Private equity

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Private equity
Tirage à part :
Fusions et acquisitions : questions actuelles
Pierre Marty (éd.)
Frank Gerhard
Private equity - L’exit vu au travers
des yeux d’un fonds de private equity
Publication
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Lausanne 2009
Private equity - L’exit vu au travers des yeux d’un
fonds de private equity
Frank GERHARD
Docteur en droit, LL.M, avocat
« Any fool can buy a company. You should be congratulated when you sell. »
Henry Kravis, Kohlberg Kravis Roberts
I.
Définition et éléments constitutifs du private equity
A.
Définition
« Private equity » est une locution anglaise signifiant littéralement « fonds propres
privés ». Il s’agit d’une forme de financement et de prise de participation qui
prend des formes multiples en pratique1. Par « private equity », nous entendons :
- une prise de participation dans le capital,
- d’une société généralement non-cotée en bourse (ci-après « société-cible »),
- par un ou plusieurs investisseurs financiers (ci-après « le(s) fonds de private
equity »),
- le plus souvent aux côtés des fondateurs et/ou des cadres dirigeants (ciaprès, « le management »),
1
Pour les diverses définitions données par des juristes suisses, voir FRICK § 1 N 12 ss ; GRONER, Private, p. 1 ; VON SALIS-LÜTOLF § 1 N 40 ; WEBER, p. 23 ss. Sur la notion de private
equity, voir aussi POVALY et GRAF/GRUBER/GRÜNBICHLER (édit.). Dans la pratique, la notion de private equity est largement influencée par les organismes qui défendent les intérêts de
la branche, comme SECA en Suisse (www.seca.ch), BVCA à Londres (www.bvca.co.uk),
NVCA aux États-Unis (www.nvca.org) et EVCA à Bruxelles (www.evca.com).
Pour la littérature étrangère, voir notamment BARTLETT ; GLADSTONE/GLADSTONE ;
GOMPERS/LERNER ; LERNER/HARDYMON/LEAMON ; PEARCE/BARNES.
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Frank Gerhard
- en phase de démarrage (ci-après « capital-risque » ou « venture capital ») ou en
phase de maturité (ci-après « capital-investissement » ou « private equity stricto
sensu »),
- limitée dans le temps (en général 3 à 5 ans),
- marquée par une prise d’influence sur la stratégie de la société-cible en vue
du démarrage (seed), du développement initial (start-up/early stage) et de
l’expansion (expansion, later stage) de la société-cible, soit l’activité de capitalrisque, ou en vue de la croissance, de la transmission ou du redressement de
la société-cible, soit l’activité de capital-investissement,
- dans le but de réaliser un gain en capital lors de la réalisation de
l’investissement (« exit »).
B.
Prise de participation dans le capital
L’investissement de private equity se fait sous la forme d’une prise de participation
dans les fonds propres de la société-cible. Il peut s’agir de la souscription d’actions
nouvelles ou, plus rarement, de l’acquisition d’actions déjà émises. Dans certains
cas particuliers, l’investissement se fait sous la forme d’un prêt à conversion obligatoire en fonds propres. Le private equity se distingue ainsi de la simple mise à
disposition de fonds étrangers sous forme de crédit, garanti ou non. Le rang de
l’investisseur de private equity est donc subordonné à celui des créanciers ordinaires : le fonds de private equity devient actionnaire de la société-cible, soit immédiatement, soit ultérieurement dans le cas d’un prêt à conversion obligatoire. Ceci ne
signifie pas cependant que les investissements de private equity n’ont pas recours à
des fonds étrangers. Par exemple, la reprise complète d’une société-cible (buy-out)
est le plus souvent financée par une combinaison de fonds propres investis par le
fonds de private equity et de fonds étrangers (crédit d’acquisition) mis à disposition
par une banque ou un syndicat de banques, ce qui permet aux investisseurs de
profiter de l’effet de levier et ainsi d’augmenter le rendement des fonds propres
investis. Il est en outre relativement fréquent qu’aux côtés du crédit d’acquisition,
une partie du prix d’achat soit financée par un crédit d’actionnaire mis à disposition par le fonds de private equity lui-même (shareholder loan) lequel sera le plus
souvent subordonné ou accompagné de droits de conversion ou d’option. Il s’agit
de la forme typique de l’acquisition avec effet de levier (leveraged buy-out) 2.
Enfin, le private equity se distingue également des financements « mezzanines »
ou hybrides, qui sont tous des formes de financement se situant entre la dette
senior et les fonds propres3. Il s’agit le plus souvent de crédits subordonnés au
sens de l’art. 725 al. 2 CO assortis de droits de conversion ou de droits d’option
(equity kicker) permettant un accès différé aux fonds propres de la société-cible et
ainsi à la plus-value réalisée.
2
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GERHARD, LBO secondaire, p. 24 ; SCHENKER, p. 43 ss ; TSCHÄNI, p. 1 ss.
BARTHOLD, p. 224 ss ; BEHR/WIRTH, p. 161 ss ; MÜLLER, p. 19 ; VOLKART, p. 567 s.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
C.
D’une société généralement non-cotée en bourse
En principe, l’investissement de private equity se fait dans des sociétés non-cotées
en bourse. Les termes de l’investissement sont négociés entre les différentes parties impliquées (société, actionnaires historiques, management et fonds de private
equity) au contraire d’un investissement dans une société cotée dont les termes ne
peuvent en principe pas être négociés en détail par l’investisseur. Une société noncotée est en général moins transparente qu’une société cotée, qui est soumise à
des obligations de publicité récurrente4 et évènementielle « ad hoc »5. Dès lors, en
raison de ce manque d’information, la mise en œuvre d’un investissement dans
une société non-cotée sera en principe plus onéreuse étant donné qu’une bonne
partie du processus d’acquisition servira notamment à rétablir l’inégalité
d’information entre les participants. Ceci sera précisément le but de la due diligence
conduite par le fonds de private equity. Ces dernières années cependant, vu la
grande quantité de liquidités disponibles, les fonds de private equity se sont également intéressés aux sociétés cotées en bourse, notamment dans le cadre de reprises complètes à l’aide d’offres publiques d’achat (going private)6 ou de simples
prises de participation (private investments in public equity, PIPEs) en vue de financer
la croissance de la société-cible ou de fournir une injection de capitaux frais en
situation de crise7.
D.
Par des investisseurs financiers
Les investisseurs en private equity sont des investisseurs financiers qui se distinguent des investisseurs dits « stratégiques ». L’intérêt de ces derniers porte primordialement sur l’activité opérative elle-même ou stratégique de la société-cible
(par exemple l’accès à une technologie, à un réseau de vente, à de nouveaux marchés, la réalisation de synergies, etc.), alors que l’intérêt de l’investisseur financier
se concentre sur la rentabilité de l’investissement lui-même et le potentiel de croissance de la société-cible afin d’obtenir une plus-value lors de la réalisation de
l’investissement.
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5
6
7
Art. 49 ss du Règlement de cotation de la SIX Swiss Exchange (RC).
Art. 53 RC dans la version entrée en vigueur le 1er juillet 2009.
En Suisse, les premières acquisitions de sociétés cotées financées par effet de levier ont été
exécutées en 2007 (reprise de SIG Holding par le groupe néo-zélandais Rank, reprise du
groupe Unilabs par le groupe suédois Capio). Sur les offres publiques d’achat financées par
effet de levier, voir GERHARD, Private equity.
Pour le financement de la croissance, voir récemment les levées de fonds opérées par les
sociétés biotechs Santhera en novembre 2008 ou Arpida en mars 2008 et mars 2007 auprès
d’un petit cercle d’investisseurs institutionnels (voir GERHARD, Après le capital-risque,
p. 18). Pour l’injection de capitaux frais en situation de crise, voir récemment les investissements faits par Berkshire Hathaway dans Swiss Re en mars 2009 ou Government of Singapore Investment Corporation (GIC) et la Confédération Suisse, tous les deux dans UBS en
décembre 2007 et en octobre 2008. Sur la problématique des PIPEs en général, voir aussi
GERHARD, Private (2008).
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Frank Gerhard
1.
Types d’investisseurs financiers
Les investisseurs financiers actifs dans le private equity sont en premier lieu des
investisseurs institutionnels, tels que des fonds de placement, des assurances, des
banques et, dans une proportion moindre, des fonds de pension. Ces dernières
années des investisseurs individuels, notamment des high net worth individuals8, se
sont également profilés dans des investissements de private equity.
En principe, les investisseurs financiers ne sont pas les investisseurs directs,
mais seulement indirects, par le biais d’un intermédiaire dont le rôle est de collecter les fonds de ces investisseurs et d’opérer des investissements dans des sociétés
du portefeuille9. Cet intermédiaire – le fonds de private equity – est géré par des
gestionnaires professionnels, dont l’activité est réglée par un contrat ou un règlement définissant notamment la politique d’investissement. Leur rémunération est
fonction du succès du fonds. En outre, selon la plupart des règlements de fonds,
les gestionnaires sont tenus d’investir eux-mêmes dans le fonds qu’ils gèrent afin
d’obtenir un alignement des intérêts en présence.
Les fonds ont des orientations diverses. Ces fonds sont le plus souvent spécialisés dans certaines industries comme la biotechnologie10 ou la technologie11, ou
dans certaines phases de financement, comme le venture capital12 ou le buy-out13.
Enfin, on distingue aussi les fonds qui investissent dans certains pays ou régions
exclusivement, des fonds qui agissent de manière globale.
2.
Fonctionnement d’un fonds de private equity expliqué à l’aide de la société en
commandite de placements collectifs
Indépendamment de la forme juridique d’un intermédiaire de private equity, le
fonctionnement d’un investissement de private equity suit le schéma suivant, expliqué à l’aide de la société en commandite de placements collectifs (SCPC)14. Cette
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14
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La nouvelle loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (LPCC) définit les
« particuliers fortunés » comme les personnes confirmant par écrit lors du placement qu’ils
disposent directement ou indirectement d’investissements financiers d’au moins 2 millions de
francs (art. 10 al. 3 let. e LPCC, en lien avec l’art. 6 al. 1 OPCC).
Voir l’art. 7 al. 1 LPCC, qui entend par « placements collectifs » les apports constitués par
des investisseurs pour être administrés en commun pour le compte de ces derniers.
P.ex. Ares Life Sciences AG, HBM Bioventures AG et Global Life Sciences Ventures AG,
tous à Zug.
P.ex. Draper Investment Company ou Emerald Technology Ventures AG, tous deux à
Zurich.
P.ex. Index Ventures, à Genève, Sofinnova, à Paris, ou Venture Incubator AG, à Zug.
P.ex. Capvis, à Zurich, Alpha, à Francfort/Paris, Zurmont Madison, à Zurich ou les grands
fonds étrangers tels que Blackstone, Carlyle, Kohlberg Kravis Roberts (KKR), Texas Pacific
Group, CVC, Candover, Permira ou Cinven.
Pour une introduction sur la SCPC en général, voir par exemple DU PASQUIER/OBERSON.
p. 217 ss.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
société a été introduite par la nouvelle loi sur les placements collectifs de capitaux
(LPCC), entrée en vigueur le 1er janvier 200715.
a)
Introduction
Le but avoué du législateur, en créant la SCPC16, est de rétablir la compétitivité de
la place financière suisse et d’augmenter son attrait sur les scènes européenne et
internationale en matière de private equity17. La SCPC est une société dont le but
est exclusivement le placement collectif18. Avant tout destinée aux investissements
dans le capital-risque19, la SCPC peut également être utilisée pour des placements
dans des projets immobiliers, de même que pour des fonds alternatifs (hedge
15
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19
Loi fédérale du 23 juin 2006 sur les placements collectifs de capitaux (RS 951.31) ; ordonnance du 22 novembre 2006 sur les placements collectifs de capitaux (RS 951.311). Voir aussi le message du Conseil fédéral du 23 septembre 2005 concernant la loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (Message LPCC), FF 2005, p. 5594 ss.
La SCPC est basée sur les dispositions existantes de la société en commandite (art. 594 ss
CO), complétées par la LPCC (art. 98 ss LPCC) à titre de lex specialis.
Voir Message LPCC, p. 6408.
Art. 98 LPCC. Sur la notion de placement collectif, voir AESCHLIMANN.
Art. 103 al. 1 LPCC.
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Frank Gerhard
funds)20. Équivalent suisse du limited partnership de droit anglo-saxon, la SCPC
constitue un véhicule attractif pour tous les promoteurs de fonds fermés. La
SCPC est une société dont au moins un associé indéfiniment responsable assure
la gestion (l’associé-gérant), les autres associés (commanditaires) n’étant responsables qu’à concurrence du montant de leur investissement (commandite)21. Les
commanditaires ne peuvent être que des investisseurs qualifiés, soit des banques,
des négociants, des directions de fonds des compagnies d’assurances, des fonds de
pension, des institutionnels et des particuliers disposant de placements financiers
d’au moins 2 millions de francs suisses ou des investisseurs ayant conclu un
contrat écrit de gestion de fortune avec un gestionnaire indépendant au sens de la
loi22. L’associé-gérant doit être une société anonyme ayant son siège en Suisse et
bénéficier d’une autorisation de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés
financiers (FINMA)23. Le cas échéant, il peut déléguer la gestion de la société en
commandite à des tiers24. Les personnes qui se trouvent à sa tête peuvent également participer à la SCPC en tant qu’investisseurs (commanditaires) pour autant
que le contrat de société le prévoie, que leur participation repose sur leur fortune
privée et que leur participation soit souscrite au moment du lancement de la société25.
b)
Les investisseurs en qualité de commanditaires selon un contrat de société
La SCPC est gouvernée en premier lieu par le contrat de société selon lequel
d’une part les commanditaires26 s’engagent à mettre à disposition un certain montant en capital (montant total des commandites, committed capital) sur demande de
l’associé-gérant et selon lequel d’autre part l’associé-gérant s’engage à investir les
moyens mis à disposition dans les sociétés-cibles selon la politique de placement
et à les redistribuer aux investisseurs lors de l’exit dudit investissement selon les
paramètres du contrat de société.
L’associé-gérant peut demander le paiement du committed capital durant une
certain période (commitment period). Un tel appel de fonds (drawdown) doit se faire
en principe durant une période d’environ 4 à 6 ans. Si l’on ajoute la durée de la
commitment period à la durée de l’investissement lui-même, de 3 à 5 ans, il en découle que les investisseurs doivent s’engager pour une période de 7 à 11 ans approximativement, durée pendant laquelle ils ne peuvent pas demander le remboursement de leur investissement.
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Art. 103 al. 2 LPCC en rapport avec l’art. 121 OPCC.
Art. 98 LPCC.
Art. 98 al. 3, en rapport avec l’art. 10 al. 3 LPCC et l’art. 6 al. 1 OPCC.
Art. 98 al. 2 LPCC.
Art. 119 LPCC.
Art. 119 OPCC.
La SCPC doit compter au moins cinq commanditaires au plus tard un an après son lancement (cf. art. 5 al. 3 OPCC).
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
La SCPC est dès lors constituée pour une durée limitée27. À l’issue de cette période, elle est dissoute et le capital à disposition est réparti entre les associés. Cette
liquidation programmée du fonds de private equity démontre bien l’un des éléments caractéristiques du private equity, à savoir un investissement limité dans le
temps.
c)
Le contrat de gestion avec l’associé-gérant indéfiniment responsable
En principe, le fonds de private equity (ici sous la forme d’une SCPC) conclura un
contrat de gestion avec l’associé-gérant indéfiniment responsable ou le gestionnaire. Le rôle principal de l’associé-gérant consiste dans l’examen, la sélection et
la recommandation d’opportunités d’investissement, ainsi que leur exécution et
supervision jusqu’à l’évaluation de scénarios d’exit.
En pratique, il est usuel que les gérants investissent également dans la société
qu’ils gèrent, prenant ainsi un risque personnel sur leur propre patrimoine. Les
gérants doivent logiquement avoir droit à une rémunération pour leur responsabilité de gestion de la société. Ainsi, le gérant de fonds touchera généralement une
commission de gestion, se situant aux alentours de 2 % de la valeur des actifs de
la société gérée, voire des montants promis (committed funds) par les investisseurs.
Mais il aura également droit à une participation privilégiée aux plus-values réalisées par le fonds. Il s’agit de ce que l’on nomme le « carried interest ». Indépendant
de la rémunération de gestion, le carried interest permet de responsabiliser les
membres de l’équipe de gestion en les faisant investir, d’une part, dans la société
de placements collectifs et en les associant, d’autre part, à la réussite du fonds. Le
gérant n’a en principe droit au carried interest qu’une fois les apports des investisseurs remboursés et, généralement, seulement au-delà d’un rendement minimal
du fonds pour les investisseurs (seuil, ou hurdle rate, de l’ordre de 5 % à 7 %).
Ainsi, lors de la liquidation d’un de fonds private equity, le gérant a généralement
droit – une fois que les investisseurs ont récupéré leur mise de base et se sont vu
gratifier d’un rendement notionnel minimal – à une fraction privilégiée ou carried
interest, de l’ordre de 20 %, sur les produits et plus-values réalisés par le fonds.
d)
Traitement fiscal
Tant le Parlement que le Conseil fédéral reconnaissent que le traitement fiscal des
placements collectifs est de première importance pour le développement du marché suisse. Le fonds de placement contractuel, sous l’empire de l’ancienne loi sur
les fonds de placement, était exonéré d’impôts directs. Dans le cadre de la LPCC,
tant les SICAV que les SCPC sont placées sur un pied d’égalité avec les fonds
contractuels et, par conséquent, exonérées de tout impôt direct28. L’impôt anticipé, quant à lui, n’est prélevé que sur les rendements de la fortune distribués ou, le
27
28
Art. 102 al. 1 let. e LPCC.
Sur le traitement fiscal de la SCPC, voir DU PASQUIER/OBERSON, p. 217 ss ; OESTERHELT/WINZAP (2008), p. 268 ss.
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cas échéant, thésaurisés, et non sur les gains en capital réalisés et distribués séparément. En matière d’impôts directs, pour les investisseurs (personnes physiques)
suisses, les gains en capital réalisés par le fonds qui leur sont distribués seront
également exonérés aux conditions usuelles (fortune privée). Mais qu’en est-il de
l’imposition du carried interest distribué directement par le fonds à l’associé-gérant
ou à l’équipe dirigeante de ce dernier ? À ce jour, la question n’est pas tranchée.
La qualification du carried interest comme la simple rémunération d’une activité de
gestion entraînant une imposition ordinaire au titre de l’impôt sur le revenu annihilerait tous les efforts du Parlement et du Conseil fédéral pour rendre la place
financière suisse attractive pour les gérants de fonds de private equity et de hedge
funds. En effet, les pays traditionnellement favorables au développement de leur
place financière moyennant l’octroi de conditions fiscales favorables, tels les
États-Unis ou le Royaume-Uni, mais également des juridictions au cadre fiscal
généralement plus rigide, telles la France ou l’Allemagne, ont tous admis que le
carried interest doit bénéficier, de manière générale, du traitement plus favorable
applicable aux plus-values. Le taux applicable s’élève ainsi à 16 % en France, en
règle générale à 18% au Royaume-Uni, tandis qu’il n’est que de 50 % du taux
ordinaire en Allemagne. Il devrait être possible, en Suisse également, de traiter
fiscalement le carried interest comme un gain en capital exonéré, à hauteur du gain
en capital réalisé par la SCP elle-même car il s’agit d’une plus-value issue de
l’aliénation des avoirs du fonds, lors de sa liquidation, qui est versée à l’équipe
dirigeante (résidente en Suisse) de l’associé-gérant. Du point de vue économique,
il est raisonnable de considérer que le carried interest n’a pas sa source dans la mise
à disposition d’un capital, contrairement aux intérêts ou aux dividendes, et qu’il
n’est pas versé par le débiteur de l’obligation ou par la société elle-même dans
laquelle le fonds a investi, mais bien par un tiers (celui auquel est vendue la participation lors la vente de cette dernière par le fonds). Il faudrait par ailleurs considérer que ce gain en capital est réalisé lors de la simple gestion de la fortune privée du membre de l’équipe dirigeante (dans le cadre de laquelle les gains en capital sont exonérés) et non de le traiter comme un gain résultant de l’exercice d’une
activité indépendante accessoire (dans le cadre de laquelle les plus-values sont
imposables). La Suisse offrirait ainsi un cadre attractif pour les gérants de fonds
de private equity et de hedge funds. Selon la pratique (encore non-publiée) de l’AFC,
les distributions de la SCPC aux gestionnaires ne qualifient comme gain en capital exonérés d’impôt que si les gestionnaires participent proportionnellement aux
gains de la SCPC29. Si les gestionnaires participent de manière sur-proportionnelle
par rapport à leur investissement au gain du fonds (ce qui est usuel dans le cas du
carried interest), l’AFC traite le carried interest comme revenu. Le traitement du
carried interst par les assurances sociales s’oriente selon l’art. 17 OAVS en principe au traitement fiscal. Dès lors, dans la mesure où le carried interest est propor-
29
OESTERHELT, N 243e, vor art. 1 LPCC.
90
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
tionnel à l’investissement il n’est pas soumis à l’AVS/AI/AC, alors que s’il est
sur-proportionnel, des cotisations seront dues.
E.
Aux côtés des fondateurs et/ou du management
L’investissement de private equity est aussi un investissement dans des personnes,
à savoir les fondateurs et/ou le management de la société-cible. En effet,
l’investisseur financier ne peut pas accomplir toutes les activités de gestion luimême. Il s’agit en réalité d’une illustration de la théorie du principal et de l’agent
(principal-agent theory) développée dans les années 1930 par BERLE/MEANS30, en
ce sens que le principal (fonds de private equity) confie l’exécution de certaines
tâches à des agents (management). La théorie du principal-agent parvient à la
conclusion que, dans l’exécution des tâches respectives, des conflits sont programmés entre le principal et l’agent, étant donné que chacun essaiera de manière
opportuniste d’optimiser sa position indépendamment, ou au détriment, de la
position de l’autre31. En outre, dans le contexte d’un investissement de private
equity, l’asymétrie de l’information est particulièrement manifeste, de sorte que les
conséquences de la théorie du principal-agent sont particulièrement prononcées32.
En pratique, les mesures suivantes sont mises en œuvre de manière contractuelle pour canaliser les conflits d’intérêts potentiels entre principal et agent, ainsi
que pour rétablir la symétrie de l’information33 :
- garanties fournies par le management (y compris, par exemple, clauses antidilutives en cas d’émission ultérieure d’actions à un prix inférieur à celui
payé par l’investisseur) ;
- règles de comportement à la charge du management (covenants) ;
- mise à disposition du financement de manière échelonnée ou limitée (par
exemple staged ou milestones financing)34 ;
- contrôle (monitoring) du management par la présence au conseil
d’administration de la société-cible de représentants du fonds de private equity, ainsi que l’exercice de certains droits de veto concernant les décisions
importantes ;
- alignement des intérêts en présence par la participation du management au
capital-actions de la société-cible.
30
31
32
33
34
BERLE/MEANS.
FAMA/JENSEN, p. 311 ss ; JENSEN/MECKLING, p. 305 ss.
Sur les effets en private equity, voir notamment FRICK § 3 N 177 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 1
N 55 ss.
FRICK § 3 N 194 ss.
JACCARD/BARUH, p. 280 ss.
91
Frank Gerhard
F.
Société en phase de démarrage ou en phase de maturité
Les investissements de private equity sont toujours adaptés aux besoins concrets
des intéressés. Dès lors, en pratique, les variétés d’investissements sont multiples.
Les principales catégories de financement de private equity se définissent le plus
facilement en distinguant les différentes phases dans lesquelles se trouvent la
société-cible, de la création jusqu’à un changement complet de propriétaire ou
une entrée en bourse35.
1.
Venture Capital
Par « venture capital », on entend le capital-risque, à savoir la prise de participation
dans une société nouvellement constituée et non encore établie sur le marché
(start-up). Il s’agit en général d’une société à fort potentiel de croissance avec des
projets innovants. Souvent, il s’agit de sociétés avec un développement scientifique ou technologique, le plus fréquemment dans la biotechnologie,
l’informatique, les télécommunications ou la technologie médicale. En général,
les entreprises actives dans ces branches dont les activités sont couronnées de
35
92
Pour les différentes phases du capital-investissement, voir FRICK § 2 N 79 ss et le Message
LPCC, qui distingue six phases (seed, early stage, later stage/expansion, bridge-pre-IPO, buy-out,
distressed/turnaround).
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
succès atteignent rapidement d’importantes parts de marché36. En principe, il
s’agit de sociétés qui n’ont pas d’actifs réalisables et qui sont appelées à faire des
pertes pendant plusieurs années avant d’atteindre la zone de profit. La première
phase d’investissement s’étend du développement de l’idée commerciale et
l’établissement d’un business plan avant même la constitution de la société (seed
capital) en passant par la phase de constitution de la société (start-up capital) jusqu’au commencement d’une activité productive et commerciale proprement dite
(first stage capital).
Le venture capital ou capital-risque constitue donc une sous-catégorie du private
equity, dont il n’est que la première phase.
2.
Expansion
Dès que la société-cible a commencé son activité de production, dès qu’elle a
réalisé des ventes et un bénéfice (break-even), elle nécessitera en principe un financement supplémentaire pour assurer la prochaine étape de son expansion (middle,
expansion ou development stage). Le besoin en capital sera déterminé par le type et le
rythme de cette expansion qui pourra être soit endogène, soit exogène. Une croissance endogène aura lieu, par exemple, par l’agrandissement des capacités de
production ou par l’expansion sur de nouveaux marchés ou de nouveaux produits. Une croissance exogène se concrétisera typiquement par la reprise de sociétés ou l’établissement de coopérations ou de joint-ventures.
3.
Turnaround
Le financement d’une restructuration ou d’un assainissement d’entreprises en
situation de crise (turnaround)37 sera souvent composé d’une combinaison de fonds
propres et de fonds étrangers. En plus, ce financement prévoira en principe un
accès différé au capital-actions de la société (mezzanine) pour profiter d’un éventuel potentiel d’accroissement de valeur de la société-cible tout en maintenant la
sécurité d’un investissement en fonds étrangers.
4.
Buy-out
Le terme « buy-out » est générique et couvre plusieurs types de changements de
propriétaires d’une entreprise. En pratique, deux situations typiques mènent à un
changement de propriétaire. Tout d’abord, un buy-out intervient lorsqu’un groupe
se sépare d’une division ou d’une activité commerciale notamment parce qu’elle
ne s’inscrit plus dans son faisceau principal d’activité (spin-off). La reprise en 2003
de l’activité « contrôle qualité textile » du groupe Zellweger Luwa par les fonds de
private equity CapVis et Quadriga sous le nom d’Uster Technologies ou la reprise
36
37
La plupart des géants informatiques (Microsoft, Oracle, Hewlett-Packard, Google, eBay,
etc.) ont été financés par du capital-risque.
Voir KRAFT.
93
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en 2004 de l’activité « technique du bâtiment » du groupe ABB par CapVis sous le
nom d’Etavis en sont des exemples typiques. Une autre situation typique est le
règlement de successions, notamment dans les entreprises à forte empreinte familiale. Comme exemples récents, on citera la reprise du manufacturier de meubles
DeSede ou de l’équipementier de bureaux Lista, tous deux par le fonds de private
equity CapVis en 2007. Dans les deux cas, il s’agit d’entreprises matures en mesure de générer un cash-flow positif et stable.
Le buy-out le plus répandu est la vente de la société à son management (management buy-out, MBO), à un management nouvellement entrant (management buyin, MBI) ou une forme mixte (BIMBO). Le plus souvent, le management ne reprend pas seul la société, mais investit aux côtés d’un fonds de private equity, qui,
selon la taille de la transaction, prendra une majorité dans le capital-actions de la
nouvelle société. Cela a été le cas dans les quatre transactions mentionnées cidessus. Le plus souvent ces transactions sont financées au moyen d’un crédit
d’acquisition mis à disposition par un consortium bancaire ce qui permet aux
acheteurs de profiter d’un effet de levier (leveraged buy-out).
G.
Prise de participation limitée dans le temps
L’investissement d’un fonds de private equity est limité dans le temps38. Les fonds
mis à disposition des gérants du fonds de private equity le sont pour une durée
déterminée. Cela signifie que le fonds de private equity lui-même doit s’assurer de
pouvoir réaliser son investissement dans un délai donné de manière à être en
mesure de rembourser aux investisseurs le montant de leur investissement. Cela
implique que la décision d’investissement d’un fonds de private equity dépendra
non seulement de la qualité de la société-cible, mais également des possibilités
d’exit qui s’offrent à lui. L’horizon d’investissement est typiquement de 3 à 5 ans.
H.
Prise d’influence sur la stratégie de la société-cible
En principe, le fonds de private equity ne se borne pas à mettre à disposition de la
société-cible des fonds propres. Il s’engagera aussi activement dans la sociétécible, notamment par une présence dans le conseil d’administration. Cette prise
d’influence sera bien entendu variable et dépendra notamment de l’état de développement de la société-cible : une start-up ou une société en phase d’assainissement nécessitera sans doute une présence plus marquée qu’une société mature en
pleine phase d’expansion. Cette prise d’influence dans les organes de la sociétécible distingue aussi l’investisseur de private equity d’un hedge fund. Ce dernier se
contentera en général d’une participation réduite et tentera d’exercer une pression
38
94
Ceci a aussi été reconnu par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 4C.214/2003 du 21 novembre
2003.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
sur les organes de la société par shareholder activism visant ainsi un changement de
stratégie qui peut orienter – du moins à court terme – le cours boursier39.
I.
Dans le but de réaliser un exit avec un gain en capital
1.
L’investissement de private equity : le premier pas vers l’exit
Chaque fonds de private equity vise un exit couronné de succès, soit la possibilité
de réaliser son investissement après une certaine période par un gain en capital.
En effet, une idée commerciale originale, une équipe directoriale enthousiaste ou
un marché prometteur ne valent pas grand chose aux yeux d’un investisseur de
private equity s’il ne peut pas – après que l’entreprise a atteint son potentiel de
croissance ou de développement – liquider son investissement et réaliser ainsi la
plus-value latente dans sa participation à la société-cible. Dès lors, la décision
d’investissement d’un fonds de private equity dépendra toujours des perspectives
d’exit40. La nécessité d’un exit est une des caractéristiques qui distingue l’investisseur financier d’un investisseur stratégique ou industriel, lequel investit en général à long terme : un financement de private equity est toujours le premier pas en
direction de la vente de l’entreprise41.
En outre, la réalisation d’un investissement de private equity est moins aisée
que celui opéré dans une société cotée en bourse. En effet, l’investissement est en
principe illiquide, étant donné qu’il n’existe pas de marché organisé pour cet
investissement. Une stratégie d’exit, sa faisabilité et la volonté et la capacité des
fondateurs et/ou du management à la réaliser sont des éléments-clés de toute due
diligence conduite en amont d’un investissement de private equity. Afin de limiter le
risque de liquidité et de l’exit, un fonds de private equity ne procédera dès lors à un
investissement que s’il connaît le chemin de la sortie et s’il peut, le cas échéant,
forcer la société-cible et les autres actionnaires à prendre ce chemin.
39
40
41
En Suisse, le hedge fund suisse GoldenPeaks Capital s’est notamment illustré par une telle
stratégie dans Valora (2008) ou Ciba SC (2008). Les prises de participation du fonds anglais
Laxey dans Saurer (2006), Implenia (2007) ou Publigroupe (2008) étaient plus importantes.
Sur les hedge funds en général, voir la prise de position en allemand de la CFB (EBK Positionspapier Hedge-Fonds (2007) et la prise de position de la Swiss Private Equity & Corporate Finance Association (2007).
Selon les conditions du marché, celles-ci peuvent être plus ou moins favorables,
cf. « Verstopfte Abflussrohre bei Private Equity », NZZ, 15 février 2008, p. 29.
PEARCE/BARNES, p. 56 : « Upon investment, the VC firm’s mentality will switch focus from investment to exit. […] The choice where to seek and secure capital for his or her business is up to the entrepreneur. What’s important is to understand the nature of the choices available and the consequences that
will inevitably flow from any particular choice. »
95
Frank Gerhard
2.
Les critères économiques de l’exit
Un exit couronné de succès est vital pour le fonds de private equity. D’une part, il
aimerait honorer l’investissement fait par les souscripteurs auprès desquels il a
levé des fonds et leur payer le rendement promis ; d’autre part, seule la qualité de
sa réputation et de son rendement lui permettra de lever des fonds supplémentaires pour ses fonds futurs. Le succès d’un fonds de private equity se mesure selon les
money multiples ou l’internal rate of return (IRR) 42. Étant donné que l’IRR est fonction de la durée de l’investissement – plus le retour sur investissement est réalisé
tardivement, plus il diminue – la durée entre l’investissement et l’exit est déterminante. En principe, le rendement recherché par le fond de private equity ne pourra
pas être satisfait – comme lors du financement par fonds étrangers – par le paiement d’intérêts, étant donné que le fonds de private equity investit primordialement
dans le capital propre de la société-cible. En outre, il est rare que la société-cible
distribue un dividende : si la société est en phase de démarrage, elle réalisera bien
souvent des pertes ; si elle réalise des gains, ceux-ci seront souvent réinvestis dans
le développement et la croissance de l’entreprise. La seule manière de réaliser un
gain est dès lors la réalisation de l’investissement. En principe, la réalisation d’un
investissement de capital-risque se fait cinq à sept ans après l’investissement initial, alors que l’exit d’un investissement de capital-investissement (buy-out) se fait
plutôt après trois à cinq ans43.
3.
Les scénarios d’exit
Six scénarios d’exit sont envisageables en pratique :
- l’introduction en bourse (going public, initial public offering ou IPO),
- la cession de la société-cible à un tiers industriel (trade sale),
- la cession de la société-cible ou de la participation à un autre investisseur financier (secondary buy-out),
- le rachat de la participation du fonds de private equity par les autres actionnaires ou par la société-cible elle-même.
- la recapitalisation de la société-cible par effet de levier (leveraged recapitalization)
- la liquidation de la société-cible
42
43
96
Le money multiple est le facteur entre deux montants en capital. P.ex. (i) distributed over paid in
(DPI), c’est-à-dire le capital distribué comparé au capital investi, ou (ii) residual value to paid in
(RVPI), c’est-à-dire la valeur actuelle de l’investissement comparée au capital investi, ou (iii)
total value to paid in (TVPI), c’est-à-dire la valeur actuelle de l’investissement plus le capital
distribué jusqu’à présent comparés au capital investi. L’internal rate of return ou IRR signifie
« taux de rentabilité interne ». La principale différence entre les money multiples et l’IRR est
que le second prend en compte la durée pendant laquelle les fonds ont été investis. Plus la
distribution des fonds est tardive, plus l’IRR est bas.
Voir les auteurs cités par F RICK § 11 N 1170, n. 1535.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
Statistiquement, les scénarios d’exit se répartissent comme suit44 :
II.
Introduction en bourse (IPO)
A.
Notion, avantages, inconvénients
1.
Notion
L’introduction en bourse est la cotation et l’admission au négoce de valeurs mobilières sur un marché boursier45 des actions de la société-cible. Pour les besoins de
la présente contribution, nous envisageons la cotation au SIX Swiss Exchange à
Zurich. La cotation au segment principal est régie par le règlement de cotation du
24 janvier 199646, complété par les chapitres spéciaux pour la cotation sur les
segments secondaires.
Selon la provenance des actions, on distinguera entre la cotation et l’offre
d’actions nouvelles (primary offering) de celle des actions existantes, en l’occurrence celles des fonds de private equity (secondary offering)47. Si seules des actions
44
45
46
47
Statistiques 2006-2007 : Exits en Europe. Source : SCM Strategic Capital Management,
Private Equity International, octobre 2008.
HODEL, p. 106 ss ; ZOBL/KRAMER § 3 N 197 s.
Le règlement de cotation a été entièrement révisé dans sa version entrée en vigueur le 1er
juillet 2009 ; voir M ORARD.
Sur la terminologie en général, voir la thèse de Z BINDEN.
97
Frank Gerhard
existantes sont placées, le produit de la vente reviendra aux actionnaires-vendeurs
uniquement ; si l’offre d’actions existantes est combinée avec l’émission par la
société d’actions nouvelles dans le cadre d’une augmentation de capital, les fonds
levés bénéficieront également à la société48.
Des exemples classiques de ce modèle sont les IPO à la SIX Swiss Exchange
de Dufry AG en décembre 2005, de Petroplus Holding AG en novembre 2006 et
de Uster Technologies AG en octobre 2007, qui ont permis aux fonds de private
equity Advent International, Carlyle et respectivement Alpha, de réaliser un exit
partiel.
2.
Avantages
Les avantages d’une IPO sont nombreux49. Tout d’abord, l’introduction en
bourse est souvent la voie d’exit préférée du management, étant donné qu’elle leur
permettra de reprendre ou d’accroître le contrôle sur la société50. En effet, d’une
part les droits de contrôle des fonds de private equity seront suspendus suite à la
résiliation de la convention d’actionnaires ; d’autre part, l’actionnariat s’atomisera
vu que les actions seront placées chez un grand nombre d’investisseurs de sorte
que le management gagnera en influence. Les actionnaires mécontents préfèreront vendre leurs actions au lieu de faire valoir leurs droits de contrôle restreints.
Ensuite, la mise en place de programmes d’intéressement pour les employés sera
facilitée et augmentera l’attractivité de la société pour les (futurs) employés51. Une
entrée en bourse augmentera aussi la réputation et la notoriété de la société vis-àvis de ses clients et fournisseurs52. La cotation facilitera également l’accès aux
outils de financement de la croissance par des émissions subséquentes53. En outre,
les investisseurs seront prêts à payer une prime, étant donné que le risque de liquidité et d’exit est supprimé avec la négociabilité des titres à la bourse54. Enfin, la
cotation permettra à la société d’utiliser plus facilement ses propres actions pour
financer des acquisitions55.
3.
Inconvénients
Une introduction en bourse est une procédure lourde et coûteuse, qui dure environ 6 mois et obère considérablement le management dans la gestion courante.
48
49
50
51
52
53
54
55
98
Sur les structures d’IPO, voir HODEL, p. 110 s ; M ÖHRLE, p. 17 ss ; STAEHELIN, p. 159 ss ;
WATTER/REUTTER, p. 1 ss.
FRICK § 11 N 1176 ss.
FRICK § 11 N 1179 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1259.
HUBER, p. 39 ss ; KUNZ, p. 126 ; MÖHRLE, p. 20 ; WATTER/REUTTER, p. 16.
Ibid. On parle parfois aussi de reputational bonding vu que la cotation implique le respect
d’une réglementation exigeante tant au niveau de la cotation que des obligations subséquentes à la cotation, notamment les obligations de transparence et de publicité régulières ; voir
MÖHRLE, p. 21 s.
WATTER/REUTTER, p. 16.
F RICK § 11 N 1180.
MÖHRLE, p. 21 ; WATTER/REUTTER, p. 2.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
Les coûts sont non seulement directs, notamment les honoraires et commissions
des conseils impliqués dans la transaction, mais également indirects, sous la forme d’un underpricing, c’est-à-dire la vente des actions à un prix fixé sous le prix du
marché afin d’assurer une demande pour le titre également après sa cotation56.
Après la cotation, des obligations lourdes s’ajouteront aux autres obligations de la
direction (publicité ordinaire et récurrente57, publicité événementielle58, publicité
des participations59, publicité des transactions du conseil d’administration et du
management 60, interdiction des opérations d’initiés61 restreignant la vente d’actions supplémentaires par les fonds de private equity, publicité des rémunérations
du conseil d’administration et du management62, corporate governance63, etc.).
En outre, pour le fonds de private equity, un exit par la bourse ne sera le plus
souvent qu’un exit partiel. En effet, il ne pourra en général vendre l’ensemble de
ses actions qu’après une certaine période de lock-up64. Enfin, le fonds de private
equity pourra, le cas échéant, voir engagée sa responsabilité au titre du prospectus
pendant 10 ans après l’entrée en bourse65.
B.
Droit du fonds de private equity à une introduction en bourse ?
1.
En général
Pour le fonds de private equity, l’idéal serait de pouvoir disposer du droit de décider seul de la cotation des actions de la société-cible. Or, la cotation des actions
en bourse est de la compétence de la société, et non de l’actionnaire lui-même. À
moins que le fonds de private equity ne dispose de la majorité des voix au sein de
l’assemblée générale et au sein du conseil d’administration de la société, ce qui
sera souvent le cas dans une situation de buy-out, il ne pourra pas forcer la cotation des actions. Dès lors, le fonds de private equity aura un intérêt à obtenir un
droit contractuel à une telle cotation. Cependant un tel droit – même s’il est légalement envisageable – présentera des difficultés pratiques considérables. En effet,
la procédure de cotation nécessite une participation active du management (préparation du prospectus de cotation, conduite d’un roadshow auprès d’investisseurs
56
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63
64
65
FRICK § 11 N 1181 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1254.
Art. 49 ss RC.
Art. 53 et 54 RC.
Art. 20 LBVM.
Art. 56 RC.
Art. 161 CP.
Art. 663b bis CO.
Art. 49 al. 2 RC et Directive concernant les informations relatives à la Corporate Governance du 17 mars 2002, entrée en vigueur le 1er juillet 2002 qui va être adaptée suite à
l’entrée en vigueur du nouveau RC.
Voir infra, II.G. Il existe certaines exceptions à ce principe, p.ex., lors de l’IPO de Burckhardt
Compression en 2006, le fonds de private equity Zurmont Madison a vendu l’ensemble de ses
actions au premier jour de cotation.
Voir infra, II.I.1.
99
Frank Gerhard
potentiels, etc.). Il en résulte qu’un droit à la cotation accordé à un actionnaire
(minoritaire) améliorera sa position dans une éventuelle négociation en vue d’une
IPO ou d’une procédure d’exit alternative66.
En pratique, le bénéficiaire d’un tel droit cherchera à le lier à des sanctions
plus incisives que la réparation du dommage ou le droit à l’exécution forcée. Par
exemple, le fonds de private equity cherchera à intéresser le management par un
ratchet, respectivement des warrants, qui offre au management (i) la possibilité de
profiter d’un exit de manière « sur-proportionnelle » par une redistribution/ émission effective ou fictive d’actions lors d’un exit avant une certaine date butoir, (ii)
une redistribution/émission calculée par référence à un rendement sur investissement réalisé par le fonds de private equity ou (iii) la possibilité de rendre le ratchet/les warrants moins attrayants si l’exit n’a pas été réalisé jusqu’à la date butoir.
En outre, il peut prévoir une option put obligeant le management et/ou la société
à racheter les parts du fonds de private equity si l’exit n’a pas été réalisé jusqu’à la
date butoir. Enfin, il peut prévoir une option call permettant au fonds de private
equity de racheter les parts du management si l’exit n’a pas été réalisé jusqu’à une
date butoir.
2.
Droit à l’égard de la société
Si le fonds de private equity dispose d’un droit de cotation à l’égard de la société, il
convient d’examiner qui est compétent pour décider de l’introduction en bourse.
Le droit de la société anonyme n’attribue pas expressément la compétence de
décider d’une entrée en bourse au conseil d’administration ou à l’assemblée générale. La doctrine admet que la décision de cotation ne fait pas partie des décisions
intransmissibles et inaliénables de l’art. 716a al. 1 CO ni des décisions de
l’assemblée générale selon l’art. 698 al. 2 CO67. La doctrine admet aussi la possibilité pour le conseil d’administration de transférer cette compétence à
l’assemblée générale – ce qui a priori ne semble pas légalement possible en raison
du principe de parité de l’assemblée générale et du conseil d’administration –,
notamment lorsque des actions nouvelles doivent être créées en vue de l’entrée en
bourse68. Si les statuts de la société attribuent cette compétence à l’assemblée
générale, la société elle-même ne pourra pas se lier contractuellement ou porter
préjudice à la formation de sa volonté au sein de l’assemblée générale69. Un tel
engagement contractuel de la société, conclu par le conseil d’administration ou
une autre personne pouvant engager la société, serait nul70. Si la compétence de
décider de la cotation des actions est attribuée au conseil d’administration selon
66
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68
69
70
100
FRICK § 11 N 1185 ; GRONER, Private, p. 354.
FRICK § 11 N 1188, KUNZ, p. 128 ; M ÖHRLE, p. 201.
FRICK § 11 N 1190 ; GRONER, Private, p. 355 ; KUNZ, p. 128 ; M ÖHRLE, p. 201 (la dernière
en ce qui concerne la situation symétrique de la décote).
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 579 ; FRICK § 11 N 1194.
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 7 N 228 ; FRICK § 11 N 1194.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
l’art. 716 al. 1 CO, un tel engagement sera valable71. Si un fonds de private equity
fait valoir son droit à la cotation, alors les actions de même catégorie des autres
actionnaires devront également être cotées (art. 18 RC).
3.
Droit à l’égard des autres actionnaires
Le droit à la cotation d’un fonds de private equity peut également être conféré à
l’égard des autres actionnaires. Ceci signifie que les autres actionnaires doivent
prendre toutes les mesures nécessaires afin de permettre la cotation des actions, à
savoir que le conseil d’administration ou l’assemblée générale, le cas échéant,
décide en conséquence. Un tel accord sur l’exercice du droit de vote est valable72.
C.
Exclusion du droit de souscription préférentiel du fonds de private
equity
Les actions offertes au public sont le plus souvent, d’une part, des actions existantes, notamment celles des fonds de private equity, voire celles des fondateurs et/ou
du management73, et, d’autre part, des actions nouvelles créées à l’occasion d’une
augmentation de capital. La société veillera à obtenir une renonciation des actionnaires existants à exercer leur droit préférentiel de souscription – l’exercice
d’un tel droit diminuerait la tranche réservée au public et la rendrait incertaine.
En outre, le prix de souscription n’est pas encore connu au moment de l’offre au
public et un négoce des droits préférentiels de souscription ne sera pas non plus
organisé, de sorte que les actionnaires existants seraient obligés de renoncer à leur
droit sans connaître le prix de souscription et sans pouvoir vendre leur droit de
souscription. En pratique, il sera cependant difficile d’obtenir cette renonciation
par chacun des actionnaires ; dès lors se pose la question de savoir si la société
peut supprimer ce droit pour les besoins du placement des actions dans le public.
L’art. 652b al. 2 CO subordonne la suppression du droit préférentiel de souscription à l’existence de justes motifs et mentionne dans la foulée comme justes motifs l’acquisition d’une entreprise, ou de parties d’entreprise ou de participations à
une entreprise ainsi que la participation des travailleurs. L’introduction en bourse,
respectivement la cotation d’actions, ne sont pas expressément mentionnées dans
la loi. Il est largement admis par la doctrine que la suppression du droit de souscription préférentiel est admise sur le fond74 si (i) la suppression est justifiée par un
intérêt objectif de la société, (ii) tous les actionnaires sont traités de manière égale
71
72
73
74
FRICK § 11 N 1195.
FRICK § 11 N 1196.
Il est cependant plus rare que le management puisse vendre une partie de ses actions dans
l’IPO, ce qui pourrait constituer un message négatif pour le marché. Cela arrive cependant
occasionnellement (voir l’IPO de Uster Technologies AG en 2008).
Sur la forme, la suppression du droit de souscription préférentiel nécessite une décision de
l’assemblée générale recueillant au moins les deux tiers des voix attribuées aux actions représentées et la majorité absolue des valeurs nominales représentées (art. 704 al. 1 ch. 6 CO).
101
Frank Gerhard
et (iii) la suppression ne viole pas le principe de la proportionnalité (schonende
Rechtsausübung)75. L’entrée en bourse permet à la société de lever des fonds supplémentaires aux conditions de marché (grâce au bookbuilding) et lui donnera
accès au marché des capitaux tout en protégeant mieux les intérêts des actionnaires minoritaires (par exemple en rendant le titre liquide et par l’introduction de
l’obligation de lancer une offre si un actionnaire dépasse le seuil de 331/3 % des
actions76). Elle sera dès lors le plus souvent dans l’intérêt de la société, traitera
tous les actionnaires de manière égale et en principe ne désavantagera pas les
actionnaires minoritaires77. Dans un primary offering, ce sera donc le principe de la
proportionnalité qui attirera le plus l’attention : il ne serait pas acceptable de désavantager au-delà de ce qui est strictement nécessaire les actionnaires existants.
Ceci signifie qu’un actionnaire existant doit avoir une chance raisonnable de
souscrire des titres dans le cadre de l’IPO78 et l’underpricing doit se tenir dans un
cadre raisonnable79. Si ces deux conditions sont remplies, la suppression du droit
de souscription préférentiel sera admissible80.
D.
Garanties et autres engagements du fonds de private equity
Afin de faciliter le placement des titres sur le marché, la société et le fonds de
private equity feront le plus souvent appel à une banque. La structure des rapports
contractuels entre la société, le fonds de private equity et la banque accompagnant
la transaction dépend de la répartition des risques entre ces trois acteurs. En termes simples, trois structures sont envisageables : commission de vente (best efforts
underwriting), commission de vente avec garantie de prix minimal (standby under-
75
76
77
78
79
80
102
Sur les conditions de la suppression du droit de souscription préférentiel, notamment en
rapport avec une IPO, voir BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 2 N 273 ; FORSTMOSER/
MEIER-HAYOZ/NOBEL § 39 N 95 ss ; GERHARD, Private (2008), p. 322 ; STAEHELIN,
p. 159 ss ; WATTER, p. 395 ss ; ZBINDEN, p. 39, ZINDEL/ISLER, BaK N 15 ad art. 652b CO.
Voir aussi ATF 121 III 219 = JdT 1996 I 162 (financement d’acquisitions et de participations
en tant que juste motif) et ATF 130 III 495 = JdT 2005 I 79 (fourniture des actions nécessaires au plan d’intéressement des actionnaires).
Art. 32 LBVM.
Voir seulement KUNZ, p. 130, n. 216 ; STAEHELIN, p. 159 ; Z BINDEN, p. 40.
Ceci ne serait p.ex. pas le cas si une part disproportionnée des nouvelles actions n’était pas
placée dans le public (y compris les actionnaires existants), mais auprès de friends & family ou
pris en nostro sur les comptes de la banque. Voir, sur le problème de l’allocation des titres,
BOHRER, p. 651 ss ; COCCA, p. 33 ; DAENIKER, Zuteilungsgrundsätze, p. 344. Décision de la
Commission fédérale des banques du 19 mars 2003 dans l’affaire Bank Vontobel AG, Bulletin CFB 45 (2003), p. 164 ss.
La conséquence d’un underpricing massif serait la dilution des actionnaires existants,
voir KUNZ, p. 130 ; ZBINDEN, p. 40. STAEHELIN, p. 160, accepte un discount de 5 à 10 % par
rapport au cours de bourse escompté.
KUNZ, p. 130 ; ZBINDEN, p. 40. Selon WATTER/REUTTER, p. 9, la pratique suisse en la
matière est libérale. Le dernier IPO avec placement de titres annoncé à la date de cet article
(Edisun Power Europe AG en septembre 2008) respectait le droit préférentiel de souscription
des actionnaires existants.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
writing) et prise ferme par la banque (firm underwriting) assortie cependant d’un
risque limité étant donné que le prix de souscription est en principe la valeur
nominale et la durée de la prise ferme est de 24 heures, grâce à la procédure du
bookbuilding81. En cas de secondary offering, le fonds de private equity sera partie au
contrat passé entre la société et la banque ; en cas de primary offering seulement, le
fonds de private equity ne sera en principe pas partie au contrat.
Si le fonds de private equity vend des actions, il ne donnera en principe pas de
garanties sur la situation économique et financière de la société et les limitera aux
titres offerts, notamment le fait que (i) il est propriétaire des actions et que les
actions ne sont pas grevées de droits de tiers, (ii) les actions donnent plein droit au
dividende et sont librement transmissibles, ainsi que le fait que (iii) la vente des
actions a été dûment autorisée et qu’il n’a besoin d’aucune autorisation d’une
quelconque autorité pour procéder à la vente. En outre, en vue de limiter son
risque, notamment celui de nuire à sa réputation, la banque exigera du fonds de
private equity une garantie selon laquelle ce dernier n’a pas connaissance de faits
qui, s’ils existaient, rendraient le prospectus d’émission faux, incomplet ou trompeur.
Outre les déclarations et garanties mentionnées ci-avant, le fonds de private
equity prend en règle générale d’autres engagements supplémentaires. Par exemple, il s’engagera à faire toutes les communications légales requises, à respecter les
restrictions de vente de papier-valeurs imposées par certaines juridictions étrangères (selling restrictions), à ne pas offrir lui-même les actions au public, à ne pas
conduire des opérations de stabilisation de cours et, s’il dispose encore d’autres
actions de la société, à ne pas les vendre ou les offrir à la vente durant un laps de
temps déterminé (lock-up). Ces dispositions sont complétées par une indemnité en
faveur de la banque au cas où les garanties ne devaient pas s’avérer exactes ou au
cas où le vendeur n’aurait pas exécuté correctement les engagements pris.
E.
Fixation du prix par le fonds de private equity ?
La procédure de bookbuilding82 est aujourd’hui prédominante lors de placements
d’actions en rapport avec une entrée en bourse83. De manière générale, le bookbuilding est une procédure de fixation du prix sous forme de constitution d’un
livre d’ordres (order book) auprès d’investisseurs institutionnels, dont le but est
d’optimiser le prix en fonction de la demande dans les titres offerts. Le prix auquel les actions seront vendues est fixé non pas au début, mais à la fin de la pé-
81
82
83
Sur l’underwriting agreement en général, voir DAENIKER, Underwriting, p. 159 ss ; REUTTER,
p. 44 ss ; WATTER, p. 395 ss.
Sur le bookbuilding en général, voir DAENIKER, Underwriting, p. 164-167 ; STOLZ, p. 1 ss ;
ZOBL/KRAMER N 1088.
Jusqu’en 2001, le bookbuilding était également une procédure privilégiée lors d’augmentations
de capital de sociétés cotées ; il est aujourd’hui quelque peu passé de mode avec la volatilité
croissante des marchés.
103
Frank Gerhard
riode de souscription qui dure usuellement de 6 à 10 jours de bourse. En effet, au
début de cette période, seule une fourchette de prix (price range) est fixée par la
banque en charge du placement et la société. Dans le cas d’une entrée en bourse,
cette fourchette se fonde sur une valorisation de la société et sur les indications
communiquées par certains investisseurs institutionnels consultés lors de la phase
de pre-marketing. Le prix d’émission définitif, fixé au moment de l’allocation des
titres à la fin de la période de souscription, tiendra compte des souscriptions fermes reçues de la part des investisseurs privés et des simples déclarations d’intérêt
(indication of interests) fournies par les investisseurs institutionnels. En règle générale, l’allocation des titres n’intervient pas au prix le plus élevé possible, mais à un
prix permettant encore de procéder à une réduction des souscriptions reçues.
Cette pratique, qui peut conduire à un certain underpricing, vise à générer un appétit pour les titres offerts dans le marché secondaire, qui commence avec le premier
jour de négoce.
Si le fonds de private equity ne contrôle pas la majorité du conseil d’administration de la société, il devra s’assurer dans la convention d’actionnaires que la
décision de fixation de prix d’émission dans l’IPO fasse partie des décisions qui
nécessitent l’accord du/des représentant(s) du fonds de private equity au sein du
conseil d’administration de la société.
F.
Option de sur-allocation et prêt d’actions (securities lending) par le
fonds de private equity
En principe, le syndicat bancaire se verra attribuer, soit par certains actionnaires
existants, soit par la société elle-même, le droit d’acquérir des actions supplémentaires au prix de placement initial afin de couvrir les sur-allocations ou pour
stabiliser le cours de l’action immédiatement après l’IPO. Cette option de surallocation ou greenshoe option84 fonctionne de la manière suivante :
Lors de l’allocation – au moment de la fixation du prix à l’issue de la procédure de bookbuilding – un certain nombre d’actions sont prises à titre ferme par les
banques (firm shares). En sus de ce nombre, les banques ont le droit d’acquérir un
nombre supplémentaire d’actions par l’exercice de l’option de sur-allocation. En
général, ce nombre varie entre 10 % et 15 % des actions prises à titre ferme. Lors
de l’allocation, toutes les actions, à savoir les actions prises à titre ferme et les
actions sur lesquelles les banques disposent d’une option d’achat, sont allouées.
Les banques alloueront donc plus d’actions qu’elles n’en ont effectivement pris à
titre ferme. On parle de positions à découvert (short positions) des banques.
84
104
Voir HUBER, p. 67 ; en ce sens, la problématique de la suppression du droit de souscription
préférentiel n’est pas seulement une question qui se pose dans le primary offering, mais aussi
en rapport avec le greenshoe d’un secondary offering : WATTER/REUTTER, p. 11 ss. En général,
voir MARTI, p. 357 ss.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
Si le cours de bourse se développe favorablement après le premier jour de négoce, les banques exerceront l’option de sur-allocation afin de couvrir cette position à découvert. Si le cours de bourse ne se développe pas favorablement, les
banques effectueront des achats de stabilisation sur le marché secondaire. Ces
opérations de stabilisation doivent être expressément prévues dans le prospectus
de cotation et sont limitées à une période de 30 jours après le premier jour de
négoce. Les titres rachetés sur le marché permettront de couvrir les positions à
découvert des banques et auront un effet stabilisateur sur le cours de bourse. Dans
ce cas-là, l’option de sur-allocation ne sera pas exercée.
Afin de couvrir le besoin en actions supplémentaires lors de l’allocation, les
banques concluent, le plus souvent avec certains actionnaires, un contrat de prêt
d’actions (securities lending agreement) sur une durée d’environ 40 jours. Les banques attribueront ces actions empruntées et remettront au prêteur à l’issue du prêt
soit les actions reçues de la société (typiquement nouvellement émises à partir du
capital autorisé), soit celles rachetées sur le marché secondaire dans le cadre des
opérations de stabilisation, soit celles de l’actionnaire ayant octroyé l’option de
sur-allocation. Dans ce dernier cas, il y aura souvent identité des parties et
l’obligation de retourner les actions sera compensée par l’exercice de l’option de
sur-allocation.
G.
Interdiction d’aliénation à charge du fonds de private equity
1.
Principe
Comme nous l’avons mentionné plus haut85, un des inconvénients de l’IPO pour
le fonds de private equity est de ne pas pouvoir disposer de l’ensemble de ses actions immédiatement après la cotation des actions86. En effet, il sera en principe
lié par une interdiction de cession limitée dans le temps (lock-up). Une telle obligation de lock-up (typiquement de 6 mois) est déterminante pour le développement
du cours de l’action, étant donné qu’elle permet d’assurer qu’aucun titre supplémentaire ne viendra inonder le marché (ce qui pourrait générer un excès d’offre
pour le titre en question) et témoigne de la confiance du vendeur dans le titre
vendu87.
Lors d’une cotation à la SIX Swiss Exchange, l’interdiction d’aliénation est en
principe agréée contractuellement à l’égard du chef de file ou du syndicat de banques accompagnant l’émission. Pour les jeunes entreprises qui ne peuvent se
prévaloir d’avoir publié des comptes pendant trois ans, l’Instance d’admission de
la SIX Swiss Exchange peut exiger des obligations de transparence plus strictes et
85
86
87
Voir supra, II.I.3.
DAENIKER, Underwriting, p. 191 ; FRICK § 11 N 1198 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1256 ;
WATTER/REUTTER, p. 26.
DAENIKER, Underwriting, p. 191.
105
Frank Gerhard
certaines interdictions d’aliénation88 : lors du dépôt de sa requête d’admission,
une jeune entreprise doit apporter la preuve que les personnes suivantes se sont
engagées à ne pas aliéner leurs droits de participation avant le délai spécifié cidessous à partir de la date de la première cotation89 :
- l’émetteur lui-même, pour une période de 6 mois ;
- les membres du conseil d’administration et de la direction générale, pour
une période de 12 mois ;
- les actionnaires disposant, juste avant la date de placement des droits de participation, de plus de 2 % du capital émis ou de l’ensemble des droits de vote, pour une période de 12 mois.
2.
Actes assimilés à l’aliénation et exceptions
En principe, sont assimilées à l’aliénation la communication d’une intention de
vente ainsi que toutes les mesures équivalant directement ou indirectement à une
vente d’un point de vue économique90. Font notamment partie des transactions
non admises : la vente, toute forme d’offre de vente, l’expression d’intentions de
vente, les opérations à terme (y compris les ventes à découvert), l’allocation de
droits de conversion et d’acquisition (options call), l’acquisition d’options put, la
conclusion de contrats de swap et de contrats d’échange ainsi que les cessions à
titre de sûreté. L’émission, par l’émetteur, de droits de participation ainsi que
l’émission de droits d’acquisition, de conversion ou d’échange permettant la souscription de nouveaux droits de participation (par exemple issus d’un capital
conditionnel) sont également considérées comme des transactions non admises.
Demeurent réservées (i) l’émission d’actions sur la base de droits d’acquisition, de
conversion ou d’échange préexistants et (ii) l’émission d’actions et de droits
d’acquisition, de conversion ou d’échange sur la base de programmes de participation destinés aux collaborateurs.
En contrepartie, sont typiquement admissibles :
- l’aliénation dans le cadre d’un litige en matière de régime matrimonial ;
- la donation aux membres de la proche famille (limitée aux descendants directs, conjoints et partenaires enregistrés, parents, frères et sœurs, neveux et
nièces, petits-neveux et petites-nièces).
88
89
90
106
Art. 11 al. 3 RC, Directive concernant les dérogations à la durée d’existence des entreprises
émettrices (track record) et Directive concernant les interdictions d’aliénation (lock-up agreement), toutes deux entrées en vigueur le 1er avril 2004 qui vont être adaptées suite à l’entrée
en vigueur du nouveau RC.
Directive concernant les dérogations à la durée d’existence des entreprises émettrices (track
record), ch. 24.
Directive concernant les interdictions d’aliénation (lock-up agreement), ch. 21-23.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
- l’apport dans une société holding privée dont le cercle des actionnaires est
limité à l’ancien actionnaire lui-même ainsi qu’aux membres de sa proche
famille ;
- l’apport dans un trust ou une fondation dont les bénéficiaires sont l’ancien
actionnaire lui-même ou des membres de sa proche famille ;
- l’aliénation dans le cadre d’une exécution forcée ;
- le transfert, interne à un groupe d’entreprises, de droits de participation,
pour autant que ce transfert n’affecte en rien les rapports de contrôle de
l’entreprise ;
- l’émission d’actions ou d’options liée à des programmes de participation
destinés aux collaborateurs et rendus publics dans le prospectus de cotation.
3.
Obligation d’annonce selon la LBVM
Il est important de noter que les actionnaires qui ont conclu un lock-up dans le
cadre d’une IPO constituent un groupe selon l’art. 20 al. 3 LBVM. L’Instance de
publicité des participations (IPP) de la SIX Swiss Exchange a établi une pratique
particulière à cet effet, prévoyant notamment toute une série d’exceptions par
rapport aux conséquences légales de la qualification de groupe au sens de la
LBVM91.
H.
Prise en charge des coûts du fonds de private equity par la société-cible
Il est courant en pratique que la société-cible prenne en charge certains coûts du
fonds de private equity liés à la préparation du prospectus et aux activités de marketing (road shows). Cet engagement peut violer certaines normes de droit impératif, surtout lorsque seul un secondary offering est prévu, c’est-à-dire que les produits
de l’IPO profitent uniquement aux actionnaires-vendeurs92.
1.
Art. 718a CO
Tout d’abord, la prise en charge de ces coûts par la société-cible peut constituer
un dépassement du pouvoir de représentation de ses organes, ce qui peut conduire
à la responsabilité de l’organe, voire à la nullité de l’acte en question. L’art. 718a
CO prévoit que les personnes autorisées à représenter la société ont le droit
d’accomplir au nom de celle-ci tous les actes que peut impliquer le but social. La
question principale lors de l’analyse de la conformité d’un acte avec le but social
est de savoir si les organes pouvaient, de bonne foi, se considérer autorisés à agir
91
92
La pratique est décrite dans STADELMAN/WIDMER, p. 153 ss et codifiée nouvellement dans
une communication de l’IPP du 7 avril 2009.
Voir, en général, KUNZ, p. 130 ; WATTER/REUTTER, p. 13 ss ; WATTER, p. 387 ss. Sur la
problématique similaire des garanties données par la société dans le cas du block-trade, voir
GERHARD, Le block-trade, p. 261 ss.
107
Frank Gerhard
de la sorte93. La réponse doit être positive lorsque, au vu des circonstances concrètes, l’affaire est d’une certaine utilité pour la société. Si ceci n’est pas le cas – par
exemple parce que l’affaire en question profite exclusivement à un actionnaire
sans apporter d’avantages à la société – il faudra examiner en plus si le tiers peut
néanmoins se fier de bonne foi au pouvoir de représentation de l’organe en question qui lui permet en fait de conclure toutes les affaires qui ne sont pas directement exclues du but social94. Si le contrat est clairement contraire aux intérêts de
la société et si le tiers, en l’occurrence la banque, pouvait ou aurait dû le savoir, le
contrat en question pourra demeurer sans effet pour la société95. En revanche, si la
société a un intérêt direct ou même indirect à prendre en charge ces coûts, le
contrat pourra déployer ses effets. Un tel intérêt peut être présumé, par exemple,
si la société reçoit une rémunération de la part du vendeur. La société peut aussi
arguer qu’elle tire un avantage de l’entrée en bourse, comme expliqué ci-après.
2.
Art. 678 CO
Vu que le fonds de private equity profite directement du placement de ses actions, il convient ensuite d’examiner si la prise en charge de ces coûts par la société-cible ne constitue pas non plus un cas d’application de l’art. 678 CO, lequel
interdit à la société de fournir des prestations injustifiées à des personnes proches,
notamment aux actionnaires. Ces prestations peuvent être fournies soit de manière ouverte et formellement déclarée comme distribution de bénéfices (art. 678
al. 1 CO), ce qui ne sera manifestement pas le cas de la prise en charge par la
société des coûts du secondary offering, soit de manière dissimulée, parce qu’elles
sont fournies en disproportion évidente avec leur contre-prestation et la situation
économique de la société (art. 678 al. 2 CO). L’exigence de la disproportion avec
la situation économique de la société est généralement rejetée par la doctrine au
motif qu’elle est inadéquate96. En revanche, la doctrine exige en plus la mauvaise
foi du destinataire de la prestation comme condition de l’obligation de restitution97. Une partie de la doctrine présume cette mauvaise foi lors d’une disproportion évidente entre les prestations98.
Ainsi se pose, tout comme lors de l’application de l’art. 718a CO, la question
de savoir si le placement des actions par le fonds de private equity présente pour la
société un intérêt qui soit dans une proportion adéquate avec les coûts encourus,
ceci bien que la société elle-même ne reçoive pas de contre-prestation pour le pla93
94
95
96
97
98
108
ATF 126 III 361, spéc. 363 s.
ATF 116 II 323 et 126 III 361 c. 2a (considérant non publié). Voir aussi BÖCKLI, Schweizer
Aktienrecht § 13 N 497 ss ; WATTER, BaK N 4 ad art. 718a CO.
WATTER, BaK N 11 ad art. 718a CO.
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 555 ; KURER, BaK N 16 ad art. 678 CO. Le projet du
nouveau droit de la société anonyme du 21 décembre 2007 (FF 2008, p.1407), ne parle plus
de « situation économique », mais de « résultats » de la société (cf. art. 678 al. 2 Projet).
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 554 ; KURER, BaK N 18 ad art. 678 CO.
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 554 ; WATTER/REUTTER, p. 15. Le nouveau projet
du droit de la société supprime l’exigence de la mauvaise foi (cf. art. 678 al. 1 Projet).
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
cement de ces actions. En ce qui concerne les avantages pour la société, il est
aisément démontrable que la société elle-même profite de l’entrée en bourse, celleci lui permettant d’étendre ses possibilités de financement, de disposer d’une
monnaie d’acquisition sous la forme d’actions, de mettre sur pied un programme
d’intéressement pour ses employés, de profiter d’une publicité accrue, etc. Dès
lors, la doctrine admet que, lorsque le placement d’actions existantes est accompagné d’une entrée en bourse, la société peut prendre en charge certains coûts
(coûts engagés pour la préparation du prospectus, pour la cotation elle-même et
les frais généraux de publicité (road shows) et coûts de conseillers externes) ainsi
que donner des garanties en faveur des banques99. En revanche, la commission de
placement des banques et le droit de timbre de négociation perçus sur la vente des
actions existantes doivent être payés par le vendeur100 .
3.
Art. 717 CO
Enfin, la prise en charge de ces coûts en faveur de certains actionnaires peut
aussi violer le principe de l’égalité de traitement des actionnaires prévu par
l’art. 717 al. 2 CO. Cependant, en matière d’avantages pécuniaires accordés à
certains actionnaires, une inégalité est autorisée lorsqu’elle est raisonnable dans
son ampleur et qu’elle est justifiée par l’intérêt social101 . Si, par exemple, la prise
en charge des coûts par la société a été agréée lors de la prise de participation par
le fonds de private equity, la prise en charge des coûts futurs est une contreprestation faite en échange de l’investissement ; en l’absence d’une telle prise en
charge, l’investisseur aurait, par exemple, demandé plus d’actions en échange du
montant investi102 .
I.
Responsabilité du fonds de private equity
1.
Responsabilité pour le prospectus d’émission
Selon l’art. 752 CO, ceux qui, lors de la fondation d’une société ou d’une émission d’actions, d’obligations ou d’autres titres, ont inséré, intentionnellement ou
par négligence, dans le prospectus d’émission ou dans des documents analogues,
des informations inexactes, trompeuses ou non conformes aux exigences légales,
les ont diffusées ou ont participé à ces actes, répondent envers les acquéreurs des
titres du dommage qu’ils ont causé.
La question pertinente en rapport avec l’exit d’un fonds de private equity est de
savoir si le fonds de private equity a la qualité pour défendre. En règle générale, la
99
100
101
102
GERHARD, Le block-trade, p. 261 s ; HUBER/HODEL/STAUB GIEROW, art. 28 KR N 13 ;
WATTER/REUTTER, p. 16.
GERHARD, Le block-trade, p. 261 s ; HUBER/HODEL/STAUB GIEROW, art. 28 KR N 13 ;
WATTER/REUTTER, p. 16.
HUGUENIN, p. 201 ss ; WATTER/REUTTER, p. 211.
GRONER, Private, p. 359.
109
Frank Gerhard
préparation du prospectus est l’œuvre de la société, aidée de ses conseils (banques, avocats, organes de révision). La distribution du prospectus est ensuite le
fait de la société, mais surtout des banques du syndicat. En raison de l’exigence
du lien de causalité, cette participation doit être substantielle103 . L’élément déterminant sera de savoir dans quelle mesure le fonds de private equity vendeur aura
été à même d’influencer le contenu du prospectus, c’est-à-dire dans quelle mesure
les déclarations dans le prospectus lui sont imputables. Selon les circonstances, il
conviendra également d’examiner si le fonds de private equity domine le conseil
d’administration, s’il exerce des fonctions d’organe de fait ou s’il a même concrètement participé à la préparation du prospectus. Sur cette base, et en supposant
que le fonds de private equity ne participe ni à la préparation, ni à la diffusion du
prospectus d’émission, on peut raisonnablement exclure toute responsabilité du
fonds de private equity pour le prospectus d’émission.
2.
Responsabilité sur la base du contrat de prise ferme
La banque exigera de la société et, si possible, du fonds de private equity vendeur,
au cas où elle devrait répondre envers des tiers pour le contenu du prospectus en
ce qui concerne les informations relatives au fonds de private equity, qu’ils la libèrent de toute responsabilité à cet égard, respectivement qu’ils l’indemnisent pour
tout dommage encouru en rapport avec une telle responsabilité. Or, en transférant
à un tiers (en l’occurrence à la société et, le cas échéant, au fonds de private equity)
le risque d’une responsabilité du fait du prospectus, la banque exclut – dans le
rapport interne – une responsabilité qui – dans le rapport externe – ne peut en soi
pas être exclue. En effet, dans le rapport externe, tous ceux qui ont participé à la
préparation d’un prospectus contenant des informations inexactes, trompeuses ou
non conformes aux exigences légales répondent envers les acquéreurs des titres du
dommage qu’ils leur ont causé (art. 752 CO). La banque fait sans conteste partie
de ces personnes. Cette réglementation ne s’applique cependant qu’aux rapports
externes. Dans les rapports internes, les parties sont libres de procéder dans le
respect de la liberté contractuelle. Une telle exonération de la responsabilité de la
banque est cependant limitée. En effet, tout d’abord selon l’art. 100 al. 1 CO toute
stipulation tendant à libérer d’avance le débiteur de la responsabilité qu’il encourrait en cas de dol ou de faute grave est nulle ; cela pourrait, par exemple, être le
cas si la banque était au courant d’une fausse information ou d’une omission dans
le prospectus et qu’elle n’était pas intervenue. Ensuite, même si seule l’exclusion
de la responsabilité pour faute légère ou négligence peut être convenue, le juge
pourra cependant, en vertu de son pouvoir d’appréciation, tenir pour nulle une
telle clause lorsque la responsabilité résulte de l’exercice d’une industrie concédée
par l’autorité (art. 100 al. 2 CO). Le Tribunal fédéral a indiqué que l’exploitation
d’une banque doit être assimilée à l’exercice d’une telle industrie concédée par
l’autorité et que dès lors une banque ne saurait même pas se libérer d’avance de sa
103
110
APPENZELLER/WALLER, p. 265 ; DAENIKER/WALLER, p. 65 et les auteurs mentionnés à la
n. 44 ; WATTER, BaK N 10 ad art. 752 CO.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
responsabilité pour faute légère104 . La banque pourra cependant, également dans
les rapports internes avec le fonds de private equity, apporter la preuve de l’absence
de faute – même légère – de sa part en se faisant confirmer auparavant par ses
propres conseils et les conseils de la société-cible et du fonds de private equity que
le prospectus ne contient pas d’informations inexactes, trompeuses ou non
conformes aux exigences légales105 . En effet, le Tribunal fédéral a jugé récemment, dans une affaire de responsabilité pour le prospectus d’émission en rapport
avec une obligation d’emprunt dans laquelle une banque était défenderesse, que
« s’il est vrai qu’elle [la banque] ne saurait se fier aveuglement aux affirmations du débiteur,
on ne saurait exiger d’elle, au moins en l’absence d’indices alarmants, des investigations
disproportionnées. La doctrine admet que la banque peut en principe se fier aux indications
fournies par les avocats du débiteur et par son organe de révision »106 . La responsabilité du
fait du prospectus est donc une responsabilité pour faute, et non pas une responsabilité causale. La faute n’est pas non plus présumée ; elle doit être démontrée
par le demandeur107 et le défendeur peut s’exculper en démontrant qu’il n’a pas
violé son obligation de diligence en participant à la préparation du prospectus108 .
Dans ce cas, l’absence de négligence signifie que la faute est inexistante et que la
responsabilité fait défaut109 .
3.
Responsabilité des administrateurs représentant le fonds de private equity
Le conseil d’administration est responsable de la stratégie, de la haute direction,
de la surveillance et du contrôle de la société (art. 716a al. 1 CO). Afin d’atteindre
ces objectifs, il peut établir les instructions nécessaires, fixer l’organisation et
nommer les personnes chargées de la gestion. Le conseil d’administration ne doit
pas exécuter lui-même toutes les tâches, il peut les déléguer dans les limites de
l’art. 716a CO. La conduite d’une procédure d’introduction en bourse n’est pas, à
notre avis, une compétence inaliénable et intransmissible au sens de l’art. 716a
104
105
106
107
108
109
ATF 112 II 450 = JdT 1987 I 91. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a cependant qualifié la
relation entre une banque et un client privé ; la situation pourrait bien être différente si la
banque est en relation avec un client institutionnel sophistiqué.
Sur la due diligence defense, voir DAENIKER/WALLER, p. 55 ss et HARSCH, p. 89 s. Cette
confirmation est l’objet des legal opinions émises par les cabinets d’avocats accompagnant la
transaction (voir ISLER, p. 122 s ; PFENNINGER/GIGER, p. 1 ss) et de la comfort letter émise
par l’organe de révision de la société (voir AMREIN, p. 81 ss ; HERZOG/AMSTUTZ, p. 757 ss).
ATF 129 III 71, c. 2.6.
ATF 129 III 74 c. 2.4 ; voir commentaires par DAENIKER, Stellung, p. 368, et MAROLDA/
VON DER CRONE, p. 158 ss.
DAENIKER/WALLER, p. 66.
DAENIKER/WALLER, p. 66 ; FISCHER-APPELT/GINTER, p. 219. Même si l’institution de la
due diligence defense provient des États-Unis, elle a également ses bases dogmatiques en droit
suisse : celui qui applique la diligence requise par les circonstances n’agit pas négligemment ;
ainsi, la faute (et la responsabilité qui en est la conséquence) est éliminée (voir DAENIKER/
WALLER, p. 70 s, et ATF 129 III 71).
111
Frank Gerhard
CO : le conseil d’administration pourra la déléguer110 . Selon le droit suisse, les
membres du conseil d’administration ne doivent signer ni le prospectus
d’émission et de cotation, ni la déclaration de responsabilité exigée par le Règlement de cotation de la SIX111 . Une responsabilité directe pour le prospectus du
seul fait de la signature du prospectus de cotation peut donc être écartée. Une telle
responsabilité ne serait d’ailleurs pas déterminante. Il sied bien plutôt de considérer l’autonomie concrète de chaque membre du conseil d’administration dans la
participation à la préparation du prospectus. Le conseil d’administration n’est pas
responsable de manière collective ; dès lors, il convient de privilégier une approche individuelle112 . Dès lors, les membres du conseil d’administration qui ont
participé à l’élaboration du prospectus peuvent, de manière générale, être responsables pour le prospectus. La même conclusion vaut pour les membres du conseil
d’administration qui étaient au courant d’une erreur ou auraient dû l’être et n’ont
pas pris les mesures nécessaires pour corriger cette erreur. En revanche, les membres du conseil d’administration qui n’ont pas participé à la préparation du prospectus, mais seulement à la décision approuvant le prospectus ne peuvent se voir
imputer une responsabilité au titre du prospectus. Un tel administrateur pourra
valablement argumenter que la préparation du prospectus a été valablement déléguée, soit à un comité d’administrateurs, soit à un seul administrateur (délégué),
soit à la direction générale113 .
Il en résulte que, lorsqu’une compétence a été valablement déléguée, la responsabilité du conseil d’administration, en ce qui concerne l’activité déléguée,
peut être très substantiellement réduite. En effet, sa responsabilité ne pourra être
mise en jeu que si l’administrateur en question n’a pas usé de la diligence nécessaire lors du choix, de l’instruction et de la surveillance du récipiendaire de la
délégation (art. 752 al. 2 CO) 114 . Au contraire de la responsabilité pour la gestion,
une exculpation n’est pas expressément prévue dans le cadre de la responsabilité
du fait du prospectus. L’art. 754 al. 2 CO est cependant l’expression de l’idée que
l’on ne peut seulement être tenu responsable pour ses devoirs propres115 ; rien ne
110
111
112
113
114
115
112
FRICK § 11 N 1188 ; KUNZ, p. 128 s ; M ÖHRLE, p. 201 et références citées, qui estiment que
la décision d’entrer en bourse ne fait pas partie des décisions exclusivement réservées au
conseil d’administration selon l’art. 716a CO ; voir aussi APPENZELLER/WALLER, p. 266,
qui cependant réservent la compétence du conseil d’admi-nistration pour prendre la décision
de principe de coter les actions à une bourse.
Il est admis que la société (et non des membres individuels du conseil d’administration ou de
la direction) soit annoncée comme « personne » responsable pour le contenu du prospectus.
Voir APPENZELLER/WALLER, p. 262.
Art. 759 al. 2 CO.
APPENZELLER/WALLER, p. 266.
Ceci vaut aussi en cas de délégation à une personne auxiliaire ou à des tiers qui ne font pas
partie de la société, et non pas seulement – comme le laisse entendre le texte légal – en cas de
délégation à un autre organe (voir FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL § 37 N 37 ss ;
WIDMER/BANZ, BaK N 42 ad art. 754 CO).
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 18 N 118.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
s’oppose à une application par analogie de ladite disposition en matière de responsabilité pour le prospectus116 .
III.
Cession à un investisseur industriel (trade sale)
A.
Notion, avantages, inconvénients
1.
Notion
Lors de la cession à un investisseur industriel, l’acheteur achètera en principe
l’ensemble des actions de la société-cible. En effet, il sera en général intéressé par
l’activité opérationnelle de la société-cible et, typiquement, visera à intégrer la
société-cible dans sa propre structure.
Deux exemples récents de trade sale sont la vente des cliniques privées Hirslanden Holding AG par le fonds de private equity BC Partners au groupe hospitalier sud-africain Medi-Clinic en été 2007 et la vente de Jet Aviation par Permira à
General Dynamics en été 2008.
2.
Avantages
La cession à un investisseur industriel permet au fonds de private equity de réaliser
l’ensemble de son investissement en une seule fois. Elle présente l’avantage de la
rapidité – la performance d’un fonds de private equity se mesure aussi à la durée
d’un investissement – et une réduction des coûts de transaction117 . En outre, le
fonds de private equity n’est pas entravé par un lock-up et ne doit pas non plus chercher à intéresser une multitude d’investisseurs comme en cas d’IPO. Enfin, fiscalement, la cession complète des actions détenues par le fonds de private equity peut
conduire à un gain en capital franc d’impôt si le fonds de private equity remplit
certaines conditions : détention de la participation au moins pendant une année,
hauteur de la participation de 20 % au minimum et cession de l’ensemble de la
participation dans le courant du même exercice commercial118 . Plusieurs ventes
de participations effectuées au cours d’un exercice commercial peuvent être additionnées, à condition qu’elles s’appuient sur une même décision de l’entreprise.
116
117
118
Ceci vaut aussi pour la problématique similaire dans le cadre de la responsabilité selon
l’art. 108 LFus ; voir MAURENBRECHER, BaK N 56 ad art. 108 LFus.
VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1244.
Art. 70 al. 4 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct et ch. 2. 4. 2 de la lettre-circulaire
AFC n°9 (1998).
113
Frank Gerhard
3.
Inconvénients
Du point de vue du management, la vente à un acheteur industriel correspond
souvent à une restriction, voire à l’abandon complet de l’indépendance entrepreneuriale119 . Au pire, une telle cession peut correspondre à la perte de l’emploi.
Mais une telle cession peut aussi créer de nouvelles opportunités, par exemple de
carrière dans le groupe de l’acheteur.
B.
Droits de préemption et d’offre préférentielle
1.
But et qualification juridique
Le droit de préemption accorde à son bénéficiaire le droit d’acheter lui-même les
actions sur lesquelles l’actionnaire a passé un contrat de vente avec un tiers. Il
s’exerce par la seule déclaration de volonté de l’ayant-droit. La clause de préemption se définit comme un droit formateur générateur soumis à la condition suspensive de la conclusion d’un contrat de vente entre le débiteur et un tiers120 . Le
droit d’offre préférentielle peut se présenter sous trois formes différentes121 :
- clause d’offre préférentielle proprement dite : le débiteur s’engage à offrir ses
actions au rachat ;
- solution intermédiaire : le débiteur s’engage à accepter l’offre de reprise de
l’ayant-droit ;
- clause d’offre préférentielle improprement dite : le débiteur s’interdit d’aliéner ses actions à un tiers si l’ayant-droit offre les mêmes conditions au rachat.
La condition suspensive de l’intention d’aliéner constitue le point commun
aux trois formes du droit d’offre préférentielle.
En principe, ces droits sont octroyés au fonds de private equity, car c’est lui qui
a un intérêt à contrôler l’actionnariat de la société-cible en vue de sécuriser l’exit.
Tant le droit de préemption que le droit d’offre préférentielle n’ont d’effet
qu’entre les parties. Si le débiteur aliène ses actions sans respecter ses obligations
résultant de ces droits, la vente sera valable et le créancier ne pourra que demander des dommages-intérêts à l’obligé.
2.
Facteurs déclencheurs et variantes
Il appartient aux parties de préciser les actes juridiques déclenchant le droit de
préemption et le droit d’offre préférentielle. En principe, le cas de préemption ou
d’offre préférentielle sera défini largement et ne comprendra pas seulement la
119
120
121
114
VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1246.
FRICK § 11 N 1132 s ; VON SALIS-LÜTOLF § 9
VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1028 ss.
N 1051.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
vente des actions à un tiers, mais aussi la vente à terme, l’octroi d’options, la
donation, le nantissement et tout acte pouvant conduire au transfert économique
de propriété des actions122 . Souvent, le fonds de private equity demandera que
certaines transactions soient exclues du champ d’application du droit de préemption ou du droit d’offre préférentielle, par exemple les transferts au sein du
groupe, à un nouveau membre du management, en cas de succession ou le transfert à un tiers en cas de vente de l’ensemble des actions de la société-cible ou le
transfert en cas d’introduction en bourse. Pour le droit de préemption, la situation
est relativement claire : le cas de préemption est la conclusion du contrat de vente
de l’obligé avec le tiers. Pour le droit d’offre préférentielle, la situation est moins
claire et les variantes sont nombreuses, allant de la simple intention de vente au
commencement de négociations avec le tiers. Enfin, en règle générale, le droit de
préemption et le droit d’offre préférentielle portent non seulement sur les actions
détenues par l’obligé au moment de la conclusion de la convention
d’actionnaires, mais également sur celles détenues ultérieurement, par exemple
suite à l’exercice du droit préférentiel de souscription ou en vertu d’un plan
d’intéressement des employés.
3.
Prix d’achat et nombre d’actions
On parle de droit illimité lorsque les parties n’ont pas fixé de prix. Dans ce cas, le
prix sera le prix offert par le tiers de bonne foi123 . On parle de droit limité lorsque
les parties ont fixé le prix ou ont fixé des critères permettant de déterminer le
prix : à cette fin, les parties peuvent convenir d’une formule de prix ou que le prix
sera déterminé par un tiers indépendant sur la base d’une valorisation de la société124 . La fixation unilatérale du prix par une partie sera frappée de nullité125 . Une
autre méthode de fixation du prix est de prévoir un intérêt sur le prix d’achat
initial.
Le prix ne doit pas être fixé de sorte qu’il constitue en réalité une peine
conventionnelle improprement dite : si d’un point de vue économique les actionnaires n’offrent de reprendre les actions de l’aliénateur qu’à un prix très bas par
rapport à leur valeur réelle, cela a pour effet de dissuader de vendre126 . Ainsi,
l’effet obtenu est le même que celui d’une peine conventionnelle proprement dite.
Il se justifie dès lors de traiter ce cas de la même manière que la peine conventionnelle proprement dite : le juge doit corriger les peines conventionnelles im-
122
123
124
125
126
FRICK § 11 N 1093 et 1123.
FRICK § 11 N 1106 et 1129 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1035.
BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 61 s ; F RICK § 11 N 1105 et 1131 ; VON SALISLÜTOLF § 9 N 1035 et 1288.
BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 62 ; FRICK § 11 N 1105 et 1274 ; VON SALIS-LÜTOLF
§ 9 N 1288.
BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 60 s ; F RICK § 11 N 1116 et 1135 ; VON SALISLÜTOLF § 9 N 1293.
115
Frank Gerhard
proprement dites qui sont excessives par analogie à l’art. 163 al. 3 CO127 . BÖCKLI
estime qu’un prix à 50 % de la valeur réelle des actions, établi selon la méthode
des praticiens, en constitue le seuil inférieur 128 .
Lorsqu’il existe plusieurs bénéficiaires d’un droit de préemption ou d’offre
préférentielle, il se pose le problème de la répartition des actions aliénées. Comme
cette question n’est pas réglée dans le contrat de vente passé avec le tiers, elle doit
être réglé dans la convention d’actionnaires129 . La clause de répartition la plus
fréquente consiste à distribuer les actions au pro rata des parts déjà détenues par
chaque actionnaire, sur le modèle de la réglementation liée au droit de souscription préférentiel (voir p.ex. l’art. 652b CO). On peut aussi rencontrer une règle en
cascade par laquelle un groupe particulier d’actionnaires, typiquement les actionnaires privilégiés ou les fonds de private equity, bénéficie d’un droit de reprise
prioritaire. S’il reste des actions à partager, on procédera alors à un second tour
entre les autres actionnaires. D’autres variantes sont possibles ; une rédaction
soignée de la convention d’actionnaires s’impose.
C.
Cession forcée (drag along)
1.
But et qualification juridique
Le drag along est le droit d’un actionnaire, en principe le fonds de private equity, de
forcer les autres actionnaires à vendre leurs actions à un tiers en cas de vente de la
société. Il s’agit d’une option d’achat conditionnelle en faveur d’un tiers ayant la
particularité d’être déclenchée par la vente à un tiers et de porter sur la vente à un
tiers130 . Par précaution, il convient de prévoir dans la convention d’actionnaires
que le tiers n’a pas une prétention propre en vertu de l’art. 112 al. 2 CO. Le droit
de cession forcée, tout comme le droit de préemption, n’a d’effets qu’entre les
parties. En cas de violation de ce droit par un actionnaire obligé, la vente sera
valable et, en principe, cet actionnaire ne sera pas tenu à des dommages-intérêts
en faveur du fonds de private equity, sauf s’il a violé une interdiction de cession
contractuelle ou un droit de préemption et que le fonds de private equity en subit
un dommage.
En principe, chaque fonds de private equity exigera l’octroi de ce droit qui lui
permet d’augmenter la liquidité de son propre investissement et d’optimiser le
prix de vente de sa participation. En effet, la possibilité de vendre 100 % des actions d’une société permet de structurer des transactions plus efficientes que des
transactions dans lesquelles subsistent des actionnaires minoritaires. Ceci permet-
127
128
129
130
116
BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 61 ; FRICK § 11 N 1116 et 1135 ; VON SALIS-LÜTOLF
§ 9 N 1293.
BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 61.
FRICK § 11 N 1107 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1033 ss.
FRICK § 11 N 1231 s ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1208.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
tra d’éviter le risque d’un comportement ultérieur opportuniste d’un actionnaire
minoritaire.
Le drag along est cependant aussi au cœur de certains conflits d’intérêts. D’une
part, il est évident que le fonds de private equity cherchera à obtenir un certain
rendement sur une période d’investissement limitée, alors que les fondateurs et le
management rechercheront typiquement à maintenir l’indépendance de l’entreprise. D’autre part, les droits de préférence sur le produit de la vente peuvent
signifier que les actionnaires ne profiteront pas tous de la même manière de la
vente de l’entreprise. Ceci peut s’avérer particulièrement incisif lorsqu’un actionnaire doit vendre ses actions contre sa volonté.
2.
Facteurs déclencheurs et variantes
En règle générale, c’est le fonds de private equity qui décide quand la vente de
l’ensemble des actions de la société doit avoir lieu. Cette décision aura des conséquences radicales pour les autres actionnaires, notamment les fondateurs et/ou le
management, puisqu’elle entraînera la vente forcée de leurs titres à des conditions
sur lesquelles ils n’ont pas d’influence. En pratique, ce droit est dès lors souvent
restreint par divers facteurs.
Tout d’abord, seule la vente à un tiers indépendant peut déclencher le « drag
along ». Un transfert d’action au sein du groupe d’investisseurs, par exemple, ne
saurait justifier un drag along131 . Ensuite, il convient de déterminer qui peut déclencher le drag along. On peut envisager une détention qualifiée d’actions pour
pouvoir exercer le droit d’option, par exemple plus de 50 % du capital-actions sur
une base complètement diluée, ou l’accord de certains actionnaires ou certaines
majorités au sein des groupements formant l’actionnariat de la société132 . Ensuite,
on peut envisager une variation, notamment une réduction, du seuil d’exercice
avec l’écoulement du temps. Par exemple, si une introduction en bourse n’a pas
été réalisée après cinq ans, on peut envisager que le fonds de private equity pourra
exercer seul l’option de vente forcée. Alternativement, on peut aussi imaginer une
réduction des critères si certains objectifs économiques n’ont pas été réalisés.
Enfin, on peut aussi envisager une réduction des critères avec l’écoulement du
temps, de sorte que les fondateurs et le management puisse éviter que le fonds de
private equity ne vende rapidement l’entreprise au seul but de maximiser l’IRR.
3.
Nombre d’actions et conditions de la cession forcée
Lorsque le tiers ne désire pas acheter l’entier de la société, mais seulement une
participation majoritaire, les parties doivent s’entendre sur le nombre d’actions
131
132
FRICK § 11 N 1212 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1209.
FRICK § 11 N 1213 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1212 ss.
117
Frank Gerhard
que les parties obligées en vertu du drag along doivent apporter. En règle générale,
il est prévu une vente au pro rata des participations des actionnaires en présence133 .
En principe, les actionnaires minoritaires sont tenus de vendre leurs actions
aux mêmes conditions que le fonds de private equity, notamment en ce qui concerne le prix134 . Si les actionnaires minoritaires veulent s’assurer un produit minimal
de la vente, il conviendra de fixer un prix de vente minimal dans la convention
d’actionnaires. S’il n’est pas possible de vendre les actions au-dessus de ce prix
minimal, les actionnaires minoritaires auront au moins le droit de refuser la vente. En sus de la question du prix, la question des garanties que devra donner
l’actionnaire minoritaire est souvent controversée en pratique135 . La solution choisie est habituellement la suivante : les actionnaires actifs, soit ceux qui sont
impliqués dans la gestion de la société, donnent des garanties plus étendues, notamment sur la conduite des affaires elle-même, que les actionnaires passifs, qui
n’ont pas d’influence sur la gestion de la société, dont les garanties se limitent à la
propriété des actions.
D.
Droit de sortie conjointe (tag along)
1.
But et qualification juridique
Le tag along est le pendant du drag along : il s’agit du droit d’un actionnaire, en
principe minoritaire, de vendre ses actions à un tiers lorsqu’un autre actionnaire,
en principe le fonds de private equity, se défait de ses actions136 . Il s’agit d’une
option de vente conditionnelle à charge de l’actionnaire obligé au sens de
l’art. 111 CO avec la particularité d’être déclenchée par la vente à un tiers et de
porter sur la vente à un tiers, sans que ce tiers soit partie au contrat ou obligé
d’acheter les actions137 . C’est ainsi l’actionnaire obligé qui doit faire en sorte que
le tiers présente une offre d’achat au bénéficiaire du droit. Tout comme le droit de
préemption et le droit de cession forcée, le droit de sortie conjointe n’a d’effets
qu’entre les parties. En cas de violation de ce droit par un actionnaire obligé, la
vente sera valable et, en principe, cet actionnaire sera tenu à des dommagesintérêts en faveur de l’actionnaire bénéficiaire du droit qui n’a pas pu vendre ses
actions au même tiers.
En règle générale, chaque actionnaire minoritaire exigera l’octroi de ce droit
qui lui permet d’augmenter la liquidité de son propre investissement et, le cas
133
134
135
136
137
118
FRICK § 11 N 1220.
La répartition effective du produit de la vente, même si le prix de vente est le même pour
tous les actionnaires, pourra cependant conduire à certaines inégalités si, p.ex., les parties ont
convenu d’un bénéfice de liquidation qui s’applique aussi en cas de vente de toutes les actions.
FRICK § 11 N 1228.
FRICK § 11 N 1234 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1151 ss.
FRICK § 11 N 1251 s ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1167.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
échéant, de profiter d’une éventuelle prime de contrôle négociée par le fonds de
private equity.
2.
Facteurs déclencheurs et variantes
Comme dans le cas de la cession forcée, seule la vente à un tiers indépendant peut
déclencher le tag along. Un transfert d’actions au sein du groupe d’investisseurs ou
à un nouveau membre du management par exemple ne saurait justifier l’exercice
du tag along138 . Les parties peuvent aussi déterminer que seule la vente d’un nombre minimal d’actions permettra d’exercer le tag along, par exemple en cas de
changement de contrôle.
En principe, l’exercice du droit sera déclenché par la conclusion du contrat de
vente avec le tiers. Dans ce cas, la partie obligée sera tenue d’informer le bénéficiaire des principaux éléments contractuels convenus avec l’acheteur (prix, nombre d’actions à vendre, garanties).
3.
Nombre d’actions et conditions de la sortie conjointe
Les parties doivent régler dans la convention d’actionnaires combien d’actions le
bénéficiaire du droit de sortie conjointe peut vendre : soit le droit est relatif (le
bénéficiaire peut vendre ses actions « en plus » de celle vendues par l’obligé) soit il
est absolu (le bénéficiaire peut vendre ses actions « en lieu et place » de celles
vendues par l’obligé), en principe au pro rata de la vente effectuée par le fonds de
private equity. Des mécanismes plus raffinés doivent être prévus lorsque la société
dispose de plusieurs catégories d’actions.
En principe, les actionnaires minoritaires sont tenus de vendre leurs actions
aux mêmes conditions que le fonds de private equity, notamment en ce qui concerne le prix, sous réserve de droits de préférence sur le produit de la vente. En sus
de la question du prix, la question des garanties que devra donner l’actionnaire
minoritaire est souvent controversée en pratique. Cependant, à la différence du
droit de cession forcée, les actionnaires bénéficiaires du droit de sortie conjointe
ne peuvent pas être contraints à vendre, donc à accepter des garanties dont ils ne
peuvent pas mesurer la portée.
E.
Préférence sur le produit de la vente
1.
Notion
À défaut de disposition contraire, le produit de la vente est réparti entre les actionnaires en proportion des versements opérés au capital-actions (art. 661 CO).
Ceci signifie qu’il ne sera pas tenu compte du versement d’un éventuel agio. En
138
FRICK § 11 N 1237 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1155.
119
Frank Gerhard
d’autres termes, le fonds de private equity participe à la moins-value de la sociétécible.
Exemple :
Actionnaire
Investissement
%
Management
10
20 %
Investisseur
40
80 %
Prix de vente
(après 4 ans)
40
Management
8
20 %
16
20 %
32
20 %
Investisseur
32
80 %
64
80 %
128
80 %
80
160
Les actionnaires peuvent cependant déroger à ces principes et prévoir dans la
convention d’actionnaires que le produit de la vente ne soit pas réparti entre les
actionnaires au pro rata de la valeur nominale, mais en fonction d’une autre clé de
répartition 139 .
2.
Modalités
Plusieurs modalités sont possibles. Tout d’abord, les parties peuvent convenir que
le fonds de private equity reçoive un montant prioritaire (par exemple le montant
de son investissement plus un intérêt annuel, ou un multiple de son investissement). Ensuite, le solde est réparti soit entre tous les actionnaires, y compris
l’actionnaire privilégié, au pro rata de leur participation (participating), soit entre
tous les autres actionnaires au pro rata de leur participation (non- participating).
Exemple :
Actionnaire
Investissement
%
Management
10
20 %
Investisseur
40
80 %
A. Participating
Prix de vente
(après 4 ans)
40
80
160
Management
0
0%
5,2
6,5 %
21,2
13,25 %
Investisseur (8%)
40
100 %
74,8
93,5 %
138,8
86,75 %
139
120
Sur les différentes variantes en détail, voir F RICK § 11 N 1223 ; VON SALIS-LÜTOLF § 8
N 730.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
B. NonParticipating
Prix de vente
(après 4 ans)
40
Management
0
0%
25,6
32 %
105,6
66 %
Investisseur (8%)
40
100 %
54,4
68 %
54,4
34 %
80
160
Les parties peuvent aussi convenir que le fonds de private equity reçoive un
montant prioritaire (par exemple le montant de son investissement, plus un intérêt annuel, ou un multiple de son investissement). Ensuite, le solde est réparti
entre les autres actionnaires au pro rata de leur participation jusqu’à ce qu’ils aient
reçu proportionnellement autant que le fonds de private equity (catch-up). Enfin, le
solde est réparti pro rata entre tous les actionnaires, y compris le fonds de private
equity.
Exemple :
Actionnaire
Investissement
%
Management
10
20 %
Investisseur
40
80 %
Prix de vente
(après 4 ans)
40
Management
0
0%
16
20 %
32
20 %
Investisseur (8 %)
40
100 %
64
80 %
128
80 %
80
160
Selon le montant du produit de la vente, notamment si l’ensemble du produit
revient au fonds de private equity, il existe un risque que les fondateurs et/ou le
management n’aient pas d’intérêt à un exit, étant pénalisés de manière « surproportionnelle » en cas d’exit. Dès lors, les parties peuvent prévoir que la préférence s’éteint en cas d’atteinte de milestones ou d’une valorisation minimale ou,
par exemple, qu’elle ne s’applique pas en cas d’IPO.
3.
Particularités
La préférence sur le produit de la vente ne concerne pas la société-cible. Les montants à répartir proviennent d’un tiers, à savoir l’acheteur. Ainsi, une telle préférence doit être prévue impérativement dans la convention d’actionnaires : elle ne
pourra pas faire l’objet des préférences statutaires prévues pour les actions privilégiées 140 .
140
FRICK § 11 N 1225 ; LIEBI, p. 237 s ; VON SALIS-LÜTOLF § 8 N 748.
121
Frank Gerhard
En principe, la préférence sur le produit de la vente est accompagnée d’un privilège en matière de liquidation et en matière de dividende. Il est dès lors logique
de prévoir un prix de souscription plus élevé pour ces actions que pour les actions
ordinaires, ce d’autant que, le plus souvent, ces actions sont aussi assorties de
droits de contrôle. Cette différence est similaire à la prime de contrôle, si ce n’est
que dans ce cas, le contrôle s’exerce de manière contractuelle et, le cas échéant,
seulement de manière conditionnelle141 .
En pratique, la préférence est reflétée directement dans le contrat de vente
avec l’acheteur, qui procédera aux versements respectifs. Alternativement les
parties peuvent prévoir le paiement du prix de vente à un escrow ou au fonds de
private equity qui répartira ensuite le produit de la vente selon la convention
d’actionnaires142 .
Les parties sont bien entendu libres de prévoir que cette préférence est également applicable lors de la vente de participations minoritaires, lors d’une fusion
(où seules des actions sont échangées), lors de la vente de tous les actifs par la
société-cible ou lors de l’IPO.
IV.
Cession à un investisseur financier (secondary buy-out)
A.
Notion, avantages, inconvénients
1.
Notion
La cession à un investisseur financier ou secondary buy-out désigne la vente d’une
entreprise qui a déjà fait l’objet d’un LBO par un investisseur financier à un ou
plusieurs autre(s) investisseur(s) financier(s)143 . Récemment, en Suisse, la vente de
Uster Technologies AG par Capvis et Quadriga à Alpha Beteiligungs-GmbH
(décembre 2006) et la vente de Maillefer Holding AG par Argos Soditic à Alpha
Beteiligungs-GmbH (décembre 2007), deux exemples de secondary buy-outs, ont
tenu le devant de la scène.
Le secondary buy-out présente un paradoxe par rapport au LBO traditionnel : le
fonds de private equity acheteur, qui généralement cherche à acquérir des entreprises sous-performantes à une valorisation attrayante, rachète en fait une entreprise
que le fonds de private equity cédant a déjà « remise en forme » et dont la plusvalue a donc déjà (au moins en partie) été réalisée. Ainsi, ironiquement, le vendeur revend un actif à un acheteur dont le motif d’investissement principal est
identique à celui du premier investisseur. Cela explique pourquoi les fonds
d’investissement ont jusqu’à présent considéré les secondary buy-outs avec un cer141
142
143
122
VON SALIS-LÜTOLF § 8 N 749.
FRICK § 11 N 1226 ; LIEBI, p. 237 s ; VON SALIS-LÜTOLF § 8 N 750.
Sur le LBO secondaire, voir GERHARD, LBO secondaire, p. 90 ss et RÖTHELI, p. 137
ss.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
tain scepticisme. En effet, aucun fonds acheteur n’est généralement prêt à payer
une prime pour une entreprise qui n’a plus de potentiel à la hausse et, de même,
aucun fonds cédant n’est habituellement prêt à vendre une société s’il existe encore un potentiel à la hausse non réalisé. Ce paradoxe explique pourquoi, jusqu’à
présent, peu de fonds de private equity se sont intéressés aux secondary buy-outs. En
effet, un LBO secondaire implique que l’entreprise qui en fait l’objet dégage à
nouveau des liquidités substantielles et ce, juste après avoir dégagé d’importantes
liquidités pour faire face au remboursement des emprunts de la première opération.
Aujourd’hui, les fonds de private equity semblent réviser ce scepticisme initial
et reconnaissent le LBO secondaire comme une opportunité d’investissement et
de sortie à part entière. À l’heure actuelle, on estime qu’environ un tiers de tous
les LBO sont en fait des LBO secondaires.
2.
Avantages
L’intérêt croissant pour les LBO secondaires est dû, d’une part, à la conjoncture
économique, mais également à divers facteurs et tendances de fond en relation
avec l’organisation du marché du capital-investissement qui permettent d’envisager un développement durable de ce type de transaction. Tout d’abord, la sortie
par une entrée en bourse n’est plus la voie « royale » aujourd’hui, notamment en
raison de l’environnement réglementaire toujours plus contraignant pour les
sociétés cotées ou la volatilité des marchés. En outre, par rapport à l’IPO, le secondary buy-out, mais aussi la cession à un acheteur industriel, offrent au fonds de
private equity l’avantage de pouvoir réaliser directement l’ensemble de son investissement, à moindres frais et à des risques réduits. En outre, l’hypothèse selon
laquelle les synergies stratégiques permettent à l’acheteur industriel d’offrir un
prix plus élevé qu’un investisseur financier ne se vérifie plus forcément en pratique aujourd’hui. La convergence des valorisations des investisseurs financiers et
industriels s’explique tant par la concurrence entre fonds de private equity, qui
limite la possibilité d’acheter des actifs sous-évalués, que par le refus des industriels de payer des primes non-justifiées. Cette tendance est encore renforcée par
l’augmentation du nombre de fonds actifs dans les opérations de LBO et
l’accroissement des ressources disponibles des fonds de private equity.
À ces facteurs s’ajoutent la motivation accrue des dirigeants sous LBO, une
évolution du marché suisse du capital-investissement vers une plus grande sophistication ainsi que l’abaissement des risques d’échec par rapport à un LBO primaire. En effet, l’entreprise a déjà démontré sa capacité à rembourser la dette
d’acquisition sur des cash flows avérés et a généralement mis en place un système
de contrôle et de suivi de gestion adapté aux exigences des actionnaires et des
banques. Le management, lui, sait gérer le partenariat avec le ou les financiers,
ainsi qu’avec les banques qui ont financé l’acquisition.
123
Frank Gerhard
3.
Inconvénients
Le LBO secondaire présente aussi certains inconvénients. Il n’est tout d’abord pas
possible d’exclure qu’une valorisation inférieure soit obtenue par rapport à une
IPO ou un trade sale. Ensuite, un LBO secondaire provoquera une incertitude au
sein du management en raison de la nouvelle structure actionnariale et n’offrira à
ce dernier qu’une possibilité limitée de sortir de l’investissement fait lors du premier LBO. En effet, le nouveau fonds de private equity exigera du management
sortant qu’il réinvestisse dans la nouvelle structure d’acquisition.
B.
La position-clé du management
L’idée que le potentiel de création de valeur est a priori plus faible en termes purement financiers dans un LBO secondaire que dans un LBO primaire fait l’objet
d’un large consensus. En effet, d’une part l’intéressement du management a déjà
joué et la discipline de la dette a déjà porté ses fruits en terme de croissance de
cash flows libres ; d’autre part, la probabilité de découvrir un nouveau « gisement
de croissance » susceptible de générer un fort potentiel de développement est plus
faible pour un LBO secondaire, contrairement au cas d’un rachat à un industriel
(par exemple : spin-off ou carve-out) ou à un actionnaire privé (par exemple : insuffisance de structure, gestion de routine). La thèse de l’investissement doit donc
s’appuyer sur diverses stratégies : consolidation industrielle, expansion géographique, attaque d’un nouveau segment de marché ou bien mise en place d’un
nouveau système de distribution.
Ainsi, une opération de LBO secondaire n’a de sens que si elle repose sur un
nouveau « projet fondateur » : le LBO successif n’étant qu’un moyen d’accompagner l’entreprise dans une nouvelle phase de son développement.
Dans ces conditions, on perçoit aisément que la position et la motivation du
management en place, tout comme sa capacité à mettre en œuvre la nouvelle
stratégie autour du nouveau « projet fondateur », sont des problématiques clés du
LBO secondaire. Cependant, le management se trouve dans une situation de
conflit d’intérêts entre « fidélité » à l’actionnaire sortant et « fidélité nouvelle » à
l’actionnaire entrant, ce d’autant plus qu’il est lui-même simultanément vendeur
et acheteur. C’est pourquoi le LBO secondaire devra contenir différents systèmes
d’intéressement sur la base du prix de cession, afin de maintenir le management
dans la communauté d’intérêt des cédants jusqu’à la conclusion de la transaction.
A contrario, les nouveaux investisseurs tendent à canaliser la motivation du management en le contraignant à réinvestir dans le LBO secondaire : plus l’équipe
dirigeante réinvestit (par exemple jusqu’à 75 % du cash-out réalisé), plus elle sera
motivée et plus elle croira au succès de la nouvelle opération. Le réinvestissement
se fera en partie sous forme de souscription d’actions dans la holding
d’acquisition à prix préférentiel (sweet equity) et/ou aux mêmes conditions que le
fonds acheteur par injection de capitaux propres ou par mise à disposition d’un
crédit postposé (institutional strip).
124
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
Si l’évaluation de la motivation du management est toujours un exercice délicat, la difficulté semble accrue dans le cadre d’un LBO secondaire. En effet, le
management s’est généralement constitué un patrimoine à l’issue du LBO primaire. Une perception élevée de ce patrimoine, conjuguée à une valeur de réinvestissement relativement faible, peut provoquer la démobilisation du management si l’environnement du LBO secondaire nécessite des efforts jugés trop
contraignants par rapport à l’enjeu et au patrimoine déjà constitué. Cet acquis,
couplé à la détention du savoir sur l’entreprise, ainsi qu’à une expérience du mécanisme du buy-out augmentera la confiance personnelle des dirigeants, de sorte
que le fonds-acheteur devra se préparer à des négociations plus dures avec le management dans un LBO secondaire.
C.
Garanties et indemnités
Particularités d’un LBO secondaire, les garanties de passifs apparaissent comme
un enjeu délicat de négociation : les fonds de private equity cédants tentent de les
limiter au minimum afin de retourner l’argent à leurs investisseurs et le management, constitué de personnes physiques, réinvestit dans la société aux côtés du ou
des fond(s) acquéreur(s). Une solution consiste à verser une partie du prix de
vente sur un compte bloqué qui servira à payer les éventuelles obligations
d’indemnisation du fonds de private equity cédant et du management. À l’égard
des dirigeants, vu la difficulté à mettre en œuvre une garantie sur leur patrimoine,
on pourra recourir à une clause de dilution en cas de violation des garanties données. Un transfert de garanties du fonds cédant au fonds acheteur peut également
être envisagé. Cependant, comme la durée moyenne d’un LBO primaire est de
l’ordre de 3 à 5 ans, le transfert sera typiquement limité aux garanties de longue
durée comme celles relatives à l’environnement. Enfin, la possibilité d’assurer
certains risques découverts lors de la due diligence peut également favoriser les
LBO secondaires.
Au vu de la forte concurrence entre acheteurs, il n’est pas rare que des transactions s’effectuent avec des garanties (deductible, threshold et cap, ainsi que délai de
prescription) extrêmement limitées pour l’investisseur. En outre, la mise à disposition d’une vendor due diligence préparée par des conseils extérieurs à la société-cible
a permis de rendre plus efficace et surtout plus rapide la procédure de mise aux
enchères d’entreprises, de sorte qu’aujourd’hui un LBO secondaire peut se
conclure en moins de deux mois après la prise de contact avec les acheteurs potentiels.
125
Frank Gerhard
V.
Rachat des actions du fonds de private equity (option put)
A.
Notion, avantages, inconvénients
1.
Notion
Par rachat d’actions (buyback, redemption) on entend la vente par un actionnaire, typiquement le fonds de private equity, de ses actions aux autres actionnaires
ou à la société144 moyennant l’exercice d’une option de vente (put). L’existence de
cette option permet au fonds de private equity de supprimer le risque de l’absence
de liquidité de son investissement ainsi que le risque associé à tout investissement
en capital-risque : l’investissement prendra plutôt la forme d’un prêt dénonçable,
surtout si le prix de vente est déterminé de façon à correspondre au montant de
l’investissement auquel s’ajoute un intérêt annuel fixe.
2.
Avantages
Pour le fonds de private equity, l’avantage de l’option de vente consistera en la
possibilité de pouvoir réaliser l’exit en tout temps. Il pourra aussi s’assurer un
rendement minimal en fixant le prix de vente à l’avance. Même si le fonds de
private equity en pratique n’exercera guère son option de vente, sa position au sein
de la société-cible sera renforcée en raison de la menace constituée par cette option.
3.
Inconvénients
La présence d’une option de vente exerçable contre l’entreprise présente certains
inconvénients. Tout d’abord, la revente par un initié, soit le fonds de private equity,
de sa participation à la société est préjudiciable pour la réputation de cette dernière : le marché interprétera l’exercice de l’option comme un manque de qualité
de la société à laquelle les possibilités d’exit, notamment une entrée en bourse,
font défaut145 . Ensuite, l’exercice de l’option consommera les liquidités à disposition de la société. Par voie de conséquence, l’existence de l’option de vente augmentera la dépendance de la société vis-à-vis du fonds de private equity. Enfin,
l’exercice d’une telle option peut aussi s’avérer négatif pour la réputation du fonds
de private equity qui aura l’image d’un investisseur particulièrement agressif et sans
scrupules, d’autant plus si l’exercice de l’option devait conduire à la liquidation
de la société.
144
145
126
FRICK § 11 N 1267 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1109 ss et 1268.
FRICK § 11 N 1270 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1127.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
B.
Option put contre les autres actionnaires
L’option de vente confère au fonds de private equity un droit unilatéral de vendre
ses actions. Le contrat de vente sera parfait à réception de la déclaration de volonté du bénéficiaire de l’option, à condition que les éléments essentiels aient été
déterminés au préalable dans la convention d’actionnaires. Le prix doit être déterminé ou, du moins, déterminable ; à cette fin, les parties peuvent convenir
d’une formule de prix ou que le prix sera déterminé par un tiers indépendant sur
la base d’une valorisation de la société146 . La fixation unilatérale du prix par une
partie sera frappée de nullité147 . Une autre méthode de fixation du prix est de
prévoir un intérêt sur le prix d’achat initial, ce qui transforme l’option de vente en
garantie de valeur en faveur du fonds de private equity.
Afin que l’option de vente ne se traduise pas par un engagement excessif à
charge de l’obligé, au sens de l'art. 27 al. 2 CC, elle devra être convenue pour une
durée limitée. Une durée maximale de 10 ans dès la date de l'investissement – qui
est souvent mentionnée en doctrine suisse lorsque le risque pour l’obligé est élevé
et que l’octroi de l’option n’est pas accompagné d’une contre-prestation adéquate148 – sera sans doute suffisante dans le contexte du private equity, étant donné
qu’il s’agit souvent aussi de la durée pour laquelle ces fonds sont constitués. Il est
également possible de faire démarrer ce délai à une date ultérieure, par exemple
dès le moment où certains objectifs n’ont pas été atteints par la société-cible. Enfin, il est possible d’assortir l’option d’une condition suspensive ou résolutoire,
par exemple en prévoyant que l’option naît si certains objectifs n’ont pas été atteints, respectivement s’éteint si la société a atteint certains objectifs149 .
C.
Option put contre la société-cible
1.
Limites applicables au rachat d’actions propres (art. 659 CO)
L’option put dirigée contre la société présente les mêmes caractéristiques que celle
exerçable contre les autres actionnaires, à l’exception de la partie obligée : la société devra respecter certaines limites dans lesquelles elle pourra racheter des
actions propres. En outre, en pratique, l’exercice de l’option sera déjà souvent
restreint par l’absence de liquidités suffisantes de la part de la société-cible.
En cas de rachat de ses propres actions, la société doit respecter les limites de
l’art. 659 CO. Selon cette disposition, la société ne peut acquérir ses propres actions que si elle dispose librement d’une part de ses fonds propres équivalant au
146
147
148
149
BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 61 s ; FRICK § 11 N 1274 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9
N 1288.
BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 62 ; FRICK § 11 N 1274 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9
N 1288.
BÖCKLI/MORSCHER, p. 59 ; F RICK § 11 N 1276 et 1280 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1138.
FRICK § 11 N 1277 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1115.
127
Frank Gerhard
montant de la dépense nécessaire et si la valeur de l’ensemble de ces actions ne
dépasse pas 10 % du capital-actions.
- Les fonds librement disponibles sont constitués du bénéfice reporté et des réserves librement disponibles. La question de l’appartenance de l’agio aux réserves librement disponibles est controversée150 . Nous partageons l’avis de
KURER et de NEUHAUS/SCHÖNBACHLER, selon lequel l’agio quitte la zone
protégée de l’art. 680 al. 2 CO dans l’année qui suit son versement, lorsque
l’assemblée générale l’affecte à la réserve générale selon l’art. 671 al. 2
ch. 1 CO en adoptant les comptes annuels151 . À partir de ce moment, l’agio
n’est plus soumis qu’aux restrictions de l’art. 671 al. 3 CO en lien avec
l’art. 678 CO qui permettent la distribution de la réserve générale aux actionnaires dès qu’elle dépasse la moitié du capital-actions. Le montant des
réserves disponibles se calcule selon le dernier bilan annuel révisé, en tenant
compte des pertes subséquentes qui auraient réduit les réserves librement
disponibles figurant au bilan152 .
- Quant à la limite de rachat de 10 % de ses actions propres, le nombre
d’actions inscrites au registre du commerce est déterminant153 . Si la société
devait dépasser cette limite, l’acquisition sera néanmoins valable à condition
que la société dispose de réserves librement disponibles à hauteur du prix
d’achat154 . Potentiellement, le conseil d’administration et/ou les autres personnes s’occupant de la gestion répondent à l’égard de la société selon
l’art. 754 CO.
Le droit de vote lié aux actions propres et les droits qui leur sont attachés sont
suspendus. Si la société a racheté des actions propres, elle devra affecter à une
réserve séparée un montant correspondant à leur valeur d’acquisition (art. 659a
al. 2 CO). Cependant, lorsque l’exercice de l’option de vente est subordonné à
l’existence de réserves librement disponibles, le simple octroi de l’option ne signifie pas que la société doive constituer cette réserve155 . Autre est la question de
savoir si l’option doit être mentionnée dans l’annexe au bilan (art. 663b ch. 1 CO)
ou si des provisions pour risques (art. 669 CO) doivent être constituées.
150
151
152
153
154
155
128
Sur la question de savoir si l’agio est distribuable ou pas, ainsi que les divers avis de la doctrine, voir GERHARD, Private (2008), p. 348.
KURER, BaK N 19 ad art. 675 CO et N 19 ad art. 680 CO ; NEUHAUS/SCHÖNBÄCHLER,
BaK N 28 ss ad art. 671 CO.
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 4 N 231 ; FRICK § 11 N 1288 ; VON PLANTA/LENZ, BaK
N 7 ad art. 659 CO ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1139.
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 4 N 231.
FRICK § 11 N 1289 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1139.
GERHARD, Contingent, p. 277, en lien avec l’instrument des contingent value rights, qui sont
assimilables économiquement à des options put ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1141.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
2.
Principe d’égalité de traitement des actionnaires (art. 717 al. 2 CO)
La société doit également traiter ses actionnaires de manière égale selon l’art. 717
al. 2 CO. Il en découle (i) que la société ne peut limiter son rachat à une seule
catégorie d’actionnaires que si elle peut le justifier objectivement, (ii) qu’elle doit
offrir les mêmes conditions aux actionnaires placés dans la même position et,
enfin, (iii) que le rachat doit se faire at arm’s length, c’est-à-dire que le prix de rachat doit correspondre à la valeur intrinsèque des actions156 . Étant donné que le
principe de l’égalité de traitement est relatif, il peut être dérogé à ces trois principes dans la mesure où la dérogation est objectivement justifiée, nécessaire et raisonnable157 . Même si ces trois conditions sont remplies, il est recommandé
d’obtenir l’accord des autres actionnaires à l’octroi de l’option put, surtout lorsque
le prix de rachat n’est pas fixé en fonction de la valeur intrinsèque de l’action,
mais en fonction du prix de l’investissement, par exemple augmenté d’un intérêt
annuel (garantie de valeur)158 . L’accord des autres actionnaires peut être donné
lors de l’octroi de l’option ou ultérieurement, lors de l’exercice de l’option. Si
l’accord est donné ab initio par la signature de la convention d’actionnaires, mais
que le cercle des actionnaires se modifie en raison de transferts d’actions, les nouveaux actionnaires doivent également approuver cette option. Il est dès lors très
important que les nouveaux actionnaires adhèrent à la convention d’actionnaires,
car l’insertion de l’option put dans les statuts de la société n’est pas possible159 .
3.
Interdiction de la restitution des apports (art. 680 al. 2 CO)
L’art. 680 al. 2 CO interdit le remboursement aux actionnaires des versements
effectués. Une violation de ladite disposition conduit à la nullité de la transaction
et à l’obligation de l’actionnaire qui s’est fait rembourser de restituer la prestation
à la société160 .
La question se pose de savoir quand on est en présence d’un rachat d’actions
admissible ou d’un remboursement de prestations inadmissible161 . La jurisprudence et la doctrine présument qu’il n’y a pas de violation du principe de l’interdiction du remboursement des prestations aussi longtemps que la société rachète
156
157
158
159
160
161
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 4 N 248 s ; VON PLANTA/LENZ, BaK N 7a ad art. 659 CO.
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 4 N 248 ; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL § 50
N 134.
BÖCKLI (Schweizer Aktienrecht § 4 N 377) est très critique à l’égard de ces « garanties de
valeur » en argumentant qu’elles sont contraires au principe même de la protection du capital
(art. 706b ch. 3 CO) et sont dès lors nulles. Plus libéral, FRICK § 11 N 1293 ; GERHARD,
Contingent, p. 272 ; GRONER, Der Erwerb, p. 144 ; VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1139.
KURER, BaK N 16 ad art. 680 CO ; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL § 41 N 13. Contra : VON SALIS-LÜTOLF § 9 N 1139.
KURER, BaK N 17 ad art. 680 CO.
Sur la distinction, voir GERHARD, Contingent, p. 270 ss.
129
Frank Gerhard
rachète les actions au moyen de réserves librement disponibles162 . En revanche,
une telle violation a lieu si le rachat est effectué à charge du capital-actions et des
réserves légales non disponibles163 . La méthode de calcul du prix n’est cependant
pas déterminante : la société peut aussi racheter des actions propres qui correspondent au prix de l’investissement consenti par l’actionnaire bénéficiaire de
l’option augmenté d’un intérêt annuel, sans pour ainsi nécessairement violer
l’interdiction du remboursement des versements effectués164 .
VI.
Recapitalisation par effet de levier (leveraged recapitalization)
A.
Notion, avantages, inconvénients
1.
Notion
La technique de la recapitalisation par effet de levier (leveraged recapitalization) a
été largement utilisée par les fonds de buy-out pour augmenter leur retour sur
investissement. Il s’agit d’une opération consistant à lever des fonds supplémentaires et – pour autant que les fonds soient levés par la société-cible elle-même – à
redistribuer ces fonds aux actionnaires de la société-cible sous forme de dividende
spécial, ou – si les fonds ont été levés par une nouvelle structure d’acquisition – à
racheter les actions des actionnaires de la société-cible165 . Cette technique implique que la société ait déjà remboursé une partie de la dette d’acquisition, de sorte
qu’elle soit à nouveau à même d’augmenter le levier de son bilan. Au niveau du
bilan (consolidé) de la société-cible, l’opération consiste à remplacer les capitaux
propres coûteux par des fonds étrangers bon marché et à distribuer aux actionnaires, soit sous forme de dividende, soit sous forme de prix d’achat, les capitaux
propres excédentaires non-liés.
2.
Avantages
Une recapitalisation permet au fonds de private equity d’obtenir un rendement sur
les fonds investis sans vendre sa participation. En quelque sorte, elle permet au
fonds de private equity de profiter une deuxième fois du cash flow libre généré par
162
163
164
165
130
ATF 117 II 290 c. 4d/aa. Voir aussi FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL § 50 N 132 ;
GERHARD, Contingent, p. 277 ss ; KURER, BaK N 24 ad art. 680 CO et les auteurs cités.
Sur la définition des réserves non disponibles, notamment la qualification de l’agio,
voir supra, V.C.1.
FRICK § 11 N 1295 ; GERHARD, Private (2006), p. 272 ; GRONER, Der Erwerb, p. 144 ; VON
SALIS-LÜTOLF § 9 N 1139. Critique à l’égard de ces garanties de valeur, BÖCKLI, Schweizer
Aktienrecht § 4 N 377.
Sur le continent européen, à notre connaissance, seuls certains auteurs allemands ont commencé à examiner les implications juridiques de la recapitalisation par effet de levier ; voir
EIDENMÜLLER, p. 645 ss et SEIBT, p. 282 ss.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
la société-cible. Les montants distribués peuvent dépasser le montant initial de
l’investissement. Ainsi, d’un point de vue économique, le fonds de private equity
peut considérablement réduire son exposition au risque de la détention du capitalactions de la société, voire l’éliminer complètement tout en restant propriétaire
des actions. Une recapitalisation permet aussi au fonds de private equity de
s’affranchir de la pression de l’exit, notamment lorsque le marché des IPO ou
l’environnement M&A n’est pas très favorable. Une nouvelle levée de fonds
étrangers permettra aussi à la société d’établir un track record en matière de preneur de crédit, ce qui peut être bénéfique lorsqu’il s’agira de financer certaines
opérations dans le futur. Une recapitalisation peut en outre se faire rapidement et
sans charge de travail excessive pour le management : une simple mise à jour de
la documentation préparée lors de l’acquisition, notamment les rapports de due
diligence, devrait suffire pour obtenir des banques les crédits nécessaires. Enfin, la
recapitalisation est un outil permettant de discipliner le management, qui devra
continuer de remplir les covenants fixés dans la facilité de crédit. Elle contribuera
ainsi à réduire le problème du principal-agent.
3.
Inconvénients
Le paiement d’un dividende extraordinaire ou le rachat par une nouvelle holding
d’acquisition n’est pas vraiment une forme d’exit, étant donné que l’actionnariat
de la société-cible ne change pas. Pour le fonds de private equity, cela signifie qu’il
ne pourra pas diversifier son portefeuille. Une recapitalisation est donc considérée
comme un prélude à un exit. Dès lors, la société devra soigneusement examiner
l’opportunité d’une recapitalisation si un exit devait être imminent. Cet aspect doit
être considéré de manière d’autant plus critique que les banques auront tendance
à être plus restrictives sur les obligations (covenants) et les conditions de la nouvelle
facilité de crédit. Ces obligations peuvent limiter une certaine flexibilité dans la
poursuite d’objectifs stratégiques, comme par exemple des acquisitions supplémentaires.
B.
Structures envisageables
1.
Recapitalisation par paiement d’un dividende
Afin de maximiser la distribution du dividende, la société cherchera non seulement à payer un dividende sur le bénéfice de l’année écoulée (dividende extraordinaire), mais également à payer un dividende sur le bénéfice de l’année en cours
(dividende intermédiaire)166 .
Un dividende extraordinaire sera versé si l’assemblée générale de la société a
déjà eu lieu au moment de la recapitalisation et se fondera sur le bilan déjà approuvé de la société. La doctrine admet une marge de tolérance de 9 mois entre la
166
Sur les différents types de dividende, voir BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 532 ss.
131
Frank Gerhard
date du bilan et la distribution du dividende extraordinaire167 . Au-delà de cette
date butoir ou s’il existe des raisons justifiées de croire que les fonds propres se
sont détériorés de manière significative depuis la dernière date du bilan, la société
devra établir un bilan intermédiaire vérifié par analogie à l’art. 652d CO. Une
décision de l’assemblée générale sera nécessaire dans tous les cas.
Le dividende intermédiaire n’est pas expressément prévu par le droit suisse :
l’art. 675 al. 2 CO mentionne que des dividendes ne peuvent être prélevés que sur
le bénéfice résultant du bilan et sur les réserves constituées à cet effet. Cependant,
la pratique et la doctrine168 admettent le paiement d’un dividende sur le bénéfice
de l’année en cours si les conditions du dividende ordinaire sont remplies : établissement d’un bilan intermédiaire, vérification par l’organe de révision, existence de
réserves librement disponibles, allocation aux réserves légales, rapport de l’organe
de révision confirmant que la distribution respecte la loi et les statuts, et enfin la
tenue d’une assemblée générale extraordinaire approuvant les comptes et décidant
du dividende.
2.
Recapitalisation par vente à une holding d’acquisition
Dans certaines situations, il peut s’avérer que le paiement d’un dividende n’est
pas fiscalement efficient, notamment lorsque la retenue de l’impôt anticipée ne
peut pas être complètement récupérée. Par ailleurs, le dividende sera usuellement
traité comme un revenu et sera dès lors taxé en conséquence. Les parties préféreront dès lors faire racheter les actions de la société-cible par une nouvelle holding
d’acquisition établie à cet effet par les actionnaires existants (ou certains d’entre
eux) qui se verra prêter les fonds nécessaires au paiement du prix de vente par un
syndicat de banques. Cette structure permettra au mieux de réaliser un gain en
capital franc d’impôt. Les actions de la nouvelle holding seront libérées en espèces. Le nouveau capital injecté ainsi que le prêt d’acquisition serviront à financer
la reprise de biens envisagée au sens de l’art. 628 al. 2 CO. Les principales
contraintes juridiques identifiées pour les LBO sont également applicables aux
recapitalisations par effet de levier au moyen d’une nouvelle holding
d’acquisition. Elles incluent la problématique de la liquidation partielle indirecte,
la théorie de la transposition (le cas de la « vente à soi-même »), la fusion entre la
holding d’acquisition, la société-cible et le cas échéant ses filiales pour faciliter la
prise de sûretés et positionner la dette dans la même entité que les cash-flows (debt
push down), l’absence de consolidation fiscale qui rend impossible fiscalement
l’utilisation de la trésorerie de la société-cible pour servir les intérêts de la dette
d’acquisition, ainsi que la problématique des sûretés fournies par la société-cible
167
168
132
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 534 qui explique aussi de manière convaincante
pourquoi la date butoir est de neuf mois, et non de six mois, comme p.ex. pour l’art. 652d
al. 2 CO qui règle l’augmentation de capital au moyen de fonds propres (émission d’actions
gratuites).
BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht § 12 N 532 ; FORTMOSER/ZINDEL/M EYER BAHAR, p. 205
ss ; THALMANN/WAIBEL, p. 17 ss.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
en faveur des banques ayant accordé l’emprunt à la holding d’acquisition (assistance financière, garanties upstream)169 .
VII.
Liquidation
A.
Notion, avantages, inconvénients
1.
Notion
Parmi tous les scénarios d’exit, la liquidation est sans doute le moins attrayant. La
liquidation consiste en la dissolution de la société-cible, suivie de la liquidation
effective des actifs, du règlement des passifs et de la distribution du produit de la
liquidation aux actionnaires. Finalement, la société sera radiée du registre du
commerce selon l’art. 746 CO.
La société peut être dissoute et liquidée soit volontairement, en conformité des
statuts (art. 736 ch. 1 CO), par une décision de l’assemblée générale (art. 736 ch. 2
CO), soit par l’ouverture de la faillite selon les règles de l’exécution forcée
(art. 736 ch. 3 CO). En outre, des actionnaires représentant ensemble au moins
10 % du capital-actions peuvent requérir la dissolution par le juge pour justes
motifs (art. 736 ch. 4 CO) 170 .
2.
Avantages
La liquidation peut être avantageuse pour un fonds de private equity car, en cas de
liquidation, la société n’est plus liée par les dispositions sur la protection du capital. Elle peut ainsi rembourser aux investisseurs non seulement les réserves librement disponibles, mais aussi le capital-actions et les réserves liées. Si les actifs
excèdent les passifs, le fonds de private equity pourra – s’il dispose d'une préférence
sur le bénéfice de liquidation – réaliser un rendement positif sur son investissement.
On notera finalement que la perspective d’une liquidation est un puissant outil
de persuasion. En effet, le fonds de private equity peut en tout temps user de la
menace d’exercer son droit de liquidation pour inciter le management à chercher
un repreneur pour la société171 .
169
170
171
Voir, en général, sur les contraintes fiscales et juridiques, p.ex. SCHENKER, p. 44 ss et TSCHÄNI, p. 1 ss.
Le projet du nouveau droit de la société anonyme réduit ce seuil à 5% et prévoit un seuil
alternatif à 5% des droits de vote ou la détention d’actions représentant une valeur nominale
totale d’au moins un million de francs suisses ; voir GERHARD, Die Klage auf Auflösung,
p. 143.
VON SALIS-LÜTOLF § 10 N 1308 s ; FRICK § 11 N 1299 s.
133
Frank Gerhard
3.
Inconvénients
Le principal inconvénient de la liquidation est précisément que les actifs de la
société sont réalisés à leur valeur de liquidation, qui est en général inférieure à la
valeur de continuation de l’entreprise. Dans le cas de sociétés à forte croissance
dans le stade initial de développement, cette valeur sera vraisemblablement proche de zéro. Enfin, si un fonds de private equity devait faire valoir son droit à la
liquidation, il risquerait de sérieusement ternir sa réputation d’investisseur.
B.
Droit contractuel de demander la liquidation
Il convient de distinguer le droit légal du droit contractuel de demander la liquidation de la société. À condition de disposer d’une participation suffisante, un investisseur pourra en effet, de par la loi, demander la convocation d’une assemblée
générale selon l’art. 699 al. 3 CO, requérir l’inscription à l’ordre du jour de la
dissolution de la société et ensuite décider seul de ladite liquidation. La décision
de liquidation selon l’art. 736 ch. 2 CO requiert la majorité qualifiée des deux
tiers de voix attribuées aux actions représentées et la majorité absolue des valeurs
nominales représentées (art. 704 al. 1 ch. 8 CO).
Si le fonds de private equity ne dispose pas de la majorité suffisante, il ne pourra demander la liquidation de la société que s’il dispose d’un droit contractuel
correspondant. En effet, un fonds de private equity pourra, à l’aide de la convention d’actionnaires, obliger les autres actionnaires à voter en faveur de la liquidation de la société. Il est également envisageable de prévoir que ce droit naisse
seulement après l’écoulement d’une certaine période, comme par exemple la
période prévue pour mener à bien le business plan, ou la (non-)réalisation d’une
certaine condition, telle que le fait de ne pas atteindre certains objectifs financiers.
Si la société a émis des actions privilégiées, la liquidation de la société nécessitera aussi l’accord de l’assemblée spéciale des actionnaires privilégiés172 .
C.
Préférence sur le produit de liquidation
La préférence sur le produit de liquidation173 constitue une unité fonctionnelle
avec la préférence sur le produit de la vente. Nous renvoyons donc aux explications données à ce sujet174 . Contrairement à la préférence sur le produit de la
vente, elle peut faire l’objet d’un privilège statutaire ressortissant aux actions
privilégiées, étant donné que les montants répartis proviennent de la société ellemême.
172
173
174
134
LIEBI, p. 250 s ; VOGT, BaK N 28 ad art. 654-656 CO.
FRICK § 11 N 897 ss ; LIEBI, p. 202 ss ; VON SALIS-LÜTOLF § 7 N 509 ss et § 8 N 725 ss.
Voir supra, III.E.
L'exit vu au travers des yeux d'un fonds de private equity
En pratique, le privilège de liquidation trouve rarement application : en cas de
liquidation forcée, le produit de la liquidation sera le plus souvent insuffisant pour
couvrir les dettes de la société. Il s’appliquera donc principalement en cas de liquidation volontaire (art. 736 ch. 2 CO) ou en cas de valorisation des actions (par
exemple pour des raisons fiscales).
Bibliographie
Sauf indication contraire, les publications sont mentionnées par le nom de leur(s)
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