Paris, sans son héliport, ne serait plus Paris Tellement désolant

Transcription

Paris, sans son héliport, ne serait plus Paris Tellement désolant
Paris, sans son héliport, ne serait plus Paris
Tellement désolant…. En arriver là, dans un pays berceau de l’aviation et de l’hélicoptère ; celui des
pionniers qui ont permis à la France, parfois au péril de leur vie, d’occuper le premier rang mondial
pour la production d’hélicoptères et de moteurs d’hélicoptères. Après les menaces de fermeture de
plusieurs aérodromes français, c’est au tour des hélisurfaces. L’hélico est attaqué car méconnu. Les
compagnies dialoguent avec les riverains, les invitent à venir découvrir leur métier, font des efforts
de bonne entente, mais cela n’est jamais suffisant. Quand on aura fermé l’héliport, il y a aura un
autre os à ronger, jusqu’à faire de Paris une ville piétonne et isolée.
L’enjeu ne concerne pas seulement les pertes économiques pour les exploitants mais aussi et surtout
pour les utilisateurs ! La fermeture de l’héliport de Paris (et non pas d’Issy-les-Moulineaux) ou la
restriction de son trafic serait désastreuse et contribuerait encore au recul de la France, dans un
contexte de crise dont on émerge à peine. On pense à tort que l’hélicoptère est le joujou d’une élite
fortunée. Or, cette clientèle n’est pas représentative, en aviation d’affaires elle est même estimée à
2% des utilisateurs. L’hélicoptère est avant tout un outil vital pour nombre d’entreprises, l’outil du
dernier kilomètre, l’avion de proximité, seul moyen d’accès à des sites sensibles, un outil
irremplaçable pour le transport de fret urgent et, aussi, une condition de productivité. Les passagers :
des hommes d’affaires, des cadres moyens, des techniciens envoyés en urgence sur un site de
production en panne etc.
L’hélico est soit un complément de l’avion, soit l’unique outil de liaison. Sans lui, certaines
entreprises sont condamnées. Les pilotes ne volent pas que par plaisir, ce sont des « chauffeurs » au
service d’hommes pressés et de justes causes. Le pilote pense d’abord à la mission qu’il doit remplir.
Il n’est pas le cow-boy décrit par certains. C’est sérieux l’aviation, il y a des règles. Pour un
contrevenant, combien de pilotes rigoureux ? Sur 600 contrôles effectués l’année dernière sur un
héliport, 2 rappels à l’ordre !
Par ailleurs, si l’hélicoptère est menacé, ses applications aussi. L’hélicoptère permet de surveiller des
lignes électriques, des canalisations, des réseaux routiers, de superviser des manifestations, de lever
des charges lourdes, etc. Or, ces travaux aériens sont effectués par les mêmes compagnies qui
transportent les hommes d’affaires. Parmi les riverains mécontents, combien sont amateurs des
belles images du Tour de France ou d’autres reportages ? Qui leur apporte ces images si ce n’est
l’hélicoptère ?
Quant aux pilotes d’aéro-clubs, que vont faire les jeunes qui économisent et cumulent les petits
boulots pour réaliser leur rêve ? Ils iront voler ailleurs : dans des pays où on ne renie pas ses héros.
Car les détracteurs ont l’air d’oublier ce qui s’est passé sur l’héliport de Paris en janvier 1908 : Un
événement historique et capital pour toute la suite de l’aventure aéronautique française. C’est aussi
ce patrimoine qui est bafoué aujourd’hui. Faut-il rappeler que l’héliport de Paris fut le 1er aéroport
international du monde où ont été exploitées des lignes régulières. Cela a bien changé ! Les riverains
d’aujourd’hui devraient s’estimer plus tranquilles que leurs prédécesseurs... Ah mais oui, c’est vrai, à
l’époque il n’y en avait pas de riverains ! Si on ne veut pas de bruit, on n’habite pas Paris ! Et surtout
pas un quartier d’affaires comme le 15ème, avec ses motos de coursiers, ses taxis, son périph, son parc
des expos et son héliport !
Le bruit justement, il se mesure. A la différence de la nuisance, simple notion de ressenti. De
récentes mesures ont démontré qu’un hélicoptère de dernière génération était moins bruyant que le
RER, une camionnette, un scooter ou que le chant du coq ! Quant aux machines d’ancienne
génération, on n’en voit plus beaucoup en ville. Tout juste en voit-on encore en montagne, opérer
des missions de sauvetage, mais là-bas, étrangement, on ne trouve personne pour contester leur
présence. L’hélicoptère, oui, mais seulement quand on a besoin de lui. S’il vient voler un peu trop
près de nos fenêtres, on n’en veut plus. Et on parle de sens civique !
Le respect de l’environnement, comme dans tous les autres secteurs des transports, est une priorité
des hélicoptéristes. Leurs efforts sont vérifiables sur les machines produites actuellement et les
procédures de vol. Une compagnie parisienne, Aviaxess, a même été la première à compenser son
empreinte carbone.
Et les emplois dans tout ça ? L’hélicoptère représente plus de 30.000 emplois directs en France,
auxquels il faut ajouter les emplois indirects. Sur le seul héliport de Paris, c’est 300 emplois directs et
1000 emplois indirects qui sont menacés. Avec de telles restrictions impactant leur métier, ces
professionnels finiront chômeurs ou expatriés.
Pour garder sa spécificité, un héliport doit rester au cœur des villes. Londres et New York sont
équipées de plusieurs héliports intra-muros, et il faudrait fermer celui de Paris, le seul (qui n’est
d’ailleurs plus suffisant) ? Espérons que les projets d’autres hélisurfaces franciliennes verront bientôt
le jour, mais pas au détriment de l’héliport actuel ! On parle d’intermodalité des transports, et
l’hélico n’en ferait pas partie ? La présence d’un héliport pour une ville fait partie des critères
d’éligibilité au rang de puissance économique et de centre de décision majeur. La présence d’un
héliport favorise les dossiers de candidature d’une ville à des événements de grande ampleur.
Il me reste à conseiller à tous de lire l’excellent billet de Pierre Duval, en dernière page d’Info Pilote
et tous les autres éditos de la presse aéronautique de ce mois qui s’élèvent aux côtés des
professionnels, contre ces restrictions abusives. Pour en savoir plus, on peut aussi consulter les sites
de l’UFH et du GFH. Et se souvenir des paroles des « anciens », comme Igor Sikorsky qui disait
« l’hélicoptère est la seule invention qui ait sauvé plus de vies qu’elle n’en a coûté ». Espérons que
leurs héritiers, ces entrepreneurs, patrons de petites compagnies aériennes, pilotes, mécaniciens, ne
verront pas des années de travail sacrifiées sur l’autel de la politique démagogue.
Pascale Nizet