Vaste escroquerie aux faux tableaux en Allemagne
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Vaste escroquerie aux faux tableaux en Allemagne
Vaste escroquerie aux faux tableaux en Allemagne LE MONDE | 01.07.2011 à 15h08 • Mis à jour le 19.12.2011 à 12h02 | Par Frédéric Lemaître Berlin, correspondant Des faussaires devenus millionnaires, des faux tableaux qui se retrouvent dans des musées comme le Metropolitan de New York, ou dans une vente chez Sotheby's, des intermédiaires dont le rôle reste à définir, et des célébrités qui se sont fait gruger. Le procès qui doit s'ouvrir en septembre au tribunal de Cologne s'annonce croustillant. Pour la presse allemande, il s'agit du plus grand scandale qu'a connu le monde de l'art depuis la seconde guerre mondiale. Quatre personnes, le peintre Wolfgang Beltracchi, son épouse Hélène, la soeur de celle-ci, Jeannette, et un receleur, Otto Schulte-Kellinghaus, sont sous les verrous depuis août 2010 pour avoir écoulé, depuis le milieu des années 1990, des faux tableaux de Max Ernst, André Derain, Fernand Léger, Max Pechstein, Heinrich Campen-donk... Hélène et sa soeur en étaient les propriétaires, affirmaient-ils, car leur grand-père Werner Jägers les avait achetés avant-guerre à un célèbre galeriste - bien réel mais mort -, Alfred Flechtheim. L'escroquerie ne fut découverte que quinze ans plus tard, en 2010 lorsqu'un expert, Ralph Jentsch, remarqua qu'au dos de plusieurs tableaux les étiquettes indiquant la galerie Flechtheim ne pouvaient être authentiques. Une plainte déposée par une galerie qui avait acquis un prétendu Campendonk pour la somme record de 2,4 millions d'euros provoqua une enquête de la police de Berlin. Celle-ci fut menée dans neuf pays européens et aux Etats-Unis. Les quatre personnes ont été mises en examen. Il est acquis que 14 tableaux vendus pour 34,1 millions d'euros sont des faux et l'enquête se poursuit pour 33 autres toiles. Il n'est pas exclu que le préjudice soit encore plus important mais que des acheteurs grugés ne tiennent pas à se faire connaître, notamment pour des raisons fiscales. Outre les malversations des quatre escrocs, l'enquête a mis en lumière le rôle d'intermédiaire joué par Henrik Hanstein, directeur de la maison de ventes aux enchères Lemperts, à Cologne. Ce dernier a vendu des toiles de la "collection Jägers" dont, en 2006, Tableau rouge avec chevaux, un faux Campendonk, pour 2,88 millions d'euros. Outre une plainte au civil de l'acheteur, Henrik Hanstein ferait l'objet d'une enquête pénale, selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Il semble ne pas avoir beaucoup enquêté sur cette collection Jägers alors qu'en 1995, déjà, il avait dû renoncer à vendre une oeuvre attribuée à Hans Purrmann issue de cette collection après que la famille Purrmann l'eut identifiée comme fausse. De même at-il vendu un tableau attribué à Max Pechstein (Pont sur la Seine avec péniches), bien qu'un expert ait émis des doutes sur un pigment bleu inhabituel. Doutes qui furent confirmés : le tableau était un faux. Henrik Hanstein plaide la bonne foi et clame qu'il fut une victime des escrocs. Un de ses arguments est que "même Werner Spies" s'est trompé. Cet historien allemand, ancien directeur du Musée national d'art moderne (Centre Pompidou) de 1997 à 2000, expert du surréalisme et de Max Ernst, sera entendu comme simple témoin au cours du procès. Cela n'empêche pas la presse allemande d'épingler M. Spies pour plusieurs authentifications erronées - et rémunérées selon la presse allemande - de tableaux de Max Ernst. Il est aussi reproché à Werner Spies des conflits d'intérêts en raison de ses multiples casquettes dans l'art. Le meilleur exemple est La Forêt (2), de Max Ernst, que lui montre Hélène Beltracchi en 2004. Ne doutant pas de son authenticité, Werner Spies met en relation sa propriétaire et Marc Blondeau, marchand à Genève. Intéressé, M. Blondeau la vend 1,8 million d'euros à une entreprise, Salomon Trading. Comme le raconte le Spiegel du 11 juin, le tableau apparaît un an plus tard à la galerie parisienne Cazeau-Béraudière qui le prête pour une exposition au Musée Max-Ernst de Brühl (le village natal de l'artiste, en Allemagne), dont l'administrateur est Werner Spies. Avec cette exposition, le tableau prend de la valeur. Un mois après, la galerie Cazeau-Béraudière vend le tableau 5,5 millions d'euros à l'ancien homme de presse français et collectionneur Daniel Filipacchi. Quelques semaines après la vente, la galerie Cazeau-Béraudière fait don au musée de Brühl d'un autoportrait de Ernst. "Pour la qualité de mon travail", explique Werner Spies au Spiegel. Ce travail de qualité semble contredit par les faits : en 2010, la police allemande a trouvé chez le receleur Otto Schulte-Kellinghaus un rapport dans lequel une experte parisienne, en 2003, explique qu'en aucun cas La Forêt (2) n'a pu avoir été peinte en 1927 par Ernst, car la toile contient des pigments qui n'étaient pas utilisés à l'époque. Au fait, qu'ont fait les escrocs des 30 millions d'euros encaissés ? Outre une propriété près de Montpellier, ils auraient acheté des tableaux. Des vrais. Frédéric Lemaître - Berlin, correspondant