Gesamtartikel

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Gesamtartikel
C O R P O RATE G OVE R NAN C E
H E N RY P E T E R
G U I LLAU M E JACQU E M ET
CORPORATE SOCIAL RESPONSIBILITY
Analyse des rapports 2013 des dix plus grandes sociétés
du SMI
La Responsabilité Sociale des Entreprises est le concept en vertu duquel les entreprises tiennent compte des dimensions sociales et environnementales de leurs activités. Les sociétés suisses l’intègrent de façon croissante dans leur stratégie, dans
leurs structures et dans leur communication. Les auteurs dressent un état des lieux
à la lumière des rapports annuels 2013 des dix plus grandes sociétés du Swiss Market Index.
1. INTRODUCTION
La Corporate Social Responsibility (CSR), en français Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), a été définie par la Commission des Communautés Européennes comme étant:
«(...) un concept qui désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes» [1].
Fin 2011, la Commission Européenne en a proposé une définition encore plus ramassée:
«Corporate social responsibility (CSR) refers to companies taking
responsibility for their impact on society» [2].
Jusqu’à récemment, de nombreuses entreprises et leurs dirigeants ignoraient tout de la CSR ou, s’ils en connaissaient le
concept, préféraient s’en désintéresser. Cette attitude, encore
commune, repose sur l’approche néo-libérale selon laquelle
l’entreprise capitaliste classique n’est qu’un instrument dont
la finalité est de générer le plus de profits possible en faveur
de ses propriétaires, à savoir ses actionnaires [3]. C’est le
dogme de la shareholders’ value qui s’oppose, en tout cas prima
facie, à celui de la stakeholders’ value. Promouvoir, dans son
discours et dans ses actes, d’autres intérêts que ceux des seuls
actionnaires apparaît dès lors superflu, voire prohibé.
Ce paradigme semble toutefois avoir vécu, en partie en tout
cas. L’attention croissante portée à la responsabilité sociale
de l’entreprise depuis quelques années influence toujours
plus profondément les dirigeants d’entreprises. Ils sont dé-
sormais nombreux à reconnaître l’importance de la CSR et à
adopter une politique qui la favorise, avec pour conséquence
qu’ils développent des structures organisationnelles destinées à identifier et à gérer les devoirs, les risques et les opportunités qui lui sont liés.
Notion aux contours variables, appartenant au concept
plus ample du développement durable et dont la mise en
œuvre au sein de l’entreprise renvoie en partie aux principes
de la corporate governance, la CSR n’est d’une manière générale
que très peu règlementée. Il n’existe en effet en l’état, en
Suisse, aucune exigence légale particulière en la matière.
Face à ce vide normatif, les entreprises édictent leurs propres
règles (micro self-regulation) destinées à exprimer leur vision
et à encadrer leur comportement en rapport avec la CSR. Parallèlement à ces initiatives, toute une série d’instruments
non-contraignants [4] ont vu le jour à l’initiative d’organismes
privés (macro self-regulation) [5], notamment en matière de reporting et s’agissant de la vérification du respect de ces règles.
Ces différents dispositifs constituent formellement de la
«soft law», dans le sens que ces derniers reposent sur une application v
­ olontaire par les opérateurs économiques concernés. On ne saurait cependant ignorer que, matériellement, ces
exigences sont désormais généralement considérées comme
reflétant le comportement que devrait avoir toute entreprise,
si bien que les clients, les investisseurs et, généralement,
l’opinion publique s’attendent à ce que toute société s’y con­
forme, leur conférant de facto un caractère obligatoire.
HENRY PETER,
GUILLAUME JACQUEMET,
DR EN DROIT,
DÉPARTEMENT DE
PROFESSEUR ORDINAIRE
DROIT COMMERCIAL,
FACULTÉ DE DROIT
FACULTÉ DE DROIT,
UNIVERSITÉ DE GENÈVE,
UNIVERSITÉ DE GENÈVE,
GENÈVE
GENÈVE
2014 | 11 L’ E X P E R T - C O M P TA B L E S U I S S E
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C O R P O RATE G OVE R NAN C E
C orporate S ocial R esponsibility
Tableau 1: CHARTE ORGANISATIONNELLE D’UBS – COMITÉ CSR
Regulator
External Audit
Shareholders
Chairman
Board of Directors of UBS AG
Audit
Committee
Corporate
Responsibility
Committee
Group Executive Board
Goup Regional CEOs
Human
Resources and
Compensation
Committee
Governance and
Nominating
Committee
Risk
Committee
Group
Internal
Audit
Group CEO
Divisional/CC CEOs
Group Functional Heads
Americas
Asia Pacific
EMEA
Wealth
Wealth
Management Management
Americas
Investment
Bank
Global Asset
Management
Retail &
Corporate
Corporate
Center
Switzerland
Les auteurs de cet article ont dès lors estimé opportun de
dresser un état des lieux de la CSR en Suisse, non pas de manière abstraite mais en se fondant très concrètement sur ce
qui a été publié fin 2013 par les dix plus grandes sociétés
suisses cotées au SMI [6]. Les informations concernées sont
contenues soit dans des rapports consacrés spécifiquement
à la CSR, soit dans les rapports annuels, soit dans des codes
de conduite, dans des chartes éthiques ou parfois encore
dans d’autres formes de communication consacrées au sujet.
Cette analyse empirique permet notamment de s’interroger
sur l’existence de constantes se dégageant de la pratique des
sociétés analysées et donc du monde suisse des affaires. Représentant l’essentiel de la capitalisation boursière de notre
pays et étant pour certaines d’entre elles des leaders mondiaux
dans leur domaine d’activité, ces dix entreprises ont en effet
un impact très significatif sur le marché, mais également sur
la société civile. Leur comportement permet ainsi de dégager
des good behaviour benchmarks dont on peut penser qu’ils produisent – ou produiront – un effet d’entraînement sur les
autres entreprises suisses, voire étrangères.
2. GOUVERNANCE
L’élévation des préoccupations sociales et environnementales au même rang que les préoccupations financières passe
par une implication claire des plus hautes instances dirigeantes de l’entreprise. Afin que les engagements pris en matière de CSR soient respectés et adéquatement appliqués à
tous les niveaux de l’organisation, il est en effet crucial que la
stratégie CSR de l’entreprise soit initiée, soutenue et contrô-
1028
lée au plus haut niveau de la société et donc par son conseil
d’administration et par sa direction. L’engagement des dirigeants n’est évidemment, en soi, pas suffisant. Toute entreprise qui attache une réelle importance à la question de la CSR
doit instaurer des structures concrètes de gouvernance per-
« Plus de la moitié des sociétés
analysées ont instauré au
sein de leurs conseils d’administration
un comité spécifiquement en charge
de la CSR.»
mettant d’appréhender et de gérer efficacement ses choix en
la matière, ainsi que les différents risques et opportunités afférents à la CSR. Cette nécessité semble aujourd’hui acquise
et se traduit dans les actes: plus de la moitié des sociétés analysées ont instauré au sein de leur conseil d’administration
un comité spécifiquement en charge de la CSR, à l’image
d’UBS dont la charte organisationnelle est reproduite ci-dessus [7] (cf. tableau 1).
Les comités de responsabilité sociale du conseil d’administration sont chargés d’établir la stratégie de l’entreprise en
matière de CSR et veillent à son respect:
«The new ‹Governance, Nomination and Corporate Responsibilities Committee› will oversee our company’s strategy and governance on corporate responsibility and key issues related to corpo-
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Tableau 2: GOUVERNANCE ET ACCOUNTABILITY EN MATIÈRE DE CSR: SYNTHÈSE
Dirigeant(s) présentant
la stratégie CSR
Nestlé
Novartis
Roche
UBS
ABB
Mise en place d’un comité
spécifique du CdA
Global Accountability
Chairman et CEO
×
Chairman, CEO et Executive Board Members
CEO et GHCR
***
Senior Executive (GHCR)
×*
**
Corporate Sustainability Committee
Chairman

Corporate Responsibility Committee
CEO
×
Executive Committee Member
Chairman

CFO
Chairman et CEO
×
CEO**
CEO**
×
Group Executive Committee
Syngenta
×*

Corporate Responsibility Committee
Swiss Re
Chairman et CEO

Chairman’s and Governance Committee
Richemont
Credit Suisse
Zurich Insurance
*Ces deux sociétés publient un rapport «intégré», ce qui explique probablement pourquoi les instances dirigeantes ne répètent pas leur stratégie en matière de
CSR dans une partie du rapport qui lui est spécialement consacrée.
** Ces informations n’ont pas été trouvées dans les rapports analysés, mais sur le site internet de la société.
***Le rapport 2013 de Novartis (p. 36) annonce la mise en place d’un Governance, Nomination and Corporate Responsibilities Committee dès le 1er janvier 2014.
rate responsibility that may affect the Company’s business and reputation» [8].
Ils veillent également à ce que l’image et la bonne réputation de la société soient en tout temps assurées et que la communication entre la société et ses stakeholders soit effective et
efficace. Une autre approche consiste à confier cette tâche à
un comité spécifique de la direction générale. Ainsi:
«The Nestlé in Society Board, chaired by our CEO, oversees the
strategic implementation of Creating Shared Value across our businesses. It also leads the development and evolution of our Creating Shared Value, environmental sustainability, and all societal
objectives and strategies» [9].
L’adoption de telles solutions semble aujourd’hui s’imposer comme standard en matière de bonne gouvernance,
« Il apparaît par ailleurs essentiel
que les entreprises désignent
clairement une personne ou une fonction
assumant la responsabilité ultime
en la matière.»
si bien qu’il est à prévoir que les entreprises n’ayant pas encore franchi le pas se résoudront à le faire dans un proche
­avenir.
Il apparaît par ailleurs essentiel que les entreprises désignent clairement une personne ou une fonction assumant
la responsabilité ultime en la matière; on parle à cet égard
d’accountability. Comme l’atteste une étude menée au niveau
international par KPMG, les entreprises ayant identifié avec
précision la personne responsable de la gestion globale de la
CSR obtiennent en effet de meilleurs résultats du point de
vue de l’implémentation de leur stratégie CSR et de la qualité
de leur reporting [10]. Toutes les sociétés analysées l’ont fait, en
désignant, parfois nominalement, la personne concernée. En
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fonction de la structure de gouvernance mise en place, il
s’agira soit d’un membre du comité exécutif, soit d’un membre
du conseil d’administration, voire parfois du président luimême (cf. tableau 2). Il pourrait au demeurant se justifier de
lier en partie la rémunération du management à sa performance en matière de CSR.
3. CODES DE CONDUITE
Le code de conduite a pour finalité d’exprimer les visions et
missions de l’entreprise en matière de CSR, d’établir les principes qui guident en conséquence la gestion quotidienne de
ses affaires dans cette perspective et de formaliser les engagements de l’entreprise envers ses différents stakeholders. Il
convient à cet égard de souligner l’importance que revêt
l’annonce publique du commitment de la société, à l’aune duquel celle-ci sera ensuite jugée. Partant, on peut y voir une
sorte de contrat social – il convient de dire désormais sociétal – sur le plan de la CSR. Novartis déclare ainsi:
«notre Code de Conduite reflète les engagements que nous prenons en tant qu’entreprise citoyenne responsable pour répondre
aux attentes des parties prenantes concernées par nos activités,
et contient les principes et règles fondamentaux de la conduite
éthique de nos affaires» [11].
L’ensemble des sociétés analysées ont émis à ce jour un code
de conduite, faisant de cette pratique un standard probablement incontournable [12].
3.1 Contenu des différents codes de conduite. Le contenu
des codes de conduite varie d’une société à l’autre. Malgré
cette disparité, certaines thématiques sont constantes. Le fait
de se conformer aux lois et réglementations en vigueur dans
les pays où les activités sont déployées (compliance), de même
que l’intégrité et l’éthique dans la conduite des affaires
semblent être les thèmes dominants:
«L’intégrité est la clé de notre succès sur le long terme» [13].
D’autres problématiques concernant les différentes parties
prenantes sont également abordées de manière récurrente:
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C orporate S ocial R esponsibility
Tableau 3: PRINCIPALES THÉMATIQUES ABORDÉES DANS LES CODES DE CONDUITE
Business ethics
Collaborateurs
Partenaires
 Respect des lois
 Conditions de travail
 Loyauté dans les affaires
 Conflits d’intérêts
 Discrimination et harcèlement
 Concurrence loyale
 Sécurité de l’information
 Santé et sécurité
 Conformité aux valeurs
 Promotion de la concurrence
 Diversité et égalité des chances
 Lutte contre la corruption
 Respect de la vie privée
 Lutte contre les délits d’initié
Clients
Actionnaires
Société civile
 Qualité, sécurité et innovation
 Bonne gouvernance
 Investissement communautaire
 Information et marketing
 Transparence et honnêteté
 Protection de l’environnement
 Relations honnêtetés et confiance
 Protection des actifs
 Promotion du développement durable
les conditions de travail des collaborateurs, le respect des
normes sociales par les fournisseurs ou encore les préoccupations liées à la clientèle peuvent à cet égard être citées (cf. tableau 3).
Ces constantes se déclinent et se développent en fonction
des enjeux auxquels est confrontée l’entreprise et des valeurs qu’elle entend promouvoir. Dans le domaine financier
(banques et assurances), la lutte contre la criminalité économique occupe ainsi une place importante, tout comme la sé-
« Du point de vue de leur
légitimité, l’ensemble
des codes analysés ont été
adoptés au plus haut
niveau de l’entreprise et sont
appelés à être respectés par
l’ensemble des collaborateurs.»
curité des informations confidentielles, alors que ces aspects
sont accessoires dans d’autres domaines. Dans le secteur biomédical, un accent particulier est mis sur l’innovation et la
protection de la propriété intellectuelle:
«les droits de propriété intellectuelle et leur protection sont pour
Roche d’une importance fondamentale. (…). Roche encourage les
initiatives visant à créer un contexte légal et réglementaire qui
protège les droits de propriété intellectuelle» [14].
Cette dernière citation montre au demeurant que si les entreprises prennent des engagements altruistes, elles le font indéniablement parfois aussi dans leur propre intérêt. Pour les
entreprises manufacturières plus classiques, le risque réputationnel découlant de leur association avec des fournisseurs ou partenaires commerciaux peu scrupuleux est au
centre de leurs préoccupations. Certaines sociétés décident
en conséquence d’élargir le champ d’application de leur code
de conduite en l’imposant à leurs partenaires:
1030
«Afin de protéger et de promouvoir la réputation d’ABB, nous choisissons des sous-traitants qui agissent conformément au présent
Code de Conduite» [15].
D’autres ont décidé d’adopter, en sus de leur code de con­
duite, différents codes qui s’adressent spécifiquement à
leurs fournisseurs ou autres sous-traitants:
«Le Code de conduite pour les fournisseurs de Nestlé énonce les
normes minimales que nous demandons à nos fournisseurs, à nos
agents, à nos sous-traitants et à leurs employés d’adopter et de respecter» [16].
Toutes les entreprises tiennent compte enfin, d’une manière
ou d’une autre, des aspects environnementaux ou sociaux
liés au développement durable, à l’instar d’UBS qui
«s’engage à agir de manière responsable sur le plan environnemental dans toutes ses relations d’affaires et à promouvoir le développement durable» [17].
Le principe dit one size fits all ne s’applique en d’autres termes
pas en matière de code de conduite; chaque entreprise doit
adapter la forme et le contenu de ce dernier aux enjeux et aux
valeurs qui lui sont propres. Compte tenu de la quantité et de
la diversité des thèmes abordés, il semble opportun de dresser une check list. Celle-ci est présentée sous forme de tableaux
qui illustrent, pour chaque stakeholder ou intérêt protégé, le
traitement des différentes thématiques par chacune des dix
sociétés analysées [18]. Lorsque le thème de référence est clairement abordé par une société dans son code de conduite, il
est marqué d’un «». Lorsque le thème est absent du rapport
ou qu’il est abordé de manière moins approfondie ou moins
claire [19], il est marqué d’un « × » (cf. tableau 4).
3.2 Adoption et accountability. Du point de vue de leur légitimité, l’ensemble des codes analysés ont été adoptés au
plus haut niveau de l’entreprise et sont appelés à être respectés par l’ensemble des collaborateurs. Une déclaration formelle d’adhésion et de conformité est fréquente:
«UBS exige de ses collaborateurs et des membres du Conseil d’administration qu’ils adhèrent à l’esprit et à la lettre de ce Code, applicable en toutes circonstances» [21].
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Tableau 4: ANALYSE PAR STAKEHOLDER/INTÉRÊT PROTÉGÉ
4.1 Business ethics
Respect
des lois
Nestlé
Novartis
Roche
UBS
ABB
Richemont
Credit Suisse
Zurich Ins.
Syngenta
Swiss Re
Lutte contre
les conflits
d’intérêts





×




Sécurité
de l’information





×


×

Promotion de
la concurrence
(antitrust)





×
×



Lutte
contre la
corruption










Discrimination
harcèlement
Santé et
sécurité
Respect de
la vie privée











×








Diversité/
égalité des
chances










Loyauté
dans les
affaires
×

×





×

Concurrence
loyale





×
×

×

Conformité
aux
valeurs [20]



×


×

×

Bonne
gouvernance
×
×
×
×
×

×
×
×
×
Transparence
et honnêteté
Protection
des actifs
×


×


×
×
×






×









×




4.2 Collaborateurs
Conditions de
travail

Nestlé

Novartis

Roche

UBS

ABB

Richemont

Credit Suisse

Zurich Ins.

Syngenta

Swiss Re
4.3 Partenaires
Nestlé
Novartis
Roche
UBS
ABB
Richemont
Credit Suisse
Zurich Ins.
Syngenta
Swiss Re

×

×

×
×

×

4.4 Clients
4.5 Actionnaires
Nestlé
Novartis
Roche
UBS
ABB
Richemont
Credit Suisse
Zurich Ins.
Syngenta
Swiss Re
Lutte contre
les délits
d’initié





×
×



Nestlé
Novartis
Roche
UBS
ABB
Richemont
Credit Suisse
Zurich Ins.
Syngenta
Swiss Re
Qualité,
sécurité et
innovation







×

×
Information
et marketing

×

×
×
×

×

×
Relations
honnêtes et
confiance





×

×
×
×
Investissement communautaire






×
×

×
Protection de
l’environnement






×



Promotion du
développement durable

×





×


4.6 Société civile
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Nestlé
Novartis
Roche
UBS
ABB
Richemont
Credit Suisse
Zurich Ins.
Syngenta
Swiss Re
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Tableau 5: MÉCANISMES DE MISE EN ŒUVRE DES CODES DE CONDUITE
Adhésion et
conformité
Système
d’alerte
Service
compétent
Anonymat
Représailles
contre le
dénonciateur
Sanctions en cas
de violation
Aucune précision
Ligne d’alerte
téléphonique
Interne
Garanti
Protection
expresse
Mesures disciplinaires
(licenciement)
Condition
d’embauche
Ligne d’alerte
téléphonique
Interne
Garanti
Protection
expresse
Mesures disciplinaires
(licenciement)
Aucune précision
SpeakUp Line
Tiers
indépendant
Garanti
Protection
expresse
Mesures disciplinaires
(licenciement)
UBS
Exigée
expressément
Procédure
d’alerte non
précisée
Interne
Garanti
Protection
expresse
Mesures disciplinaires
(licenciement)
ABB
Aucune précision
Business Ethics
Hotline
Interne
Garanti
Protection
expresse
Mesures disciplinaires
(licenciement)
Richemont
Exigée
expressément
Adresse e-mail
Interne
Garanti
Protection
expresse
–
Credit
Suisse
Exigée
expressément
Integrity
hotline
Interne
Garanti
Protection
expresse
Mesures disciplinaires
(appropriées)
Zurich Ins.
Déclaration
personnelle
annuelle
–
–
Confidentialité
stricte
Protection
expresse
Mesures disciplinaires
(licenciement)
Syngenta
Condition
d’embauche
Syngenta
Compliance
Helpline
Tiers
indépendant
Garanti
Aucune
garantie
Mesures disciplinaires
(appropriées)
Swiss Re
Exigée
expressément
–
–
Aucune
garantie
Protection
expresse
Mesures disciplinaires
(appropriées)
Nestlé
Novartis
Roche
En fonction de l’état d’esprit et de la culture d’entreprise, il
arrive que les codes soient accompagnés d’une préface, parfois signée par le président du conseil d’administration et/ou
par le CEO. Les codes de conduite de Nestlé et du Credit
Suisse ont ainsi été adoptés par le conseil d’administration et
la direction de la société. Ceux de Novartis, UBS et Syngenta
ont été signés par le président du conseil d’administration et
le CEO. Les codes de Roche et Swiss Re ont quant à eux été signés par le CEO, après avoir été approuvés par le conseil d’ad-
« Ceci permet d’observer qu’en
tant qu’instrument fondamental
de gouvernance et de culture
de l’entreprise le code de conduite doit
être un document évolutif.»
ministration, alors que le code de la Zurich Insurance Group
ainsi que celui d’ABB ne font référence ni au conseil d’administration, ni à son président. Enfin, le code de conduite de
Richemont a été adopté par le conseil d’administration de la
société, sans référence particulière à son président ou à son
CEO.
Si l’adoption des principes s’effectue au plus haut niveau
hiérarchique, aucun standard ne semble encore se dessiner
1032
quant à la question de savoir qui doit assumer la responsabilité ultime de leur respect. Celle-ci devrait en principe échoir
en premier lieu au conseil d’administration et, subsidiairement, à la direction. A l’instar de ce que recommande Ethos,
il semble par ailleurs opportun que le président du conseil
d’administration et le CEO affirment leur adhésion au code
par la signature de son paragraphe introductif [22]. Cette
simple démarche est de nature à accentuer la crédibilité desdits codes, à renforcer la culture d’entreprise et à donner une
importance primaire aux engagements de celle-ci en matière
de CSR.
3.3 Contrôle de la mise en œuvre et whistleblowing. Afin
de contribuer à leur respect et donc à leur application effective, chacun des codes analysés prévoit un dispositif d’alerte.
Des systèmes de notification plus ou moins complexes, généralement connus sous le nom de whistleblowing, sont en général mis en place afin que les violations éventuelles soient
rapportées. Avec sa procédure de signalement des incidents
de nature éthique (BEIR, Business Ethics Incident Reporting),
Roche fait office de précurseur car elle permet à son Chief
Compliance Officer de saisir, en fonction des circonstances,
soit le directoire, soit le comité de gouvernance et de dura­
bilité du conseil d’administration lorsqu’un incident est
constaté. Une page entière de son code est par ailleurs con­
sacrée à sa ligne dédiée (dite SpeakUp Line) qui permet aux
employés de signaler, anonymement, tout soupçon ou viola-
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C orporate S ocial R esponsibility
tion effective du code [23]. Ce canal de communication est
géré et administré par un tiers indépendant et garantit la protection du dénonciateur, renforçant par conséquent la con­
fiance des employés qui peuvent, parfois légitimement, avoir
des doutes quant à l’impartialité d’un service interne à l’entreprise.
Si toutes les sociétés analysées ont désormais mis en place
des procédures de whistleblowing, la réelle différence réside
plutôt dans l’information contenue à cet égard dans leur code
de conduite. Celui-ci devrait en effet donner des indi­cations
suffisantes et donc très concrètes sur la marche à suivre, sur
le degré de matérialité nécessaire au déclenchement d’une
alerte ou encore sur les personnes ou services auxquels
s’adresser. Or certaines entreprises semblent se montrer encore assez peu rigoureuses de ce point de vue, à l’image peutêtre de Swiss Re dont le code – bien que comportant plus de
soixante pages – est assez sibyllin, se limitant à affirmer:
«Good-faith reporting of illicit acts is encouraged and supported» [24].
Enfin, pour assurer une mise en œuvre efficace de son code,
il est impératif que l’entreprise instaure un système de sanctions en cas de violation – intentionnelle ou par négligence –
des normes énoncées. Il s’agit généralement de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement de la personne
qui contreviendrait aux dispositions du code (cf. tableau 5).
3.4 Améliorations souhaitables. Si les sociétés semblent
avoir aujourd’hui compris et intégré l’importance d’un code
de (bonne) conduite, certaines améliorations restent évidemment possibles et au demeurant souhaitables, tant du point
de vue de leur contenu que de leur mise en œuvre. Bien que
l’ensemble des thèmes primordiaux soient couverts par la
plupart des codes analysés, les enjeux liés à l’environnement et au développement durable – thèmes dont l’importance est notoirement croissante – pourraient être abordés
plus spécifiquement par certaines sociétés. Ceci permet
d’observer qu’en tant qu’instrument fondamental de gouvernance et de culture de l’entreprise, le code de conduite doit
être un document évolutif et donc régulièrement mis à jour.
Or il est surprenant de constater que plus de la moitié des
codes analysés ont été adoptés avant 2010 et que, depuis, ils
n’ont apparemment subi aucune révision [25]. Cette responsabilité devrait elle aussi échoir en premier lieu au conseil
d’administration et, subsidiairement, à la direction. Du point
de vue de leur mise en œuvre, si toutes les entreprises prévoient des moyens a priori efficaces pour signaler d’éventuelles
irrégularités, ces dispositifs restent parfois encore quelque
peu opaques.
4. REPORTING EN MATIÈRE DE CSR
Communiquer en matière de CSR est devenu aujourd’hui incontournable pour toute entreprise de taille significative. Il
est en effet important – et toujours plus exigé par l’opinion
publique – que les différentes parties prenantes puissent disposer d’informations quantitativement et qualitativement
adéquates compte tenu des standards généralement admis
en matière de CSR. Ces informations doivent notamment
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permettre aux actionnaires, aux obligataires et aux partenaires commerciaux de «comprendre et d’évaluer la performance
extra-financière» [26] de la société dans laquelle ils ont investi
ou avec laquelle ils entretiennent des rapports de tout type
(p. ex. les clients de Nestlé). Elles permettent également à
l’entreprise de comprendre sa propre exposition aux risques
« Aucune société cotée
ne peut se permettre de ne
pas rapporter de façon
conforme à ce qui est considéré comme
le benchmark en la matière.»
environnementaux, sociaux, éthiques et réputationnels. Le
reporting extra-financier constitue ainsi un véritable instrument de management. Il est par ailleurs aussi un moyen de
promotion de l’image de l’entreprise, car il est incontesté que
la considération dont jouit une société est désormais directement corrélée à son comportement en matière de CSR.
Le CSR reporting est en conséquence toujours plus souvent
nécessaire et exigé, au point que l’on peut probablement affirmer aujourd’hui qu’aucune société importante, et en particulier aucune société cotée, ne peut se permettre de ne pas
rapporter de façon conforme à ce qui est considéré comme le
benchmark en la matière. Cette nécessité est confirmée par
l’analyse de la pratique de toutes les sociétés examinées.
En l’absence d’exigences légales particulières ou même
seulement d’un cadre normatif de référence, de nombreuses
initiatives privées ont vu le jour à ce propos. Elles visent
toutes à améliorer la transparence de l’information extrafinancière (qui englobe en particulier la CSR), sa qualité, sa
sincérité ainsi que sa comparabilité. Ceci a conduit au développement de référentiels standardisés de reporting, le plus
connu étant celui proposé par la Global Reporting Initiative
(GRI) [27], dont les lignes directrices s’imposent aujourd’hui
comme standard en la matière sur le plan international [28].
A l’exception du Zurich Insurance Group, l’ensemble des sociétés analysées les utilisent, ou du moins y font référence.
Le degré et la qualité de l’application des normes GRI est toutefois inégale, le niveau d’exhaustivité et de détail des données publiées variant parfois assez significativement d’un
thème à l’autre et d’une entreprise à l’autre. Il est donc souhaitable qu’à relativement court terme les sociétés suisses
uniformisent la qualité de leur reporting afin d’améliorer la
comparabilité des données.
4.1 Chapitre du rapport annuel ou rapport spécifique?
Deux tendances se distinguent quant à la façon de procéder:
certaines sociétés émettent des rapports dédiés spécifiquement à la CSR alors que d’autres préfèrent intégrer ces informations dans leurs rapports annuels. Parmi les dix sociétés
analysées, huit d’entre elles publient un rapport particulier
consacré à la CSR. Ainsi:
 Nestlé in Society: Creating Shared Value and meeting our
commitments (402 pages);
1033
C O R P O RATE G OVE R NAN C E
C orporate S ocial R esponsibility
Tableau 6: PRINCIPALES THÉMATIQUES ABORDÉES DANS LES RAPPORTS CSR
Business integrity
Collaborateurs
Environnement
 Respect des lois
 Jeunes talents: attirer et retenir
 Impact environnemental
 Respect du code de conduite
 Développement et mobilité
 Dépense énergétique
 Bonne gouvernance
 Rémunération et avancement
 Emission de CO2 et GHG
 Gestion des risques
 Diversité et égalité des chances
 Gestion des ressources
 Transparence
 Santé, sécurité et bien être
 Protection de l’environnement
Société civile
Produits/services
 Œuvres de charité
 Qualité, sécurité et innovation
 Donations
 Relations responsables
 Sponsorisation
 Gestion de la chaîne d’approvisionnement
 Education et formation
 Contrôle des fournisseurs
 Novartis: Corporate Responsibility Performance Report
(104 pages);
 UBS: Corporate Responsibility (191 pages);
 ABB Group: Sustainability Performance Report, A longerterm perspective (70 pages);
 Richemont: Corporate Social Responsibility Report
(59 pages);
 Credit Suisse: Corporate Responsibility Report (62 pages);
 Syngenta: Our business enablers extended (incl. CR performance discussion) (42 pages) [29];
 Swiss Re: Corporate Responsibility Report: Enabling sustainable progress (76 pages).
Les deux autres sociétés analysées (Roche et Zurich Insurance Group) ont choisi d’insérer leurs informations extrafinancières directement dans leur rapport annuel; elles justifient cette pratique par la volonté d’intégrer ces informations
« La qualité de l’information doit
s’évaluer dans une perspective
fonctionnelle: donner une représentation
true and fair de la performance
ainsi que de l’impact – positif
ou négatif – de l’entreprise sur le plan
social, environnemental et éthique.»
à leurs données financières pour, en définitive, présenter une
vision globale, prospective et homogène de leur entreprise et
de leur performance:
«In 2005 we set up a project to define Roche’s ‹Business Case for
Sustainability›. The aim is to ensure that sustainability issues are
fully integrated into our business to protect current company
value and create future value» [30].
Cette approche, encore minoritaire, a gagné en importance
ces dernières années sous l’impulsion de l’International Inte-
1034
grated Reporting Council (IIRC), coalition mondiale regroupant
des entreprises, des investisseurs, des autorités de réglementation, des instances de normalisation, des représentants de
la profession comptable et des ONG, et dont l’un des buts affichés est notamment de promouvoir
«a more cohesive and efficient approach to corporate reporting» [31].
UBS, Novartis, Richemont, Syngenta et Swiss Re, bien qu’établissant chacune des rapports traitant spécifiquement de leur
CSR, reprennent également l’essentiel de ces informations
dans une partie de leurs rapports annuels respectifs. On ne
peut toutefois pas parler, dans ce cas, de «reporting intégré».
4.2 Contenu des différents rapports en matière de CSR.
L’information contenue dans les rapports des sociétés est sensiblement différente en fonction de leur secteur d’activité.
Des constantes peuvent néanmoins être ici aussi dégagées. La
stratégie de l’entreprise en matière de CSR, de même que le
processus mis en place afin d’atteindre les objectifs qu’elle
s’est fixés, occupent généralement une place significative. La
responsabilité inhérente à leur rôle d’employeur fait également partie de leurs préoccupations prédominantes. Enfin,
les enjeux liés au développement durable et à la protection
de l’environnement occupent une place centrale dans les
­rapports. Une analyse transversale permet de dégager et de
synthétiser les thématiques récurrentes (cf. tableau 6).
La qualité de l’information doit naturellement s’évaluer
dans une perspective fonctionnelle: donner une représentation true and fair de la performance ainsi que de l’impact – positif ou négatif – de l’entreprise sur le plan social, environnemental et éthique. En ce sens, il est important que les entreprises délivrent une information sincère, utile et pertinente,
c’est-à-dire axée d’une part sur les enjeux et risques réels auxquels elles font face dans leurs activités et, d’autre part, portant sur des faits susceptibles d’affecter ses diverses parties
prenantes ou du moins d’influencer leurs décisions. Ceci implique évidemment que l’entreprise ait au préalable identifié
les éléments de son activité ayant un impact substantiel sur
les attentes et les intérêts légitimes de ses principaux stakehol-
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C orporate S ocial R esponsibility
Increasing concern to stakeholders
Tableau 7: 2013 NESTLÉ MATERIALITY MATRIX
◼ Animal welfare
◼ Climate change
◼ Public policy, advocacy and lobbying
◼ Business integrity
◼ Food and nutrition security
◼ Food safety
◼ Food waste
◼ Human rights
◼ Over- and under-nutrition
◼ Product labelling
◼ Product marketing and communications
◼ Sourcing and traceability
◼ Water stewardship
◼ Manufacturing
◼ Natural capital
◼ Women’s empowerment and equality
◼ Comunity relations
◼ Employee relations
◼ Governance and transparency
◼ Packaging
◼ Rural development
◼ Transport and distribution
◼ Employee health and safety
Future directionality:
Increasing or current impact on Nestlé
Increasing stakeholder concern and business impact
Steady stakeholder concern and business impact
Increase in stakeholder concern
ders. Ces composantes, qui varient en fonction du secteur
concerné, expliquent les disparités rencontrées entre les différents rapports analysés.
Ainsi, à la suite de la crise profonde qui a secoué les marchés
financiers après 2007, la question de la confiance est devenue
particulièrement pertinente dans le secteur bancaire:
«We are focused on gaining and retaining the trust of all our
stakeholders alongside our goal of generating sustainable earnings and creating long-term shareholder value» [32],
tout comme celle de la gestion des risques:
«It is essential that we display a high degree of risk awareness and
operate responsibly in all areas of our business» [33].
Dans le secteur pharmaceutique, représenté en Suisse en particulier par Roche et Novartis, la promotion et le développement de l’accès aux soins est un thème d’importance centrale:
occupent une place prépondérante dans son rapport de durabilité, tout comme pour Syngenta dans le secteur de l’agrochimie. Pour les entreprises dont l’activité repose sur la
­participation de nombreux fournisseurs, la promotion et
l’application des valeurs qu’elles poursuivent au sein de leurs
« De même qu’en matière
financière, toute entreprise doit
ainsi s’intéresser aux facteurs
pouvant avoir un effet matériel sur
sa responsabilité sociétale.»
«We work to control and eliminate diseases such as malaria and
­leprosy, pioneer new business approaches to reach underserved
patients, and find new treatments and adaptive solutions to improve health in developing countries» [34].
chaines d’approvisionnement est un enjeu notoire. La durabilité est ainsi un des objectifs affiché du groupe ABB: «Improve sustainability performance in the supply chain through the
­Supplier Sustainability Development Program (SSDP)» [35].
Pour Nestlé, seul représentant du secteur agroalimentaire,
les enjeux liés à la nutrition et à la santé (qualité et sécurité
des p
­ roduits notamment) sont évidemment primordiaux et
4.3 CSR Risk Mapping. Ces quelques exemples montrent
que les entreprises analysées se préoccupent de connaître les
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1035
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Tableau 8: MÉTHODES D’ANALYSE DES ENJEUX DE LA CSR
Identification
des enjeux
Materiality
Assessment
Intérêts des
Stakeholders
Dialogue
Stakeholders
Materiality
Matrix
Nestlé





Novartis





Roche





UBS





ABB





Richemont




×
Credit Suisse





Zurich Ins.
*
*
*
*
*
Syngenta




×
Swiss Re




×
* Ces informations ont été obtenues sur le site internet de la société et ne résultent donc pas de son rapport.
véritables risques (et opportunités) auxquels elles font face,
les identifient avec précision et ont une compréhension maîtrisée de l’impact éventuel que ces enjeux éthiques, environnementaux et sociaux peuvent avoir sur leurs activités, sur
leurs stakeholders, sur leur image, et en définitive sur leurs ré-
« Les comportements ne sont pas
tous exempts de critiques et il existe
une marge d’amélioration.»
sultats financiers. De même qu’en matière financière, toute
entreprise doit en d’autres termes s’intéresser aux facteurs
pouvant avoir un effet matériel sur sa responsabilité sociétale.
Le critère de matérialité est manifestement fondamental:
plus un fait ou un facteur peut avoir un impact négatif sur
l’entreprise (y compris son image – name and shame), plus il
convient d’intervenir afin d’éviter que cet effet ne se produise. Les sociétés procèdent à cet égard en matière de CSR en
recourant à la même méthodologie que ce qu’elles font sur le
plan de leurs risques financiers: en pratiquant le risk mapping,
qui consiste à identifier les risques et à déterminer, pour chacun d’entre eux, quelle est leur probabilité d’occurrence,
d’une part, et leur impact potentiel si ce risque se matérialise,
d’autre part. La CSR Materiality Matrix, utilisée notamment
par Nestlé [36], illustre cette méthode d’analyse (cf. tableau 7).
4.4 Dialogue avec les parties prenantes. L’élaboration
d’une telle matrice requiert que l’entreprise ait au préalable
identifié les intérêts et risques pertinents du point de vue de
la CSR. C’est pourquoi les entreprises doivent entamer un
dialogue ouvert avec leurs principales parties prenantes. Celui-ci peut prendre la forme d’enquêtes internes ou externes,
comme l’a fait ABB:
«In 2013, we undertook a further review with our stakeholders to
update our assessment of material aspects and to seek their views
on how best to report on our sustainability strategy, performance
1036
and progress. We engaged a third party to interview a total of
40 stakeholders from four broad categories: ABB employees, investors, customers and sustainability experts» [37].
Mais il peut également prendre la forme de discussions, de
tables-rondes ou encore de forums auxquels les parties prenantes sont invitées pour débattre des enjeux auxquels l’entreprise doit répondre, solution adoptée par exemple par
Nestlé:
«While we encourage our businesses to identify key stakeholders
at a national level, our global engagement is coordinated centrally,
through the Creating Shared Value Forum series and regular
stakeholder convenings. Together, these are an important part of
an engagement process that underpins our materiality assessment» [38].
Quelle que soit la forme choisie, cet échange est désormais
­indispensable si les entreprises veulent prétendre faire face
aux défis sociaux et environnementaux futurs tout en améliorant leur performance. Afin de répondre aux besoins et
aux attentes de leurs stakeholders, toutes les sociétés analysées
ont ainsi mis en place l’une ou l’autre de ces méthodes d’analyse, élaborant ici aussi un nouveau standard en la matière
(cf. tableau 8).
5. CSR AUDIT
Enfin et toujours dans le but d’assurer l’efficacité et la crédibilité de la démarche des entreprises en matière de CSR, la
tendance croissante est d’exiger que les sociétés fassent ré­
viser et certifier les informations sociales et environnementales qu’elles publient. Parmi les sociétés analysées, toutes
font appel à cette fin à un auditeur indépendant, chargé d’assurer l’exactitude, l’objectivité et possiblement la clarté des
données publiées. Cette tendance dessine elle aussi un standard auquel il est raisonnable de penser que toutes les sociétés importantes vont devoir se conformer. Cette pratique doit
être saluée, car elle permet d’améliorer la qualité et la fiabilité de l’information communiquée et parce qu’elle envoie
un signal fort d’allégeance aux nouvelles valeurs préconisées
par la mouvance de la CSR.
L’ E X P E R T - C O M P TA B L E S U I S S E 2014 | 11
C O R P O RATE G OVE R NAN C E
C orporate S ocial R esponsibility
On relèvera en revanche qu’en matière de CSR audit les sociétés ont en l’état opté non pas pour un full audit mais pour
une limited review, c’est-à-dire pour une révision de leur in­
formation CSR qui, si elle existe, demeure relativement superficielle. Il est probable et certainement souhaitable que la
pratique évolue, dans ce domaine également, en l’occurence
vers un audit plus approfondi.
6. CONCLUSION
L’analyse des informations fournies par les dix plus grandes
sociétés cotées au SMI démontre que la question de la Responsabilité Sociale des Entreprises est désormais prise très
au sérieux par les opinion leaders de l’économie suisse. Elle ne
se conçoit plus comme un simple exercice de style, mais fait
partie intégrante des valeurs et de la stratégie globale de
l’entreprise. Elle est devenue une composante significative
du point de vue de la gestion des risques, mais aussi un moyen
de saisir des opportunités.
En l’absence d’exigences légales en la matière, les sociétés
ont adopté des codes de conduite formalisant leurs engagements et servant de cadre de référence dans lequel elles affirment mener leurs activités. L’adoption de ces codes reste volontaire. Il est toutefois indéniable qu’aucune société ne peut
plus s’en passer, si bien que dans leur principe ils deviennent
de facto une nécessité. Il est encourageant de constater que
ces codes sont dans l’ensemble d’assez bonne qualité, et
qu’ils abordent en général toutes les principales problématiques pertinentes au regard des enjeux propres à chaque société. Le fait que ces documents soient adoptés au plus haut
niveau de l’entreprise crédibilise la démarche et élève les préoccupations sociales et environnementales au même rang
que les préoccupations financières.
Notes: 1) Commission de communautés européennes, Communication de la Commission au
Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen. Mise en œuvre du partenariat pour la croissance et l’emploi: faire de
l’Europe un pôle d’excellence en matière de responsabilité sociale des entreprises, COM (2006) 136
final, p. 1. 2) Emise en octobre 2011, elle est disponible sous http://ec.europa.eu/entreprise/policies/
sustainable-business/corporate-social-responsibi
lity/index_Fr.htm. 3) Cette vision a notamment été
défendue par Milton Friedman, prix Nobel d’économie en 1976, qui affirmait dans son désormais
célèbre article au titre évocateur The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits,
paru dans le New York Time Magazine le 13 septembre 1970: «there is one and only one social responsibility of business – to use its resources and
engage in activities designed to increase its profits(…)». 4) Ces instruments prirent diverses formes,
notamment celles de lignes directrices, de principes généraux, de guides de bonne pratique, d’indexes ou encore de ratings. 5) Pour plus de détails,
voir notamment Mahmudur Rahim, Legal Regulation of Corporate Social Responsibility: A Meta-Regulation Approach of Law for Raising CSR in a
Weak Economy, Berlin (Springer) 2013, p. 25 ss; Coglianese Cary and Mendelson Evan, Meta-Regulation and Self-Regulation (2010), in: Martin Cave,
Robert Baldwin, Martin Lodge (eds.), The Oxford
Handbook on Regulation 2010, U of Penn Law
School, Public Law Research Paper No. 12-11; U of
Penn, Inst for Law & Econ Research Paper No. 12-06.
2014 | 11 L’ E X P E R T - C O M P TA B L E S U I S S E
Les comportements ne sont cependant pas tous exempts de
critiques et il existe indéniablement une marge d’amélioration. Instrument important en matière de CSR, il est notamment essentiel que le code de conduite soit mis à jour régulièrement et que l’engagement des dirigeants soit constamment
et sincèrement réaffirmé. La culture de l’entreprise est à ce
titre essentielle. Aussi, la collecte et la publication des d
­ onnées
sociales et environnementales s’inscrivent comme des pratiques courantes et semblent dès lors incontournables pour
toute société d’une certaine importance.
Le principe du reporting en matière de CSR étant désormais
acquis, l’attention se porte sur la qualité des données qui sont
divulguées. L’étude des différents rapports démontre que
les entreprises délivrent en général une information pertinente et d’assez bonne qualité, reflétant les impacts sociétaux qui sont réellement matériels au regard de leurs activités et de leurs stakeholders. Mais à cet égard également les
comportements n’échappent pas tous à la critique. Malgré la
mise en place de structures de gouvernance au plus haut niveau, le processus permettant aux entreprises d’identifier
les risques pertinents (risk mapping) et de s’assurer que ces
risques soient maîtrisés et contrôlés (risk tracking) reste encore
parfois opaque, ou en tout cas insuffisant.
L’amélioration de la transparence des démarches et des
données reste un des enjeux de la rédaction des rapports. La
pratique étant relativement récente et en constante évolution, on peut espérer que les sociétés poursuivent leurs efforts afin que la CSR soit réellement une partie sincère et essentielle de leur stratégie globale, avec pour conséquence
l’institution d’une gestion toujours mieux intégrée en la matière et, sunlight being the best of disinfectants, qu’elles mettent
en place un système de reporting réellement satisfaisant. n
Available at SSRN: http://ssrn.com/abstract=2002755.
6) Nestlé (20,9%), Novartis (19,3%), Roche Holding
(18,1%), UBS (6,5%), ABB (5,1%), Compagnie Financière Richemont (4,4%), Credit suisse (4,1%), Zurich
Insurance Group (3,9%), Syngenta (3,0%), Swiss Re
(2,1%). 7) https://www.ubs.com/global/en/about_
ubs/corporate-governance/groupstructure/group.
html. 8) Novartis, Corporate Responsibility Performance Report 2013, p. 36. 9) Nestlé in Society: Creating Shared Value and meeting our commitments
2013, p. 21. 10) KPMG International, The KPMG
Survey of Corporate Responsibility Reporting 2013,
p. 73. 11) Novartis, Code de conduite, p. 2. 12) Il est
important de relever que l’ensemble des sociétés
analysées disposent d’un site internet où l’information concernant la CSR est facilement accessible.
13) Credit Suisse, Code de conduite, p. 6. 14) Roche,
Code de conduite, p. 33. 15) ABB, Code de conduite,
p. 17. 16) Nestlé, Les principes de conduite des affaires du groupe Nestlé, p. 13. 17) UBS, Code de
conduite professionnelle et de déontologie, p. 9.
18) Cf. supra, p. 5. 19) Une appréciation a dû être ici
opérée. L’absence d’un thème n’est en soi pas négative. Les thèmes abordés et développés par une entreprise dépendent des enjeux auxquels cette dernière est confrontée et des valeurs qu’elle entend
promouvoir. L’absence d’un thème peut donc résulter d’une bonne analyse des enjeux pertinents
et donc être, en définitive, justifiée. 20) La société
demande-t-elle à ses partenaires commerciaux
(fournisseurs, agents, sous-traitants) de se conformer aux mêmes principes et valeurs éthiques?
21) UBS, Code de conduite professionnelle et de
déontologie, p. 11. 22) Ethos Engagement Paper,
Codes de conduites, contenu et mise en œuvre: Les
attentes des investisseurs, octobre 2013, p. 6.
23) Roche, Code de conduite, p. 49. 24) Swiss Re,
Group Code of Conduct, p. 9. 25) Nestlé (2007), Novartis (2011), Roche Holding (2010), UBS (2012), ABB
(2013), Compagnie Financière Richemont (2007),
Credit suisse (2010), Zurich Insurance Group (2009),
Syngenta (2009), Swiss Re (2013). 26) Ethos Engagement Pool, Thèmes et principaux résultats 2013,
p. 11. 27) Global Reporting Initiative (GRI): www.
globalreporting.org. 28) KPMG International, The
KPMG Survey of Corporate Responsibility Reporting 2013, p. 30. 29) L’information est reprise dans
son rapport annuel, mais est ici plus étendue.
30) Roche Annual Report 2006, p. 61. Voir également le rapport gestion 2013 du Zurich Insurance
Group, p. 14: «La responsabilité d’entreprise est
intégrée dans la stratégie 2014–2016 de Zurich».
31) Voir: http://www.theiirc.org/. 32) UBS, Rapport
annuel 2013, Corporate Responsibility, p. 253.
33) Credit Suisse, Corporate Responsibility Report
2013, p. 17. 34) Novartis, Corporate Responsibility
Overview, p. 1. 35) ABB Group, Sustainability Performance Report 2013, A longer-term perspective,
p. 13. 36) Nestlé in Society: Creating Shared Value
and meeting our commitments 2013, p. 29. 37) ABB
Group, Sustainability Performance Report 2013, A
longer-term perspective, p. 20. 38) Nestlé in Society: Creating Shared Value and meeting our commitments 2013, p. 26.
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