A l`Aveuglette dans la Vie suivante - Grèce 2011

Transcription

A l`Aveuglette dans la Vie suivante - Grèce 2011
45
Espèce en voie de disparition : le French Lover
Chacun y va de son petit commentaire plus ou moins
déplacé, à propos de l'affaire DSK. Du plus grand
éditorialiste à la plus modeste femme de ménage d'hôtel deux
étoiles, en passant par BHL et les mouvements féministes.
JFK, oubliant de tourner sa langue sept fois dans sa bouche
avant de parler, parle de « troussage domestique » avant de se
retirer.
Un journaliste publie une information inédite grâce à ses
sources obscures, secrètes ou confidentielles, sans doute pour
en valider l'importance et lui donner de la valeur. Tous les
éditoriaux du monde se mettent à le citer. De vrais perroquets ! A partir d'une information microscopique conditionnelle se développe, à la vitesse des électrons dans les tuyaux
d'Internet, un tsunami verbal, par enrobage de la petite phrase initiale dans un tourbillon gyroscopique de blabla d'enrobage. Sans compter le remplissage par le rappel lancinant de
ce qui a été dit la veille et la veille de la veille, pour ceux qui
n'auraient pas été attentifs ou qui n'auraient pas compris le
contexte, après la centième audition ou lecture de la même
info mi-bourrage de crâne mi-lavage de cerveau. Les débats
lâches et les déballages font rage sur les écrans de TV et d'ordinateurs connectés, déconnectés de la simple réalité.
⇑ Le 17 mai au Café Thomas (Pythagorion, Samos) – Le lendemain de la première nuit de DSK à Rikers Island. Cela ne s'invente pas !
Tout ce tohubohu est nuisible. Je ne suis pas le premier à le dire : il y aura un avant et un après l'affaire DSK. Criminel avec
circonstances aggravantes ou victime d'une machination machiavélique, il aura brisé le mythe du French Lover, qui aurait dû,
comme la cuisine, être mise au patrimoine immatériel de l'Humanité. Un French Lover, amoureux de la Femme, débordant de
romantisme, respectueux des femmes, sachant leur parler pour les séduire et leur faire l'amour avec une ardeur de délicatesse
typiquement hexagonale. Exactement l'opposé d'une tête polydiplômée au-dessus et en-dessous de la ceinture, incapable de
maîtriser ses pulsions d'animal en rut « spermanent ». Si comme DSK le prétend, le rapport sexuel de l'un des plus hauts représentants de l'establishment mondial avec une technicienne de surface modèle réfugiée dans le Bronx était consentant, il faut
qu'il soit vachement éjaculateur précoce pour souiller sa robe avant-même de l'avoir déshabillée ! Putain, pas très vieille France cette souillure ! Ce serait la première fois dans l'Histoire de l'Humanité qu'une analyse ADN démontrerait que le French
Lover est un éjaculateur précoce en puissance. Il y a peut-être une publication inédite à faire dans la revue Nature !
L'analyse ADN prouverait évidemment qu'il y a eu réellement acte sexuel. Pour plaider le consentement de la nana, il ne res tera aux avocats de la défense qu'à plaider, comme ceux de l'accusation, la bonne éducation et les bonnes manières de la
(présumée) victime. Bien élevée, elle ne parle pas la bouche pleine. Et qui ne pipe mot consent. CQFD.
C'est bizarre cette notion de présomption d'innocence. Il me semble que l'on mélange le présent et l'avenir dans une seule formule. Cette expression est sensée dire (aujourd'hui) qu'on ne présume pas du verdict (demain). Puis on extrapole en se -
www.thoe.be
♠
© Pierre Lang
46
couant vigoureusement pour signifier que le suspect n'est pas du tout coupable, jusqu'à preuve du contraire. Là, c'est l'his toire
du verre à moitié plein ou à moitié vide. L'intéressé, qui est présumé innocent par les justiciables, la défense et ses sympathisants est inévitablement présumé coupable par le parquet, l'accusation et ses détracteurs. Simple question de point de vue.
Pourquoi ne pas simplement parler de plaignant et de suspect ? Voilà qui serait conforme aux deux plateaux de la balance
d'une Justice respectant d'égal à égal les deux parties opposées, jusqu'au verdict.
En face du présumé innocent, le plaignant est-il une présumée victime ou un présumé mythomane manipulateur calomnieur ?
Je comprends mieux pourquoi, à la fin d'un interminable procès rebondissant d'appel en appel et d'appel en cassation, l'avocat
dit : « maintenant que le présumé innocent a été déclaré réellement coupable, mon client va pouvoir commencer à faire son
deuil ». De quel deuil parle-t-il ? Celui du préjudice subi des années auparavant ? Il me semble que ce deuil devrait déjà être en
cours puisqu'il a débuté le jour du crime. Non, cela doit plutôt être le deuil d'avoir été pendant toutes ces années considéré
comme un présumé affabulateur. Au bout d'un long combat, il a enfin été reconnu dans son état de victime. Son témoignage
a été entendu et validé. Il a fallu des années de combat pour être cru. Simple peine pour l'ex-futur condamné, double peine
pour l'ex-supposée victime.
Est-ce un moyen comme un autre, pour une démocratie, de tenter de se prouver à elle-même qu'elle est réellement une démo cratie ? Croire que si l'on est « juste et équitable » avec ceux qui enfreignent la loi, on sera forcément juste avec le bon père de
famille qui la respecte. Le procès équitable pour un suspect garantit au reste du monde que la justice sera juste pour lui. C'est
cher payé... par les victimes !
Un suspect est nommé présumé innocent. Un présumé clochard est nommé SDF. Un présumé chômeur paresseux est nom mé demandeur d'emploi. Quelle hypocrisie ! Pourquoi ne pas appeler un chat un chat ? La langue française est-elle pauvre au
point de devoir utiliser des formules vagues pour qualifier les choses simples ? Ou bien est-ce pour pouvoir inlassablement
« débattre » au cours d'interminables déluges verbaux successifs, pour le plaisir de pratiquer la langue de Molière en réinventant indéfiniment la poudre, sans apporter de conclusion et encore moins d'actes concret ? Pendant le temps de ces débats,
chaque membre de la majorité silencieuse a la conscience tranquille, les médias et la télévision font une audience garante de
revenus publicitaires. La vague présumée honteuse ne perturbe pas le plan d'eau. Cette pointe émergée de l'iceberg cache la
partie que l'on ne saurait voir. L'arbre cache la forêt. Les apparences sont trompeusement sauves. De l'autre côté de
© Pierre Lang
♠
www.thoe.be
47
l'Atlantique, qui n'a pas ma sympathie non plus, il y aurait des présumés coupables et de vraies victimes. L'instruction se ferait
principalement à charge, aux avocats le boulot d'instruire à décharge. Une justice. Une balance. Le pla teau le plus pesant des
deux faisant le jugement. Ce n'est pas si con ! Le hic, c'est que le plus riche a plus de chances de pouvoir bien se défendre que
le pauvre. Dommage !
C'est quoi une « instruction à charge et à décharge » ? Est-ce un autre un jeu de langage embourbé dans l'hypocrisie de nos
pays moins démocratiquement développés que nous l'imaginons ? Sans doute que oui. Car enfin, le juge d'instruction doit nécessairement instruire à décharge, s'il veut que son instruction à charge tienne la route le jour du procès ! S'il veut que le présumé coupable soit condamné, il faut nécessairement qu'il vérifie s'il n'y a pas d'éléments à décharge (utilisables par la défense)
qui pourraient, déconstruire l'argumentation de son accusation en deux coups de cuiller à pot.
www.thoe.be
♠
© Pierre Lang
48
Macho la France ? Mais non ! Pour se convaincre de la délicatesse des rapports hommes femmes, il n'y a qu'à écouter le début
de l'interview de Tristane Banon qui a renoncé à porter plainte contre DSK trois jours après avoir annoncé le contraire, prétendument pour ne pas que la justice américaine en fasse des choux gras. Finalement, c'est quoi son message ? Elle était venue
présenter, chez Ardisson, son livre « J'ai oublié de la tuer », parlant de ses rapports avec sa mère absente et de son père niquant tout ce qui bouge. Quel déballage ! www.dailymotion.com/video/xf98pd_tristane-banon-j-ai-oublie-de-la-tuer_news ou
www.youtube.com/watch?v=oAfXSNV7nKA.
www.youtube.com/watch?v=oAfXSNV7nKA
Tous ces débordements irréfléchis, jetés en pâture comme au café du commerce, mais provenant de l'élite intellectuelle, me
semblent être révoltants, à la limite du surréalisme. Quel spectacle affligeant. Il faut qu'on fas se gaffe, nous les Belges mangeurs de moules-frites et de caricoles (escargots de mer), de ne pas perdre notre première place au hit parade du surréalisme !
Question politique, nous conservons cependant quelques longueurs d'avance sur le reste du monde civilisé. Nous, nous ne
sommes pas dirigés par une clique de présumés innocents aux mains pleines. Nous sommes gou vernés par une bande de vrais
innocents !
© Pierre Lang
♠
www.thoe.be