ter-examen-philo-corrige-avril-2015-choix

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Dissertation préparée par Mlle May-Lynn el-Debs
SUJET : SUFFIT-IL D'AVOIR LE CHOIX POUR ETRE LIBRE ?
Introduction
On pourrait définir brutalement la liberté en disant « c’est faire ce que je veux ». Cette volonté qui n’est
rien en soi, ou dont les fondements restent difficiles à déterminer, s’exprime concrètement et
quotidiennement par des possibilités diverses devant lesquelles je dois faire un choix. Ces choix sont
donc la matérialisation de ma liberté. Suffisent-ils pour autant à me prétendre libre ? Ces choix euxmêmes, leur nature, leurs limites, ne sont-ils pas soumis à des déterminismes qui en limitent la capacité
à être des vecteurs de notre liberté ? Certes, être libre c’est pouvoir choisir. Mais avons-nous la liberté
de nos choix ? Après avoir réaffirmé notre liberté de choisir, nous nous demanderons si cette liberté
n’est pas une illusion et verrons que la véritable liberté consiste à pouvoir choisir nos choix.
I) Etre libre, c’est avoir le choix. La liberté peut en effet se définir par la possibilité de choisir.
1) Une vie sans choix est une vie aliénée. Ce que je ne choisis pas ne relève pas de ma liberté mais des
besoins (physiologiques par exemple : je ne choisis pas de devoir manger), des contingences c’est-à-dire
de ce dont je ne suis pas maître, des « aléas ». Pour être libre il faut en effet avoir le choix. L’esclave ne
choisit pas sa condition. Pour supprimer la liberté, la prison ne laisse pas de choix au prisonnier.
2) Certes tout ne dépend pas de nous, et nous ne sommes jamais absolument libres mais il y a aussi « ce
qui dépend de nous ». La morale stoïcienne est fondée sur cette distinction d’Epictète qui nous incite à
ne pas nous attrister de ce que ne nous ne choisissons pas mais plutôt de s’appliquer à faire les bons
choix quand nous le pouvons. C’est la mesure de notre liberté. Ne pas avoir tous les choix (je ne peux
pas choisir d’être grand si je suis petit) ce n’est pas ne pas être libre.
3) Exister c’est choisir, et à chaque moment je dois faire des choix qui m’engagent et engagent autrui.
Cette liberté « existentielle », après que je suis projeté dans l’existence (le « Dasein » de Heidegger) est
selon Sartre ce qui définit l’homme qui est constamment « condamné à être libre » ? La formule montre
bien la complexité de cette « liberté » qui est aussi une condamnation car je n’ai pas d’autre choix … que
faire des choix... et donc en prendre la responsabilité.
Transition : si être libre c’est bien faire des choix, ces choix eux-mêmes se trouvent confrontés à la
question de la liberté. Il ne suffit pas d’avoir le choix pour être libre si je ne suis pas libre de ces choix.
Dissertation préparée par Mlle May-Lynn el-Debs
II) Quelles sont les raisons de mes choix ? Ceux-ci dépendent-ils de moi ?
1) Mes choix sont limités :
L’homme ne choisit pas son lieu de naissance, l’endroit où il grandit, et toutes les influences qui le
façonnent. La liberté se décline en liberté de penser, de vouloir, d’agir : ai-je le choix de penser en
dehors de mon histoire personnelle et en dehors de ma culture ? Ai-je le choix de parler si je ne maîtrise
pas la langue qui devient instrument de pouvoir donc d’aliénation ? Choisir un comportement c’est
exprimer plus ou moins une morale (conduite de soi), cette morale est-elle choisie ou est-elle reçue ? Le
désir par exemple me « dicte » souvent sa loi et je crois choisir quand c’est le besoin désirant qui choisit
et m’aliène.
2) Qui choisit mes choix ?
La société (notamment marchande, celle des échanges commerciaux) nous propose des choix qui ne
nous libèrent pas. Ai-je le choix d’avoir de l’argent ? Et suffit-il d’avoir le choix que procure l’argent pour
me prétendre libre ? Suis-je libre en choisissant une marque de vêtement plutôt qu’une autre ? Plus de
chaînes à la télé renforce-t-il ma liberté ? Il ne suffit pas d’avoir « certains » choix pour être libre. Je crois
choisir quand je ne fais qu’adhérer à un conditionnement. Le plus souvent mes choix sont ceux d’un
groupe, d’une classe, d’une communauté… C’est le choix des autres…
3) Nous n’avons pas le choix.
Nous sommes mortels. Le seul choix est celui de vouloir rester en vie. « Il n’y a qu’un problème
philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide » (Camus, Le mythe de Sisyphe). « To be or not to be »
dit Hamlet dans son célèbre monologue. Ce choix le faisons-nous vraiment librement ou relève-t-il du
besoin de « se conserver en vie », pulsion de vie, instinct de conservation ?
Le choix est une illusion : nous sommes intégrés dans une succession sans fin de causes et d’effets qui
« agissent » sur nous et nous « déterminent » (théories du déterminisme).
Transition : faut-il alors accepter de n’avoir pas le choix et se résigner à une illusion de liberté ou
s’engager dans un processus de « libération » grâce auquel nous « choisirons nos choix » ?
III) La liberté c’est choisir nos choix.
1) La liberté de ne plus choisir ?
Certaines philosophies orientales prônent une forme de détachement et un « lâcher-prise » face à ce
déterminisme universel. Accepter de jouer le rôle que nous n’avons pas choisi. Ce déterminisme n’est
pourtant pas nécessairement un fatalisme. Il est là aussi l’expression d’une volonté, celle de ne pas
« résister » à ce qui nous dépasse mais de le faire dans un désir de partage et compassion avec toute
l’humanité.
Dissertation préparée par Mlle May-Lynn el-Debs
1) Nous ne choisissons pas tous nos choix, mais nous gardons la liberté de choisir.
Dans L’éthique de Spinoza le « conatus » n’est pas seulement une pulsion de vie qui pousse chaque
chose à « persévérer dans son être ». C’est un processus dynamique qui peut s’exprimer différemment
selon chaque individu et le pousser par exemple vers la tristesse ou la joie.
2) Le choix de la connaissance et de l’autonomie :
Nous gardons le choix d’être plus ou moins conscient, de connaître plus ou moins bien les raisons de nos
choix. Ma liberté s’exprime par mon désir de connaissance. J’ai le choix d’essayer de me connaître moimême, de mieux connaître les causes. Il s’agit alors de s’engager dans un processus d’autonomie,
d’augmenter notre capacité à choisir « par soi-même » et « en connaissance de cause ».
Le principe d’autonomie chez Kant : c’est seulement lorsque l’individu s’impose à lui-même une loi qu’il
agit moralement. En outre, il réalise ainsi sa liberté, qui ne peut se réaliser dans le vide, mais seulement
par “l’intermédiaire de la loi”. Cette loi choisie dicte mes choix et me libère car elle est l’expression
concrète de ma volonté.
Conclusion : pour être libre il faut le devenir, en se réappropriant nos choix. Il ne suffit pas « d’avoir » le
choix, mais il faut « être » ce choix…