jugement caa nancy 19 avril 2016

Transcription

jugement caa nancy 19 avril 2016
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL
DE NANCY
N° 14NC01774
__________
SYNDICAT DES FABRICANTS
D’EXPLOSIFS, DE PYROTECHNIE
ET D’ARTIFICES ET AUTRES
__________
M. Marino
Président
__________
ob
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La cour administrative d’appel de Nancy
(4ème chambre)
Mme Kohler
Rapporteur
__________
M. Laubriat
Rapporteur public
__________
Audience du 22 mars 2016
Lecture du 19 avril 2016
__________
49-02-03
C
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Syndicat des fabricants d’explosifs, de pyrotechnie et d’artifices (SFEPA), la
société Ardi, la société Pyragric Industrie et la société Ukoba Industrie ont, par deux requêtes,
demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler pour excès de pouvoir les articles 2, 3, 4,
7, 9, 10, 11, 12 et 13 des arrêtés du 13 septembre 2013 par lesquels le préfet du Bas-Rhin, d’une
part, et le préfet du Haut-Rhin, d’autre part, ont réglementé la vente, le stockage, le transport,
l’importation, l’exportation, le transfert et l’utilisation de pétards, artifices élémentaires de
divertissements et pièces d’artifices.
Par un jugement n° 1305018-1305023 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de
Strasbourg, après avoir joint les requêtes, a annulé l’alinéa 2 de l’article 3, l’article 4, l’article 7,
l’alinéa 1er de l’article 9, l’alinéa 3 de l’article 10, l’article 11 et l’article 12 des arrêtés du
13 septembre 2013 et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes.
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Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 septembre 2014 et 12 octobre 2015,
le SFEPA, la société Ardi, la société Pyragric Industrie et la société Ukoba Industrie, représentés par
la SCP Boivin & Associés, demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1305018-1305023 du 11 juillet 2014 en tant que, par ce
jugement, le tribunal administratif de Strasbourg n’a pas intégralement fait droit à leurs demandes
d’annulation ;
2°) d’annuler l’article 2, le 1er alinéa de l’article 3 et l’article 13 des arrêtés des
13 septembre 2013 des préfets du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ;
3°) de mettre à la charge de l’État le versement de la somme de 3 000 euros sur
le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les articles 2 :
- l’interdiction édictée par l’article 2 concerne tous les pétards et artifices de catégories K1
et C1 ;
- la notion d’artifices permettant « le tir tendu » ne correspond pas à une catégorie
d’artifices déterminée ni déterminable puisque ce paramètre n’est pas répertorié dans la
classification des artifices de divertissement et que la pratique du « tir tendu » ne correspond pas à
l’usage pour lequel les artifices de divertissement sont conçus, fabriqués et vendus ;
- la détention d’un certificat de qualification C4-T2 de niveau 1 ou 2 pour l’acquisition
des artifices K1 et C1 est une exigence disproportionnée compte tenu de la faible dangerosité de ces
artifices ;
- aucune circonstance locale n’est de nature à établir l’existence d’un risque particulier
justifiant le maintien de l’interdiction de vendre les artifices K1 et C1, toute l’année, aux personnes
non titulaires d’un certificat de qualification C4-T2 ;
- cette interdiction méconnait l’article 6, paragraphes 1 et 2 de la directive 2007/23/CE ;
En ce qui concerne le 1er alinéa de l’article 3 et l’article 13 :
- l’interdiction édictée par le 1er alinéa de l’article 3 et par l’article 13 ne concerne pas
seulement les particuliers et est ainsi contraire à l’article 6 § 2 de la directive du 23 mai 2007 ;
- les artifices de catégories K2, K3, C2, C3 et T1 non conçus pour être lancés par un
mortier ne présentent pas un degré de dangerosité justifiant la mesure de restriction posée par ces
articles ;
- la durée de la restriction posée par ces articles est excessive ;
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- aucune circonstance locale n’est de nature à établir l’existence d’un risque particulier
justifiant le maintien de la limitation de la vente et de l’utilisation des artifices de catégories K2, K3,
C2, C3 et T1 aux seules personnes détentrices d’un certificat de qualification C4-T2 de niveau 1 ou
de niveau 2.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2015, le ministre de l’intérieur
conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2010-455 du 4 mai 2010 relatif à la mise sur le marché et au contrôle des
produits explosifs ;
- le décret n° 2010-580 du 31 mai 2010 relatif à l’acquisition, la détention et l’utilisation
des artifices de divertissement et des articles pyrotechniques destinés au théâtre, qui abroge le décret
n°90-897 du 1er octobre 1990 portant réglementation des artifices de divertissement ;
- l’arrêté du 31 mai 2010 pris en application des articles 3, 4 et 6 du décret n° 2010-580 du
31 mai 2010 relatif à l’acquisition, la détention et l’utilisation des artifices de divertissement et des
articles pyrotechniques destinés au théâtre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de Mme Kohler, rapporteur,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- les observations de Me Gaboriau, représentant le SFEPA et autres.
1. Considérant que, par deux arrêtés identiques en date du 13 septembre 2013, les préfets
du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont réglementé la vente, le stockage, le transport, l’importation,
l’exportation, le transfert et l’utilisation de pétards, artifices élémentaires de divertissement et pièces
d’artifices ; que le SFEPA et autres relèvent appel du jugement du 11 juillet 2014, en tant que par ce
jugement, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions tendant à l’annulation des
articles 2, 3 alinéa 1 et 13 des arrêtés précités ;
2. Considérant que l’article 13 du décret du 4 mai 2010 définit les catégories d’articles
pyrotechniques : « a) Artifices de divertissement : catégorie 1 : artifices de divertissement qui
présentent un danger très faible et un niveau sonore négligeable et qui sont destinés à être utilisés
dans des espaces confinés, y compris les artifices de divertissement destinés à être utilisés à
l’intérieur d’immeubles d’habitation ; (…) catégorie 2 : artifices de divertissement qui présentent
un danger faible et un faible niveau sonore et qui sont destinés à être utilisés à l’air libre, dans des
zones confinées ; catégorie 3 : artifices de divertissement qui présentent un danger moyen, qui sont
destinés à être utilisés à l’air libre, dans de grands espaces ouverts et dont le niveau sonore n’est
pas dangereux pour la santé humaine ; (…) b) Articles pyrotechniques destinés au théâtre :
catégorie T1 : articles pyrotechniques destinés à être utilisés en scène qui présentent un danger
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faible ; (…) » ; qu’aux termes de l’article 27 du même décret : « Les articles pyrotechniques ne
peuvent être vendus ou cédés de toute autre manière à des consommateurs dont l’âge est inférieur à
dix-huit ans et, en ce qui concerne les artifices de divertissement de catégorie 1, à douze ans » ;
qu’aux termes de l’article 12 du décret du 1er octobre 1990 portant réglementation des artifices de
divertissement, abrogé par décret du 31 mai 2010 : « les artifices élémentaires de divertissement
sont classés dans les groupes ci-après : Groupe K 1 : artifices qui ne présentent qu’un risque
minime ; Groupe K 2 : artifices dont la mise en œuvre, soit isolément, soit sous forme de pièces
d’artifice lorsqu’ils peuvent être mis en œuvre sous cette forme, exige seulement le respect de
quelques précautions simples décrites dans une notice d’emploi ; Groupe K 3 : artifices dont la mise
en œuvre, soit isolément, soit sous forme de pièces ou de feux d’artifice, peut être effectuée sans
risque par des personnes n’ayant pas le certificat de qualification prévu pour les artifices du groupe
K 4, à la condition que soient respectées les prescriptions fixées dans un mode d’emploi ; (…) » ;
qu’aux termes de l’article 14 de ce décret : « (…) seuls les artifices du groupe K1 peuvent être
cédés à des mineurs » ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article 5 du décret du 31 mai 2010 : « I - Les artifices des
catégories 2 et 3 conçus pour être lancés par un mortier ne peuvent être mis en œuvre que par une
personne titulaire soit du certificat de qualification prévu par l’article 6, soit d’un agrément délivré
par le préfet du département ou, à Paris, par le préfet de police, ou sous le contrôle direct de cette
personne. L’agrément est délivré pour une durée déterminée. Il est accordé ou retiré pour des motifs
tirés des garanties présentées par le demandeur au regard des exigences de la protection de la
sécurité publique. II - L’acquisition et la détention d’artifices de divertissement conçus pour être
lancés par un mortier sont réservées : 1° S’il s’agit d’artifices des catégories 2 et 3, aux personnes
physiques titulaires du certificat de qualification prévu par l’article 6 ou de l’agrément prévu au I
du présent article et qui peuvent justifier que ces artifices seront mis en œuvre par une personne
titulaire de ce certificat ou de cet agrément ou sous le contrôle direct de celle-ci ; (…) » ;
4. Considérant, d’une part, que l’article 2 des arrêtés en litige réserve la vente des artifices
de divertissement des catégories K1 et C1 aux personnes de plus de douze ans et celle des « produits
pyrotechniques permettant le tir tendu vers les personnes et les biens » aux seules personnes
titulaires d’un certificat de qualification C4-T2 de niveau 1 ou de niveau 2 ;
5. Considérant que le tir tendu est une méthode de tir pouvant, en tant que telle, être
appliquée à tout projectile ; qu’ainsi, en réservant la vente des produits pyrotechniques « permettant
le tir tendu » aux seules personnes titulaires d’un certificat de qualification C4-T2, le préfet a, en
réalité, réservé la vente, toute l’année, des produits pyrotechniques des catégories K1 et C1
aux personnes titulaires d’un certificat de qualification C4-T2 ;
6. Considérant, d’autre part, que le premier alinéa de l’article 3 et l’article 13 des arrêtés en
litige réservent respectivement la vente et l’utilisation, entre le 1er juin et le 31 juillet, et entre le
1er novembre et le 10 janvier, des artifices de divertissement des catégories K2, C2, K3, C3 et T1 et
des produits pyrotechniques de type fusée aux personnes titulaires d’un certificat de qualification
C4-T2 de niveau 1 ou 2 ; qu’ils ont ainsi étendu la restriction prévue par les dispositions du décret
du 31 mai 2010 en ce qui concernent les artifices de divertissement des catégories 2 et 3 conçus pour
être lancés par mortier à l’ensemble des artifices de ces catégories ;
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7. Considérant que pour justifier l’aggravation, par ces articles, des restrictions applicables
au plan national, le ministre de l’intérieur fait état, dans son mémoire en défense, d’une forte
tradition de l’usage des pétards et artifices de divertissement dans les départements du Bas-Rhin et
du Haut-Rhin, d’un nombre important d’accidents survenus depuis 2009 et d’atteintes aux personnes
y compris aux enfants, de blessures graves occasionnées notamment par l’utilisation de mortier et de
décès, de nuisances sonores, de risques de troubles à la tranquillité et à l’ordre publics, ainsi que de
risques de départ d’incendie de biens publics et privés ; que les éléments produits, tant en
première instance qu’en appel, s’ils démontrent l’existence d’accidents liés à l’utilisation d’articles
pyrotechniques au cours de la période des fêtes de fin d’année, ne permettent pas d’établir, d’une
part, que ces accidents seraient significativement plus nombreux en Alsace que sur le reste du
territoire national, ni, d’autre part que ces accidents seraient particulièrement liés à l’une ou l’autre
des catégories concernées par les restrictions édictées par les dispositions en litige ; qu’ils ne
permettent pas davantage de justifier la durée illimitée de la restriction édictée en ce qui concerne
les articles de catégories C1 et K1 ni de la durée de quatre mois prévue en ce qui concerne les
catégories C2, C3, K2, K3 et T1 ; qu’ainsi, le ministre n’établit pas que l’interdiction de vendre
toute l’année des artifices de divertissement de catégorie K1 et C1 à toute personne non titulaire
d’un certificat de qualification C4-T2 ni que la restriction de la vente des artifices des catégories C2,
C3, K2, K3 et T1 aux seuls titulaires de ce certificat entre le 1er juin et le 31 juillet, et entre le
1er novembre et le 10 janvier seraient nécessaires et proportionnées au regard de la situation de fait
existant à la date à laquelle elle a été prise pour assurer la sécurité, la salubrité et la tranquillité
publiques ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le SFEPA et autres sont fondés à soutenir
que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur
demande tendant à l’annulation des articles 2, 3 premier alinéa et 13 des arrêtés du 13 septembre
2013 ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de
l’Etat la somme de 500 euros, à verser à chacun des requérants, au titre des frais exposés par eux et
non compris dans les dépens ;
DÉCIDE:
er
Article 1 : L’article 2, le 1er alinéa de l’article 3 et l’article 13 des arrêtés du 13 septembre 2013 des
préfets du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et le jugement du 11 juillet 2014 du tribunal administratif de
Strasbourg, en tant qu’il n’a pas annulé ces dispositions, sont annulés.
Article 2 : L’Etat versera au Syndicat des fabricants d’explosifs, de pyrotechnie et d’artifices,
à la société Ardi, à la société Pyragric Industrie et à la société Ukoba Industrie une somme
de 500 (cinq cents) euros chacun en application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative.
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6
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat des fabricants d’explosifs, de pyrotechnie et
d’artifices, à la société Ardi, à la société Pyragric Industrie, à la société Ukoba Industrie et
au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin et au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l’audience du 22 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Marino, président de chambre,
- M. Tréand, président assesseur,
- Mme Kohler, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 avril 2016.
Le rapporteur,
Le président,
Signé : Y. MARINO
Signé : J. KOHLER
La greffière,
Signé : F. DUPUY
La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers
de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de
pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. DUPUY

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