Sécurité sanitaire de l`alimentation : mettre fin à la guerre des polices

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Sécurité sanitaire de l`alimentation : mettre fin à la guerre des polices
Sécurité sanitaire de l’alimentation :
mettre fin à la guerre des polices
23/04/14
Le 11 février dernier, la Cour des comptes dénonçait l’insuffisance des contrôles réalisés par la direction générale
de l’alimentation du ministère de l’agriculture, considérant qu’ils sont « peu nombreux et les non-conformités
rarement sanctionnées ». Sur l’affaire emblématique de la viande de cheval, le rapport pointe de manière précise la
faiblesse des inspections sanitaires réalisées par les agents du ministère de l’agriculture.
Le lendemain, la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes), service relevant du ministère de l’économie et des finances, mettait en valeur l’efficacité de son action en
communiquant son rapport d’activité pour l’année 2013. Sur la même affaire de la viande de cheval qui a fait la
une de l’actualité il y a un an, cette administration, concurrente de la direction générale de l’alimentation, explique
l’efficacité de son intervention pour « restaurer la confiance des consommateurs ».
La substitution de viande de bœuf par de la viande de cheval n’a pourtant pas été un enjeu sanitaire mais bien un
problème de fraude et de pratique déloyale…
Au-delà des curieux hasards du calendrier, une évidence s’impose : il est plus que temps de mettre un terme à
cette interminable guerre des polices qui dure depuis près de 50 ans.
Dès le printemps 2000, une commission d’enquête parlementaire sur la transparence et la sécurité sanitaire de la
filière alimentaire avait critiqué une organisation administrative « où nul n’est responsable en bloc et tous le sont
dans le détail ». Dans un contexte marqué par la deuxième crise de la vache folle en novembre 2000, les pouvoirs
publics étaient invités à mettre un terme à la dispersion des structures administratives et à l’éparpillement des
responsabilités en créant un service public unifié de contrôle de la sécurité sanitaire de l’alimentation.
En indiquant dans son rapport que « la direction générale de l’alimentation n’effectue aucune recherche de contaminants du domaine végétal et estime que cela relève de la responsabilité de la DGCCRF », la Cour des comptes
témoigne que rien n’a changé.
Aucun gouvernement n’a engagé de réforme de fond et la double chaîne de commandement continue de fragiliser
notre dispositif national de prévention des risques et de gestion des crises sanitaires alimentaires. Compte tenu de
la rivalité entre les deux principales administrations concernées, ni la loi relative à la consommation qui sera
prochainement publiée, ni la future loi d’avenir pour l’agriculture et l’alimentation, qui fait actuellement l’objet de
débats parlementaires, ne feront évoluer cette situation.
Dans son rapport sur l’État territorial publié en juillet 2013, la Cour des Comptes a montré que l’organisation
issue de la RGPP n’était pas adaptée aux fonctions de sécurité et de contrôle, particulièrement pour ce qui
concerne l’alimentation et la protection des consommateurs.
Ce défaut d’organisation a été aggravé au cours des dernières années par des réductions de moyens très
supérieures à celles appliquées aux autres administrations de l’État. A titre d’exemple, la réduction du nombre de
fonctionnaires a été jusqu’en 2012 supérieure aux départs à la retraite, fragilisant ainsi les services en charge des
contrôles officiels. S’agissant du budget consacré par le ministère de l’agriculture à la surveillance et aux
contrôles sanitaires, il a été divisé par deux depuis 2009, mettant en péril le financement du réseau vétérinaire et
celui des laboratoires d’analyse qui sont pourtant essentiels pour permettre aux services de l’État d’agir efficacement et rapidement en situation de crise.
Parmi les pays comparables, la France est celui qui consacre les plus faibles moyens à un domaine qui a toujours
été le parent pauvre des politiques publiques.
Sécurité sanitaire de l’alimentation : mettre fin à la guerre des polices
I - Notes
2 /2
Le lancement de la modernisation de l’action publique en décembre 2012 a une nouvelle fois identifié la sécurité
sanitaire de la chaîne alimentaire comme l’une des politiques interministérielles à évaluer en priorité. Du fait des
désaccords entre les deux ministères sur la conduite de cette mission d’évaluation, il a fallu près d’un an pour
obtenir la signature de la lettre de mission !
Dans ces conditions, seule une volonté politique déterminée pourra permettre de surmonter ces décennies de
blocage et de méfiance contraires à l’efficacité de l’action publique.
Il y a 10 ans, l’Europe a fixé le cadre de mise en œuvre des contrôles officiels de la chaîne alimentaire. Il suffit de
s’y référer. Trois principes doivent guider cette réforme :
• Mettre en place, sous la tutelle des ministères de l’agriculture, de la consommation et de la santé, une autorité
nationale unique pour la réalisation des contrôles officiels sur l’ensemble de la chaîne alimentaire ;
• Organiser la surveillance en s’appuyant sur l’ensemble des acteurs privés et publics impliqués sur le terrain
(vétérinaires praticiens, laboratoires d’analyse…) afin de mettre en place une coproduction de la sécurité sanitaire, condition de l’efficacité de l’État dans le domaine des risques et des crises ;
• Renforcer le financement du dispositif en fixant les tarifs des redevances sanitaires payées par les professionnels au niveau approprié.
Cette réforme de fond devient urgente également pour la compétitivité du secteur agricole et agroalimentaire, la
crédibilité des contrôles de l’État étant un facteur essentiel pour conquérir de nouveaux marchés. Le refus récent
des autorités coréennes d’autoriser l’importation de viandes de volailles françaises est venu nous rappeler que
l’affaiblissement des contrôles sanitaires peut avoir des répercussions économiques sur l’ensemble d’une filière.
A quand une loi sur la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire ?
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