climat - CRPF Limousin

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climat - CRPF Limousin
Forêt et aléas
climatique
Le fait d’effectuer une coupe rase, une plantation ou un semis engage l’avenir sur plusieurs
décennies. Or, des variations climatiques telles qu’elles sont évoquées dans différents médias
paraissent de nature à remettre en cause les efforts réalisés pour le constitution ou le maintien
d’un patrimoine. Afin d’apporter quelques éclaircissements au débat, nous nous pencherons
sur l’histoire du climat en distinguant les longues périodes, puis le climat passé et l’histoire de
la forêt en Limousin avant de réaliser un essai de prospective et de la discuter.
Le climat passé : les cycles longs
Entre la formation de la terre, il y a 4,6 milliards d’années et une première phase glaciaire
datant d’environ 2 milliards d’années, la climat de notre planète était en moyenne plus chaud
que maintenant avec sans doute de fortes nébulosités. L’apparition des premiers êtres date
d’environ – 4000 millions d’années, et la production significative d’oxygène par la
photosynthèse apparaît probable vers – 3500 millions d’années. A ce moment, le couplage
vivant-climat se met définitivement en place ; les êtres vivants ne cesseront plus de modifier
les conditions environnementales de leur propre existence. Vers deux milliards d’années,
apparaissent les cellules photosynthétiques et exigeant de l’oxygène libre. Les formes
primitives étaient les algues unicellulaires. Les algues multicellulaires apparaissent bientôt ;
ces formes primitives se divisent ensuite en deux grands groupes dont l’un est à l’origine des
animaux et l’autre des végétaux. Ainsi des faunes qui se complexifient avec le temps
apparaissent, se développent et, tout en fixant de grandes quantités de gaz carbonique,
oxygènent l’atmosphère terrestre. La réduction du taux des gaz à effet de serre par stockage
du carbone atmosphérique va réduire considérablement la température de la planète.
Cette première glaciation précambrienne a eu lieu il y a 2,3 milliards d’années et aurait duré
environ 300 millions d’années avant la réinstallation d’un climat chaud. Un second épisode
glaciaire apparaît vers la fin du précambrien, il y a environ 1 milliard d’années. Il durera
environ 400 millions d’années et se décompose en une succession de trois glaciations
d’environ 100 millions d’années chacune. La combinaison de facteurs astronomiques et la
traversée de nuages stellaires expliqueraient ces pulsations.
L’ère « primaire », le paléozoïque, période riche en évènements géologiques, biologiques et
des également climatiques, est caractérisé par des années de plus de 400 jours, un niveau des
mers supérieur de 600 mètres à celui qu’il est maintenant, une calotte glaciaire des l’actuel
Sahara, le pôle sud de la terre en Afrique de l’ouest, l’explosion exubérante de faunes riches
et complexes alternant avec des extinctions cataclysmiques, etc. Plus que jamais, le climat et
les êtres vivants interagissent au point de se façonner mutuellement.
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Vers environ –440 millions d’années, un refroidissement majeur d’origine inconnue provoque
un grand bouleversement biologique, avec des disparition importantes de familles tant
animales que végétales.
Cependant, cette extinction sera à l’origine d’un enrichissement de la biodiversité. Ce
phénomène, que l’on retrouvera par la suite, est schématiquement le suivant : les êtres vivants
tendent à se reproduire de façon exponentielle, mais ce taux de reproduction est peu à peu
ralenti par saturation de l’environnement (surpopulation des biotopes) ou sous la pression des
prédateurs, étant entendu que les espèces vivantes manifestent une tolérance plus ou moins
grande aux variations des conditions environnementales. Quand une catastrophe a entraîné un
appauvrissement apparent de la biodiversité, les niches inoccupées sont nombreuses et la
diversification biologique à ,partir d’espèces préexistantes mais alors peu représentées
rencontre moins d’obstacles.
Donc, après la catastrophe climatique évoquée précédemment, cette période a connu un
intense renouveau. C’est au dévonien, qui s’étend entre – 408 et – 360 millions d’années
environ, que les végétations continentales vont véritablement se développer, et ouvrir la voie à
des formes vivantes très diversifiées : c’est pendant cette période que la vie va véritablement
« trouver son chemin ».
A partir ce moment, où il y a eu possibilité d’avoir une couverture végétale sur le sol, nous
avons eu un phénomène de « successions végétales ». La forêt avance ou recule donc en
fonction des variations climatiques. La série successionnelle ne s’arrête d’évoluer que si les
conditions écologiques ne changent pas. Ce qui n’empêche pas d’avoir plusieurs séries
simultanées : par exemple, les orages peuvent provoquer des incendies sur de grandes
surfaces…
Reprenons notre histoire de la planète. Vers 385 millions d’années avant notre ère, une
nouvelle catastrophe biologique survient dont les scientifiques ignorent la cause exacte. Pour
ce qui concerne la faune marine, l’extinction en masse concerne 21 % des familles, 50 % des
genres et environ 75 % des espèces. Le milieu récifal disparaît, mais quelques groupes
constructeurs subsistent : il va se reconstituer lentement. Ensuite, la vie renaît plus vivace
encore, tant sur la terre que dans les eaux. La régression des mers aboutit à la modification du
climat ainsi qu’à l’apparition de couches géologiques contenant de la houille.
Une nouvelle catastrophe a eu lieu à – 248 millions d’années environ, avec une incertitude de
20 millions d’années ; les causes font l’objet de débats entre scientifiques. Cependant, les
chiffres sont très importants : environ 80 à 95 % des espèces pouvant être recensées
disparaissent. En 20 millions d’années, les vertébrés terrestres perdent 20 genres sur 38, et le
nombre de genres de reptiles passe de 28 à 12….
Dans un contexte de climat plutôt chaud et humide, la vie reprend ses droits, avec, entre
autres, l’apparition des dinosaures. Les feuillus apparaissent en transformant les paysages et
en modifiant les humus, créant ainsi les conditions pour que les faunes se diversifient. Les
températures moyennes régressent lentement et le niveau de l’océan mondial augmente.
Une dernière catastrophe majeure a eu lieu, il y a de cela 65 millions d’années avec de
nouveau des causes controversées, les deux principales retenues étant la chute d’un astéroÏde
au large du Yucatán ou les gigantesques épanchements de lave dans ce qui va devenir le
subcontinent indien. Elle élimine l’immense majorité des reptiles de la terre ainsi que de
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nombreuses autres formes de vie. En même temps, le niveau des océans s’effondre
brutalement de 240 mètres !
Les causes les plus vraisemblables sont connues ; elles sont sûrement conjuguées. Ainsi,
l’excès de spécialisation fragilise une espèce : la disparition brutale (à l’échelle des temps
géologiques) d’un type unique de proies entraîne la disparition de leur prédateur. Les
mouvements des continents, leur émergence, les surrections des montagnes ont pu aussi
modifier ou détruire un biotope. Toutefois, la cause majeur de ces extinctions est un
refroidissement climatique. Il aurait notamment frappé l’origine de la chaîne alimentaire
marine, le plancton, condamnant tous les organismes marins qui en étaient tributaires à
l’extinction.
De nouveau, le climat se réchauffe… Les continents prennent progressivement leur place
actuelle, avec des conséquences fortes en matière d’évolution des espèces qui prennent leur
physionomie actuelle. Cependant, ce climat restera chaotique, avec plusieurs périodes de
glaciation dont nous évoquerons les plus récentes dans les paragraphes suivants.
Les variations récentes du climat
Afin de comprendre ce qui risque de se produire au niveau de la planète, il convient bien de
procéder à l’examen de la situation actuelle. On n’utilise le thermomètre que depuis environ
un siècle et demi (les relevés les plus anciens dans le centre de l’Angleterre ne remontent qu’à
1659) ; il faut utiliser des méthodes indirectes de mesures.
Au cours du million d’années écoulé, une série de huit cycles d’alternance des périodes
glaciaires/interglaciaires a eu lieu, engendrée par les changements de l’orbite terrestre autour
du soleil. la dernière période interglaciaire – l’holocène, dans laquelle nous vivons
actuellement- a débuté il y a quelque 10 000 ans. La fonte des glaces a provoqué une
élévation du niveau des océans de 120 mètres alors que les températures du début de la
période étaient généralement supérieures à celles du XX e siècle. Les observations semblent
montrer d’importantes oscillations thermiques au cours de l’holocène à l’échelle du
millénaire, et certains indicateurs montrent même des changements allant de 5 à 8 °C sur une
période de 1 500 années. Cependant, si on examine les 400 000 dernières années sur les
carottes de glace, l’holocène apparaît comme étant la période la plus chaude et la plus stable,
ce qui a naturellement eu des conséquences importantes sur le développement de la
civilisation.
Ce n’est qu’en arrivant au millénaire dernier que l’on a plusieurs tentatives de mise au point
sur une série de données sur la température du globe. Elles font l’objet de vives discussions
entre scientifiques.
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Reconstitution de la température annuelle moyenne de l'hémisphère Nord depuis Jésus-Christ.
L'axe horizontal représente la date, et l'axe vertical représente l'écart de la valeur de l'année
considérée avec la moyenne hémisphérique (nord) pour les années 1961 à 1990. Les
températures observées sont également reportées, en noir, à partir de 1860 (source Anders
Moberg, Dmitry M. Sonechkin, Karin Holmgren, Nina M. Datsenko & Wibjorn Karle´n. –
Nature 27/1/2005)
Dans les grandes lignes, nous avons une stabilité, voire une légère augmentation jusqu’en l’an
1000, suivie d’une tendance à la baisse de l’an 1000 à l’an 1600, suivie d’une augmentation
s’accélérant au XXe siècle.
Les historiens du climat parlent de petit âge glaciaire pour la période qui s’étend grosso modo
de 1 400 à 1 900, attesté par diverses sources, cette période faisantt suite à « l’optimum du
haut Moyen Âge », qui a notamment rendu possible la colonisation du Groenland.
Les discussions sur les données disponibles montrent la nécessité d’une certaine prudence sur
les évolutions de température : nous sommes en train de sortir du Petit âge glaciaire, et le
climat a toujours varié. De plus, L’urbanisation croissante de la société a une influence sur les
données temporelles des postes météorologiques les plus anciens, car se retrouvant
progressivement en ville.
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Selon les villes (taille, caractéristiques architecturale, densité…),les maxima d'intensité de
l’excès de chaleur urbaine peuvent aller de 2°C à 12°C (dans des villes de plusieurs millions
d'habitants).
Le climat passé et l’histoire de la forêt en Limousin
L’analyse du pollen contenu dans les tourbières de la montagne limousine permet d’avoir
quelques indications sur la végétation à partir de 10.000 ans environ avant J-C. Il y avait
alors une steppe qui a été colonisée principalement par le bouleau, ainsi que de façon moins
importante par le pin. Le chêne et le noisetier font leur apparition vers 8.000 ans avant J-C.
L’orme s’installe aussi. Ces formations forestières subissent un bouleversement environ 5.000
ans avant J.-C., avec la mise en place d’une chênaie diversifiée contenant du tilleul, du frêne,
et de l’aulne, voire de l’érable ; elles indiquent une probable évolution climatique.
Le hêtre commence à arriver environ 3.000 ans avant J.-C. Sa dynamique est retardée par
rapport à l’Auvergne, progressive, tant pour des raisons climatiques qu’à la suite très probable
de défrichements à vocation pastorale vers environ 3.500 ans avant J.-C. Ces derniers sont
suivis d’une période de recul de l’activité humaine, liée probablement à un
refroidissement du climat, où la forêt recouvre très largement le territoire. Une forte emprise
agricole, initiée entre les IVe et IIe siècle avant notre ère se traduit par une progression de
terrains à vocation pastorale, les mises en culture étant ponctuelles.
Les défrichements se poursuivent pendant la période gallo-romaine. Le noyer et le
châtaignier apparaissent pour la première fois sur le plateau de Millevaches. Une phase de
déprise a lieu à la fin du III e siècle de notre ère, avec un retour à la forêt. Elle est assez courte,
puisqu’une reprise agro-pastorale a lieu à partir d’une période estimée au V e siècle ; elle
s’intensifie à partir du VIe-VIIe siècle. Les surfaces cultivées notamment en seigle progressent.
A partir du Xe-XIIe siècle, il est possible d’avancer une hypothèse de déforestations régulières
et spécialisées ; le hêtre est alors exploité de préférence aux autres essences. L’activité
pastorale est alors largement dominante et suffisamment intensive pour causer, en raison d’un
début d’épuisement des sols, le développement considérable et général sur le plateau de
Millevaches de landes sèches à callune.
Un déclin de l’activité humaine est constaté entre la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe
siècle. Après la guerre de cent ans, nous avons une emprise agricole croissante, qui utilise de
mieux en mieux les potentialités du territoire et qui atteindra son maximum à la fin du XIX e
siècle.
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Dryas ancien
12000
Bölling
Alleröd
10300
13000
Dryas récent
würm
15000
10700
Végétation post-glaciaire de la Montagne Limousine
Synthèse des archives sédimentaires
9000
Préboréal
Boréal
4700
2600
Atlantique
Subboréal
Importante dominance du noisetier
qui va constituer les premiers
sols forestiers
Déclin progressif du noisetier et extension du
tilleul dans un contexte de boulaie sur un tapis
dense de cypéracées.
Première apparition du hêtre à la fin de
l’Atlantique et forte régression du chêne, faible
extension du pin, du bouleau et de la callune.
Diminution globale du couvert forestier.
Premiers défrichements.
Tardiglaciaire
Chênaie diversifiée à tilleul,
persistance du hêtre, donne
suite à une forte diminution du
hêtre ainsi que des autres
essences. Réduction du
couvert forestier induit pour la
première fois, de façon
importante, par l’homme.
Réapparition d’une véritable
chênaie-hêtraie aux alentours
de 1500 ans avant maintenant,
avec le noisetier qui est
abondant, puis dominance de
hêtre à la faveur d’un
refroidissement.
Subatlantique
Cultures de
céréales et
défrichements
importants.
Aujourd’hui
Végétation steppique à cypéracées et armoise avec des pins et apparition de bouleau et de
saule en colonisateurs lors de radoucissements.
Ces successions végétatives vont alterner jusqu’à l’apparition significative du chêne et du
noisetier à la fin du préboréal et vont constituer les premières formations ligneuses.
8000
Holocène
Source : Romain Rouaud, 2005.
Sources documentaires : P Guenet, 1993 ; Y. Miras, 2004 ; O. Villa, 2004.
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De ce fait, le Limousin n’avait presque plus de forêts pendant le dix-neuvième siècle,
surtout sur la montagne limousine. La population déboisait pour cultiver la terre. Seuls
quelques taillis subsistaient, surtout dans les vallées encaissées, afin de satisfaire les besoins
en chauffage et pour les forges et fours à porcelaine. Cependant, le châtaignier avait une
grande importance dans la vie locale, formant avec les raves et le blé noir l’essentiel de la
nourriture du paysan. Il était surtout présent au sud de la ligne reliant Saint-Junien à Bort-lesOrgues, où les terrains sont les plus chauds.
La situation a commencé à changer avec les effets visibles de l’émigration définitive. La
population a commencé à diminuer au début du vingtième siècle, libérant quelques terres.
Quelques essais de plantations ont été tentés. Pendant ce temps, plusieurs propriétaires
terriens importants évoquent la nécessité du boisement, tant pour assainir les prés humides (le
paludisme était une maladie banale dans la Montagne Limousine au cours du dix-neuvième
siècle) que pour limiter l’importance des crues de la Loire après une série d’inondations
catastrophiques (la Loire a des levées à partir de Nevers jusqu’à Nantes).
Après la première guerre mondiale, la population continue à décroître sur les plateaux. On
boise surtout dans la montagne. Les anciens parcours à moutons et les parcelles les plus
éloignées des exploitations sont plantées et semées, principalement en pin sylvestre en
altitude, et en feuillus en dessous de 800 mètres, ces derniers étant alors promus par les Eaux
et Forêts pour des motifs environnementaux ne prenant pas suffisamment en compte le climat
local. Cette essence pionnière était celle qui arrivait le mieux à pousser sur les landes avec les
moyens techniques de l’époque, les autres essences essayées subissant alors des échecs
relativement importants.
Le mouvement s’amplifie dans les années 1950. L’exode rural est important et des fermes
entières ne trouvent alors plus de cultivateurs pour les mettre en valeur. De plus, à ce
moment-là, la France a besoin de bois pour la reconstruction et pour la pâte à papier. Une taxe
spécifique prélevée sur la vente des bois –appelée Fonds Forestier National-, donc
d’autofinancement, permet d’aider les propriétaires à mettre en valeur leur terrain et à
entretenir ainsi leur patrimoine, tout en ayant l’espoir que cela ferait vivre le pays. Les
plantations sont surtout réalisées avec de l’épicéa, cette essence étant retenue dans un
contexte local de refroidissement du climat –donc en tenant compte des données
climatiques du moment- ; plus de 150 000 hectares sont ainsi mis en valeur. Dans le même
temps, la forêt s’accroît de façon équivalente par des accrues feuillues sur des terrains
vacants.
Nous voyons donc que la forêt du Limousin n’a pas cessé de varier, à cause du climat bien
sûr, mais aussi à cause de l’action humaine, tant en termes de défrichements, de choix
d’espèces que de l’absence de cette même action humaine.
Une prospective
Les changements climatiques prévus sont susceptibles de modifier les aires de répartition de
certaines essences. Sur la base d’un scénario de changement climatique modéré –de fait le
plus modéré de ceux présentés par les climatologues- et des connaissances actuelles, les
chercheurs de l’institut national de la recherche agronomique ont modélisé ce que pourraient
être les nouvelles aires de répartition en 2100 sur la base de ces modèles. Cependant, il s'agit
bien de modélisations, avec toute la part d'incertitude que comporte une telle approche,
d'autant plus que le terme est éloigné. Aussi, il convient d’être prudent sur les conclusions à
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long terme, d’autant plus que les causes d’évolution du climat font encore l’objet de vofs
débats malgré les apparences.
On aboutit aux répartitions suivantes par grands groupes écologiques :
Répartition géographique des sept
groupes chorologiques estimée par
analyse discriminante en fonction
du climat actuel
Répartition géographique des sept
groupes chorologiques estimée par
analyse discriminante en fonction
du climat en 2100
source : INRA
Les sept groupes sont :
Groupe 1 : espèces de l’étage subalpin (pin cembro, pin à crochets, …)
Groupe 2 : espèces essentiellement présentes à l’étage montagnard
Groupe 3 : espèces communes à l’ensemble des régions de montagne et pouvant s’étendre à l’étage
collinéen dans le quart nord-est de la France (sapin pectiné, épicéa commun, sorbier…)
Groupe 4 : cette extension du groupe 3 correspond à des espèces communes en montagne (jusqu’à
l’étage montagnard) et très présentes en plaine dans la moitié nord de la France (hêtre, érable
sycomore, pin sylvestre, etc..).
Groupe 6 : espèces de l’étage collinéen, fréquentes dans le sud et l’ouest, plus rares dans le nord et
le nord-est (châtaignier, …)
Groupe 7 a : ensemble des espèces de la moitié ouest et pouvant s’étendre dans le midi (pin
maritime, chêne tauzin…)
Groupe 8 : ensemble des espèces méditerranéennes (pin pignon, pin d’Alep, chêne vert, chêne liège,
…).
Dans le cas du Limousin, cette carte montre l’importance des espèces de montagne dans la
partie haute de la région, ainsi que celles de l’étage collinéen sur une grande partie de la
plaine. Elle confirme indirectement l’importance des chênes sessile et pédonculé en Limousin.
Les groupes trois et quatre (espèces communes à l’ensemble des régions de montagne),
présents sur la montagne limousine, disparaissent presque totalement. Ils sont partiellement
supplantés par celles de l’étage collinéen. Par ailleurs, le groupe 7a devient très important, et
le groupe huit fait son apparition de façon significative, surtout dans le sud de la région. Cette
évolution met aussi en cause la flore contenue dans les zones humides, dont les tourbières, qui
ne devraient plus contenir que des espèces du domaine atlantique comme seules survivantes.
Par ailleurs, une réflexion devrait avoir lieu sur le lien entre la forêt et la protection des sols,
du fait de l’augmentation des pluies d’orage. Enfin, cette évolution aura une influence sur les
paysages : on peut très bien imaginer le développement de landes à bruyères sur des stations
pauvres et relativement sèches du Limousin.
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Ce raisonnement peut être affiné espèce par espèce, en travaillant sur l’aire de répartition de
chacune des principales espèces forestières qui peuvent être présentes dans plusieurs groupes
à la fois. Si l’on prend le cas d’une espèce présente en Limousin et notamment dans la
montagne limousine où il se régénère naturellement, le hêtre, on a les cartes suivantes :
Probabilité de présence du hêtre en Probabilité de présence du hêtre en
France en 2000
2100
Légende
des
probabilités
0 à 0,1
0,1 à 0,2
0,2 à 0,3
0,3 à 0,4
0,4 à 0,5
0,5 à 0,6
0,6 à 0,7
0,7 à 0,8
0,8 à 0,9
0,9 à 1
Source : INRA
Source : INRA
Ces cartes indiquent la probabilité d’avoir le hêtre en fonction de critères climatiques, y
compris là où il est absent actuellement. Elle est d’autant plus élevée que la couleur tend vers
le brun. En Limousin, elle est importante dans la montagne, et plus faible sur le restant de la
région. La projection des modèles de présence au climat prévu par l’institut national de la
recherche agronomique montre un recul de son aire potentielle au profit des seuls sommets du
Limousin.
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Dans le cas du chêne vert qui est une essence méditerranéenne comme le montre la carte de
gauche ci-dessous, nous avons :
Probabilité de présence du chêne vert Probabilité de présence du chêne vert
en France en 2000
en 2100
Légende
des
probabilités
0 à 0,1
0,1 à 0,2
0,2 à 0,3
0,3 à 0,4
0,4 à 0,5
0,5 à 0,6
0,6 à 0,7
0,7 à 0,8
0,8 à 0,9
0,9 à 1
Source : INRA
Source : INRA
Cette espèce est actuellement absente du Limousin. Elle devrait apparaître sur toute la partie
basse de la région.
Cependant, il convient de nuancer cette représentation schématique de l'évolution de la
répartition spatiale des essences forestières. Tout d'abord, ces espèces sont en général
capables de vivre sous une gamme assez large de conditions climatiques, grâce à la plasticité
individuelle (un même individu peut survivre sous une certaine gamme de conditions
climatiques) et à la diversité génétique infraspécifique (chaque espèce est composée de
nombreuses populations dont chacune s'est adaptée à ses conditions de milieu). Ainsi, le
chêne sessile se rencontre-t-il sous des climats dont la température moyenne annuelle varie de
7 à 15 °C, avec une médiane de 11°C (Gégout, 2006); l'illustration 5 fournit un autre exemple
pour le comportement face à la sécheresse estivale.
Probabilité de présence de l'espèce
P-ETP moyen en mm du mois de juillet (1960-1990)
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Probabilité de présence de trois espèces autochtones en fonction du déficit hydrique
climatique du mois de juillet : Abies alba : sapin pectiné1 ; Quercus pubescens2 : chêne
pubescent ; Quercus petraea :3 Chêne sessile
Par ailleurs, la variabilité climatique va se surimposer à la variabilité des sols du territoire, le
changement climatique ayant un effet plus important sur certaines stations que sur d'autres. Le
déplacement de l'aire des essences sera également influencé par la concurrence des essences
en place et par la fragmentation des paysages à coloniser. Au total, la possible migration des
essences forestières sous l'influence de l'évolution climatique se réalisera donc plutôt selon le
schéma « réaliste » de l'illustration ci-après :
Deux représentations de la migration des espèces forestières
1
Le sapin pectiné nécessite une importante humidité atmosphérique. Aire de répartition : périalpine (à tendance
méridionale). Elle comprend la Forêt-Noire, les montagnes de Bohême, des Tatras, des Carpates. En France, on
le trouve en Corse (1000 à 1700 m), dans les Pyrénées (900 à 1500 m), le Massif Central (700 à 1500 m), les
Alpes (700 à 1700 m), le Jura (500 à 1100 m), les Vosges (400 à 1100 m) et les Collines du Perche, en
Normandie, à 400 m d’altitude.
2
Cette espèce est présente essentiellement dans l'Europe du Sud et le Moyen-Orient. On la trouve également en
Europe centrale, et elle se développe sur sol calcaire dans la moitié nord de la France. Elle est absente en
Bretagne et dans les Landes. On ne retrouve pas cette espèce au-dessus de 1400 mètres d'altitude
3
C'est une espèce très commune en Europe occidentale et la plus répandue dans les forêts françaises. On la
retrouve partout dans les plaines et collines de France sauf dans la région méditerranéenne. Elle est commune
dans toute l'Europe ne dépassant pas les 60° Nord en Norvège et atteint sa limite sud au centre de l'Espagne et au
sud de l'Albanie
Forêt et aléas climatique – 26/08/2011
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Quelles conséquences sur la forêt ?
Avant de parler des préconisations, nous évoquons ici l’impact du changement
climatique sur les forêts existantes.
Le réchauffement climatique a un impact sur la durée de croissance et la reproduction
des arbres
Le réchauffement intervenu au XXe siècle a causé un allongement mesurable de la saison de
végétation. La poursuite de cette tendance devrait accentuer ce phénomène, conduisant à un
débourrement plus précoce des arbres et à une chute plus tardive de leurs feuilles. Cette
évolution devrait exposer les arbres aux risques de gelées « tardives » (se produisant après le
débourrement au printemps) ou « précoces » à l'automne. On attend aussi une floraison plus
précoce, également exposée aux gelées tardives, ainsi qu'une maturité des graines avancée en
fin de saison. L'impact de ces évolutions du climat sur le cortège des parasites des fleurs et
des fruits n'a pas encore été étudié de manière approfondie.
Le réchauffement climatique a un impact sur la croissance des arbres
Sous nos latitudes, la disponibilité en eau est le premier des facteurs du milieu qui contrôlent
la croissance des arbres et donc la production de bois (la formation d'un gramme de carbone
dans le bois nécessite la transpiration de 0,5 à 0,8 litre d'eau. Si ce réchauffement se
produisait, la substitution d'essences actuelles par des essences plus méridionales aurait à
terme des conséquences importantes sur la production de bois des forêts françaises.
Le réchauffement climatique a un impact certain sur la croissance et la répartition des
forêts.
L’augmentation des émissions de gaz à effet de serre est une des causes du changement
climatique. L’accroissement du taux de CO2 en lui-même modifie le fonctionnement de tous
les végétaux en agissant sur la photosynthèse. Un doublement de la concentration de CO2
peut augmenter de 20 à 30% la production photosynthétique des forêts. En revanche, cette
tendance potentielle peut être affectée, voire inversée, par des températures excessives, des
épisodes de sécheresse et les dépôts d’ozone. L’Institut National de la Recherche
Agronomique (INRA) mène plusieurs études pour évaluer l’impact du réchauffement
climatique en prenant en compte tous ces facteurs.
Des simulations montrent que l’impact physique de l’évolution du climat sur les forêts
pourrait se caractériser par une légère augmentation de la production forestière dans un
premier temps (2030-2050), suivie par un plateau ou un déclin dans les années 2070-2100. De
façon générale, il apparaît que l’augmentation de la production sera plus importante pour les
régions du Nord que celles du Sud de la France. Les productivités brute et nette seront plus
affectées par le contenu en eau du sol et par le déficit hydrique de l’air dans l’Ouest de la
France en raison, dans ces régions, de l’évolution plus marquée du contraste été/hiver du
régime pluviométrique.
Le réchauffement climatique a un impact sur le choix des essences de reboisement
Ceci signifie aussi que le choix des essences de reboisement ou lors de coupes d’amélioration
devrait en principe tenir compte de cette évolution possible. Les recherches sur les
dépérissements montrent que les essences installées dans leur optimum écologique, donc en
station, récupèrent assez rapidement après une crise alors que celles éloignées de cet optimum
Forêt et aléas climatique – 26/08/2011
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(cas relativement fréquent du chêne pédonculé) ne récupèrent pas aussi facilement. C’est dans
ce dernier cas qu’un dépérissement avec mortalités pourra s’enclencher. Le chêne pédonculé,
qui est la première essence forestière du Limousin, subirait alors des dommages importants et
visibles dans le paysage. Ceci pose aussi la question du choix des provenances des graines
utilisées lors des reboisements : par exemple, le pin sylvestre est présent du Portugal à la
Scandinavie. Dans tous les cas, il convient de tenir compte du climat récent pour permettre la
réussite des opérations de reboisement.
Le réchauffement climatique favorise les maladies des arbres forestiers
Il est probable qu'il n'y aura pas une évolution générale commune pour tous les pathogènes et
insectes forestiers, certains risquent d'être favorisés tandis que d'autres pourraient voir leur
population diminuer. Ainsi, par exemple, sous des climats plus chauds, l'oïdium et le chancre
du chêne devraient être favorisés tandis que le chancre à Xanthomonas du peuplier pourrait
disparaître.
Le réchauffement de notre climat pourrait permettre l'implantation en France de parasites
(champignons, bactéries, virus, insectes ...) actuellement inconnus; des parasites non virulents
pouvant le devenir. Par ailleurs, l'aire de répartition de certains des parasites déjà présents et
limités par des seuils de température devrait s'étendre en suivant les isothermes (cf. la chenille
processionnaire du pin qui est arrivée en région Centre) : le réchauffement climatique pourrait
alors augmenter alors la surface de la zone forestière touchée. Enfin la sensibilité des arbres à
certains parasites peut augmenter en situation de stress, hydrique notamment: c'est le cas du
Pin laricio face à Sphaeropsis sapinea.
Au total, et en tenant compte du fait que chaque ensemble parasite-hôte-milieu est spécifique,
les risques sanitaires semblent devoir être plutôt augmentés que diminués par le
réchauffement climatique sous l'effet de trois phénomènes principaux : introductions de
nouveaux parasites, extension de l'aire de présence (ou virulence) des parasites actuels, fort
développement des parasites sur arbres stressés.
Le réchauffement climatique favorise l’augmentation des risques physiques
Ce sont principalement les risques d’incendie. Cette augmentation du risque d’incendie
pourrait conduire à une proportion plus élevée de sol nu, et donc à un risque d’érosion plus
important. Il semble que les deux phénomènes combinés feront des montagnes sous climat
méditerranéen les zones les plus exposées à une augmentation de l'érosion.
En conclusion, pour le forestier
Le climat n’a jamais cessé de varier. L’occupation par les différentes essences forestières
est une longue succession de flux et reflux, le dernier ayant commencé à partir d’environ 10
000 ans pour le Limousin, avec bien entendu une modification des espèces présentes. Nous
pouvons dire que toutes les essences connues en Limousin ont, à un moment ou à un autre,
colonisé la région. Tout indique qu’il continuera de varier.
Les forestiers ont, dans nombre de cas, tenu compte des données disponibles pour faire leurs
choix techniques, toute introduction de l’idéologie se traduisant par des échecs.
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La situation future est plus délicate ; pour la première fois, nous disposons de modèles de
prévision climatiques, avec des incertitudes. Cependant, le sylviculteur doit tenir compte de
ces évolutions. Mais ces modèles sont réalisés en fonctions de connaissances imparfaites, et
sur des échelles de territoire importantes.
Quels conseils peut-on en tirer ?
Il convient pour cela de faire appel à la génétique. Celle-ci nous apporte plusieurs
informations :
- A l’intérieur d’une même collection de graines issues d’un père et d’une mère
identifiés, une souplesse d’adaptation de température d’environ 2 °C.
- L’existence d’origines adaptées au climat actuel ou futur pour plusieurs espèces
intéressantes pour le forestier, et notamment le douglas dont son aire d’origine s’étend
du Mexique à l’Alaska.
Par ailleurs, l’analyse de l’adaptation des essences aux stations forestières montre que :
- Les essences qui colonisent un terrain nu ne sont pas forcément les mieux adaptées à
la station sur le long terme, comme par exemple le chêne pédonculé sur des surfaces
importantes en Limousin ;
- A contrario, une bonne analyse des conditions environnementales permet de réduire
les risques, surtout si l’on choisit des graines adaptées au climat actuel.
Enfin, dans certains cas, une sylviculture dynamique permet de raccourcir la période entre
deux renouvellements de patrimoine génétique, et donc là aussi de réduire les risques. A noter
que les coupes de taillis, si elles permettent d’avoir des termes d’exploitabilité courts, ne
permettent pas l’adaptation du potentiel génétique d’une essence donnée au climat.
Enfin, l’existence d’une bonne desserte permet de traiter plus efficacement contre les
conséquences de ce même changement climatique.
Des groupes de travail national, avec des correspondants régionaux ont été constitués pour
essayer d’apporter des réponses concrètes aux propriétaires forestiers ainsi qu’aux différents
responsables de la forêt privée.
De plus, la forêt peut contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique
Deux nouvelles fonctions peuvent être attribuées à la forêt :
- Réduire l’effet de serre en favorisant le stockage du carbone : L’agriculture et la
sylviculture ont un rôle important à jouer dans la réduction des gaz à effet de serre et
notamment du CO2. Favoriser le phénomène naturel de stockage du carbone par les
forêts et les sols est une des options qui permettraient de limiter temporairement
l’augmentation du CO2 atmosphérique.
- Utiliser le carbone renouvelable à la place du carbone fossile. Les molécules
constitutives des végétaux peuvent remplacer le pétrole dans la majorité des
technologies chimiques. Elles ont l’avantage d’être renouvelables, biodégradables et
leur production ne contribue pas ou peu aux gaz à effet de serre.
Cependant, ces programmes sont encore en cours de finalisation, et n’ont débouché que
partiellement sur des programmes opérationnels.
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Sources d’informations accessibles sur le Web (liste non exhaustive) :
Quelles forêts en France en 2100 ? : www.inra.fr/presse/quelles_forets_en_france_en_2100
Préparer les forêts françaises au changement climatique : Rapport à MM. les Ministres de
l'Agriculture et de la Pêche et de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement
Durables. Décembre 2007
Climat : un dossier Sagascience du CNRS : Un dossier complet et illustré sur le changement
climatique : questions sur le climat, système et facteurs climatiques (avec un schéma très
pédagogique), la recherche française sur le climat, images, manifestations, bibliographie de
base, dictionnaire des mots-clés, organisations internationales, serveurs utiles...
http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim/index.htm
Le changement climatique - La documentation française : Un dossier complet sur le
changement climatique sur le site de La documentation française : bilan scientifique, lutte
contre le réchauffement, débats, ressources complémentaires... h t t p : / / w w w . l a d o c u m e n t a
tionfrancaise.fr/dossiers/changement-climatique/index.shtml
Dryade : Le projet de recherche DRYADE a pour but de comprendre les dépérissements
forestiers actuels et d'en distinguer les composantes climatiques, biotiques et sylvicoles. h t t
p://www.inra.fr/dryade/
Blog forêts et climat : La Société forestière de la Caisse des dépôts a lancé le 3 décembre
2007 son blog de discussion pour recueillir réactions et contributions autour de l'enjeu : «
Comment prendre en compte les changements climatiques dans la gestion des forêts
françaises ? ». w w w . f o r e t s - e t - c l i m a t . f r
Par ailleurs, les livres ont souvent des positions tranchées : on est pour ou contre, sans
chercher à vraiment réfléchir, les différentes partis s’envoyant des anathèmes. Seuls quelques
auteurs approfondissent la question, mais il faut une solide formation scientifique pour les
assimiler.
Retour vers :
- Connaissance des arbres – généralités
Voir aussi :
- La biodiversité
- Physiologie d’un arbre
- La croissance d’un arbre
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