Association Belge des Consommateurs Test-Achats - Test
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Association Belge des Consommateurs Test-Achats Association Sans But Lucratif Monsieur Johan VANDE LANOTTE Vice-Premier Ministre et Ministre de l’Economie et des Consommateurs Avenue des Arts, 7 1210 BRUXELLES Bruxelles, le 10 juin 2013 Concerne: Avant-projet de loi sur les actions collectives Nos réf : 2013/ GDH/ Action collective Monsieur le Vice-Premier Ministre, La mise en place d’une procédure de réparation collective constitue un chantier essentiel de l’actuel gouvernement. En vue de concrétiser ce point de l’accord de gouvernement, un avantprojet de texte a été préparé par le Ministre de l’Economie et des Consommateurs en collaboration avec la Ministre de la Justice. Cet avant-projet actuellement soumis à la consultation inter-cabinets en vue de son approbation prochaine en première lecture par le Conseil des Ministres, nous semble particulièrement équilibré. Pour vous en convaincre, nous avons repris ci-dessous quelques explications sur les principaux enjeux de l’instauration d’un recours collectif ainsi que sur l’adéquation des principaux choix opérés dans ce projet de législation. I. Les principaux enjeux de l’instauration d’un recours collectif Actuellement, le consommateur moyen confronté à un préjudice de masse est découragé de faire valoir son bon droit en raison du coût de la procédure ou du faible montant de l’enjeu financier individuel. Il en est réduit à une tentative de règlement amiable avec le professionnel concerné sans envisager de porter l’affaire en justice. Il en résulte que des comportements sources de préjudice pour les consommateurs perdurent car ils ne sont pas contestés devant les tribunaux et, par conséquent, ne sont pas sanctionnés. 1) Amélioration de l’accès à la justice La première finalité de la procédure d’action collective est d’améliorer l’accès à la justice en cas de dommage(s) causé(s) par un même fait à un grand nombre de personnes. La prise en charge de l’initiative de l’action en réparation collective par un représentant qualifié est de nature à permettre de dépasser l’inertie des consommateurs lésés ainsi que les obstacles d’ordre économique qui les dissuadent d’introduire une action individuelle. L’avant-projet de loi rencontre pleinement cet objectif. La reconnaissance des associations de défense des intérêts des consommateurs siégeant au Conseil de la Consommation comme représentants qualifiés est tout à fait cohérente. En effet, ces associations ont pour objet social de développer des activités en vue de promouvoir la défense de l’intérêt général des consommateurs. Celles-ci bénéficient déjà de la qualité pour agir en cessation contre des actes illicites commis par des professionnels sans que cette qualité Rue de Hollande 13 1060 Bruxelles tél. + 32 (0)2 542 33 38 www.test-achats.be N° entr. BE 0407.703.668 - BNPParisbas/ Fortis: 210-0888726-64 EC register for interest representatives: identification number 20249725565-04 2 n’ait jamais entraîné de difficultés. Or, l’action en réparation du dommage collectif occasionné par les pratiques illicites est parfaitement complémentaire et s’inscrit dans la continuité de telles actions en cessation. Nous rappelons que Test-Achats, qui a pour objet social principal et permanent de promouvoir et de protéger les intérêts des consommateurs, bénéficie de l’expertise et de la structure, adéquates pour mener avec succès des négociations et des actions en justice en vue de défendre l’indemnisation collective des consommateurs. Nous serons donc à même d’user de cet outil avec mesure. 2) L’effet préventif Le recours collectif joue un rôle préventif important en incitant les professionnels à veiller davantage à la qualité des offres qu'ils présentent aux consommateurs. Actuellement, en l'absence de possibilité d’action en indemnisation à l'encontre de pratiques illégales causant un préjudice aux consommateurs, des coûts économiques injustifiés demeurent à la charge des consommateurs sans aucune justification (même lorsque la cessation de telles pratiques sont ordonnées par un juge). Cette situation nuit gravement à l'équilibre et à l'équité dans les relations économiques et commerciales entre les professionnels et les consommateurs. La possibilité d’introduire un recours collectif aménagé par l’avant-projet de loi améliorera certainement le fonctionnement du marché car les agents économiques seront incités à respecter la loi afin d’éviter les risques de se voir intenter une action collective. 3) Les améliorations procédurales Le recours collectif tel que proposé dans l’avant-projet présente de nombreux avantages sur le plan procédural tant du côté de la victime que pour la société ou pour le défendeur. En effet, le rassemblement de litiges multiples en une seule action évite la multiplication d’actions individuelles dirigées par différents demandeurs contre un adversaire identique. Les parties au procès réalisent ainsi une économie de coûts et évite l’apparition de décisions contradictoires résultant de procès successifs. Du point de vue de la justice, la gestion du contentieux en est également rationalisée car un seul procès a lieu là où plusieurs procès auraient été nécessaires selon la procédure judiciaire classique. Si comme proposé, l’ensemble du contentieux est confié à la compétence exclusive de la Cour d’appel de Bruxelles, la jurisprudence en matière d’action collective sera uniformisée car rendue par cette unique juridiction. II. L’adéquation de l’avant-projet de loi aux finalités du recours collectif L’avant-projet de loi actuellement en discussion s’appuie sur les meilleures pratiques identifiées par les experts spécialisés dans la matière des actions collectives dans les pays connaissant déjà ce type de recours. Dans l’ensemble, il nous semble que les auteurs du texte ont opéré des choix judicieux et équilibrés. Pour vous en convaincre, nous avons choisi de reprendre quelques grands principes retenus par cet avant-projet. 1) Faculté de conclure un accord amiable Le système proposé s’inspire de l’expérience de nos voisins hollandais et du modèle québécois. Une fois la procédure en réparation collective autorisée, une phase de négociation est systématiquement imposée aux parties afin qu’elles concluent un accord en réparation collective. La décision de recevabilité permet de cadrer ces négociations. Si les négociations aboutissent et que l’accord répond aux exigences de la présente loi, il est homologué par la Cour d’appel et rendu public. Ce mécanisme en deux temps est efficace car il favorise l’émergence d’accords entre parties. Nous y sommes favorables et nous pensons qu’il répond pleinement à la préoccupation exprimée par les entreprises que le différend puisse trouver une solution en dehors des prétoires. 3 Par ailleurs, la possibilité d’homologation d’un accord ayant « autorité » sur l’ensemble des membres d’un groupe de victimes, constitue un mécanisme apprécié par les entreprises confrontées à des préjudices de masse car il permet, d’une part, de faire obstacle à la multiplication des procès à l’infini et, d’autre part, de chiffrer une fois pour toute les dommages dont l’entreprise est redevable. Ceci est attesté par le succès de la loi d’homologation 1 d’accords collectifs d’indemnisation mise en place en 2005 aux Pays-Bas comme en attestent 2 les accords globaux conclus dans ce cadre . 2) Les « garde-fous » contre l’usage abusif du recours collectif Le filtre que constitue la phase d’autorisation du recours, d’une part, et le contrôle renforcé du juge tout au long de la procédure, d’autre part, constituent de solides garde-fous à l’usage abusif de l’action collective. La phase d’autorisation permet au juge de contrôler les conditions de recevabilité de l’action (c’est-à-dire que la réclamation est bien couverte dans le champ matériel défini par la loi et est bien introduite par un représentant réunissant les conditions exigées) et de s’assurer que le recours à une action en réparation collective, est plus efficient qu’une procédure de droit commun (Article XVII 29 et XVII 30). L’interdiction du « pacte de quota litis » en droit judiciaire belge ainsi que le principe de non enrichissement du représentant posé par l’avant-projet de loi constituent également de solides balises contre les recours abusifs. Au cas où le représentant échouerait dans sa demande portée en justice, il supportera les frais et dépens de l’instance. Il en résulte qu’un représentant qualifié ne décidera qu’avec mesure d’initier une procédure en réparation collective. L’articulation de ces différents mécanismes constitue de solides balises contre l’usage abusif du recours collectif. 3) La constitution du groupe Selon le texte de l’avant-projet, c’est au juge qu’il reviendra de trancher quel système convient le mieux pour la composition du groupe de consommateurs lésés sur base de la proposition formulée et justifiée par le représentant au stade de la phase de recevabilité. Un choix devra ainsi être fait par le juge entre le « système d’option d’exclusion » (« opt out ») selon lequel la représentation vise toutes les victimes qui n’ont pas manifesté la volonté de s’exclure du « groupe » et le « système d’option d’inclusion » (« opt in ») qui, à l’inverse, prévoit que seules sont représentées les personnes ayant expressément indiqué leur volonté de rejoindre le « groupe ». Test-Achats tout comme le Conseil Supérieur de la Justice et de nombreux spécialistes 3 autorisés considèrent que la « la formule de l’opt out (…) offre plus de garanties, puisque, en principe, les personnes lésées n’ont pas à accomplir de démarche particulière pour être 4 associées au groupe » . Ainsi, même les personnes les plus vulnérables qui n’auraient jamais pris spontanément l’initiative ni même été au courant de l’action, sont d’office jointes à la procédure. Il ressort de l’évaluation des systèmes mis en place à l’étranger que le modèle de recours collectif autorisant uniquement la constitution du groupe sur base de « l’ opt in » ne fonctionne que très imparfaitement car il n’arrive pas à réunir l’adhésion de suffisamment de victimes affectées. Ainsi, à titre d’exemple, en France seulement 12.000 consommateurs ont été 1 Wet Collectieve Afwikkeling Massaschade - Accord de transaction dans affaire diëthylstilbestrol qui concerne potentiellement 440.000 victimes ; accord de transaction relative à un produit d’investissement DEXIA où 8.000 victimes sont concernées ; -accord de transaction pour indemniser les victimes du SOFTENON. 3 L. FRANKIGNOUL, o. c., nr. 20, p. 203. 4 Avis du Conseil Supérieur de la Justice sur la proposition de loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l’instauration d’une procédure collective du 16 décembre 2009, pp.2 et 6-7. 2 4 représentés dans l’action en réparation du dommage consécutif au cartel des opérateurs français de télécom diligentée par l’organisation de défense des consommateurs UFC-QueChoisir (soit 0,03 % des consommateurs affectés) alors que la campagne d’information avait 5 coûté à cette organisation de consommateurs plus de 500.000 € ; en Angleterre « Which », une autre organisation de défense des consommateurs, a reçu mandat uniquement de 1.000 consommateurs en vue de l’indemnisation du dommage consécutif à l’entente sur les prix des fabricants de T-shirts imprimés à l’effigie de clubs de football. Le système d’option retenu dans l’avant-projet de loi tient compte de ce constat car il autorise le « système d’option d’exclusion » pour constituer le groupe (« opt out ») . L’action en recours collectif en projet devrait donc pouvoir compter sur des groupes de personnes représentées suffisamment importants pour assurer l’efficacité du mécanisme, ce dont Test-Achats se félicite. 4) Système de distribution des indemnités 6 La doctrine insiste sur le fait que l’effet dissuasif de l’action collective tient essentiellement à la possibilité de condamnation à un montant global correspondant au dommage de masse. Cet aspect devant être combiné avec la constitution du groupe sous la forme d’une option inclusive (voir ci-dessus). En d’autres mots, le montant de la condamnation finale ne devrait pas dépendre du nombre de personnes se manifestant activement pour obtenir un jugement mais correspondre au préjudice de masse global. Dans le cas contraire, on maintiendrait injustement une prime au profit illicite pour les entreprises non respectueuses de la légalité. Par voie de conséquence, la procédure en action collective échouerait partiellement par rapport à son objectif d’amélioration du fonctionnement du marché. L’avant-projet prévoit qu’il appartient à la Cour d’apprécier « selon les circonstances du cas, de l’opportunité de fixer un montant global d’indemnité, le cas échéant par sous-catégorie, à partager entre les membres du groupe ou un montant individualisé, dû à chaque consommateur qui se déclarera » (art. XVII. 46, 7°). Par ailleurs, selon l’avant-projet, la distribution se déroulera sous le contrôle de la Cour via l’intervention d’un liquidateur. Nous regrettons toutefois, ici, que l’avant-projet prévoit que les sommes non distribuées bénéficient au « Service fédéral de Médiation ». En lieu et place, il nous semblerait plus logique que les sommes non réclamées et non distribuées soient créditées à un fonds d’aide aux procédures de réparation collective. * * * 5 UFC Que Choisir, ‘Trade practices and competition/Mobile telephone cartel’, presentation CLEF, 17-18 May 2007, Bruxelles. 6 L. FRANKIGNOUL, « L’action en réparation collective ou un mécanisme procédural permettant de prendre le droit au sérieux », TBBR/ RGDC, 2012/5, nr. 21, p. 203. 5 Pour votre parfaite information, nous joignons à la présente la position de Test-Achats relative à l’instauration d’une procédure d’action de groupe que nous avions distribué en 2010 lors d’une conférence que nous avions organisée sur le sujet. Si vous le souhaitez, nous sommes disposés à vous rencontrer afin de vous expliquer en détail nos positions dans ce dossier important. Nous vous prions de croire, Monsieur le Vice-Premier Ministre, en l’assurance de notre considération très distinguée. Gilles de Halleux EU Public Affairs Adviser Ivo Mechels Lobby & Press Manager Annexe : Position de Test-Achats relative à l’instauration d’une procédure d’action de groupe (FR et NL)