CHRONIQUE MARITIME A QUATRE MAINS Le dessin de
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CHRONIQUE MARITIME A QUATRE MAINS Le dessin de
CHRONIQUE MARITIME A QUATRE MAINS Le dessin de présentation de cette chronique à quatre mains est explicite. L’un s’en va, c’est moi ; l’autre arrive, c’est René Tyl. 100 – 90 – 20, une telle conjonction de nombres ronds est exceptionnelle et propice à une décision importante. L’occasion dont rêvaient mes neurones pour prendre une retraite de chroniqueur. 100 : le numéro de notre « Le long courrier » ; 90 : mon âge ; 20, celui de « Le long courrier ». Semblable configuration ne se reproduira pas ! Je pars l’esprit d’autant plus tranquille que René Tyl s’était proposé pour assurer la continuité. Chacun a pu apprécier les qualités de René Tyl en lisant ses articles dans des numéros précédents. Et Il a l’expérience d’enquêtes maritimes pour le compte de la Cour des comptes… Comme nous sommes dans le domaine de la chronique maritime, avant de passer « les » mains à René Tyl, je me dois d’aborder un sujet qui sent la mer. Je me bornerai à une remarque sur l’évolution du transport maritime depuis quelques décennies. Si je devais caractériser cette évolution, j’emploierais le terme de démesure. Depuis une quinzaine d’années on assiste à une compétition pour toujours plus grand, dans tous les domaines, et plus spectaculairement dans le secteur des porte-conteneurs des grandes lignes ( Asie – Europe particulièrement), et dans celui des paquebots. La concurrence étant rude, les grandes Cies, pour casser les prix, veulent offrir de plus en plus de volume par navire. Les ports essaient de suivre, mais on construit plus rapidement des navires que des ports. Heureusement ! car il reste ainsi un large espace pour des navires de taille raisonnable pour répartir les marchandises dans les nombreux ports secondaires. Les grands navires, les « géants des mers », les condensés de « villes flottantes » sont plus médiatisés, évidemment, surtout quand se produit un échouement, une pollution…, un drame. Ces catastrophes attirent un moment l’attention sur les problèmes de sécurité que posent ces navires colossaux, mais la course en avant se poursuit. Jusqu’où ? Nul ne le sait, tout va si vite, mais il doit bien y avoir une limite. Pour l’heure, on cherche toujours de bonnes solutions pour secourir ces énormes unités qui seraient en difficulté loin des terres, en particulier, naturellement, les « villes flottantes ». La démesure de la taille des navires pose problème ; la conduite des navires en pose un autre, en raison d’une surabondance d’aides à la navigation. Avec l’évolution rapide de l’électronique – on l’appelle aussi le progrès… – les installations des passerelles deviennent plus complexes. Le rapport homme-machine – j’y reviens toujours – tourne au net avantage de la machine. Pourtant cette dernière a pour but d’améliorer la situation, sur les plans de l’utilisation du matériel et de la sécurité. Mais on constate un manque d’harmonisation des appareils qui contribue à compliquer la conduite du navire pour les officiers, à les perturber plutôt qu’à les rassurer, ce qui devient une source d’erreurs humaines. L’excès, en toutes choses, devient contre- productif. Certains connaisseurs en la matière ne voient comme « issue » à cette évolution que la machine sans homme…Sans verser dans cette extrémité, on peut s’interroger sur la possibilité de parvenir à un équilibre raisonnable dans le couple homme – machine. Sur ce plan, il reste un vrai progrès à faire. Et la mer reste la mer ! Certains se rassurent en constatant que le nombre d’accidents n’augmente pas (ou guère !) , mais d’autres observent que ce nombre ne diminue pas… Moment d’émotion pour moi, à l’instant de signer cette ultime semi-chronique. Une participation de trente années dans l’élaboration de nos bulletins laisse des traces. Y compris sur le plan de la relation chroniqueur – lecteur, plus humaine que celle de l’homme avec la machine ! Je souhaite une bonne navigation à René Tyl, et je formule un vœu, celui de la continuité de d’existence de notre association et de celle de notre « Le long courrier » grâce à nos « successeurs », les capitaines de 1ère classe. Au revoir. Kenavo… Pierre Estur Pierre Estur a évoqué mes quinze années à la Cour des comptes. Je me souviendrai toujours de la première fois où le président, en séance solennelle de chambre, m’a dit : « monsieur le rapporteur, à vous la parole ». J’ai ressenti la même émotion le premier jour de l’exercice de mon métier de pilote au moment où le capitaine m’a dit : « pilote, à vous le soin ». Merci, Pierre, de me laisser, à défaut de parole, le soin de poursuivre la tâche que tu as assumée avec tant de talent pendant de si nombreuses années. Les récentes catastrophes maritimes Les évènements maritimes récents de la fin de l’année 2001 et du début de l’année 2012 n’ont pas manqué de défrayer la chronique. Les journalistes s’en sont donné à cœur joie pour décrire avec force détails plus ou moins avérés les récentes catastrophes et les commenter à leur guise. Commençons par l’échouement le 5 octobre 2011 d’un porte-conteneurs de 3 000 EVP, le Rena, sur un récif au large de la Nouvelle-Zélande, l’Astrolabe, renommé pour sa flore et sa faune, à une quinzaine de milles du port de Tauranga, en baie de Plenty, un des sites touristiques les plus prisés du pays. Ce navire, construit en 1990 et long de 290 m, battant pavillon libérien, équipage philippin, appartenant à un armateur grec, affrété par MSC, transportait une cargaison de 1 368 conteneurs, dont 32 contenant des substances dangereuses, et environ 1 700 tonnes de fioul lourd. Cet accident a été classé au plus haut niveau d’urgence en cas de pollution accidentelle des eaux et qualifié de la « pire catastrophe écologique maritime » par le ministre de l’environnement néo-zélandais. Le capitaine et son second ont été inculpés pour « avoir manœuvré un navire en provoquant un danger inutile ou un risque ». Ils auraient reconnu avoir voulu gagner du temps en se rapprochant des côtes. Au moment de l’échouement, environ 300 tonnes de fioul lourd et toxique se sont déversés dans la mer, et 88 conteneurs sont passés par dessus bord. Une partie du fioul des soutes est pompée, et les conteneurs déchargés péniblement sur une barge. Par la suite, les tempêtes ont déplacé le navire, qui prend une gîte de 22°, puis le disloquent en deux parties distantes de 20 à 30 mètres dont l’une reste sur place, et l’autre finit par couler. En janvier, sur les 800 conteneurs restant à bord, 300 sont tombés à la mer et s’échouent sur les plages, et 350 tonnes de fioul seraient présentes dans les soutes. Les équipes de sauvetage continuent à décharger les conteneurs restant à bord, et à nettoyer les plages sur plus de 100 km. Nous venons d’apprendre que le capitaine a plaidé coupable d’avoir pratiqué une navigation dangereuse, d’avoir déversé des produits toxiques et d’avoir entravé le cours de la justice en détruisant les documents de navigation avant perquisition. Placé en détention provisoire sous caution, le jugement sera rendu le 25 mai. Le 16 décembre 2011 à 02 h 00 le cargo maltais TK Bremen, pris dans la tempête Joachim (vents de 50 à 60 nœuds, vagues de 5 à 7 mètres), s’est échoué sur une plage du Morbihan, occasionnant une pollution due à une fuite de combustible de propulsion. Nous ne reviendrons pas sur les circonstances, largement commentées par la presse, qui ont conduit le navire à quitter son mouillage au nord de Groix pour s’échouer sur la plage de Kerminity, à Erdeven. Les photos prises du navire échoué par Philip Plisson au début de la matinée sont suffisamment impressionnantes pour nous rendre compte de la catastrophe. La presse s’est évidemment emparée de l’évènement pour fustiger les navires poubelles qui polluent nos côtes. Les politiques n’ont pas craint de faire des déclarations indignées suggérant même, comme la ministre des transports, d’interdire aux navires d’appareiller pour des raisons météorologiques. Le professeur Chaumette, enseignant le droit maritime à Nantes s’est d’ailleurs prononcé à ce sujet, la directive communautaire 2009/17/CE du 23 avril 2009 sur le suivi du trafic des navires et les lieux de refuge « instituant un mécanisme conduisant les officiers de port à conseiller l’absence d’appareillage en cas de conditions météorologiques exceptionnellement défavorables ». Il va sans dire que le capitaine reste le plus apte à juger de l’opportunité de l’appareillage sauf dans le cas très rare où le port est consigné. Pourquoi le commandant turc a-t-il quitté le port, malgré le mauvais temps annoncé, pour prendre un mouillage en zone d’attente particulièrement abritée. Sans doute pour appareiller sans remorqueur ni pilote à la première fenêtre météo à destination d’Ispwich au Royaume-Uni où il était attendu le 18 ou le 19. Le commandant Ardillon, président de l’Afcan, explique très bien dans un article du « Marin » qu’il faut se pencher sur les pressions toujours plus fortes qui s’exercent aujourd’hui sur les capitaines, sans toutefois excuser les fautes nautiques que ces capitaines ont pu commettre. Peut-être pour éviter les reproches de son manager de rester à quai et de risquer de rater une marée au port suivant, le commandant du TK Bremen a-t-il pensé qu’il pouvait appareiller malgré la tempête annoncée, et passer encore une fois au travers. Mais ce ne sont que pures allégations, seuls les résultats de l’enquête feront la lumière sur les faits et les responsabilités. Après avoir été présenté à un juge d’instruction, le capitaine a été laissé libre avec la qualité de témoin assisté, à la différence du capitaine de l’Erika, mis en examen et incarcéré pendant une semaine, puis relaxé dix ans plus tard par le tribunal de Paris. Deux enquêtes sont actuellement en cours : une nautique menée par les Affaires maritimes, et une technique par le Bea mer. Les opérations de pompage de soute se sont terminées le 23 décembre 2011, et la déconstruction du navire s’est achevée le 26 janvier 2012. Le 13 janvier 2012 est arrivé l’accident tragique du Costa Concordia aux abords de la petite île du Giglio en Toscane, qui a fait 32 morts. La première audience préliminaire au procès sur ce drame a eu lieu samedi 3 mars à Grosseto. A cette audience ont pris part des rescapés, des avocats et des experts. Ces derniers, au nombre de quatre, disposeront de 90 jours pour analyser les données des VDR ( boîtes noires) et répondre aux 50 questions posées par la justice. Le commandant, assigné à résidence, n’assistait pas à cette première séance pour des raisons de sécurité. Il est mis en examen pour homicide par imprudence, naufrage, abandon du navire et défaut de communication aux autorités maritime. Entre les innombrables articles de journaux et les commentaires de nombreux spécialistes, nous disposons de suffisamment d’informations pour nous rendre compte de l’ampleur de la catastrophe. Le Costa Concordia, paquebot de 290 m de long, avec 4 229 personnes à bord (3 206 passagers et 1023 membres d’équipage) avait quitté Civitavecchia pour Savone le 13 janvier 19 h. Désireux de passer le plus près possible de l’île du Giglio, il met le cap sur l’île, dont il se rapproche à la vitesse de 15 nœuds. Le traitement des données de l’AIS par le logiciel Qastor Pilotage a permis de reconstituer les circonstances du naufrage : A 21 h 40, le navire est très proche de l’île et vient au dernier moment en grand sur la droite. Dans son abattée, il heurte à 21 h 45 par bâbord un rocher dont le choc provoque une brèche de 70 m de long sur l’AR, par laquelle l’eau s’engouffre. Après le choc, la vitesse tombe à 5 nœuds. Il continue néanmoins à suivre sur son erre, à très faible vitesse, une route au nord, et à 21 h 55 commence à éviter très lentement sur la droite. A 22 h 15, il est cap à l’est à une vitesse de 0,7 nœuds. Sa route s’infléchit au sud et le rapproche de l’île. A 22 h 50, il est au 210, à une vitesse de 0,5 nœuds. A 22 h 56, il est échoué devant le petit port du Giglio, couché sur tribord. Bien que les moteurs soient tombés en avarie après l’envahissement par l’eau de la salle des machines, il est vraisemblable que les mécaniciens ont fait de leur mieux pour redémarrer ce qu’ils pouvaient pour pouvoir se servir des propulseurs, et permettre ainsi de rapprocher le navire de la côte jusqu’à l’échouer. La Lloyd’s list, qui s’est beaucoup intéressée aux conséquences de l’accident, a révélé le 18 janvier que le Costa Concordia était déjà passé le 14 août 2011 à moins de 230 m de l’île de Giglio. Cette information rejoint les articles de la presse italienne nous montrant que les navires de croisière s’approchent souvent de l’ile pour effectuer une sorte de parade, « l’inchino », à l’intention des habitants et des touristes. Le commandant Ardillon reconnaît que cette pratique de permettre à des croisiéristes de voir la côte de très près est une excellente publicité pour Costa, qui, bien évidemment, n’a pas formulé de demande officielle, mais ferme les yeux tout en la pérennisant. Et le commandant Ardillon de conclure en posant la question de savoir « si, sans cette habitude prise, le capitaine du Costa Concordia aurait fait la même manœuvre ». Bien entendu, Costa Cruises qualifie la route fatidique du 13 janvier d’être « a deviation from the preplanned route to make a manœuvre that was unauthorised, unapproved and unknown to Costa ». En réaction à l’accident du Costa Concordia, l’idée de contrôler le navire et son capitaine depuis la terre refait surface. Dans article très argumenté, la Lloyd’s list du 24 janvier 2012 rapporte que les instigateurs d’un projet nord-européen de contrôle du trafic des navires ont avancé l’idée que la présence de centres de contrôle du trafic maritime, semblables aux contrôles aériens, aurait pu éviter cette catastrophe. Ces experts prétendent que des autorités basées à terre et disposant techniquement du matériel nécessaire pour suivre en temps réel les déplacements des navires et proposer leur aide pour planifier leurs routes, seraient en mesure de réduire les accidents liés à des changements irrationnels de cap ou de route. Le directeur de l’Autorité maritime suédoise affirme que la mise en place d’un tel système aurait contribué à dissuader le capitaine du paquebot de s’écarter de sa route, et prétend que cette catastrophe favorisera l’installation d’un grand dispositif européen de contrôle du trafic maritime. Cette idée n’est pas nouvelle, et se retrouve après chaque grande catastrophe maritime. A la conférence du « Captain’s day » à Monaco, en 2006, il a été rappelé que depuis le drame de l’Erika la question de la responsabilité du capitaine a donné lieu à un « pilonnage médiatico écologique ». il s’en est suivi une position jurisprudentielle et doctrinale d’une particulière sévérité à l’égard des capitaines de navire. N’oublions pas que le capitaine est le maître du navire, c’est-à-dire celui qui en en exerce le commandement, et est par conséquent juridiquement responsable de ce qui se rapporte à la sécurité. Il a en particulier le choix de la route et prend toutes les décisions qui s’imposent en mer et doit répondre de tout manquement aux règles de navigation. Ce n’est pas hélas le point de vue exprimé dans un récent article du Marin par un professeur de l’enseignement maritime qui préconise le recours à des systèmes d’aides à la décision contraignants. La responsabilité de la route est bien celle du capitaine, aussi le commandant Ardillon pose-t-il question de savoir à qui incombera la responsabilité d’un incident survenu à un navire ainsi contrôlé. Il ajoute « qu’il y a lieu d’être vigilant pour que le libre arbitre du capitaine reste une des composantes majeures de sa fonction ». En attendant, l’Italie vient d’adopter le 1er mars un décret interdisant aux navires de croisière de s’approcher trop près des côtes. Les paquebots ne pourront pas s’approcher à plus de 2 milles des réserves et parcs naturels, ni des zones protégées abritant des cétacés (baleines, dauphins…) au large de la Sardaigne et de la Toscane. Le texte vise aussi Venise qui voit transiter plusieurs millions de passagers embarqués sur des « immeubles flottants ». Autre conséquence prouvant que la vénalité n’a pas de limite, il paraît d’après plusieurs sources (lepoint.fr, dailymail.co.uk) que le naufrage du Costa Concordia donnerait lieu à un commerce morbide sur le site d’échanges ebay. Les internautes du monde entier peuvent se procurer des objets à l’effigie du paquebot, menus de gala (39 €), verre à cocktail (45 €), tasse à thé (60 €)… Autre accident dont on a beaucoup moins parlé, le naufrage le 2 février dernier du ferry d’une compagnie papoue, le Rabaul Queen, entre la Papouasie et l’île de New Britain, par vent de NW de plus de 40 nœuds et une houle de 5 mètres. Le navire, surchargé, transportait plus de 350 passagers dont 246 ont été sauvés par hélicoptères. On ignore les circonstances du naufrage, aucun signal de détresse n’ayant été émis. Pour autant, on sait que les 4 ferries de cette compagnie sont des navires âgés achetés d’occasion après une carrière bien remplie, dont, paraît-il, plus personne ne veut. Bien que l’amélioration de la sécurité maritime fasse l’objet de nombreux règlements internationaux, les accidents de ferries sont fréquents, particulièrement en Asie du sud, en raison de normes de sécurité défaillantes et du transport d’un nombre excessif de passagers. Il est navrant qu’au début du XXIème siècle on compte autant de naufrages : en 2002, le Joola, au large des côtes de Gambie (plus de 2 000 victimes) – en 2006, le Al-Salam Bocaccio, en mer Rouge (1 000 victimes) – en 2008, le Princess of the stars, aux Philippines (828 victimes) – en 2009, le Commando 6, aux Philippines (12 victimes) – en 2009, le Princess Ashika, en Papouasie (74 victimes). Les colloques maritimes en France Ce genre de réunions, qui rassemblent souvent plus de 1 000 participants, est à la mode en France. Tous les ans depuis 7 ans ont lieu fin novembre les « Assises de l’économie maritime et du littoral ». En 2010, à Toulon, la ministre de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement avait fait sensation en déclarant que « la mer faisait bien pleinement partie des responsabilités ministérielles qui lui avaient été confiées par le Président de la République et par le Premier ministre ». En 2001, à Dunkerque, la ministre a fait l’éloge de la politique maritime menée pendant le quinquennat du Président de la république, se félicitant de « la véritable politique maritime, ambitieuse, dont la France s’est dotée, et grâce à laquelle la France regarde à nouveau vers la mer ». Nous avons par la même occasion appris qu’elle trouvait très mauvaise l’idée d’un ministère de la mer isolé, alors qu’un ministère de la mer adossé au grand ministère du développement durable depuis 2007, lui donne « les principaux leviers d’une politique maritime intégrée ». Entre parenthèses, nous avons aussi appris, concernant la nouvelle école de la Marine marchande (ENSM), que la ministre envisageait la disparition d’une ou plusieurs des écoles actuelles, ce dont le président de l’ENSM n’avait pas été informé ! D’une connotation plus politique était la réunion organisée par l’UMP, en son magnifique siège de la rue de Vaugirard le 19 janvier 2012, dont le thème « la vocation maritime de la France » avait pour but de définir les orientations du parti politique du gouvernement concernant les métiers de la mer, l’avenir des ports, la plaisance, les énergies marines, l’axe Seine, la réforme de la pêche, la protection des milieux marins, l’enseignement maritime, l’outre-mer, la gouvernance maritime…Le ministre de la pêche a déployé tout son talent pour faire le bilan le plus positif de la politique du Président de la République, et les autres intervenants, tout aussi brillants, des personnalités politiques et des experts, se sont employés à montrer chacun leur grand intérêt pour la mer et ses réussites en ce domaine. Pour autant, comme l’a remarqué un participant, habitué à ce genre de colloque, si les dockers, les lamaneurs, le grand destin des ports français, le tourisme, l’écologie ou l’éolien ont été évoqués, les mots : marins, équipage, marine marchande, pavillon n’ont jamais été prononcés. Il a fallu l’intervention de Jean-Louis Hénaff, au nom d’HSM (Hydro Sup Marine), évoquant la fin d’activité de BW Marine, pour exprimer son inquiétude sur le devenir de la flotte française, et sur le sérieux problème d’embarquement des élèves. Autant a été apprécié le moment où Francis Vallat a apostrophé le service de communication de l’UMP le traitant de « nul » pour lui faire savoir que son bilan n’était pas brillant, autant sa réponse aux difficultés d’embarquement des élèves, à savoir qu’une meilleure maîtrise de l’anglais leur permettrait de trouver un embarquement sous pavillon étranger, a été décevante. Jean-François Copé s’est montré très satisfait de ces approches transversales sur les problèmes de la mer, insistant sur le fait que saisir les opportunités de croissance et d’emplois liées à la mer est un atout majeur d’action pour la France qui doit demeurer une grande puissance maritime. C’est seulement à cette occasion où, évoquant les métiers de la mer, le secrétaire général de l’UMP a parlé des marins de la marine marchande. Beaucoup plus technique est le forum MARISK sur la prévention des risques maritimes et portuaires qui s’est déroulé à Nantes les 26 et 27 janvier 2012. Créé en 2005, le forum se tient tous les deux ans. Axé sur la sûreté, MARISK s’est largement étendu cette année sur les aspects techniques de la sécurité maritime, comme les risques liés au gigantisme des navires, notamment à passagers, ou ceux du vieillissement des navires à double coque, ou encore les concepts de citadelles, destinées à protéger les équipages contre les attaques extérieures. Evoquant les problématiques liées au navire du futur, il a aussi été question de la déresponsabilisation du bord face à un armateur qui, depuis la terre, peut diriger en temps réel les opérations et prendre les décisions. Mais compte tenu de la richesse des conférences et des tables rondes qui ont suivi, nous nous bornerons à évoquer la question de la sécurité en cas d’accident sur les paquebots de croisière dont la taille ne cesse d’augmenter. Suite au naufrage du Costa Concordia Mme Sam-Lefebvre, chercheur à l’ENSM, a fait part lors du colloque de son point de vue sur la délicate gestion des situations de crise des navires à passagers. Elle fait remarquer que dans la situation du paquebot, les premiers éléments de l’enquête font ressortir une gestion chaotique des opérations d’évacuation et d’abandon du navire et que la panique des passagers a été accentuée par celle de l’équipage qui n’a pas su mettre en place les procédures requises par la réglementation. Aussi affirme-t-elle « qu’il importe de définir une formation adaptée et résolument tournée vers la prise en charge des situations de crise à bord des navires à passagers. » Pour autant tous ces instruments existent déjà : ce sont l’ISM, instrument de la culture sécurité, STCW V/2 et V/3, et CRM (Crew Ressource Management) dans STCW 2010. Mme Sam-Lefebvre demande la limitation du nombre de nationalités à bord du navire pour faciliter la vie des marins. Cette disposition qui vise à contribuer à la cohésion de l’équipe gestionnaire à bord malgré une diversité culturelle et linguistique accrue, ne paraît néanmoins pas nécessaire, car tous les marins sont censés parler l’anglais de base y compris les instructions à transmettre aux passagers en cas d’urgence. Mais Mme SamLefebvre a bien raison de vouloir améliorer les connaissances en gestion de crise et comportement humain, qu’il faudrait étendre à tout le personnel des navires à passagers et à tous les autres marins. La formation des équipages à la gestion des situations de crise est à parfaire, on imagine mal la situation d’un paquebot sur lequel la majorité de l’équipage n’a pas les compétences qu’elle prétend avoir. De toute façon les connaissances et la compétence des membres d’équipage sont du ressort de l’armement, à qui est délivrée une attestation de conformité (DOC) lui permettant d’exploiter sa flotte en toute sécurité. En clair, la compagnie Costa devrait voir son DOC retiré depuis l’accident ! René TYL