Travail le dimanche : deuxidéespoursortir del`impasse

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Travail le dimanche : deuxidéespoursortir del`impasse
Tous droits réservés - Les Echos 1/10/2013 P.Idees & debats
LE POINT
DE VUE
d’Emmanuel Combe
L
a question des horaires et jours
d’ouverture des magasins constitue à l’évidence un point de blocage et de clivage depuis des décennies
dans notre pays, chaque camp avançant
ses propres arguments, au demeurant
tous légitimes. D’un côté, les opposants
à une extension des heures d’ouverture
au-delà de 21 heures et le dimanche souhaitentuneapplicationstrictedestextes
en vigueur, très malthusiens. Nous y
trouvons certains syndicats comme FO
ou la CGT invoquant leur crainte de voir
les salariés de la semaine et de jour soumis demain au chantage du travail
dominical ou nocturne. Nous trouvons
aussi la mouvance chrétienne qui
estimequelapersonnehumainenesaurait se réduire à la seule figure du consommateur et du travailleur.
A l’opposé, les défenseurs de l’ouverture appellent de leurs vœux un assouplissement de la loi, laissant à chacun –
entreprises comme salariés – le libre
choix de se déterminer : après tout, il
n’estpascertainquetouteslesenseignes
souhaitentouvrirledimancheoulesoir.
Nous y trouvons la majorité des salariés
travaillant déjà en nocturne ou le
dimanche et qui invoquent les substantiels gains de pouvoir d’achat et
d’emploisrésultantd’unerémunération
plus avantageuse. Nous trouvons également les consommateurs, parisiens
comme touristes : les premiers, surbookés, ne trouvent plus le temps de faire,
hormis l’alimentaire, leurs courses en
semaine et la journée, et se rabattent…
sur Internet, ouvert 24 heures sur 24 et
toute la semaine ainsi que sur les quelques zones commerciales de la périphé-
Travail ledimanche :
deux idéespoursortir
de l’impasse
rie parisienne ouvertes le dimanche, littéralementprisesd’assaut.Del’autre,les
nombreux touristes étrangers, qui
aimeraient non seulement visiter nos
musées et monuments mais aussi faire
l’expérience nocturne et dominicale du
shopping à Paris. Il en résulte pour les
enseignes une perte nette de chiffre
d’affaires et d’opportunités commerciales, les achats manqués ne se reportant
pas sur les autres jours et les autres
horaires ; ainsi, dans le cas du bricolage,
la fermeture dominicale conduirait à
une baisse des ventes de 20 % et à des
destructions d’emplois, faute de report.
Il faut sanctuariser
l’ouverture du dimanche
en région parisienne.
Ces emplois pourraient
être prioritairement
réservés aux étudiants.
Face à ces positions largement irréconciliables, les responsables politiques
ont toujours choisi la voie du statu quo
ou de la demi-mesure. Les inflexions de
la loi ont consisté pour l’essentiel à multiplier les exemptions au fil du temps et
au gré des lobbys, conduisant à une
situation pour le moins étrange et discriminatoire : certains types d’enseigne,
comme les jardineries ou les magasins
d’ameublement, ont le droit d’ouvrir le
dimanche, tandis que cette possibilité
est refusée aux magasins de bricolage.
Certaines zones jugées « touristiques »
ou« d’usagecommercialexceptionnel »
sont autorisées à ouvrir le dimanche,
lorsqued’autresnelepeuventpas :ainsi,
à Paris, la zone Haussmann ou l’avenue
Montaigne, qui accueillent pourtant les
plus grandes marques de luxe et magasins de prêt-à-porter d’Europe, restent
ferméesledimanche,tandisquelequartier du Marais a le droit d’être ouvert.
Comment sortir de l’impasse ? Nous
proposons deux mesures. En premier
lieu, sanctuariser l’extension de l’ouverture dominicale et des horaires nocturnes à la seule région parisienne. Cette
mesure repose sur un constat objectif :
la spécificité du mode de vie des Parisiens, qui plébiscitent largement un
assouplissement, et l’importance de la
clientèle touristique. Cette mesure évite
toute discrimination selon les types de
commerces ; elle est simple à mettre en
œuvre et préserve le reste de notre pays
de toute crainte d’extension. En second
lieu, affectons les emplois dominicaux
et nocturnes prioritairement aux étudiants, sur la base d’un temps partiel.
Cette mesure évite tout risque de travail
contraint, imposé aux salariés contre
leur gré. Plus fondamentalement, une
telle décision permettrait à notre jeunesse, si souvent délaissée par les politiques de l’emploi, d’établir un premier
contact avec le monde du travail, sans
chevauchement temporel avec le temps
des études. Bref, une mesure gagnantgagnant, qui donnerait plus de liberté et
d’opportunités aux uns sans rien enlever aux autres.
Emmanuel Combe est vice-président
de l’Autorité de la concurrence et
professeur affilié à ESCP Europe.

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