Private equity
Transcription
Private equity
Tirage à part : Fusions et acquisitions : questions actuelles Pierre Marty (éd.) Frank Gerhard Private equity - L’exit vu au travers des yeux d’un fonds de private equity Publication 81 Lausanne 2009 Private equity - L’exit vu au travers des yeux d’un fonds de private equity Frank GERHARD Docteur en droit, LL.M, avocat « Any fool can buy a company. You should be congratulated when you sell. » Henry Kravis, Kohlberg Kravis Roberts I. Définition et éléments constitutifs du private equity A. Définition « Private equity » est une locution anglaise signifiant littéralement « fonds propres privés ». Il s’agit d’une forme de financement et de prise de participation qui prend des formes multiples en pratique1. Par « private equity », nous entendons : - une prise de participation dans le capital, - d’une société généralement non-cotée en bourse (ci-après « société-cible »), - par un ou plusieurs investisseurs financiers (ci-après « le(s) fonds de private equity »), - le plus souvent aux côtés des fondateurs et/ou des cadres dirigeants (ciaprès, « le management »), 1 Pour les diverses définitions données par des juristes suisses, voir FRICK § 1 N 12 ss ; GRONER, Private, p. 1 ; VON SALIS-LÜTOLF § 1 N 40 ; WEBER, p. 23 ss. Sur la notion de private equity, voir aussi POVALY et GRAF/GRUBER/GRÜNBICHLER (édit.). Dans la pratique, la notion de private equity est largement influencée par les organismes qui défendent les intérêts de la branche, comme SECA en Suisse (www.seca.ch), BVCA à Londres (www.bvca.co.uk), NVCA aux États-Unis (www.nvca.org) et EVCA à Bruxelles (www.evca.com). Pour la littérature étrangère, voir notamment BARTLETT ; GLADSTONE/GLADSTONE ; GOMPERS/LERNER ; LERNER/HARDYMON/LEAMON ; PEARCE/BARNES. 83 Frank Gerhard - en phase de démarrage (ci-après « capital-risque » ou « venture capital ») ou en phase de maturité (ci-après « capital-investissement » ou « private equity stricto sensu »), - limitée dans le temps (en général 3 à 5 ans), - marquée par une prise d’influence sur la stratégie de la société-cible en vue du démarrage (seed), du développement initial (start-up/early stage) et de l’expansion (expansion, later stage) de la société-cible, soit l’activité de capitalrisque, ou en vue de la croissance, de la transmission ou du redressement de la société-cible, soit l’activité de capital-investissement, - dans le but de réaliser un gain en capital lors de la réalisation de l’investissement (« exit »). B. Prise de participation dans le capital L’investissement de private equity se fait sous la forme d’une prise de participation dans les fonds propres de la société-cible. Il peut s’agir de la souscription d’actions nouvelles ou, plus rarement, de l’acquisition d’actions déjà émises. Dans certains cas particuliers, l’investissement se fait sous la forme d’un prêt à conversion obligatoire en fonds propres. Le private equity se distingue ainsi de la simple mise à disposition de fonds étrangers sous forme de crédit, garanti ou non. Le rang de l’investisseur de private equity est donc subordonné à celui des créanciers ordinaires : le fonds de private equity devient actionnaire de la société-cible, soit immédiatement, soit ultérieurement dans le cas d’un prêt à conversion obligatoire. Ceci ne signifie pas cependant que les investissements de private equity n’ont pas recours à des fonds étrangers. Par exemple, la reprise complète d’une société-cible (buy-out) est le plus souvent financée par une combinaison de fonds propres investis par le fonds de private equity et de fonds étrangers (crédit d’acquisition) mis à disposition par une banque ou un syndicat de banques, ce qui permet aux investisseurs de profiter de l’effet de levier et ainsi d’augmenter le rendement des fonds propres investis. Il est en outre relativement fréquent qu’aux côtés du crédit d’acquisition, une partie du prix d’achat soit financée par un crédit d’actionnaire mis à disposition par le fonds de private equity lui-même (shareholder loan) lequel sera le plus souvent subordonné ou accompagné de droits de conversion ou d’option. Il s’agit de la forme typique de l’acquisition avec effet de levier (leveraged buy-out) 2. Enfin, le private equity se distingue également des financements « mezzanines » ou hybrides, qui sont tous des formes de financement se situant entre la dette senior et les fonds propres3. Il s’agit le plus souvent de crédits subordonnés au sens de l’art. 725 al. 2 CO assortis de droits de conversion ou de droits d’option (equity kicker) permettant un accès différé aux fonds propres de la société-cible et ainsi à la plus-value réalisée. 2 3 84 GERHARD, LBO secondaire, p. 24 ; SCHENKER, p. 43 ss ; TSCHÄNI, p. 1 ss. BARTHOLD, p. 224 ss ; BEHR/WIRTH, p. 161 ss ; MÜLLER, p. 19 ; VOLKART, p. 567 s. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity C. D’une société généralement non-cotée en bourse En principe, l’investissement de private equity se fait dans des sociétés non-cotées en bourse. Les termes de l’investissement sont négociés entre les différentes parties impliquées (société, actionnaires historiques, management et fonds de private equity) au contraire d’un investissement dans une société cotée dont les termes ne peuvent en principe pas être négociés en détail par l’investisseur. Une société noncotée est en général moins transparente qu’une société cotée, qui est soumise à des obligations de publicité récurrente4 et évènementielle « ad hoc »5. Dès lors, en raison de ce manque d’information, la mise en œuvre d’un investissement dans une société non-cotée sera en principe plus onéreuse étant donné qu’une bonne partie du processus d’acquisition servira notamment à rétablir l’inégalité d’information entre les participants. Ceci sera précisément le but de la due diligence conduite par le fonds de private equity. Ces dernières années cependant, vu la grande quantité de liquidités disponibles, les fonds de private equity se sont également intéressés aux sociétés cotées en bourse, notamment dans le cadre de reprises complètes à l’aide d’offres publiques d’achat (going private)6 ou de simples prises de participation (private investments in public equity, PIPEs) en vue de financer la croissance de la société-cible ou de fournir une injection de capitaux frais en situation de crise7. D. Par des investisseurs financiers Les investisseurs en private equity sont des investisseurs financiers qui se distinguent des investisseurs dits « stratégiques ». L’intérêt de ces derniers porte primordialement sur l’activité opérative elle-même ou stratégique de la société-cible (par exemple l’accès à une technologie, à un réseau de vente, à de nouveaux marchés, la réalisation de synergies, etc.), alors que l’intérêt de l’investisseur financier se concentre sur la rentabilité de l’investissement lui-même et le potentiel de croissance de la société-cible afin d’obtenir une plus-value lors de la réalisation de l’investissement. 4 5 6 7 Art. 49 ss du Règlement de cotation de la SIX Swiss Exchange (RC). Art. 53 RC dans la version entrée en vigueur le 1er juillet 2009. En Suisse, les premières acquisitions de sociétés cotées financées par effet de levier ont été exécutées en 2007 (reprise de SIG Holding par le groupe néo-zélandais Rank, reprise du groupe Unilabs par le groupe suédois Capio). Sur les offres publiques d’achat financées par effet de levier, voir GERHARD, Private equity. Pour le financement de la croissance, voir récemment les levées de fonds opérées par les sociétés biotechs Santhera en novembre 2008 ou Arpida en mars 2008 et mars 2007 auprès d’un petit cercle d’investisseurs institutionnels (voir GERHARD, Après le capital-risque, p. 18). Pour l’injection de capitaux frais en situation de crise, voir récemment les investissements faits par Berkshire Hathaway dans Swiss Re en mars 2009 ou Government of Singapore Investment Corporation (GIC) et la Confédération Suisse, tous les deux dans UBS en décembre 2007 et en octobre 2008. Sur la problématique des PIPEs en général, voir aussi GERHARD, Private (2008). 85 Frank Gerhard 1. Types d’investisseurs financiers Les investisseurs financiers actifs dans le private equity sont en premier lieu des investisseurs institutionnels, tels que des fonds de placement, des assurances, des banques et, dans une proportion moindre, des fonds de pension. Ces dernières années des investisseurs individuels, notamment des high net worth individuals8, se sont également profilés dans des investissements de private equity. En principe, les investisseurs financiers ne sont pas les investisseurs directs, mais seulement indirects, par le biais d’un intermédiaire dont le rôle est de collecter les fonds de ces investisseurs et d’opérer des investissements dans des sociétés du portefeuille9. Cet intermédiaire – le fonds de private equity – est géré par des gestionnaires professionnels, dont l’activité est réglée par un contrat ou un règlement définissant notamment la politique d’investissement. Leur rémunération est fonction du succès du fonds. En outre, selon la plupart des règlements de fonds, les gestionnaires sont tenus d’investir eux-mêmes dans le fonds qu’ils gèrent afin d’obtenir un alignement des intérêts en présence. Les fonds ont des orientations diverses. Ces fonds sont le plus souvent spécialisés dans certaines industries comme la biotechnologie10 ou la technologie11, ou dans certaines phases de financement, comme le venture capital12 ou le buy-out13. Enfin, on distingue aussi les fonds qui investissent dans certains pays ou régions exclusivement, des fonds qui agissent de manière globale. 2. Fonctionnement d’un fonds de private equity expliqué à l’aide de la société en commandite de placements collectifs Indépendamment de la forme juridique d’un intermédiaire de private equity, le fonctionnement d’un investissement de private equity suit le schéma suivant, expliqué à l’aide de la société en commandite de placements collectifs (SCPC)14. Cette 8 9 10 11 12 13 14 86 La nouvelle loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (LPCC) définit les « particuliers fortunés » comme les personnes confirmant par écrit lors du placement qu’ils disposent directement ou indirectement d’investissements financiers d’au moins 2 millions de francs (art. 10 al. 3 let. e LPCC, en lien avec l’art. 6 al. 1 OPCC). Voir l’art. 7 al. 1 LPCC, qui entend par « placements collectifs » les apports constitués par des investisseurs pour être administrés en commun pour le compte de ces derniers. P.ex. Ares Life Sciences AG, HBM Bioventures AG et Global Life Sciences Ventures AG, tous à Zug. P.ex. Draper Investment Company ou Emerald Technology Ventures AG, tous deux à Zurich. P.ex. Index Ventures, à Genève, Sofinnova, à Paris, ou Venture Incubator AG, à Zug. P.ex. Capvis, à Zurich, Alpha, à Francfort/Paris, Zurmont Madison, à Zurich ou les grands fonds étrangers tels que Blackstone, Carlyle, Kohlberg Kravis Roberts (KKR), Texas Pacific Group, CVC, Candover, Permira ou Cinven. Pour une introduction sur la SCPC en général, voir par exemple DU PASQUIER/OBERSON. p. 217 ss. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity société a été introduite par la nouvelle loi sur les placements collectifs de capitaux (LPCC), entrée en vigueur le 1er janvier 200715. a) Introduction Le but avoué du législateur, en créant la SCPC16, est de rétablir la compétitivité de la place financière suisse et d’augmenter son attrait sur les scènes européenne et internationale en matière de private equity17. La SCPC est une société dont le but est exclusivement le placement collectif18. Avant tout destinée aux investissements dans le capital-risque19, la SCPC peut également être utilisée pour des placements dans des projets immobiliers, de même que pour des fonds alternatifs (hedge 15 16 17 18 19 Loi fédérale du 23 juin 2006 sur les placements collectifs de capitaux (RS 951.31) ; ordonnance du 22 novembre 2006 sur les placements collectifs de capitaux (RS 951.311). Voir aussi le message du Conseil fédéral du 23 septembre 2005 concernant la loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (Message LPCC), FF 2005, p. 5594 ss. La SCPC est basée sur les dispositions existantes de la société en commandite (art. 594 ss CO), complétées par la LPCC (art. 98 ss LPCC) à titre de lex specialis. Voir Message LPCC, p. 6408. Art. 98 LPCC. Sur la notion de placement collectif, voir AESCHLIMANN. Art. 103 al. 1 LPCC. 87 Frank Gerhard funds)20. Équivalent suisse du limited partnership de droit anglo-saxon, la SCPC constitue un véhicule attractif pour tous les promoteurs de fonds fermés. La SCPC est une société dont au moins un associé indéfiniment responsable assure la gestion (l’associé-gérant), les autres associés (commanditaires) n’étant responsables qu’à concurrence du montant de leur investissement (commandite)21. Les commanditaires ne peuvent être que des investisseurs qualifiés, soit des banques, des négociants, des directions de fonds des compagnies d’assurances, des fonds de pension, des institutionnels et des particuliers disposant de placements financiers d’au moins 2 millions de francs suisses ou des investisseurs ayant conclu un contrat écrit de gestion de fortune avec un gestionnaire indépendant au sens de la loi22. L’associé-gérant doit être une société anonyme ayant son siège en Suisse et bénéficier d’une autorisation de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA)23. Le cas échéant, il peut déléguer la gestion de la société en commandite à des tiers24. Les personnes qui se trouvent à sa tête peuvent également participer à la SCPC en tant qu’investisseurs (commanditaires) pour autant que le contrat de société le prévoie, que leur participation repose sur leur fortune privée et que leur participation soit souscrite au moment du lancement de la société25. b) Les investisseurs en qualité de commanditaires selon un contrat de société La SCPC est gouvernée en premier lieu par le contrat de société selon lequel d’une part les commanditaires26 s’engagent à mettre à disposition un certain montant en capital (montant total des commandites, committed capital) sur demande de l’associé-gérant et selon lequel d’autre part l’associé-gérant s’engage à investir les moyens mis à disposition dans les sociétés-cibles selon la politique de placement et à les redistribuer aux investisseurs lors de l’exit dudit investissement selon les paramètres du contrat de société. L’associé-gérant peut demander le paiement du committed capital durant une certain période (commitment period). Un tel appel de fonds (drawdown) doit se faire en principe durant une période d’environ 4 à 6 ans. Si l’on ajoute la durée de la commitment period à la durée de l’investissement lui-même, de 3 à 5 ans, il en découle que les investisseurs doivent s’engager pour une période de 7 à 11 ans approximativement, durée pendant laquelle ils ne peuvent pas demander le remboursement de leur investissement. 20 21 22 23 24 25 26 88 Art. 103 al. 2 LPCC en rapport avec l’art. 121 OPCC. Art. 98 LPCC. Art. 98 al. 3, en rapport avec l’art. 10 al. 3 LPCC et l’art. 6 al. 1 OPCC. Art. 98 al. 2 LPCC. Art. 119 LPCC. Art. 119 OPCC. La SCPC doit compter au moins cinq commanditaires au plus tard un an après son lancement (cf. art. 5 al. 3 OPCC). L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity La SCPC est dès lors constituée pour une durée limitée27. À l’issue de cette période, elle est dissoute et le capital à disposition est réparti entre les associés. Cette liquidation programmée du fonds de private equity démontre bien l’un des éléments caractéristiques du private equity, à savoir un investissement limité dans le temps. c) Le contrat de gestion avec l’associé-gérant indéfiniment responsable En principe, le fonds de private equity (ici sous la forme d’une SCPC) conclura un contrat de gestion avec l’associé-gérant indéfiniment responsable ou le gestionnaire. Le rôle principal de l’associé-gérant consiste dans l’examen, la sélection et la recommandation d’opportunités d’investissement, ainsi que leur exécution et supervision jusqu’à l’évaluation de scénarios d’exit. En pratique, il est usuel que les gérants investissent également dans la société qu’ils gèrent, prenant ainsi un risque personnel sur leur propre patrimoine. Les gérants doivent logiquement avoir droit à une rémunération pour leur responsabilité de gestion de la société. Ainsi, le gérant de fonds touchera généralement une commission de gestion, se situant aux alentours de 2 % de la valeur des actifs de la société gérée, voire des montants promis (committed funds) par les investisseurs. Mais il aura également droit à une participation privilégiée aux plus-values réalisées par le fonds. Il s’agit de ce que l’on nomme le « carried interest ». Indépendant de la rémunération de gestion, le carried interest permet de responsabiliser les membres de l’équipe de gestion en les faisant investir, d’une part, dans la société de placements collectifs et en les associant, d’autre part, à la réussite du fonds. Le gérant n’a en principe droit au carried interest qu’une fois les apports des investisseurs remboursés et, généralement, seulement au-delà d’un rendement minimal du fonds pour les investisseurs (seuil, ou hurdle rate, de l’ordre de 5 % à 7 %). Ainsi, lors de la liquidation d’un de fonds private equity, le gérant a généralement droit – une fois que les investisseurs ont récupéré leur mise de base et se sont vu gratifier d’un rendement notionnel minimal – à une fraction privilégiée ou carried interest, de l’ordre de 20 %, sur les produits et plus-values réalisés par le fonds. d) Traitement fiscal Tant le Parlement que le Conseil fédéral reconnaissent que le traitement fiscal des placements collectifs est de première importance pour le développement du marché suisse. Le fonds de placement contractuel, sous l’empire de l’ancienne loi sur les fonds de placement, était exonéré d’impôts directs. Dans le cadre de la LPCC, tant les SICAV que les SCPC sont placées sur un pied d’égalité avec les fonds contractuels et, par conséquent, exonérées de tout impôt direct28. L’impôt anticipé, quant à lui, n’est prélevé que sur les rendements de la fortune distribués ou, le 27 28 Art. 102 al. 1 let. e LPCC. Sur le traitement fiscal de la SCPC, voir DU PASQUIER/OBERSON, p. 217 ss ; OESTERHELT/WINZAP (2008), p. 268 ss. 89 Frank Gerhard cas échéant, thésaurisés, et non sur les gains en capital réalisés et distribués séparément. En matière d’impôts directs, pour les investisseurs (personnes physiques) suisses, les gains en capital réalisés par le fonds qui leur sont distribués seront également exonérés aux conditions usuelles (fortune privée). Mais qu’en est-il de l’imposition du carried interest distribué directement par le fonds à l’associé-gérant ou à l’équipe dirigeante de ce dernier ? À ce jour, la question n’est pas tranchée. La qualification du carried interest comme la simple rémunération d’une activité de gestion entraînant une imposition ordinaire au titre de l’impôt sur le revenu annihilerait tous les efforts du Parlement et du Conseil fédéral pour rendre la place financière suisse attractive pour les gérants de fonds de private equity et de hedge funds. En effet, les pays traditionnellement favorables au développement de leur place financière moyennant l’octroi de conditions fiscales favorables, tels les États-Unis ou le Royaume-Uni, mais également des juridictions au cadre fiscal généralement plus rigide, telles la France ou l’Allemagne, ont tous admis que le carried interest doit bénéficier, de manière générale, du traitement plus favorable applicable aux plus-values. Le taux applicable s’élève ainsi à 16 % en France, en règle générale à 18% au Royaume-Uni, tandis qu’il n’est que de 50 % du taux ordinaire en Allemagne. Il devrait être possible, en Suisse également, de traiter fiscalement le carried interest comme un gain en capital exonéré, à hauteur du gain en capital réalisé par la SCP elle-même car il s’agit d’une plus-value issue de l’aliénation des avoirs du fonds, lors de sa liquidation, qui est versée à l’équipe dirigeante (résidente en Suisse) de l’associé-gérant. Du point de vue économique, il est raisonnable de considérer que le carried interest n’a pas sa source dans la mise à disposition d’un capital, contrairement aux intérêts ou aux dividendes, et qu’il n’est pas versé par le débiteur de l’obligation ou par la société elle-même dans laquelle le fonds a investi, mais bien par un tiers (celui auquel est vendue la participation lors la vente de cette dernière par le fonds). Il faudrait par ailleurs considérer que ce gain en capital est réalisé lors de la simple gestion de la fortune privée du membre de l’équipe dirigeante (dans le cadre de laquelle les gains en capital sont exonérés) et non de le traiter comme un gain résultant de l’exercice d’une activité indépendante accessoire (dans le cadre de laquelle les plus-values sont imposables). La Suisse offrirait ainsi un cadre attractif pour les gérants de fonds de private equity et de hedge funds. Selon la pratique (encore non-publiée) de l’AFC, les distributions de la SCPC aux gestionnaires ne qualifient comme gain en capital exonérés d’impôt que si les gestionnaires participent proportionnellement aux gains de la SCPC29. Si les gestionnaires participent de manière sur-proportionnelle par rapport à leur investissement au gain du fonds (ce qui est usuel dans le cas du carried interest), l’AFC traite le carried interest comme revenu. Le traitement du carried interst par les assurances sociales s’oriente selon l’art. 17 OAVS en principe au traitement fiscal. Dès lors, dans la mesure où le carried interest est propor- 29 OESTERHELT, N 243e, vor art. 1 LPCC. 90 L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity tionnel à l’investissement il n’est pas soumis à l’AVS/AI/AC, alors que s’il est sur-proportionnel, des cotisations seront dues. E. Aux côtés des fondateurs et/ou du management L’investissement de private equity est aussi un investissement dans des personnes, à savoir les fondateurs et/ou le management de la société-cible. En effet, l’investisseur financier ne peut pas accomplir toutes les activités de gestion luimême. Il s’agit en réalité d’une illustration de la théorie du principal et de l’agent (principal-agent theory) développée dans les années 1930 par BERLE/MEANS30, en ce sens que le principal (fonds de private equity) confie l’exécution de certaines tâches à des agents (management). La théorie du principal-agent parvient à la conclusion que, dans l’exécution des tâches respectives, des conflits sont programmés entre le principal et l’agent, étant donné que chacun essaiera de manière opportuniste d’optimiser sa position indépendamment, ou au détriment, de la position de l’autre31. En outre, dans le contexte d’un investissement de private equity, l’asymétrie de l’information est particulièrement manifeste, de sorte que les conséquences de la théorie du principal-agent sont particulièrement prononcées32. En pratique, les mesures suivantes sont mises en œuvre de manière contractuelle pour canaliser les conflits d’intérêts potentiels entre principal et agent, ainsi que pour rétablir la symétrie de l’information33 : - garanties fournies par le management (y compris, par exemple, clauses antidilutives en cas d’émission ultérieure d’actions à un prix inférieur à celui payé par l’investisseur) ; - règles de comportement à la charge du management (covenants) ; - mise à disposition du financement de manière échelonnée ou limitée (par exemple staged ou milestones financing)34 ; - contrôle (monitoring) du management par la présence au conseil d’administration de la société-cible de représentants du fonds de private equity, ainsi que l’exercice de certains droits de veto concernant les décisions importantes ; - alignement des intérêts en présence par la participation du management au capital-actions de la société-cible. 30 31 32 33 34 BERLE/MEANS. FAMA/JENSEN, p. 311 ss ; JENSEN/MECKLING, p. 305 ss. Sur les effets en private equity, voir notamment FRICK § 3 N 177 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 1 N 55 ss. FRICK § 3 N 194 ss. JACCARD/BARUH, p. 280 ss. 91 Frank Gerhard F. Société en phase de démarrage ou en phase de maturité Les investissements de private equity sont toujours adaptés aux besoins concrets des intéressés. Dès lors, en pratique, les variétés d’investissements sont multiples. Les principales catégories de financement de private equity se définissent le plus facilement en distinguant les différentes phases dans lesquelles se trouvent la société-cible, de la création jusqu’à un changement complet de propriétaire ou une entrée en bourse35. 1. Venture Capital Par « venture capital », on entend le capital-risque, à savoir la prise de participation dans une société nouvellement constituée et non encore établie sur le marché (start-up). Il s’agit en général d’une société à fort potentiel de croissance avec des projets innovants. Souvent, il s’agit de sociétés avec un développement scientifique ou technologique, le plus fréquemment dans la biotechnologie, l’informatique, les télécommunications ou la technologie médicale. En général, les entreprises actives dans ces branches dont les activités sont couronnées de 35 92 Pour les différentes phases du capital-investissement, voir FRICK § 2 N 79 ss et le Message LPCC, qui distingue six phases (seed, early stage, later stage/expansion, bridge-pre-IPO, buy-out, distressed/turnaround). L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity succès atteignent rapidement d’importantes parts de marché36. En principe, il s’agit de sociétés qui n’ont pas d’actifs réalisables et qui sont appelées à faire des pertes pendant plusieurs années avant d’atteindre la zone de profit. La première phase d’investissement s’étend du développement de l’idée commerciale et l’établissement d’un business plan avant même la constitution de la société (seed capital) en passant par la phase de constitution de la société (start-up capital) jusqu’au commencement d’une activité productive et commerciale proprement dite (first stage capital). Le venture capital ou capital-risque constitue donc une sous-catégorie du private equity, dont il n’est que la première phase. 2. Expansion Dès que la société-cible a commencé son activité de production, dès qu’elle a réalisé des ventes et un bénéfice (break-even), elle nécessitera en principe un financement supplémentaire pour assurer la prochaine étape de son expansion (middle, expansion ou development stage). Le besoin en capital sera déterminé par le type et le rythme de cette expansion qui pourra être soit endogène, soit exogène. Une croissance endogène aura lieu, par exemple, par l’agrandissement des capacités de production ou par l’expansion sur de nouveaux marchés ou de nouveaux produits. Une croissance exogène se concrétisera typiquement par la reprise de sociétés ou l’établissement de coopérations ou de joint-ventures. 3. Turnaround Le financement d’une restructuration ou d’un assainissement d’entreprises en situation de crise (turnaround)37 sera souvent composé d’une combinaison de fonds propres et de fonds étrangers. En plus, ce financement prévoira en principe un accès différé au capital-actions de la société (mezzanine) pour profiter d’un éventuel potentiel d’accroissement de valeur de la société-cible tout en maintenant la sécurité d’un investissement en fonds étrangers. 4. Buy-out Le terme « buy-out » est générique et couvre plusieurs types de changements de propriétaires d’une entreprise. En pratique, deux situations typiques mènent à un changement de propriétaire. Tout d’abord, un buy-out intervient lorsqu’un groupe se sépare d’une division ou d’une activité commerciale notamment parce qu’elle ne s’inscrit plus dans son faisceau principal d’activité (spin-off). La reprise en 2003 de l’activité « contrôle qualité textile » du groupe Zellweger Luwa par les fonds de private equity CapVis et Quadriga sous le nom d’Uster Technologies ou la reprise 36 37 La plupart des géants informatiques (Microsoft, Oracle, Hewlett-Packard, Google, eBay, etc.) ont été financés par du capital-risque. Voir KRAFT. 93 Frank Gerhard en 2004 de l’activité « technique du bâtiment » du groupe ABB par CapVis sous le nom d’Etavis en sont des exemples typiques. Une autre situation typique est le règlement de successions, notamment dans les entreprises à forte empreinte familiale. Comme exemples récents, on citera la reprise du manufacturier de meubles DeSede ou de l’équipementier de bureaux Lista, tous deux par le fonds de private equity CapVis en 2007. Dans les deux cas, il s’agit d’entreprises matures en mesure de générer un cash-flow positif et stable. Le buy-out le plus répandu est la vente de la société à son management (management buy-out, MBO), à un management nouvellement entrant (management buyin, MBI) ou une forme mixte (BIMBO). Le plus souvent, le management ne reprend pas seul la société, mais investit aux côtés d’un fonds de private equity, qui, selon la taille de la transaction, prendra une majorité dans le capital-actions de la nouvelle société. Cela a été le cas dans les quatre transactions mentionnées cidessus. Le plus souvent ces transactions sont financées au moyen d’un crédit d’acquisition mis à disposition par un consortium bancaire ce qui permet aux acheteurs de profiter d’un effet de levier (leveraged buy-out). G. Prise de participation limitée dans le temps L’investissement d’un fonds de private equity est limité dans le temps38. Les fonds mis à disposition des gérants du fonds de private equity le sont pour une durée déterminée. Cela signifie que le fonds de private equity lui-même doit s’assurer de pouvoir réaliser son investissement dans un délai donné de manière à être en mesure de rembourser aux investisseurs le montant de leur investissement. Cela implique que la décision d’investissement d’un fonds de private equity dépendra non seulement de la qualité de la société-cible, mais également des possibilités d’exit qui s’offrent à lui. L’horizon d’investissement est typiquement de 3 à 5 ans. H. Prise d’influence sur la stratégie de la société-cible En principe, le fonds de private equity ne se borne pas à mettre à disposition de la société-cible des fonds propres. Il s’engagera aussi activement dans la sociétécible, notamment par une présence dans le conseil d’administration. Cette prise d’influence sera bien entendu variable et dépendra notamment de l’état de développement de la société-cible : une start-up ou une société en phase d’assainissement nécessitera sans doute une présence plus marquée qu’une société mature en pleine phase d’expansion. Cette prise d’influence dans les organes de la sociétécible distingue aussi l’investisseur de private equity d’un hedge fund. Ce dernier se contentera en général d’une participation réduite et tentera d’exercer une pression 38 94 Ceci a aussi été reconnu par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 4C.214/2003 du 21 novembre 2003. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity sur les organes de la société par shareholder activism visant ainsi un changement de stratégie qui peut orienter – du moins à court terme – le cours boursier39. I. Dans le but de réaliser un exit avec un gain en capital 1. L’investissement de private equity : le premier pas vers l’exit Chaque fonds de private equity vise un exit couronné de succès, soit la possibilité de réaliser son investissement après une certaine période par un gain en capital. En effet, une idée commerciale originale, une équipe directoriale enthousiaste ou un marché prometteur ne valent pas grand chose aux yeux d’un investisseur de private equity s’il ne peut pas – après que l’entreprise a atteint son potentiel de croissance ou de développement – liquider son investissement et réaliser ainsi la plus-value latente dans sa participation à la société-cible. Dès lors, la décision d’investissement d’un fonds de private equity dépendra toujours des perspectives d’exit40. La nécessité d’un exit est une des caractéristiques qui distingue l’investisseur financier d’un investisseur stratégique ou industriel, lequel investit en général à long terme : un financement de private equity est toujours le premier pas en direction de la vente de l’entreprise41. En outre, la réalisation d’un investissement de private equity est moins aisée que celui opéré dans une société cotée en bourse. En effet, l’investissement est en principe illiquide, étant donné qu’il n’existe pas de marché organisé pour cet investissement. Une stratégie d’exit, sa faisabilité et la volonté et la capacité des fondateurs et/ou du management à la réaliser sont des éléments-clés de toute due diligence conduite en amont d’un investissement de private equity. Afin de limiter le risque de liquidité et de l’exit, un fonds de private equity ne procédera dès lors à un investissement que s’il connaît le chemin de la sortie et s’il peut, le cas échéant, forcer la société-cible et les autres actionnaires à prendre ce chemin. 39 40 41 En Suisse, le hedge fund suisse GoldenPeaks Capital s’est notamment illustré par une telle stratégie dans Valora (2008) ou Ciba SC (2008). Les prises de participation du fonds anglais Laxey dans Saurer (2006), Implenia (2007) ou Publigroupe (2008) étaient plus importantes. Sur les hedge funds en général, voir la prise de position en allemand de la CFB (EBK Positionspapier Hedge-Fonds (2007) et la prise de position de la Swiss Private Equity & Corporate Finance Association (2007). Selon les conditions du marché, celles-ci peuvent être plus ou moins favorables, cf. « Verstopfte Abflussrohre bei Private Equity », NZZ, 15 février 2008, p. 29. PEARCE/BARNES, p. 56 : « Upon investment, the VC firm’s mentality will switch focus from investment to exit. […] The choice where to seek and secure capital for his or her business is up to the entrepreneur. What’s important is to understand the nature of the choices available and the consequences that will inevitably flow from any particular choice. » 95 Frank Gerhard 2. Les critères économiques de l’exit Un exit couronné de succès est vital pour le fonds de private equity. D’une part, il aimerait honorer l’investissement fait par les souscripteurs auprès desquels il a levé des fonds et leur payer le rendement promis ; d’autre part, seule la qualité de sa réputation et de son rendement lui permettra de lever des fonds supplémentaires pour ses fonds futurs. Le succès d’un fonds de private equity se mesure selon les money multiples ou l’internal rate of return (IRR) 42. Étant donné que l’IRR est fonction de la durée de l’investissement – plus le retour sur investissement est réalisé tardivement, plus il diminue – la durée entre l’investissement et l’exit est déterminante. En principe, le rendement recherché par le fond de private equity ne pourra pas être satisfait – comme lors du financement par fonds étrangers – par le paiement d’intérêts, étant donné que le fonds de private equity investit primordialement dans le capital propre de la société-cible. En outre, il est rare que la société-cible distribue un dividende : si la société est en phase de démarrage, elle réalisera bien souvent des pertes ; si elle réalise des gains, ceux-ci seront souvent réinvestis dans le développement et la croissance de l’entreprise. La seule manière de réaliser un gain est dès lors la réalisation de l’investissement. En principe, la réalisation d’un investissement de capital-risque se fait cinq à sept ans après l’investissement initial, alors que l’exit d’un investissement de capital-investissement (buy-out) se fait plutôt après trois à cinq ans43. 3. Les scénarios d’exit Six scénarios d’exit sont envisageables en pratique : - l’introduction en bourse (going public, initial public offering ou IPO), - la cession de la société-cible à un tiers industriel (trade sale), - la cession de la société-cible ou de la participation à un autre investisseur financier (secondary buy-out), - le rachat de la participation du fonds de private equity par les autres actionnaires ou par la société-cible elle-même. - la recapitalisation de la société-cible par effet de levier (leveraged recapitalization) - la liquidation de la société-cible 42 43 96 Le money multiple est le facteur entre deux montants en capital. P.ex. (i) distributed over paid in (DPI), c’est-à-dire le capital distribué comparé au capital investi, ou (ii) residual value to paid in (RVPI), c’est-à-dire la valeur actuelle de l’investissement comparée au capital investi, ou (iii) total value to paid in (TVPI), c’est-à-dire la valeur actuelle de l’investissement plus le capital distribué jusqu’à présent comparés au capital investi. L’internal rate of return ou IRR signifie « taux de rentabilité interne ». La principale différence entre les money multiples et l’IRR est que le second prend en compte la durée pendant laquelle les fonds ont été investis. Plus la distribution des fonds est tardive, plus l’IRR est bas. Voir les auteurs cités par F RICK § 11 N 1170, n. 1535. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity Statistiquement, les scénarios d’exit se répartissent comme suit44 : II. Introduction en bourse (IPO) A. Notion, avantages, inconvénients 1. Notion L’introduction en bourse est la cotation et l’admission au négoce de valeurs mobilières sur un marché boursier45 des actions de la société-cible. Pour les besoins de la présente contribution, nous envisageons la cotation au SIX Swiss Exchange à Zurich. La cotation au segment principal est régie par le règlement de cotation du 24 janvier 199646, complété par les chapitres spéciaux pour la cotation sur les segments secondaires. Selon la provenance des actions, on distinguera entre la cotation et l’offre d’actions nouvelles (primary offering) de celle des actions existantes, en l’occurrence celles des fonds de private equity (secondary offering)47. Si seules des actions 44 45 46 47 Statistiques 2006-2007 : Exits en Europe. Source : SCM Strategic Capital Management, Private Equity International, octobre 2008. HODEL, p. 106 ss ; ZOBL/KRAMER § 3 N 197 s. Le règlement de cotation a été entièrement révisé dans sa version entrée en vigueur le 1er juillet 2009 ; voir M ORARD. Sur la terminologie en général, voir la thèse de Z BINDEN. 97 Frank Gerhard existantes sont placées, le produit de la vente reviendra aux actionnaires-vendeurs uniquement ; si l’offre d’actions existantes est combinée avec l’émission par la société d’actions nouvelles dans le cadre d’une augmentation de capital, les fonds levés bénéficieront également à la société48. Des exemples classiques de ce modèle sont les IPO à la SIX Swiss Exchange de Dufry AG en décembre 2005, de Petroplus Holding AG en novembre 2006 et de Uster Technologies AG en octobre 2007, qui ont permis aux fonds de private equity Advent International, Carlyle et respectivement Alpha, de réaliser un exit partiel. 2. Avantages Les avantages d’une IPO sont nombreux49. Tout d’abord, l’introduction en bourse est souvent la voie d’exit préférée du management, étant donné qu’elle leur permettra de reprendre ou d’accroître le contrôle sur la société50. En effet, d’une part les droits de contrôle des fonds de private equity seront suspendus suite à la résiliation de la convention d’actionnaires ; d’autre part, l’actionnariat s’atomisera vu que les actions seront placées chez un grand nombre d’investisseurs de sorte que le management gagnera en influence. Les actionnaires mécontents préfèreront vendre leurs actions au lieu de faire valoir leurs droits de contrôle restreints. Ensuite, la mise en place de programmes d’intéressement pour les employés sera facilitée et augmentera l’attractivité de la société pour les (futurs) employés51. Une entrée en bourse augmentera aussi la réputation et la notoriété de la société vis-àvis de ses clients et fournisseurs52. La cotation facilitera également l’accès aux outils de financement de la croissance par des émissions subséquentes53. En outre, les investisseurs seront prêts à payer une prime, étant donné que le risque de liquidité et d’exit est supprimé avec la négociabilité des titres à la bourse54. Enfin, la cotation permettra à la société d’utiliser plus facilement ses propres actions pour financer des acquisitions55. 3. Inconvénients Une introduction en bourse est une procédure lourde et coûteuse, qui dure environ 6 mois et obère considérablement le management dans la gestion courante. 48 49 50 51 52 53 54 55 98 Sur les structures d’IPO, voir HODEL, p. 110 s ; M ÖHRLE, p. 17 ss ; STAEHELIN, p. 159 ss ; WATTER/REUTTER, p. 1 ss. FRICK § 11 N 1176 ss. FRICK § 11 N 1179 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1259. HUBER, p. 39 ss ; KUNZ, p. 126 ; MÖHRLE, p. 20 ; WATTER/REUTTER, p. 16. Ibid. On parle parfois aussi de reputational bonding vu que la cotation implique le respect d’une réglementation exigeante tant au niveau de la cotation que des obligations subséquentes à la cotation, notamment les obligations de transparence et de publicité régulières ; voir MÖHRLE, p. 21 s. WATTER/REUTTER, p. 16. F RICK § 11 N 1180. MÖHRLE, p. 21 ; WATTER/REUTTER, p. 2. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity Les coûts sont non seulement directs, notamment les honoraires et commissions des conseils impliqués dans la transaction, mais également indirects, sous la forme d’un underpricing, c’est-à-dire la vente des actions à un prix fixé sous le prix du marché afin d’assurer une demande pour le titre également après sa cotation56. Après la cotation, des obligations lourdes s’ajouteront aux autres obligations de la direction (publicité ordinaire et récurrente57, publicité événementielle58, publicité des participations59, publicité des transactions du conseil d’administration et du management 60, interdiction des opérations d’initiés61 restreignant la vente d’actions supplémentaires par les fonds de private equity, publicité des rémunérations du conseil d’administration et du management62, corporate governance63, etc.). En outre, pour le fonds de private equity, un exit par la bourse ne sera le plus souvent qu’un exit partiel. En effet, il ne pourra en général vendre l’ensemble de ses actions qu’après une certaine période de lock-up64. Enfin, le fonds de private equity pourra, le cas échéant, voir engagée sa responsabilité au titre du prospectus pendant 10 ans après l’entrée en bourse65. B. Droit du fonds de private equity à une introduction en bourse ? 1. En général Pour le fonds de private equity, l’idéal serait de pouvoir disposer du droit de décider seul de la cotation des actions de la société-cible. Or, la cotation des actions en bourse est de la compétence de la société, et non de l’actionnaire lui-même. À moins que le fonds de private equity ne dispose de la majorité des voix au sein de l’assemblée générale et au sein du conseil d’administration de la société, ce qui sera souvent le cas dans une situation de buy-out, il ne pourra pas forcer la cotation des actions. Dès lors, le fonds de private equity aura un intérêt à obtenir un droit contractuel à une telle cotation. Cependant un tel droit – même s’il est légalement envisageable – présentera des difficultés pratiques considérables. En effet, la procédure de cotation nécessite une participation active du management (préparation du prospectus de cotation, conduite d’un roadshow auprès d’investisseurs 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 FRICK § 11 N 1181 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1254. Art. 49 ss RC. Art. 53 et 54 RC. Art. 20 LBVM. Art. 56 RC. Art. 161 CP. Art. 663b bis CO. Art. 49 al. 2 RC et Directive concernant les informations relatives à la Corporate Governance du 17 mars 2002, entrée en vigueur le 1er juillet 2002 qui va être adaptée suite à l’entrée en vigueur du nouveau RC. Voir infra, II.G. Il existe certaines exceptions à ce principe, p.ex., lors de l’IPO de Burckhardt Compression en 2006, le fonds de private equity Zurmont Madison a vendu l’ensemble de ses actions au premier jour de cotation. Voir infra, II.I.1. 99 Frank Gerhard potentiels, etc.). Il en résulte qu’un droit à la cotation accordé à un actionnaire (minoritaire) améliorera sa position dans une éventuelle négociation en vue d’une IPO ou d’une procédure d’exit alternative66. En pratique, le bénéficiaire d’un tel droit cherchera à le lier à des sanctions plus incisives que la réparation du dommage ou le droit à l’exécution forcée. Par exemple, le fonds de private equity cherchera à intéresser le management par un ratchet, respectivement des warrants, qui offre au management (i) la possibilité de profiter d’un exit de manière « sur-proportionnelle » par une redistribution/ émission effective ou fictive d’actions lors d’un exit avant une certaine date butoir, (ii) une redistribution/émission calculée par référence à un rendement sur investissement réalisé par le fonds de private equity ou (iii) la possibilité de rendre le ratchet/les warrants moins attrayants si l’exit n’a pas été réalisé jusqu’à la date butoir. En outre, il peut prévoir une option put obligeant le management et/ou la société à racheter les parts du fonds de private equity si l’exit n’a pas été réalisé jusqu’à la date butoir. Enfin, il peut prévoir une option call permettant au fonds de private equity de racheter les parts du management si l’exit n’a pas été réalisé jusqu’à une date butoir. 2. Droit à l’égard de la société Si le fonds de private equity dispose d’un droit de cotation à l’égard de la société, il convient d’examiner qui est compétent pour décider de l’introduction en bourse. Le droit de la société anonyme n’attribue pas expressément la compétence de décider d’une entrée en bourse au conseil d’administration ou à l’assemblée générale. La doctrine admet que la décision de cotation ne fait pas partie des décisions intransmissibles et inaliénables de l’art. 716a al. 1 CO ni des décisions de l’assemblée générale selon l’art. 698 al. 2 CO67. La doctrine admet aussi la possibilité pour le conseil d’administration de transférer cette compétence à l’assemblée générale – ce qui a priori ne semble pas légalement possible en raison du principe de parité de l’assemblée générale et du conseil d’administration –, notamment lorsque des actions nouvelles doivent être créées en vue de l’entrée en bourse68. Si les statuts de la société attribuent cette compétence à l’assemblée générale, la société elle-même ne pourra pas se lier contractuellement ou porter préjudice à la formation de sa volonté au sein de l’assemblée générale69. Un tel engagement contractuel de la société, conclu par le conseil d’administration ou une autre personne pouvant engager la société, serait nul70. Si la compétence de décider de la cotation des actions est attribuée au conseil d’administration selon 66 67 68 69 70 100 FRICK § 11 N 1185 ; GRONER, Private, p. 354. FRICK § 11 N 1188, KUNZ, p. 128 ; M ÖHRLE, p. 201. FRICK § 11 N 1190 ; GRONER, Private, p. 355 ; KUNZ, p. 128 ; M ÖHRLE, p. 201 (la dernière en ce qui concerne la situation symétrique de la décote). BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 579 ; FRICK § 11 N 1194. BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 7 N 228 ; FRICK § 11 N 1194. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity l’art. 716 al. 1 CO, un tel engagement sera valable71. Si un fonds de private equity fait valoir son droit à la cotation, alors les actions de même catégorie des autres actionnaires devront également être cotées (art. 18 RC). 3. Droit à l’égard des autres actionnaires Le droit à la cotation d’un fonds de private equity peut également être conféré à l’égard des autres actionnaires. Ceci signifie que les autres actionnaires doivent prendre toutes les mesures nécessaires afin de permettre la cotation des actions, à savoir que le conseil d’administration ou l’assemblée générale, le cas échéant, décide en conséquence. Un tel accord sur l’exercice du droit de vote est valable72. C. Exclusion du droit de souscription préférentiel du fonds de private equity Les actions offertes au public sont le plus souvent, d’une part, des actions existantes, notamment celles des fonds de private equity, voire celles des fondateurs et/ou du management73, et, d’autre part, des actions nouvelles créées à l’occasion d’une augmentation de capital. La société veillera à obtenir une renonciation des actionnaires existants à exercer leur droit préférentiel de souscription – l’exercice d’un tel droit diminuerait la tranche réservée au public et la rendrait incertaine. En outre, le prix de souscription n’est pas encore connu au moment de l’offre au public et un négoce des droits préférentiels de souscription ne sera pas non plus organisé, de sorte que les actionnaires existants seraient obligés de renoncer à leur droit sans connaître le prix de souscription et sans pouvoir vendre leur droit de souscription. En pratique, il sera cependant difficile d’obtenir cette renonciation par chacun des actionnaires ; dès lors se pose la question de savoir si la société peut supprimer ce droit pour les besoins du placement des actions dans le public. L’art. 652b al. 2 CO subordonne la suppression du droit préférentiel de souscription à l’existence de justes motifs et mentionne dans la foulée comme justes motifs l’acquisition d’une entreprise, ou de parties d’entreprise ou de participations à une entreprise ainsi que la participation des travailleurs. L’introduction en bourse, respectivement la cotation d’actions, ne sont pas expressément mentionnées dans la loi. Il est largement admis par la doctrine que la suppression du droit de souscription préférentiel est admise sur le fond74 si (i) la suppression est justifiée par un intérêt objectif de la société, (ii) tous les actionnaires sont traités de manière égale 71 72 73 74 FRICK § 11 N 1195. FRICK § 11 N 1196. Il est cependant plus rare que le management puisse vendre une partie de ses actions dans l’IPO, ce qui pourrait constituer un message négatif pour le marché. Cela arrive cependant occasionnellement (voir l’IPO de Uster Technologies AG en 2008). Sur la forme, la suppression du droit de souscription préférentiel nécessite une décision de l’assemblée générale recueillant au moins les deux tiers des voix attribuées aux actions représentées et la majorité absolue des valeurs nominales représentées (art. 704 al. 1 ch. 6 CO). 101 Frank Gerhard et (iii) la suppression ne viole pas le principe de la proportionnalité (schonende Rechtsausübung)75. L’entrée en bourse permet à la société de lever des fonds supplémentaires aux conditions de marché (grâce au bookbuilding) et lui donnera accès au marché des capitaux tout en protégeant mieux les intérêts des actionnaires minoritaires (par exemple en rendant le titre liquide et par l’introduction de l’obligation de lancer une offre si un actionnaire dépasse le seuil de 331/3 % des actions76). Elle sera dès lors le plus souvent dans l’intérêt de la société, traitera tous les actionnaires de manière égale et en principe ne désavantagera pas les actionnaires minoritaires77. Dans un primary offering, ce sera donc le principe de la proportionnalité qui attirera le plus l’attention : il ne serait pas acceptable de désavantager au-delà de ce qui est strictement nécessaire les actionnaires existants. Ceci signifie qu’un actionnaire existant doit avoir une chance raisonnable de souscrire des titres dans le cadre de l’IPO78 et l’underpricing doit se tenir dans un cadre raisonnable79. Si ces deux conditions sont remplies, la suppression du droit de souscription préférentiel sera admissible80. D. Garanties et autres engagements du fonds de private equity Afin de faciliter le placement des titres sur le marché, la société et le fonds de private equity feront le plus souvent appel à une banque. La structure des rapports contractuels entre la société, le fonds de private equity et la banque accompagnant la transaction dépend de la répartition des risques entre ces trois acteurs. En termes simples, trois structures sont envisageables : commission de vente (best efforts underwriting), commission de vente avec garantie de prix minimal (standby under- 75 76 77 78 79 80 102 Sur les conditions de la suppression du droit de souscription préférentiel, notamment en rapport avec une IPO, voir BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 2 N 273 ; FORSTMOSER/ MEIER-HAYOZ/NOBEL § 39 N 95 ss ; GERHARD, Private (2008), p. 322 ; STAEHELIN, p. 159 ss ; WATTER, p. 395 ss ; ZBINDEN, p. 39, ZINDEL/ISLER, BaK N 15 ad art. 652b CO. Voir aussi ATF 121 III 219 = JdT 1996 I 162 (financement d’acquisitions et de participations en tant que juste motif) et ATF 130 III 495 = JdT 2005 I 79 (fourniture des actions nécessaires au plan d’intéressement des actionnaires). Art. 32 LBVM. Voir seulement KUNZ, p. 130, n. 216 ; STAEHELIN, p. 159 ; Z BINDEN, p. 40. Ceci ne serait p.ex. pas le cas si une part disproportionnée des nouvelles actions n’était pas placée dans le public (y compris les actionnaires existants), mais auprès de friends & family ou pris en nostro sur les comptes de la banque. Voir, sur le problème de l’allocation des titres, BOHRER, p. 651 ss ; COCCA, p. 33 ; DAENIKER, Zuteilungsgrundsätze, p. 344. Décision de la Commission fédérale des banques du 19 mars 2003 dans l’affaire Bank Vontobel AG, Bulletin CFB 45 (2003), p. 164 ss. La conséquence d’un underpricing massif serait la dilution des actionnaires existants, voir KUNZ, p. 130 ; ZBINDEN, p. 40. STAEHELIN, p. 160, accepte un discount de 5 à 10 % par rapport au cours de bourse escompté. KUNZ, p. 130 ; ZBINDEN, p. 40. Selon WATTER/REUTTER, p. 9, la pratique suisse en la matière est libérale. Le dernier IPO avec placement de titres annoncé à la date de cet article (Edisun Power Europe AG en septembre 2008) respectait le droit préférentiel de souscription des actionnaires existants. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity writing) et prise ferme par la banque (firm underwriting) assortie cependant d’un risque limité étant donné que le prix de souscription est en principe la valeur nominale et la durée de la prise ferme est de 24 heures, grâce à la procédure du bookbuilding81. En cas de secondary offering, le fonds de private equity sera partie au contrat passé entre la société et la banque ; en cas de primary offering seulement, le fonds de private equity ne sera en principe pas partie au contrat. Si le fonds de private equity vend des actions, il ne donnera en principe pas de garanties sur la situation économique et financière de la société et les limitera aux titres offerts, notamment le fait que (i) il est propriétaire des actions et que les actions ne sont pas grevées de droits de tiers, (ii) les actions donnent plein droit au dividende et sont librement transmissibles, ainsi que le fait que (iii) la vente des actions a été dûment autorisée et qu’il n’a besoin d’aucune autorisation d’une quelconque autorité pour procéder à la vente. En outre, en vue de limiter son risque, notamment celui de nuire à sa réputation, la banque exigera du fonds de private equity une garantie selon laquelle ce dernier n’a pas connaissance de faits qui, s’ils existaient, rendraient le prospectus d’émission faux, incomplet ou trompeur. Outre les déclarations et garanties mentionnées ci-avant, le fonds de private equity prend en règle générale d’autres engagements supplémentaires. Par exemple, il s’engagera à faire toutes les communications légales requises, à respecter les restrictions de vente de papier-valeurs imposées par certaines juridictions étrangères (selling restrictions), à ne pas offrir lui-même les actions au public, à ne pas conduire des opérations de stabilisation de cours et, s’il dispose encore d’autres actions de la société, à ne pas les vendre ou les offrir à la vente durant un laps de temps déterminé (lock-up). Ces dispositions sont complétées par une indemnité en faveur de la banque au cas où les garanties ne devaient pas s’avérer exactes ou au cas où le vendeur n’aurait pas exécuté correctement les engagements pris. E. Fixation du prix par le fonds de private equity ? La procédure de bookbuilding82 est aujourd’hui prédominante lors de placements d’actions en rapport avec une entrée en bourse83. De manière générale, le bookbuilding est une procédure de fixation du prix sous forme de constitution d’un livre d’ordres (order book) auprès d’investisseurs institutionnels, dont le but est d’optimiser le prix en fonction de la demande dans les titres offerts. Le prix auquel les actions seront vendues est fixé non pas au début, mais à la fin de la pé- 81 82 83 Sur l’underwriting agreement en général, voir DAENIKER, Underwriting, p. 159 ss ; REUTTER, p. 44 ss ; WATTER, p. 395 ss. Sur le bookbuilding en général, voir DAENIKER, Underwriting, p. 164-167 ; STOLZ, p. 1 ss ; ZOBL/KRAMER N 1088. Jusqu’en 2001, le bookbuilding était également une procédure privilégiée lors d’augmentations de capital de sociétés cotées ; il est aujourd’hui quelque peu passé de mode avec la volatilité croissante des marchés. 103 Frank Gerhard riode de souscription qui dure usuellement de 6 à 10 jours de bourse. En effet, au début de cette période, seule une fourchette de prix (price range) est fixée par la banque en charge du placement et la société. Dans le cas d’une entrée en bourse, cette fourchette se fonde sur une valorisation de la société et sur les indications communiquées par certains investisseurs institutionnels consultés lors de la phase de pre-marketing. Le prix d’émission définitif, fixé au moment de l’allocation des titres à la fin de la période de souscription, tiendra compte des souscriptions fermes reçues de la part des investisseurs privés et des simples déclarations d’intérêt (indication of interests) fournies par les investisseurs institutionnels. En règle générale, l’allocation des titres n’intervient pas au prix le plus élevé possible, mais à un prix permettant encore de procéder à une réduction des souscriptions reçues. Cette pratique, qui peut conduire à un certain underpricing, vise à générer un appétit pour les titres offerts dans le marché secondaire, qui commence avec le premier jour de négoce. Si le fonds de private equity ne contrôle pas la majorité du conseil d’administration de la société, il devra s’assurer dans la convention d’actionnaires que la décision de fixation de prix d’émission dans l’IPO fasse partie des décisions qui nécessitent l’accord du/des représentant(s) du fonds de private equity au sein du conseil d’administration de la société. F. Option de sur-allocation et prêt d’actions (securities lending) par le fonds de private equity En principe, le syndicat bancaire se verra attribuer, soit par certains actionnaires existants, soit par la société elle-même, le droit d’acquérir des actions supplémentaires au prix de placement initial afin de couvrir les sur-allocations ou pour stabiliser le cours de l’action immédiatement après l’IPO. Cette option de surallocation ou greenshoe option84 fonctionne de la manière suivante : Lors de l’allocation – au moment de la fixation du prix à l’issue de la procédure de bookbuilding – un certain nombre d’actions sont prises à titre ferme par les banques (firm shares). En sus de ce nombre, les banques ont le droit d’acquérir un nombre supplémentaire d’actions par l’exercice de l’option de sur-allocation. En général, ce nombre varie entre 10 % et 15 % des actions prises à titre ferme. Lors de l’allocation, toutes les actions, à savoir les actions prises à titre ferme et les actions sur lesquelles les banques disposent d’une option d’achat, sont allouées. Les banques alloueront donc plus d’actions qu’elles n’en ont effectivement pris à titre ferme. On parle de positions à découvert (short positions) des banques. 84 104 Voir HUBER, p. 67 ; en ce sens, la problématique de la suppression du droit de souscription préférentiel n’est pas seulement une question qui se pose dans le primary offering, mais aussi en rapport avec le greenshoe d’un secondary offering : WATTER/REUTTER, p. 11 ss. En général, voir MARTI, p. 357 ss. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity Si le cours de bourse se développe favorablement après le premier jour de négoce, les banques exerceront l’option de sur-allocation afin de couvrir cette position à découvert. Si le cours de bourse ne se développe pas favorablement, les banques effectueront des achats de stabilisation sur le marché secondaire. Ces opérations de stabilisation doivent être expressément prévues dans le prospectus de cotation et sont limitées à une période de 30 jours après le premier jour de négoce. Les titres rachetés sur le marché permettront de couvrir les positions à découvert des banques et auront un effet stabilisateur sur le cours de bourse. Dans ce cas-là, l’option de sur-allocation ne sera pas exercée. Afin de couvrir le besoin en actions supplémentaires lors de l’allocation, les banques concluent, le plus souvent avec certains actionnaires, un contrat de prêt d’actions (securities lending agreement) sur une durée d’environ 40 jours. Les banques attribueront ces actions empruntées et remettront au prêteur à l’issue du prêt soit les actions reçues de la société (typiquement nouvellement émises à partir du capital autorisé), soit celles rachetées sur le marché secondaire dans le cadre des opérations de stabilisation, soit celles de l’actionnaire ayant octroyé l’option de sur-allocation. Dans ce dernier cas, il y aura souvent identité des parties et l’obligation de retourner les actions sera compensée par l’exercice de l’option de sur-allocation. G. Interdiction d’aliénation à charge du fonds de private equity 1. Principe Comme nous l’avons mentionné plus haut85, un des inconvénients de l’IPO pour le fonds de private equity est de ne pas pouvoir disposer de l’ensemble de ses actions immédiatement après la cotation des actions86. En effet, il sera en principe lié par une interdiction de cession limitée dans le temps (lock-up). Une telle obligation de lock-up (typiquement de 6 mois) est déterminante pour le développement du cours de l’action, étant donné qu’elle permet d’assurer qu’aucun titre supplémentaire ne viendra inonder le marché (ce qui pourrait générer un excès d’offre pour le titre en question) et témoigne de la confiance du vendeur dans le titre vendu87. Lors d’une cotation à la SIX Swiss Exchange, l’interdiction d’aliénation est en principe agréée contractuellement à l’égard du chef de file ou du syndicat de banques accompagnant l’émission. Pour les jeunes entreprises qui ne peuvent se prévaloir d’avoir publié des comptes pendant trois ans, l’Instance d’admission de la SIX Swiss Exchange peut exiger des obligations de transparence plus strictes et 85 86 87 Voir supra, II.I.3. DAENIKER, Underwriting, p. 191 ; FRICK § 11 N 1198 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1256 ; WATTER/REUTTER, p. 26. DAENIKER, Underwriting, p. 191. 105 Frank Gerhard certaines interdictions d’aliénation88 : lors du dépôt de sa requête d’admission, une jeune entreprise doit apporter la preuve que les personnes suivantes se sont engagées à ne pas aliéner leurs droits de participation avant le délai spécifié cidessous à partir de la date de la première cotation89 : - l’émetteur lui-même, pour une période de 6 mois ; - les membres du conseil d’administration et de la direction générale, pour une période de 12 mois ; - les actionnaires disposant, juste avant la date de placement des droits de participation, de plus de 2 % du capital émis ou de l’ensemble des droits de vote, pour une période de 12 mois. 2. Actes assimilés à l’aliénation et exceptions En principe, sont assimilées à l’aliénation la communication d’une intention de vente ainsi que toutes les mesures équivalant directement ou indirectement à une vente d’un point de vue économique90. Font notamment partie des transactions non admises : la vente, toute forme d’offre de vente, l’expression d’intentions de vente, les opérations à terme (y compris les ventes à découvert), l’allocation de droits de conversion et d’acquisition (options call), l’acquisition d’options put, la conclusion de contrats de swap et de contrats d’échange ainsi que les cessions à titre de sûreté. L’émission, par l’émetteur, de droits de participation ainsi que l’émission de droits d’acquisition, de conversion ou d’échange permettant la souscription de nouveaux droits de participation (par exemple issus d’un capital conditionnel) sont également considérées comme des transactions non admises. Demeurent réservées (i) l’émission d’actions sur la base de droits d’acquisition, de conversion ou d’échange préexistants et (ii) l’émission d’actions et de droits d’acquisition, de conversion ou d’échange sur la base de programmes de participation destinés aux collaborateurs. En contrepartie, sont typiquement admissibles : - l’aliénation dans le cadre d’un litige en matière de régime matrimonial ; - la donation aux membres de la proche famille (limitée aux descendants directs, conjoints et partenaires enregistrés, parents, frères et sœurs, neveux et nièces, petits-neveux et petites-nièces). 88 89 90 106 Art. 11 al. 3 RC, Directive concernant les dérogations à la durée d’existence des entreprises émettrices (track record) et Directive concernant les interdictions d’aliénation (lock-up agreement), toutes deux entrées en vigueur le 1er avril 2004 qui vont être adaptées suite à l’entrée en vigueur du nouveau RC. Directive concernant les dérogations à la durée d’existence des entreprises émettrices (track record), ch. 24. Directive concernant les interdictions d’aliénation (lock-up agreement), ch. 21-23. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity - l’apport dans une société holding privée dont le cercle des actionnaires est limité à l’ancien actionnaire lui-même ainsi qu’aux membres de sa proche famille ; - l’apport dans un trust ou une fondation dont les bénéficiaires sont l’ancien actionnaire lui-même ou des membres de sa proche famille ; - l’aliénation dans le cadre d’une exécution forcée ; - le transfert, interne à un groupe d’entreprises, de droits de participation, pour autant que ce transfert n’affecte en rien les rapports de contrôle de l’entreprise ; - l’émission d’actions ou d’options liée à des programmes de participation destinés aux collaborateurs et rendus publics dans le prospectus de cotation. 3. Obligation d’annonce selon la LBVM Il est important de noter que les actionnaires qui ont conclu un lock-up dans le cadre d’une IPO constituent un groupe selon l’art. 20 al. 3 LBVM. L’Instance de publicité des participations (IPP) de la SIX Swiss Exchange a établi une pratique particulière à cet effet, prévoyant notamment toute une série d’exceptions par rapport aux conséquences légales de la qualification de groupe au sens de la LBVM91. H. Prise en charge des coûts du fonds de private equity par la société-cible Il est courant en pratique que la société-cible prenne en charge certains coûts du fonds de private equity liés à la préparation du prospectus et aux activités de marketing (road shows). Cet engagement peut violer certaines normes de droit impératif, surtout lorsque seul un secondary offering est prévu, c’est-à-dire que les produits de l’IPO profitent uniquement aux actionnaires-vendeurs92. 1. Art. 718a CO Tout d’abord, la prise en charge de ces coûts par la société-cible peut constituer un dépassement du pouvoir de représentation de ses organes, ce qui peut conduire à la responsabilité de l’organe, voire à la nullité de l’acte en question. L’art. 718a CO prévoit que les personnes autorisées à représenter la société ont le droit d’accomplir au nom de celle-ci tous les actes que peut impliquer le but social. La question principale lors de l’analyse de la conformité d’un acte avec le but social est de savoir si les organes pouvaient, de bonne foi, se considérer autorisés à agir 91 92 La pratique est décrite dans STADELMAN/WIDMER, p. 153 ss et codifiée nouvellement dans une communication de l’IPP du 7 avril 2009. Voir, en général, KUNZ, p. 130 ; WATTER/REUTTER, p. 13 ss ; WATTER, p. 387 ss. Sur la problématique similaire des garanties données par la société dans le cas du block-trade, voir GERHARD, Le block-trade, p. 261 ss. 107 Frank Gerhard de la sorte93. La réponse doit être positive lorsque, au vu des circonstances concrètes, l’affaire est d’une certaine utilité pour la société. Si ceci n’est pas le cas – par exemple parce que l’affaire en question profite exclusivement à un actionnaire sans apporter d’avantages à la société – il faudra examiner en plus si le tiers peut néanmoins se fier de bonne foi au pouvoir de représentation de l’organe en question qui lui permet en fait de conclure toutes les affaires qui ne sont pas directement exclues du but social94. Si le contrat est clairement contraire aux intérêts de la société et si le tiers, en l’occurrence la banque, pouvait ou aurait dû le savoir, le contrat en question pourra demeurer sans effet pour la société95. En revanche, si la société a un intérêt direct ou même indirect à prendre en charge ces coûts, le contrat pourra déployer ses effets. Un tel intérêt peut être présumé, par exemple, si la société reçoit une rémunération de la part du vendeur. La société peut aussi arguer qu’elle tire un avantage de l’entrée en bourse, comme expliqué ci-après. 2. Art. 678 CO Vu que le fonds de private equity profite directement du placement de ses actions, il convient ensuite d’examiner si la prise en charge de ces coûts par la société-cible ne constitue pas non plus un cas d’application de l’art. 678 CO, lequel interdit à la société de fournir des prestations injustifiées à des personnes proches, notamment aux actionnaires. Ces prestations peuvent être fournies soit de manière ouverte et formellement déclarée comme distribution de bénéfices (art. 678 al. 1 CO), ce qui ne sera manifestement pas le cas de la prise en charge par la société des coûts du secondary offering, soit de manière dissimulée, parce qu’elles sont fournies en disproportion évidente avec leur contre-prestation et la situation économique de la société (art. 678 al. 2 CO). L’exigence de la disproportion avec la situation économique de la société est généralement rejetée par la doctrine au motif qu’elle est inadéquate96. En revanche, la doctrine exige en plus la mauvaise foi du destinataire de la prestation comme condition de l’obligation de restitution97. Une partie de la doctrine présume cette mauvaise foi lors d’une disproportion évidente entre les prestations98. Ainsi se pose, tout comme lors de l’application de l’art. 718a CO, la question de savoir si le placement des actions par le fonds de private equity présente pour la société un intérêt qui soit dans une proportion adéquate avec les coûts encourus, ceci bien que la société elle-même ne reçoive pas de contre-prestation pour le pla93 94 95 96 97 98 108 ATF 126 III 361, spéc. 363 s. ATF 116 II 323 et 126 III 361 c. 2a (considérant non publié). Voir aussi BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 13 N 497 ss ; WATTER, BaK N 4 ad art. 718a CO. WATTER, BaK N 11 ad art. 718a CO. BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 555 ; KURER, BaK N 16 ad art. 678 CO. Le projet du nouveau droit de la société anonyme du 21 décembre 2007 (FF 2008, p.1407), ne parle plus de « situation économique », mais de « résultats » de la société (cf. art. 678 al. 2 Projet). BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 554 ; KURER, BaK N 18 ad art. 678 CO. BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 554 ; WATTER/REUTTER, p. 15. Le nouveau projet du droit de la société supprime l’exigence de la mauvaise foi (cf. art. 678 al. 1 Projet). L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity cement de ces actions. En ce qui concerne les avantages pour la société, il est aisément démontrable que la société elle-même profite de l’entrée en bourse, celleci lui permettant d’étendre ses possibilités de financement, de disposer d’une monnaie d’acquisition sous la forme d’actions, de mettre sur pied un programme d’intéressement pour ses employés, de profiter d’une publicité accrue, etc. Dès lors, la doctrine admet que, lorsque le placement d’actions existantes est accompagné d’une entrée en bourse, la société peut prendre en charge certains coûts (coûts engagés pour la préparation du prospectus, pour la cotation elle-même et les frais généraux de publicité (road shows) et coûts de conseillers externes) ainsi que donner des garanties en faveur des banques99. En revanche, la commission de placement des banques et le droit de timbre de négociation perçus sur la vente des actions existantes doivent être payés par le vendeur100 . 3. Art. 717 CO Enfin, la prise en charge de ces coûts en faveur de certains actionnaires peut aussi violer le principe de l’égalité de traitement des actionnaires prévu par l’art. 717 al. 2 CO. Cependant, en matière d’avantages pécuniaires accordés à certains actionnaires, une inégalité est autorisée lorsqu’elle est raisonnable dans son ampleur et qu’elle est justifiée par l’intérêt social101 . Si, par exemple, la prise en charge des coûts par la société a été agréée lors de la prise de participation par le fonds de private equity, la prise en charge des coûts futurs est une contreprestation faite en échange de l’investissement ; en l’absence d’une telle prise en charge, l’investisseur aurait, par exemple, demandé plus d’actions en échange du montant investi102 . I. Responsabilité du fonds de private equity 1. Responsabilité pour le prospectus d’émission Selon l’art. 752 CO, ceux qui, lors de la fondation d’une société ou d’une émission d’actions, d’obligations ou d’autres titres, ont inséré, intentionnellement ou par négligence, dans le prospectus d’émission ou dans des documents analogues, des informations inexactes, trompeuses ou non conformes aux exigences légales, les ont diffusées ou ont participé à ces actes, répondent envers les acquéreurs des titres du dommage qu’ils ont causé. La question pertinente en rapport avec l’exit d’un fonds de private equity est de savoir si le fonds de private equity a la qualité pour défendre. En règle générale, la 99 100 101 102 GERHARD, Le block-trade, p. 261 s ; HUBER/HODEL/STAUB GIEROW, art. 28 KR N 13 ; WATTER/REUTTER, p. 16. GERHARD, Le block-trade, p. 261 s ; HUBER/HODEL/STAUB GIEROW, art. 28 KR N 13 ; WATTER/REUTTER, p. 16. HUGUENIN, p. 201 ss ; WATTER/REUTTER, p. 211. GRONER, Private, p. 359. 109 Frank Gerhard préparation du prospectus est l’œuvre de la société, aidée de ses conseils (banques, avocats, organes de révision). La distribution du prospectus est ensuite le fait de la société, mais surtout des banques du syndicat. En raison de l’exigence du lien de causalité, cette participation doit être substantielle103 . L’élément déterminant sera de savoir dans quelle mesure le fonds de private equity vendeur aura été à même d’influencer le contenu du prospectus, c’est-à-dire dans quelle mesure les déclarations dans le prospectus lui sont imputables. Selon les circonstances, il conviendra également d’examiner si le fonds de private equity domine le conseil d’administration, s’il exerce des fonctions d’organe de fait ou s’il a même concrètement participé à la préparation du prospectus. Sur cette base, et en supposant que le fonds de private equity ne participe ni à la préparation, ni à la diffusion du prospectus d’émission, on peut raisonnablement exclure toute responsabilité du fonds de private equity pour le prospectus d’émission. 2. Responsabilité sur la base du contrat de prise ferme La banque exigera de la société et, si possible, du fonds de private equity vendeur, au cas où elle devrait répondre envers des tiers pour le contenu du prospectus en ce qui concerne les informations relatives au fonds de private equity, qu’ils la libèrent de toute responsabilité à cet égard, respectivement qu’ils l’indemnisent pour tout dommage encouru en rapport avec une telle responsabilité. Or, en transférant à un tiers (en l’occurrence à la société et, le cas échéant, au fonds de private equity) le risque d’une responsabilité du fait du prospectus, la banque exclut – dans le rapport interne – une responsabilité qui – dans le rapport externe – ne peut en soi pas être exclue. En effet, dans le rapport externe, tous ceux qui ont participé à la préparation d’un prospectus contenant des informations inexactes, trompeuses ou non conformes aux exigences légales répondent envers les acquéreurs des titres du dommage qu’ils leur ont causé (art. 752 CO). La banque fait sans conteste partie de ces personnes. Cette réglementation ne s’applique cependant qu’aux rapports externes. Dans les rapports internes, les parties sont libres de procéder dans le respect de la liberté contractuelle. Une telle exonération de la responsabilité de la banque est cependant limitée. En effet, tout d’abord selon l’art. 100 al. 1 CO toute stipulation tendant à libérer d’avance le débiteur de la responsabilité qu’il encourrait en cas de dol ou de faute grave est nulle ; cela pourrait, par exemple, être le cas si la banque était au courant d’une fausse information ou d’une omission dans le prospectus et qu’elle n’était pas intervenue. Ensuite, même si seule l’exclusion de la responsabilité pour faute légère ou négligence peut être convenue, le juge pourra cependant, en vertu de son pouvoir d’appréciation, tenir pour nulle une telle clause lorsque la responsabilité résulte de l’exercice d’une industrie concédée par l’autorité (art. 100 al. 2 CO). Le Tribunal fédéral a indiqué que l’exploitation d’une banque doit être assimilée à l’exercice d’une telle industrie concédée par l’autorité et que dès lors une banque ne saurait même pas se libérer d’avance de sa 103 110 APPENZELLER/WALLER, p. 265 ; DAENIKER/WALLER, p. 65 et les auteurs mentionnés à la n. 44 ; WATTER, BaK N 10 ad art. 752 CO. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity responsabilité pour faute légère104 . La banque pourra cependant, également dans les rapports internes avec le fonds de private equity, apporter la preuve de l’absence de faute – même légère – de sa part en se faisant confirmer auparavant par ses propres conseils et les conseils de la société-cible et du fonds de private equity que le prospectus ne contient pas d’informations inexactes, trompeuses ou non conformes aux exigences légales105 . En effet, le Tribunal fédéral a jugé récemment, dans une affaire de responsabilité pour le prospectus d’émission en rapport avec une obligation d’emprunt dans laquelle une banque était défenderesse, que « s’il est vrai qu’elle [la banque] ne saurait se fier aveuglement aux affirmations du débiteur, on ne saurait exiger d’elle, au moins en l’absence d’indices alarmants, des investigations disproportionnées. La doctrine admet que la banque peut en principe se fier aux indications fournies par les avocats du débiteur et par son organe de révision »106 . La responsabilité du fait du prospectus est donc une responsabilité pour faute, et non pas une responsabilité causale. La faute n’est pas non plus présumée ; elle doit être démontrée par le demandeur107 et le défendeur peut s’exculper en démontrant qu’il n’a pas violé son obligation de diligence en participant à la préparation du prospectus108 . Dans ce cas, l’absence de négligence signifie que la faute est inexistante et que la responsabilité fait défaut109 . 3. Responsabilité des administrateurs représentant le fonds de private equity Le conseil d’administration est responsable de la stratégie, de la haute direction, de la surveillance et du contrôle de la société (art. 716a al. 1 CO). Afin d’atteindre ces objectifs, il peut établir les instructions nécessaires, fixer l’organisation et nommer les personnes chargées de la gestion. Le conseil d’administration ne doit pas exécuter lui-même toutes les tâches, il peut les déléguer dans les limites de l’art. 716a CO. La conduite d’une procédure d’introduction en bourse n’est pas, à notre avis, une compétence inaliénable et intransmissible au sens de l’art. 716a 104 105 106 107 108 109 ATF 112 II 450 = JdT 1987 I 91. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a cependant qualifié la relation entre une banque et un client privé ; la situation pourrait bien être différente si la banque est en relation avec un client institutionnel sophistiqué. Sur la due diligence defense, voir DAENIKER/WALLER, p. 55 ss et HARSCH, p. 89 s. Cette confirmation est l’objet des legal opinions émises par les cabinets d’avocats accompagnant la transaction (voir ISLER, p. 122 s ; PFENNINGER/GIGER, p. 1 ss) et de la comfort letter émise par l’organe de révision de la société (voir AMREIN, p. 81 ss ; HERZOG/AMSTUTZ, p. 757 ss). ATF 129 III 71, c. 2.6. ATF 129 III 74 c. 2.4 ; voir commentaires par DAENIKER, Stellung, p. 368, et MAROLDA/ VON DER CRONE, p. 158 ss. DAENIKER/WALLER, p. 66. DAENIKER/WALLER, p. 66 ; FISCHER-APPELT/GINTER, p. 219. Même si l’institution de la due diligence defense provient des États-Unis, elle a également ses bases dogmatiques en droit suisse : celui qui applique la diligence requise par les circonstances n’agit pas négligemment ; ainsi, la faute (et la responsabilité qui en est la conséquence) est éliminée (voir DAENIKER/ WALLER, p. 70 s, et ATF 129 III 71). 111 Frank Gerhard CO : le conseil d’administration pourra la déléguer110 . Selon le droit suisse, les membres du conseil d’administration ne doivent signer ni le prospectus d’émission et de cotation, ni la déclaration de responsabilité exigée par le Règlement de cotation de la SIX111 . Une responsabilité directe pour le prospectus du seul fait de la signature du prospectus de cotation peut donc être écartée. Une telle responsabilité ne serait d’ailleurs pas déterminante. Il sied bien plutôt de considérer l’autonomie concrète de chaque membre du conseil d’administration dans la participation à la préparation du prospectus. Le conseil d’administration n’est pas responsable de manière collective ; dès lors, il convient de privilégier une approche individuelle112 . Dès lors, les membres du conseil d’administration qui ont participé à l’élaboration du prospectus peuvent, de manière générale, être responsables pour le prospectus. La même conclusion vaut pour les membres du conseil d’administration qui étaient au courant d’une erreur ou auraient dû l’être et n’ont pas pris les mesures nécessaires pour corriger cette erreur. En revanche, les membres du conseil d’administration qui n’ont pas participé à la préparation du prospectus, mais seulement à la décision approuvant le prospectus ne peuvent se voir imputer une responsabilité au titre du prospectus. Un tel administrateur pourra valablement argumenter que la préparation du prospectus a été valablement déléguée, soit à un comité d’administrateurs, soit à un seul administrateur (délégué), soit à la direction générale113 . Il en résulte que, lorsqu’une compétence a été valablement déléguée, la responsabilité du conseil d’administration, en ce qui concerne l’activité déléguée, peut être très substantiellement réduite. En effet, sa responsabilité ne pourra être mise en jeu que si l’administrateur en question n’a pas usé de la diligence nécessaire lors du choix, de l’instruction et de la surveillance du récipiendaire de la délégation (art. 752 al. 2 CO) 114 . Au contraire de la responsabilité pour la gestion, une exculpation n’est pas expressément prévue dans le cadre de la responsabilité du fait du prospectus. L’art. 754 al. 2 CO est cependant l’expression de l’idée que l’on ne peut seulement être tenu responsable pour ses devoirs propres115 ; rien ne 110 111 112 113 114 115 112 FRICK § 11 N 1188 ; KUNZ, p. 128 s ; M ÖHRLE, p. 201 et références citées, qui estiment que la décision d’entrer en bourse ne fait pas partie des décisions exclusivement réservées au conseil d’administration selon l’art. 716a CO ; voir aussi APPENZELLER/WALLER, p. 266, qui cependant réservent la compétence du conseil d’admi-nistration pour prendre la décision de principe de coter les actions à une bourse. Il est admis que la société (et non des membres individuels du conseil d’administration ou de la direction) soit annoncée comme « personne » responsable pour le contenu du prospectus. Voir APPENZELLER/WALLER, p. 262. Art. 759 al. 2 CO. APPENZELLER/WALLER, p. 266. Ceci vaut aussi en cas de délégation à une personne auxiliaire ou à des tiers qui ne font pas partie de la société, et non pas seulement – comme le laisse entendre le texte légal – en cas de délégation à un autre organe (voir FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL § 37 N 37 ss ; WIDMER/BANZ, BaK N 42 ad art. 754 CO). BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 18 N 118. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity s’oppose à une application par analogie de ladite disposition en matière de responsabilité pour le prospectus116 . III. Cession à un investisseur industriel (trade sale) A. Notion, avantages, inconvénients 1. Notion Lors de la cession à un investisseur industriel, l’acheteur achètera en principe l’ensemble des actions de la société-cible. En effet, il sera en général intéressé par l’activité opérationnelle de la société-cible et, typiquement, visera à intégrer la société-cible dans sa propre structure. Deux exemples récents de trade sale sont la vente des cliniques privées Hirslanden Holding AG par le fonds de private equity BC Partners au groupe hospitalier sud-africain Medi-Clinic en été 2007 et la vente de Jet Aviation par Permira à General Dynamics en été 2008. 2. Avantages La cession à un investisseur industriel permet au fonds de private equity de réaliser l’ensemble de son investissement en une seule fois. Elle présente l’avantage de la rapidité – la performance d’un fonds de private equity se mesure aussi à la durée d’un investissement – et une réduction des coûts de transaction117 . En outre, le fonds de private equity n’est pas entravé par un lock-up et ne doit pas non plus chercher à intéresser une multitude d’investisseurs comme en cas d’IPO. Enfin, fiscalement, la cession complète des actions détenues par le fonds de private equity peut conduire à un gain en capital franc d’impôt si le fonds de private equity remplit certaines conditions : détention de la participation au moins pendant une année, hauteur de la participation de 20 % au minimum et cession de l’ensemble de la participation dans le courant du même exercice commercial118 . Plusieurs ventes de participations effectuées au cours d’un exercice commercial peuvent être additionnées, à condition qu’elles s’appuient sur une même décision de l’entreprise. 116 117 118 Ceci vaut aussi pour la problématique similaire dans le cadre de la responsabilité selon l’art. 108 LFus ; voir MAURENBRECHER, BaK N 56 ad art. 108 LFus. VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1244. Art. 70 al. 4 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct et ch. 2. 4. 2 de la lettre-circulaire AFC n°9 (1998). 113 Frank Gerhard 3. Inconvénients Du point de vue du management, la vente à un acheteur industriel correspond souvent à une restriction, voire à l’abandon complet de l’indépendance entrepreneuriale119 . Au pire, une telle cession peut correspondre à la perte de l’emploi. Mais une telle cession peut aussi créer de nouvelles opportunités, par exemple de carrière dans le groupe de l’acheteur. B. Droits de préemption et d’offre préférentielle 1. But et qualification juridique Le droit de préemption accorde à son bénéficiaire le droit d’acheter lui-même les actions sur lesquelles l’actionnaire a passé un contrat de vente avec un tiers. Il s’exerce par la seule déclaration de volonté de l’ayant-droit. La clause de préemption se définit comme un droit formateur générateur soumis à la condition suspensive de la conclusion d’un contrat de vente entre le débiteur et un tiers120 . Le droit d’offre préférentielle peut se présenter sous trois formes différentes121 : - clause d’offre préférentielle proprement dite : le débiteur s’engage à offrir ses actions au rachat ; - solution intermédiaire : le débiteur s’engage à accepter l’offre de reprise de l’ayant-droit ; - clause d’offre préférentielle improprement dite : le débiteur s’interdit d’aliéner ses actions à un tiers si l’ayant-droit offre les mêmes conditions au rachat. La condition suspensive de l’intention d’aliéner constitue le point commun aux trois formes du droit d’offre préférentielle. En principe, ces droits sont octroyés au fonds de private equity, car c’est lui qui a un intérêt à contrôler l’actionnariat de la société-cible en vue de sécuriser l’exit. Tant le droit de préemption que le droit d’offre préférentielle n’ont d’effet qu’entre les parties. Si le débiteur aliène ses actions sans respecter ses obligations résultant de ces droits, la vente sera valable et le créancier ne pourra que demander des dommages-intérêts à l’obligé. 2. Facteurs déclencheurs et variantes Il appartient aux parties de préciser les actes juridiques déclenchant le droit de préemption et le droit d’offre préférentielle. En principe, le cas de préemption ou d’offre préférentielle sera défini largement et ne comprendra pas seulement la 119 120 121 114 VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1246. FRICK § 11 N 1132 s ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1028 ss. N 1051. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity vente des actions à un tiers, mais aussi la vente à terme, l’octroi d’options, la donation, le nantissement et tout acte pouvant conduire au transfert économique de propriété des actions122 . Souvent, le fonds de private equity demandera que certaines transactions soient exclues du champ d’application du droit de préemption ou du droit d’offre préférentielle, par exemple les transferts au sein du groupe, à un nouveau membre du management, en cas de succession ou le transfert à un tiers en cas de vente de l’ensemble des actions de la société-cible ou le transfert en cas d’introduction en bourse. Pour le droit de préemption, la situation est relativement claire : le cas de préemption est la conclusion du contrat de vente de l’obligé avec le tiers. Pour le droit d’offre préférentielle, la situation est moins claire et les variantes sont nombreuses, allant de la simple intention de vente au commencement de négociations avec le tiers. Enfin, en règle générale, le droit de préemption et le droit d’offre préférentielle portent non seulement sur les actions détenues par l’obligé au moment de la conclusion de la convention d’actionnaires, mais également sur celles détenues ultérieurement, par exemple suite à l’exercice du droit préférentiel de souscription ou en vertu d’un plan d’intéressement des employés. 3. Prix d’achat et nombre d’actions On parle de droit illimité lorsque les parties n’ont pas fixé de prix. Dans ce cas, le prix sera le prix offert par le tiers de bonne foi123 . On parle de droit limité lorsque les parties ont fixé le prix ou ont fixé des critères permettant de déterminer le prix : à cette fin, les parties peuvent convenir d’une formule de prix ou que le prix sera déterminé par un tiers indépendant sur la base d’une valorisation de la société124 . La fixation unilatérale du prix par une partie sera frappée de nullité125 . Une autre méthode de fixation du prix est de prévoir un intérêt sur le prix d’achat initial. Le prix ne doit pas être fixé de sorte qu’il constitue en réalité une peine conventionnelle improprement dite : si d’un point de vue économique les actionnaires n’offrent de reprendre les actions de l’aliénateur qu’à un prix très bas par rapport à leur valeur réelle, cela a pour effet de dissuader de vendre126 . Ainsi, l’effet obtenu est le même que celui d’une peine conventionnelle proprement dite. Il se justifie dès lors de traiter ce cas de la même manière que la peine conventionnelle proprement dite : le juge doit corriger les peines conventionnelles im- 122 123 124 125 126 FRICK § 11 N 1093 et 1123. FRICK § 11 N 1106 et 1129 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1035. BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 61 s ; F RICK § 11 N 1105 et 1131 ; VON SALISLÜTOLF § 9 N 1035 et 1288. BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 62 ; FRICK § 11 N 1105 et 1274 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1288. BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 60 s ; F RICK § 11 N 1116 et 1135 ; VON SALISLÜTOLF § 9 N 1293. 115 Frank Gerhard proprement dites qui sont excessives par analogie à l’art. 163 al. 3 CO127 . BÖCKLI estime qu’un prix à 50 % de la valeur réelle des actions, établi selon la méthode des praticiens, en constitue le seuil inférieur 128 . Lorsqu’il existe plusieurs bénéficiaires d’un droit de préemption ou d’offre préférentielle, il se pose le problème de la répartition des actions aliénées. Comme cette question n’est pas réglée dans le contrat de vente passé avec le tiers, elle doit être réglé dans la convention d’actionnaires129 . La clause de répartition la plus fréquente consiste à distribuer les actions au pro rata des parts déjà détenues par chaque actionnaire, sur le modèle de la réglementation liée au droit de souscription préférentiel (voir p.ex. l’art. 652b CO). On peut aussi rencontrer une règle en cascade par laquelle un groupe particulier d’actionnaires, typiquement les actionnaires privilégiés ou les fonds de private equity, bénéficie d’un droit de reprise prioritaire. S’il reste des actions à partager, on procédera alors à un second tour entre les autres actionnaires. D’autres variantes sont possibles ; une rédaction soignée de la convention d’actionnaires s’impose. C. Cession forcée (drag along) 1. But et qualification juridique Le drag along est le droit d’un actionnaire, en principe le fonds de private equity, de forcer les autres actionnaires à vendre leurs actions à un tiers en cas de vente de la société. Il s’agit d’une option d’achat conditionnelle en faveur d’un tiers ayant la particularité d’être déclenchée par la vente à un tiers et de porter sur la vente à un tiers130 . Par précaution, il convient de prévoir dans la convention d’actionnaires que le tiers n’a pas une prétention propre en vertu de l’art. 112 al. 2 CO. Le droit de cession forcée, tout comme le droit de préemption, n’a d’effets qu’entre les parties. En cas de violation de ce droit par un actionnaire obligé, la vente sera valable et, en principe, cet actionnaire ne sera pas tenu à des dommages-intérêts en faveur du fonds de private equity, sauf s’il a violé une interdiction de cession contractuelle ou un droit de préemption et que le fonds de private equity en subit un dommage. En principe, chaque fonds de private equity exigera l’octroi de ce droit qui lui permet d’augmenter la liquidité de son propre investissement et d’optimiser le prix de vente de sa participation. En effet, la possibilité de vendre 100 % des actions d’une société permet de structurer des transactions plus efficientes que des transactions dans lesquelles subsistent des actionnaires minoritaires. Ceci permet- 127 128 129 130 116 BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 61 ; FRICK § 11 N 1116 et 1135 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1293. BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 61. FRICK § 11 N 1107 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1033 ss. FRICK § 11 N 1231 s ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1208. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity tra d’éviter le risque d’un comportement ultérieur opportuniste d’un actionnaire minoritaire. Le drag along est cependant aussi au cœur de certains conflits d’intérêts. D’une part, il est évident que le fonds de private equity cherchera à obtenir un certain rendement sur une période d’investissement limitée, alors que les fondateurs et le management rechercheront typiquement à maintenir l’indépendance de l’entreprise. D’autre part, les droits de préférence sur le produit de la vente peuvent signifier que les actionnaires ne profiteront pas tous de la même manière de la vente de l’entreprise. Ceci peut s’avérer particulièrement incisif lorsqu’un actionnaire doit vendre ses actions contre sa volonté. 2. Facteurs déclencheurs et variantes En règle générale, c’est le fonds de private equity qui décide quand la vente de l’ensemble des actions de la société doit avoir lieu. Cette décision aura des conséquences radicales pour les autres actionnaires, notamment les fondateurs et/ou le management, puisqu’elle entraînera la vente forcée de leurs titres à des conditions sur lesquelles ils n’ont pas d’influence. En pratique, ce droit est dès lors souvent restreint par divers facteurs. Tout d’abord, seule la vente à un tiers indépendant peut déclencher le « drag along ». Un transfert d’action au sein du groupe d’investisseurs, par exemple, ne saurait justifier un drag along131 . Ensuite, il convient de déterminer qui peut déclencher le drag along. On peut envisager une détention qualifiée d’actions pour pouvoir exercer le droit d’option, par exemple plus de 50 % du capital-actions sur une base complètement diluée, ou l’accord de certains actionnaires ou certaines majorités au sein des groupements formant l’actionnariat de la société132 . Ensuite, on peut envisager une variation, notamment une réduction, du seuil d’exercice avec l’écoulement du temps. Par exemple, si une introduction en bourse n’a pas été réalisée après cinq ans, on peut envisager que le fonds de private equity pourra exercer seul l’option de vente forcée. Alternativement, on peut aussi imaginer une réduction des critères si certains objectifs économiques n’ont pas été réalisés. Enfin, on peut aussi envisager une réduction des critères avec l’écoulement du temps, de sorte que les fondateurs et le management puisse éviter que le fonds de private equity ne vende rapidement l’entreprise au seul but de maximiser l’IRR. 3. Nombre d’actions et conditions de la cession forcée Lorsque le tiers ne désire pas acheter l’entier de la société, mais seulement une participation majoritaire, les parties doivent s’entendre sur le nombre d’actions 131 132 FRICK § 11 N 1212 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1209. FRICK § 11 N 1213 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1212 ss. 117 Frank Gerhard que les parties obligées en vertu du drag along doivent apporter. En règle générale, il est prévu une vente au pro rata des participations des actionnaires en présence133 . En principe, les actionnaires minoritaires sont tenus de vendre leurs actions aux mêmes conditions que le fonds de private equity, notamment en ce qui concerne le prix134 . Si les actionnaires minoritaires veulent s’assurer un produit minimal de la vente, il conviendra de fixer un prix de vente minimal dans la convention d’actionnaires. S’il n’est pas possible de vendre les actions au-dessus de ce prix minimal, les actionnaires minoritaires auront au moins le droit de refuser la vente. En sus de la question du prix, la question des garanties que devra donner l’actionnaire minoritaire est souvent controversée en pratique135 . La solution choisie est habituellement la suivante : les actionnaires actifs, soit ceux qui sont impliqués dans la gestion de la société, donnent des garanties plus étendues, notamment sur la conduite des affaires elle-même, que les actionnaires passifs, qui n’ont pas d’influence sur la gestion de la société, dont les garanties se limitent à la propriété des actions. D. Droit de sortie conjointe (tag along) 1. But et qualification juridique Le tag along est le pendant du drag along : il s’agit du droit d’un actionnaire, en principe minoritaire, de vendre ses actions à un tiers lorsqu’un autre actionnaire, en principe le fonds de private equity, se défait de ses actions136 . Il s’agit d’une option de vente conditionnelle à charge de l’actionnaire obligé au sens de l’art. 111 CO avec la particularité d’être déclenchée par la vente à un tiers et de porter sur la vente à un tiers, sans que ce tiers soit partie au contrat ou obligé d’acheter les actions137 . C’est ainsi l’actionnaire obligé qui doit faire en sorte que le tiers présente une offre d’achat au bénéficiaire du droit. Tout comme le droit de préemption et le droit de cession forcée, le droit de sortie conjointe n’a d’effets qu’entre les parties. En cas de violation de ce droit par un actionnaire obligé, la vente sera valable et, en principe, cet actionnaire sera tenu à des dommagesintérêts en faveur de l’actionnaire bénéficiaire du droit qui n’a pas pu vendre ses actions au même tiers. En règle générale, chaque actionnaire minoritaire exigera l’octroi de ce droit qui lui permet d’augmenter la liquidité de son propre investissement et, le cas 133 134 135 136 137 118 FRICK § 11 N 1220. La répartition effective du produit de la vente, même si le prix de vente est le même pour tous les actionnaires, pourra cependant conduire à certaines inégalités si, p.ex., les parties ont convenu d’un bénéfice de liquidation qui s’applique aussi en cas de vente de toutes les actions. FRICK § 11 N 1228. FRICK § 11 N 1234 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1151 ss. FRICK § 11 N 1251 s ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1167. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity échéant, de profiter d’une éventuelle prime de contrôle négociée par le fonds de private equity. 2. Facteurs déclencheurs et variantes Comme dans le cas de la cession forcée, seule la vente à un tiers indépendant peut déclencher le tag along. Un transfert d’actions au sein du groupe d’investisseurs ou à un nouveau membre du management par exemple ne saurait justifier l’exercice du tag along138 . Les parties peuvent aussi déterminer que seule la vente d’un nombre minimal d’actions permettra d’exercer le tag along, par exemple en cas de changement de contrôle. En principe, l’exercice du droit sera déclenché par la conclusion du contrat de vente avec le tiers. Dans ce cas, la partie obligée sera tenue d’informer le bénéficiaire des principaux éléments contractuels convenus avec l’acheteur (prix, nombre d’actions à vendre, garanties). 3. Nombre d’actions et conditions de la sortie conjointe Les parties doivent régler dans la convention d’actionnaires combien d’actions le bénéficiaire du droit de sortie conjointe peut vendre : soit le droit est relatif (le bénéficiaire peut vendre ses actions « en plus » de celle vendues par l’obligé) soit il est absolu (le bénéficiaire peut vendre ses actions « en lieu et place » de celles vendues par l’obligé), en principe au pro rata de la vente effectuée par le fonds de private equity. Des mécanismes plus raffinés doivent être prévus lorsque la société dispose de plusieurs catégories d’actions. En principe, les actionnaires minoritaires sont tenus de vendre leurs actions aux mêmes conditions que le fonds de private equity, notamment en ce qui concerne le prix, sous réserve de droits de préférence sur le produit de la vente. En sus de la question du prix, la question des garanties que devra donner l’actionnaire minoritaire est souvent controversée en pratique. Cependant, à la différence du droit de cession forcée, les actionnaires bénéficiaires du droit de sortie conjointe ne peuvent pas être contraints à vendre, donc à accepter des garanties dont ils ne peuvent pas mesurer la portée. E. Préférence sur le produit de la vente 1. Notion À défaut de disposition contraire, le produit de la vente est réparti entre les actionnaires en proportion des versements opérés au capital-actions (art. 661 CO). Ceci signifie qu’il ne sera pas tenu compte du versement d’un éventuel agio. En 138 FRICK § 11 N 1237 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1155. 119 Frank Gerhard d’autres termes, le fonds de private equity participe à la moins-value de la sociétécible. Exemple : Actionnaire Investissement % Management 10 20 % Investisseur 40 80 % Prix de vente (après 4 ans) 40 Management 8 20 % 16 20 % 32 20 % Investisseur 32 80 % 64 80 % 128 80 % 80 160 Les actionnaires peuvent cependant déroger à ces principes et prévoir dans la convention d’actionnaires que le produit de la vente ne soit pas réparti entre les actionnaires au pro rata de la valeur nominale, mais en fonction d’une autre clé de répartition 139 . 2. Modalités Plusieurs modalités sont possibles. Tout d’abord, les parties peuvent convenir que le fonds de private equity reçoive un montant prioritaire (par exemple le montant de son investissement plus un intérêt annuel, ou un multiple de son investissement). Ensuite, le solde est réparti soit entre tous les actionnaires, y compris l’actionnaire privilégié, au pro rata de leur participation (participating), soit entre tous les autres actionnaires au pro rata de leur participation (non- participating). Exemple : Actionnaire Investissement % Management 10 20 % Investisseur 40 80 % A. Participating Prix de vente (après 4 ans) 40 80 160 Management 0 0% 5,2 6,5 % 21,2 13,25 % Investisseur (8%) 40 100 % 74,8 93,5 % 138,8 86,75 % 139 120 Sur les différentes variantes en détail, voir F RICK § 11 N 1223 ; VON SALIS-LÜTOLF § 8 N 730. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity B. NonParticipating Prix de vente (après 4 ans) 40 Management 0 0% 25,6 32 % 105,6 66 % Investisseur (8%) 40 100 % 54,4 68 % 54,4 34 % 80 160 Les parties peuvent aussi convenir que le fonds de private equity reçoive un montant prioritaire (par exemple le montant de son investissement, plus un intérêt annuel, ou un multiple de son investissement). Ensuite, le solde est réparti entre les autres actionnaires au pro rata de leur participation jusqu’à ce qu’ils aient reçu proportionnellement autant que le fonds de private equity (catch-up). Enfin, le solde est réparti pro rata entre tous les actionnaires, y compris le fonds de private equity. Exemple : Actionnaire Investissement % Management 10 20 % Investisseur 40 80 % Prix de vente (après 4 ans) 40 Management 0 0% 16 20 % 32 20 % Investisseur (8 %) 40 100 % 64 80 % 128 80 % 80 160 Selon le montant du produit de la vente, notamment si l’ensemble du produit revient au fonds de private equity, il existe un risque que les fondateurs et/ou le management n’aient pas d’intérêt à un exit, étant pénalisés de manière « surproportionnelle » en cas d’exit. Dès lors, les parties peuvent prévoir que la préférence s’éteint en cas d’atteinte de milestones ou d’une valorisation minimale ou, par exemple, qu’elle ne s’applique pas en cas d’IPO. 3. Particularités La préférence sur le produit de la vente ne concerne pas la société-cible. Les montants à répartir proviennent d’un tiers, à savoir l’acheteur. Ainsi, une telle préférence doit être prévue impérativement dans la convention d’actionnaires : elle ne pourra pas faire l’objet des préférences statutaires prévues pour les actions privilégiées 140 . 140 FRICK § 11 N 1225 ; LIEBI, p. 237 s ; VON SALIS-LÜTOLF § 8 N 748. 121 Frank Gerhard En principe, la préférence sur le produit de la vente est accompagnée d’un privilège en matière de liquidation et en matière de dividende. Il est dès lors logique de prévoir un prix de souscription plus élevé pour ces actions que pour les actions ordinaires, ce d’autant que, le plus souvent, ces actions sont aussi assorties de droits de contrôle. Cette différence est similaire à la prime de contrôle, si ce n’est que dans ce cas, le contrôle s’exerce de manière contractuelle et, le cas échéant, seulement de manière conditionnelle141 . En pratique, la préférence est reflétée directement dans le contrat de vente avec l’acheteur, qui procédera aux versements respectifs. Alternativement les parties peuvent prévoir le paiement du prix de vente à un escrow ou au fonds de private equity qui répartira ensuite le produit de la vente selon la convention d’actionnaires142 . Les parties sont bien entendu libres de prévoir que cette préférence est également applicable lors de la vente de participations minoritaires, lors d’une fusion (où seules des actions sont échangées), lors de la vente de tous les actifs par la société-cible ou lors de l’IPO. IV. Cession à un investisseur financier (secondary buy-out) A. Notion, avantages, inconvénients 1. Notion La cession à un investisseur financier ou secondary buy-out désigne la vente d’une entreprise qui a déjà fait l’objet d’un LBO par un investisseur financier à un ou plusieurs autre(s) investisseur(s) financier(s)143 . Récemment, en Suisse, la vente de Uster Technologies AG par Capvis et Quadriga à Alpha Beteiligungs-GmbH (décembre 2006) et la vente de Maillefer Holding AG par Argos Soditic à Alpha Beteiligungs-GmbH (décembre 2007), deux exemples de secondary buy-outs, ont tenu le devant de la scène. Le secondary buy-out présente un paradoxe par rapport au LBO traditionnel : le fonds de private equity acheteur, qui généralement cherche à acquérir des entreprises sous-performantes à une valorisation attrayante, rachète en fait une entreprise que le fonds de private equity cédant a déjà « remise en forme » et dont la plusvalue a donc déjà (au moins en partie) été réalisée. Ainsi, ironiquement, le vendeur revend un actif à un acheteur dont le motif d’investissement principal est identique à celui du premier investisseur. Cela explique pourquoi les fonds d’investissement ont jusqu’à présent considéré les secondary buy-outs avec un cer141 142 143 122 VON SALIS-LÜTOLF § 8 N 749. FRICK § 11 N 1226 ; LIEBI, p. 237 s ; VON SALIS-LÜTOLF § 8 N 750. Sur le LBO secondaire, voir GERHARD, LBO secondaire, p. 90 ss et RÖTHELI, p. 137 ss. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity tain scepticisme. En effet, aucun fonds acheteur n’est généralement prêt à payer une prime pour une entreprise qui n’a plus de potentiel à la hausse et, de même, aucun fonds cédant n’est habituellement prêt à vendre une société s’il existe encore un potentiel à la hausse non réalisé. Ce paradoxe explique pourquoi, jusqu’à présent, peu de fonds de private equity se sont intéressés aux secondary buy-outs. En effet, un LBO secondaire implique que l’entreprise qui en fait l’objet dégage à nouveau des liquidités substantielles et ce, juste après avoir dégagé d’importantes liquidités pour faire face au remboursement des emprunts de la première opération. Aujourd’hui, les fonds de private equity semblent réviser ce scepticisme initial et reconnaissent le LBO secondaire comme une opportunité d’investissement et de sortie à part entière. À l’heure actuelle, on estime qu’environ un tiers de tous les LBO sont en fait des LBO secondaires. 2. Avantages L’intérêt croissant pour les LBO secondaires est dû, d’une part, à la conjoncture économique, mais également à divers facteurs et tendances de fond en relation avec l’organisation du marché du capital-investissement qui permettent d’envisager un développement durable de ce type de transaction. Tout d’abord, la sortie par une entrée en bourse n’est plus la voie « royale » aujourd’hui, notamment en raison de l’environnement réglementaire toujours plus contraignant pour les sociétés cotées ou la volatilité des marchés. En outre, par rapport à l’IPO, le secondary buy-out, mais aussi la cession à un acheteur industriel, offrent au fonds de private equity l’avantage de pouvoir réaliser directement l’ensemble de son investissement, à moindres frais et à des risques réduits. En outre, l’hypothèse selon laquelle les synergies stratégiques permettent à l’acheteur industriel d’offrir un prix plus élevé qu’un investisseur financier ne se vérifie plus forcément en pratique aujourd’hui. La convergence des valorisations des investisseurs financiers et industriels s’explique tant par la concurrence entre fonds de private equity, qui limite la possibilité d’acheter des actifs sous-évalués, que par le refus des industriels de payer des primes non-justifiées. Cette tendance est encore renforcée par l’augmentation du nombre de fonds actifs dans les opérations de LBO et l’accroissement des ressources disponibles des fonds de private equity. À ces facteurs s’ajoutent la motivation accrue des dirigeants sous LBO, une évolution du marché suisse du capital-investissement vers une plus grande sophistication ainsi que l’abaissement des risques d’échec par rapport à un LBO primaire. En effet, l’entreprise a déjà démontré sa capacité à rembourser la dette d’acquisition sur des cash flows avérés et a généralement mis en place un système de contrôle et de suivi de gestion adapté aux exigences des actionnaires et des banques. Le management, lui, sait gérer le partenariat avec le ou les financiers, ainsi qu’avec les banques qui ont financé l’acquisition. 123 Frank Gerhard 3. Inconvénients Le LBO secondaire présente aussi certains inconvénients. Il n’est tout d’abord pas possible d’exclure qu’une valorisation inférieure soit obtenue par rapport à une IPO ou un trade sale. Ensuite, un LBO secondaire provoquera une incertitude au sein du management en raison de la nouvelle structure actionnariale et n’offrira à ce dernier qu’une possibilité limitée de sortir de l’investissement fait lors du premier LBO. En effet, le nouveau fonds de private equity exigera du management sortant qu’il réinvestisse dans la nouvelle structure d’acquisition. B. La position-clé du management L’idée que le potentiel de création de valeur est a priori plus faible en termes purement financiers dans un LBO secondaire que dans un LBO primaire fait l’objet d’un large consensus. En effet, d’une part l’intéressement du management a déjà joué et la discipline de la dette a déjà porté ses fruits en terme de croissance de cash flows libres ; d’autre part, la probabilité de découvrir un nouveau « gisement de croissance » susceptible de générer un fort potentiel de développement est plus faible pour un LBO secondaire, contrairement au cas d’un rachat à un industriel (par exemple : spin-off ou carve-out) ou à un actionnaire privé (par exemple : insuffisance de structure, gestion de routine). La thèse de l’investissement doit donc s’appuyer sur diverses stratégies : consolidation industrielle, expansion géographique, attaque d’un nouveau segment de marché ou bien mise en place d’un nouveau système de distribution. Ainsi, une opération de LBO secondaire n’a de sens que si elle repose sur un nouveau « projet fondateur » : le LBO successif n’étant qu’un moyen d’accompagner l’entreprise dans une nouvelle phase de son développement. Dans ces conditions, on perçoit aisément que la position et la motivation du management en place, tout comme sa capacité à mettre en œuvre la nouvelle stratégie autour du nouveau « projet fondateur », sont des problématiques clés du LBO secondaire. Cependant, le management se trouve dans une situation de conflit d’intérêts entre « fidélité » à l’actionnaire sortant et « fidélité nouvelle » à l’actionnaire entrant, ce d’autant plus qu’il est lui-même simultanément vendeur et acheteur. C’est pourquoi le LBO secondaire devra contenir différents systèmes d’intéressement sur la base du prix de cession, afin de maintenir le management dans la communauté d’intérêt des cédants jusqu’à la conclusion de la transaction. A contrario, les nouveaux investisseurs tendent à canaliser la motivation du management en le contraignant à réinvestir dans le LBO secondaire : plus l’équipe dirigeante réinvestit (par exemple jusqu’à 75 % du cash-out réalisé), plus elle sera motivée et plus elle croira au succès de la nouvelle opération. Le réinvestissement se fera en partie sous forme de souscription d’actions dans la holding d’acquisition à prix préférentiel (sweet equity) et/ou aux mêmes conditions que le fonds acheteur par injection de capitaux propres ou par mise à disposition d’un crédit postposé (institutional strip). 124 L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity Si l’évaluation de la motivation du management est toujours un exercice délicat, la difficulté semble accrue dans le cadre d’un LBO secondaire. En effet, le management s’est généralement constitué un patrimoine à l’issue du LBO primaire. Une perception élevée de ce patrimoine, conjuguée à une valeur de réinvestissement relativement faible, peut provoquer la démobilisation du management si l’environnement du LBO secondaire nécessite des efforts jugés trop contraignants par rapport à l’enjeu et au patrimoine déjà constitué. Cet acquis, couplé à la détention du savoir sur l’entreprise, ainsi qu’à une expérience du mécanisme du buy-out augmentera la confiance personnelle des dirigeants, de sorte que le fonds-acheteur devra se préparer à des négociations plus dures avec le management dans un LBO secondaire. C. Garanties et indemnités Particularités d’un LBO secondaire, les garanties de passifs apparaissent comme un enjeu délicat de négociation : les fonds de private equity cédants tentent de les limiter au minimum afin de retourner l’argent à leurs investisseurs et le management, constitué de personnes physiques, réinvestit dans la société aux côtés du ou des fond(s) acquéreur(s). Une solution consiste à verser une partie du prix de vente sur un compte bloqué qui servira à payer les éventuelles obligations d’indemnisation du fonds de private equity cédant et du management. À l’égard des dirigeants, vu la difficulté à mettre en œuvre une garantie sur leur patrimoine, on pourra recourir à une clause de dilution en cas de violation des garanties données. Un transfert de garanties du fonds cédant au fonds acheteur peut également être envisagé. Cependant, comme la durée moyenne d’un LBO primaire est de l’ordre de 3 à 5 ans, le transfert sera typiquement limité aux garanties de longue durée comme celles relatives à l’environnement. Enfin, la possibilité d’assurer certains risques découverts lors de la due diligence peut également favoriser les LBO secondaires. Au vu de la forte concurrence entre acheteurs, il n’est pas rare que des transactions s’effectuent avec des garanties (deductible, threshold et cap, ainsi que délai de prescription) extrêmement limitées pour l’investisseur. En outre, la mise à disposition d’une vendor due diligence préparée par des conseils extérieurs à la société-cible a permis de rendre plus efficace et surtout plus rapide la procédure de mise aux enchères d’entreprises, de sorte qu’aujourd’hui un LBO secondaire peut se conclure en moins de deux mois après la prise de contact avec les acheteurs potentiels. 125 Frank Gerhard V. Rachat des actions du fonds de private equity (option put) A. Notion, avantages, inconvénients 1. Notion Par rachat d’actions (buyback, redemption) on entend la vente par un actionnaire, typiquement le fonds de private equity, de ses actions aux autres actionnaires ou à la société144 moyennant l’exercice d’une option de vente (put). L’existence de cette option permet au fonds de private equity de supprimer le risque de l’absence de liquidité de son investissement ainsi que le risque associé à tout investissement en capital-risque : l’investissement prendra plutôt la forme d’un prêt dénonçable, surtout si le prix de vente est déterminé de façon à correspondre au montant de l’investissement auquel s’ajoute un intérêt annuel fixe. 2. Avantages Pour le fonds de private equity, l’avantage de l’option de vente consistera en la possibilité de pouvoir réaliser l’exit en tout temps. Il pourra aussi s’assurer un rendement minimal en fixant le prix de vente à l’avance. Même si le fonds de private equity en pratique n’exercera guère son option de vente, sa position au sein de la société-cible sera renforcée en raison de la menace constituée par cette option. 3. Inconvénients La présence d’une option de vente exerçable contre l’entreprise présente certains inconvénients. Tout d’abord, la revente par un initié, soit le fonds de private equity, de sa participation à la société est préjudiciable pour la réputation de cette dernière : le marché interprétera l’exercice de l’option comme un manque de qualité de la société à laquelle les possibilités d’exit, notamment une entrée en bourse, font défaut145 . Ensuite, l’exercice de l’option consommera les liquidités à disposition de la société. Par voie de conséquence, l’existence de l’option de vente augmentera la dépendance de la société vis-à-vis du fonds de private equity. Enfin, l’exercice d’une telle option peut aussi s’avérer négatif pour la réputation du fonds de private equity qui aura l’image d’un investisseur particulièrement agressif et sans scrupules, d’autant plus si l’exercice de l’option devait conduire à la liquidation de la société. 144 145 126 FRICK § 11 N 1267 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1109 ss et 1268. FRICK § 11 N 1270 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1127. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity B. Option put contre les autres actionnaires L’option de vente confère au fonds de private equity un droit unilatéral de vendre ses actions. Le contrat de vente sera parfait à réception de la déclaration de volonté du bénéficiaire de l’option, à condition que les éléments essentiels aient été déterminés au préalable dans la convention d’actionnaires. Le prix doit être déterminé ou, du moins, déterminable ; à cette fin, les parties peuvent convenir d’une formule de prix ou que le prix sera déterminé par un tiers indépendant sur la base d’une valorisation de la société146 . La fixation unilatérale du prix par une partie sera frappée de nullité147 . Une autre méthode de fixation du prix est de prévoir un intérêt sur le prix d’achat initial, ce qui transforme l’option de vente en garantie de valeur en faveur du fonds de private equity. Afin que l’option de vente ne se traduise pas par un engagement excessif à charge de l’obligé, au sens de l'art. 27 al. 2 CC, elle devra être convenue pour une durée limitée. Une durée maximale de 10 ans dès la date de l'investissement – qui est souvent mentionnée en doctrine suisse lorsque le risque pour l’obligé est élevé et que l’octroi de l’option n’est pas accompagné d’une contre-prestation adéquate148 – sera sans doute suffisante dans le contexte du private equity, étant donné qu’il s’agit souvent aussi de la durée pour laquelle ces fonds sont constitués. Il est également possible de faire démarrer ce délai à une date ultérieure, par exemple dès le moment où certains objectifs n’ont pas été atteints par la société-cible. Enfin, il est possible d’assortir l’option d’une condition suspensive ou résolutoire, par exemple en prévoyant que l’option naît si certains objectifs n’ont pas été atteints, respectivement s’éteint si la société a atteint certains objectifs149 . C. Option put contre la société-cible 1. Limites applicables au rachat d’actions propres (art. 659 CO) L’option put dirigée contre la société présente les mêmes caractéristiques que celle exerçable contre les autres actionnaires, à l’exception de la partie obligée : la société devra respecter certaines limites dans lesquelles elle pourra racheter des actions propres. En outre, en pratique, l’exercice de l’option sera déjà souvent restreint par l’absence de liquidités suffisantes de la part de la société-cible. En cas de rachat de ses propres actions, la société doit respecter les limites de l’art. 659 CO. Selon cette disposition, la société ne peut acquérir ses propres actions que si elle dispose librement d’une part de ses fonds propres équivalant au 146 147 148 149 BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 61 s ; FRICK § 11 N 1274 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1288. BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 62 ; FRICK § 11 N 1274 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1288. BÖCKLI/MORSCHER, p. 59 ; F RICK § 11 N 1276 et 1280 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1138. FRICK § 11 N 1277 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1115. 127 Frank Gerhard montant de la dépense nécessaire et si la valeur de l’ensemble de ces actions ne dépasse pas 10 % du capital-actions. - Les fonds librement disponibles sont constitués du bénéfice reporté et des réserves librement disponibles. La question de l’appartenance de l’agio aux réserves librement disponibles est controversée150 . Nous partageons l’avis de KURER et de NEUHAUS/SCHÖNBACHLER, selon lequel l’agio quitte la zone protégée de l’art. 680 al. 2 CO dans l’année qui suit son versement, lorsque l’assemblée générale l’affecte à la réserve générale selon l’art. 671 al. 2 ch. 1 CO en adoptant les comptes annuels151 . À partir de ce moment, l’agio n’est plus soumis qu’aux restrictions de l’art. 671 al. 3 CO en lien avec l’art. 678 CO qui permettent la distribution de la réserve générale aux actionnaires dès qu’elle dépasse la moitié du capital-actions. Le montant des réserves disponibles se calcule selon le dernier bilan annuel révisé, en tenant compte des pertes subséquentes qui auraient réduit les réserves librement disponibles figurant au bilan152 . - Quant à la limite de rachat de 10 % de ses actions propres, le nombre d’actions inscrites au registre du commerce est déterminant153 . Si la société devait dépasser cette limite, l’acquisition sera néanmoins valable à condition que la société dispose de réserves librement disponibles à hauteur du prix d’achat154 . Potentiellement, le conseil d’administration et/ou les autres personnes s’occupant de la gestion répondent à l’égard de la société selon l’art. 754 CO. Le droit de vote lié aux actions propres et les droits qui leur sont attachés sont suspendus. Si la société a racheté des actions propres, elle devra affecter à une réserve séparée un montant correspondant à leur valeur d’acquisition (art. 659a al. 2 CO). Cependant, lorsque l’exercice de l’option de vente est subordonné à l’existence de réserves librement disponibles, le simple octroi de l’option ne signifie pas que la société doive constituer cette réserve155 . Autre est la question de savoir si l’option doit être mentionnée dans l’annexe au bilan (art. 663b ch. 1 CO) ou si des provisions pour risques (art. 669 CO) doivent être constituées. 150 151 152 153 154 155 128 Sur la question de savoir si l’agio est distribuable ou pas, ainsi que les divers avis de la doctrine, voir GERHARD, Private (2008), p. 348. KURER, BaK N 19 ad art. 675 CO et N 19 ad art. 680 CO ; NEUHAUS/SCHÖNBÄCHLER, BaK N 28 ss ad art. 671 CO. BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 4 N 231 ; FRICK § 11 N 1288 ; VON PLANTA/LENZ, BaK N 7 ad art. 659 CO ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1139. BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 4 N 231. FRICK § 11 N 1289 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1139. GERHARD, Contingent, p. 277, en lien avec l’instrument des contingent value rights, qui sont assimilables économiquement à des options put ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1141. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity 2. Principe d’égalité de traitement des actionnaires (art. 717 al. 2 CO) La société doit également traiter ses actionnaires de manière égale selon l’art. 717 al. 2 CO. Il en découle (i) que la société ne peut limiter son rachat à une seule catégorie d’actionnaires que si elle peut le justifier objectivement, (ii) qu’elle doit offrir les mêmes conditions aux actionnaires placés dans la même position et, enfin, (iii) que le rachat doit se faire at arm’s length, c’est-à-dire que le prix de rachat doit correspondre à la valeur intrinsèque des actions156 . Étant donné que le principe de l’égalité de traitement est relatif, il peut être dérogé à ces trois principes dans la mesure où la dérogation est objectivement justifiée, nécessaire et raisonnable157 . Même si ces trois conditions sont remplies, il est recommandé d’obtenir l’accord des autres actionnaires à l’octroi de l’option put, surtout lorsque le prix de rachat n’est pas fixé en fonction de la valeur intrinsèque de l’action, mais en fonction du prix de l’investissement, par exemple augmenté d’un intérêt annuel (garantie de valeur)158 . L’accord des autres actionnaires peut être donné lors de l’octroi de l’option ou ultérieurement, lors de l’exercice de l’option. Si l’accord est donné ab initio par la signature de la convention d’actionnaires, mais que le cercle des actionnaires se modifie en raison de transferts d’actions, les nouveaux actionnaires doivent également approuver cette option. Il est dès lors très important que les nouveaux actionnaires adhèrent à la convention d’actionnaires, car l’insertion de l’option put dans les statuts de la société n’est pas possible159 . 3. Interdiction de la restitution des apports (art. 680 al. 2 CO) L’art. 680 al. 2 CO interdit le remboursement aux actionnaires des versements effectués. Une violation de ladite disposition conduit à la nullité de la transaction et à l’obligation de l’actionnaire qui s’est fait rembourser de restituer la prestation à la société160 . La question se pose de savoir quand on est en présence d’un rachat d’actions admissible ou d’un remboursement de prestations inadmissible161 . La jurisprudence et la doctrine présument qu’il n’y a pas de violation du principe de l’interdiction du remboursement des prestations aussi longtemps que la société rachète 156 157 158 159 160 161 BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 4 N 248 s ; VON PLANTA/LENZ, BaK N 7a ad art. 659 CO. BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 4 N 248 ; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL § 50 N 134. BÖCKLI (Schweizer Aktienrecht § 4 N 377) est très critique à l’égard de ces « garanties de valeur » en argumentant qu’elles sont contraires au principe même de la protection du capital (art. 706b ch. 3 CO) et sont dès lors nulles. Plus libéral, FRICK § 11 N 1293 ; GERHARD, Contingent, p. 272 ; GRONER, Der Erwerb, p. 144 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1139. KURER, BaK N 16 ad art. 680 CO ; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL § 41 N 13. Contra : VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1139. KURER, BaK N 17 ad art. 680 CO. Sur la distinction, voir GERHARD, Contingent, p. 270 ss. 129 Frank Gerhard rachète les actions au moyen de réserves librement disponibles162 . En revanche, une telle violation a lieu si le rachat est effectué à charge du capital-actions et des réserves légales non disponibles163 . La méthode de calcul du prix n’est cependant pas déterminante : la société peut aussi racheter des actions propres qui correspondent au prix de l’investissement consenti par l’actionnaire bénéficiaire de l’option augmenté d’un intérêt annuel, sans pour ainsi nécessairement violer l’interdiction du remboursement des versements effectués164 . VI. Recapitalisation par effet de levier (leveraged recapitalization) A. Notion, avantages, inconvénients 1. Notion La technique de la recapitalisation par effet de levier (leveraged recapitalization) a été largement utilisée par les fonds de buy-out pour augmenter leur retour sur investissement. Il s’agit d’une opération consistant à lever des fonds supplémentaires et – pour autant que les fonds soient levés par la société-cible elle-même – à redistribuer ces fonds aux actionnaires de la société-cible sous forme de dividende spécial, ou – si les fonds ont été levés par une nouvelle structure d’acquisition – à racheter les actions des actionnaires de la société-cible165 . Cette technique implique que la société ait déjà remboursé une partie de la dette d’acquisition, de sorte qu’elle soit à nouveau à même d’augmenter le levier de son bilan. Au niveau du bilan (consolidé) de la société-cible, l’opération consiste à remplacer les capitaux propres coûteux par des fonds étrangers bon marché et à distribuer aux actionnaires, soit sous forme de dividende, soit sous forme de prix d’achat, les capitaux propres excédentaires non-liés. 2. Avantages Une recapitalisation permet au fonds de private equity d’obtenir un rendement sur les fonds investis sans vendre sa participation. En quelque sorte, elle permet au fonds de private equity de profiter une deuxième fois du cash flow libre généré par 162 163 164 165 130 ATF 117 II 290 c. 4d/aa. Voir aussi FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL § 50 N 132 ; GERHARD, Contingent, p. 277 ss ; KURER, BaK N 24 ad art. 680 CO et les auteurs cités. Sur la définition des réserves non disponibles, notamment la qualification de l’agio, voir supra, V.C.1. FRICK § 11 N 1295 ; GERHARD, Private (2006), p. 272 ; GRONER, Der Erwerb, p. 144 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1139. Critique à l’égard de ces garanties de valeur, BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 4 N 377. Sur le continent européen, à notre connaissance, seuls certains auteurs allemands ont commencé à examiner les implications juridiques de la recapitalisation par effet de levier ; voir EIDENMÜLLER, p. 645 ss et SEIBT, p. 282 ss. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity la société-cible. Les montants distribués peuvent dépasser le montant initial de l’investissement. Ainsi, d’un point de vue économique, le fonds de private equity peut considérablement réduire son exposition au risque de la détention du capitalactions de la société, voire l’éliminer complètement tout en restant propriétaire des actions. Une recapitalisation permet aussi au fonds de private equity de s’affranchir de la pression de l’exit, notamment lorsque le marché des IPO ou l’environnement M&A n’est pas très favorable. Une nouvelle levée de fonds étrangers permettra aussi à la société d’établir un track record en matière de preneur de crédit, ce qui peut être bénéfique lorsqu’il s’agira de financer certaines opérations dans le futur. Une recapitalisation peut en outre se faire rapidement et sans charge de travail excessive pour le management : une simple mise à jour de la documentation préparée lors de l’acquisition, notamment les rapports de due diligence, devrait suffire pour obtenir des banques les crédits nécessaires. Enfin, la recapitalisation est un outil permettant de discipliner le management, qui devra continuer de remplir les covenants fixés dans la facilité de crédit. Elle contribuera ainsi à réduire le problème du principal-agent. 3. Inconvénients Le paiement d’un dividende extraordinaire ou le rachat par une nouvelle holding d’acquisition n’est pas vraiment une forme d’exit, étant donné que l’actionnariat de la société-cible ne change pas. Pour le fonds de private equity, cela signifie qu’il ne pourra pas diversifier son portefeuille. Une recapitalisation est donc considérée comme un prélude à un exit. Dès lors, la société devra soigneusement examiner l’opportunité d’une recapitalisation si un exit devait être imminent. Cet aspect doit être considéré de manière d’autant plus critique que les banques auront tendance à être plus restrictives sur les obligations (covenants) et les conditions de la nouvelle facilité de crédit. Ces obligations peuvent limiter une certaine flexibilité dans la poursuite d’objectifs stratégiques, comme par exemple des acquisitions supplémentaires. B. Structures envisageables 1. Recapitalisation par paiement d’un dividende Afin de maximiser la distribution du dividende, la société cherchera non seulement à payer un dividende sur le bénéfice de l’année écoulée (dividende extraordinaire), mais également à payer un dividende sur le bénéfice de l’année en cours (dividende intermédiaire)166 . Un dividende extraordinaire sera versé si l’assemblée générale de la société a déjà eu lieu au moment de la recapitalisation et se fondera sur le bilan déjà approuvé de la société. La doctrine admet une marge de tolérance de 9 mois entre la 166 Sur les différents types de dividende, voir BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 532 ss. 131 Frank Gerhard date du bilan et la distribution du dividende extraordinaire167 . Au-delà de cette date butoir ou s’il existe des raisons justifiées de croire que les fonds propres se sont détériorés de manière significative depuis la dernière date du bilan, la société devra établir un bilan intermédiaire vérifié par analogie à l’art. 652d CO. Une décision de l’assemblée générale sera nécessaire dans tous les cas. Le dividende intermédiaire n’est pas expressément prévu par le droit suisse : l’art. 675 al. 2 CO mentionne que des dividendes ne peuvent être prélevés que sur le bénéfice résultant du bilan et sur les réserves constituées à cet effet. Cependant, la pratique et la doctrine168 admettent le paiement d’un dividende sur le bénéfice de l’année en cours si les conditions du dividende ordinaire sont remplies : établissement d’un bilan intermédiaire, vérification par l’organe de révision, existence de réserves librement disponibles, allocation aux réserves légales, rapport de l’organe de révision confirmant que la distribution respecte la loi et les statuts, et enfin la tenue d’une assemblée générale extraordinaire approuvant les comptes et décidant du dividende. 2. Recapitalisation par vente à une holding d’acquisition Dans certaines situations, il peut s’avérer que le paiement d’un dividende n’est pas fiscalement efficient, notamment lorsque la retenue de l’impôt anticipée ne peut pas être complètement récupérée. Par ailleurs, le dividende sera usuellement traité comme un revenu et sera dès lors taxé en conséquence. Les parties préféreront dès lors faire racheter les actions de la société-cible par une nouvelle holding d’acquisition établie à cet effet par les actionnaires existants (ou certains d’entre eux) qui se verra prêter les fonds nécessaires au paiement du prix de vente par un syndicat de banques. Cette structure permettra au mieux de réaliser un gain en capital franc d’impôt. Les actions de la nouvelle holding seront libérées en espèces. Le nouveau capital injecté ainsi que le prêt d’acquisition serviront à financer la reprise de biens envisagée au sens de l’art. 628 al. 2 CO. Les principales contraintes juridiques identifiées pour les LBO sont également applicables aux recapitalisations par effet de levier au moyen d’une nouvelle holding d’acquisition. Elles incluent la problématique de la liquidation partielle indirecte, la théorie de la transposition (le cas de la « vente à soi-même »), la fusion entre la holding d’acquisition, la société-cible et le cas échéant ses filiales pour faciliter la prise de sûretés et positionner la dette dans la même entité que les cash-flows (debt push down), l’absence de consolidation fiscale qui rend impossible fiscalement l’utilisation de la trésorerie de la société-cible pour servir les intérêts de la dette d’acquisition, ainsi que la problématique des sûretés fournies par la société-cible 167 168 132 BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 534 qui explique aussi de manière convaincante pourquoi la date butoir est de neuf mois, et non de six mois, comme p.ex. pour l’art. 652d al. 2 CO qui règle l’augmentation de capital au moyen de fonds propres (émission d’actions gratuites). BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 532 ; FORTMOSER/ZINDEL/M EYER BAHAR, p. 205 ss ; THALMANN/WAIBEL, p. 17 ss. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity en faveur des banques ayant accordé l’emprunt à la holding d’acquisition (assistance financière, garanties upstream)169 . VII. Liquidation A. Notion, avantages, inconvénients 1. Notion Parmi tous les scénarios d’exit, la liquidation est sans doute le moins attrayant. La liquidation consiste en la dissolution de la société-cible, suivie de la liquidation effective des actifs, du règlement des passifs et de la distribution du produit de la liquidation aux actionnaires. Finalement, la société sera radiée du registre du commerce selon l’art. 746 CO. La société peut être dissoute et liquidée soit volontairement, en conformité des statuts (art. 736 ch. 1 CO), par une décision de l’assemblée générale (art. 736 ch. 2 CO), soit par l’ouverture de la faillite selon les règles de l’exécution forcée (art. 736 ch. 3 CO). En outre, des actionnaires représentant ensemble au moins 10 % du capital-actions peuvent requérir la dissolution par le juge pour justes motifs (art. 736 ch. 4 CO) 170 . 2. Avantages La liquidation peut être avantageuse pour un fonds de private equity car, en cas de liquidation, la société n’est plus liée par les dispositions sur la protection du capital. Elle peut ainsi rembourser aux investisseurs non seulement les réserves librement disponibles, mais aussi le capital-actions et les réserves liées. Si les actifs excèdent les passifs, le fonds de private equity pourra – s’il dispose d'une préférence sur le bénéfice de liquidation – réaliser un rendement positif sur son investissement. On notera finalement que la perspective d’une liquidation est un puissant outil de persuasion. En effet, le fonds de private equity peut en tout temps user de la menace d’exercer son droit de liquidation pour inciter le management à chercher un repreneur pour la société171 . 169 170 171 Voir, en général, sur les contraintes fiscales et juridiques, p.ex. SCHENKER, p. 44 ss et TSCHÄNI, p. 1 ss. Le projet du nouveau droit de la société anonyme réduit ce seuil à 5% et prévoit un seuil alternatif à 5% des droits de vote ou la détention d’actions représentant une valeur nominale totale d’au moins un million de francs suisses ; voir GERHARD, Die Klage auf Auflösung, p. 143. VON SALIS-LÜTOLF § 10 N 1308 s ; FRICK § 11 N 1299 s. 133 Frank Gerhard 3. Inconvénients Le principal inconvénient de la liquidation est précisément que les actifs de la société sont réalisés à leur valeur de liquidation, qui est en général inférieure à la valeur de continuation de l’entreprise. Dans le cas de sociétés à forte croissance dans le stade initial de développement, cette valeur sera vraisemblablement proche de zéro. Enfin, si un fonds de private equity devait faire valoir son droit à la liquidation, il risquerait de sérieusement ternir sa réputation d’investisseur. B. Droit contractuel de demander la liquidation Il convient de distinguer le droit légal du droit contractuel de demander la liquidation de la société. À condition de disposer d’une participation suffisante, un investisseur pourra en effet, de par la loi, demander la convocation d’une assemblée générale selon l’art. 699 al. 3 CO, requérir l’inscription à l’ordre du jour de la dissolution de la société et ensuite décider seul de ladite liquidation. La décision de liquidation selon l’art. 736 ch. 2 CO requiert la majorité qualifiée des deux tiers de voix attribuées aux actions représentées et la majorité absolue des valeurs nominales représentées (art. 704 al. 1 ch. 8 CO). Si le fonds de private equity ne dispose pas de la majorité suffisante, il ne pourra demander la liquidation de la société que s’il dispose d’un droit contractuel correspondant. En effet, un fonds de private equity pourra, à l’aide de la convention d’actionnaires, obliger les autres actionnaires à voter en faveur de la liquidation de la société. Il est également envisageable de prévoir que ce droit naisse seulement après l’écoulement d’une certaine période, comme par exemple la période prévue pour mener à bien le business plan, ou la (non-)réalisation d’une certaine condition, telle que le fait de ne pas atteindre certains objectifs financiers. Si la société a émis des actions privilégiées, la liquidation de la société nécessitera aussi l’accord de l’assemblée spéciale des actionnaires privilégiés172 . C. Préférence sur le produit de liquidation La préférence sur le produit de liquidation173 constitue une unité fonctionnelle avec la préférence sur le produit de la vente. Nous renvoyons donc aux explications données à ce sujet174 . Contrairement à la préférence sur le produit de la vente, elle peut faire l’objet d’un privilège statutaire ressortissant aux actions privilégiées, étant donné que les montants répartis proviennent de la société ellemême. 172 173 174 134 LIEBI, p. 250 s ; VOGT, BaK N 28 ad art. 654-656 CO. FRICK § 11 N 897 ss ; LIEBI, p. 202 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 7 N 509 ss et § 8 N 725 ss. Voir supra, III.E. L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity En pratique, le privilège de liquidation trouve rarement application : en cas de liquidation forcée, le produit de la liquidation sera le plus souvent insuffisant pour couvrir les dettes de la société. Il s’appliquera donc principalement en cas de liquidation volontaire (art. 736 ch. 2 CO) ou en cas de valorisation des actions (par exemple pour des raisons fiscales). Bibliographie Sauf indication contraire, les publications sont mentionnées par le nom de leur(s) auteur(s). AESCHLIMANN Lionel, SICAF et sociétés en commandites de placement collectif : où commence et où finit leur assujettissement à la loi sur les placements collectifs de capitaux ?, in : Jusletter, 16 juin 2008 ; AMREIN Philippe, Comfort Letters der Wirtschaftsprüfer, in : REUTTER Thomas/WATTER Rolf/WERLEN Thomas (édit.), Kapitalmarktransaktionen, Zurich 2007, p. 81 ss ; APPENZELLER Hansjürg/WALLER Stefan, Haftungsrisiken beim IPO und ihre Minimierung aus Sicht der Gesellschaft, in : GesKR 2007, p. 265 ss ; BARTHOLD Beat, MezzanineFinanzierungen von Unternehmensübernahmen und Jungunternehmen, in : RSDA 2000, p. 224 ss ; BARTLETT Joseph W., Fundamentals of Venture Capital, Lanham/New York/Oxford 1999 ; BEHR Giorgio/WIRTH Oliver, Einsatz von Mezzanine-Kapital bei der Wachstumsfinanzierung, in : ECS 1999, p. 161 ss ; BERLE Adolph/MEANS Gardiner, The Modern Corporation and Private Property, Londres 1932 ; BOHRER Andreas, Aktienzuteilungen beim Börsengang – Privatrechtliche und regulatorische Aspekte, in : ECS 2004, p. 651 ss ; B ÖCKLI Peter, Schweizer Aktienrecht, 3e éd., Zurich 2004 (cité : BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht) ; BÖCKLI Peter, Aktionärbindungsverträge mit eingebautem Vorkaufs- oder Kaufsrechte und Übernahmepflichten, in : DRUEY Jean-Nicolas/BÖCKLI Peter/NOBEL Peter (édit.), Rechtsfragen um die Aktionärbindungsverträge, Zurich 1998, p. 35 ss (cité : BÖCKLI, Aktionärsbindungsverträge) ; BÖCKLI Peter/MORSCHER Lukas, Aktionärbindungsverträge : Übertragbarkeit und Geltungsdauer von Optionsrechten, in : RSDA 1997, p. 53 ss ; COCCA Teodoro D., Schädliche Praxis bei Aktienzuteilungen, in : NZZ, n°95/2003, p. 33 ; DAENIKER Daniel, Zuteilungsgrundsätze bei Aktienplatzierungen, in : VON DER CRONE Hans Caspar/FORSTMOSER Peter/WEBER Rolf H./ZÄCH Roger (édit.), Aktuelle Fragen des Bank- und Finanzmarktrechts, Festschrift für Dieter Zobl zum 60. Geburtstag, Zurich 2004, p. 341 ss (cité : DAENIKER, Zuteilungsgrundsätze) ; DAENIKER Daniel, Stellung der federführende Bank bei Obligationenanleihen, in : RSJ 2003, p. 365 ss (cité : DAENIKER, Stellung) ; DAENIKER Daniel, Underwriting Agreement – Rechtliche Grundlagen von öffentlichen Aktienangeboten schweizerischer Gesellschaften, in : WATTER Rolf (édit.), Rechtsfragen beim Börsengang von Unternehmen, Zurich 2002, p. 159 ss (cité : DAENIKER, Underwriting) ; DAENIKER Daniel/WALLER Stefan, « Due Diligence Defense » der Banken bei Prospekthaftungsansprüchen, in : REUTTER Thomas/W ATTER Rolf/WERLEN Thomas 135 Frank Gerhard (édit.), Kapitalmarktransaktionen, Zurich 2007, p. 55 ss ; DU PASQUIER Shelby/OBERSON Xavier, La société en commandite de placements collectifs – Aspect juridiques et fiscaux, in : RSDA 2007, p. 207 ss ; EIDENMÜLLER Horst, Private Equity, Leverage und die Effizienz des Gläubigerschutzrechts, in : ZHR 2007, p. 645 ss ; FAMA Eugene/JENSEN Michael C., Separation of Ownership and Control, in : Journal of Law and Economics, 1983, p. 301 ss ; FISCHERAPPELT Dorothee/GINTER Petra, U.S. Securities Laws und Kapitalmarktransaktionen Schweizer Emittenten, in : REUTTER Thomas/WATTER Rolf/WERLEN Thomas (édit.), Kapitalmarktransaktionen, Zurich 2007, p. 177 ss ; FORSTMOSER Peter/ZINDELL Gaudenz G./MEYER BAHAR Valerie, Zulässigkeit der Interimsdividene im Schweizerischen Recht, in : SJZ 2009, p. 205 ss ; FORSTMOSER Peter/MEIER-HAYOZ Arthur/NOBEL Peter, Schweizerisches Aktienrecht, Berne 1996 ; FRICK Jürg, Private Equity im Schweizer Recht, thèse Zurich/St-Gall, 2009 ; GERHARD Frank, Die Klage auf Auflösung aus wichtigem Grund in : GesKR Sondernummer 2008, Die grosse Aktienrechtsrevision, p. 143 ss. (cité : GERHARD, Die Klage auf Auflösung) ; GERHARD Frank, Private investments in public equity (PIPEs) – A close look at PIPE transactions in Switzerland, in : ECFR 2008, p. 305 ss (cité : GERHARD, Private (2008)) ; GERHARD Frank, Private equity and public takeovers in Switzerland : finally a happy marriage, in : Financier Worldwide e-book, mars 2008 (cité : GERHARD, Private equity) ; GERHARD Frank, Après le capital-risque ou une IPO, quel financement pour les biotechs, in : L’AGEFI, 4 juin 2007, p. 18 (cité : GERHARD, Après le capital-risque) ; GERHARD Frank, LBO secondaire - un nouveau jeu de chaises musicales ?, in : SECA Yearbook 2007, p. 90 ss (cité : GERHARD, LBO) ; GERHARD Frank, Private investments in public equity (PIPE) – Ein Blick auf PIPE-Transaktionen in der Schweiz, in : GesKR 2006, p. 286 ss (cité : GERHARD, Private (2006)) ; GERHARD Frank, Contingent Value Rights in Public Takeovers : An Analysis under Swiss Law, in : ECFR 2006, p. 249 ss (cité : GERHARD, Contingent) ; GERHARD Frank, Le block-trade comme moyen de placement de titres de participation en bourse, in : RSDA 2006, p. 256 ss (cité : GERHARD, Le block-trade) ; GLADSTONE David/GLADSTONE Laura, Venture Capital Investing – The Complete Handbook for Investing in New Business, New Jersey 2004 ; GOMPERS Paul/LERNER Josh, The Venture Capital Cycle, 2e éd., Cambridge (MA)/London 2004 ; GRAF Steffen/GRUBER Alfred/GRÜNBICHLER Andreas (édit.), Private Equity und Hedge Funds – Alternative Anlagekategorien im Überblick, Zurich 2001 ; GRONER Roger, Der Erwerb eigener Aktien, thèse Bâle, Bâle/Francfort-sur-le-Main 2003 (cité : GRONER, Der Erwerb) ; GRONER Roger, Private Equity - Recht, Berne 2007 (cité : GRONER, Private) ; HARSCH Sebastian, Risikoüberlegungen beim Underwriting Agreement aus Sicht der Bank, in : REUTTER Thomas/WERLEN Thomas (édit.), Kapitalmarkttransaktionen III, Zurich 2008, p. 69 ss ; HERZOG Peter/AMSTUTZ Therese, Rechtliche Überlegung zur Haftung des Wirtschaftsprüfers für Comfort Letters, in : ECS 2000, p. 757 ss ; HODEL Peter, Grundzüge der Kotierung, in : WATTER Rolf (édit.), Rechtsfragen beim Börsengang von Unternehmen, Zurich 2002, p. 103 ss ; HUBER Felix M., IPO aus Ban136 L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity kensicht, in : WATTER Rolf (édit.), Rechtsfragen beim Börsengang von Unternehmen, Zurich 2002, p. 33 ss ; HUBER Felix/HODEL Peter/STAUB GIEROW Christopher, Praxiskommentar zum Kotierungsrecht der SWX Swiss Exchange, Zurich 2004 ; HUGUENIN Claire, Das Gleichbehandlungsprinzip im Aktienrecht, thèse d’habil. Zurich, Zurich/Bâle/Genève 1994 ; ISLER Peter R., Legal Opinions in Kapitalmarkttransaktionen, in : WEBER Rolf H. (édit.), Neuere Entwicklungen im Kapitalmarkt, Zurich 2000, p. 122 ss ; JACCARD Michel/BARUH Erol, Capital-risque et financement par étapes (« staged financing »), in : GesKR 2007, p. 280 ss ; JENSEN Michael/MECKLING William H., Theory of the Firm : Managerial Behavior, Agency Costs, and Ownership Structure, in : Journal of Financial Economics 1976, p. 305 ss ; KRAFT Volker, Private EquityInvestitionen in Turnarounds und Restrukturierungen, thèse St-Gall, 2001 ; KUNZ Peter V., Kotierung sowie Dekotierung – oder : « Werden » und « Sterben » von Publikumsgesellschaften, in : GesKR 2006, p. 117 ss ; KURER Peter, ad art. 675, 678 et 680 CO, in : HONSELL Heinrich/VOGT Nedim Peter/WATTER Rolf (édit.), Basler Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht II, 3e éd., Bâle/Francfort-sur-le-Main 2008 ; LERNER Josh/HARDYMON Felda/LEAMON Ann, Venture Capital & Private Equity, a Casebook, 3e éd., Hoboken (NJ) 2005 ; LIEBI Martin, Vorzugsaktien, thèse Zurich, Zurich/St Gall 2008 (SSHW, vol. 269) ; MAROLDA Larissa/VON DER CRONE Hans Caspar, Prospekthaftung bei Anleihensobligationen und die Stellung der federführenden Bank, in : RSDA 2003, p. 158 ss ; MARTI Mario M., Ein beachtenswertes Urteil aus Deutschland zum so genannten Greenshoe, in : RSDA 2002, p. 357 ss ; MAURENBRECHER Benedikt, ad art. 108 LFus, in : WATTER Rolf/VOGT Nedim Peter/TSCHÄNI Rudolf/DAENIKER Daniel (édit.), Basler Kommentar zum Fusionsgesetz, Bâle/Francfort-sur-le-Main 2005 ; MCCAHERY Joseph A./RENNEBOOG Luc (édit.), Venture Capital Contracting and the Valuation of High-technology Firms, Oxford/New York 2003 ; MÖHRLE Caroline, Delisting, thèse Zurich, Zurich/St. Gall 2006 (SSHW, vol. 256) ; MORARD Jacqueline, Die revidierten Kotierungsregularien, in : GesKR 2/2009 (à paraître) ; MÜLLER Olivier, Mezzanine Finance – Neue Perspektiven in der Unternehmensfinanzierung, thèse St. Gall, Berne/Stuttgart/Vienne 2003 (SECA vol. 1) ; NEUHAUS Markus/SCHÖNBÄCHLER Bruno, ad art. 671 et 675 CO, in : HONSELL Heinrich/VOGT Nedim Peter/ WATTER Rolf (édit.), Basler Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht II, 3e éd., Bâle/Francfort-sur-le-Main 2008 ; OESTERHELT Stefan, vor art. 1 LPCC, in : WATTER Rolf/VOGT Nedim Peter/BOESCH René/RAYROUX François/WINZELER Christophe (édit.), Basler Kommentar zum Kollektivanlagegesetz, Bâle/Francfort-sur-le Main 2009 ; OESTERHELT Stefan/WINZAP Maurus, Besteuerung kollektiver Kapitalanlagen und ihrer Anleger, FStR 2008, p. 266 ss (1. Teil), FstR 2009, p. 25 ss (2. Teil), p. 115 ss (3. Teil) ; PEARCE Rupert/B ARNES Simon, Raising Venture Capital, Chichester (UK) 2006 ; PFENNINGER Markus/GIGER Gion, Die Verantwortlichkeit des Anwalts für Third Party Legal Opinions, in : RSDA 2005, p. 1 ss ; POVALY Stefan, Private Equity Exits : An analysis of divestment process management in relation to leveraged buyouts, 137 Frank Gerhard thèse St. Gall 2006 ; REUTTER Thomas, Bezugsrechte, Festübernahme und Übernahmevertrag, in : ECS 2006, p. 44 ss ; RÖTHELI Andreas, Secondary Buy-Outs – Ausgewählte Aspekte in : TSCHÄNI Rudolf (édit.), Mergers & Acquisitions XI, Zurich 2009, p. 137 ss ; SCHENKER Urs, Leveraged Buy-Out (steuerrechtliche Aspekte), in : TSCHÄNI Rudolf (édit.), Mergers & Acquisition II, Zurich 2000, p. 43 ss ; SEIBT Christophe H., Gläubigerschutz bei Änderung der Kapitalstruktur durch Erhöhung des Fremdkapitalanteils (Leveraged Recapitalization/Leveraged Buy Out), in : ZHR 2007, p. 282 ss ; STADELMANN Samuel/WIDMER Christian, Erleichterte Erfüllung der Offenlegungspflichten im Prospekt, in : GesKR 2008, p. 153 ss ; STAEHELIN Matthias, Unterschätzte Fallstricke beim Börsengang – Rechte und Pflichten der Aktionäre beim Börsengang, in : ECS 2006, p. 159 ss ; STOLZ Carsten, Nachfrageorientierte Emissionspolitik mit Bookbuilding, thèse Zurich/St. Gall 1998 (BFF, vol. 288) ; THALMANN Paul/WAIBEL Tony, Endlich – die Interimsdividende setzt sich im schweizerischen Recht durch, in : RSDA 2007, p. 18 ss ; TREZZINI Lorenzo, Finanzierungsstrukturierung im Venture Capital, thèse Zurich, Zurich 2005 ; TSCHÄNI Rudolf, Leveraged Buy-Out (zivilrechtliche Aspekte), in : TSCHÄNI Rudolf (édit.), Mergers & Acquisition II, Zurich 2000, p. 1 ss ; VOGT Nedim Peter, ad art. 654-656 CO, in : HONSELL Heinrich/VOGT Nedim Peter/WATTER Rolf (édit.), Basler Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht II, 2e éd., Bâle/Francfort-sur-le-Main 2002 ; VOLKART Rudolf, Corporate Finance – Grundlagen von Finanzierung und Investition, 3e éd., Zurich 2007 ; VON PLANTA Andreas/LENZ Christian, ad art. 659 CO, in : HONSELL Heinrich/VOGT Nedim Peter/WATTER Rolf (édit.), Basler Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht II, 3e éd., Bâle/Francfort-sur-le-Main 2008 ; VON S ALIS-LÜTOLF Ulysses, Private Equity Finanzierungsverträge, Zurich 2002 ; WATTER Rolf, ad art. 718a et 752 CO, in : HONSELL Heinrich/VOGT Nedim Peter/WATTER Rolf (édit.), Basler Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht II, 3e éd., Bâle/Francfortsur-le-Main 2008 ; WATTER Rolf, Die Festübernahme von Aktien, speziell beim « Initial Public Offering », in : VON BÜREN Roland (édit.), Aktienrecht 1992-1997, Zum 70. Geburtstag von Rolf Bär, Berne 1997, p. 395 ss ; WATTER Rolf/REUTTER Thomas, Rechtsprobleme beim IPO, in : WATTER Rolf (édit.), Rechtsfragen beim Börsengang von Unternehmen, Zurich 2002, p. 1 ss ; WEBER Martin, Rechtsprobleme bei Private-Equity-Transaktionen, in : WEBER Rolf H. (édit.), Neuere Entwicklungen im Kapitalmarktrecht, Zurich 2000, p. 21 ss ; WIDMER Peter/B ANZ Oliver, ad art. 754 CO, in : HONSELL Heinrich/VOGT Nedim Peter/WATTER Rolf (édit.), Basler Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht II, 3e éd., Bâle/Francfort-sur-le-Main 2008 ; ZBINDEN Daniel, Börsenrechtliche Aspekte eines Initial Public Offering (IPO) in der Schweiz, thèse St Gall 2003 ; ZINDEL Gaudenz/ISLER Peter R., ad art. 652b CO, in : HONSELL Heinrich/VOGT Nedim Peter/WATTER Rolf (édit.), Basler Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht II, 3e éd., Bâle/Francfort-sur-le-Main 2008 ; ZOBL Dieter/KRAMER Stefan, Schweizerisches Kapitalmarktrecht, Zurich/Bâle/Genève 2004. 138