour des thrombophilies congénitales et acquises sont
moindres, une fois encore (tableau 4).
Pour une anticoagulation de longue
durée à titre prophylactique, le risque
d’une thrombose récidivante doit être
soupesé avec le risque d’une exsanguination fatale en présence d’anticoagulant. Surtout les thromboses apparaissant à la suite d’un syndrome
antiphospholipide exigent souvent une
anticoagulation de longue durée, à vie.
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4
Appréciation de données sur
la thrombophilie par la médecine
des assurances
Depuis la découverte du facteur V
Leiden en tant que facteur de risque le
plus fréquent de thrombophilie génétique, de nombreuses études cliniques
ont tenté de clarifier et de quantifier le
rôle de facteurs de risque congénitaux
et acquis pour le risque de thrombose.
La transposition de ces résultats
d’études cliniques dans la médecine
des assurances n’est pas chose aisée,
et pour les nouveaux tests génétiques,
l’expérience actuarielle existante est
insuffisante. Une anamnèse familiale
soigneuse au sujet des événements
thromboemboliques est, le cas
échéant, plus riche en enseignements
que toute une batterie de tests relatifs
à la coagulation. Pour des porteurs
asymptomatiques de prédicteurs de
thrombophilie (protéine C, protéine S,
insuffisance d’antithrombine, facteur V
Leiden, mutation du gène de la prothrombine G20210A), une plus grande
mortalité ou morbidité n’a pas été
prouvée à ce jour. Sans thromboembolie ou thrombose dans l’anamnèse,
les porteurs de thrombophilie sont généralement assurables aux conditions
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normales pour toutes les classes d’âge
et également en cas de grossesse. Alors
que jusqu’à concurrence de deux
thromboses veineuses sans thrombophilie prouvable, le risque est encore
réputé normal, un supplément de prime
sera perçu, en fonction de l’âge, après
un événement thromboembolique avec
preuve positive de thrombophilie. Les
élucidations de la thrombophilie par le
facteur V Leiden et la mutation du gène
de la prothrombine G20210A sont des
tests génétiques pour lesquels, en principe, s’applique la nouvelle loi fédérale sur l’analyse génétique humaine
(LAGH). Comme les restrictions ne
concernent cependant que les tests
présymptomatiques et parce que des
porteurs asymptomatiques seront assurés normalement, la loi sur l’analyse
génétique humaine ne change pas la
pratique tarifaire en ce qui concerne la
thrombophilie.
Notre potentiel diagnostique dans la
clarification de la coagulation dépasse
actuellement la connaissance de l’évolution naturelle des déficiences diagnostiquées. Les interactions entre
facteurs de risque congénitaux et la
grossesse, les inhibiteurs d’ovulation
23
et l’adiposité doivent être prises en
considération. Du fait des tests génétiques récemment décrits que sont le
facteur V Leiden et la mutation du gène
de la prothrombine G20210A, la thrombophilie est passée du statut de problème rare et grave à celui de problème
fréquent mais, souvent, léger seulement. Nous avons tous un risque de
thrombose, mais certains un peu plus
que d’autres.
Bibliographie
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p. 779 – 83.
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2004: p. 439 – 56.
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