L`orientalisme

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L`orientalisme
L’Orient à Montréal
Auteure : Gabrielle Blanchette-Lafrance
Dernière mise à jour : 23/03/2015
L’exposition « Merveilles et Mirages de
l’orientalisme, De l’Espagne au Maroc :
Benjamin-Constant
en
son
temps »,
présentée au Musée des beaux-arts de
Montréal du 31 janvier au 31 mai 2015,
invite les spectateurs à découvrir, certes
une région du monde souvent méconnue, mais aussi une époque où l’Occident venait à peine de
commencer à s’ouvrir à ces territoires étrangers et mystérieux. Le Proche-Orient ainsi que le
Maghreb ont rapidement conquis l’imaginaire des artistes aux XVIIIe et XIXe siècles. Le champ
des possibilités de représentations des sujets s’en est trouvé élargi. Un simple portrait regorgeait
alors plutôt de couleurs riches et soyeuses grâce aux différents costumes de ces contrées. Les
représentations des thèmes bibliques étaient nouvellement teintées des saveurs et des parfums de
l’Orient. L’orientalisme connut véritablement son heure de gloire dans les années 1800 alors que
les conquêtes en terre nord-africaine débutaient. Napoléon tenta en 1798 de conquérir l’Égypte.
Cette campagne inspira grandement la production des artistes. Au fil des années, de plus en plus
d’Européens entreprirent des voyages dans ces pays. Ils retournèrent chez eux les valises pleines
de souvenirs, d’idées et de nouvelles inspirations. Jean-Joseph Benjamin-Constant, personnage
central de cette exposition, fit un tel voyage qui eut un impact majeur sur son œuvre. Le parcours
proposé par le Musée nous transporte dans cet Orient, imaginé par l’Occident.
Comme un voyage
Pour accéder à l’exposition, il n’y a pas d’autre choix que de monter les escaliers
mythiques du Pavillon Michal et Renata Horstein. Suite à l’ascension, une œuvre monumentale,
Intérieur de harem au Maroc de Jean-Joseph Benjamin Constant accueille le spectateur. Frappés
par l’immensité de la toile, nous sommes dans l’obligation de nous arrêter pour étudier ce
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nouveau monde dans lequel nous allons bientôt pénétrer. Le choix de ce tableau n’est pas anodin.
Il s’agit d’une toile importante de la production de Benjamin-Constant. Celui-ci gagna une
médaille au Salon grâce à celle-ci. Avant de déconstruire l’exposition et de l’étudier pièce par
pièce, il est intéressant de la considérer dans son ensemble. Ce parcours dans le musée se veut un
pèlerinage dans un Orient fantasmé et inventé par les artistes du XIXe siècle, principalement par
Benjamin-Constant. Il ne suffit que de suivre le guide et un monde unique se révélera aux
spectateurs.
Il est facile de constater que l’inspiration des artistes émanait de plusieurs sources, pas
toujours véridiques et le plus souvent amalgamées par leurs esprits. Les mêmes composantes, qui
reviennent souvent dans les différentes œuvres de Benjamin-Constant, amusent l’œil. Dans
plusieurs de ses toiles, nous devinons l’atelier du peintre, situé en plein cœur de la capitale
française. Il n’est plus nécessaire de quitter le confort de son pays pour être dépaysé ; si vous
visitez l’atelier de Benjamin-Constant, un monde de trésors et de merveilles vous y attend. Une
emphase toute particulière, principalement dans la première salle, est mise sur la vie de l’artiste
et dans quel contexte a été réalisée la production de ses œuvres. Les nombreux textes et cartels
permettent une meilleure compréhension des œuvres et de leurs circonstances de production.
Quatre salles, six thèmes
La construction de cette exposition tourne autour de plusieurs thématiques, le musée
ayant décidé d’aborder différents aspects de l’œuvre de Benjamin-Constant et de l’orientalisme.
L’aménagement des salles peut faire penser aux intérieurs maghrébins, avec ses couleurs
chaudes et ses impressions de cour intérieure. La première salle, surtout biographique, nous
présente l’artiste vedette de cette exposition. Beaucoup d’œuvres, aux côtés de photographies et
de textes, nous renseignent sur ce Benjamin-Constant et son univers. La mise en contexte étant
maintenant faite, le vrai voyage peut débuter. L’Orient est décomposé et décliné, par l’institution
montréalaise, selon les lieux qui ont été nécessaires et essentiels au développement de ce style
pictural. Tour à tour, nous visitons l’atelier du peintre, le Salon, l’Espagne par le biais de
l’Alhambra, Tanger et le harem. Au milieu de ces lieux, le légendaire Eugène Delacroix impose
sa présence. La confrontation de ce dernier et de Benjamin-Constant propose des idées valant la
peine d’être étudiées, mais qui sont peu approfondies dans l’exposition. Nous découvrons aussi
le travail de plusieurs autres peintres, contemporains à Benjamin-Constant. Des tableaux de
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Jean-Paul Laurens, de Georges Rochegrosse et de Jean-André Rixens donnent un aperçu complet
des tendances orientalistes du XIXe siècle.
La transition lumineuse exerce une influence majeure sur l’ambiance de la visite. Notre
progression à travers les salles d’exposition est marquée par cette fausse lumière naturelle qui
s’impose à nous. Dans la deuxième salle, un puits de lumière, créé par des jeux d’éclairage,
provoque à la fois un effet de grandeur et une transition lourde de sens vers la suite de
l’exposition. Ce puits de lumière éclaire une œuvre en particulier d’Henri Regnault intitulée Tête
de Maure, et annonce la thématique de la prochaine salle. L’homme portraituré regarde droit
devant. Fier, il nous oblige à porter notre attention sur ce qui semble le fasciner. En poursuivant
notre route, nous sommes emportés dans la ville marocaine de Tanger. Nous découvrons alors
son histoire et ses paysages, vus par Benjamin-Constant et ses pairs. La dernière salle est sans
doute la plus captivante. Nous entrons dans ce lieu sacré qu’est le harem. La nature des
odalisques impose nécessairement une ambiance intimiste. Un immense siège à la marocaine
domine l’entrée de la pièce. Nous sommes invités à nous reposer tout en observant ces femmes
dénudées. Il est de mise de se questionner sur le rôle de voyeur que nous pouvons endosser et sur
le rôle des femmes confinées au harem. Les odalisques et le harem furent des thèmes de
prédilection pour certains artistes tels Ingres et Matisse. Ces femmes sensuelles et ce lieu de
décadence présumé ont donné lieu à des représentations souvent loin de la réalité. La
présentation d’œuvres de Lalla Essaydi, Majid Khattari et Yasmina Bouziane, des artistes
femmes marocaines contemporaines, aux côtés de ces tableaux orientalistes, propose une
contradiction marquante. Les œuvres des peintres du XIXe siècle nous apparaissent presque
misogynes, la femme étant présentée comme un objet de désir et de fantasme. Les photographies
de ces jeunes artistes maghrébines, en plus d’être visuellement fortes, attestent d’une volonté de
montrer les femmes sous un autre angle. Leur but étant de détourner notre attention des thèmes
orientalistes habituels. Elles utilisent l’expressivité du médium, c’est-à-dire la photographie, et
des moyens plastiques tels que des couleurs fortes pour mettre l’accent sur ces femmes
modernes. Le caractère intime de la salle met en évidence le tabou qui entoure la représentation
de la femme et de sa sexualité. Une femme peut-elle être dissociée de cette image
hypersexualisée tout en conservant ses caractéristiques intrinsèques ? La femme se doit d’être
considérée dans son ensemble.
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Cette exposition mérite d’être visitée, ne serait-ce que pour la découverte de cet artiste
oublié et de ses œuvres lumineuses et enchanteresses. Le spectateur découvrant pour la première
fois l’orientalisme sera confronté à un univers méconnu qui mérite d’être exploré. Le visiteur
davantage érudit ne sera pas rebuté par la quantité énorme d’informations véhiculées. Celui-ci
conserve sa liberté lors de la visite, pouvant décider d’ignorer ce qui l’intéresse moins pour se
concentrer davantage sur les œuvres attirant son attention. Certes, la muséographie dicte un
parcours précis, mais ne contraint pas le visiteur à s’attarder sur une thématique qu’il juge moins
captivante. Le défaut majeur de cette exposition est sans aucun doute l’éclairage. Celui-ci étant
souvent mal positionné, il est parfois difficile d’admirer les œuvres sans avoir à se déplacer
plusieurs fois devant celles-ci afin de trouver l’endroit idéal où la lumière ne viendra pas cacher
les détails importants. Cette faiblesse dans la muséographie se retrouve à plusieurs endroits dans
l’exposition. Seule la dernière salle en est moins affectée. Les murs bleus et la lumière voilée,
pour accentuer la sensualité des odalisques, diminuent ces effets d’aveuglement. Outre ce
problème technique, l’exposition se visite sans heurt, la mise en exposition permettant un voyage
doux et intuitif. Le spectateur n’aura pas d’autre choix que d’être happé par la folie orientaliste.
Il se dégage de cette exposition une nostalgie de ces civilisations idéalisées et un rêve, un désir
d’exotisme qui ne laisseront pas les spectateurs indifférents.
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Bibliographie
BENDINER, Kenneth (2007-2015). Orientalism in Grove Art Onlive, [En ligne],
http://www.oxfordartonline.com/subscriber/article/grove/art/T063780?q=orientalism&search=qu
ick&pos=1&_start=1#firsthit, Consulté le 8 mars 2015.
MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL (2015). Merveilles et mirages de l’orientalisme,
[En
ligne],
https://www.mbam.qc.ca/expositions/a-laffiche/merveilles-et-mirages-delorientalisme/. Consulté le 5 mars 2015.
ROSENTHAL, Donald A. (2007-2015). Constant, Benjamin in Grove Art Online, [En ligne],
http://www.oxfordartonline.com/subscriber/article/grove/art/T019171, Consulté le 8 mars 2015

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