Compte-rendu de la rencontre Autour du film Le Mystère de la

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Compte-rendu de la rencontre Autour du film Le Mystère de la
Compte-rendu de la rencontre
Autour du film Le Mystère de la Chambre Jaune
de Bruno Podalydès
Le mercredi 23 mars 2005 a eu lieu au CDDP une rencontre avec Annie Thomas, directrice programmatrice au cinéma Le Panthéon à Paris, appartenant à « Why not », maison de production des films de
Bruno Podalydès, Arnaud Deplechin, Jacques Audiard.
C’est la première fois qu’un film de Bruno Podalydès entre dans le dispositif Collège au cinéma.
Bruno Podalydès avait déjà réalisé deux moyens métrages avant Le Mystère de la Chambre Jaune (Versailles, rive gauche - 1992 et Liberté-Oléron - 2001).
Ce film a un rapport très intime à l’auteur à plusieurs niveaux :
- projet qui date de l’enfance de Podalydès,
- envie de retravailler avec son frère, Denis Podalydès et Jean-Noël Brouté (Sainclair)
- la façon dont il a ressenti l’œuvre. Il a le plaisir de faire croire, de jouer « Il était une fois »
d’une façon nouvelle.
Le rapport artistique avec les machines n’est pas une fantaisie du réalisateur mais un renvoi aux origines du cinéma à pouvoir inventer des machineries. Ce film peut rappeler le cinéma muet dans la mise
en scène. En effet, Sabine Azéma a très peu de texte et beaucoup de jeu comme par exemple, la
scène de la chambre lorsque Rouletabille et Larsan observent la scène d’un arbre. Il y a également une
projection du cinéaste dans les acteurs, comme par exemple, les acolytes de l’inspecteur ressemblant à
Dupont et Dupond.
L’enquête vue par le juge, Rouletabille et l’inspecteur nous permet de raconter l’histoire de différents
points de vue.
Alors que dans le livre, le photographe n’existe pas, dans le film, il représente un rapport à l’image, un
autre regard du cinéaste.
Il y a aussi un rapport lié à l’inspiration du cinéaste, l’influence dont Bruno Podalydès veut parler à
travers le film (Quelle influence ? Quelle envie de Podalydès ?).
Pour préparer ces comédiens, Bruno Podalydès leur a montré des imageries de peintres surréalistes
(Magritte et Picabia) pour qu’ils s’imprègnent de l’atmosphère du film ainsi que toutes les imageries des
romans populaires, des affiches qui ont influencé les couleurs du film.
Travail sur le suspense et le mystère :
- Rapport à la bande dessinée et à Tintin : Bruno Podalydès pense qu’Hergé a lu le roman et
que Tintin est inspiré de Rouletabille. Rouletabille est un personnage à la « Tintin ».
- Dans Liberté-Oléron, Bruno Podalydès avait déjà beaucoup travaillé sur la bande dessinée.
Dans Le Mystère de la Chambre Jaune, Podalydès a travaillé sur plusieurs éléments et les personnages
secondaires permettent de nous faire penser autrement. Les personnages ne se limitent jamais à une
seule influence. L’autre influence déterminante est la dédicace à Alain Resnais. La même famille
d’acteurs a été importante pour aspirer à son univers. Comme Resnais, le rapport au roman populaire
est fondamental, c’est une manière de réinventer systématiquement les choses.
Ce film a été réalisé en vase clos. Bruno Podalydès n’avait auparavant jamais travaillé avec des acteurs plus âgés que lui et il fallait donc inventer une autre façon de jouer. Il a réussi à apporter le mystère du roman et à amener de la fantaisie.
Eléments importants dans le travail d’adaptation :
- Concentration dans l’espace : l’objectif étant de faire un film qui se résume en 3 lieux (château, parc,
galerie)
- Concentration dans le temps : l’histoire du film se passe sur un week-end
- Concentration des personnages : un seul personnage du film peut être le résumé de deux ou trois
personnages du livre.
La manière dont il va se servir des chapitres est également un élément important du cinéma muet. Ce
film prend le parti pris de l’image.
Choix de tonalité (élément le plus important des films)
Le rapport au surréalisme fait échapper au rationnel dans le film. Podalydès a voulu mettre des situations décalées pour mettre de l’humour comme, par exemple, lorsque Rouletabille et Sainclair écossent
des petits pois. Il s’est amusé à travailler sur l’association d’idées, d’image et de jeu de mots qui nous
fait glisser sur d’autres situations.
Le parfum, que Rouletabille reconnaît, et la phrase « Le presbytère n’a rien perdu de son charme ni le
jardin de son éclat » nous fait aller dans le mystère du personnage de Rouletabille.
Dans la création de cette surréalité, travailler avec les acteurs est d’une grande importance. La théâtralisation du jeu revient constamment. Il joue sur plusieurs variantes ce qui fait la richesse du film.
L’apogée de cette théâtralisation est la séquence où Rouletabille résout le mystère devant le public.
Rouletabille a joué sur des postures de poses, il est tout le temps en train de bouger pour nous faire
penser à Tintin. Dans la dernière séquence, Bruno Podalydès a travaillé dans un jeu de semi improvisation. La caméra épouse les mouvements de l’acteur d’où l’importance de la complicité entre Denis et
Bruno Podalydès. Il y a eu très peu de répétition de cette scène avec les acteurs. L’équipe technique a
travaillé quinze jours seule avec des mannequins pour mettre en place les grandes scènes avec les déplacements, la scénographie... Les comédiens avaient un grand plaisir de jouer et une liberté de jeu.
Bruno Podalydès a travaillé avec les comédiens pour rendre le jeu plausible.
En choisissant Pierre Arditi, Bruno Podalydès rend l’inspecteur Larsan dur, étrange et inquiétant.
Annie Thomas souligne que Michaël Lonsdale (Stangerson) est toujours partant pour vivre d’autres genres de cinéma.
Les professeurs peuvent travailler avec leurs élèves la question du point de vue par rapport à la position du spectateur.
La voix du narrateur est celle de Bruno Podalydès. En choisissant toutes les visions qui se surimpressionnent, le film rappelle au spectateur que nous sommes au cinéma et c’est ce qui nous permet de croire en
l’histoire.
Plusieurs facteurs ont poussé Bruno Podalydès à faire ce film :
- la société dans laquelle les personnages évoluent : c’est le monde où il a grandi et dans lequel il
voulait raconter l’histoire
- Intérêt des personnages dans un microcosme
- Attachement au monde de Fantômas qu’il a voulu recréer
- Redonner une modernité au livre
Pour Annie Thomas, il est arrivé à pouvoir travailler sur le mystère de l’enquête en intégrant en même
temps de la fantaisie et de l’humour. Le fait de trouver une part de drôlerie dans une situation dramatique est propre à Bruno Podalydès.
Le jeu théâtral au cinéma permet de trouver la vérité et fait ainsi toute la richesse de ce film. L’humour
est une création de Podalydès qui ne se trouvait pas dans le roman.
Madame Follier, professeur de français au collège Arche du Lude de Joué-lès-Tours, intervient en nous
soulignant sa crainte que les élèves de 6ème/5ème ne comprennent tout le mystère. Annie Thomas
conseille donc aux enseignants d’exposer l’énigme (sans pour autant la résoudre) ainsi que les personnages avant la projection du film.
Pour Annie Thomas, Rouletabille est le personnage masqué du film. Il est présenté ainsi pour annoncer
la suite du film, Le Parfum de la Dame en noir qui sortira le 8 juin 2005. Cependant, le personnage de
Rouletabille est parfois insupportable.
Bruno Podalydès fait s’accumuler des hasards dans la situation qui fait le mystère de l’intrigue. Il y a
aussi un mélange de point de vue car, en effet, Rouletabille joue le rôle de la victime dans la reconstitution.
Dossier professeur : Analyse d’une séquence (p11-13)
Cette séquence peut être comprise comme un fantasme de Rouletabille.
Dans les plans 10-11-12, Rouletabille essaye de nous convaincre à travers le point de vue du cinéaste.
Dans les plans 17-18, il y a une distorsion de l’histoire expliquée par des plans qui se chevauchent.
A la fin du film, le personnage de Rouletabille tend vers quelque chose de plus complexe, sa propre
histoire se confond avec l’énigme du film.
André Dussolier devait jouer le personnage de Robert Darzac. Cela s’est révélé impossible et c’est
finalement Olivier Gourmet qui a tenu le rôle, mais Bruno Podalydès voulait une économie de mot, de
jeu. Il voulait des gestes simples qui permettaient de suggérer le mystère entourant le personnage ce
qui pour Annie Thomas, n’aurait pas été possible avec André Dussolier.
Nous sommes aussi dans un cinéma qui ne veut pas se prendre au sérieux.
Madame Pico, professeur de lettres classiques au collège Philippe de Commynes à Tours, pense que
Bruno Podalydès a pris une distance personnelle dans une lecture d’aujourd’hui.
Il y a eu un travail important de la lumière dans l’image mais également dans le découpage de la
séquence du dénouement de l’énigme. L’obscurité et la lumière racontent l’histoire sans avoir besoin de
paroles.
Le Parfum de la Dame en noir sortira en septembre 2005.
Notes prises par Claire Tupin et relues par Dominique Roy et Nicolas Carli-Basset

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