1 COMECE 125° anniversaire de Rerum Novarum 3 mai 2016 La

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COMECE 125° anniversaire de Rerum Novarum 3 mai 2016 La question écologique et sociale dans une perspective globale Elena Lasida Schéma de l’intervention Merci à la COMECE (Président, Cardinal Marx, le Secrétaire Général, Père Patrick Daly / Michel Kuhn) -­‐ De l’invitation à participer à cette célébration de l’anniversaire de Rerum Novarum qui fait mémoire du passé en l’inscrivant dans une perspective d’avenir. D'où je parle : -­‐ en tant qu'économiste et professeur à l'ICP où je travaille sur l'économie solidaire et le développement durable -­‐ A partir de ma mission à la CEF (Conférence Episcopale de France) en tant que chargée "écologie et société" Le thème : de Rerum Novarum à Laudato Si’, la « question sociale » a évolué au rythme des mutations du monde. -­‐ Une mutation majeure : la prise en compte de la dimension écologique et des conséquences que l’épuisement et la dégradation des ressources naturelles entraine sur l’avenir de la planète et de l’humanité. -­‐ Qui appelle à un changement de paradigme : il ne s’agit pas seulement d’un « problème en plus » mais d’une manière nouvelle de regarder, de penser et de transformer la société. 3 niveaux de changement : -­‐ La crise : la cause du dérèglement -­‐ L’utopie : l’imaginaire de vie bonne -­‐ Les solutions : les signes d’un nouveau possible 1. La crise : la cause du « problème social » -­‐ la crise écologique : ce n’est pas une crise de plus qui vient s’ajouter à la crise économique et sociale mais elle révèle une crise « de sens ». C’est la finalité de l’existence et non pas son fonctionnement qui est en panne. -­‐ Ce qui fait problème ce n’est pas le « manque de biens » mais le « rapport aux biens ». Le problème n’est ni la quantité ni la qualité des biens disponibles (la terre, l’eau, l’air), mais notre rapport à ces biens. Nous les avons pris de manière totalement utilitaire et instrumentale et nous découvrons aujourd’hui que ces biens font partie de ce que nous sommes : la nature c’est nous. 1
-­‐ Comme dit le pape : la clameur de la terre et la clameur des pauvres révèlent un même et unique problème. -­‐ Ce qui change ce n’est pas le type de problème social mais la manière de concevoir la société et l’humain. Ce n’est pas une crise conjoncturelle mais une crise existentielle. Et donc ce qu’il faut interroger c’est la finalité de la vie plutôt que son fonctionnement. 2. L’utopie : l’imaginaire de vie bonne -­‐ Interroger la finalité c’est interroger ce qui nous fait rêver, ce qui nous fait marcher, ce qui nous fait bouger, c’est-­‐à-­‐dire notre imaginaire de ce que c’est une vie bonne. -­‐ Dans l’imaginaire actuel « la vie bonne » est pensée en termes de croissance et de bien-­‐être matériel, il est fondé sur ce que le Pape appelle le paradigme technocratique qui vise la maîtrise totale, la sécurité et l’autosuffisance. -­‐ Dans le cadre de cet imaginaire, la seule posture logique face à la crise est celle de se mettre à la défensive pour essayer, autant que possible, de réduire la perte et de garder nos acquis. -­‐ Avec cet imaginaire, on reste dans une logique de « réparation ». -­‐ Le Pape nous invite pourtant à « changer de paradigme », c’est-­‐à-­‐dire à changer d’imaginaire. -­‐ Je pense que la « Pensée sociale de l’Eglise » pourrait être relue avec cette question : quel imaginaire de vie bonne est sous-­‐jacent dans chaque encyclique ? Il y a bien sûr des principes fondamentaux qu’on retrouve partout, mais aussi des nouveautés qui se révèlent progressivement à travers l’histoire. Ainsi par exemple, le principe de « destination universelle des biens » renvoie à chaque époque à un imaginaire différent : • Dans Rerum Novarum : à partir de l’inégalité perçue entre les salariés et les patrons, l’imaginaire d’une vie bonne est celui d’un partage équitable des richesses créées à l’intérieur de l’entreprise. •
Dans Populorum Progressio : à partir de l’inégalité constatée entre pays riches et pauvres, l’imaginaire de vie bonne devient universel et le partage change donc d’échelle car il devient mondial. •
Et dans Laudato Si’ : à partir de la dégradation de la terre, l’imaginaire de vie bonne devient planétaire : il ne concerne pas seulement l’humanité entière mais également tous les êtres vivants. On passe ainsi de la « famille humaine universelle » à l’image de la « maison commune ». -­‐ C’est donc l’imaginaire de vie bonne sous-­‐jacent dans chaque « question sociale » qui est revisité dans chaque encyclique sociale, et notamment dans Laudato Si’. Et ce sont des signes, des marqueurs de ce nouvel imaginaire que je voudrais brièvement identifier à travers les différentes solutions qui commencent à émerger. 2
3. Les solutions : les signes d’un nouveau possible -­‐ Laudato Si’ nous invite de manière explicite à repenser l’imaginaire de vie bonne en appelant à redéfinir l’idée de « progrès ». Je vais présenter quelques-­‐unes des pistes proposées en ce sens, en me servant d’une image et des 4 règles que le pape présente dans un autre texte : l’exhortation Evangelii Gaudium. -­‐ Une image : celle de « maison commune ». Suivant EG, elle devrait prendre la forme d’un polyèdre, qui se différencie de la sphère : - Dans la sphère, les parties sont disparues, elles ont fusionné, tandis que dans le polyèdre, chaque partie garde sa singularité, et ensemble elles composent une totalité - Dans la sphère chaque point est équidistant du centre : l’harmonisation devient uniformisation. Dans le polyèdre : chaque point occupe une place unique et différente. - De ce fait, la maison commune n’est pas une maison où les différences sont gommées (la sphère) mais une maison où les différences composent un tout (le polyèdre). Laudato Si’ nous donne la clé de cette composition : la mise en dialogue. -­‐ 4 règles (Chapitre 4 de Evangelii Gaudium) : je vais présenter l’une de ces règles -­‐
comme un principe général et préalable et je mettrais chacune des 3 autres règles en résonance avec ce que je considère comme les 3 piliers de LS. Les 4 règles sont donc les suivantes : - La réalité est plus importante que l’idée : règle préalable - Le tout est supérieur à la partie - L’unité prévaut au conflit - Le temps est supérieur à l’espace Pour chacune des 3 dernières règles je vais présenter à chaque fois 3 déclinaisons : - L’imaginaire de vie bonne sous-­‐jacent, en lien à chaque fois avec un principe fondamental de LS - une traduction possible de la règle en termes micro-­‐économique : je cherche ainsi à identifier de nouveaux « styles de vie » - une traduction en termes macro-­‐économique : en cherchant plutôt des signes d’un nouveau style de société ou modèle de développement Règle générale : la réalité est plus importante que l’idée Rappel des citations (pour moi) : - (EG 231) : « Il existe une tension bipolaire entre l’idée et la réalité. La réalité est, tout simplement ; l’idée s’élabore. Entre les deux il faut instaurer un dialogue permanent, en évitant que l’idée finisse par être séparée de la réalité. Il est dangereux de vivre dans le règne de la seule parole, de l’image, du sophisme. -
Cela suppose d’éviter diverses manières d’occulter la réalité : les purismes angéliques, les totalitarismes du relativisme, les nominalismes déclaratifs, les projets plus formels que réels, les fondamentalismes antihistoriques, les éthiques 3
sans bonté, les intellectualismes sans sagesse. » Signification : - en termes « ontologiques » : le statut de la réalité : elle n’est pas un « état brut » à redresser mais un « lieu de révélation ». L’idée, ainsi que la norme, ne peuvent jamais rendre compte de manière intégrale de la complexité et de la diversité de la réalité. L’exhortation Amoris Laetitia en est un bon exemple. - en termes « épistémologiques » : la connaissance ne suppose pas seulement de comprendre ou expliquer la réalité comme un « objet » d’étude mais elle implique d’apprendre à se laisser déplacer et transformer par la réalité. - Et donc une posture de principe : la « question sociale » et la « question écologique » ne sont ni des « réalités à comprendre » ni des « problèmes à résoudre », mais elles sont des lieux de révélation : des lieux qui nous disent d’une manière nouvelle comment Dieu se fait présent dans l’histoire. Des lieux qui déplacent notre « imaginaire de vie bonne ». Pour ce faire, 3 règles particulières : Première règle : Le tout est supérieur à la partie Rappel des citations (pour moi) : -­‐ « le tout est plus que la partie et que la simple somme de celles-­‐ci » -­‐ Eviter les 2 extrêmes : - « on ne doit pas être trop obsédé par des questions limitées et particulières. Il faut toujours élargir le regard pour reconnaître un bien plus grand qui sera bénéfique à tous : le particulier doit être mis en perspective du tout - « Mais il convient de le faire sans s’évader, sans se déraciner. Il est nécessaire d’enfoncer ses racines dans la terre fertile et dans l’histoire de son propre lieu, qui est un don de Dieu : la totalité doit être « enracinée » et pas abstraite - On travaille sur ce qui est petit, avec ce qui est proche, mais dans une perspective plus large. De la même manière, quand une personne qui garde sa particularité personnelle et ne cache pas son identité, s’intègre cordialement dans une communauté, elle ne s’annihile pas, mais elle reçoit toujours de nouveaux stimulants pour son propre développement. » (EG 235) Signification -­‐ le tout est supérieur à la partie car il ne peut pas se réduire à la somme des parties : le tout ce n’est pas uniquement une question de « nombre » mais c’est surtout une question de « relation » : c’est ce qui relie les parties qui fait le tout. -­‐ Rapport d’interdépendance entre le tout et les parties : la partie compose le tout et le tout alimente chaque partie. Il y a une interdépendance structurelle entre le petit et le grand, entre le local et le global, entre la partie et l’ensemble. -­‐ Conséquence : le particulier doit toujours être mis en perspective du tout et la totalité doit être enracinée dans chaque situation particulière. 4
1) L’imaginaire de vie bonne : le rapport entre individuel et collectif, pas opposés mais complémentaires La vie bonne : une vie où le collectif n’est pas vécu comme une contrainte à l’intérêt individuel, mais bien au contraire, comme ce qui lui permet de se déployer. Une vie où l’individuel se réalise, non pas malgré le collectif (collectif contrainte) ni grâce au collectif (rapport utilitaire : ensemble on est plus fort), mais « à travers » du collectif : chacun est construit par le collectif auquel il appartient. Une vie qui se dit avant tout par sa qualité relationnelle. Conséquence anthropologique : l’humain apparaît moins comme une série de besoins à satisfaire, mais plutôt comme un être de relation. Lien avec LS : « tout est lié » Le collectif dans LS ne se réduit pas aux êtres humains mais comprend tous les êtres vivants. La conversion écologique à laquelle appelle le pape suppose d’être « en communion » avec tous les êtres vivants. Et la communion ce n’est pas seulement le regroupement mais c’est surtout ce qui circule à l’intérieur du groupe. 2) changement de style de vie : la consommation et l’épargne -
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pensées habituellement comme satisfaction de besoins individuels elles peuvent être pensées comme une manière d’établir des relations et de construire la société Ex du commerce équitable : le consommateur permet au petit producteur de vivre dignement. Ex de la finance solidaire : l’épargnant partage l’intérêt généré par son épargne avec une activité d’utilité sociale On fait son choix de consommation et d’épargne non seulement en fonction de son intérêt individuel mais aussi en fonction de l’impact que mon choix a sur autrui. On passe de l’indépendance à l’interdépendance 3) changement de modèle de développement : l’économie sociale et solidaire - Au niveau macro, ce choix de consommation ou d’épargne qui prend en compte l’impact sur autrui et non seulement la maximisation de l’intérêt individuel, permet d’organiser autrement les échanges marchands : ▪ On sort de la séparation radicale entre consommateurs et producteurs et on passe à la co-­‐production : le consommateur intègre dans son choix l’intérêt du producteur, et le producteur intègre dans le sien l’intérêt du consommateur. De l’intérêt individuel à l’intérêt mutuel ou partagé : une autre logique « marchande ». ▪ Cet intérêt mutuel peut devenir intérêt social : on parle alors d’utilité sociale, comme principale finalité de l’activité économique (Loi ESS en France). ▪ Dans l’ESS le tout est supérieur à la partie car ce qui compte c’est la richesse « relationnelle » et non seulement la richesse matérielle ou monétaire. Ceci suppose de créer d’autres méthodes 5
d’évaluation pouvant rendre compte de la richesse relationnelle créée. o Passer de l’indépendance à l’interdépendance suppose donc une autre logique marchande, une autre finalité de l’activité économique et une autre conception de la richesse. Ces changements préfigurent une société fondée sur une autre imaginaire de la vie bonne. Deuxième règle : l’unité est supérieure au conflit Rappel citations -
EG 228 : … il est possible de développer une communion dans les différences, que seules peuvent faciliter ces personnes nobles qui ont le courage d’aller au-­‐delà de la surface du conflit et regardent les autres dans leur dignité la plus profonde. -
Il s’agit d’un principe d’amitié sociale, d’une manière de penser la solidarité : un domaine vital où les conflits, les tensions, et les oppositions peuvent atteindre une unité multiforme, unité qui engendre une nouvelle vie. -
Le signe de cette unité c’est la paix : non pas comme une paix négociée mais la conviction que l’unité de l’Esprit harmonise toutes les diversités. Elle dépasse tout conflit en une synthèse nouvelle et prometteuse. Signification ▪
Il ne s’agit pas de gommer les différences mais de les mettre en dialogue afin de développer une « communion dans les différences » : ▪
L’unité comme amitié sociale : ce n’est pas l’uniformisation mais la qualité des relations qui la construisent ▪
L’unité comme réalité multiforme : où les tensions engendrent quelque chose de commun et de nouveau ▪
L’unité comme paix : non pas une paix négociée mais comme construction d’une synthèse nouvelle et prometteuse. 1. L’imaginaire de vie bonne -
la diversité et la pluralité : plutôt que l’uniformité -
le lien social comme amitié : les relations citoyennes comme des relations d’amitié (Hannah Arendt : l’importance politique de l’amitié) -
la paix : non pas comme l’absence de conflits mais comme une communion de différences -
Lien avec LS : tout est donné : expérience première et fondamentale du don. Ce que nous avons, ne nous appartient pas. L’unité construite avec des propriétés individuelles devient compromis. L’unité avec ce qui nous est donné devient communion. La maison commune comme ce qui se construit à partir d’un don reçu ensemble. -
Conséquence anthropologique : la vie humaine pensée non seulement en termes d’ « acquis » ou de « compétences » mais surtout en termes de « don » reçu (de Dieu et des autres êtres vivants). Se penser en « interdépendance » avec 6
le reste de la création et non pas comme « dominateur » ou « utilisateur » : la création n’est pas au service de l’humain mais au service de la vie. 2. Le changement de style de vie : une vie symbiotique -
Un choix de vie qui s’inscrit harmonieusement dans le fonctionnement des systèmes naturels : dans la nature les espèces vivent en symbiose les unes avec les autres et avec leur environnement. -
Il s’agit d’utiliser des ressources renouvelables et de recycler les déchets : sortir de la « culture du déchet ». -
Et de se penser en lien avec tous les êtres vivants et en totale interdépendance 3. Le changement de mode de développement : économie circulaire -
Boucler les cycles de matière et d’énergie grâce au ré-­‐emploi et au recyclage. -
Recycler les déchets, mais aussi concevoir des produits qui optimisent son usage, augmenter leur durée de vie, faciliter la maintenance et la réparation, permettre le réemploi des pièces détachées, utiliser des matériaux recyclés. : éco-­‐
conception. -
L’écologie industrielle territoriale ou symbiose territoriale -
On génère des impacts positifs : partenariats au niveau du territoire, lieux de rencontre, mutualisation de l’apprentissage… -
L’unité se construit en rendant les différences complémentaires au lieu de les mettre en opposition. Troisième règle : Le temps est supérieur à l’espace Rappel de citations (pour moi) -
(EG 223) : « Ce principe permet de travailler à long terme, sans être obsédé par les résultats immédiats : long terme et court termisme. -
Il aide à supporter avec patience les situations difficiles et adverses, ou les changements des plans qu’impose le dynamisme de la réalité. Il est une invitation à assumer la tension entre plénitude et limite, en accordant la priorité au temps : la plénitude et dominatrice (produit la volonté de tout posséder), la limite est créatrice. -
Un des péchés qui parfois se rencontre dans l’activité socio-­‐politique consiste à privilégier les espaces de pouvoir plutôt que les temps des processus. Donner la priorité à l’espace conduit à devenir fou pour tout résoudre dans le moment présent, pour tenter de prendre possession de tous les espaces de pouvoir et d’auto-­‐
affirmation. C’est cristalliser les processus et prétendre les détenir. Le temps ordonne les espaces, les éclaire et les transforme en maillons d’une chaîne en constante croissance, sans chemin de retour. Il s’agit de privilégier les actions qui génèrent les dynamismes nouveaux dans la société et impliquent d’autres personnes 7
et groupes qui les développeront, jusqu’à ce qu’ils fructifient en évènements historiques importants. Sans inquiétude, mais avec des convictions claires et de la ténacité. Signification -
Initier des processus plutôt que posséder des espaces : o Passer du court terme au long terme, du l’immédiateté à la capacité d’attente, du tout de suite à ce qui se construit progressivement o Passer de la prévision à l’accueil de l’inattendu, de la maîtrise et du contrôle de ce qui est connu à l’accueil du radicalement nouveau, de la sécurité à l’émerveillement. o Passer de la possession à la mise en marche, de l’acquis à la mise en mouvement, de la propriété à la liberté. 1. L’imaginaire de vie bonne ▪
le rapport entre résultat et processus : passer de la dictature du résultat et de l’efficacité à la valorisation du processus ▪
entre prévision et inattendu : passer de l’obsession de la sécurité et la protection à l’accueil de l’inattendu, de l’imprévisible. St Paul Rm 8, 20 : « voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment peut-­‐on l’espérer encore ? » ▪
faire place à l’espérance : comme une terre promise qu’on ne connaît pas d’avance mais vers la quelle on marche ▪
lien avec LS : la terre « gémit en travail d’enfantement » : le monde n’est pas à réparer mais à féconder. La conversion écologique est aussi un appel à « la créativité » : créer ce n’est pas « fabriquer » mais permettre l’émergence du radicalement nouveau. Fabriquer est une manière de posséder l’espace tandis que créer est une manière d’initier un processus. ▪
Conséquence anthropologique : penser la vie humaine non pas en termes de protection et sécurité, mais en termes de création. Ce qui fait qu’un être humain soit « vivant » ce n’est pas qu’il respire et qu’i puisse manger et se loger, mais qu’il soit reconnu par sa capacité créatrice. 2. Le changement de style de vie : la mutualisation ▪
La mise en commun non seulement comme une manière de réduire les coûts (intérêt individuel), mais comme : ▪
Une expérience de liberté : on est moins attaché aux biens. C’est comme la sobriété dont parle le pape : « le plus du moins » 8
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Une autre expérience de réciprocité : on n’est pas dans la logique du don – contredon (je donne à condition de recevoir quelque chose d’équivalent) mais dans la logique de la co-­‐construction d’un bien commun. ▪
Une autre expérience d’identité : c’est l’appartenance commune et le projet commun qui donne de la valeur à chacun plutôt que ses compétences ou acquis personnels. 3. Le changement de mode de développement : économie de fonctionnalité ▪
L’expérience généralisée de mutualisation peut devenir un mode alternatif de développement : c’est le cas de l’économie de fonctionnalité qui consiste à privilégier l’usage du bien plutôt que sa propriété. ▪
Par exemple : les vélos publics, les autos publics, la location des outils de bricolage… : on remplace la vente des biens par la vente des services liés à l’usage de ces biens. ▪
Il s’agit d’une nouvelle manière d’organiser la vie ensemble : partenariat avec les collectivités territoriales, formation des usagers-­‐consommateurs, contribution à une refomulation des attentes et des besoins… ▪
Effet positif sur l’environnement : on produit moins de biens et plus durables, on remplace la production matérielle par la prestation de services : location, maintenance, réparation, régulation de stocks,… ▪
Externalités sociales positives : on favorise des habitudes de consommation plus vertueuses : Michelin loue des pneux aux transporteurs routiers et avec la location, forme à l’éco-­‐conduite et à l’entretien (gonflage adapté…) ▪
On privilégie le processus : l’usage (la manière de s’en servir) à la possession du bien CONCLUSION
Une image et 4 règles pour redessiner notre maison commune. Ce ne sont que des pistes pour libérer notre imaginaire et pas du tout des recettes à suivre. Ces pistes résonnent avec des pratiques et des modèles économique en émergence : de l’ESS, de l’économie circulaire, de l’économie de fonctionnalité. Elles nous dissent qu’un monde meilleur est possible mais qu’il reste à inventer. Depuis Rerum Novarum jusqu’à Laudato Si’, l’Eglise a accompagné les grandes mutations de la société en essayant à chaque fois de rappeler des fondamentaux et d’ouvrir l’horizon. Souvent sa pensée a été prise comme décalogue de bonnes conduites à suivre. Mais je crois que si la Pensée sociale de l’église nous aide à vivre ce n’est pas tellement par ses principes normatifs mais plutôt par l’imaginaire nouveau qu’elle ouvre à chaque moment de l’histoire. Elle est porteuse du souffle plutôt que du jugement, elle invite au déplacement plutôt qu’au recentrement, elle appelle à inventer plutôt qu’à respecter. Le langage utilisé n’a pas aidé à le percevoir. En ce sens Laudato Si’ constitue une véritable ouverture au monde par son langage simple et accessible : ne ratons donc pas cette opportunité qu’elle nous offre de devenir des artisans d’un monde nouveau. 9