Le chagrin des ogres, mise en scène Fabrice Murgia

Transcription

Le chagrin des ogres, mise en scène Fabrice Murgia
Le chagrin des ogres, mise en scène Fabrice Murgia
Qq pistes de réflexion
Genre : conte onirique à partir de faits réels
- L’affaire Bastian Bosse (2006), adolescent qui prit les armes dans son lycée après avoir
diffusé sur son blog son mal-être. F. Murgia crée le personnage à partir des propos de Bastian
récupérés tout de suite après son suicide.
- L’affaire Natasha Kampusch (2006), enfant enlevée à 10 ans et séquestrée pendant 8 ans et
qui parvint à s’enfuir.
- L’affaire Geneviève Lhermitte (2009), une mère de famille qui tue à coups de couteau ses 5
enfants à leur retour de l’école.
La trame narrative est complétée par l’histoire de Laetitia, adolescente suicidaire qui apparaît en
vidéo puis sur le devant de la scène sous les habits de Natasha.
A noter également le mythe de Cronos qui reprend les thématiques de l’ogre, de l’enchaînement des
générations et des relations père/fils : Cronos, devenu le roi des Titans après la castration de son
père, va se marier avec sa sœur Rhéa. Ensemble ils auront les premiers Olympiens : Hestia, Déméter,
Hadès, Poséidon, Héra et Zeus. Mais tout comme son père, Cronos craint que ses enfants ne le
détrônent donc il les avale tous. Sauf Zeus qui sera sauvé par sa mère qui le cachera sur le mont Ida
où il sera élevé par la chèvre Amalthée. Plus tard Zeus va se venger de son père en se faisant passer
pour son serviteur et en lui faisant avaler un puissant vomitif. Ainsi Cronos régurgite tout ses enfants
qui renaissent et vont se retourner contre leur terrible père. C’est ainsi que va débuter la
titanomachie.
Mise en scène contemporaine alliant la musique, la vidéo, la voix retravaillée, les jeux de lumière. Le
spectateur entre dans la salle alors que Dolorès déclame, avec une voix enfantine, l’histoire
mythologique de Cronos dévorant ses enfants. Les basses ponctuent le récit pour créer une
ambiance oppressante. Rupture du 4ème mur quand Dolorès s’adresse au régisseur (pour demander
de la lumière par exemple) ou même aux spectateurs quand elle ouvre le spectacle (« Mesdames et
messieurs, bonsoir. Ce soir, ne cherchez surtout pas à distinguer le vrai du faux. Car quoi qu’il arrive
ce soir, retenez que tout est réel. ») et pour raconter 3 petites histoires (l’homme dans le métro, une
jeune femme qui ne veut pas se marier et l’affaire Lhermitte). Finalement par le recours aux
technologies, par la succession de tableaux, le jeu des comédiens passe un peu au second plan.
Espace scénique :
- Un plateau vide à l’exception d’une balançoire suspendue aux cintres au second plan et à
cour. Il est entouré par deux bâches translucides qui laissent voir les coulisses. Il est
essentiellement occupé par Dolorès qui est la narratrice.
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En fond de scène, deux « boîtes » ouvertes sur la scène par une paroi translucide. Celle à
cour contient une table et un PC avec sa webcam, c’est celle de Bastian. Celle à jardin
contient un matelas, des vêtements, un petit poste de TV… Elle est occupée par Natasha. Ces
deux espaces sont retransmis par vidéo.
Sur la toile, des images de Laetitia sur son lit d’hôpital sont projetées.
Costumes, maquillage
- Dolorès : robe de mariée courte, gants blancs, voilage MAIS maquillage sanglant rappelant le
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« sourire » du Joker.
Natasha/Laetitia : des pyjamas pour la 1ère, des vêtements plus classiques pour la seconde,
contrastant avec le ballon rouge et qui apparaissent sous les différents ensembles portés en
couches successives.
Bastian est habillé en jean noir et tee-shirt sauf quand il se déguise en Dak Vador et que les
forces du mal prennent le dessus sur l’adolescent fragile.
Thèmes de réflexion :
- De l’enfance à l’âge adulte, les relations avec les parents ou entre les différentes générations,
le malaise, la place du rêve et la fuite dans l’imaginaire (cf univers Star Wars pour Bastian)
- La réflexion sur la norme, sur la normalité, sur l’identité
- Les médias à travers les journaux à sensation ou simplement les informations qui relayent les
faits divers, les nouveaux médias comme le blog de Bastian, monde virtuel ouvert sur
l’extérieur mais qui ne trouve pas véritablement d’oreille attentive, l’importance des images
dans notre société, un certain voyeurisme
Entretien avec Fabrice Murgia
Comment est né ce Chagrin des ogres, qui est d’ailleurs votre première création ?
Fabrice Murgia : Le spectacle a véritablement vu le jour en 2009, même s’il a été pensé en amont. Au
départ, je suis tombé sur le blog de Bastian Bosse, ce jeune Allemand de 18 ans qui, en 2006, tira sur
trente-sept élèves et professeurs de son ancien lycée avant de retourner l’arme contre lui.
Parallèlement, je venais d’avoir un enfant : j’étais dans une espèce de petit déchirement à l’intérieur,
que je n’arrivais pas à exprimer à l’époque mais que maintenant, en vieillissant, je parviens à
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intellectualiser. En quelque sorte, le fait de devenir père me questionnait sur ce que je devais laisser
derrière moi pour avancer. J’ai donc relié ces deux choses.
Ce qui peut surprendre…
Je ne sais pas si les Français peuvent vraiment s’en apercevoir, mais j’appartiens à une génération en
Belgique qui a vécu de près les évènements des années 90, les années Marc Dutroux… Une époque
où nous, l’équipe du Chagrin des ogres, avions approximativement le même âge que les victimes –
onze, douze ans…. En relisant nos carnets de jeunesse, on a tous retrouvé des choses sur cette
période où tout à coup, ces histoires sordides arrivaient en Belgique, où le populisme montait…
L’idée était-elle de faire une pièce générationnelle ?
Au départ, on ne "conscientisait" pas forcément ça. On avait vingt, vingt-cinq ans, et on l’a fait. C’est
aujourd’hui que l’on se rend compte que l’on parle quand même fort aux gens de notre âge, avec des
moyens et un langage propres à notre âge : la vidéo, ces images qui vont très vite, qui déferlent…
Le Chagrin des ogres évoque le destin de deux adolescents…
Oui. Il y a donc une histoire tirée de celle de Bastian Bosse, à partir de ma rencontre avec son blog, et
une autre autour de Natascha Kampusch. Dans son cas, on voulait à la fois parler de cette histoire là
aussi sordide, et en même temps, d’une jeune fille dont on a pris l’adolescence : elle a passé une
partie de sa vie seule et isolée, dans une non influence par rapport au monde. Elle avait la télé en
réalité, mais dans le spectacle, elle a simplement un petit poste de radio avec lequel elle essaie de se
reconstruire un monde.
Ce sont deux destins très différents que vous confrontez, où les deux adolescents subissent, mais
réagissent de manières différentes : l’une contre elle-même, l’autre en retournant cette violence
contre ceux qui l’entourent…
Le personnage de Bastian va trouver refuge dans le crime. Il est dans un isolement social, auquel il va
mettre un terme de manière violente. Alors que la jeune fille est dans un isolement factuel, physique.
Elle va accepter de rentrer dans la vie, en ayant grandi à côté de cette vie…
Ce sont finalement eux les ogres du titre. Mais ils ne sont pas nés ogre, ils le sont devenus…
Un ogre, par définition dans le dictionnaire des symboles, c’est un personnage issu des contes de
fées qui se nourrit de chair humaine et de rêves d’enfant. Donc quelque part, il y a cette idée. Mais,
dans le spectacle, il y a aussi l’idée de Saturne qui mange ses enfants, qui ne laisse pas la génération
d’après prendre le monde entre ses mains. On a grandi dans les années 80, où tout semblait possible,
alors que l’on est maintenant dans un pessimisme ambiant. En terme d’utopie, notre société recule.
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