DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES

Transcription

DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES
Un Peuple - Un But – Une Foi
MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES
DIRECTION DE LA PREVISION ET DES
ETUDES ECONOMIQUES
Document d’Etude N°21
Productivité des Dépenses Publiques et Croissance
Economique dans l’UEMOA
Une Analyse Bayésienne sur Données de Panel
DPEE/DEPE @ Février 2012
Productivité des Dépenses Publiques et Croissance Economique dans l’UEMOA
Une Analyse Bayésienne sur Données de Panel
Alsim FALL
Kalidou THIAW
Janvier 2012
RESUME
La perspective de la récurrence des crises économiques, conjuguée à la rareté des ressources
nécessaires à la lutte contre la pauvreté et au financement du développement conduit à
s’interroger sur la productivité des dépenses publiques dans l’UEMOA. L’analyse des faits
stylisés de la gestion des finances publiques en Afrique a montré que les performances de
l’UEMOA demeurent en deçà de celles d’autres régions telles que l’Afrique de l’Est et
l’Afrique du Nord. Cependant, certains pays tels que le Burkina Faso, le Bénin et le Mali sont
apparus comme les plus performants en matière de productivité des dépenses publiques au
sein de l’Union, surpassant parfois la moyenne africaine. Par ailleurs, l’estimation bayésienne
d’un modèle de croissance a montré que la consommation publique est improductive, tandis
que l’investissement est porteur de croissance. Cependant, l’investissement public dans
l’UEMOA se révèle moins productif que dans certaines régions du continent. Par rapport aux
performances de l’Afrique du Nord, la part improductive des dépenses d’investissement dans
l’UEMOA est évaluée à 40%. L’ampleur de ces dépenses improductives peut être expliquée,
dans une large mesure, par les faiblesses notées dans la gouvernance et la transparence
budgétaires au sein de l’UEMOA.
Classification JEL: O47, H50, O40, C11, C23
Mots Clés: Productivité, Dépenses Publiques, Croissance Economique, Analyse Bayésienne, Données
de Panel.
ABSTRACT
The perspective of recurring economic crises, combined to the scarcity of the resources
necessary for poverty reduction and development financing, leads to questioning the
productivity of public expenditures within WAEMU. Stylized facts about public finance
management in Africa show the WAEMU’s performance is still well below those of East and
North Africa. However, Burkina Faso, Benin and Mali appear as the most performing
countries regarding public expenditure productivity within the Union, outdoing sometimes the
African average. Moreover, the bayesian estimation of a growth model shows that public
consumption is unproductive, whereas investment is growth promoting. Meanwhile, public
investment in WAEMU countries turns out to be less productive than in other African regions.
Regarding North Africa’s performance, the unproductive share of public investment in
WAEMU is estimated at 40%. This magnitude of unproductive investment expenditures can
be largely explained by the weaknesses in fiscal governance and transparency within
WAEMU.
JEL Classification: O47, H50, O40, C11, C23
Keywords: Productivity, Public Expenditure, Economic Growth, Bayesian Analysis, Panel Data
I.
Introduction
Depuis la seconde moitié des années 2000, de nombreux bouleversements sont intervenus au
niveau de l’économie mondiale par le truchement de la crise économique et financière
internationale. Les effets systémiques de la crise ont été particulièrement sévères, n’épargnant
aucune région du monde. Devant l’ampleur de la crise, les économies avancées, ont mis en
œuvre des politiques contra-cycliques qui se sont traduites par des plans de sauvetage du
système financier aux coûts inédits, ainsi que par l’adoption de mesures de relance tout aussi
onéreuses. Il s’en est suivi une augmentation vertigineuse des déficits et de l’endettement
publics qui, aujourd’hui, donnent lieu à des mesures de rigueur, voire d’austérité, dans les
pays de l’Union européenne et aux Etats-Unis. Dès lors, les perspectives d’une nouvelle crise
économique sont plus que jamais d’actualité.
De ce point de vue, les économies africaines ne pourront donc pas échapper aux ajustements
indispensables à l’absorption des chocs externes. Cela est d’autant plus vrai que le scénario
d’une forte réduction de l’Aide Publique au Développement (APD) n’est pas à écarter1. Par
conséquent, la question de la qualité des dépenses publiques est particulièrement pertinente
pour les pays africains où l’insuffisance des ressources publiques est la règle, tandis que la
lutte contre la pauvreté et le financement du développement dépendent encore de façon
critique du budget de l’Etat.
Au sein de l’UEMOA, l’intervention de plus en plus fréquente des économies membres sur
les marchés obligataire (régional et international) soulève de nombreuses interrogations quant
à la pertinence des programmes de dépenses publiques auxquels ils sont destinés. De plus, ces
économies ont récemment connu de sérieuses tensions sur les finances publiques qui se sont
notamment matérialisées par des arriérés de paiement intérieurs relativement importants.
Pourtant, des dispositions communautaires ont été prises depuis plus d’une décennie afin de
renforcer les bonnes pratiques en matière de gestion des finances publiques. C’est le cas de la
Directive n° 02/2000/CM/UEMOA2 portant adoption du Code de transparence dans la gestion
des finances publiques, qui a été entérinée depuis l’année 2000. En outre, les mécanismes de
la surveillance multilatérale participent à la promotion d’une meilleure gouvernance
économique et financière. Ainsi, il pertinent de voir dans quelle mesure les efforts accomplis
par les pays de l’UEMOA en matière de politique budgétaire ont contribué à améliorer leurs
performances économiques.
1
2
Le montant de l’APD en Afrique Subsaharienne s’est élevé à 44 milliards de dollars en 2010
Cette directive a été abrogée par la directive n° 01/2009/CM/UEMOA
1
L’objectif principal de cette étude est de procéder à l’évaluation du degré de productivité des
dépenses publiques au sein des économies membres de l’UEMOA. Pour ce faire, ce travail
s’appuiera sur une analyse comparative de la productivité des dépenses publiques des
économies de l’UEMOA, à la lumière des résultats enregistrés par les autres pays africains.
Ainsi, il sera possible de proposer une mesure du coût d’opportunité (s’il existe) lié
l’inefficacité relative des dépenses publiques des pays de l’UEMOA. En d’autres termes, pour
un taux de croissance identique, il s’agira de mesurer le montant des dépenses publiques qui
aurait pu être épargné.
Certes, la définition et l’évaluation de la productivité des dépenses publiques, ainsi que celles
des dépenses improductives, présentent des difficultés conceptuelles et pratiques.
L’insuffisance des données relatives aux postes budgétaires n’offre pas la possibilité de
recourir à une analyse fine des coûts et bénéfices qui leur sont associés. C’est pourquoi, dans
le cadre de cette étude, la productivité des dépenses publiques est appréciée en relation avec la
croissance économique. En effet, la croissance économique étant l’une des principales
conditions nécessaires à la réalisation de meilleures performances en matière de bien-être
social, ce qui constitue l’objectif ultime de la politique économique, elle est dès lors, un
candidat naturel lorsqu’il s’agit d’apprécier la qualité des dépenses publiques. D’ailleurs,
Devarajan et al. (1996) soutiennent que dans la mesure où la croissance économique est un
des objectifs de tout Gouvernement, il est utile de connaître la contribution de la politique de
dépenses publiques à cet objectif, cela comme un moyen d’évaluer le coût d’opportunité par
rapport à des choix alternatifs.
Ainsi, la méthodologie est fondée sur un modèle de croissance intégrant les variables
budgétaires et estimé à l’aide des techniques bayésiennes appliquées aux données de panel.
Les régressions bayésiennes sont particulièrement utiles pour résoudre les questions liées à
l’incertitude sur la spécification d’un modèle, mais aussi sur les coefficients associés aux
variables explicatives.
La section II présente les faits stylisés, en s’appuyant sur une approche benchmarking mettant
en rapport les données économiques et budgétaires des pays de l’UEMOA à celles des autres
régions africaines. Elle permet de tirer les premières conclusions sur le niveau d’efficacité des
dépenses budgétaires ainsi que sur les facteurs qualitatifs pouvant expliquer les différences de
productivité. La section III revient sur la revue de la littérature. Les éléments
méthodologiques relatifs à la formulation du modèle bayésien sont exposés à la section IV. Il
s’agira également, dans cette section, de justifier la pertinence de la méthodologie retenue.
Les résultats et leur interprétation feront l’objet de la section V. Enfin, la section VI est
consacrée à la conclusion.
2
II.
Faits Stylisés
II.1.
Définition du concept de productivité des dépenses publiques :
enjeux et contraintes
Dans toute économie, la réduction efficace du déficit budgétaire requiert une combinaison
saine de politiques de maîtrise des dépenses et de mobilisation de recettes. L’expérience a
montré qu’une augmentation significative de la pression fiscale n’est souvent pas réalisable
dans le court terme, en particulier lorsqu’elle doit satisfaire, à la fois, aux critères d’efficience
et d’équité. Dès lors, le fait qu’il soit peu probable que les réformes fiscales permettent de
procéder à des ajustements de court terme, déplace l’attention vers une meilleure utilisation
les dépenses publiques. En effet, l’accroissement de la productivité des dépenses publiques
s’impose comme une solution viable dans la mesure où elle permet de libérer des ressources
pour réduire le déficit ou financer d’autres programmes essentiels.
La notion de productivité des dépenses publiques implique de concevoir les activités du
secteur public comme résultant d’un processus de production. Le secteur public emploie des
ressources humaines et physiques pour produire des biens et services publics tels que la
stabilité économique, la sécurité nationale, la protection sociale, et même des biens privés.
Ainsi, tout comme la productivité du travail ou celle du capital, la productivité des dépenses
publiques peut être définie en évaluant la production obtenue ou le degré de réalisation des
objectifs, compte tenu des dépenses engagées. La notion de productivité d’un programme de
dépenses publiques appelle essentiellement au respect des trois conditions suivantes :
-
La première consiste à produire ou à fournir un bien ou service public au moindre
coût ; autrement dit, les ressources humaines et en capital disponibles doivent être
pleinement utilisées de sorte qu’il n’y ait pas de gaspillage.
-
La deuxième revient à combiner les programmes de dépenses publiques de façon
optimale. Pour ce faire, l’arbitrage en termes d’allocation de dépenses à chacun des
programmes publics doit obéir à l’objectif d’égalisation à la marge des utilités sociales
liées aux différents programmes.
-
En troisième lieu, le niveau agrégé des dépenses publiques doit être cohérent avec un
cadre macroéconomique soutenable. Autrement dit, la fourniture d’un bien public est
optimale lorsque le bénéfice social marginal procuré par ce bien est égal à son coût
social marginal. Dans le cas de plusieurs biens, le bénéfice social marginal issu des
dépenses publiques associées doit être égal au coût social marginal de ces dépenses (y
compris la taxation et le coût de la dette).
3
Sur la base de ces définitions, il est alors possible de déduire une définition des dépenses
improductives. Pour une ligne budgétaire donnée, la dépense improductive est définie comme
la différence entre les dépenses réellement engagées et le niveau minimal de dépenses qui
aurait procuré le même niveau de satisfaction sociale. De manière générale, si une
combinaison de plusieurs lignes budgétaires est susceptible d’aboutir à une réduction des
coûts, par rapport aux dépenses effectivement engagées et sans altérer le bénéfice social, la
différence entre les deux niveaux de dépense globale peut être considérée comme le montant
global de la dépense improductive.
Cependant, il convient de noter que, dans la pratique, les dépenses publiques improductives
ne sont pas nécessairement mesurables. Cela tient au fait que, dans la plupart des cas, il est
impossible de faire la distinction entre les lignes budgétaires productives et improductives,
d’autant plus que les programmes publics ont des degrés de productivité variables. La nature
même de la production du secteur public, à savoir qu’elle n’est souvent ni marchande, ni
offerte sur un marché concurrentielle, explique les difficultés liées à sa mesure. Qui plus est,
même si les programmes publics sont exécutés à moindre coût et combinés de façon
appropriée, le niveau de dépense globale qui en résulterait pourrait ne pas être soutenable. En
effet, dans pareil cas, il est difficile de se prononcer sur la productivité de la dépense agrégée
sans tenir compte de ses implications sur le cadre macroéconomique (inflation, niveau de la
dette, taux d’intérêt, pollution, etc.).
Toutefois, il est possible d’apprécier le niveau de productivité des dépenses publiques,
sachant que l’objectif d’une telle politique demeure le développement économique qui peut
être mesuré par la croissance soutenue et durable. Aussi bien dans les économies avancées
qu’en développement, le constat est que les dépenses publiques ont souvent joué un rôle de
premier rang dans l’accumulation continue du capital physique et humain. En réalité, les
dépenses publiques peuvent accélérer la croissance économique, même dans le court terme,
lorsque l’insuffisance d’infrastructures ou de main d’œuvre qualifiée peut se révéler une
contrainte à l’augmentation de la production.
Dès lors, la mesure de l’incidence des dépenses publiques sur la croissance économique peut
être considérée comme un indicateur global de leur productivité. En effet, la croissance
économique étant l’une des principales conditions nécessaires à la réalisation de meilleures
performances en matière de bien-être social, ce qui constitue l’objectif ultime de la politique
économique, elle est très souvent l’un des indicateurs les mieux suivis pour l’évaluation des
politiques macroéconomiques. Elle constitue, dès lors, un candidat naturel lorsqu’il s’agit
d’apprécier la qualité des dépenses publiques. Par ailleurs, Devarajan et al. (1996) soutiennent
4
que dans la mesure où la croissance économique est un des objectifs de tout Gouvernement, il
est utile de connaître la contribution de la politique de dépenses publiques à cet objectif, cela
comme un moyen d’évaluer le coût d’opportunité par rapport à des choix alternatifs. Par
exemple, si deux économies sont similaires et ont un même ratio de dépenses budgétaires par
rapport au PIB, la différence de leurs niveaux de croissance peut être révélatrice de l’existence
de coûts d’opportunité, c’est-à-dire de dépenses improductives, pour la moins performante.
II.1.
Dépenses Publiques et Croissance Economique dans l’UEMOA :
Analyse Comparative
La croissance économique est donc un indicateur particulièrement utile dans le cadre des
analyses comparatives de la qualité des dépenses publiques au niveau international. A ce titre,
le tableau I.I montre que sur la période 90-99, l’UEMOA dans sa globalité affichait le ratio
des dépenses publiques au PIB plus élevé que la moyenne des pays africains, tandis que son
taux de croissance était également au-dessus de la moyenne africaine.
Tableau I.I : Ratios de Dépenses Publiques Totales et Taux de croissance
Période
1990-1999
REGIONS
2000-2009
Dépenses
Publiques
(% du PIB)
Croissance
Economique
(en %)
Dépenses
Publiques
(% du PIB)
Croissance
Economique
(en %)
29,3
3,0
22,1
2,6
Bénin
Burkina Faso
Côte d’Ivoire
Guinée-Bissau
Mali
Niger
Sénégal
Togo
19,1
20,6
25,3
36,6
25,1
16,5
29,4
22,7
4,5
5,1
2,6
2,0
3,6
1,9
2,7
2,6
20,6
23,0
19,5
27,3
22,7
18,5
29,8
18,1
4,3
5,0
0,5
1,5
5,4
3,8
4,0
2,0
Afrique Australe
31,3
3,3
31,3
1,6
Afrique Centrale
29,3
0,0
21,6
5,1
Afrique de l’Est
21,0
3,1
23,8
6,1
Afrique du Nord
29,3
3,3
29,9
4,6
Afrique de l’Ouest
20,7
3,2
30,9
5,7
27,2
2,9
28,0
4,5
UEMOA
Afrique
Notes : Les chiffres reportés au tableau I.I sont des moyennes pondérées, calculées sur les périodes indiquées.
Les pays regroupés dans la rubrique « Afrique de l’Ouest » sont les pays de l’Afrique de l’Ouest (y compris la
Mauritanie) hors UEMOA. L’échantillon global comprend 46 pays africains.
Source: WDI, Calcul des Auteurs
5
Cependant, ce résultat cette situation économique ne traduit pas nécessairement une meilleure
productivité des dépenses publiques, dans la mesure où les pays de l’Afrique de l’Est et ceux
de l’Ouest ont connu des taux de croissance similaires pour des ratios de dépenses publiques
largement moins élevés.
La situation décrite plus haut pour l’’UEMOA cache un certain nombre de disparités entre les
pays membres. Des pays comme le Bénin et le Burkina Faso se sont ainsi distingués par des
dépenses publiques relativement maîtrisées et des taux de croissance plus élevés. En
revanche, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire et le Sénégal se sont caractérisés par des
dépenses moins productives, à en juger par leurs ratios de dépenses publiques et leurs niveaux
de croissance.
Les politiques d’assainissement de la politique budgétaire engagées depuis les années 90 se
sont traduites sur la période 2000-2009, par une réduction importante (-7points) du ratio des
dépenses budgétaires au PIB. Néanmoins, ces réformes ne se sont pas accompagnées d’une
accélération de la de croissance. Parmi les pays de l’UEMOA, le Burkina Faso et le Mali ont
réalisé les meilleures performances, dépassant même la moyenne africaine. Ensuite, le Bénin
et le Niger ont réussi à obtenir des taux de croissance appréciables, pour des ratios de
dépenses publiques au PIB inférieurs à la moyenne africaine. En ce qui concerne les autres
parties du continent, elles ont réalisé des taux de croissance largement plus élevés (en dehors
de l’Afrique Australe), à travers une légère augmentation du ratio de leurs dépenses
publiques.
Pour un ratio de 22,1% par rapport au PIB, les dépenses publiques dans l’UEMOA se sont
élevées à près de 7300 milliards de FCFA. Ainsi, l’effet direct et immédiat d’une
augmentation de 5 points de pourcentage de la productivité des dépenses publiques aurait
permis, en 2009, à taux de croissance inchangé, de réaliser une économie d’environ 365
milliards de FCFA sur les dépenses publiques. Une telle économie aurait pu servir à financer
des dépenses additionnelles d’investissement, à renforcer des programmes sociaux prioritaires
existants ou à réduire les déficits budgétaires.
Afin de mieux apprécier la productivité des dépenses publiques dans les pays de l’UEMOA,
il convient de comparer leurs performances à celles des autres pays du continent, à travers une
représentation du nuage de points faisant apparaître tous les pays de l’échantillon (Graphique
I.1).
6
Taux de Croissance Moyen
Graphique I.I : Ratios des Dépenses Publiques au PIB et Taux de Croissance
(2000-2009)
0,12
0,10
0,08
MLI
0,06
NGR
0,04
0,02
0,00
0,00
TOG
0,10
-0,02
y = 0,004x + 0,042
BEN BFA
SEN
UEMOA GBU
CIV
0,20
0,30
0,40
0,50
0,60
Ratio Moyen des Dépenses Publiques au PIB
-0,04
-0,06
-0,08
L’observation du nuage de points reliant le ratio des dépenses publiques au PIB et le taux de
croissance économique, pour 46 pays africains, ne témoigne d’aucune relation nette entre ces
deux variables dans la mesure où la pente de la droite de régression correspondante est
presque nulle3. Par ailleurs, la remarque qui peut être faite est que, pour un niveau de
dépenses publiques donné, les pays se trouvant au-delà de la droite de régression semblent
afficher une meilleure productivité des dépenses publiques, dans la mesure où leurs taux de
croissance sont plus élevés.
Ainsi, le graphique I.1 met en évidence les résultats déjà présentés dans le tableau I.1 qui
témoigne de meilleures performances obtenues par le Mali, le Burkina Faso et le Niger au
sein de l’UEMOA. Seulement, les résultats obtenus par ces pays de l’UEMOA demeurent
moins reluisants que ceux obtenus par d’autres pays africains, à ratios de dépenses publiques
comparables (entourés d’un cercle sur le graphique I.1)4. De manière générale, les
performances affichées par l’UEMOA semblent insuffisantes, au regard de celles de pays tels
l’Ethiopie, la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda, le Tchad et le Soudan. L’une des explications
majeure est sans doute relative à l’instabilité politique en Côte d’Ivoire dont le poids
économique est le plus important au sein de l’UEMOA.
3
4
A titre de comparaison, cette pente était négative sur la période 1990-1999.
Il s’agit notamment de l’Ethiopie, de la Tanzanie, de l’Ouganda, du Rwanda, du Tchad et du Soudan.
7
II.2.
Importance des Investissements Publics et Croissance
Economique dans l’UEMOA : Analyse Comparative
Un des faits stylisés majeurs de la politique budgétaire est que l’investissement public serait
plus productif que la consommation publique. D’ailleurs, les réformes généralement menées
pour assainir les finances publiques portent davantage sur la rationalisation des dépenses
courantes, au profit des dépenses d’investissement. Ainsi, il serait intéressant, dans les lignes
qui suivent, de voir si les différences dans les ratios d’investissement public sont à l’origine
des disparités de productivité des dépenses publiques constatées plus haut.
Tableau I.2 : Ratios de Dépenses d’Investissement Public et Taux de croissance
Période
1990-1999
REGIONS
2000-2009
Investissement
Public
(% du PIB)
Croissance
Economique
(en %)
Investissement
Public
(% du PIB)
Croissance
Economique
(en %)
7,2
3,0
6,8
2,6
Bénin
Burkina Faso
Côte d’Ivoire
Guinée-Bissau
Mali
Niger
Sénégal
Togo
6,0
9,6
4,1
20,2
13,7
5,0
10,9
3,5
4,5
5,1
2,6
2,0
3,6
1,9
2,7
2,6
6,9
11,5
2,8
8,9
9,6
8,0
12,2
2,6
4,3
5,0
0,5
1,5
5,4
3,8
4,0
2,0
Afrique Australe
7,4
3,3
6,1
1,6
Afrique Centrale
6,8
0,0
5,9
5,1
Afrique de l’Est
5,5
3,1
6,6
6,1
Afrique du Nord
7,1
3,3
7,2
4,6
Afrique de l’Ouest
9,2
3,2
7,4
5,7
Afrique
7,2
2,9
6,9
4,5
UEMOA
Notes : Les chiffres reportés au tableau I.I sont des moyennes pondérées, calculées sur les périodes indiquées.
Les pays regroupés dans la rubrique « Afrique de l’Ouest » sont les pays de l’Afrique de l’Ouest (y compris la
Mauritanie) hors UEMOA. L’échantillon global comprend 46 pays africains.
Sur la période 1990-1999, les résultats enregistrés par l’Afrique de l’Est confirment que
l’investissement public est un facteur déterminant de la productivité des dépenses publiques.
En effet, cette zone a consacré un ratio de dépenses d’investissement public plus faible pour
l’un des taux de croissance les plus élevés. L’exemple de l’Afrique du Nord est également à
souligner, du fait que ses dépenses ont été inférieures à la moyenne africaine, pour le taux de
8
croissance le plus élevé. En outre, le cas des autres pays de l’Afrique de l’Ouest mérite une
attention particulière car il est bien probable que la productivité élevée de leurs dépenses
publiques (énoncée dans la sous-section précédente) s’explique par des taux d’investissement
public conséquents (9,2% du PIB). Quant aux pays de l’Afrique Centrale, l’investissement
public semble improductif en raison de l’instabilité politique ayant marquée cette période.
S’agissant des pays de l’UEMOA, il apparaît que l’expérience du Burkina Faso est similaire,
voire plus intéressante que celle des autres pays de l’Afrique de l’Ouest (hors-UEMOA). En
effet, avec un taux d’investissement public élevé (9,6%), l’économie burkinabé a crû à un
rythme de 5,1%, soit le taux de croissance le plus élevé de la période. Le cas du Bénin se
rapproche de ceux de l’Afrique de l’Est et du Nord, avec une croissance relativement
importante pour des dépenses d’investissement maîtrisées. Dans le même temps, certaines
économies se sont illustrées par des taux de croissance qui, a priori, n’ont pas traduit le niveau
élevé de leurs investissements publics. C’est le cas de la Guinée-Bissau et, dans une moindre
Taux de Croissance Moyen
mesure, du Sénégal.
Graphique I.3 : Ratios des Dépenses d'investissement Public au PIB et Taux de
Croissance (2000-2009)
0,12
y=0,7226x + 2,1837
0,10
0,08
y = 0,2912x + 0,0219
MLI
0,06
BEN
0,04
TOG
NGR
UEMOA
0,02
BFA
SEN
GBU
CIV
0,00
0,00
-0,02
0,02
0,04
0,06
0,08
0,10
0,12
0,14
0,16
Ratio Moyen des Dépenses d'Investissement au PIB
-0,04
-0,06
-0,08
Sur la période 2000-2009, des régions comme l’Afrique de l’Est et du Nord ont enregistré un
rythme plus soutenu de l’activité économique en augmentant leurs niveaux d’investissement
public. Pour les pays de l’Afrique Centrale, le retour de la stabilité pourrait justifier le regain
de productivité de l’investissement public. Au sein de l’UEMOA, le Bénin et le Burkina Faso
se sont illustrés par un effort accru en matière d’investissement public, tout en maintenant un
rythme de leur croissance économique satisfaisant. L’exemple du Mali est édifiant. En effet,
les investissements publics semblent avoir été assainis pour donner plus de productivité, à en
9
juger par le taux de croissance le plus élevé de l’espace UEMOA, au cours de cette période.
Le Sénégal et le Niger ont, quant à eux, observé des taux de croissance plus élevés
augmentant leurs investissements publics. Cependant, ces résultats se sont révélés en deçà des
taux record de la Zone. La Côte d’Ivoire et le Togo se caractérisent par les taux
d’investissement et les taux de croissance les plus faibles de la Zone.
Une analyse comparée des graphiques I.1 et I.2 montre, de façon très nette, que les dépenses
d’investissement public sont plus porteuses de croissance que les dépenses de consommation
publiques. Pour rappel, la pente relative aux dépenses totales (graphique I.1) est presque nulle,
tandis que celle des dépenses d’investissement est de 0,29. Autrement dit, une augmentation
de 1 point de pourcentage des dépenses d’investissement se traduirait par une hausse de 0,29
point de croissance. Or, la même augmentation sur les dépenses totales n’affecterait pas la
croissance, ce qui implique que les dépenses de consommation publiques sont responsables de
la faible productivité des dépenses totales.
En dehors de la Côte d’Ivoire et de la Guinée-Bissau, les pays de l’UEMOA sont bien
représentés sur la droite de régression liant l’investissement public et la croissance en Afrique
(droite en trait plein). Cependant, cette qualité de représentation ne témoigne pas
nécessairement d’une productivité suffisante des dépenses d’investissement public. En effet, il
existe dans l’échantillon des pays qui ont réalisé des taux de croissance largement plus élevés
à taux d’investissement similaires ou inférieurs. Ces pays sont généralement représentés audessus de cette droite de régression5. Pour ce dernier groupe, une seconde droite de régression
(tracée en pointillés) a été représentée, montrant une pente largement plus élevée (0,72) que
celle pour tous les pays africains (0,29).
Par rapport à cette dernière pente de 0,72, il apparaît clairement que la productivité des
investissements publics réalisés dans l’UEMOA reste insuffisante. Considérant cette dernière
pente, il est possible de constater qu’il existe pour tous les pays de l’UEMOA un manque à
gagner en termes de points de croissance de long terme, compte tenu de leurs ratios
d’investissement public.
Ainsi, après avoir constaté l’existence d’un déficit de productivité des dépenses publiques
dans l’espace UEMOA, il paraît important de tirer les enseignements d’une telle situation,
afin de pouvoir suggérer les mesures de correction appropriées. Cela appelle une réflexion
autour des principaux facteurs de la productivité (ou de l’improductivité) des dépenses
publiques.
Parmi ces pays, on retrouve notamment l’Ethiopie, le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda, l’Ile Maurice,
l’Egypte, le Maroc et le Soudan.
5
10
II.3.
Analyse des Facteurs Explicatifs Potentiels de la Productivité des
Dépenses Publiques.
La gouvernance politique, économique et administrative ainsi que le capital humain jouent,
sans aucun doute, un rôle de premier plan dans la productivité et l’efficacité des dépenses
publiques. En effet, l’exécution appropriée de la politique de dépenses publiques requiert la
réunion d’un certain nombre de conditions préalables, ayant trait notamment à l’existence
d’un environnement politique stable, de ressources humaines efficaces capables d’assurer une
définition précise et transparente des priorités nationales. Ainsi, un certain nombre
d’indicateurs, couvrant la période 2000-2009, ont été sélectionnés dans le cadre de ce travail
pour rendre compte de la qualité de l’action publique au sein de l’UEMOA.
II.3.1. La Gouvernance Politique et administrative
La stabilité politique est une condition indispensable au développement économique, en
général, et à l’efficacité de la politique budgétaire en particulier. De ce point de vue, les pays
de l’UEMOA semblent avoir mieux réussi à préserver la stabilité politique par rapport à la
moyenne africaine. Au sein de cette zone, le Bénin, le Mali et le Burkina affichent
respectivement les situations politiques les plus enviables. Cela confirme les observations
précédemment faites sur la meilleure productivité des dépenses publiques dans ces pays.
La qualité de l’action gouvernementale en matière budgétaire est ici appréhendée par les
indicateurs « efficacité du gouvernement », « qualité de l’administration publique », « qualité
de la politique budgétaire ». De ce point de vue, les statistiques présentées au tableau I.3
révèlent, de manière générale, la persistance de pesanteurs pénalisant la politique budgétaire
dans l’UEMOA, en comparaison avec les autres régions d’Afrique. En particulier, les autres
pays de l’Afrique de l’Ouest et ceux de l’Afrique de l’Est apparaissent comme disposant des
meilleures performances en matière de gestion des affaires budgétaires. Cela corrobore les
résultats observés dans ces mêmes régions en termes de productivité des dépenses publiques.
Parmi les pays de l’UEMOA, les meilleures pratiques sont observées au Burkina-Faso, au
Sénégal, au Mali et au Bénin.
S’agissant du respect et de la transparence des procédures budgétaires, les deux dernières
colonnes du tableau I.3 indiquent qu’au cours de la période 2000-2009 les pays de l’Afrique
de l’Est et ceux de l’Afrique de l’Ouest (hors UEMOA) se sont montrés plus orthodoxes en
matière de transparence et de lutte contre la corruption. L’UEMOA a, quant à elle, affiché une
position relativement proche de la moyenne des pays africains. Dans la zone, le Bénin, le
Burkina Faso et le Mali se sont distingués au vu de ces indicateurs.
11
Tableau I.3 : Indicateurs de Stabilité et Gouvernance Politiques
Stabilité
Politique
Efficacité du
Gouvernement
Qualité de
l’Administration
Publique
Qualité de la
Politique
Budgétaire
Respect des
Procédures
Budgétaires et
Financières
Transparence et
Contrôle de la
Corruption
UEMOA
-0,4
-0,8
2,8
3,3
3,0
2,6
Bénin
Burkina Faso
Côte d’Ivoire
Guinée-Bissau
Mali
Niger
Sénégal
Togo
0,5
0,0
-1,9
-0,5
0,1
-0,5
-0,2
-0,5
-0,4
-0,7
-1,2
-1,2
-0,7
-0,8
-0,2
-1,4
3,0
3,5
2,0
2,5
3,0
3,0
3,5
2,0
3,9
4,5
2,3
2,5
4,0
3,4
3,9
2,5
3,6
4,1
2,3
2,5
3,6
3,5
3,3
2,1
3,5
3,2
2,2
2,5
3,5
2,9
3,0
2,0
Afrique Australe
0,0
-0,3
2,8
2,8
2,7
2,8
Afrique Centrale
-1,0
-1,1
2,7
3,2
2,8
2,5
Afrique de l’Est
-1,1
-0,7
3,0
3,9
3,5
2,8
Afrique du Nord
-0,9
-0,4
-
-
-
-
Afrique de l’Ouest
-0,5
-0,6
3,2
3,6
3,2
3,0
Afrique
-0,6
-0,7
2,9
3,4
3,0
2,7
REGIONS
Notes : Les chiffres reportés au tableau I.I sont des moyennes pondérées, calculées sur les périodes indiquées. Les pays regroupés dans la rubrique « Afrique de l’Ouest »
sont les pays de l’Afrique de l’Ouest (y compris la Mauritanie) hors UEMOA. L’échantillon global comprend 46 pays africains.
Signification des Indicateurs : La « Stabilité Politique » mesure la perception d’une éventuelle déstabilisation ou destitution du Gouvernement par des moyens
anticonstitutionnels ou violents. Un pays est d’autant plus stable que le score est élevé. L’« Efficacité du Gouvernement » mesure la qualité de la formulation et de la mise
en œuvre des politiques publiques, le degré d’indépendance de l’administration et la crédibilité du Gouvernement vis-à-vis du respect de ses engagements. La «Qualité de
l’Administration » décrit la qualité de l’organisation des ressources humaines dans l’Administration. La « Qualité de la Politique Budgétaire » évalue la soutenabilité à
court et moyen termes de la politique budgétaire (en rapport avec les politiques monétaire et de change) ainsi que son impact sur la croissance. Le « Respect des
Procédures Budgétaires et Financières » renvoie à la sincérité du budget en rapport avec les politiques prioritaires. Il permet également d’apprécier la qualité du contrôle
budgétaire. L’indicateur « Transparence et Contrôle de la Corruption » renseigne sur le degré de reddition de compte des autorités budgétaires devant les populations et es
pouvoirs législatifs et judiciaires. Il évalue donc l’accès du public à l’information sur la gestion des finances publiques.
Source: WDI, Calcul des Auteurs
12
II.3.2. La Qualité de la Gouvernance Macroéconomique
L’indicateur de « stabilité macroéconomique » est une mesure synthétique du degré
d’équilibre du cadre macroéconomique qui repose sur des variables telles que l’inflation, les
déficits intérieur et extérieur, la soutenabilité de la dette, les fluctuations du taux d’intérêt, etc.
Cet indicateur reporté dans la première colonne du tableau I.4 montre que l’environnement
économique dans l’espace UEMOA demeure relativement stable, par rapport aux autres
régions du continent. Cela peut s’expliquer par les atouts liés à la politique d’intégration
régionale et à la stabilité du taux de change.
Tableau I.4 : Indicateurs de Stabilité et de Performance Macroéconomiques
Stabilité
Macroéconomique
Gestion
Macroéconomique
Environnement
des Affaires
Infrastructures
4,4
3,7
3,8
2,7
Bénin
Burkina Faso
Côte d’Ivoire
Guinée-Bissau
Mali
Niger
Sénégal
Togo
4,5
4,0
4,5
4,2
4,5
-
4,4
4,5
2,9
2,2
4,5
3,9
4,2
2,7
3,8
3,8
3,7
3,7
4,2
-
2,5
2,4
3,3
2,5
2,9
-
Afrique Australe
4,1
3,2
4,0
3,2
Afrique Centrale
4,2
3,5
3,5
2,2
Afrique de l’Est
3,8
4,0
3,7
2,5
Afrique du Nord
4,8
-
4,1
3,7
Afrique de l’Ouest
4,0
3,7
3,9
2,7
Afrique
4,2
3,6
3,8
2,8
REGIONS
UEMOA
Notes : Les chiffres reportés au tableau I.I sont des moyennes pondérées, calculées sur les périodes indiquées. Les
pays regroupés dans la rubrique « Afrique de l’Ouest » sont les pays de l’Afrique de l’Ouest (y compris la
Mauritanie) hors UEMOA. L’échantillon global comprend 46 pays africains.
Signification des Indicateurs : La « Stabilité Macroéconomique » est dérivée des indicateurs que sont le déficit
budgétaire, l’inflation, le déficit extérieur, les variations du taux d’intérêt, la dette publique, le taux d’épargne et la
notation du crédit. La « Gestion Macroéconomique » renvoie aux politiques monétaire et de change, ainsi qu’à la
maîtrise des cycles économiques. L’ « Environnement des Affaires » synthétise un ensemble d’indicateurs relatifs à
l’efficacité du marché des biens et services (Goods Market Efficiency). L’indicateur « Infrastructures » mesure la
qualité des infrastructures publiques.
Source: WDI, Calcul des Auteurs
13
D’ailleurs, l’indicateur de la « gestion macroéconomique » qui rend compte, à la fois, de
l’efficacité des politiques monétaire et de change ainsi que de la maîtrise des cycles
économiques, corrobore les résultats relatifs à la stabilité dans la zone UEMOA. A ce niveau,
les pays de l’UEMOA semblent se situer au-dessus de la moyenne africaine, même si les pays
de l’Afrique de l’Est font mieux. Parmi les pays de l’Union, le Burkina Faso, le Mali et le
Bénin apparaissent, encore une fois, comme les pays les mieux notés.
La productivité des dépenses publiques peut également se mesurer à l’aune de la capacité
d’un pays à éliminer les distorsions sur les marchés, à favoriser une concurrence saine et
loyale et à créer des infrastructures structurantes à même de renforcer la fluidité des
transactions économiques et commerciales. De ce point de vue, les indicateurs
« environnement des affaires » et « infrastructures » relevés dans le tableau I.5 montrent que
les résultats des pays de l’UEMOA ne sont pas si différents de ceux de l’ensemble des pays
africains. Néanmoins, les pays de l’Afrique du Nord ont pris de l’avance par rapport aux
autres contrées du continent.
II.3.3.
Synthèse
L’approche benchmarking menée dans le cadre des faits stylisés a montré des disparités
relativement importantes entre les régions du continent africain. Les résultats affichés par
l’UEMOA apparaissent mitigés, au regard des performances enregistrées par les pays
l’Afrique de l’Est et ceux de l’Afrique de l’Ouest (hors UEMOA) et du Nord. A l’intérieur de
l’UEMOA, des disparités ont également constatées. En effet, les dépenses publiques dans des
pays tels que le Burkina Faso, le Bénin et le Mali se sont révélées plus productives ; ces pays
ont même parfois enregistré de meilleurs résultats que les autres régions du continent.
Les timides performances observées dans l’UEMOA ont ensuite poussé à la réflexion autour
des principaux facteurs de la productivité des dépenses publiques. En substance, les résultats
ont montré que, du point de vue de la stabilité politique et économique ainsi que de la qualité
de la gestion macroéconomique, l’Union affiche une relative bonne santé. En revanche, les
principales difficultés seraient liées à la qualité de l’administration, à la définition des
politiques budgétaires et aux carences notées dans le respect et la transparence des procédures
budgétaires. En définitive, l’amélioration de la productivité des dépenses publiques dans
l’espace UEMOA invite à un regain d’efforts en matière de gouvernance budgétaire. Par
ailleurs, comme cela a été montré précédemment, les dépenses de consommation publique ne
seraient porteuses de croissance économique. Dès lors, une politique budgétaire efficace
14
devrait s’orienter vers l’élimination des lignes de dépenses de consommation improductives,
au profit d’une augmentation des investissements publics les plus productifs.
Toutefois, ces premières conclusions issues des faits stylisés restent à confirmer à travers une
approche empirique. L’objectif d’une telle analyse est, à l’aide d’un modèle de croissance
dûment spécifié, d’approfondir la recherche sur l’impact réel de la politique budgétaire sur
l’activité, de procéder à des comparaisons de performances selon les pays et les régions et,
enfin, de pouvoir donner une appréciation sur le degré de productivité des dépenses publiques
dans la zone UEMOA. La méthodologie adoptée repose sur un modèle de croissance
économique, intégrant les variables budgétaires et estimé selon une approche non
paramétrique bayésienne.
III. Revue de Littérature
La littérature sur la productivité des dépenses publiques, en particulier, dans ses rapports avec
la croissance économique est abondante. Les premiers travaux accordant un rôle important
aux dépenses publiques dans l’activité économique sont inspirés de l’approche keynésienne
qui suggère qu’à travers leurs mécanismes contra-cycliques, les dépenses publiques peuvent
promouvoir la croissance économique.
Dans un autre registre, la théorie néoclassique soutient que la politique budgétaire n’affecte
pas l’activité économique à long terme. Ce courant de pensée est en droite ligne avec les
modèles des cycles d’affaires (Real Business Cycles) qui postulent que l’économie est
toujours en situation d’équilibre global, pour conclure à l’inutilité de la politique budgétaire
dans la perspective de stabilisation des fluctuations conjoncturelles. Les modèles pionniers du
courant de la théorie des cycles réels sont ceux de Kydland et Prescott (1982) et Long et
Plosser (1983). Cooley (1995) et Prescott (1998) proposent une revue de littérature plus
détaillée.
Dans le prolongement de la vision néoclassique, une nouvelle théorie a émergé, soutenant
l’idée que les dépenses publiques ont un effet négatif sur la croissance. En effet, cette théorie
repose sur l’idée que le coût associé aux dépenses publiques est supérieur aux bénéfices
qu’elles procurent. Selon Ertz (2001), Les arguments empiriques se fondent essentiellement
sur l’expérience des pays de l’Europe du Nord qui, dans les années 80, ont réussi à relancer
l’activité économique en contractant leurs dépenses publiques, de manière forte, rapide et
durable (Llau, 1999 ; Giudice et al., 2003 ; Creel, 2005).
Dans le sillage des modèles néoclassiques, Arrow et Kurtz (1970) ont développé un modèle
où le consommateur tire son utilité aussi bien de sa consommation que du capital public,
15
tandis que la fonction de production intègre le stock de capital public. Ils ont ainsi conclu que
les dépenses publiques n’affectent que la dynamique transitionnelle du taux de croissance,
mais l’état stationnaire reste inchangé.
Contrairement aux conclusions d’Arrow et Kurz, l’émergence des modèles de croissance
endogène a permis d’établir un lien positif entre les dépenses publiques et la croissance à long
terme. C’est le cas du modèle de Barro (1990). Les travaux rattachés à la théorie de la
croissance endogène ont mis en exergue la différence qui existe entre les dépenses
productives et les dépenses improductives, dans leur relation avec la croissance
(Landau,1983 ; Aschauer, 1989). De manière générale, ces travaux concluent que le PIB est
négativement affecté par les dépenses de consommation. Par contre, selon Aschauer et Barro
les dépenses d’investissement sont positivement corrélées à la croissance.
Les arguments en faveur de la plus grande productivité des dépenses d’investissement public
tiennent au fait que de nombreuses études ont établi que les dépenses destinées à
l’amélioration des infrastructures éducatives et sanitaires, des réseaux de communication
(routes, chemins de fer, ports, aéroports, télécommunications etc.) génèrent des externalités
positives sur les rendements des investissements du secteur privé et donc, sur la croissance et
le développement (Blejer et Khan, 1984 ; Tanzi et Zee, 1997).
Pourtant, abordant la question de la productivité des dépenses publiques dans les pays en
développement, Devarajan, Swaroop et Zhou (1996) sont arrivés à des résultats quelque peu
surprenants qui suggèrent que les dépenses d’investissement public, censées être les plus
productives, ont un impact nul, voire négatif, sur la croissance. De plus, les dépenses
courantes ont un impact positif sur la croissance. Ces auteurs expliquent que, soit leur modèle
est mal spécifié, soit les données sont imprécises ou les dépenses d’investissement n’ont pas
réussi à améliorer la productivité du capital physique et humain dans le secteur privé. De
manière générale, leurs résultats montrent que les dépenses publiques ne sont pas productives
dans les pays en développement.
Cependant, l’article de Devarajan et al. aboutit à des conclusions différentes de celles de
Gupta et al. (2005) qui, sur la base d’un échantillon de 39 pays en développement, dont 5
pays de l’UEMOA6, établissent que toute hausse des dépenses consacrées aux traitements et
salaires dans le secteur public est improductive, tandis que les dépenses consacrées aux autres
biens et équipements relèvent notablement la croissance. Par ailleurs, les auteurs montrent que
l’ajustement budgétaire est nécessaire pour impulser la croissance économique. Dès lors, ils
6
Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger et Sénégal.
16
recommandent la restructuration des finances publiques, consistant à réduire les dépenses
improductives au profit des dépenses productives, tout en maîtrisant les déficits publics.
Concernant les pays africains, certains auteurs tels que Ojo et Oshikoya (1995) ont montré
que les dépenses publiques ont une incidence négative sur la croissance du PIB par tête. Par
ailleurs, Gupta et al. (1997), analysant l’efficacité des dépenses d’éducation et de santé, sur la
période 1984-1995, ont montré que ces dernières étaient moins productives en Afrique qu’en
Asie et dans l’Hémisphère Occidental. Cependant, ils ont établi que les dépenses devenaient
de plus en plus efficaces.
Il existe peu d’études portant exclusivement sur l’efficacité des dépenses publiques dans la
zone UEMOA. Nubukpo (2003) a utilisé un modèle à correction d’erreur pour arriver aux
résultats selon lesquels, d’une part, les effets des dépenses publiques sur la croissance ne sont
significatifs qu’à long terme ; et d’autre part, que seules les dépenses d’investissement sont
productives, mais avec un impact différencié selon les pays de la zone. Dans la même veine,
Ouattara (2008) a montré que les dépenses en capital public agissaient positivement sur la
productivité relative des facteurs, tandis que les dépenses publiques de consommation
n’avaient aucun effet sur la croissance. Ses résultats suggèrent également que les
infrastructures publiques sont porteuses de croissance dans l’espace UEMOA.
17
IV.
Méthodologie
En dépit des avancées notoires dans la théorie de la croissance économique, les recherches
empiriques n’ont pas encore permis de trancher le débat sur les véritables déterminants de la
croissance. Les tentatives d’identification des variables explicatives de la croissance ont ainsi
conduit à la sélection de plus de 140 variables. Il va sans dire qu’une telle profusion de
variables suscite beaucoup d’interrogations quant à la véritable spécification du modèle de
croissance économique. Au-delà de cette incertitude, liée à la spécification du modèle, il en
existe une autre, relative aux paramètres à estimer. En effet, les techniques classiques de
régression conduisent à des estimations des paramètres qui sont fortement dépendantes de la
spécification retenue.
Dans ce contexte, plusieurs auteurs considèrent que l’emploi des techniques de combinaison
de modèles permet d’estimer des paramètres prenant en compte ces types d’incertitude. A cet
effet, s’inspirant des méthodes de Raftery (1995), Sala-i-Martin, Doppelhofer et Miller (SDM,
2004) ont utilisé l’approche de la combinaison bayésienne d’estimations classiques (BACE)7
pour identifier les régresseurs à inclure dans le modèle de croissance, sur la base des donnéespays en coupe instantanée. Pour le même objectif, Fernandez, Ley et Steel (FLS, 2001) ont
utilisé une approche purement bayésienne, donc une information a priori plus précise sur les
paramètres, à travers le recours à la méthode de la combinaison bayésienne de modèles
(BMA)8.
S’inspirant des travaux de ces derniers, de Koop (2003), ainsi que de Moral-Benito (2010),
cette étude fait appel aux méthodes de combinaison bayésienne appliquées aux données de
panel. Au-delà de la commodité du recours aux données de panel pour analyser la productivité
des dépenses publiques dans l’UEMOA, cette approche possède plusieurs avantages.
Premièrement, elle permet de disposer d’un plus grand nombre d’observations, contrairement
aux données en coupe instantanée. Ensuite, elle résout la question du biais résultant
habituellement de l’omission d’effets spécifiques non observables. Les estimations peuvent
aussi être biaisées lorsque l’on considère à tort des variables endogènes comme exogènes.
Pour résoudre simultanément les problèmes de variables omises et d’endogénéité, cette étude
propose une estimation par le maximum de vraisemblance intégrant les variations intra
(within) et inter-pays (between). Concrètement, la fonction de vraisemblance inclut non
seulement les effets individuels inobservés, mais prend également en compte la nature
7
8
Bayesian Averaging of Classical Estimates
Bayesian Model Averaging
18
endogène de la variable dépendante retardée dont l’appartenance au groupe des variables
explicatives découle de la théorie de la convergence économique.
L’originalité de l’approche par le maximum de vraisemblance retenue tient également à la
prise en compte simultanée de l’hétérogénéité observée (superficie, enclavement, taille de la
population, etc.) et de l’hétérogénéité inobservée (effets fixes individuels, corrélés avec les
régresseurs). Tandis que le premier type d’hétérogénéité est capté par la variabilité inter
(between), le second est mesuré grâce à la variabilité intra (within).
Afin d’allier cette estimation des données de panel par le maximum de vraisemblance à
l’approche bayésienne, la méthodologie mise en œuvre dans cette étude repose sur la méthode
de la Combinaison Bayésienne d’Estimations par le Maximum de Vraisemblance (BAMLE) 9,
proposée par Moral-Benito (2010), sur la base des travaux de Raftery (1995), Fernandez et al.
(2001) et Alvarez et Arellano (2003). Une des principales forces de cette méthode est qu’elle
ne requiert la définition que d’un seul hyper-paramètre a priori, à savoir l’espérance de la
taille du modèle,
. En tout état de cause, l’expérience a montré que les estimations
effectuées sur la base de cette approche était robustes au choix de différentes hypothèses a
priori. Enfin, cette méthodologie est similaire à l’approche BACE, dans le sens où elle suit
Raftery (1995), en ayant recours à l’approximation asymptotique de Schwartz de la
vraisemblance marginale.
Encadré : Apports de la méthode BAMLE vis-à-vis de la Régression Bayésienne Classique
(en Coupe Transversale)
Extension aux Données de Panel

Prise en compte de l’hétérogénéité inobservée (effets fixes individuels et temporels)

Introduction de la variable endogène retardée.
Choix de la Méthode du Maximum de Vraisemblance

Résolution des problèmes d’endogénéité

Prise en compte des effets fixes observés (superficie du pays, taille de la population, etc.)
Les régressions bayésiennes classiques sont utiles pour résoudre les questions liées à
l’incertitude sur la spécification et sur les paramètres des modèles. Comme le montre
l’encadré ci-dessus, l’approche BAMLE enrichit les méthodes de régression bayésienne
classiques, non seulement à travers l’utilisation des données de panel, mais encore, à travers le
choix de la méthode du maximum de vraisemblance.
9
Bayesian Averaging of Maximum Likelihood Estimates
19
IV.1. Les Principes de Base de la Combinaison Bayésienne de
Modèles
Selon la représentation du modèle de régression classique, le lien entre le taux de croissance
et ses variables explicatives peut s’exprimer de la manière suivante :
(1)
La philosophie qui sous-tend l’approche de la combinaison bayésienne de modèles est qu’il
existe une multitude de spécifications potentielles du modèle de croissance, chacune d’entre
elles étant définie par une combinaison donnée de variables explicatives, et associée à une
probabilité de correspondre au vrai modèle.
Cependant, il convient de noter que la théorie économique accorde une importance capitale à
la variable retardée du taux de croissance (PIB initial), qui permet de rendre compte du
phénomène de convergence entre économies. Dès lors, cette variable est exclue de la question
de l’incertitude et intervient dans le modèle avec une probabilité égale à l’unité.
Dans la théorie bayésienne, un modèle est défini par la conjonction d’une fonction de
vraisemblance et d’une densité a priori. D’un point de vue formel, en supposant que
l’ensemble des spécifications possibles du modèle conduit à la sélection de
explicatives, il existe alors
combinaisons possibles de régresseurs et donc, de
spécifications. Chaque modèle est ainsi désigné par
paramètres
paramètres
variables
. Ainsi, pour chacun des modèles
,
et dépend alors des
, la distribution a posteriori du vecteur des
est définie à travers la Règle de Bayes, comme suit :
(
(
)
) (
(
)
(2)
)
On peut également définir la probabilité a posteriori associée au modèle
de la manière
suivante :
(
Dans cette expression, (
)
(
) (
)
(3)
( )
) correspond à la probabilité a priori qui décrit la perception que
le modélisateur a du degré de fiabilité de la spécification
Quant à la fonction
(
),
elle désigne la vraisemblance marginale (ou intégrée) et est obtenue à partir de l’expression de
la distribution a posteriori des paramètres du modèle
. En effet, en procédant à
20
l’intégration des deux membres de l’équation (2) par rapport à
que ∫ (
)
et, en observant
, on obtient l’expression suivante de la vraisemblance intégrée.
(
)
∫ (
) (
( )
)
Une des propriétés importantes de la vraisemblance marginale est qu’elle permet de procéder
à la comparaison de deux modèles donnés, grâce au facteur de Bayes. Ce dernier est défini par
le ratio des vraisemblances marginales correspondant aux modèles considérés. Cependant, il
convient de noter que si le calcul du facteur de Bayes peut se révéler particulièrement difficile
(en raison des intégrales à calculer), une approximation par le ratio de vraisemblance en a été
fournie par Schwartz.
Par ailleurs, si l’on fait l’hypothèse que
est une fonction de
,
, on peut alors
obtenir la densité a posteriori des paramètres de l’ensemble des modèles possibles. Cette
densité globale est donnée par :
(
)
∑ (
| ) (
( )
)
Dès lors, l’espérance et la variance a posteriori pour le vecteur de paramètres
sont définies
de la manière suivante :
(
(
)
∑ (
)
∑ (
| ) (
)
| ) (
∑ (
( )
)
| )( (
)
(
))
( )
Autrement dit, la variance globale a posteriori tient compte, à la fois, des variances intraindividuelles, associées aux différents modèles
, et de la variance inter-modèles, ainsi la
variance des estimations du vecteur de paramètres
calculées sur l’ensemble des modèles
possibles.
Comme cela a été rappelé plus haut, selon la technique de la combinaison bayésienne de
modèles, le nombre de modèles à considérer croît d’une manière exponentielle (
fonction du nombre global de paramètres,
) , en
; ainsi, les calculs requis peuvent, très vite, se
révéler fastidieux. Afin de prendre en charge ce problème, plusieurs algorithmes de résolution
21
ont été suggérés dans la littérature, avec notamment pour objectif un gain en termes de
rapidité de calcul. Aussi, dans le cadre de cette étude, l’algorithme de la Comparaison de
Modèles à l’aide des Méthodes de Monte Carlo par Chaînes de Markov (
)10 sera mis en
œuvre. L’intérêt de cet algorithme est qu’il ne nécessite pas la prise en compte de chacun des
modèles possibles pour la combinaison bayésienne.
De manière générale, la méthode de la combinaison de modèles est destinée à assurer
l’obtention d’estimations robustes, et la validité des spécifications est appréciée à l’aune de
tests d’hypothèse sur les paramètres. Or, dans le cadre de l’approche retenue, la robustesse des
régresseurs est non seulement évaluée à l’aide des tests d’hypothèse classiques, mais
également selon leur probabilité respective a posteriori d’appartenir à la bonne spécification
du modèle. Ladite probabilité est appelée, probabilité d’inclusion a posteriori (pip) et, d’un
point de vue formel, elle est définie de la manière suivante:
(
)
∑ (
)
( )
IV.2. La Combinaison Bayésienne d’Estimateurs du Maximum de
Vraisemblance (BAMLE)
L’estimation des modèles de croissance sur données de panel pose généralement deux types
de problèmes. D’une part, elle ne rend compte que de la variabilité intra-groupe des données,
omettant ainsi l’information contenue dans les variables explicatives ne possédant pas de
dimension temporelle (e.g, la superficie, les aptitudes de la population d’un pays, etc.).
D’autre part, dans la mesure où l’hypothèse habituelle d’absence de corrélation, entre le terme
d’erreur et les effets individuels, devient caduque dans le cadre des panels dynamiques,
l’estimateur intra du paramètre de convergence est biaisé lorsque la dimension temporelle est
relativement faible.
Ainsi, l’estimation par le maximum de vraisemblance peut être combinée avec l’approche
BMA, (à travers l’utilisation de l’approximation BIC), pour obtenir l’approche BAMLE qui
permet de traiter simultanément ces deux questions.
Suivant Raftery (1995) et Moral-Benito (2010), l’approche BAMLE est fondée sur la
combinaison d’estimateurs du maximum de vraisemblance dans un esprit bayésien.
Concrètement, l’équation (6) peut être récrite :
10
Markov Chain Monte Carlo Model Comparison
22
(
Où ̂
)
∑ (
| )̂
( )
désigne l’estimateur du maximum de vraisemblance associé au modèle
Les
arguments qui sous-tendent l’équation (9) sont de deux ordres :
 en supposant que les informations a priori sur les paramètres sont diffuses (pas
précises), alors la valeur modale a posteriori de ces paramètres coïncident avec
l’estimation par le maximum de vraisemblance.
 quel que soit le niveau de précision des informations a priori, si l’échantillon est
grand, la valeur modale a posteriori des paramètres peut être approchée par
l’estimateur du maximum de vraisemblance. Dans ce cas, l’équation (9) tient lieu
d’approximation.
Ainsi, selon que l’on est dans le cas d’une absence d’information a priori, quelle que soit la
taille de l’échantillon, ou dans le cas d’une quelconque information a priori et d’un
échantillon de grande taille, les valeurs a posteriori des paramètres sont équivalentes aux
estimateurs par le maximum de vraisemblance. Il n’est donc nul besoin de spécifier les
distributions a priori.
IV.2.1.
La Dérivation de la Fonction de Vraisemblance
possibles peut s’écrire:
De manière générale, chacun des modèles
(
Où
(
) désigne la variable dépendante,
vecteur des variables explicatives,
) est le
est le vecteur des variables spécifiques observables.
L’hétérogénéité inobservée est représentée par
introduite à travers la variable
(
)
. Enfin,
, tandis que l’hétérogénéité temporelle11 est
désigne le terme d’erreur.
On fait ensuite les hypothèses suivantes :
(
(
̅
)
(
)
)
(
)
11
L’hétérogénéité temporelle est corrigée en considérant l’écart entre chaque variable et sa moyenne en coupe
transversale.
23
Où ̅ est la moyenne temporelle de la variable
( ⁄ )∑
pour l’individu ( ̅
).
On note que l’hypothèse (Hyp 1) permet de relâcher l’hypothèse de la stricte exogénéité de la
variable dépendante retardée, du fait qu’elle implique que les chocs courants peuvent affecter
les valeurs futures de la variable dépendante, ce qui répond au principe d’un modèle
dynamique. Il s’agit de l’hypothèse permettant d’obtenir une estimation convergente du
, lorsque le nombre d’individus (N) tend vers l’infini, pour (T) fixe.
paramètre autorégressif
Sous les hypothèses (Hyp 1) et (Hyp 2), le logarithme de la fonction de vraisemblance peut
s’écrire comme suit :
(
)
(
(
(̅
Où :
,
̅ et
Ainsi, étant donnés
( ⁄ )∑
̅ , et ̅
écarts orthogonaux de
(
̅
)
)
)
(
)
)
correspondent aux coefficients de projection linéaire de ̅ sur
et
, avec ̅
̅(
) (
)
,
(
, ̅ et
)
et
De plus,
,
(
)
et
désignent les
respectivement.
la fonction de vraisemblance peut être décomposée en une
composante intra-groupe et une composante inter-groupe. Selon Alvarez et Arellano (2003),
cette démarche permet d’obtenir une estimation robuste du paramètre autorégressif lorsque T
est fixe et N tend vers l’infini. De plus, la composante inter-groupe, conjuguée à l’hypothèse
d’indépendance entre
et
IV.2.2.
, permet de procéder à l’identification de
.
L’Approximation par le Critère d’Information
Bayésienne (BIC)
Une fois que la fonction de vraisemblance des données est spécifiée, il est alors possible de
mettre en œuvre la méthodologie BAMLE, l’objectif étant de déterminer pour chacun des
modèles
la probabilité intégrée
déterminer sa probabilité
(
a posteriori
), définie par l’équation (4), pour ensuite
(
), définie par l’équation (3).
Plusieurs
approximations numériques ont été proposées à cet effet, mais selon Raftery (1995) et Sala-iMartin et al.(2004), l’approximation BIC reste à la fois simple et largement répandu.
Habituellement, le facteur de Bayes entre deux modèles
(
)
(
)
et
est donné par le ratio
dont une approximation est donnée par le critère de Schwarz suivant :
24
(
S
̂
)
̂
(
(
)
)
Où ̂ est l’estimation par le maximum de vraisemblance sous
(
)
(
)
est la dimension de ̂
,
et NT, la taille de l’échantillon pour un panel cylindré. Lorsque NT tend vers l’infini, le critère
de Schwarz satisfait à la propriété suivante :
Dans ce cas, la statistique
(
)
est donnée par :
(
)
(
)
, alors l’équation (14) permet d’approximer
la valeur de BIC du modèle
comme suit:
Ainsi :
)
est le modèle de référence, c’est-à-dire sans variables explicatives, et
Si on considère que
que l’on note
(
.
(
)
(
)⁄ (
)
(
)
(
)⁄ (
)
) et l’on peut alors récrire l’équation ( ) comme suit :
(
(
)
(
∑
(
(
(
∑
) (
) (
)
(
)
(
)
(
(
)
(
(
(
) (
) (
)
)
)
)
) (
)
)
∑
, et donc :
(
)
) (
∑
On peut remarquer que
)
(
et
)
. On peut également noter que
(
). Dès lors, au lieu de calculer, par
25
intégration, la vraisemblance marginale, comme dans l’équation (4), on peut utiliser
l’expression :
(
)
(
)
(
) (
(
)
(
)
En conséquence,
(
)
∑
) (
(
)
)
Cette expression correspond à la probabilité du modèle à posteriori, déterminée à l’aide de
l’approximation de BIC.
Le choix de l’information a priori sur le degré de
fiabilité de la spécification Mj.
IV.2.3.
Après avoir traité le problème de l’information a priori sur les paramètres de chaque
modèle
, il reste à résoudre celui du degré de fiabilité du modèle, (
). Une façon simple
d’aborder cette question est de considérer que chacune des 2K spécifications possibles apparaît
avec la même probabilité, c’est-à-dire
(
)
. Mais, comme cela a été dit plus haut,
cette démarche requiert le traitement d’un nombre très élevé de modèles.
Pour pallier une telle difficulté, l’approche BACE met l’accent sur la spécification a priori de
la taille du modèle,
(le nombre de variables explicatives), tel que chaque variable est
indépendamment incluse dans le modèle selon le processus suivant :
(
)
( )
Où
désigne la loi binomiale. Dans cette expression, le paramètre
probabilité d’inclusion a priori de chacune des variables du modèle
(
(
)
(
)
) désigne la
. On note, par ailleurs,
qu’à travers cette structure a priori, le chercheur n’a besoin que de fixer l’espérance a priori de
la taille du modèle, ( )
, laquelle permettra de déterminer la probabilité d’inclusion a
priori, , grâce à la relation (
). D’autre part, le chercheur a la latitude de fixer la probabilité
a priori pour déterminer l’espérance de la taille a priori du modèle.
Cependant, le fait que la probabilité d’inclusion a priori doive être fixée dans les approches cidessus rend les résultats très sensibles à ce choix. C’est ainsi que Ley et Steel (2009) ont
26
proposé de rendre aléatoire le paramètre . Cela permet d’introduire un degré d’incertitude
raisonnable dans le choix de ce paramètre. Cette approche est retenue dans le cadre de cette
étude. D’un point de vue formel, Ley et Steel ont suggéré le processus suivant :
(
(
Où
et
)
)
sont des hyper-paramètres strictement positifs devant être fixés par le chercheur.
Dès lors, la taille du modèle satisfait la condition suivante :
( )
Le processus de génération de la taille du modèle suit une distribution Binomiale-Bêta. Ley et
Steel (2009) proposent de fixer les valeurs suivantes pour les hyper-paramètres :
(
)
, si bien que, comme dans le cas précédent, la détermination de
et
suffit à
l’inférence.
27
V.
Résultats
L’estimation par l’approche bayésienne du modèle de croissance permet d’avoir une meilleure
interprétation de l’incidence de la politique budgétaire sur l’activité économique. Cette
démarche vient appuyer les observations relatives aux faits stylisés en s’appuyant sur une
analyse plus rigoureuse. En effet, la prise en compte d’un ensemble de variables de contrôle
jugées importantes pour la croissance économique permet d’isoler l’effet réel des dépenses
publiques. Par ailleurs, l’impact des variables budgétaires a été différencié selon les régions
du continent afin de pouvoir apprécier l’efficacité relative des politiques budgétaires menées
au sein de l’UEMOA. D’un point de vue formel, si le modèle de croissance s’écrit comme
suit :
(
Où
désigne la variable budgétaire considérée, tandis que la matrice
)
regroupe les
autres variables de contrôle. La différenciation de l’impact de la politique budgétaire selon
les 6 régions de l’Afrique retenues implique l’extension du modèle (22), de la manière
suivante :
(
∑
Avec :
Où
∑
désigne la variable muette associée à la région
pour la région
et la valeur
)
(
) qui prend la valeur 1
pour toute autre région. Pour éviter le biais de colinéarité, il
convient de respécifier le modèle (23), en éliminant une région qui servira de référence. Ainsi,
en excluant la région 1, on obtient la spécification suivante :
(
)
∑(
)
Dès lors, l’estimation du coefficient estimé à chaque région
(
(
)
) s’interprète comme
l’impact des dépenses publiques de ladite région, relativement à la région de référence (région
1). Ainsi, lorsque (
la région
) est négatif, l’impact sur la croissance des dépenses publiques de
est moins important que celui de la région de référence. S’il est positif, les
dépenses publiques de la région
sont plus productives que celles de la région de référence.
28
Par ailleurs, l’impact total des dépenses de la région , donné par (
somme des coefficients estimés de
et de
, c’est-à-dire (
l’impact des dépenses publiques de a région de référence (
au coefficient de
) est obtenue par la
)+(
) Quant à
), il correspond simplement
.
Dans le cadre de cette analyse, l’Afrique l’Est est choisie comme région de référence, du fait
qu’à l’issue des faits stylisés, cette région est apparue comme réalisant de bonnes
performances en matière de productivité. En outre, l’impact de la politique de dépenses
publiques est apprécié à travers les dépenses de consommation et d’investissement. Ces
remarques étant faites les résultats de l’estimation du modèle de croissance peuvent être
interprétés à l’aide des tableaux V.1 et V.2 ci-dessous.
Les données économiques et sociales utilisées sont tirées de la base de données « African
Development Indicators » de la Banque Mondiale et couvrent la période 1990-2009, tandis
que celles relatives aux « libertés civiles » et aux « droits politiques » proviennent de la base
de données de « Freedom House »12. Deux types d’estimation sont proposés selon l’horizon
temporel considéré. La première estimation constitue une analyse à court terme qui repose sur
des données annuelles, tandis que la seconde est réalisée sur la base de moyennes
quinquennales des données afin de capter les effets de moyen terme. Malheureusement, la
période d’échantillonnage ne permet pas de réaliser des estimations à long terme sur données
de panel. La définition des variables est présentée en annexe.
Le premier tableau présente les résultats du modèle de court-terme. L’estimation bayésienne a
déterminé une taille du modèle a posteriori de 8 variables, autres que celle du PIB initial dont
la probabilité d’inclusion est arbitrairement fixée à 1(voir méthodologie). Autrement dit,
parmi toutes les combinaisons possibles de variables, il en existe une seule, composée de 8
variables (en plus du PIB initial) dont les probabilités d’inclusion a posteriori sont les plus
élevées, qui correspond au vrai modèle.
Une première remarque est qu’il n’existe pas de dynamique de convergence de court terme
parmi les pays africains dans la mesure où le coefficient associé au PIB initial se révèle non
significatif, même si sa probabilité d’inclusion a été fixée à 1.
12
« Freedom House » est une Organisation Non Gouve=$rnementale basée à Washington qui étudie l’étendue de
la démocratie.
29
Tableau V.1 : Estimation Bayésienne du Modèle de Court-Terme (N=46,T=20)
Variables
Probabilité
d’Inclusion
a Posteriori
Moyenne a
Posteriori
Ecart-Type a
Posteriori
Statistique
de Student
Variables de Contrôle
PIB Initial
1.000
-0.006
0.011
-0.541
Croissance Démographique
0.970
0.721
0.091
7.890
Taux d’Investissement
0.925
0.053
0.011
4.897
Superficie
0.897
-0.065
0.017
-3.751
Degré d’Ouverture
0.851
0.011
0.006
1.965
Stabilité Politique
0.376
0.020
0.039
0.525
Distance
0.366
0.068
0.026
2.642
Espérance de Vie
0.160
0.039
0.036
1.078
Pétrole
0.055
-0.047
0.030
-1.581
Droits Politiques
0.051
0.040
0.076
0.523
Libertés Civiles
0.049
0.021
0.138
0.154
Enclavement
0.040
0.061
0.147
0.416
Taux d’Alphabétisation
0.034
0.003
0.015
0.202
Taux de Consommation
0.021
-0.008
0.010
-0.774
Indépendance
0.016
0.031
0.063
0.500
Prix de l’Investissement
0.014
-0.009
0.020
-0.444
Force de travail
0.000
0.000
0.000
0.000
Variables Budgétaires
Consommation Publique
0.032
-0.005
0.310
-0.015
Afrique Nord
0.083
-0.084
0.083
-1.018
UEMOA
0.000
0.000
0.000
0.000
Afrique Centrale
0.003
0.001
0.085
0.012
Afrique Australe
0.005
-0.262
0.237
-1.109
Afrique de l’Ouest
0.024
-0.022
0.118
-0.188
0.206
0.129
0.060
2.153
Afrique Nord
0.030
-0.012
0.030
-0.387
UEMOA
0.022
-0.447
3.562
-0.126
Afrique Centrale
0.000
0.000
0.000
0.000
Afrique Australe
0.250
0.091
0.034
2.667
Afrique de l’Ouest
0.021
0.033
0.049
0.676
Investissement Public
Note : Le modèle est estimé par l’approche BAMLE (Bayesian Averaging of Maximum Likelihood Estimates). La taille
du modèle est a posteriori est égale à 8 ; c’est-à-dire en dehors de la variable représentative du PIB initiale, le vrai modèle
est composé de 8 variables. L’échantillon comprend 46 pays africains dont les pays de l’UEMOA. L’estimation est
réalisée sur la période 1990-2009. Les données sont annuelles.
30
Concernant l’impact de court terme des variables budgétaires, les résultats montrent qu’il est
généralement faible. Comme on pouvait s’y attendre, les variables de la consommation
publique n’affectent pas la croissance économique de manière significative. D’ailleurs, leurs
probabilités d’inclusion sont très faibles. En revanche, seules les dépenses d’investissement de
l’Afrique Australe et les dépenses d’investissement public globales (donc, celles de l’Afrique
de l’Est) peuvent être incluses dans le modèle dont la taille a posteriori est de 8 variables. Les
dépenses de ces deux régions occupent respectivement la septième et la huitième place. Ainsi,
une hausse d’un point du taux d’investissement public entrainerait, à court terme, une
augmentation de 0,129 point de croissance dans les pays de l’Afrique de l’Est, tandis que la
croissance en Afrique Australe augmenterait de 0,22 point (0,129+0,091). Pour la Zone
UEMOA, aucun effet significatif de l’investissement public sur la croissance n’est observé à
court terme.
De manière générale, le modèle de croissance à court terme peine à rendre compte de la
dynamique de convergence, laquelle pourrait s’observer sur un délai plus long qu’un horizon
annuel. Qui plus est, les enjeux économiques de la politique de dépenses publiques
s’inscrivent plutôt sur le moyen et long terme. En conséquence, il serait indiqué de recourir à
une estimation permettant de capter les effets à long terme.
Le tableau V.2 présente les résultats d’estimation du modèle de croissance à moyen terme,
incluant les variables budgétaires, avec un horizon temporel de 5 ans. La taille du modèle a
posteriori est encore une fois de 8 variables, correspondant aux probabilités d’inclusion les
plus élevées. Le modèle à moyen terme paraît donner des résultats plus intéressants, avec
une dynamique de convergence bien perceptible, compte tenu du signe négatif et de la
significativité du coefficient associé au PIB initial.
Concernant les variables budgétaires, leurs effets sur la croissance deviennent plus
perceptibles. Mais, en réalité, cet effet plus marqué n’est observé que pour les variables
représentatives de l’investissement public. La variable agrégée de l’investissement public
(donc, de l’Afrique de l’Est) et celle représentative de l’Afrique du Nord font partie des
variables retenues dans le vrai modèle, du fait que leurs probabilités d’inclusion apparaissent
respectivement aux 5ème et 6ème rangs des probabilités les plus élevées. De plus, les taux
d’investissement public en Afrique de l’Ouest et dans l’UEMOA affichent des probabilités
d’inclusion relativement acceptables, même si cela ne les autorise pas à figurer dans le lot des
variables composant le modèle a posteriori.
31
Tableau V.2 : Estimation Bayésienne du Modèle de Moyen-Terme (N=46,T=4)
Variables
Probabilité
d’Inclusion
a Posteriori
Moyenne a
Posteriori
Ecart-Type a
Posteriori
Statistique
de Student
Variables de Contrôle
PIB Initial
1,000
-0,050
0,021
-2,419
Croissance Démographique
1,000
0,724
0,092
7,872
Taux d’Investissement
1,000
0,530
0,106
4,996
Superficie
0,987
-0,062
0,019
-3,288
Degré d’Ouverture
0,798
0,011
0,006
1,865
Stabilité Politique
0,597
0,190
0,098
1,939
Distance
0,407
0,077
0,027
2,885
Espérance de Vie
0,115
0,350
0,187
1,867
Enclavement
0,109
-0,055
0,030
-1,844
Pétrole
0,059
0,587
0,338
1,738
Prix de l’Investissement
0,042
-0,008
0,020
-0,409
Taux d’Alphabétisation
0,035
0,035
0,027
1,318
Indépendance
0,026
0,030
0,067
0,452
Libertés Civiles
0,022
0,002
0,215
0,012
Force de travail
0,021
0,053
0,062
0,862
Droits Politiques
0,004
0,052
0,125
0,418
Taux de Consommation
0,000
0,000
0,000
0,000
Variables Budgétaires
Consommation Publique
0.067
-0,011
0,125
-0,085
Afrique Nord
0.189
-0,098
0,086
-1,135
UEMOA
0.000
0,015
0,067
0,222
Afrique Centrale
0.015
-0,035
0,081
-0,434
Afrique Australe
0.000
0.000
0.000
0.000
Afrique de l’Ouest
0.042
0,047
0,075
0,620
0.690
0,127
0,069
2,839
Afrique Nord
0:530
0,005
0,009
2,721
UEMOA
0.295
-0,047
0,025
-1,889
Afrique Centrale
0.047
-0,095
0,105
-0,905
Afrique Australe
0.167
-0,061
0,046
-1,320
Afrique de l’Ouest
0.300
-0,016
0,008
-1,975
Investissement Public
Note : Le modèle est estimé par l’approche BAMLE (Bayesian Averaging of Maximum Likelihood Estimates). La taille
du modèle est a posteriori est égale à 8 ; c’est-à-dire en dehors de la variable représentative du PIB initiale, le vrai modèle
est composé de 8 variables. L’échantillon comprend 46 pays africains dont les pays de l’UEMOA. L’estimation est
réalisée sur la période 1990-2009, mais les données sont compilées en moyennes de 5 ans pour capter les effets de moyen
terme.
32
Du point de vue de l’impact des dépenses d’investissement (ou productivité), l’Afrique du
Nord paraît avoir réalisé la meilleure performance, faisant mieux que l’Afrique de l’Est,
retenue comme la région de référence. En effet, son coefficient est supérieur de 0,005 par
rapport à celui de l’Afrique de l’Est qui est de 0,127. Ce résultat paraît quelque peu différent
de l’une des principales conclusions des faits stylisés stipulant que l’Afrique de l’Est a été la
région la plus productive sur la période 2000-2009. Cependant, cela s’explique par le fait que
le modèle économétrique est plus élaboré qu’une analyse fondée sur la statistique descriptive.
En réalité, le modèle économétrique tient compte et neutralise les autres facteurs qui, au-delà
des dépenses publiques, affectent la croissance. De cette manière, le modèle permet de mieux
faire ressortir les effets marginaux spécifiques aux dépenses budgétaires.
A la suite des régions de l’Afrique du Nord et de l’Est, l’Afrique de l’Ouest se positionne
comme la troisième région où les dépenses publiques d’investissement sont les plus
productives, avec un coefficient estimé de 0,111 (soit, 0,127-0,016). L’UEMOA vient ensuite
se classer au quatrième rang des régions les plus productives en matière d’investissement
public, avec un coefficient estimé égal à 0,08. Enfin, l’Afrique Australe et l’Afrique Australe
complètent le classement.
Concernant les pays de l’UEMOA, les résultats obtenus demeurent cohérents avec ceux tirés
de l’analyse des faits stylisés qui ont montré que l’investissement public dans ces pays a
certes été porteur de croissance, mais sa productivité est restée en deçà de celle enregistrée par
d’autres parties du continent. D’ailleurs, sur la base de ces dernières estimations, il est
possible de procéder à une évaluation des dépenses improductives des pays de l’UEMOA,
relativement aux régions telles que l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Est.
Comme il a été déjà été mentionné dans les faits stylisés, les dépenses improductives sont
définies comme la différence entre les dépenses réellement engagées et le niveau minimal de
dépenses qui aurait procuré le même niveau de performance.
Suite à cette définition, l’évaluation s’effectue selon le principe suivant :
-
une augmentation de 1% du taux de dépenses publiques d’investissement dans la zone
UEMOA y augmente la croissance de 0,08 point (0,127-0,047);
-
Si les dépenses d’investissement dans l’UEMOA étaient aussi productives que celles
de l’Afrique du Nord (avec un coefficient de 0,132), alors l’augmentation de 0,08
point de la croissance dans l’UEMOA aurait pu être obtenue avec seulement une
augmentation de 0,6 point du taux d’investissement public.
33
Ainsi, pour toute augmentation d’un point du taux de dépenses d’investissement public, les
dépenses improductives, par rapport aux pays de l’Afrique du Nord, se mesurent à 1-0,6, soit
0,4 point. Dès lors, au cours de l’année 2009, le taux d’investissement public dans l’UEMOA
a été de 7,4% pour un PIB total de 32561 milliards de FCFA. Par conséquent, toute
augmentation d’un point des dépenses d’investissement en 2009, équivalent à 326 milliards, a
dû générer des dépenses improductives de l’ordre de 130 milliards de FCFA (0,4×326).
Comparativement à l’Afrique de l’Est, une augmentation d’un point du taux d’investissement
public a dû occasionner des dépenses d’investissement improductives de 120 milliards de
FCFA.
En définitive, même s’il n’existe pas une méthode permettant de quantifier, de façon absolue,
les dépenses improductives, l’estimation économétrique a permis d’en donner une évaluation
relative, sur la base des meilleures pratiques en cours sur le continent. Dans tous les cas, le
montant des dépenses improductives dépasserait largement la tentative d’évaluation proposée
dans le cadre de cette étude, dans la mesure où elle ne concerne que les dépenses
d’investissement public. En effet, les dépenses de consommation, qui sont non seulement plus
élevées que les dépenses d’investissement public, se sont révélées beaucoup moins
productives comme en témoignent les résultats empiriques. Cependant, l’évaluation des
dépenses de consommation improductives demeure difficile.
34
VI. Conclusion et Recommandations
Les récents développements de l’économie mondiale ont montré à quel point il était important
pour une économie de promouvoir une gestion efficace et parcimonieuse des dépenses
publiques. En particulier, la rareté des ressources dans les pays en développement devrait les
amener les Gouvernements concernés à porter une plus grande attention à la productivité de
leurs dépenses. D’autant que la perspective d’une récession mondiale devrait entrainer une
baisse non négligeable de l’aide publique au développement resserrant davantage la contrainte
de disponibilité des ressources pour le développement.
Dans cette étude, il a été question d’analyser la productivité des dépenses budgétaires dans
l’espace UEMOA et, partant, de comprendre les facteurs explicatifs des dépenses
improductives au sein de la zone. Pour cela, une approche « benchmarking » a été menée,
consistant à comparer les résultats de l’UEMOA, en matière de productivité des dépenses
publiques, à celles des autres pays africains. De ce point de vue, les faits stylisés ont révélé
que les performances des pays de l’UEMOA apparaissent mitigés, au regard des celles
enregistrées dans d’autres régions telles que l’Afrique de l’Est, l’Afrique l’Ouest (hors
UEMOA) et l’Afrique du Nord. Toutefois, au sein de l’Union, des disparités ont été
également observées. En effet, le Burkina Faso, le Bénin et le Mali sont apparus comme les
pays les plus performants en matière de productivité des dépenses publiques, dépassant
parfois la moyenne africaine.
Certaines des principales conclusions issues des faits stylisés ont été corroborées par les
résultats du modèle économétrique estimé sur données de panel à l’aide de techniques
bayésiennes. Ce modèle a permis d’étudier en profondeur l’impact réel de la politique
budgétaire sur l’activité, puis de procéder à des comparaisons de performances selon les
régions du continent et, enfin, de donner une appréciation sur le degré de productivité des
dépenses publiques dans la zone UEMOA. Si les résultats du modèle à court terme n’ont pas
été probants, ceux du modèle à moyen terme ont permis de dégager des conclusions plus
intéressantes.
Globalement, les résultats indiquent que, quelle que soit la région considérée, les dépenses de
consommation ne semblent pas exercer un effet notable sur la croissance. Ce résultat n’est pas
tout à fait surprenant, eu égard aux conclusions des faits stylisés et en référence aux travaux
déjà menés dans la littérature sur les finances publiques. En revanche, les dépenses
d’investissement semblent plus productives. Concernant les pays de l’UEMOA, les résultats
obtenus demeurent cohérents avec ceux tirés de l’analyse des faits stylisés qui ont montré que
35
l’investissement public dans ces pays a été porteur de croissance, même si sa productivité est
restée en deçà de celle enregistrée par d’autres parties du continent. En effet, l’impact d’une
hausse de un point du taux d’investissement public sur la croissance, dans la zone UEMOA,
est de 0,08 point ; or cet impact s’élève à 0,132 et 0,127 respectivement dans les régions
d’Afrique du Nord et de l’Est.
Partant de ces estimations, il a été possible de procéder à une évaluation des dépenses
d’investissement improductives des pays de l’UEMOA, relativement aux régions telles que
l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Est qui sont les plus performantes. Ainsi,
comparativement à l’Afrique du Nord, toute augmentation de un point du taux
d’investissement public dans l’UEMOA génère des dépenses improductives équivalant à 40%
de ces dépenses. Par rapport à l’Afrique de l’Est, la part des dépenses improductives est de
37%. Cependant, il est certain que l’évaluation des dépenses improductives fournie dans cette
étude n’est que partielle. D’une part, cette évaluation est relative car n’étant fondée que sur
une analyse comparative vis-à-vis des meilleures pratiques sur le continent. D’autre part, elle
n’intègre pas les dépenses de consommation publique qui sont non seulement plus
importantes, mais sont également beaucoup moins productives.
Les timides performances observées dans l’UEMOA invitent à approfondir la réflexion autour
des principaux facteurs de la productivité des dépenses publiques dans la zone. L’analyse a
montré que du point de vue de la stabilité politique et économique, l’UEMOA a obtenu des
résultats plutôt satisfaisants. En revanche, les principales difficultés seraient liées à la qualité
de l’administration, à la définition des politiques budgétaires et aux carences notées dans le
respect et la transparence des procédures budgétaires.
Pourtant, des dispositions ont été prises par l’UEMOA, depuis plus d’une décennie, en vue
d’améliorer la transparence et la gestion des finances publiques dans les pays membres 13. Ces
dispositions recommandent notamment « la transparence dans les procédures d’élaboration,
d’exécution et de suivi du budget, à travers la mise en place d’un cadre juridique approprié et
l’installation effective de tous les organes de contrôle », en insistant également sur « la
circulation, la diffusion et la publication d’informations complètes et fiables sur toutes
activités financières de l’Etat et des autres organismes publics ». Ainsi, les pays de
l’UEMOA devraient renforcer la mise en œuvre effective de ces dispositions communautaires
dans la mesure où, à l’unanimité, ils reconnaissent que la bonne gestion des affaires publiques
est un des fondements d’une croissance soutenue et durable.
13
Voir la directive n° 02/2000/CM/UEMOA portant adoption du Code de transparence dans la gestion des
finances publiques au sein de l’UEMOA, abrogée par la directive n° 01/2009/CM/UEMOA.
36
Références Bibliographiques
Alvarez, J. et M. Arellano (2003), « The Time Series and Cross-Section Asymptotics of
Dynamic Panel Data Estimators », Econometrica, Vol. 71, No.4. pp. 1121-1159.
Arrow, K. J. et M. Kurtz (1970), « Public Investment, The Rate of Return and Optimal Fiscal
Policy », Baltimore : The John Hopkins.
Aschauer, D. (1989), « Is Government Spending Productive? », Journal of Monetary
Economics, Vol. 23, pp. 177–200.
Baffes, J. et A. Shah, (1998), « Productivity of Public Spending, Sectoral Allocation Choices,
and Economic Growth », Economic Development and Cultural Change, University of
Chicago Press, vol. 46(2), pages 291-303, January.
Barro, R. J. (1990), « Government Spending in a Simple of Endogenous Growth », Journal of
Political Economy, 98, pp. 103-125.
Blejer, M. I. et M. S. Khan (1984), « Government Policy and Private Investment in
Developing Countries » IMF, Staff papers. Vol. 31, N°2, pp.379-403.
Bose, N., M. Emranul Haque et D. R. Osborn (2007), « Public Expenditure And Economic
Growth: A Disaggregated Analysis For Developing Countries », Manchester School,
University of Manchester, vol. 75(5), pages 533-556, 09.
Creel, J., Ducoudre, B., Mathieu, C. et Sterdyniak, H. (2005), « Doit-on Oublier la Politique
Budgétaire? Une Analyse Critique de la Nouvelle Théorie Anti-Keynésienne des Finances
Publiques », Revue de l’OFCE 92, 43-97.
Cooley, T. (1995), « Frontiers in Business Cycle Research », Princeton University Press.
Devarajan, S., V. Swaroop et H. Zou (1993), « What Do Governments Buy? The Composition
of Public Spending and Economic Performance », Policy Research Working Paper Series
1082, The World Bank.
Devarajan, S., V. Swaroop, et H. Zou, (1996), « The Composition of Public Expenditure and
Economic Growth », Journal of Monetary Economics, n° 37, avril 33 Revue de l’Institut de
Développement Economique (RIDEC) 1996, pp. 318-344.
Ertz, G. (2001), « La Contribution du Courant des Cycles Réels à la Théorie du Cycle
Economique », Reflets et Perspectives, 215-227.
Fernandez, C., E. Ley et M. F. J. Steel (2001), « Benchmark priors for Bayesian model
averaging (first version) », ESE Discussion Papers 26, Edinburgh School of Economics,
University of Edinburgh.
Giudice G., A. Turrini et J. In ’T Veld (2003), « Can Fiscal Consolidations be Expansionary
in the EU? Ex-post Evidence and Ex-Ante Analysis », European Commission, Economic
Papers, n° 195, décembre.
37
Gupta, S., K.Honjo et M. Verhoeven (1997), « The Efficiency of Government Expenditure:
Experiences from Africa », IMF Working Paper, WP/97/153, 60 p.
Gupta S., B. Clements, E. Baldacci et C. Mulas-Granados (2005), « Fiscal Policy,
Expenditure Composition, and Growth in Low-Income Countries », Journal of International
Money and Finance, Vol. 24, N° 3, pp. 441-463.
Jarocinski, M. et A. Ciccone (2009), « Determinants of Economic Growth: Will Data
Tell? », Working Papers 1009, BBVA Bank, Economic Research Department.
Koop, G. (2003), «Bayesian Econometrics », Wiley.
Kopits, G. et J. Craig (1995), « Unproductive Public Expenditure: A Pragmatic Approach to
Policy Analysis », International Monetary Fund, Pamphlet Series No. 48, Washington.
Kydland, F. et E. Prescott (1982), « Time to Build and Aggregate Fluctuations »,
Econometrica, 50, 1345-1370.
Landau, D. (1983), « Government Expenditure and Economic Growth: A Cross-Country
Study », Southern Economic Journal, 49(3), pp. 783-792.
Llau, P. (1999), « Les contractions budgétaires en Europe. Les enseignements des ajustements
danois, irlandais et suédois », Revue Française de Finances Publiques, 68, 17-31.
Ley, E. and M. F. J. Steel (2009), « On the effect of prior assumptions in Bayesian model
averaging with applications to growth regression », Journal Of Applied Econometrics, 24 (4),
651 - 674 (0883-7252).
Long, J. et C. Plosser (1983), « Real Business Cycles », Journal of Political Economy, 91,
39-69.
Moral-Benito, E. (2010), « Determinants Of Economic Growth: A Bayesian Panel Data
Approach », Banco de España Working Papers 1031, Banco de España.
Nubukpo, K. K. (2003), « Dépenses Publiques et Croissance des Économies de l’UEMOA »
CIRAD.
Ojo, O. et T. Oshikoya (1995), « Determinants of Long Term Growth: Some African
Results », Journal of African Economies, Vol. 4, No. 2, pp. 163-191.
Ouattara, W. (2008), « Analyse de la Productivité et des Externalités des Dépenses Publiques
en Afrique au Sud du Sahara : Cas de la Zone UEMOA », Economie appliquée, 61(2): 153 –
169.
Prescott, E. C. (1998), « Business Cycle Research: Methods and Problems », Federal Reserve
Bank of Minneapolis, Working Paper 590.
Raftery, A. (1995) « Bayesian Model Selection in Social Research" Sociological
Methodology », Vol. 25, pp. 111-163.
38
Sala-I-Martin, X., G. Doppelhofer et Miller, R. I. (2004), « Determinants of Long-Term
Growth: A Bayesian Averaging of Classical Estimates (BACE) Approach », American
Economic Review, American Economic Association, vol. 94(4), pages 813-835, September.
Tanzi, V. et H. Zee (1997), « Fiscal Policy and Long-Run Growth », IMF Staff Papers, Vol.
44, pp.179-209. »
39
Annexe: Les Variables Utilisées dans le Modèle
Variables Explicatives
PIB initial
:
Logarithme du Produit Intérieur Brut Retardé d’une période
Croissance Démographique
:
Taux de croissance de la population totale
Taux d’Investissement
:
Rapport de l’Investissement au PIB (prix constants)
Degré d’Ouverture
:
Somme des Importations et des Exportations rapportée au PIB
:
Variable muette prenant la valeur 1 pour les périodes de trouble et 0
autrement
:
Espérance de vie à la naissance
:
Indice mesurant le degré de liberté dans le processus électoral, le
pluralisme et la participation politiques ainsi que le fonctionnement
de l’Etat
:
Indice mesurant le degré de liberté d’expression, de réunion,
d’association et la liberté religieuse
Taux d’Alphabétisation
:
Taux d’Alphabétisation de la population adulte (+ de 15 ans)
Taux de Consommation
:
Rapport de la consommation privée au PIB
Prix de l’Investissement
:
Déflateur de la variable investissement
Force de travail
:
Rapport entre la population active et la population totale
Consommation Publique
:
Ratio des dépenses courantes au PIB nominal
Investissement Public
:
Ratio des dépenses en capital au PIB nominal
Stabilité Politique
Espérance de Vie
Droits Politiques
Libertés Civiles
Effets Spécifiques Observables
Superficie
:
Superficie du pays
:
Moyenne des distances entre la capitale du pays et les villes de
Bruxelles, Pékin et New York
:
Variable muette prenant la valeur 1 pour les pays pétroliers et 0
pour les autres
Indépendance
:
Année d’obtention de l’indépendance
Enclavement
:
Variable muette prenant la valeur 1 si le pays est enclavé et 0 sinon
Distance
Pétrole
40