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m Question 1
• Un poème est une « grappe d’images » grâce auxquelles le poète transfigure la réalité : comparaisons, métaphores, personnifications… Ainsi, les
quatre poètes du corpus, Hugo et Heredia au XIXe siècle, Ponge et Jaccottet
au XXe siècle, recourent à des images saisissantes pour rendre compte du
monde sensible qui les entoure.
• Hugo, dans Les Contemplations, pense que « tout est plein d’âmes » ; aussi
mélange-t-il souvent tous les règnes, minéral, végétal, animal et humain. Il
personnifie ici « l’araignée » et l’« ortie » et, dans la métaphore qui clôt le
poème, leur donne la parole, les unissant dans un même murmure :
« La mauvaise bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour ! »
Il invite ainsi à aller au-delà des apparences sensibles et nous fait comprendre
que tout ce qui nous entoure et qui nous paraît laid ou nuisible cache en fait
le malheur et l’envie d’amour. À travers cette métaphore, qui s’appuie sur
deux périphrases (« mauvaise bête » désigne l’araignée, « mauvaise herbe »
l’ortie), il invite à regarder le monde avec indulgence, pitié et amour.
• Le poème « Midi » de Heredia repose tout entier sur la personnification de ce
moment torride de la journée. Il décrit essentiellement les « rayons » du soleil
qui tissent une « gaze » et termine son poème par une métaphore qui invite à
jeter un autre regard sur le beau spectacle que ces rayons offrent à la vue :
« Et dans les mailles d’or de ce filet subtil,
Chasseur harmonieux, j’emprisonne mes rêves. »
Par cette double métaphore, il fait comprendre que ce spectacle est la
source même de son inspiration et que c’est de la contemplation de ces
rayons que naît ce qui est le plus précieux pour lui (suggéré par la mention
de l’« or ») : son poème. La nature devient alors une inspiratrice de « rêves ».
Les éléments visuels sont un tremplin vers la poésie.
• Pour décrire la réalité banale de la boue – qui sollicite les sens de la vue et
du toucher – et notamment rendre compte de sa consistance « collante »,
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Ponge invente une triple comparaison, qui donne vie à la boue, la personnifie, puis la compare à des outils pour capturer les animaux (l. 35-37).
L’expression « elle tient à vous » prend alors un double sens : l’un, concret
(coller) ; l’autre, affectif (aimer). Auparavant, Ponge, à travers une belle
métaphore doublée d’une métonymie, a transformé la boue en un papillon
ou un oiseau, invitant par là le lecteur à être sensible à sa beauté cachée :
« Tu es si belle, après l’orage qui te fonde, avec tes ailes bleues ! »
• Jaccottet multiplie les métaphores pour faire sentir comment les fruits
sont une fête pour les sens, notamment pour la vue et l’odorat : afin de
rendre sensible leur maturation, après avoir transformé les « vergers » en
« chambres », il assimile les « fruits » à « des globes suspendus que la
course du temps colore », à « des lampes que le temps allume et dont la
lumière est parfum ». Il suggère ainsi leur forme ronde, mais aussi les belles
couleurs qu’ils prennent en mûrissant, et, par synesthésie, leur arôme.
• Le rôle du poète semble bien être de nous faire sentir autrement le monde
qui nous environne pour mieux l’apprécier.
m Question 2
• Genre très ancien, la poésie s’est vu assigner de nombreuses fonctions.
Mais, par son origine religieuse, elle a dès le début eu pour fonction de
célébrer les dieux ou les héros par exemple, et d’en faire l’éloge à travers le
registre lyrique : le poète est un chantre.
• C’est cette même fonction que Hugo au XIXe siècle, Ponge au XXe siècle
confient au poète, mais, au lieu de célébrer les dieux, le poète doit chanter
pour les oubliés du monde qui nous environnent, que ce soient des animaux
(l’araignée), des végétaux (l’ortie) ou des objets, des réalités banales (la
boue). Plus spécifiquement, ce sont des réalités considérées comme nuisibles ou peu dignes, « méprisée[s] » (Ponge parle de « honte qu’on [leur]
inflige »), « maudites » (« qu’on […] hait » et « qu’on fuit », Hugo), auxquelles
le poète, qui voit le monde en profondeur et comprend ses secrets cachés,
doit redonner une dignité ; par les mots, il rend positif ce qui est négatif (les
termes mélioratifs sont nombreux dans le poème de Ponge). Le poète doit
faire prendre conscience à tous des mystères du monde les plus insoupçonnés. Il devient alors le défenseur des « victimes » (Hugo) : « De mon
écrit, boue au sens propre, jaillis à la face de tes détracteurs » (Ponge).
• À travers cette célébration, et au-delà, le poète porte un message de
pardon, de réconciliation et d’amour. Ponge fait une véritable déclaration
d’amour à la boue : « Boue si méprisée, je t’aime. Je t’aime à raison du
mépris où l’on te tient » ; Hugo parle de « baiser » et termine lyriquement son
poème sur le mot « Amour ! » Et le poète retrouve là son rôle premier, religieux et presque divin, comme en témoignent le vocabulaire religieux –
« prochain », « adore », « ragenouillé », « pardonne[r] », « fatals », « funèbre » –
ou le ton prophétique de ces deux poèmes.
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