UN SLOGAN PAS TRÈS LUMINEUX

Transcription

UN SLOGAN PAS TRÈS LUMINEUX
ÉVÉNEMENT
3
JEUDI 12 NOVEMBRE 2015 LE MATIN
UN
SLOGAN
PAS TRÈS
LUMINEUX
Un message en anglais
en terre francophone:
une agression
pour certains.
UN ANGLAIS TRÈS PRISÉ
POUR LA PRÉVENTION
PRÉVENTION Le Bureau suisse de prévention des accidents communique en anglais pour sensibiliser les Suisses à l’importance d’une bonne visibilité, de nuit. Une option qui irrite certains…
ifficile de les louper, depuis
quelques jours: le long des
routes suisses, de grands
«See you» en fluo sur fond noir
fleurissent pour rappeler l’importance d’une bonne visibilité des
conducteurs et des piétons, afin
d’éviter les drames. Cette campagne sera d’ailleurs particulièrement à l’honneur ce jeudi, à l’occasion de la 9e édition de la Journée
nationale de la lumière.
Problème, si ces affiches «sautent aux yeux», leur message en
anglais a aussi le don d’irriter certains. Comme l’Association Défense du français, présidée par le
conseiller aux Etats (PS) neuchâtelois Didier Berberat. Vendredi
dernier, un de ses membres a du
reste écrit au Bureau de prévention des accidents (BPA) pour faire
part de sa colère. Ce contempteur
de l’impérialisme linguistique
anglo-saxon dénonce une campagne qui «inféode tout un peuple à
une culture qui n’est pas la
sienne». Un agacement partagé
par Didier Berberat, qui évoque
«une dérive regrettable». Il voit
D
dans cette utilisation de l’anglais
une tentative de «faire jeune»,
qui snobe une fois de plus les langues nationales. Celles-ci, il faut
le préciser, apparaissent sur les
affiches, avec le slogan «Sois visible». Mais la recommandation se
trouve au pied du «See you», écrit
bien plus gros.
Pourquoi ce recours à la langue
de Shakespeare, fréquent du côté
du BPA? Tout d’abord, il faut rappeler que ces affiches ne tombent
pas du ciel.
L’an dernier,
une première
mouture avait
déjà été placée
dans les rues
suisses. Mais le «See you» apparaissait de façon beaucoup moins
évidente. «On reprend des expressions anglaises que l’on connaît,
mais qu’il n’y a pas vraiment besoin de comprendre. C’est comme
un élément optique», note Daniel
Menna, porte-parole du BPA. Un
«élément optique» qui a l’avantage d’être compréhensible dans
toute la Suisse, grâce à un anglais
reconnu de façon transcantonale.
Un texte trop vague
Reste que, loin des questions de
défense de la langue, l’efficacité du
procédé ne semble pas évidente à
Julien Intartaglia, Professeur docteur à la HEG Arc, à Neuchâtel.
Pour lui, le «See you» ne donne
pas envie au conducteur d’en savoir plus sur le sens de la campagne: «Bien sûr, ce slogan attire le
regard sur les affiches, mais un
g C’est une dérive
que je regrette»
Didier Berberat,
conseiller aux Etats (PS) neuchâtelois
Photos: Jean­Guy Python ­ Laurent Crottet ­ BPA
«Slow Down. Take it easy»
L’ange Franky Slow Down s’est imposé chez les conducteurs avec un style cool et fun.
«Stayin’ alive»
Pas question de disco, malgré la référence aux Bee Gees, mais un message de préven­
tion à destination des mo­
tards, pour cette campagne du BPA.
texte aussi vague va-t-il interpeller le public? Je ne pense pas.» Mal
défini, écrit dans une langue pas
forcément comprise de tous, le visuel entraînera sans doute des réflexes de «désélection» qui nuiront à la diffusion du message de
fond, redoute le spécialiste. Un
tout bête «sois visible» aurait
constitué un bien meilleur choix à
ses yeux…
● RAPHAËL POMEY
[email protected]
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