L`espace dans Fish Tank 3

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L`espace dans Fish Tank 3
L’ESPACE DANS FISH TANK d’ANDREA ARNOLD
LISIERE, CHARNIERE ET FRANCHISSEMENTS :
UNE VISION DE L’ADOLESCENCE ?
1/ Le partage de l’espace : frontières et hybridation
Un paysage hybride : la nature dans le béton
Lisière et frontières
La cité / la zone pavillonnaire : deux sphères distinctes
2/ Mia et le monde : une place à trouver, une distance à franchir
Marginalité
Ecrans, barrières et zones tampons : éprouver la distance
Conquête de liberté par le mouvement et le déplacement
3/ Apprivoisement d’un tiers espace : intimité des sensations et temps
suspendu
La danse : premier espace intime de Mia
Espace intérieur et perception du monde
4/ Une vision de l’adolescence ?
Apprendre à exister
Le refus de l’uniforme
>> Voir parallèlement le diaporama intitulé « Diapo Espace Fish Tank »
(téléchargeable sur le site internet de l’ACREAMP)
De ses premiers courts métrages – Dog (2001) et Wasp (2003) – à Fish Tank (2009), en
passant par Red Road (2006), et bientôt dans Les Hauts de Hurlevent, l’œuvre de la cinéaste
anglaise Andrea Arnold se caractérise par une forme de métissage. Se reconnaissant à la fois dans
le cinéma de Luc et Jean-Pierre Dardenne et dans l’œuvre de David Lynch, Andrea Arnold
dépasse le réalisme social qui est bel et bien le terreau de la plupart de ses films, par une écriture
poétique très incarnée (douée d’une véritable densité charnelle), énergique et sensuelle, qui
imprègne ses films de lyrisme et les emporte bien au-delà de la chronique sociale.
Au confluent d’univers artistiques très divers, la cinéaste, qui a débuté à la télévision
comme danseuse puis comme animatrice d’une émission pour enfants et qui adapte aujourd’hui
ce monument de la littérature anglaise qu’est Les Hauts de Hurlevent d’Emilie Brontë, ne craint
pas le mélange des genres. Avec son code génétique complexe et bigarré, Fish Tank témoigne au
plus haut point de ce goût de l’hétérogène et de ce penchant pour l’hybridation des formes.
Que ce soit le cadre esthétique, pictural et musical dans lequel Fish Tank s’inscrit, les choix de
mise en scène qui informent l’espace filmique ou les figures qui l’habitent, l’hybride est au cœur
du film. Ce travail s’attachera à en révéler les différentes modalités ainsi que les motifs et les
questions qui traversent l’ensemble de l’œuvre d’Andrea Arnold, creusant depuis ses débuts un
sillon profond.
Un premier temps consacré aux influences montrera la coexistence d’un souffle proche de
celui de la peinture romantique anglaise – en particulier de l’œuvre de Turner - et d’un pan de la
création musicale et vidéo de la scène contemporaine londonienne.
Cf. texte de Luc Cabassot - L’insularité culturelle
L’analyse de l’espace dessinera ensuite les contours d’un territoire filmique défini par une
mise en scène de l’entre-deux au sein duquel le mouvement sera un moyen de libération.
Cf. texte de Raphaëlle de Cacqueray - L’Espace dans Fish Tank
Enfin, par un effet de loupe, l’analyse se concentrera sur les figures du films, humaines et
animales, sur leurs rapports et sur les échanges figuratifs constants qui font de Fish Tank le très
beau récit d’une construction d’identité (de la construction identitaire de Mia).
Cf. texte de Marie-Pierre Lafargue – Hommes et animaux dans Fish Tank
L’ESPACE DANS FISH TANK
LISIERE, CHARNIERE ET FRANCHISSEMENTS : UNE VISION DE L’ADOLESCENCE ?
1/ LE PARTAGE DE l’ESPACE : FRONTIERES ET HYBRIDATION
Un paysage hybride : la nature dans le béton
Dans Fish Tank, de même que dans Dog et Wasp (courts métrages d’Andréa Arnold), la banlieue
est présentée comme un lieu hybride où une nature non domestiquée coexiste avec les
constructions humaines (habitations, bâtiments industriels, pylônes, routes, ponts…). Le végétal
et le minéral sont inscrits dans un même espace. Barres d’immeubles et terrains vague cohabitent,
le plus souvent dans le même plan.
Fish Tank
Fish Tank
Fish Tank
Fish Tank
Dog (court métrage)
Wasp (court métrage)
L’escapade au lac en voiture avec Connor (37 :57), long travelling, est l’occasion d’un passage
dynamique d’un univers à l’autre (d’un espace très minéral à un espace exclusivement végétal et
aquatique).
Par ailleurs, la nature investit l’espace sonore de la ville. Pluie, bruit du vent, chants d’oiseaux
et grillons cohabitent avec les sons citadins (campement de Billy : circulation automobile,
grillons, vent) ou les supplantent furtivement mais régulièrement entre deux séquences, comme
une respiration.
Le motif de l’éolienne revient à plusieurs reprises et incarne lui aussi le jumelage de la nature (la
puissance du vent) et de la civilisation.
Une certaine mixité ou indétermination entoure la plupart des lieux qui sont littéralement entre
deux : ni ville, ni campagne, des lieux à la fois frontières et composites.
Lisière et frontières
La figure de la lisière jalonne le film. On se trouve d’abord littéralement à la lisière de la ville,
dans l’entre-deux des terrains vagues. Un entre-deux qui n’est pas un non man’s land dépourvu
de frontières, mais un paysage au contraire traversé par des ponts, routes, berges et talus.
La composition de l’image elle-même joue très souvent avec les bordures et lisières.
Au sein de ce paysage hybride, le campement gitan est exemplaire : situé à la lisière de la ville,
c’est un lieu-frontière, un lieu de transit et de séjour, symbole d’enclave et de déplacement.
L’ambiance sonore traduit cette dualité (présence de la route mêlée à celle des grillons et du
vent).
Au-delà du seul campement gitan, la notion de clôture est récurrente. Il y a presque toujours dans
l’image un élément qui souligne l’enfermement ou tout au moins, la frontière. La plupart espaces
intérieurs sont clos, délimités ou contraints (le squat - filmé comme un aquarium évoqué dans le
titre-même du film, le couloir de l’immeuble, le couloir de l’appartement…). Grillages, barrières,
clôtures, portes, portails, fenêtres et balustrades partagent l’espace.
Quant aux espaces extérieurs, ils sont rarement totalement clos, mais jamais infini. La perspective
est toujours là aussi légèrement barrée, sauf dans le plan final (panoramique qui suit le ballon qui
s’envole).
Portails et barrières
Fenêtres et balustrades
Rembardes et palissades
Couloir (Fish Tank)
Couloir (Dog)
La cité / la zone pavillonnaire : deux sphères distinctes
.
- Le quartier de Mia : la cité, l’appartement, le squat perché, la route, le campement de
Billy, le lieu de travail de Connor.
La civilisation est très présente dans l’ambiance sonore : forte présence sonore des voitures,
sirènes d’ambulances, sons de télévision, musique des voisins, cris, aboiements de chiens…
Sons qui créent une impression de vitesse et d’exigüité.
Dans le même temps, à l’image, des éléments de végétation sauvage (herbes, arbres, graminées)
s’insinuent dans le paysage urbain. Une nature peu domestiquée qui évoque les jardins à
l’anglaise.
- Tilbury : le lotissement de plein pied, la maison opulente et ordonnée de Connor.
Pas plus d’ampleur dans l’image (palissades etc…) mais une ampleur de l’espace sonore.
Ambiance sonore très peu saturée : les sons de circulation automobile sont présents mais
lointains, comme atténués, et cohabitent avec la présence de la nature (vent, tourterelles). Peu de
sons de civilisation, hormis un avion qui ouvre l’espace sonore et donne corps à un ailleurs, horschamp. Impression de dépressurisation de l’avion qui perd de l’altitude.
Cette ambiance sonore crée une impression de dilatation de l’espace et de temps plus distendu
qui oppose Tilbury au quartier de Mia.
Dans le lotissement de Tilbury, la végétation est domestiquée, presque aménagée à la française
(gazon impeccable, plantes en pots). La végétation sauvage est à deux encablures (paysages de
l’enlèvement de Keira) mais n’investit pas le lotissement.
Tilbury et le quartier de Mia sont ainsi deux sphères disjointes qui incarnent inversement la
présence de la nature et de la civilisation. C’est le personnage de Mia qui se prend l’initiative de
se déplacer au-delà du périmètre de son quartier familier et nous permet de découvrir Tilbury, un
monde voisin mais autre.
2/ MIA ET LE MONDE : UNE PLACE A TROUVER, UNE DISTANCE A FRANCHIR
Place et distance : deux questions cruciales qui sont au cœur des métamorphoses et
ajustements du temps de l’adolescence. Questions ici fortement soulignées dans les choix de mise
en scène et la construction de l’espace.
Assez limité dans la communication verbale, le rapport de Mia au monde est
éminemment spatial et peut se lire à travers trois dimensions : sa place et son mouvement dans
l’espace, sa place face aux autres personnages et enfin son regard sur le monde. Un personnage
d’adolescente qui oscille entre distance et intériorité.
Marginalité
. Si l’on observe ses relations sociales : Mia est relativement isolée, souvent en conflit voire
désaffiliée. Perçue comme une marginale par ses pairs, elle n’appartient pas vraiment au groupe :
ses premières paroles sont adressées à un répondeur - un monologue sans dialogue, puis ses
premiers dialogues sont adressés avec rudesse au père de Keely, puis à Keely - « tu danses
comme une bouse », elle est insultée par les filles de la cité - « gitane », « tu pues », exclue du
système scolaire, pas à sa place parmi les filles de l’audition, presque reniée par sa mère…
. Elle fréquente des personnages marginalisés (Billy qualifié de gitan, le cheval entravé et
l’homme qui délire dans la rue près du cyber café qu’elle est la seule à remarquer…).
. Elle s’aventure physiquement dans des espaces situés en marge et joue avec les limites de la
légalité (appartement squatté pour les répétitions de danse, achat de cidre interdit aux moins de
16 ans, incursion à la casse automobile, quasi-effraction chez Connor…).
Au-delà de la notion de transgression qui n’est pas valorisée en tant que telle, l’accent est mis sur
la conquête d’une liberté. Il s’agit pour le personnage de Mia de se fixer ses propres lois pour se
forger une autonomie.
Ecrans, barrières et zones tampons : éprouver la distance
Les choix de mise en scène établissent une distance nette entre Mia et les autres personnages.
. Les embrasures de portes et fenêtres comme zones frontières : Mia se tient sur le pas de la
porte et aux fenêtres pour observer ou se tenir à distance.
Nombreux sur-cadrages entre Mia et les personnages qu’elle regarde (plans subjectifs et
semi-subjectifs).
> L’exemple de Mia et sa mère : violation d’intimité et rencontre impossible.
Mia n’entre quasiment jamais dans la même pièce que sa mère si elle y est seule. Elles cohabitent
dans le même plans à seulement trois reprises : lorsque sa mère la pince le soir de la fête (c’est la
mère qui franchit la limite tacite) / quand Mia franchit le seuil qui la sépare de sa mère pour
récupérer le numéro de Connor (sa mère de dos) / puis pour la séquence de danse « en famille »
de la fin.
. De nombreux autres objets et lieux marquent la distance en délimitant l’espace : vitres, rideaux,
grillages, fils, balustrades, routes, couloirs et escaliers.
. La faible profondeur de champ : un choix de réalisation qui accentue l’impression de distance
entre Mia et le monde, rarement nets en même temps.
. Les champs/contre-champs sont souvent légèrement biaisés : peu de frontalité entre Mia et
les autres personnages. Mia souvent de profil tandis que son interlocuteur est quasiment de face.
. La distance focale fixe (pas de zooms ou travellings avant) dans tous les plans subjectifs ou
semi-subjectifs instaure une caméra qui, littéralement, ne s’approche pas, reste à distance.
Conquête de liberté par le mouvement et le déplacement
Les choix de mise en scène posent d’emblée le personnage de Mia comme un personnage en
mouvement.
. Mouvement incarné par la mobilité de la caméra elle-même (caméra portée).
. Mia : toujours en mouvement, souvent hors d’haleine. Dès le premier plan : coincée dans le
squat-aquarium (focale en simili fish eye), elle expire et se relève. Ses gestes, le bruit de ses pas
et sa respiration la font exister dans la bande-son. Son corps non parlant est véritablement incarné
sur le plan sonore.
. Elle marche, longe, arpente, enjambe, escalade et franchit, voire force le passage d’espaces
clos ou contraints (couloir de l’immeuble, couloir de l’appartement, portes, barrières, marquage
au sol, grillage…). Marche/course/fuite/vitesse/déplacement : elle sillonne et traverse le monde.
. Mia passe d’un monde à l’autre, dépasse le périmètre de l’appartement familial, les quatre
murs de son squat et l’enceinte de son quartier. Il convient de relever ici l’importance de la
voiture qui lui permet de quitter l’enclave (escapade avec Connor, puis départ avec Billy).
Elle a bien plus de liberté spatiale que la plupart des autres personnages. Sa mère, Tyler, le père
de Keeley au balcon, les voisins, Tennents - le chien, le cheval entravé, le hamster en cage sont
autant de personnages qui semblent assignés à résidence, consignés dans un espace très limité,
rarement en mouvement, et ne franchissant jamais les frontières.
. Parallèlement aux séquences de déplacement dans lesquelles Mia arpente et traverse le
monde, les séquences de danse viennent en léger contrepoint.
La danse au squat pose un certain ancrage (certaines avec confinement - Mia à l’étroit dans le
cadre, mur de papier peint à barreaux, absence de point de fuite -, d’autres très découpées, et les
dernières plus amples avec une caméra plus mobile qui intègrent une fenêtre dans le champ) pour
se terminer sur l’immobilité de l’estrade-pilier de l’audition.
>> Cf. montage des séquences de danse de Mia extraites du film sur le site internet Image :
http://site-image.eu/index.php?page=resultatfilm&mots=fish+tank&submitTopSearch.x=0&submitTopSearch.y=0
*Ctrl+clic pour suivre le lien internet.
Mia construit donc son rapport au monde à travers la distance - distance à observer pour se
protéger, barrières à franchir pour découvrir. Elle circule d’un espace à l’autre et s’affranchit des
frontières, mais cette distance qu’elle éprouve et apprivoise n’empêche pas l’intériorité.
3/ APPRIVOISEMENT D’UN TIERS ESPACE : INTIMITE DES SENSATIONS ET
TEMPS SUSPENDU
La danse : premier espace intime
. Les séquences de danse au squat posent un ancrage (cf. nombreux passages au sol) qui instaure
un espace intime.
La danse est sans doute, à travers le mouvement, le premier lieu d’apprivoisement d’une
intimité pour Mia. Les premiers moments de danse sont des moments où Mia est seule. C’est
seulement dans un second temps qu’elle dansera pour Connor - sur le parking, puis dans le salon,
puis avec sa mère et sa sœur - dans le salon.
Le squat où elle danse est en outre un lieu clos (ambiance sonore d’aquarium qui en fait un lieu
quasi matriciel), où elle voit sans être vue. Un lieu choisi et protégé (puisque seul Billy est
invité à y entrer), comme une bulle à peine plus large qu’elle-même.
>> Cf. troisième séquence de danse (1:07:06)
L’image ralentie associée aux sons de la respiration et des pas de Mia sur fond de son d’aquarium
(bulles d’air dans l’eau) focalisent notre attention sur l’espace proche et intime tout en créant une
impression d’apesanteur. La séquence se termine par un raccord cut sur le paysage nocturne des
arbres au pied de l’immeuble. Le raccord son passe sans transition du souffle de Mia au bruit du
vent dans les arbres, de la pulsation humaine au tournoiement des éléments.
Le paysage semble bien tenir lieu ici de paysage intérieur, véritable expression ou
surface de projection, à l’extérieur, d’un état intérieur du personnage. Dans ces plans
furtifs qui reviennent à plusieurs reprises dans le film et se distinguent radicalement de
simples plans de coupe, le paysage devient l’antichambre de l’espace mental et
émotionnel de Mia.
La danse ouvre ainsi la voie à plusieurs séquences qui s’apparentent à des bulles et ont un statut à
part.
Espace intérieur et perception du monde
Ces séquences singulières sont en totale rupture avec le mouvement quasi permanent du
personnage et proposent un traitement singulier du son et de l’image : lenteur soudaine et
changement de focalisation. Le rapport au monde passe alors par le prisme de l’intériorité et
invite à se tenir à l’écoute des perceptions et sensations.
>> Exemples : séquence de Mia assoupie portée dans sa chambre par Connor (24 :04),
séquence de Mia sur le dos de Connor au bord du lac (37 :57).
Voir aussi la séquence de Mia avec la jument.
. Lumière et température de couleur moins réalistes instaurent un espace à part
. Image ralentie
. Bande-son souvent à deux vitesses (ambiance ralentie / dialogues en temps réel).
Le hiatus entre le son et l’image crée ainsi un léger vertige. Impression d’apesanteur et
de temps suspendu. Comme des sensations prises au moment où elles se fixent, comme
un souvenir sensible qui se constitue au présent.
. Réduction de l’espace sonore qui se focalise sur les sons de proximité (souffle,
respiration, avec parfois des sons d’acouphènes qui créent une impression
d’auricularisation interne). Dans le même temps, l’ambiance sonore lointaine est atténuée
voire inexistante. Impression de bulle qui amène à prêter l’oreille aux sensations.
4/ UNE VISION DE L’ADOLESCENCE ?
A l’instar des frontières et zones tampons qui jalonnent l’espace mis en scène dans le film,
l’adolescence s’impose comme une période charnière.
Mais au-delà de la notion de passage de l’enfance à l’âge adulte, l’adolescence de Mia est
présentée comme la construction d’une identité autonome (« régie par ses propres lois »).
Une articulation à trouver, d’abord, entre le rapport au monde extérieur et l’acuité de la vie
intérieure. Entre l’observation du monde (regarder, à distance) et l’appréhension plus immédiate
du monde (sensations et rapport plus tactile).
Il s’agit donc pour Mia de trouver et conquérir sa place (au sens propre comme au figuré),
s’affranchir des frontières - ici fortement inscrites dans les paysages et la géographie - par le
mouvement. Il s’agit alors de résister aux injonctions sociales qui la cantonneraient à un
territoire à la fois unique et uni-forme. Elle tente d’ex-(s)ister - c’est-à-dire sortir du centre de
gravité qui lui est indiqué, non pas à la manière d’une héroïne qui échapperait miraculeusement à
sa condition, mais comme un être qui résiste à l’identification (elle ne s’identifie pas au discours
que sa mère pose sur elle) et à l’uniformisation (elle ne cherche pas à se faire accepter en
imitant les autres, ne se déguise pas en gogo danseuse, ne renonce pas à sa queue de cheval,
tandis que Connor, lui, travaille en uniforme, et mène à Tilbury un pan de vie qui peut être vu
comme conforme).
De la même manière et plus largement, le paysage** qu’Andréa Arnold dessine dans Fish Tank,
comme dans une grande partie de ses films, résiste à l’uniformisation et à la domestication.
L’hybridité, souvent assimilée à l’inquiétante et monstrueuse étrangeté des chimères*, semble
ici, au contraire, constitutive de l’humanité**.
* Etymologie : chimère > Khimaira (gr.) – Dictionnaire historique de la langue française, Dir. Alain Rey
- Jeune chèvre âgée d’un an à sa première mise bas.
- Créature mythologique composite, mais avec un corps ou une tête de chèvre.
Suédois, norvégien dialectal [gimber] : brebis n’ayant pas encore mis bas.
Latin [bimus, trimus, quadrimus] : bétail de deux, trois, quatre ans.
**Voir aussi le texte de L. Cabassot sur l’insularité culturelle et notamment le traitement du
paysage dans la peinture romantique anglaise (Turner) ainsi que le texte de M-P. Lafargue sur
l’humanité et l’animalité dans Fish Tank.
Document réalisé pour la formation « Jeunes et lycéens au cinéma » organisée par l’ACREAMP et destinée aux enseignants – Auch /octobre 2012
RDC

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