climat - CRPF Limousin
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climat - CRPF Limousin
Forêt et aléas climatique Le fait d’effectuer une coupe rase, une plantation ou un semis engage l’avenir sur plusieurs décennies. Or, des variations climatiques telles qu’elles sont évoquées dans différents médias paraissent de nature à remettre en cause les efforts réalisés pour le constitution ou le maintien d’un patrimoine. Afin d’apporter quelques éclaircissements au débat, nous nous pencherons sur l’histoire du climat en distinguant les longues périodes, puis le climat passé et l’histoire de la forêt en Limousin avant de réaliser un essai de prospective et de la discuter. Le climat passé : les cycles longs Entre la formation de la terre, il y a 4,6 milliards d’années et une première phase glaciaire datant d’environ 2 milliards d’années, la climat de notre planète était en moyenne plus chaud que maintenant avec sans doute de fortes nébulosités. L’apparition des premiers êtres date d’environ – 4000 millions d’années, et la production significative d’oxygène par la photosynthèse apparaît probable vers – 3500 millions d’années. A ce moment, le couplage vivant-climat se met définitivement en place ; les êtres vivants ne cesseront plus de modifier les conditions environnementales de leur propre existence. Vers deux milliards d’années, apparaissent les cellules photosynthétiques et exigeant de l’oxygène libre. Les formes primitives étaient les algues unicellulaires. Les algues multicellulaires apparaissent bientôt ; ces formes primitives se divisent ensuite en deux grands groupes dont l’un est à l’origine des animaux et l’autre des végétaux. Ainsi des faunes qui se complexifient avec le temps apparaissent, se développent et, tout en fixant de grandes quantités de gaz carbonique, oxygènent l’atmosphère terrestre. La réduction du taux des gaz à effet de serre par stockage du carbone atmosphérique va réduire considérablement la température de la planète. Cette première glaciation précambrienne a eu lieu il y a 2,3 milliards d’années et aurait duré environ 300 millions d’années avant la réinstallation d’un climat chaud. Un second épisode glaciaire apparaît vers la fin du précambrien, il y a environ 1 milliard d’années. Il durera environ 400 millions d’années et se décompose en une succession de trois glaciations d’environ 100 millions d’années chacune. La combinaison de facteurs astronomiques et la traversée de nuages stellaires expliqueraient ces pulsations. L’ère « primaire », le paléozoïque, période riche en évènements géologiques, biologiques et des également climatiques, est caractérisé par des années de plus de 400 jours, un niveau des mers supérieur de 600 mètres à celui qu’il est maintenant, une calotte glaciaire des l’actuel Sahara, le pôle sud de la terre en Afrique de l’ouest, l’explosion exubérante de faunes riches et complexes alternant avec des extinctions cataclysmiques, etc. Plus que jamais, le climat et les êtres vivants interagissent au point de se façonner mutuellement. Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 1 Vers environ –440 millions d’années, un refroidissement majeur d’origine inconnue provoque un grand bouleversement biologique, avec des disparition importantes de familles tant animales que végétales. Cependant, cette extinction sera à l’origine d’un enrichissement de la biodiversité. Ce phénomène, que l’on retrouvera par la suite, est schématiquement le suivant : les êtres vivants tendent à se reproduire de façon exponentielle, mais ce taux de reproduction est peu à peu ralenti par saturation de l’environnement (surpopulation des biotopes) ou sous la pression des prédateurs, étant entendu que les espèces vivantes manifestent une tolérance plus ou moins grande aux variations des conditions environnementales. Quand une catastrophe a entraîné un appauvrissement apparent de la biodiversité, les niches inoccupées sont nombreuses et la diversification biologique à ,partir d’espèces préexistantes mais alors peu représentées rencontre moins d’obstacles. Donc, après la catastrophe climatique évoquée précédemment, cette période a connu un intense renouveau. C’est au dévonien, qui s’étend entre – 408 et – 360 millions d’années environ, que les végétations continentales vont véritablement se développer, et ouvrir la voie à des formes vivantes très diversifiées : c’est pendant cette période que la vie va véritablement « trouver son chemin ». A partir ce moment, où il y a eu possibilité d’avoir une couverture végétale sur le sol, nous avons eu un phénomène de « successions végétales ». La forêt avance ou recule donc en fonction des variations climatiques. La série successionnelle ne s’arrête d’évoluer que si les conditions écologiques ne changent pas. Ce qui n’empêche pas d’avoir plusieurs séries simultanées : par exemple, les orages peuvent provoquer des incendies sur de grandes surfaces… Reprenons notre histoire de la planète. Vers 385 millions d’années avant notre ère, une nouvelle catastrophe biologique survient dont les scientifiques ignorent la cause exacte. Pour ce qui concerne la faune marine, l’extinction en masse concerne 21 % des familles, 50 % des genres et environ 75 % des espèces. Le milieu récifal disparaît, mais quelques groupes constructeurs subsistent : il va se reconstituer lentement. Ensuite, la vie renaît plus vivace encore, tant sur la terre que dans les eaux. La régression des mers aboutit à la modification du climat ainsi qu’à l’apparition de couches géologiques contenant de la houille. Une nouvelle catastrophe a eu lieu à – 248 millions d’années environ, avec une incertitude de 20 millions d’années ; les causes font l’objet de débats entre scientifiques. Cependant, les chiffres sont très importants : environ 80 à 95 % des espèces pouvant être recensées disparaissent. En 20 millions d’années, les vertébrés terrestres perdent 20 genres sur 38, et le nombre de genres de reptiles passe de 28 à 12…. Dans un contexte de climat plutôt chaud et humide, la vie reprend ses droits, avec, entre autres, l’apparition des dinosaures. Les feuillus apparaissent en transformant les paysages et en modifiant les humus, créant ainsi les conditions pour que les faunes se diversifient. Les températures moyennes régressent lentement et le niveau de l’océan mondial augmente. Une dernière catastrophe majeure a eu lieu, il y a de cela 65 millions d’années avec de nouveau des causes controversées, les deux principales retenues étant la chute d’un astéroÏde au large du Yucatán ou les gigantesques épanchements de lave dans ce qui va devenir le subcontinent indien. Elle élimine l’immense majorité des reptiles de la terre ainsi que de Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 2 nombreuses autres formes de vie. En même temps, le niveau des océans s’effondre brutalement de 240 mètres ! Les causes les plus vraisemblables sont connues ; elles sont sûrement conjuguées. Ainsi, l’excès de spécialisation fragilise une espèce : la disparition brutale (à l’échelle des temps géologiques) d’un type unique de proies entraîne la disparition de leur prédateur. Les mouvements des continents, leur émergence, les surrections des montagnes ont pu aussi modifier ou détruire un biotope. Toutefois, la cause majeur de ces extinctions est un refroidissement climatique. Il aurait notamment frappé l’origine de la chaîne alimentaire marine, le plancton, condamnant tous les organismes marins qui en étaient tributaires à l’extinction. De nouveau, le climat se réchauffe… Les continents prennent progressivement leur place actuelle, avec des conséquences fortes en matière d’évolution des espèces qui prennent leur physionomie actuelle. Cependant, ce climat restera chaotique, avec plusieurs périodes de glaciation dont nous évoquerons les plus récentes dans les paragraphes suivants. Les variations récentes du climat Afin de comprendre ce qui risque de se produire au niveau de la planète, il convient bien de procéder à l’examen de la situation actuelle. On n’utilise le thermomètre que depuis environ un siècle et demi (les relevés les plus anciens dans le centre de l’Angleterre ne remontent qu’à 1659) ; il faut utiliser des méthodes indirectes de mesures. Au cours du million d’années écoulé, une série de huit cycles d’alternance des périodes glaciaires/interglaciaires a eu lieu, engendrée par les changements de l’orbite terrestre autour du soleil. la dernière période interglaciaire – l’holocène, dans laquelle nous vivons actuellement- a débuté il y a quelque 10 000 ans. La fonte des glaces a provoqué une élévation du niveau des océans de 120 mètres alors que les températures du début de la période étaient généralement supérieures à celles du XX e siècle. Les observations semblent montrer d’importantes oscillations thermiques au cours de l’holocène à l’échelle du millénaire, et certains indicateurs montrent même des changements allant de 5 à 8 °C sur une période de 1 500 années. Cependant, si on examine les 400 000 dernières années sur les carottes de glace, l’holocène apparaît comme étant la période la plus chaude et la plus stable, ce qui a naturellement eu des conséquences importantes sur le développement de la civilisation. Ce n’est qu’en arrivant au millénaire dernier que l’on a plusieurs tentatives de mise au point sur une série de données sur la température du globe. Elles font l’objet de vives discussions entre scientifiques. Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 3 Reconstitution de la température annuelle moyenne de l'hémisphère Nord depuis Jésus-Christ. L'axe horizontal représente la date, et l'axe vertical représente l'écart de la valeur de l'année considérée avec la moyenne hémisphérique (nord) pour les années 1961 à 1990. Les températures observées sont également reportées, en noir, à partir de 1860 (source Anders Moberg, Dmitry M. Sonechkin, Karin Holmgren, Nina M. Datsenko & Wibjorn Karle´n. – Nature 27/1/2005) Dans les grandes lignes, nous avons une stabilité, voire une légère augmentation jusqu’en l’an 1000, suivie d’une tendance à la baisse de l’an 1000 à l’an 1600, suivie d’une augmentation s’accélérant au XXe siècle. Les historiens du climat parlent de petit âge glaciaire pour la période qui s’étend grosso modo de 1 400 à 1 900, attesté par diverses sources, cette période faisantt suite à « l’optimum du haut Moyen Âge », qui a notamment rendu possible la colonisation du Groenland. Les discussions sur les données disponibles montrent la nécessité d’une certaine prudence sur les évolutions de température : nous sommes en train de sortir du Petit âge glaciaire, et le climat a toujours varié. De plus, L’urbanisation croissante de la société a une influence sur les données temporelles des postes météorologiques les plus anciens, car se retrouvant progressivement en ville. Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 4 Selon les villes (taille, caractéristiques architecturale, densité…),les maxima d'intensité de l’excès de chaleur urbaine peuvent aller de 2°C à 12°C (dans des villes de plusieurs millions d'habitants). Le climat passé et l’histoire de la forêt en Limousin L’analyse du pollen contenu dans les tourbières de la montagne limousine permet d’avoir quelques indications sur la végétation à partir de 10.000 ans environ avant J-C. Il y avait alors une steppe qui a été colonisée principalement par le bouleau, ainsi que de façon moins importante par le pin. Le chêne et le noisetier font leur apparition vers 8.000 ans avant J-C. L’orme s’installe aussi. Ces formations forestières subissent un bouleversement environ 5.000 ans avant J.-C., avec la mise en place d’une chênaie diversifiée contenant du tilleul, du frêne, et de l’aulne, voire de l’érable ; elles indiquent une probable évolution climatique. Le hêtre commence à arriver environ 3.000 ans avant J.-C. Sa dynamique est retardée par rapport à l’Auvergne, progressive, tant pour des raisons climatiques qu’à la suite très probable de défrichements à vocation pastorale vers environ 3.500 ans avant J.-C. Ces derniers sont suivis d’une période de recul de l’activité humaine, liée probablement à un refroidissement du climat, où la forêt recouvre très largement le territoire. Une forte emprise agricole, initiée entre les IVe et IIe siècle avant notre ère se traduit par une progression de terrains à vocation pastorale, les mises en culture étant ponctuelles. Les défrichements se poursuivent pendant la période gallo-romaine. Le noyer et le châtaignier apparaissent pour la première fois sur le plateau de Millevaches. Une phase de déprise a lieu à la fin du III e siècle de notre ère, avec un retour à la forêt. Elle est assez courte, puisqu’une reprise agro-pastorale a lieu à partir d’une période estimée au V e siècle ; elle s’intensifie à partir du VIe-VIIe siècle. Les surfaces cultivées notamment en seigle progressent. A partir du Xe-XIIe siècle, il est possible d’avancer une hypothèse de déforestations régulières et spécialisées ; le hêtre est alors exploité de préférence aux autres essences. L’activité pastorale est alors largement dominante et suffisamment intensive pour causer, en raison d’un début d’épuisement des sols, le développement considérable et général sur le plateau de Millevaches de landes sèches à callune. Un déclin de l’activité humaine est constaté entre la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle. Après la guerre de cent ans, nous avons une emprise agricole croissante, qui utilise de mieux en mieux les potentialités du territoire et qui atteindra son maximum à la fin du XIX e siècle. Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 5 Dryas ancien 12000 Bölling Alleröd 10300 13000 Dryas récent würm 15000 10700 Végétation post-glaciaire de la Montagne Limousine Synthèse des archives sédimentaires 9000 Préboréal Boréal 4700 2600 Atlantique Subboréal Importante dominance du noisetier qui va constituer les premiers sols forestiers Déclin progressif du noisetier et extension du tilleul dans un contexte de boulaie sur un tapis dense de cypéracées. Première apparition du hêtre à la fin de l’Atlantique et forte régression du chêne, faible extension du pin, du bouleau et de la callune. Diminution globale du couvert forestier. Premiers défrichements. Tardiglaciaire Chênaie diversifiée à tilleul, persistance du hêtre, donne suite à une forte diminution du hêtre ainsi que des autres essences. Réduction du couvert forestier induit pour la première fois, de façon importante, par l’homme. Réapparition d’une véritable chênaie-hêtraie aux alentours de 1500 ans avant maintenant, avec le noisetier qui est abondant, puis dominance de hêtre à la faveur d’un refroidissement. Subatlantique Cultures de céréales et défrichements importants. Aujourd’hui Végétation steppique à cypéracées et armoise avec des pins et apparition de bouleau et de saule en colonisateurs lors de radoucissements. Ces successions végétatives vont alterner jusqu’à l’apparition significative du chêne et du noisetier à la fin du préboréal et vont constituer les premières formations ligneuses. 8000 Holocène Source : Romain Rouaud, 2005. Sources documentaires : P Guenet, 1993 ; Y. Miras, 2004 ; O. Villa, 2004. Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 6 De ce fait, le Limousin n’avait presque plus de forêts pendant le dix-neuvième siècle, surtout sur la montagne limousine. La population déboisait pour cultiver la terre. Seuls quelques taillis subsistaient, surtout dans les vallées encaissées, afin de satisfaire les besoins en chauffage et pour les forges et fours à porcelaine. Cependant, le châtaignier avait une grande importance dans la vie locale, formant avec les raves et le blé noir l’essentiel de la nourriture du paysan. Il était surtout présent au sud de la ligne reliant Saint-Junien à Bort-lesOrgues, où les terrains sont les plus chauds. La situation a commencé à changer avec les effets visibles de l’émigration définitive. La population a commencé à diminuer au début du vingtième siècle, libérant quelques terres. Quelques essais de plantations ont été tentés. Pendant ce temps, plusieurs propriétaires terriens importants évoquent la nécessité du boisement, tant pour assainir les prés humides (le paludisme était une maladie banale dans la Montagne Limousine au cours du dix-neuvième siècle) que pour limiter l’importance des crues de la Loire après une série d’inondations catastrophiques (la Loire a des levées à partir de Nevers jusqu’à Nantes). Après la première guerre mondiale, la population continue à décroître sur les plateaux. On boise surtout dans la montagne. Les anciens parcours à moutons et les parcelles les plus éloignées des exploitations sont plantées et semées, principalement en pin sylvestre en altitude, et en feuillus en dessous de 800 mètres, ces derniers étant alors promus par les Eaux et Forêts pour des motifs environnementaux ne prenant pas suffisamment en compte le climat local. Cette essence pionnière était celle qui arrivait le mieux à pousser sur les landes avec les moyens techniques de l’époque, les autres essences essayées subissant alors des échecs relativement importants. Le mouvement s’amplifie dans les années 1950. L’exode rural est important et des fermes entières ne trouvent alors plus de cultivateurs pour les mettre en valeur. De plus, à ce moment-là, la France a besoin de bois pour la reconstruction et pour la pâte à papier. Une taxe spécifique prélevée sur la vente des bois –appelée Fonds Forestier National-, donc d’autofinancement, permet d’aider les propriétaires à mettre en valeur leur terrain et à entretenir ainsi leur patrimoine, tout en ayant l’espoir que cela ferait vivre le pays. Les plantations sont surtout réalisées avec de l’épicéa, cette essence étant retenue dans un contexte local de refroidissement du climat –donc en tenant compte des données climatiques du moment- ; plus de 150 000 hectares sont ainsi mis en valeur. Dans le même temps, la forêt s’accroît de façon équivalente par des accrues feuillues sur des terrains vacants. Nous voyons donc que la forêt du Limousin n’a pas cessé de varier, à cause du climat bien sûr, mais aussi à cause de l’action humaine, tant en termes de défrichements, de choix d’espèces que de l’absence de cette même action humaine. Une prospective Les changements climatiques prévus sont susceptibles de modifier les aires de répartition de certaines essences. Sur la base d’un scénario de changement climatique modéré –de fait le plus modéré de ceux présentés par les climatologues- et des connaissances actuelles, les chercheurs de l’institut national de la recherche agronomique ont modélisé ce que pourraient être les nouvelles aires de répartition en 2100 sur la base de ces modèles. Cependant, il s'agit bien de modélisations, avec toute la part d'incertitude que comporte une telle approche, d'autant plus que le terme est éloigné. Aussi, il convient d’être prudent sur les conclusions à Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 7 long terme, d’autant plus que les causes d’évolution du climat font encore l’objet de vofs débats malgré les apparences. On aboutit aux répartitions suivantes par grands groupes écologiques : Répartition géographique des sept groupes chorologiques estimée par analyse discriminante en fonction du climat actuel Répartition géographique des sept groupes chorologiques estimée par analyse discriminante en fonction du climat en 2100 source : INRA Les sept groupes sont : Groupe 1 : espèces de l’étage subalpin (pin cembro, pin à crochets, …) Groupe 2 : espèces essentiellement présentes à l’étage montagnard Groupe 3 : espèces communes à l’ensemble des régions de montagne et pouvant s’étendre à l’étage collinéen dans le quart nord-est de la France (sapin pectiné, épicéa commun, sorbier…) Groupe 4 : cette extension du groupe 3 correspond à des espèces communes en montagne (jusqu’à l’étage montagnard) et très présentes en plaine dans la moitié nord de la France (hêtre, érable sycomore, pin sylvestre, etc..). Groupe 6 : espèces de l’étage collinéen, fréquentes dans le sud et l’ouest, plus rares dans le nord et le nord-est (châtaignier, …) Groupe 7 a : ensemble des espèces de la moitié ouest et pouvant s’étendre dans le midi (pin maritime, chêne tauzin…) Groupe 8 : ensemble des espèces méditerranéennes (pin pignon, pin d’Alep, chêne vert, chêne liège, …). Dans le cas du Limousin, cette carte montre l’importance des espèces de montagne dans la partie haute de la région, ainsi que celles de l’étage collinéen sur une grande partie de la plaine. Elle confirme indirectement l’importance des chênes sessile et pédonculé en Limousin. Les groupes trois et quatre (espèces communes à l’ensemble des régions de montagne), présents sur la montagne limousine, disparaissent presque totalement. Ils sont partiellement supplantés par celles de l’étage collinéen. Par ailleurs, le groupe 7a devient très important, et le groupe huit fait son apparition de façon significative, surtout dans le sud de la région. Cette évolution met aussi en cause la flore contenue dans les zones humides, dont les tourbières, qui ne devraient plus contenir que des espèces du domaine atlantique comme seules survivantes. Par ailleurs, une réflexion devrait avoir lieu sur le lien entre la forêt et la protection des sols, du fait de l’augmentation des pluies d’orage. Enfin, cette évolution aura une influence sur les paysages : on peut très bien imaginer le développement de landes à bruyères sur des stations pauvres et relativement sèches du Limousin. Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 8 Ce raisonnement peut être affiné espèce par espèce, en travaillant sur l’aire de répartition de chacune des principales espèces forestières qui peuvent être présentes dans plusieurs groupes à la fois. Si l’on prend le cas d’une espèce présente en Limousin et notamment dans la montagne limousine où il se régénère naturellement, le hêtre, on a les cartes suivantes : Probabilité de présence du hêtre en Probabilité de présence du hêtre en France en 2000 2100 Légende des probabilités 0 à 0,1 0,1 à 0,2 0,2 à 0,3 0,3 à 0,4 0,4 à 0,5 0,5 à 0,6 0,6 à 0,7 0,7 à 0,8 0,8 à 0,9 0,9 à 1 Source : INRA Source : INRA Ces cartes indiquent la probabilité d’avoir le hêtre en fonction de critères climatiques, y compris là où il est absent actuellement. Elle est d’autant plus élevée que la couleur tend vers le brun. En Limousin, elle est importante dans la montagne, et plus faible sur le restant de la région. La projection des modèles de présence au climat prévu par l’institut national de la recherche agronomique montre un recul de son aire potentielle au profit des seuls sommets du Limousin. Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 9 Dans le cas du chêne vert qui est une essence méditerranéenne comme le montre la carte de gauche ci-dessous, nous avons : Probabilité de présence du chêne vert Probabilité de présence du chêne vert en France en 2000 en 2100 Légende des probabilités 0 à 0,1 0,1 à 0,2 0,2 à 0,3 0,3 à 0,4 0,4 à 0,5 0,5 à 0,6 0,6 à 0,7 0,7 à 0,8 0,8 à 0,9 0,9 à 1 Source : INRA Source : INRA Cette espèce est actuellement absente du Limousin. Elle devrait apparaître sur toute la partie basse de la région. Cependant, il convient de nuancer cette représentation schématique de l'évolution de la répartition spatiale des essences forestières. Tout d'abord, ces espèces sont en général capables de vivre sous une gamme assez large de conditions climatiques, grâce à la plasticité individuelle (un même individu peut survivre sous une certaine gamme de conditions climatiques) et à la diversité génétique infraspécifique (chaque espèce est composée de nombreuses populations dont chacune s'est adaptée à ses conditions de milieu). Ainsi, le chêne sessile se rencontre-t-il sous des climats dont la température moyenne annuelle varie de 7 à 15 °C, avec une médiane de 11°C (Gégout, 2006); l'illustration 5 fournit un autre exemple pour le comportement face à la sécheresse estivale. Probabilité de présence de l'espèce P-ETP moyen en mm du mois de juillet (1960-1990) Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 10 Probabilité de présence de trois espèces autochtones en fonction du déficit hydrique climatique du mois de juillet : Abies alba : sapin pectiné1 ; Quercus pubescens2 : chêne pubescent ; Quercus petraea :3 Chêne sessile Par ailleurs, la variabilité climatique va se surimposer à la variabilité des sols du territoire, le changement climatique ayant un effet plus important sur certaines stations que sur d'autres. Le déplacement de l'aire des essences sera également influencé par la concurrence des essences en place et par la fragmentation des paysages à coloniser. Au total, la possible migration des essences forestières sous l'influence de l'évolution climatique se réalisera donc plutôt selon le schéma « réaliste » de l'illustration ci-après : Deux représentations de la migration des espèces forestières 1 Le sapin pectiné nécessite une importante humidité atmosphérique. Aire de répartition : périalpine (à tendance méridionale). Elle comprend la Forêt-Noire, les montagnes de Bohême, des Tatras, des Carpates. En France, on le trouve en Corse (1000 à 1700 m), dans les Pyrénées (900 à 1500 m), le Massif Central (700 à 1500 m), les Alpes (700 à 1700 m), le Jura (500 à 1100 m), les Vosges (400 à 1100 m) et les Collines du Perche, en Normandie, à 400 m d’altitude. 2 Cette espèce est présente essentiellement dans l'Europe du Sud et le Moyen-Orient. On la trouve également en Europe centrale, et elle se développe sur sol calcaire dans la moitié nord de la France. Elle est absente en Bretagne et dans les Landes. On ne retrouve pas cette espèce au-dessus de 1400 mètres d'altitude 3 C'est une espèce très commune en Europe occidentale et la plus répandue dans les forêts françaises. On la retrouve partout dans les plaines et collines de France sauf dans la région méditerranéenne. Elle est commune dans toute l'Europe ne dépassant pas les 60° Nord en Norvège et atteint sa limite sud au centre de l'Espagne et au sud de l'Albanie Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 11 Quelles conséquences sur la forêt ? Avant de parler des préconisations, nous évoquons ici l’impact du changement climatique sur les forêts existantes. Le réchauffement climatique a un impact sur la durée de croissance et la reproduction des arbres Le réchauffement intervenu au XXe siècle a causé un allongement mesurable de la saison de végétation. La poursuite de cette tendance devrait accentuer ce phénomène, conduisant à un débourrement plus précoce des arbres et à une chute plus tardive de leurs feuilles. Cette évolution devrait exposer les arbres aux risques de gelées « tardives » (se produisant après le débourrement au printemps) ou « précoces » à l'automne. On attend aussi une floraison plus précoce, également exposée aux gelées tardives, ainsi qu'une maturité des graines avancée en fin de saison. L'impact de ces évolutions du climat sur le cortège des parasites des fleurs et des fruits n'a pas encore été étudié de manière approfondie. Le réchauffement climatique a un impact sur la croissance des arbres Sous nos latitudes, la disponibilité en eau est le premier des facteurs du milieu qui contrôlent la croissance des arbres et donc la production de bois (la formation d'un gramme de carbone dans le bois nécessite la transpiration de 0,5 à 0,8 litre d'eau. Si ce réchauffement se produisait, la substitution d'essences actuelles par des essences plus méridionales aurait à terme des conséquences importantes sur la production de bois des forêts françaises. Le réchauffement climatique a un impact certain sur la croissance et la répartition des forêts. L’augmentation des émissions de gaz à effet de serre est une des causes du changement climatique. L’accroissement du taux de CO2 en lui-même modifie le fonctionnement de tous les végétaux en agissant sur la photosynthèse. Un doublement de la concentration de CO2 peut augmenter de 20 à 30% la production photosynthétique des forêts. En revanche, cette tendance potentielle peut être affectée, voire inversée, par des températures excessives, des épisodes de sécheresse et les dépôts d’ozone. L’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) mène plusieurs études pour évaluer l’impact du réchauffement climatique en prenant en compte tous ces facteurs. Des simulations montrent que l’impact physique de l’évolution du climat sur les forêts pourrait se caractériser par une légère augmentation de la production forestière dans un premier temps (2030-2050), suivie par un plateau ou un déclin dans les années 2070-2100. De façon générale, il apparaît que l’augmentation de la production sera plus importante pour les régions du Nord que celles du Sud de la France. Les productivités brute et nette seront plus affectées par le contenu en eau du sol et par le déficit hydrique de l’air dans l’Ouest de la France en raison, dans ces régions, de l’évolution plus marquée du contraste été/hiver du régime pluviométrique. Le réchauffement climatique a un impact sur le choix des essences de reboisement Ceci signifie aussi que le choix des essences de reboisement ou lors de coupes d’amélioration devrait en principe tenir compte de cette évolution possible. Les recherches sur les dépérissements montrent que les essences installées dans leur optimum écologique, donc en station, récupèrent assez rapidement après une crise alors que celles éloignées de cet optimum Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 12 (cas relativement fréquent du chêne pédonculé) ne récupèrent pas aussi facilement. C’est dans ce dernier cas qu’un dépérissement avec mortalités pourra s’enclencher. Le chêne pédonculé, qui est la première essence forestière du Limousin, subirait alors des dommages importants et visibles dans le paysage. Ceci pose aussi la question du choix des provenances des graines utilisées lors des reboisements : par exemple, le pin sylvestre est présent du Portugal à la Scandinavie. Dans tous les cas, il convient de tenir compte du climat récent pour permettre la réussite des opérations de reboisement. Le réchauffement climatique favorise les maladies des arbres forestiers Il est probable qu'il n'y aura pas une évolution générale commune pour tous les pathogènes et insectes forestiers, certains risquent d'être favorisés tandis que d'autres pourraient voir leur population diminuer. Ainsi, par exemple, sous des climats plus chauds, l'oïdium et le chancre du chêne devraient être favorisés tandis que le chancre à Xanthomonas du peuplier pourrait disparaître. Le réchauffement de notre climat pourrait permettre l'implantation en France de parasites (champignons, bactéries, virus, insectes ...) actuellement inconnus; des parasites non virulents pouvant le devenir. Par ailleurs, l'aire de répartition de certains des parasites déjà présents et limités par des seuils de température devrait s'étendre en suivant les isothermes (cf. la chenille processionnaire du pin qui est arrivée en région Centre) : le réchauffement climatique pourrait alors augmenter alors la surface de la zone forestière touchée. Enfin la sensibilité des arbres à certains parasites peut augmenter en situation de stress, hydrique notamment: c'est le cas du Pin laricio face à Sphaeropsis sapinea. Au total, et en tenant compte du fait que chaque ensemble parasite-hôte-milieu est spécifique, les risques sanitaires semblent devoir être plutôt augmentés que diminués par le réchauffement climatique sous l'effet de trois phénomènes principaux : introductions de nouveaux parasites, extension de l'aire de présence (ou virulence) des parasites actuels, fort développement des parasites sur arbres stressés. Le réchauffement climatique favorise l’augmentation des risques physiques Ce sont principalement les risques d’incendie. Cette augmentation du risque d’incendie pourrait conduire à une proportion plus élevée de sol nu, et donc à un risque d’érosion plus important. Il semble que les deux phénomènes combinés feront des montagnes sous climat méditerranéen les zones les plus exposées à une augmentation de l'érosion. En conclusion, pour le forestier Le climat n’a jamais cessé de varier. L’occupation par les différentes essences forestières est une longue succession de flux et reflux, le dernier ayant commencé à partir d’environ 10 000 ans pour le Limousin, avec bien entendu une modification des espèces présentes. Nous pouvons dire que toutes les essences connues en Limousin ont, à un moment ou à un autre, colonisé la région. Tout indique qu’il continuera de varier. Les forestiers ont, dans nombre de cas, tenu compte des données disponibles pour faire leurs choix techniques, toute introduction de l’idéologie se traduisant par des échecs. Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 13 La situation future est plus délicate ; pour la première fois, nous disposons de modèles de prévision climatiques, avec des incertitudes. Cependant, le sylviculteur doit tenir compte de ces évolutions. Mais ces modèles sont réalisés en fonctions de connaissances imparfaites, et sur des échelles de territoire importantes. Quels conseils peut-on en tirer ? Il convient pour cela de faire appel à la génétique. Celle-ci nous apporte plusieurs informations : - A l’intérieur d’une même collection de graines issues d’un père et d’une mère identifiés, une souplesse d’adaptation de température d’environ 2 °C. - L’existence d’origines adaptées au climat actuel ou futur pour plusieurs espèces intéressantes pour le forestier, et notamment le douglas dont son aire d’origine s’étend du Mexique à l’Alaska. Par ailleurs, l’analyse de l’adaptation des essences aux stations forestières montre que : - Les essences qui colonisent un terrain nu ne sont pas forcément les mieux adaptées à la station sur le long terme, comme par exemple le chêne pédonculé sur des surfaces importantes en Limousin ; - A contrario, une bonne analyse des conditions environnementales permet de réduire les risques, surtout si l’on choisit des graines adaptées au climat actuel. Enfin, dans certains cas, une sylviculture dynamique permet de raccourcir la période entre deux renouvellements de patrimoine génétique, et donc là aussi de réduire les risques. A noter que les coupes de taillis, si elles permettent d’avoir des termes d’exploitabilité courts, ne permettent pas l’adaptation du potentiel génétique d’une essence donnée au climat. Enfin, l’existence d’une bonne desserte permet de traiter plus efficacement contre les conséquences de ce même changement climatique. Des groupes de travail national, avec des correspondants régionaux ont été constitués pour essayer d’apporter des réponses concrètes aux propriétaires forestiers ainsi qu’aux différents responsables de la forêt privée. De plus, la forêt peut contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique Deux nouvelles fonctions peuvent être attribuées à la forêt : - Réduire l’effet de serre en favorisant le stockage du carbone : L’agriculture et la sylviculture ont un rôle important à jouer dans la réduction des gaz à effet de serre et notamment du CO2. Favoriser le phénomène naturel de stockage du carbone par les forêts et les sols est une des options qui permettraient de limiter temporairement l’augmentation du CO2 atmosphérique. - Utiliser le carbone renouvelable à la place du carbone fossile. Les molécules constitutives des végétaux peuvent remplacer le pétrole dans la majorité des technologies chimiques. Elles ont l’avantage d’être renouvelables, biodégradables et leur production ne contribue pas ou peu aux gaz à effet de serre. Cependant, ces programmes sont encore en cours de finalisation, et n’ont débouché que partiellement sur des programmes opérationnels. Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 14 Sources d’informations accessibles sur le Web (liste non exhaustive) : Quelles forêts en France en 2100 ? : www.inra.fr/presse/quelles_forets_en_france_en_2100 Préparer les forêts françaises au changement climatique : Rapport à MM. les Ministres de l'Agriculture et de la Pêche et de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement Durables. Décembre 2007 Climat : un dossier Sagascience du CNRS : Un dossier complet et illustré sur le changement climatique : questions sur le climat, système et facteurs climatiques (avec un schéma très pédagogique), la recherche française sur le climat, images, manifestations, bibliographie de base, dictionnaire des mots-clés, organisations internationales, serveurs utiles... http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim/index.htm Le changement climatique - La documentation française : Un dossier complet sur le changement climatique sur le site de La documentation française : bilan scientifique, lutte contre le réchauffement, débats, ressources complémentaires... h t t p : / / w w w . l a d o c u m e n t a tionfrancaise.fr/dossiers/changement-climatique/index.shtml Dryade : Le projet de recherche DRYADE a pour but de comprendre les dépérissements forestiers actuels et d'en distinguer les composantes climatiques, biotiques et sylvicoles. h t t p://www.inra.fr/dryade/ Blog forêts et climat : La Société forestière de la Caisse des dépôts a lancé le 3 décembre 2007 son blog de discussion pour recueillir réactions et contributions autour de l'enjeu : « Comment prendre en compte les changements climatiques dans la gestion des forêts françaises ? ». w w w . f o r e t s - e t - c l i m a t . f r Par ailleurs, les livres ont souvent des positions tranchées : on est pour ou contre, sans chercher à vraiment réfléchir, les différentes partis s’envoyant des anathèmes. Seuls quelques auteurs approfondissent la question, mais il faut une solide formation scientifique pour les assimiler. Retour vers : - Connaissance des arbres – généralités Voir aussi : - La biodiversité - Physiologie d’un arbre - La croissance d’un arbre Forêt et aléas climatique – 26/08/2011 15