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énergie hausse importante des coûts de la
ÉNERGIE
HAUSSE IMPORTANTE DES COÛTS DE LA MATIÈRE PREMIÈRE DANS LE
MARCHÉ DE L’ÉNERGIE : DES MOYENS POUR FAIRE BAISSER SA FACTURE EN
ÉNERGIE
Par André Turmel
Devant la hausse importante du prix du gaz naturel et de pétrole, il existe deux façons pour nos clients de
réduire leur coûts généraux en matière d’énergie. Outre le fait bien sûr de diminuer leur consommation
d’énergie, qu’il s’agisse d’électricité, de gaz naturel, de vapeur ou de pétrole, ils pourront:
1. Faire baisser les tarifs de transport et/ou de distribution ou empêcher une trop forte
augmentation par une représentation adéquate devant la Régie de l’énergie dans le domaine du gaz
naturel et de l’électricité;
2. Examiner plus attentivement votre facture et déposer une plainte devant la Régie de
l’énergie, s’il y a lieu.
1.
Une explosion des coûts en énergie
Après les sommets historiques atteints par les prix de l’essence et du mazout au printemps 2000,
les entreprises ont maintenant intérêt plus que jamais à surveiller les prix du gaz naturel. En effet, ceux-ci
se sont appréciés de 90% depuis juillet 1999. Si on exclut les taxes, 40% de la facture que l’entreprise
québécoise paie en matière de gaz naturel sont consacrés à la matière première. Même si cette portion du
prix total de cette matière est fonction notamment du prix du pétrole, de la croissance économique en
Amérique du Nord et, d’une forte demande aux États-Unis et d’une offre quelque peu limitée, les 60%
restant de ce prix total représentent la portion «transport» et à la portion «distribution».
2.
Faire valoir les droits l’entreprise
L’entreprise pourra toutefois exprimer son avis et faire valoir ses droits en ce qui a trait au coût de
transport et de distribution puisque ceux-ci sont réglementés par les organismes fédéraux et provinciaux.
Au Québec c’est la Régie de l’énergie qui autorise notamment les changements tarifaires en ce qui a trait
à la distribution du gaz naturel et de l’électricité et reçoit les plaintes des consommateurs résidentiels,
commercial ou industriel. Jadis prérogative de l’État qui fixait les tarifs d’électricité par décret, la Régie
examine maintenant les tarifs de distribution et de transport d’Hydro-Québec dans le cadre d’audience
formelle. Le transport interprovincial du gaz naturel et de l’électricité est réglementé, quant à lui, par
l’Office National de l’Énergie.
3.
Faire baisser les tarifs ou empêcher une hausse substantielle: le consommateur commercial
ou industriel et la compagnie d’utilité publique
C’est précisément devant ces derniers organismes que l’entreprise commerciale ou industrielle a
un intérêt à comparaître. En effet, les distributeurs, qu’il s’agisse de la Société en Commandite Gaz
Métropolitain Inc. ou Gazifère Inc. dans la distribution du gaz naturel ou d’Hydro-Québec dans
l’électricité, — sociétés qui ont obtenu chacune un monopole dans leur sphère d’activité en vertu de la
loi — , ont l’obligation de fournir une qualité de service attendu et ce dans un cadre sécuritaire. En
contrepartie, l’entreprise d’utilité publique pourra récupérer les coûts qu’elle a encourus pour rendre ce
service. Les clients du distributeur, tout en laissant à ce dernier l’occasion de réaliser un rendement juste
et raisonnable sur le capital investi à cette fin, auront toutefois leur mot à dire sur la juste valeur des actifs
qui ont ou non été « prudemment acquis et utiles » pour l’exploitation des équipements par l’entreprise
d’utilité publique.
De plus, le consommateur peut jeter un coup d’oeil sur les montants globaux des dépenses servant
à assumer le coût de la prestation de service du distributeur. Si ces dépenses s’avèrent non nécessaires ou
superflus, le régulateur peut ne pas les autoriser.
Ainsi, concrètement, le refus de la Régie d’autoriser certaines dépenses aura un effet direct et
concret sur la hausse demandée par le distributeur qui pourra être rajustée à la baisse ou tout simplement
non-autorisée par l’organisme de régulation.
Ce dernier doit s’assurer que le distributeur s’acquitte de ses responsabilités et qu’il obtienne des
tarifs permettant une récupération des coûts qui soit justifiée et lui permette de réaliser un rendement
raisonnable sur l’investissement. Ce rendement raisonnable est également discuté devant la Régie. La
défense d’un taux de rendement juste et raisonnable (i.e. un taux représentant les taux d’intérêts à long
terme et une prime de risque) aura un effet direct sur le coût de service du distributeur, puisque ce coût de
service est relayé directement aux clients, il est donc important de s’assurer que ce taux n’est pas excessif.
L’entreprise consommatrice aura aussi intérêt à s’assurer qu’il existe une équité dans la
répartition entre les différentes classes tarifaires. En effet, la classe tarifaire visant les petits
consommateurs résidentiels, celle visant les consommateurs commerciaux, comme des restaurants,
l’hôtellerie ou le secteur institutionnel, ainsi que la classe visant les consommateurs industriels à grand
volume n’engendrent pas nécessairement les mêmes coûts par type de client et peuvent être sujettes à
l’interfinancement. Le consommateur commercial, par exemple une chaîne de restauration rapide ou une
entreprise moyenne, aura donc intérêt à s’assurer que les coûts sont répartis équitablement et sans
discrimination entre les diverses classes de clients afin de ne payer que pour le service qu’il a réellement
obtenu.
Cette même logique s’applique également aux tarifs de l’électricité et ce malgré les changements
récents apportés en juin 2000 par la Loi 116, soit la Loi modifiant la loi sur la Régie de l’énergie et
d’autres dispositions législatives 1.
Comme dans bien des cas, l’électricité et le gaz naturel peuvent entrer en compétition lorsque
l’entreprise doit faire des choix quant à ses sources d’approvisionnement d’énergie. Il est indéniable
qu’en scrutant davantage les gestes des distributeurs d’énergie, nos clients pourront obtenir un meilleur
portrait de leurs coûts en matière d’approvisionnement en énergie.
La régulation économique fait partie de notre quotidien parce que la mise en place
d’infrastructure exige d’énormes investissements dont la rentabilité ne se concrétiserait pas toujours à
moyen terme, mais plutôt à long terme.
Que l’on pense à tous les services publics en réseaux, énergie, transport, communications, tous
ont vu leur part d’histoire assurée par des monopoles publics.
C’est pour éviter un dédoublement des infrastructures qui ne peut être qu’au désavantage des
consommateurs que l’idée de la régulation économique dans les secteurs en monopole public a fait son
chemin.
Si la déréglementation s’est produite dans les secteurs des transports et des communications en
Amérique du nord, le secteur de l’énergie est, en ce moment, en pleine ébullition.
Le constat à poser est que malgré une déréglementation dans le marché de l’énergie qui avance à
pas de géant, surtout aux États-Unis, la nécessité d’organismes de régulation économique demeure, et ce
même dans les contextes les plus déréglementés, comme par exemple en Californie, au New Jersey, en
Pennsylvanie et en Ontario. Au Québec, même s’il agit différemment, surtout à l’égard de l’électricité, le
secteur de l’énergie bouge beaucoup et mérite qu’on s’y attarde.
C’est donc dans ce contexte que nos clients devraient jeter un coup d’oeil plus attentif sur leurs
factures en énergie. Aujourd’hui, le gaz naturel voit ses coûts exploser. Demain ce sera peut-être les
coûts de l’électricité.
Mentionnons aussi que la Régie surveille, dans les diverses régions du Québec, les prix des
produits pétroliers et ceux de la vapeur fournie ou distribuée par canalisation à des fins de chauffage.
À cette fin, elle peut exercer un pouvoir de surveillance, d’inspection et d’enquête, concernant la
vente ou la distribution de la vapeur ou des produits pétroliers, les prix, les taxes et les droits qui ont été
exigés et payés.
Elle doit également faire enquête lorsque le gouvernement lui en fait la demande et le montant
des dépenses qu’elle encourt, pour une telle enquête, est à la charge du gouvernement.
4.
Examiner plus attentivement sa facture d’énergie : obtenir un redressement sur sa facture
par le processus d’examen des plaintes devant la Régie de l’énergie
L’examen des plaintes des consommateurs devant la Régie de l’énergie est un autre moyen de
faire baisser ses coûts. Ce mécanisme n’est pas seulement ouvert aux consommateurs résidentiels mais à
tout consommateur, qu’il soit un consommateur commercial ou un consommateur industriel. Lorsqu’un
consommateur commercial ou industriel est insatisfait de l’application d’un tarif ou d’une condition de
transport ou de distribution d’électricité ou de l’application d’un tarif ou d’une condition de fourniture, de
transport, de livraison ou d’emmagasinage de gaz naturel, il peut maintenant obtenir un redressement par
un tiers indépendant, la Régie de l’énergie.
Dans un premier temps, le consommateur peut s’adresser au distributeur en déposant une plainte
formelle et le distributeur doit rendre une décision par écrit et notifier le tout au plaignant dans les 60
jours du dépôt de la plainte. Le distributeur doit motiver sa décision.
Si le client commercial ou industriel est insatisfait de la réponse ou s’il est en désaccord avec la
décision rendue par le distributeur, qu’il s’agisse de Société en Commandite Gaz Métropolitain, d’Hydro-
Québec ou de Gazifère ou des divers réseaux municipaux ou coopérative de distribution d’électricité, il
peut, dans les 30 jours de la date où la décision a été transmise par le distributeur, demander à la Régie
d’examiner sa plainte.
Lorsque la Régie considère la plainte fondée, elle ordonne au distributeur ou au transporteur
d’appliquer, dans le délai qu’elle fixe, les mesures qu’elle détermine concernant l’application des tarifs et
des conclusions.
Qu’il s’agisse de consommation excessive causée par le mauvais fonctionnement du compteur, de
l’exigence d’un dépôt d’une garantie qui soit déraisonnable ou des frais de modification, de
rebranchement ou de gestion, la Régie pourra examiner les plaintes et rendre les ordonnances appropriées.
Malgré le fait que le processus des plaintes devant la Régie de l’énergie reste méconnu, surtout de
la part des entreprises commerciales, quelques exemples récents démontrent qu’il peut être utile de porter
plainte, surtout qu’un nombre appréciable de dossiers se règlent hors cour. Quatre exemples peuvent
illustrer le succès qu’ont eu des entreprises en formulant une plainte devant la Régie de l’énergie. Dans
Gonthier Industries c. Hydro-Québec2, cette dernière exigeait de l’entreprise qu’elle renouvelle une lettre
de garantie de 12 000$ qui avait été donnée lors de l’abonnement initial et qui avait une durée de deux
ans. La Régie a donné gain de cause à Gonthier Industries en indiquant qu’Hydro-Québec ne pouvait
réclamer à nouveau un dépôt à la fin de la période deux ans.
Dans Le Relais Viau c. Hydro-Québec3, la société d’État exigeait un dépôt en argent de
l’entreprise de restauration. La Régie de l’énergie a annulé cette demande de dépôt car Hydro-Québec
s’était trompée de consommateur ! Dans Les Investissements Genimax Ltée-Motel Trans-Québec c.
Hydro-Québec4, la Régie a réduit la demande de dépôt de 4 610$ à 750$.
(On peut communiquer avec Me André Turmel, à Montréal, au (514) 397-5141 ou à [email protected] )
ANDRÉ TURMEL
Détenteur d’un B.Sc (Université de Montréal), LL.B. (Université de Sherbrooke) et LL.M. (Université de Montréal) (Maîtrise en
droit du commerce international et protection de l’environnement), Me Turmel est membre du groupe de pratique en
environnement, énergie et ressources naturelles du cabinet Fasken Martineau DuMoulin (Montréal) depuis juin 2000. Il œuvrait
depuis 1998 comme Procureur de la Régie de l’Énergie du Québec dans les dossiers tarifaires reliés au transport de l’électricité,
à la distribution du gaz naturel et diverses questions ayant trait à la juridiction de la Régie en matière de surveillance des prix
des produits pétroliers. Me Turmel a développé une expertise à l’égard des questions reliées au droit de l’énergie en Amérique
du Nord et à l’étranger. Il agit comme conférencier sur les dimensions juridiques de la réglementation économique et financière
de l’industrie électrique et, à ce titre, a agi comme expert invité auprès de divers États d’Afrique et d’Amérique centrale. Avant
la Régie, Me Turmel était avocat au Ministère de la Justice du Québec. Me Turmel est co-auteur de « La Loi sur la Régie de
l’énergie annotée » à paraître aux Éditions Yvon Blais inc. le 11 octobre 2000 et est secrétaire du comité sur l’environnement,
l’énergie et les ressources naturelles de l’Association du Barreau canadien, division du Québec.
________________________________
1) Voir sur cette récente modification législative l’article de l’auteur publié dans le Bulletin de Droit de l’Environnement (BDE)
d’août 2000, aux Éditions Yvon Blais Inc.
2) Décision D-99-191, rendue le 4 novembre 1999.
3) Décision D-2000-110, rendue le 16 juin 2000.
4) Décision D-99-231, rendue le 22 décembre 1999.

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