*Titre : *Grand Larousse de la langue française en sept
Transcription
*Titre : *Grand Larousse de la langue française en sept
*Titre : *Grand Larousse de la langue française en sept volumes. Tome quatrième, Ind-Ny / [sous la direction de Louis Guilbert, René Lagane, Georges Niobey] *Auteur : *Larousse *Éditeur : *Librairie Larousse (Paris) *Date d'édition : *1975 *Contributeur : *Guilbert, Louis (1912-1977). Directeur de publication *Contributeur : *Lagane, René. Directeur de publication *Contributeur : *Niobey, Georges. Directeur de publication *Sujet : *Français (langue) -- Dictionnaires *Type : *monographie imprimée *Langue : * Français *Format : *1 vol. (paginé 2621-3697) ; 27 cm *Format : *application/pdf *Droits : *domaine public *Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200535k </ark:/12148/bpt6k1200535k> *Identifiant : *ISBN 2030007404 *Source : *Larousse, 2012-144943 *Relation : *Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34294780h *Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb345742880 *Provenance : *bnf.fr Le texte affiché comporte un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance obtenu pour ce document est de 100 %. downloadModeText.vue.download 1 sur 1066 Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 1989 ; sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL. Cette édition numérique a été spécialement recomposée par les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la BnF pour la bibliothèque numérique Gallica. downloadModeText.vue.download 2 sur 1066 II downloadModeText.vue.download 3 sur 1066 downloadModeText.vue.download downloadModeText.vue.download downloadModeText.vue.download downloadModeText.vue.download downloadModeText.vue.download downloadModeText.vue.download 4 5 6 7 8 9 sur sur sur sur sur sur 1066 1066 1066 1066 1066 1066 2561 ind indatable [ɛ̃databl] adj. (de in- et de datable ; 1970, Robert). Qui ne peut pas être daté : Des ruines indatables. inde [ɛ̃d] n. m. (lat. indicum, indigo, neutre substantivé de l’adj. Indicus, Indien, de India, l’Inde, dér. de Indi, Indorum, n. m. plur., « les Indiens » [l’indigo étant considéré comme originaire de l’Inde] ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 [« couleur... extraite de la guède », 1701, Liger] ; sens 2, 1600, O. de Serres). 1. Couleur bleue tirée de l’indigo, et, par extens., couleur bleue extraite de la guède : Une robe de taffetas couleur inde. Ϧ 2. Anc. nom de l’INDIGO. indébrouillable [ɛ̃debrujabl] adj. (de in- et de débrouiller ; 1764, Voltaire). Que l’on ne peut pas débrouiller (au pr. et au fig.) : Écheveau indébrouillable. Affaire, question indébrouillable. indécachetable [ɛ̃dekaʃtabl] adj. (de in- et de décacheter ; 1845, Bescherelle). Que l’on ne peut pas décacheter, qui est très difficile à décacheter (rare) : Un paquet indécachetable. indécelable [ɛ̃deslabl] adj. (de in- et de décelable ; 1943, Sartre). Qui ne peut être décelé : Des traces indécelables à l’oeil nu. • SYN. : imperceptible, invisible. — CONTR. : décelable, perceptible, visible. indécemment [ɛ̃desamɑ̃] adv. (de indécent ; 1537, Saliat, écrit indécentement [indécemment, 1580, Montaigne], au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. De façon contraire à la bienséance : Louvois fut accusé de s’être réjoui indécemment de la mort de Turenne (Voltaire). Ϧ 2. De façon contraire aux bonnes moeurs, à la pudeur : Être vêtu indécemment. indécence [ɛ̃desɑ̃s] n. f. (lat. indecentia, inconvenance, de indecens, -entis [v. l’art. suiv.] ; 1568, L. Le Roy, au sens 3 ; sens 1, 1690, Furetière ; sens 2, 1666, Molière). 1. Caractère de ce qui est contraire aux règles de la bienséance : J’ajoute qu’il y aurait une espèce d’indécence à introduire dans une fête que je veux bien donner chez Mme Verdurin une personne que j’ai retranchée à bon escient de ma familiarité, une pécore sans naissance, sans loyauté, sans esprit (Proust). Il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte [la bombe atomique] qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles (Camus). Ϧ 2. Caractère de ce qui est contraire aux bonnes moeurs, à la morale : L’indécence des propos, des manières. Des images confuses se formaient au-dedans de lui, qu’il suivait jusqu’à un certain degré d’indécence, et il les chassait (Mauriac). Ϧ 3. Action, propos, chose contraires à la décence ou aux bienséances : Dire, commettre une indécence. •SYN. : 1 impolitesse, inconvenance, incorrection ; 2 grivoiserie, immodestie, impudeur, impudicité, polissonnerie ; 3 grossièreté, impertinence, incongruité, obscénité. indécent, e [ɛ̃desɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. indecens, -entis, inconvenant [en parlant de personnes ou de choses], de in-, préf. à valeur négative, et de decens, -entis, convenable, bienséant, part. prés. adjectivé du v. impers. decere, être convenable ; XIVe s., Dict. général, au sens 2 ; sens 1, av. 1681, Patru ; sens 3, 1618, Cabinet satyrique). 1. Qui est contraire à la décence ; qui manifeste un manque de retenue, de respect de la bienséance et des convenances morales et sociales : Faire un étalage indécent de sa fortune. Il est indécent de répondre sur ce ton à un homme de son âge. Ϧ 2. Class. Qui ne convient pas, qui n’est pas approprié à son objet : Toutes ces expressions qui le rapportent [Dieu] à quelque temps, qui le fixent à un certain lieu, sont impropres et indécentes (Fénelon). Ϧ 3. Qui blesse la pudeur par manque de convenance aux bonnes moeurs : Cette robe, songeait Denis, serait indécente, comme toutes les robes de bal (Mauriac). C’était une grande fille à la chevelure d’un blond pervers, et qui avait une façon indécente de rire dans le nez des hommes (Aymé). Propos indécents. • SYN. : 1 choquant, déplacé, impoli, incongru, inconvenant, incorrect, malséant ; 3 déshonnête, égrillard, grivois, immodeste, impudique, licencieux, obscène, osé. indéchiffrable [ɛ̃deʃifrabl] adj. (de in- et de déchiffrable ; v. 1673, Retz, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière [aussi « très difficile à lire » ; en parlant d’un morceau de musique, 1873, Larousse] ; sens 3, 1690, Furetière). 1. Se dit d’un texte chiffré que l’on ne peut pas traduire en clair : Message indéchiffrable. Ϧ2. Dont on ne parvient pas à découvrir le sens : Inscription indéchiffrable. Écriture inconnue, indéchiffrable. Ϧ Par extens. Très difficile à lire : Manuscrit indéchiffrable. Ϧ Se dit d’un morceau de musique impossible ou très difficile à exécuter : Un air indéchiffrable. Ϧ 3. Fig. Très difficile à comprendre, à pénétrer, à expliquer : Je me suis attaché à vous, Marie. Et pourtant vous m’êtes une énigme, vous êtes indéchiffrable (Martin du Gard). Orsenna nous voit et nous entend, ajouta-t-il en relevant sur moi un regard indéchiffrable (Gracq). Dans cet univers indéchiffrable et limité, le destin de l’homme prend désormais son sens (Camus). • SYN. : 2 illisible ; 3 énigmatique, incompréhensible, inexplicable, inextricable, mystérieux, sibyllin. indéchirable [ɛ̃deʃirabl] adj. (de in- et de déchirer ; 1845, Bescherelle). Qui ne se laisse pas déchirer : Cet unique objet de literie, indéchirable, formé d’une couverture piquée entre deux toiles, lui répugnait (H. Bazin). • SYN. : solide. — CONTR. : fragile indécis, e [ɛ̃desi, -iz] adj. (bas lat. indecīsus, indécis, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et decīsus, part. passé de decīdere, couper, retrancher, décider, régler, de de-, préf. marquant la séparation, et de caedere, frapper, abattre, briser, fendre ; 1466, Bartzsch, au sens 1 [« non jugé — en parlant d’un procès » ; « dont l’issue est encore incertaine », 1756, Voltaire] ; sens 2, 1753, Buffon). 1. Se dit de ce qui n’est pas décidé, tranché : La question du financement de l’opération est restée indécise. Ϧ Dont l’issue est encore incertaine : Bataille indécise. Ϧ2. Se dit de ce que l’on ne peut pas déterminer, distinguer nettement ; mal défini : J’appliquais à son visage rendu indécis par le crépuscule le masque de mes rêves les plus passionnés (Proust). De loin en loin, le blafard éclairage des réverbères ponctuait l’ombre d’une flamme indécise (Carco). Parvenu sur la rive, il regardait au loin la ligne indécise de la mer (Camus). • SYN. : 1 ambigu, douteux, équivoque, flottant, incertain, indéterminé ; 2 confus, flou, imprécis, indéterminable, indiscernable, indistinct, trouble, vague. & adj. et n. (1798, Acad., comme adj. ; av. 1747, Vauvenargues, comme n.). Se dit d’une personne qui ne parvient pas à se décider, qui n’a pas encore pris un parti : C’est un esprit indécis. Il paraissait indécis sur le choix des moyens. S’efforcer de rallier à soi les indécis. •SYN. : hésitant, irrésolu, ondoyant, velléitaire. indécision [ɛ̃desizjɔ̃] n. f. (de indécis, d’après décision ; 1611, Cotgrave, au sens 2 ; sens 1, 1867, Littré). 1. État, caractère de ce qui est indécis, mal déterminé, vague : L’indécision d’un contour, d’un sourire. La mer semble partout entourée par les bleuâtres montagnes, semble fermée comme un lac ; elle est très diaphane, à cette heure nocturne, la mer sans navires, très vaporeuse et spectrale dans des indécisions grises (Loti). Ϧ2. Manque, absence de décision ; caractère, état d’une personne indécise : Il resta plusieurs jours dans l’indécision. Son indécision lui a fait manquer plusieurs bonnes occasions. • SYN. : 1 flou, imprécision ; 2 doute, embarras, hésitation, incertitude, indétermination, irrésolution, perplexité. indéclinabilité [ɛ̃deklinabilite] n. f. (dér. savant de indéclinable ; av. 1714, Fénelon, au sens 1 ; sens 2, 1765, Encyclopédie). 1. Class. Caractère de ce qui ne peut être évité : Donnez aux contreremontrants l’indéclinabilité ou irrésistibilité, ils n’en demandent jamais davantage (Fénelon). downloadModeText.vue.download 10 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2562 Ϧ 2. Caractère des mots qui ne se déclinent pas, bien qu’ils appartiennent à une catégorie de mots déclinables. indéclinable [ɛ̃deklinabl] adj. (lat. impér. indeclinabilis, qui ne dévie pas, et, à basse époque, dans la langue des grammairiens, « indéclinable », du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et du bas lat. grammatical declinabilis, déclinable, dér. du lat. class. declinare, détourner, incliner, infléchir, changer les mots au moyen de flexions, de de-, préf. à valeur intensive, et du v. archaïque clinare, incliner, faire pencher ; v. 1380, Aalma, au sens 2 [pour un mot qui garde la même forme à tous les cas, 1867, Littré] ; sens 1, XVe s., Godefroy). 1. Class. Qui ne peut être évité : Le plaisir indélibéré produira dans l’homme un bon vouloir d’une manière invincible, indéclinable et toute-puissante (Fénelon). Ϧ2. Se dit, en grammaire, de mots qui ne reçoivent pas les signes du genre, du nombre ni de la personne : L’adverbe est indéclinable. ϦSe dit d’un mot qui garde la même forme à tous les cas, bien qu’appartenant à une catégorie de mots déclinables. & n. m. (1838, Acad.). Mot indéclinable. indécollable [ɛ̃dekɔlabl] adj. (de inet de décoller ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Qui ne se laisse pas, ou qui se laisse difficilement décoller. indécomposable [ɛ̃dekɔ̃pozabl] adj. (de in- et de décomposer ; 1738, Voltaire, au sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Qui ne peut être décomposé : Les corps simples sont indécomposables. Ϧ 2. Fig. Qui ne peut être divisé en éléments séparés, qu’on ne peut analyser : Un ensemble indécomposable. • SYN. : 2 inanalysable. indéconcertable [ɛ̃dekɔ̃sɛrtabl] adj. (de in- et de déconcerter ; 1884, A. Daudet). Qui ne se laisse pas déconcerter (rare) : Cet horrible passé, confessé par elle chaque fois avec la même indéconcertable franchise (Daudet). indécousable [ɛ̃dekuzabl] adj. (de in- et de découdre ; 1873, Larousse). Qui ne peut être décousu : Une couture indécousable. indécrassable [ɛ̃dekrasabl] adj. (de in- et de décrasser ; milieu du XXe s., aux sens 1-2). 1. Qu’on ne peut décrasser, rendre propre. Ϧ2. Fig. et fam. Indécrottable. indécrochable [ɛ̃dekrɔʃabl] adj. (de inet de décrocher ; milieu du XXe s., aux sens 1-2). 1. Qu’on ne peut décrocher. Ϧ2. Fig. et fam. Impossible ou très difficile à obtenir : Un titre indécrochable. indécrottable [ɛ̃dekrɔtabl] adj. (de inet de décrotter ; 1611, Cotgrave, au sens 1 ; sens 2, av. 1654, Guez de Balzac). 1. Qui ne peut être décrotté, nettoyé : Des chaussures indécrottables. Ϧ 2. Fig. et fam. Se dit d’une personne qu’on ne peut améliorer, corri- ger de ses défauts, de ses insuffisances, de son ignorance, etc. : Un animal fangeux et indécrottable, avec un moral de maître d’école et un physique de tambour-major (Gautier). Son camarade de lit, un butor indécrottable (Hermant). J’ai bien peur que vous ne restiez pour la vie et pour l’éternité l’individu indécrottable que vous avez toujours été (Aymé). • SYN. : 1 indécrassable (fam.) ; 2 impénitent, incorrigible, incurable, invétéré. indédoublable [ɛ̃dedublabl] adj. (de inet de dédoubler ; 1863, Presse scientifique des Deux Mondes [t. II, p. 170], au sens général de « qui ne peut être dédoublé » ; en chimie, 1962, Larousse). En chimie, qui ne peut être dédoublé : Un polypeptide indédoublable. indéfectibilité [ɛ̃defɛktibilite] n. f. (dér. savant de indéfectible ; 1677, Mme de Sévigné [indéfectibilité de l’Église, 1743, Trévoux]). Caractère de ce qui est indéfectible, éternel : L’indéfectibilité d’un sentiment. ϦIndéfectibilité de l’Église, privilège attribué à l’Église de durer jusqu’à la fin du monde. indéfectible [ɛ̃defɛktibl] adj. (de inet du moyen franç. défectible, sujet à défaillance [XVIe s.], bas lat. defectibilis, même sens, de defectum, supin du lat. class. deficere, se séparer de, casser, faire faute, abandonner, de de-, préf. marquant la séparation, la cessation, et de facere, faire ; 1501, F. Le Roy, au sens 1 [en théologie, 1835, Acad.] ; sens 2, 1957, Robert). 1. Littér. Qui ne peut cesser d’être, qui dure éternellement : La matière est indéfectible. Cette beauté indéfectible et consommée (Huysmans). Véronique, en effet, se dérobe aux griefs ; sur son indéfectible onction souriante tout glisse, sarcasme, moquerie... (Gide). J’eus la certitude que l’amour est, par son essence, unique, constant, indéfectible (Chardonne). ϦSpécialem. En théologie, se dit de l’Église, qui doit durer jusqu’à la fin du monde. Ϧ 2. Qui ne peut faire défaut, manquer : Une mémoire indéfectible. • SYN. : 1 éternel, immarcescible (littér.), immuable, impérissable, indestructible ; 2 solide, sûr. — CONTR. : 1 éphémère, fragile, précaire ; 2 mauvais. indéfectiblement [ɛ̃defɛktibləmɑ̃] adv. indéfectiblement [ɛ̃defɛktibləmɑ̃] adv. (de indéfectible ; 1873, Larousse). De façon indéfectible : Être indéfectiblement dévoué à quelqu’un. Le pape est venu enseigner indéfectiblement la vérité (Veuillot). indéfendable [ɛ̃defɑ̃dabl] adj. (de in- et de défendable ; 1663, Molière, au sens 2 ; sens 1, 1893, Dict. général ; sens 3, 1897, Bloy). 1. Qui ne peut être défendu militairement : Une position, une place indéfendable. Ϧ 2. Qui ne peut être valablement soutenu, justifié (avec un terme abstrait) : C’est un mot étymologiquement indéfendable (M. Prévost). Cette doctrine, qui n’était pas indéfendable, faisait de jour en jour du chemin dans les esprits (Duhamel). Ϧ3. Se dit d’une personne dont on ne peut prendre la défense, sa conduite, ses actes étant manifestement condamnables ou critiquables : À ce point de vue, l’indéfendable Clotilde eût été réprouvée par les moralistes économes (Bloy). Je suis indéfendable, balbutia-t-il. Je ne me défendrai pas (Mauriac). • SYN. : 2 insoutenable. indéfendu, e [ɛ̃defɑ̃dy] adj. (de in- et de défendu, part. passé de défendre ; 1667, Corneille). Vx. Qui est sans défense : [Attila] ravageait les peuples indéfendus (Corneille). indéfini, e [ɛ̃defini] adj. (lat. impér. indefinitus, indéfini, vague, de in-, préf. à valeur négative, et du lat. class. definitus, précis, déterminé, part. passé adjectivé de definire, délimiter, de de-, préf. à valeur intensive, et de finire, limiter, borner, achever, dér. de finis, limite, terme ; XIVe s., puis 1545, Bonivard, au sens I, 1 ; sens I, 2, av. 1794, Condorcet [par opposition à infini, 1641, Descartes] ; sens I, 3, 1817, Gérardin de Mirecourt [tige indéfinie, 1855, Nysten ; inflorescence indéfinie, 1845, Bescherelle] ; sens II, 1, 1873, Larousse ; sens II, 2, 1867, Littré [proposition indéfinie, 1752, Trévoux ; jugement indéfini, XXe s.] ; sens II, 3, 1607, Maupas [aussi article indéfini et pronom indéfini ; adjectif indéfini, 1873, Larousse ; passé indéfini, 1803, Boiste ; prétérit indéfini, 1548, Sébillet]). I. QUI N’EST PAS FINI. 1. Qui n’est pas limité, délimité, ou ne peut l’être : Je serais demeuré un temps indéfini à l’écouter et à la regarder (Maupassant). Ϧ 2. En philosophie, par opposition à fini, se dit de ce qui, étant rationnellement fini, peut cependant devenir plus grand que toute quantité donnée : Des progrès indéfinis. Le nombre des individus d’une espèce est indéfini. Ϧ Spécialem. Chez Descartes, par opposition à infini, se dit de ce à quoi l’on ne peut assigner une fin sous un rapport donné : Pour les choses où sous quelque considération seulement je ne vois point de fin, comme l’étendue des espaces imaginaires, la multitude des nombres, la divisibilité des parties de la quantité [...], je les appelle indéfinies, et non pas infinies, parce que de toutes parts elles ne sont pas sans fin ni sans limites (Descartes). Ϧ 3. En botanique, se dit des pièces florales dont le nombre n’est pas constant : Étamines indéfinies. Ϧ Tige indéfinie, tige dont le bourgeon terminal s’allonge de manière indéfinie. Ϧ Inflorescence indéfinie, celle qui ne comporte pas de fleur terminale et où l’axe peut croître indéfiniment : La grappe est une inflorescence indéfinie. II. QUI N’EST PAS DÉFINI. 1. Que l’on ne peut définir, qui demeure vague, indédownloadModeText.vue.download 11 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2563 terminé : Un trouble indéfini. Portant sa pierre à l’oeuvre indéfinie et sombre | Qu’avec le genre humain fait la création ! (Hugo). Maintenant, il se levait, mais dans un tel accablement moral, en proie à un mal indéfini, si têtu, si envahissant qu’il vivait ses journées étendu sur une chaise longue, devant un grand feu de bois (Zola). Le rêve, comme chaque matin, s’achevait en raisonnements indéfinis, qui ressemblaient parfois à d’ingénus plaidoyers (Duhamel). Ϧ 2. En logique, qui n’est pas défini, déterminé dans sa compréhension : Terme indéfini. Ϧ Proposition indéfinie, proposition générale qui convient à tous les êtres d’une même espèce. ϦJugement indéfini ou limitatif, jugement affirmatif dont le prédicat est un terme négatif. Ϧ 3. En linguistique, se dit d’un terme qui exprime une idée générale sans l’appliquer à un objet déterminé. (On dit aussi, substantiv., un INDÉFINI.) ϦArticle indéfini, celui qui présente l’être ou l’objet que le nom désigne avec une individualisation indéterminée (ex. :UN arbre, DES gens). [V. ARTICLE.] ϦAdjectif indéfini, celui qui indique une indétermination (comme aucun, quelque, plusieurs, etc.). Ϧ Pronom indéfini, nominal qui présente une personne ou une chose avec indétermination (comme on, quiconque, chose, rien, etc.). [V. art. spécial ci-après.] Ϧ Passé ou prétérit indéfini, anc. nom du PASSÉ COMPOSÉ. • SYN. I, 1 illimité, indéterminé, infini. Ϧ II, 1 confus, imprécis, incertain, indécis, indéfinissable, trouble. — CONTR. : I, 1 délimité, limité ; 2 fini. ϦII, 1 défini, déterminé, distinct, net, précis. & indéfini n. m. (1641, Descartes). L’indéfini, ce qui n’est pas défini : Le décor mouvant, élastique de l’indéfini (Baudelaire). GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE LES MOTS INDÉFINIS On appelle « indéfinis » un certain nombre de pronoms et d’adjectifs que l’on rapproche moins par l’identification d’un trait commun que par l’absence de certains traits plus aisément reconnaissables : ils ne sont pas « qualificatifs », ni « personnels », ni « possessifs », ni « démonstratifs », etc. De ce fait, le mot « indéfinis » terminait la liste des pronoms et celle des adjectifs dans la Nomenclature de 1910, reconduite en 1949 : Ferdinand Brunot, qui rédigea l’arrêté, formulait d’ailleurs mainte réserve : selon lui, l’un et l’autre pouvaient être dits « réciproques » ou « distributifs », plusieurs « numéral ». Henri Yvon, dans un projet de réforme de la nomenclature (le Français moderne, juill. 1956 et avr. 1958), proposait d’appeler « quantitatifs » les adjectifs indéfinis, et « nominaux » les pronoms. Une grammaire hardiment novatrice, celle de Charles Bruneau et Marcel Heulluy (1937), éliminait sans autre forme de procès de la classe des indéfinis les mots on, même et autre, qu’elle joignait aux « personnels », différents, divers, plusieurs, quelques, quelques-uns, chaque, chacun, tout, qu’elle joignait aux « numéraux », et quiconque, qui que, quel que et quelque... que, qu’elle joignait aux « relatifs ». Il ne manquait à ces réformateurs que de s’accorder entre eux. DÉFINITION FORMELLE Les pronoms indéfinis sont substituables aux autres classes de pronoms et aux noms propres ; comparer : Ils sont venus. / Tous sont venus. Jean a parlé. / Quelqu’un a parlé. Cette équivalence formelle justifie seulement l’appellation de « pronoms ». Les adjectifs indéfinis précèdent généralement le nom ou le pronom, soit à la place de l’article, soit avant l’article, soit après l’article : certains arbres, tous les arbres, les mêmes arbres ; mais quelques-uns peuvent suivre le nom ou le pronom : un arbre quelconque, les arbres mêmes, nous tous. La place de ces adjectifs n’est donc pas un critère d’unité. Il arrive qu’un mot indéfini soit employé comme adverbe, et devienne de ce fait invariable : Rapporter les emballages, même déchirés. Elle a quelque cinquante ans. Ils sont tout émus. Mais cette possibilité n’existe que pour même, quelque et tout. Ce n’est donc pas du côté de la « distribution » qu’on peut trouver le point commun définissant les mots « indéfinis ». DÉFINITION FONCTIONNELLE Serait-ce du côté de la fonction ? La réponse est à chercher dans le plan des signifiés, en liaison avec le signifié du nom (v. ce mot, art. spécial) ou du pronom, lequel s’identifie par beaucoup de traits à la notion d’« ensemble » des mathématiciens. L’idée d’« ensemble » suppose des élé- ments x (x1, x2, x3, etc.) en nombre variable, réunis et définis par une propriété constante p, qui peut être une qualité (tout élément x de l’ensemble des chevaux est défini par la somme des caractères permanents de l’espèce « cheval ») ou une relation (tout élément x de l’ensemble des Parisiens est défini par le fait d’habiter Paris). Le contenu sémantique qualitatif du nom, et celui des adjectifs qualificatifs épithètes, est un composant de la constante p. Or, les mots indéfinis ne visent jamais l’indication d’une « qualité », qu’ils soient pronoms (tout, quelqu’un) ou adjectifs (d’autres/ quelques chevaux) ; s’ils ont un emploi qualificatif, ils cessent d’être indéfinis (un livre très quelconque, des bruits divers), ou, du moins, ne le sont pas par là (« Jeanne et moi, nous avons la même robe » : la ressemblance qualitative de deux robes est suggérée par l’expression d’une identité substantielle). Les adjectifs possessifs et démonstratifs expriment une « relation » entre l’élément désigné et certains points d’ancrage personnels ou spatiaux de la situation : tes chevaux (= les chevaux qui sont à toi), ces chevaux (= les chevaux qui sont ici) ; cette relation est encore partie intégrante de la constante p. Au contraire, les indéfinis n’expriment aucune référence à la situation. Les adjectifs numéraux expriment la quantité, qui ne fait pas partie de la constante : la dualité exprimée dans un groupe nominal comme deux chevaux est une propriété de l’ensemble des chevaux désignés, et non de chaque élément de cet ensemble ; elle concerne la substance x, non la constante p. Or, il semble bien que la fonction des mots indéfinis concerne également la substance, non la constante, mais concerne-t-elle la « quantité » de cette substance ? Certains linguistes l’ont pensé, et ont groupé les indéfinis avec les numéraux dans une classe unique de « quantificateurs ». Cette thèse n’est guère soutenable pour les indéfinis autre et même, comme l’a montré Michel Arrivé dans le Français moderne (avr. 1965). Elle s’applique mieux à des mots comme nul, quelques, maint(s), tous. On remarquera pourtant une différence entre l’indication du nombre par un adjectif numéral comme trente et son indication par l’adjectif indéfini tous : la première est absolue, la seconde relative aux limites du référentiel, c’est-à-dire, ici, de l’ensemble considéré ; trente élèves a le même sens quelle que soit l’unité de groupement scolaire où ces deux mots sont prononcés, mais tous les élèves peut signifier trente dans une classe, cinq cents dans une école, trois mille dans un lycée, etc. ; de même les autres donne une indication numérique dans un référentiel connu à condition qu’un premier sous-ensemble d’éléments, résumable par les uns, ait été désigné. L’indication de nombre donnée par les indéfinis adjectifs ou articles n’est qu’un effet résultant de leur valeur propre. downloadModeText.vue.download 12 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2564 Même si l’on désigne trente pages en disant toutes les pages, l’expression du nombre n’est pas la fonction essentielle de l’adjectif tout, qui peut exprimer la totalité dans l’unité même : toute la page. L’« indéfini » doit s’opposer au « défini » dans le domaine des pronoms et des adjectifs comme dans le domaine de l’article, où l’opposition est transcendante au nombre : un cheval/le cheval ; des chevaux/ les chevaux. Comme le sens des articles, le sens des adjectifs et des pronoms indéfinis s’éclaire par le recours à la notion d’identité — que nous sentons intuitivement dans la conception de notre moi, et que nous transportons dans chaque objet conçu comme une substance. Les mots indéfinis sont des instruments de saisie des éléments d’un ensemble fondés sur les rapports qu’ils entretiennent entre eux dans la substance ; un, quelque, certain, tel, même, autre expriment des libertés ou des restrictions concernant l’identité sans référence à aucun élément de détermination extérieur à l’ensemble ; chaque, tout, signifiant la saisie distributive ou globale de tous les éléments d’un ensemble, aboutissent à une détermination de fait, en contradiction avec le terme « indéfini », mais cette détermination n’est pas leur fait ; un groupe nominal comme tous mes enfants comporte : — une détermination externe exprimée par mes, qui rattache l’ensemble à une constante notoire ; —une détermination interne exprimée par tous, qui précise dans le cadre de l’ensemble et sans en sortir la quantité d’éléments concernés. Il n’est pas exclu que la suggestion du nombre prenne la première importance, et c’est pourquoi tels adjectifs indéfinis ne s’emploient pratiquement qu’au pluriel (quelques, différents), quoiqu’il n’en ait pas toujours été de même. Le caractère imprécis du nombre ainsi exprimé explique pourquoi ces mots restent classés dans les « indéfinis » au lieu d’être rattachés au système des nombres, où la fonction légitimerait leur intégration (le mot plusieurs, de valeur absolue constante, est d’une réelle utilité en mathématiques, si le mot maint, de sens trop relatif, n’y a aucun emploi). Un certain nombre de mots indéfinis ont reçu des fonctions particulières qui leur ont fait attribuer des désignations différentes : interrogatifs (qui, que), relatifs (qui, quiconque, lequel), concessifs (quel que). C’est alors la modalité, ou la fonction syntaxique, ou la « circonstance » qui prend l’importance première. Le pronom on, de par sa distribution, est souvent intégré aux pronoms « personnels ». LE PRONOM « UN » L’emploi de un comme article (Il porte un chapeau) et son emploi comme adjectif numéral (Il n’a qu’un costume) sont étudiés ailleurs. On considère ce mot comme un pronom indéfini dans les emplois suivants. • 1° Au singulier, précédé facultativement de l’article défini élidé (l’), il est normalement suivi d’un complément qui délimite le référentiel, c’est-à-dire l’ensemble de référence, animé ou non : (l’)un de mes livres, (l’)une de nous. Il n’est pas possible de dire : *les deux (trois, etc.) de nous. En revanche, si l’ensemble de référence est représenté par en (Donne-m’en un), l’emploi de l’article devient impossible (*Donne-m’en l’un), et un doit être tenu pour un pronom numéral. La langue littéraire emploie (l’)un(e) sans complément si le contexte supplée le référentiel : Les orchidées tourmentées se penchent anxieusement vers Honoré ; une a l’air méchant (M. Proust). L’emploi de l’article est toujours facultatif, sauf dans la locution de deux choses l’une ; comme devant on, l’article a souvent pour fonction d’éviter un hiatus : si l’un (mais : quand un). •2° Au singulier, sans article et sans antécédent, suivi d’une proposition relative déterminative, un (une) signifie dans la langue familière « un homme » (« une femme ») : Elle soupirait comme une qui a du chagrin (E. Pérochon). • 3° Au pluriel, précédé obligatoirement de l’article défini, un(e)s s’emploie seulement en corrélation avec le pronom autres (v. ci-après). HISTORIQUE On rencontre en ancien français comme aujourd’hui le pronom un ou une sans article et suivi d’un complément : une des tors (Villehardouin, § 174), une des lor (ibid., § 179). Le complément n’était pas nécessaire quand le contexte offrait l’antécédent : Et dont[= alors] firent armerles galies totes : li dux de Venise et li marchis de Monferrat entrerent en une .. (ibid., § 145). L’article défini s’employait devant un comme aujourd’hui : De cels fu li uns Odes li Champenois [l’un de ceux-ci était Eudes le Champenois] (ibid., § 114). Il s’employa même jusqu’au XVIe s. devant un suivi d’un nom : de l’une mer à l’altre mer (Wace). L’un membre sera perclus, l’autre en vigueur (Montaigne). Ce mariage paradoxal du défini à l’indéfini a sa clef dans un usage du latin vulgaire, où ille placé après un nom de nombre avait la valeur référentielle d’un complément comme illorum, illarum ; comparer : illi duo : « ces deux-là », duo illi : « deux de ceux-là ». La seconde construction, conservée en roumain, où unul signifie « un d’eux », a été inversée en gallo-roman (comme l’atteste le latin médiéval), et l’on explique ainsi des constructions courantes comme : Des doze pers li dis en sunt ocis (la Chanson de Roland). Sept somiers [= chevaux de charge] avoec moi menrai, les deus [= deux d’entre eux] cargiés d’or et d’argent (Floire et Blancheflor, XIIe s.). Le tour se rencontre encore au XVIIe s. : Des trois les deux sont morts (Corneille). Il se maintient dans l’expression des fractions (les deux tiers) et dans le groupe l’un, l’une, dont il accuse le caractère « indéfini » dans la mesure où il continue à exprimer le rapport de l’élément à l’ensemble référentiel, à la différence d’un numéral pur. L’emploi de un pour quelqu’un devant une proposition relative appartenait, dans l’ancienne langue, au français commun, et Pascal écrivait encore : Ma fantaisie me fait haïr un qui soufle en mangeant. Cependant, Corneille, quand il corri- gea ses propres oeuvres, remplaça systématiquement un par quelqu’un dans cet emploi. downloadModeText.vue.download 13 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2565 « AUTRE », « AUTRUI », « DIFFÉRENTS », « DIVERS » Autre exprime l’altérité substantielle de deux éléments d’un ensemble : Ta cravate est tachée, mets-en une autre. L’altérité peut glisser de la substance à ses caractères, et autre devient un adjectif qualificatif : Tâche de mettre une robe autre que la sienne. Je me sens tout autre. En revanche, les adjectifs différents et divers, qui expriment normalement des différences de qualité (deux enfants très différents), en sont venus (le second dès le latin) à exprimer la différence d’identité et ont été construits comme l’article : Différentes personnes ont été consultées. J’ai agi pour diverses raisons. Comme adjectif indéfini, autre précède le nom et doit être précédé d’un actualisateur : un autre nom, les autres rayons, mon autre robe, certains autres employés. L’article indéfini des est remplacé par de : d’autres employés. Il peut se rapporter dans les mêmes conditions à certains pronoms : les autres miennes ; mais le plus souvent il est postposé aux pronoms en construction directe ou indirecte : Personne (d’)autre. Quoi d’autre ? Il s’ajoute directement aux formes toniques plurielles du pronom personnel pour souligner l’identité par contraste : nous autres ; vous autres Anglais ; et familièrement : elles autres. Autre adjectif placé après le nom prend la valeur qualificative . Mon Dieu, Madame : j’ai des idées autres (Brieux). Il peut cependant être postposé au sens indéfini, surtout s’il doit recevoir un complément de comparaison : Il s’était refusé à verser les deux cents francs de la pension entre des mains autres que celles de son père (Zola). Comme pronom indéfini, autre est également précédé d’un actualisateur ; alors • 1° Sans antécédent, il désigne des personnes : Il n’est pas plus bête qu’un autre (P. Mille). Tu en aimes un autre ? (A. Daudet). Nul autre ne le sait. D’autres vont maintenant passer où nous passâmes (Hugo). Il prend avec l’article défini une valeur d’imprécision désinvolte dans la locution comme dit l’autre ; il devient nettement insolent quand il désigne une personne qu’on pourrait nommer. La langue littéraire emploie dans un sens général autrui, surtout dans les fonctions de complément : Respectez autrui. Le bien d’ autrui. La fonction sujet n’est pas sans exemple : Autrui nous est indifférent (Proust). La langue commune use d’un neutre correspondant, autre chose : Cherche autre chose de moins dangereux. • 2° Avec antécédent, il désigne des personnes ou des choses : Prenez mon crayon, j’en ai un autre. Appelez Paul et les trois autres. L’article manque dans quelques locutions : de façon (manière) ou d’autre ; de temps à autre ; Je lui ai dit, entre autres... ; Les voyageurs pour Saint-Mihiel, Verdun et autres (Courteline). Autre est souvent employé en corrélation avec l’un. Ils sont ordinairement pronoms et désignent deux ou plus de deux parties d’un même ensemble : L’une parlait, l’autre écoutait. Les uns bavardaient, d’autres lisaient, d’autres jouaient. Ils peuvent être coordonnés par et, ou, ni : Les uns et les autres écoutaient. Dans ce cas, l’un peut adopter la nature adjective de l’autre : Ni l’un ni l’autre escadron (Michelet). Des phrases comme : L’un déteste l’autre, L’un a dit du mal de l’autre peuvent exprimer une relation à sens unique ou réciproque ; mais le caractère indéfini des deux pronoms permet de leur faire exprimer la réciprocité en les rapprochant dans une phrase à sujet pluriel indépendamment exprimé : Ils se détestent l’un l’autre. Ils ont dit du mal l’un de l’autre. Qui veut les séparer doit d’abord leur ôter le goût l’un de l’autre (Zola). HISTORIQUE • Le latin classique exprimait l’altérité par — alter si le référentiel ne comptait que deux éléments ; —alius s’il comptait plus de deux éléments. Le latin impérial généralisa alter aux dépens d’alius, qui n’est conservé en ancien français qu’au neutre sous la forme el (issu d’alid, doublet peu classique d’aliud, ou encore d’*ale, analogique de tale d’après alis/talis) : Que fereient-il et ? (la Chanson de Roland, 1185). Les mots comme aussi (alsi), autant (altant), dont le premier élément continuait ali-, sont doublés en ancien français par des mots remontant à alter : autresi, autretant. • Alter pouvait joindre à sa valeur indéfinie le sens numéral de « second », que conserve altre en ancien français : La premere est des Canelius les laiz, L’altre est de Turcs et la terce de Pers [Le premier corps de bataille est de laids Chananéens, Le second de Turcs et le troisième de Persans] (la Chanson de Roland, 3238 et 3240). Cet emploi sera éliminé dans la langue savante par segons (XIIe s.) et dans la langue populaire par deusième (XIVe s.). • Une confusion est souvent faite, dans bien des langues, sur le sens des mots signifiant « autre » : ils en viennent à marquer non plus l’altérité d’un sous-ensemble dans un référentiel commun (des pommes et d’autres fruits, des oranges), mais l’altérité d’un ensemble relativement à un autre (des pommes et d’autres oranges) ; cet emploi, normal en grec ancien, s’observe en danois, en espagnol, en provençal, en bas latin ; on en relève de nombreux exemples en ancien français : Ja le ferrai do pié com un autre mastin [Je le frapperai du pied comme un chien] (Renaut de Montauban). downloadModeText.vue.download 14 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2566 • Autre pouvait être pronom ou adjectif sans actualisateur : Hom ki traïst altre nen est dreiz qu’il s’en vant [L’homme qui trahit un autre, il n’est pas juste qu’il s’en vante] (la Chanson de Roland, 3974). Adonc issi l’empereres [...] fors de la cité par autres portes [L’empereur sortit de la cité par une autre porte] (Villehardouin, § 177). De même qu’en latin alterum était masculin ou neutre, la forme du masculin singulier fonctionnait en ancien français comme un neutre, signifiant « autre chose » : N’en voil or plus traitier D’altre voil cumencier (Ph. de Thaon). • Autrui était à autre sans article ce que celui était à cil et à cel, un datif devenu un cas régime renforcé (v. ATTRIBUTION, art. spécial) ; le datif ayant exprimé en bas latin la possession, autrui présente en ancien français la fonction possessive : J’ai vescu de l’ autrui chatel [= du bien d’autrui] (Rutebeuf). Montaigne use encore du nom l’autruy pour « le bien d’autrui » : On nous duict à nous servir plus de l’autruy que du nostre (Essais, III, XII). Mais, à son époque, la conscience de la valeur casuelle était dès longtemps effacée, au point que G. Gougenheim relève déjà chez d’Aubigné un emploi d’autruy comme sujet : La gloire qu’autruy donne est par autruy ravie.. •L’emploi d’autre sans article se rencontre jusque chez Molière : Je viens ici pour autre sujet (le Mariage forcé). Mais l’édition de 1697 corrigeait le texte en un autre. L’emploi de l’article défini a toujours été possible, comme devant un (v. plus haut) et par héritage du même tour latin : li autre remonte au gallo-roman ille alter, issu, par permutation, de alter ille, remplaçant en bas latin alter illorum, « un autre de ceux-là ». Originellement, l’article du groupe l’autre marque donc seulement la détermination de l’ensemble référentiel, mais comme l’élément se trouvait aussi déterminé par l’élimination du sous-ensemble précédemment désigné (élément ou groupe d’éléments), cet article d’origine très particulière se confondait avec tout article défini, et justifiait le recours à l’article un(s) quand il y avait lieu de marquer l’indétermination : Et ne tarda guaires aprés que s’en ala uns autres halz hom de l’ost [de l’armée] (Villehardouin, § 109). • L’emploi de autre après nous, vous a un ancêtre ou un modèle latin : At nos hinc alii sitientes ibimus Afros (Virgile, Églogue I, 65). De là en provençal nautre, vautre, en espagnol nosotros, vosotros. • En latin, alter (comme alius) répété s’opposait à lui-même : Alter ridet, alter flet [L’un rit, l’autre pleure]. Alter alteri auxilium fert [Ils se portent secours l’un à l’autre]. Cet usage se perpétue dans des constructions (imitées du latin) comme : Autre est promettre, autre est donner (Dict. de l’Acad., 1932). Mais en bas latin apparaît l’opposition unus/alter (Grégoire de Tours), continuée par li uns/li altre(s) en ancien français : Et quant il i vinrent, i troverent II voies, l’une boine, et l’autre male (Istoire d’outre mer). La réciprocité n’est pas encore explicitement marquée dans des phrases comme : Li uns l’autre preudomme claime (le Vair Palefroi), mais toute ambiguïté est écartée quand le verbe est au pluriel : Li uns vers l’autre a esperon Par le gré brochent a bandon (le Roman de Thèbes). La construction en apposition du français moderne est rare avant le XIVe s. (J. Stéfanini, la Voix pronominale en ancien et en moyen français). • L’emploi de divers comme adjectif indéfini remonte au bas latin : per diversas regiones (Lactance, début du IVe s.) ; différents a suivi le modèle. « MÊME » Autre a pour contraire même, qui ex- prime l’unité d’identité : • 1° Précédé de l’article, même est adjectif s’il est suivi d’un nom ; il marque qu’un seul élément ou groupe d’éléments (exprimé par le nom) est le terme d’une relation qui a pour source plusieurs éléments ou groupes d’éléments distincts, ou inversement ; c’est la valeur du latin idem et de l’anglais same : Jeanne et Paul ont le même père. Les mêmes tarifs sont appliqués aux hommes et aux femmes. L’une des deux sources peut être présentée comme l’étalon d’un jugement de comparaison (v. ce mot, art. spécial) : Tu as les mêmes goûts que moi. En l’absence de nom, le groupe article + même devient pronom : Notre goût est le même. Il est neutre dans l’expression : Cela revient au même. • 2° Placé après le nom (ou le pronom), même est toujours adjectif ; il souligne par redondance l’identité dans des conditions où elle pourrait être mise en doute ; c’est la valeur du latin ipse et de l’anglais himself : Le Président même assistera à l’inauguration. Ce sont ses paroles mêmes. Lui-même vous répondra. Il est souvent associé à un pronom personnel pour représenter le sujet de la phrase ou reprendre un pronom de sens réfléchi : Je voudrais être enfin moi-même. Connais-toi toi-même. Employé après un nom de qualité attribut, il marque que le sujet incarne au mieux cette qualité : Mon père était la bonté même. • 3° Même peut être un adverbe, invariable. Il marque alors qu’une condition particulière n’infirme pas la validité d’une relation générale énoncée dans la phrase : Même prévenus, ses auditeurs se laissent duper. Il refusera, même si vous offrez le double. Il chasse même quand c’est interdit. Dans ces exemples, même est placé devant le membre de phrase exprimant la condition spécifiée, mais son sens porte sur l’assertion totale de la phrase : il renforce non plus l’identité d’un des termes de la relation, mais tout l’énoncé, et, de ce fait, sa place est assez libre ; il peut être rapproché du verbe : Ses auditeurs se laissent même duper quand ils sont prévenus. Il a même chassé quand c’était interdit. La différence entre même adjectif et même adverbe apparaît dans des phrases comme les suivantes : 1. Il est arrivé le dimanche même. 2. Il travaille même le dimanche. La première phrase fait porter l’affirmation sur l’identité du jour désigné : « il est arrivé le dimanche (et non pas un autre jour) ». La deuxième la fait porter sur l’action principale (travaille) dont la downloadModeText.vue.download 15 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2567 réalité, normale les autres jours, n’est pas infirmée le dimanche : 3. Je parlerai au commissaire même (à personne d’autre). 4. Je parlerai même au commissaire (à tout le monde, y compris le commissaire). Mais l’emploi adverbial de même ne s’explique génétiquement que par l’existence d’un grand nombre de cas où l’identité d’un objet ou d’une personne est une condition qui pourrait infirmer l’assertion totale : il y a alors intersection entre les deux valeurs, et il en résulte une incertitude orthographique : Les savants même(s) peuvent se tromper. Le problème ne se pose plus si même précède le nom : Même les savants. HISTORIQUE Le latin classique exprimait par deux mots différents, idem et ipse, les idées que le français moderne distingue par la construction d’un seul mot, même, et qu’on appellera pour la commodité « identité » (idem homo, « le même homme ») et « ipséité » (homo ipse, « l’homme même »). Au lieu de dire : Il habite la même maison que j’habite, on peut dire : Il habite cette maison même que j’habite. L’identité de la maison désignée est exprimée par le démonstratif cette, et même souligne l’unité de cette identité ; le tour est expressif et exempt de toute ambiguïté. Or, ce tour était répandu en latin familier, où l’on remplaçait volontiers idem par hic/iste/ille + ipse ; Cicéron lui-même écrivait dans le Pro Roscio : ista ipsa[= eadem] lege quae..., « par la même loi qui... » ; en roman ipse, précédé ou non d’un démonstratif, élimina idem, comme dans cette phrase de la pieuse dame Éthérie racontant son pèlerinage vers la fin du IVe s. (ErnoutThomas, § 216) : Non ipsa parte exire habebamus qua intraveramus [Nous ne devions pas sortir du même côté que celui par lequel nous étions entrés] (Peregrinatio Aetheriae). Dans d’autres contextes, la valeur d’ipséité soulignait une précision de nombre ou de date en glissant vers le sens qu’exprime en français moderne un adverbe comme « exactement » : Trigenta dies erant ipsi [Il y a exactement trente jours] (Cicéron, Lettres). Nunc ipsum [en ce moment même] (ibid.). Ipse est conservé sous la forme eps dans le vieux texte de la Passion (Xe s.) ; il y exprime l’ipséité dans : Tu eps l’as dit, respon Jesus. Mais ailleurs les conditions sont remplies pour qu’affleure l’idée d’identité unique : Lo nostrae seindra en eps cel di Veduz furae veiades cinc [Notre seigneur dans ce même jour a été vu cinq fois]. Et ailleurs, l’emploi moderne adverbial est en germe : Chi eps los morz fai se revivre [Qui fait revivre même les morts]. Par la suite, ipse n’apparaîtra que sous la forme es, ou is (de *ipsī), conservée dans la locution en es le pas, « sur-le-champ » (dans le même pas), devenue isnellepas par contamination avec isnel, « rapide », et dans les adverbes nees (neis), « pas même » (nec ipsum), ades, « à l’instant même ». C’est un pronom-adjectif composé d’ipse qui a donné même. Par une redondance que réprouvait Donat, ipse était employé après les pronoms personnels déjà renforcés du suffixe -met : egomet ipse ; une mauvaise coupe rattacha met au pronom de droite, qui devint *metipse, postulé par le provençal medeis ; le renforcement par un suffixe superlatif aboutit à *metipsĭmus, postulé par l’italien, par l’espagnol, et par l’ancien français meesmes (meïsmes). Meïsmes, placé après le nom ou le pronom, exprimait ordinairement l’ipséité : Chi respondrat a mei, quant jo methesme le fis (Psautier de Cambridge, XIIe s.). A grant duel met la sue carn medisme [Elle fait grandement souffrir sa chair même] (Vie de saint Alexis). Et li rois il meismes les prend a redresser (Berthe au grand pied). Mais certains contextes favorisent l’identité : et content ces novelles meïsmes [ces mêmes nouvelles] (Villehardouin). Placé avant le déterminant, il admet souvent les deux interprétations : Cumandad que il a sa mort fust enseveli en meïme le sepulcre ou li bons huem fud ensevelis (le Livre des Rois). De meïsme t’espée t’irai je honte faire (Élie de Saint-Gille). Plus rarement, même était enclavé entre le déterminant et le nom, sans grande différence de sens : La royne se velt ocirre [veut se tuer], Et de cele meime espee (Tristan, XIIe s.). En somme, la correspondance précise du français moderne entre le sens et la construction de même n’était pas établie. Elle ne l’était pas encore tout à fait au XVIIe s. : A voir ainsi traité Et la même inno- cence et la même bonté ! (Molière, Sganarelle). Et sans être rivaux, nous aimons en lieu même (Corneille, la Place Royale). Des expressions comme en meïme le sepulcre ont donné naissance à la locution invariable à même, que blâmait Thomas Corneille, mais que la langue moderne n’a pas perdue : En buvant largement à même le grand fleuve (E. Rostand). La locution être à même de + infinitif date du XIIIe s. Certains noms exprimant des notions massières concrètes ou abstraites ont été longtemps réfractaires à l’article (v. ce mot, art. spécial) ; même employé avec ces noms les précédait sans article : meïsme terre [la même terre], meïsme desdeing [le même dédain] ; il en était de même devant les pluriels et après les prépositions. Cet usage s’observe encore au XVIIe s. : Car toute nuit je fais mesme exercice (Desportes), et sporadiquement dans toute la littérature, principalement quand le groupe nominal n’exprime qu’une qualité : des manteaux de même couleur. Dès l’origine, l’emploi de même au sens d’ipse après le nom a tendu à se confondre downloadModeText.vue.download 16 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2568 avec l’adverbe, ce que rend manifeste soit la présence d’un -s adverbial : Je t’enseignerai bien autre hui [un autre jour], Autre, non pas, mais ce meismes (le Roman de la Rose),soit l’absence d’un -s désinentiel : Nuncerent vos cez paroles meïsme [Ils vous adressèrent ces paroles mêmes] (la Chanson de Roland, 204). Au XVIIe s., l’adverbe prenait encore l’-s : Mesmes quand la mer est calme, à peine y peut-on travailler (Vaugelas). Et Vaugelas proposait qu’on distinguât l’adverbe par la présence ou l’absence d’-s selon qu’il suivait un nom singulier ou pluriel, donnant pour exemple : Les choses même que je vous ai dites me justifient assez, et la chose mêmes que je vous ai dite, etc. Thomas Corneille rejeta mêmes adverbe ; l’Académie déconseilla de le placer après le nom comme Vaugelas l’avait fait dans ces exemples, où il se confond avec l’adjectif. « QUI », « QUEL », « OÙ », etc. Qui répété a la valeur indéfinie dans des textes comme : Qui casse le museau ; qui, son rival éborgne... (M. Régnier, Satire X). Les mots interrogatifs qui, quoi, lequel (pronoms), quel (adjectif), où (adverbe) prennent une valeur indéfinie dans deux sortes d’emploi : •1° Précédés d’un verbe exprimant l’indétermination : Je ne sais qui/quoi/lequel/quel/où ; on ne sait qui/ quoi/lequel/quel/où ; Dieu sait qui/quoi/lequel/quel/ où, etc. Tu es l’égal de n’importe qui (Gyp). Ce mariage, c’était un point de départ vers elle ne savait quelle vie (Mauriac). D’autres mots interrogatifs reçoivent des emplois analogues : Il viendra je ne sais quand. Elle dépense Dieu sait combien. Ils vivent on ne sait comment ; • 2° Suivis d’une proposition relative au subjonctif introduite par que, ils expriment l’indétermination « concessive » : Qui que tu voies ; quoi que tu fasses ; quel que tu sois ; où que tu ailles, etc. Lequel des deux qui vienne, qu’il vienne seul (Rousseau). Après quel, le verbe de la relative est toujours attributif : Quel qu’il puisse être/paraître. Les séquences qui que ce soit, quoi que ce soit, où que ce soit ont été grammaticalisées en pronoms et adverbes indéfinis : Ne dis rien à qui que ce soit. On reconnaît une valeur indéfinie voisine dans le pronom quiconque et l’adjectif quelconque, dont les constructions sont très différentes. Quiconque est normalement sujet d’une proposition relative à l’indicatif sans antécédent : Arrêtez quiconque passera. La langue moderne admet aussi son emploi comme pronom indéfini substituable à quelqu’un : Défense absolue de parler à quiconque (A. Daudet). Quelconque est l’adjectif correspondant ; il se place après le nom : Montez dans un wagon quelconque. On a vu plus haut qu’il peut avoir le sens et les constructions d’un adjectif qualificatif ; une valeur dépréciative s’attache souvent à la position de quelconque entre l’article et le nom : Il a été attaqué par de quelconques voyous (Malraux). HISTORIQUE L’emploi indéfini de qui répété est ancien : Chascuns a point [a éperonné] qui cheval qui destrier (le Couronnement de Louis, 1504). Il a pu naître d’un emploi adverbial de que... que : Il furent bien quinze mil, que petit que grant (Villehardouin), remontant au latin qua.. qua (Plaute, Cicéron) : Qua dominus, qua advocati, sibilis conscissi (sunt) [Tant le maître des jeux que ses acolytes ont été sifflés] (Cicéron, lettre à Atticus). Que... que disparaîtra après le XVIe s., mais qui.. qui se maintiendra en français littéraire. Les séquences grammaticalisées comme (je) ne sais qui/quoi/ quel sont naturelles et d’ailleurs anciennes en français, sans qu’on soit obligé d’invoquer le modèle latin nescio quis. Les propositions relatives indéfinies existaient au Moyen Âge (v. CONCESSION, art. spécial) ; le jeu des deux pronoms y était plus libre et plus varié qu’aujourd’hui, puisqu’on rencontre qui qui, que que, liquels que, combien que, com(ment) que, quant que. La nuance concessive semble absente quand le mode est l’indicatif, comme il arrive dans les vieux textes : Cui que il vuelt maintenir et aidier, Nuls nel porra honir ne vergoignier (le Couronnement de Louis, 577-8). La valeur indéfinie qui subsiste est donc attachée à la répétition du relatif, repris sous une forme généralement indifférenciée (que), mais qui peut être qui (sujet ou cas régime pour cui) : Chi chi se doilet, a nostr’os est il goie [Qui que ce soit qui s’en attriste, pour nous il y a de la joie] (Vie de saint Alexis, 503). Damourette et Pichon ont interprété le premier pronom comme un interrogatif (parce qu’il peut être comment, combien et quel, mais non comme ni dont), et le second comme la conjonction que, béquille du subjonctif : quoi que vous mangiez s’expliquerait par une « interrogation non résolue » : que vous mangiez... quoi ? En fait, comme et dont étaient aussi bien interrogatifs que relatifs en ancien français, et on lit dans le Roman de Thèbes (v. 2118) : Com loing que la riviere seit... Mais l’hypothèse de Damourette et Pichon est démentie par deux faits : — Qui en seconde place n’est pas sans exemple (v. plus haut) ; — La béquille du subjonctif n’apparaît qu’au XIIIe s., c’est-à-dire bien après la construction qui que, présente dès les premiers textes. La meilleure interprétation est celle qui donne le premier pronom pour un indéfini en construction absolue, le second pour un relatif de fonction indifférenciée dans la quasi-totalité des cas — la marque de fonction syntaxique étant portée par l’indéfini et le rôle de ligature étant assumé par le relatif seul. C’est l’avis de G. Moignet qui, dans son Essai sur le mode subjonctif (1959), rapproche pertinemment ces relatives à pronom complexe de relatives à antécédent substantif indéterminé, comme : Ja mes ne serai conneüz [reconnu] en leu ou aie esté veüz (le Roman de Renart). downloadModeText.vue.download 17 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2569 L’indicatif est préféré au subjonctif quand l’indétermination fait place à la totalité : Sempre fist bien ou que il pod (Vie de saint Léger, 40). Ce mode est normal après quant que (de quantum quod) : Je vos otri quanque m’avez ci quis [Je vous octroie tout ce que vous m’avez demandé ici] (la Chanson de Roland, 3202). Est-il légitime de parler, pour l’ancien français, d’une série de mots indéfinis qui, que, quoi (pronoms), quel (adjectif), où (adverbe), etc., ou doit-on penser que, dès cette époque, l’unité morphologique qui que, quoi que, etc., était réalisée ? Elle l’était depuis le latin si l’on en croit L. Foulet (Romania, 1918), qui voit dans quiqui, quique, queque l’aboutissement des pronoms latins concessifs quisquis, quidquid, etc. Des inscriptions attestent la confusion en latin vulgaire de quisquis et quisque (« chaque ») : Quisque Manes inquetaberit habebit illas iratas [Quiconque troublera les Mânes s’attirera leur colère] (Pouzzoles). Que cette filiation soit exacte ou non, on ne peut manquer d’apercevoir une différence catégorique entre le pronom latin exprimant l’indétermination par la répétition de quis ou quid et le pronom français dont le second élément, invariable, tend à s’identifier à la conjonction polyvalente que (cf. De Boer, Revue de linguistique romane, 1928 ; Weerenbeck, Romania, 1936). Ce que à effet concessif a pu s’employer par analogie après où, com, combien et après quel, dont il est séparé dans les plus vieux textes : Ainz le desir mout a savoir, Quel duel que je en doie avoir (Chrétien de Troyes, Yvain). Molière écrit encore en quel lieu que ce soit, et le tour se conservera dans la langue littéraire. Certaines créations analogiques, ainsi que la graphie séparée, ordinairement observée au Moyen Age, de qui que, quoi que, légitiment amplement la conception d’une valeur indéfinie des pronoms qui et quoi, sous-jacente à leurs emplois interrogatifs et relatifs (v. INTERROGATIF, RELATIF, art. spéciaux), remontant à l’indoeuropéen, et restée pure dans les relatives indéfinies. L’indétermination pouvait être soulignée par l’emploi de mots comme onques (onkes), « jamais », dont la valeur était celle de l’anglais ever dans la série whoever (quiconque), wherever (où que ce soit), etc. : Cui qu’il onkes en attaingnoit Trestut le cors li purfendoit (Brut). On rencontre anciennement les séquences ki ki unques, qui unques, qui qu’onques ; la dernière, grammaticalisée, sera écrite quiconque sous l’influence du pronom concessif latin quicumque (qui ne peut être un étymon phonétique) : Quiconques trouveroit Phelippe d’Artevelle, on li donroit dis frans (Froissart). Avec assez de vraisemblance, Nyrop (G. H. L. F., § 449) voit dans quiconque un mot savant altéré par l’étymologie populaire, puis rapproché de son modèle ancien. La séparation même (ou tmèse) des éléments avait des modèles en latin : cui pol cumque occasio est (Plaute), qui le cumque manent casus (Virgile). Le cas de quelconque, qui rejoint formellement qualiscumque, est analogue : An quel leu que il onques aut [En quelque lieu qu’il aille jamais] (Yvain, 5803). Quel c’onques voie que je tiegne (Perceval, 7016). La soudure morphologique des éléments autorise la répétition de que dans ce dernier exemple, et l’autorisera encore au XVIe s. : Il n’y a nul conseil ne parlement ny assemblée, quel-conque qu’elle soit, qui n’ait son président (Calvin). Les graphies kékonk (Baïf), queconque (Rabelais) attestent une prononciation invariable, conforme à l’invariabilité originelle de quel (lat. qualis) en genre. Dans les graphies quelzconques et quelleconque admises par Palsgrave, il faut voir des réfections savantes sans existence orale. Le mot, à cette époque, était adjectif ou pronom. L’emploi comme adjectif indéfini pur et simple, non suivi d’un verbe, peut résulter d’une ellipse, ou plutôt de l’imitation d’une construction semblable de qualiscumque : Sin qualemcumque locum sequimur... [Mais si nous cherchons le premier endroit venu] (Cicéron). La même construction était admise en latin pour quicumque employé comme adjectif ; de là, sans doute, des phrases telles que : Depuis ce temps caphart quiconques n’est auzé entrer en mes terres (Rabelais). Cet emploi, plutôt qu’une ellipse, serait finalement à l’origine de l’emploi de quiconque comme pronom indéfini sans verbe (v. plus haut) qui apparaît (très rarement) au XVIIe s. : Une envie de railler de toutes choses et de quiconque (Bourdaloue). FAMILLE DE « QUELQUE » • Quelque, adjectif, suffit à l’actualisation du nom, auquel il donne un sens indéterminé. Au singulier, il est propre à la langue littéraire, et fait porter l’indétermination : —soit sur l’identité si la substance est « nombrière » (V. ARTICLE, art. spécial) : Il s’en approcha, avec l’espoir que cette cabane était habitée par quelque pieux anachorète (A. France) ; — soit sur la quantité si la substance est « massière » (ibid.) : Il s’est comporté avec quelque courage ! La langue commune ne connaît cet emploi que dans la locution quelque temps. Mais, au pluriel, quelques est d’un usage courant ; il précède les noms de substances nombrières, et fait porter l’indétermination sur l’identité tout en exprimant le petit nombre : Quelques voyous font irruption dans la chambre de la reine (J. Delteil). La valeur numérale subsiste seule : —si quelques accompagne un nom déterminé : Je n’ai pas pu placer mes quelques mots d’italien ; — s’il est intégré à une indication de nombre : J’ai soixante et quelques (mille) francs. J’ai soixante (mille) francs et quelques. De ces emplois est à rapprocher l’emploi adverbial de quelque, invariable, dans la langue littéraire au sens d’« environ » : Elle a quelque trente ans, et dans la locution quelque peu. Que l’indétermination porte sur l’identité ou sur le nombre, quelque laisse entendre que la prise en compte de l’une ou de l’autre est sans importance — d’où, selon Damourette et Pichon (§ 2810), la nuance de petite quantité. La même nuance s’observe dans les emplois littéraires concessifs de quelque en downloadModeText.vue.download 18 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2570 liaison avec qui ou que suivi du subjonctif (V. CONCESSION, art. spécial) : À quelque page que vous ouvriez le livre. Quelques efforts que vous fassiez. Quelque nombreux qu’ ils soient. Quelque adjectif et adverbe est à distinguer de quel attribut + que, suivi d’un verbe attributif au subjonctif (v. plus haut) : Quels que soient les humains, il faut vivre avec eux (Gresset). Toute faute, quelle qu’ elle soit, peut être rachetée. • Quelqu’un, au singulier, employé sans antécédent, est masculin et signifie « une personne quelconque (homme ou femme) » : Je suis amoureux de quelqu’un (S. Guitry). Il a pris par litote une valeur emphatique en fonction d’attribut : C’était quelqu’un, Adrien Bertrand (Fr. Carco). L’usage littéraire admet quelqu’un ou quelqu’une au singulier représentant un antécédent animé ou inanimé exprimé par un complément (quelqu’un de nous trois, quelqu’une de ses fantaisies) ou par en (Donnez-m’en quelqu’une). Au pluriel, quelques-uns se rencontre sans antécédent au sens de « quelques hommes » : Quelques-uns préfèrent Corneille à Racine. Mais, dans l’usage normal, quelques-uns et quelques-unes représentent des noms de personnes ou de choses présents dans le contexte ; une valeur numérale (« un petit nombre ») s’associe à la valeur indéfinie et la domine : J’ai des pastilles pour la toux, en veux-tu quelques-unes ? Au singulier comme au pluriel, quelqu’un admet une épithète indirecte (v. ÉPITHÈTE, art. spécial) : Je connais quelqu’un de haut placé. J’en ai quelques-unes de neuves. La construction directe est cependant permise dans quelqu’un (d’)autre. •Quelque chose n’a jamais d’antécédent ; pendant neutre de quelqu’un, il signifie « une chose quelconque » ; comme quelqu’un, il reçoit en position d’attribut, dans l’usage familier, une valeur emphatique : Pour la faire changer d’avis, c’est quelque chose ! L’épithète est indirecte, et au masculin : quelque chose de beau. Quelque chose d’autre est le plus souvent remplacé par autre chose : Il faut que ce quelque chose soit autre chose qu’une chose renouvelée des Grecs (Musset, Lettres de Dupuis et Cotonet). HISTORIQUE Quelque est issu de quel.. que. Le rapprochement était normal dans les phrases où quel était attribut : queus [= quelle] qu’ele soit (Chr. de Troyes, Cligès). quel que il l’ait (Chr. de Troyes, Erec). D’où une hésitation entre quel part qu’ il alt et quel que part il alt ou, avec répétition de que, quelque part qu’ il alt. En quel que liu que jes [je les] trouvaisse (Chr. de Troyes, Perceval). De quelque terre que il fussent (Villehardouin, § 205). La formule était généralisée à la Renaissance. La conception de l’élément séparé que comme un pronom relatif restait si nette à l’époque classique qu’on pouvait lui faire exprimer la fonction grammaticale en employant à cette place qui, dont, où : Quelque indignation dont leur coeur soit rempli [c’est-à-dire : « De quelque indignation que... »] (La Fontaine). De là l’emploi de quelque adjectif fini sans que, soit par ellipse du la proposition, soit sur le modèle lisque, forme rare de qualiscumque était construit de même en latin : indéreste de de quaqui Et cil se lieve a quel que peine [Et celui-ci se lève, avec quelque peine que ce soit] (Perceval). Employé devant un adjectif, quelque devint un adverbe (quelque riches qu’ils soient) dont l’invariabilité en nombre fut érigée en règle par Vaugelas (II, 56), qu’approuva l’Académie (Observations) ; l’invariabilité en genre était originelle. Baïf écrivait kéke la prononciation invariable de son temps, et Restaut, en 1730, recommanda de prononcer kèk. Vaugelas donnait aussi le mot pour adverbe, et invariable, devant un nom de nombre (quelque cinq cens hommes) ; avant lui, il pouvait prendre l’-s adverbial. Quelqu’un, composé de quelque et un, n’apparaît qu’au XIVe s., et prend la place de aucun, de plus en plus réservé aux contextes négatifs (v. plus loin) ; au XVIe s., il était prononcé kékun (Baïf). L’homologue neutre de aucun (aliquem unum) était en ancien français auque(s) [de aliquid + s adverbial], vite adverbialisé, et dont l’emploi ne dépassa pas le XIVe s. Son principal concurrent avait été rien(s), qui, comme aucun, fut progressivement réservé aux contextes négatifs (v. plus loin). On usait aussi de chose sans article : Comment celui [à celui-ci] envoierai Chose de quoi puist avoir aise ? (le Vair Palefroi). Chose fut également limité aux contextes négatifs, où on le rencontre encore au XVIIe s. : Chose ne leur parut à tous plus salutaire (La Fontaine, Fables, II, II). La séquence quelque chose était préférée en contexte positif ; au XVIe s., elle constituait un véritable pronom, admettant une épithète directe au féminin (accordée avec chose) : S’il n’y avoit quelque chose mauvaise dedans (Du Vair), mais une épithète directe au masculin, comme un pronom neutre : Quelque chose de bon (Du Bellay, Lettres). Au début du XVIIe s., le féminin prédomine encore : Je vous voulois tantôt proposer quelque chose ; Mais il n’est plus besoin que je vous la propose, Car elle est impossible (Corneille, le Menteur). Vaugelas admettait selon les constructions le neutre et le féminin, en laissant décider l’« oreille ». Th. Corneille exigera le neutre, approuvé par l’Académie. « CERTAIN », « TEL » Certain et tel peuvent être adjectifs. Employés dans des conditions formelles souvent identiques à quelque, ils expriment des nuances différentes de la désignation des éléments ; comparer : 1. Jacques demanda quelques livres, 2. Jacques demanda certains livres ; 3. Jacques demanda tels livres. En 1, l’identité des livres est donnée pour totalement indifférente (ad libitum) ; le narrateur l’ignore ou la juge sans importance pour son propos. En 2, il est suggéré que les livres ne sont pas n’importe lesquels : la liste des titres accompagnait la demande de Jacques ; le narrateur la connaît peut-être, mais elle alourdirait sans utilité son propos. En 3, il est spécifié que l’identité des livres doit jouer un rôle essentiel dans le récit, mais cette indication générale suffit, sans downloadModeText.vue.download 19 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2571 rattachement plus précis au réel évoqué ; comparer : Il m’a convoqué pour tel jour à telle heure ; Il m’a convoqué pour mardi à seize heures. Certain, dans la langue commune d’aujourd’hui, s’emploie : — sans article au pluriel seulement ; —avec l’article indéfini seulement au singulier ; il prend alors une valeur atténuative (une certaine hardiesse), qui peut être ironique (un certain âge), ou se charger de nuances qualitatives (« Un certain sourire », de Fr. Sagan) ; employé paradoxalement devant un nom propre, il souligne, ou suggère intentionnellement, l’obscurité (un certain Bonaparte). La place avant le nom distingue nettement tous ces emplois de la valeur qualificative (« sûr », « tenu pour vrai »), qui exige la postposition : une nouvelle certaine. Tel s’emploie aux deux nombres ; associé à l’article indéfini, il prend la valeur quantitative ou comparative : une telle hardiesse, une hardiesse telle. Certain et tel peuvent être pronoms. Le premier est alors au pluriel, généralement au masculin : Certains ont tous les talents (Jouhandeau). Je ne puis partager l’indignation de certains (Gide). Selon le contexte, certains représente un antécédent ou signifie « certains hommes ». M. Grevisse a relevé quelques emplois du féminin : Mariette ne conserve pas tout, comme certaines (Hervé Bazin). Tel pronom sans article est littéraire, il se conserve dans les proverbes : Tel est pris qui croyait prendre. La langue commune emploie Un tel : monsieur Un tel, madame Une telle. Mais l’usage parlé le remplace de plus en plus par X (Y, Z), symboles algébriques de même valeur (les lettres a, b, c, etc., répondraient plutôt à la valeur de certains). HISTORIQUE Certain vient du bas latin *certanus, dérivé de l’adjectif certus (anc. franç. cert), « décidé », « sûr », généralement qualificatif, mais dont quelques emplois très classiques faisaient le concurrent de quidam : certo die [à un jour fixé] ; certi homines [certains hommes] (Cicéron). C’est probablement dans la langue juridique que certain a développé son emploi « indéfini » : S’il laisse et testament a une certaine personne dix livres (Ph. de Beaumanoir, XIIIe s.) Au XVIIe s., il était adjectif indéfini au singulier comme au pluriel : certain renard gascon (La Fontaine). La règle moderne le plaçant avant ou après le nom selon son sens n’était pas rigoureusement appliquée : Vous savez, Iris, de certaine science (La Fontaine). Au pluriel, il pouvait être précédé de l’article sous la forme de, tour conservé dans la langue littéraire : De certains rires sonnent bête, comme une pièce sonne faux (Goncourt). Tel, du latin talis, opposait primitivement surtout une forme en -s (tels, d’où tieus, refait en tels), sujet singulier ou régime pluriel, à une forme sans -s (tel, de talem et de *tali), régime singulier ou sujet pluriel ; un datif telui, analogique de celui, est rarement attesté. Des formes féminines tele, teles, analogiques des adjectifs biformes, s’observent dès le XIIe s. Des composés itel, autel (ali + talem), autretel, de sens comparatif, avaient disparu au XVIe s. (quoique mentionnés par Palsgrave). « ON » Le pronom on a le statut distributionnel des pronoms personnels sujets : il peut occuper la place du pronom il : il vient/ on vient. Il est remplacé facultativement par l’on dans la langue littéraire après et, ou, où, qui, que, quoi, si, lorsque, et dans d’autres cas où aucune raison d’« euphonie » ne peut jouer : Si l’on veut ; ce que l’on veut. L’on comprend que lorsqu’il se tait, c’est pour penser (Gide). Sa fonction propre est d’exprimer la personne générale : Ce qu’on aime dans un livre, c’est ce qu’on y trouve se rapportant à soi (Gyp). On lui fait aussi désigner une ou plusieurs personnes dont on ne peut ou ne veut pas préciser l’identité : Je suis sûr qu’on a marché dans l’escalier (Maupassant). Dans tous ces cas, il compte pour l’accord comme un masculin singulier : Ces jours-là, on est désoeuvré ; à moins que le jugement énoncé ne concerne que les femmes : Quand on est jalouse, on ne raisonne pas. Dans les textes suivants, il remplace je et vous en évitant par délicatesse ou par dignité la désignation directe de la personne : On vous épousera, toute fière que l’ on est (Marivaux). Eh bien ! petite, est-on toujours fâchée ? (Maupassant). Dans ce cas, on le voit, les adjectifs ou participes sont accordés selon le sens. Dans la langue parlée, pour une simple raison d’économie morphologique, on remplace nous : « On s’en va ensemble ? » demanda le forgeron, tout fier de son nouvel ami (H. Bordeaux). Le verbe est toujours au singulier, mais attributs ou participes sont accordés comme avec nous : Jeanne et moi, on est cousines. Aux fonctions autres que sujet, le rôle de on est joué par nous ou par vous, ou par se et soi dans l’emploi réfléchi : La liberté nous est nécessaire à tous. Quand on se plaint de tout, il ne vous arrive rien de bon (J. Chardonne). HISTORIQUE On, pronom indéfini, vient du latin hŏmo, nom commun ; son vocalisme s’explique par l’absence d’accent dans la fonction pronominale préverbale ; la forme accentuée uem se relève d’ailleurs souvent à côté de on. Quand le cas régime ome (hominem), nom commun, a reçu définitivement l’h de son étymon latin évident, on, pronom indéfini, l’a définitivement abandonné. Comme substantif, on pouvait être précédé de l’article défini, qui l’actualisait sans lui donner obligatoirement un sens particulier : Andromacha apelot [appelait] l’om La femme Hector [d’Hector] par son dreit non (Benoît de Sainte-Maure). Cet emploi de l’article résolut longtemps (facultativement) le problème de l’hiatus dans les séquences comme dira l’on (Montaigne), où le t ne fut introduit dans la graphie qu’au XVIIe s. (V. EUPHONIE, art. spécial). Vaugelas a consacré à définir les conditions d’emploi et d’exclusion de l’on plusieurs remarques se terminant par des réserves prudentes : « ce n’est pas une faute que d’y manquer », « il n’y aura pas grand mal » ; l’Académie rejeta carrédownloadModeText.vue.download 20 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2572 ment l’on du début des phrases et déclara « affecté » l’emploi systématique de si l’on pour si on. Une forme (l’)en alternait en ancien français avec (l’)on : Mout deit l’en bien sofrir d’Amor (le Roman d’Eneas). Elle est expliquée : — soit par la délabialisation de la voyelle [ɔ̃] dans l’emploi proclitique, comme chalongier a donné chalengier ; — soit par une simplification dialectale de la diphtongue [yɛ̃] en [ɛ̃], d’où [ɑ̃]. Chez Molière, où elle apparaît une fois, cette forme n’est plus qu’un dialectalisme de la servante Martine : Hélas, l’an dit bien vrai (les Femmes savantes, II, V). L’emploi de homo comme pronom indéfini, qu’ignorait le latin classique, se retrouve au Moyen Âge en provençal, en italien, en espagnol et en portugais ; il ne s’est conservé qu’en français et en catalan. Certains estiment que les langues romanes l’ont emprunté au français, où il serait un calque du mot germanique man, qui était à la fois un nom et un pronom respectivement comme Mann et comme man en allemand moderne. On se plaît à rapprocher une phrase des Serments de Strasbourg (842) : Si cum om per dreit son fradra salvar dift [Comme on doit en toute justice aider son frère], de la version germanique du même serment : Sôsô man mit rehtû sinan bruodher scal. Peut-être le superstrat francique a-t-il joué un rôle important dans la conservation de on, mais l’emploi d’homo comme pronom semble attesté en latin dès le IVe s. dans la Peregrinatio Aetheriae et dans un sermon de saint Augustin (354-430). On ou l’on restera longtemps à la limite entre nom et pronom ; comparer : Sainz Boneface que l’um [l’on] martir apelet (Vie de saint Alexis, 566). Hum qui la vait repairier ne s’en puet [Homme qui va là ne peut en revenir] (la Chanson de Roland, 293). Les emplois figurés de on pour je ou toi (vous) dans la langue littéraire s’expliquent par la métaphore ; on en rencontre à toute époque. L’emploi populaire de on pour nous pose plus de questions. L’usage généralisé qu’en fait le canadien parlé atteste son existence au moins dès le début du XVIIe s. Un passage du Miracle de Notre-Dame le montre vivant au XIVe s. (G. Moignet, le Pronom personnel français, 1965) : La ou on le visitera Moy et vous, chascune sepmaine. Dans plusieurs dialectes, le sujet on peut être suivi de la première personne du pluriel : On aurions tort (Mystère du Vieil Testament, XVe s.). « PERSONNE », « RIEN », « AUCUN », « NUL », etc. • Les pronoms personne et rien, toujours au singulier, expriment l’idée de « personne » et de « chose » avec la quantité zéro : — Soit avant ou après ne + verbe : Personne/Rien ne manque. Je ne vois personne/rien. Je n’ai vu personne/ Je n’ai rien vu. Leur épithète est construite indirectement et au masculin : Je ne connais personne/rien de plus beau. La préposition est facultative avec autre : personne/rien (d’)autre ; — Soit en l’absence de verbe, sans ne : « Qui manque-t-il ? — Personne. » « Que manque-t-il ? — Rien. » Rien sans ne se rencontre aussi dans certaines phrases positives après pour, sans et de : Nous avons fait tout cela pour rien. La guerre nous a laissés sans rien. Il épouse une fille de rien. Personne peut être suivi d’un nom ou pronom définissant le référentiel : personne de/d’entre nous ; après rien, le pronom jouant ce rôle ne peut être que neutre : rien de tout cela. Les deux mots sont compatibles avec certains adverbes « négatifs » comme plus, jamais, mais non avec pas et point (v. NÉGATION, art. spécial). Les deux mots se rencontrent au sens positif de « quelqu’un », « quelque chose » en français littéraire dans des contextes interrogatifs ou dubitatifs : Est-il personne qui danse mieux ? Si vous connaissez rien de meilleur, dites-le-moi. Après la conjonction de sens négatif sans que, la substitution de quelqu’un ou quelque chose est plus ou moins licite : Venez sans que personne/quelqu’un vous voie. Venez sans qu’il soupçonne rien/ quelque chose. Personne peut être un nom, de genre féminin, variable en nombre, et de sens positif : Deux personnes sont venues. Rien peut être un nom, de genre masculin, variable en nombre et signifiant « une très petite chose » : les Petits Riens, de Mozart. Rien du tout, désignant une personne ou une chose de très peu de valeur, peut recevoir le genre féminin : Je n’ai pas voulu avoir l’air d’une rien du tout (S. Guitry). • Aucun est le plus souvent adjectif et exprime la quantité zéro pour le nom, qu’il précède à l’exclusion de tout article ; il est précédé ou suivi de ne dans les mêmes conditions que personne et rien : Je ne lis aucun roman. Aucun roman ne m’intéresse. Aucune difficulté pour sortir. Il n’est mis au pluriel que devant un nom sans singulier : Vous n’aurez aucuns frais. Il peut être pronom, avec antécédent : J’ai là trois cents romans, (dont) aucun ne m’intéresse. Quand l’antécédent est en, l’épithète peut être directe ou indirecte : Je n’en ai aucun (de) bon. Aucun pronom se présente au pluriel sous la forme d’aucuns signifiant « quelques personnes », conservée en français littéraire ou populaire : Et d’aucuns ne peuvent s’empêcher de s’écrier... (H. Barbusse). Aucun a le sens positif dans les mêmes contextes que personne et rien : Je doute qu’aucun/un de vous réussisse. • Nul appartient à la langue littéraire, où il exprime très fortement la négation. Comme adjectif indéfini, il s’emploie de la même manière qu’aucun : Je n’ai nulle envie de le lire. Mais il ne prend jamais le sens positif. Comme pronom, il peut avoir un antécédent ou prendre le sens de personne (en fonction de sujet seulement) : Nul ne peut se vanter de se passer des hommes (Sully Prudhomme). • On peut classer avec les mots négatifs la locution grand-chose, qui ne s’emploie que dans un contexte négatif en fonction autre que sujet : Je ne lui reproche pas grand-chose. Elle ne fait pas grand-chose de bon. downloadModeText.vue.download 21 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2573 HISTORIQUE Nemo et nihil n’ont pas de descendants français. C’est seulement vers 1400 que le nom personne (lat. persona, « personnage ») est devenu pronom indéfini. Le sens général de « personne humaine » était exprimé jusque-là non seulement, au cas sujet, par on, mais aussi par creature, par âme, qui s’est cantonné dans les contextes négatifs et interrogatifs : « À qui avez-vous parlé ? — À âme » (Maupas ; exemple supprimé de sa grammaire en 1638), et par cors d’ome, que le même sort attendait : Corps d’homme n’étoit avec moi (Scarron). Au XVIIe s., on discutait sur le genre de personne pronom ; Vaugelas conseillait : Je ne vois personne si heureux que lui, mais Je ne vois personne si heureuse qu’elle. Thomas Corneille et l’Académie exigèrent, dans le second cas, l’emploi d’un mot qui fît de personne un nom (aucune personne, point de personne). L’histoire de rien et de ses concurrents a été faite par Robert Martin en 1966. Le mot remonte au latin rĕm (« chose ») et, précédé ou non de l’article (féminin), présenta le sens positif de « chose » pendant toute la période de l’ancien français : Donc li remembret de son seignour celeste Que plus at chier que lote rien terrestre (Vie de saint Alexis). Par verté vous di une rien (Continuation de Perceval, XIIIe s.). Il désignait aussi les femmes, avec une nuance affective qui n’excluait pas le respect : Ala s’en la seintisme rien (Adgar, Légendes de Marie, XIIe s.). Mais son sens général le fil cantonner dans certains contextes particulièrement négatifs : Ge ne vi rien (la Mort le Roi Artu, XIIIe s.), et interrogatifs : Veïstes vos ore ici riens de cest appareill ? (ibid.). L’imprégnation de valeur négative se manifestera par l’incompatibilité avec d’autres mots négatifs : — Au XIVe s., R. Martin a relevé plus souvent la séquence nulle rien (42 fois) que nulle chose (39) ; au XVe s., nulle chose l’emporte à 22 contre 7 ; — Jusqu’au XVIIe s., l’association avec pas n’inverse pas le sens de rien : Ne m’en puez pas rien retenir (Eneas). On ne veut pas rien faire ici qui vous déplaise (Racine, les Plaideurs). Mais Martine se verra semoncée par les « femmes savantes » pour l’avoir employé (acte II, sc. VI) : De pas mis avec rien tu fais la récidive Et c’est, comme on t’a dit, trop d’une négative. Le tour ce n’est pas rien signifiant « c’est quelque chose » est mentionné par Oudin (1632), qui le condamne. Le plus sérieux concurrent de rien comme pronom négatif était neient (noient, nient, noiant), conservé sous la forme, d’ailleurs ancienne, néant, et qu’on explique par ne gentem, « pas de gens » (avec un glissement des personnes aux choses inverse de celui qu’on observe pour rien). Incluant étymologiquement la négation, neient, à la différence de rien, pouvait être employé sans ne : Por noient demandast on home plus richement vestu (Villehardouin, § 185). Mais la négation se rencontre par redondance dès les plus anciens textes ; les deux tours se côtoient dans le vers suivant : Noient dient, car noient n’ont (Raoul de Houdenc). Après le Moyen Âge, néant est devenu un nom. Un autre concurrent, giens (de genus, « genre, espèce ») fut réduit comme rien aux contextes négatifs, mais disparut au XVe s. L’adjectif négatif latin était nullus, qui s’est conservé : masc. nus, nul, nul, nus, datif nului ; fém. nule, nules, dat. nuli. Le datif, employé comme régime renforcé, se rencontre jusqu’au XVIe s. Nulluy hayr, nul diffamer (O. Maillart, XVe s.). Sans parler a nulluy ni nul a elle (Marguerite de Navarre). Nul s’emploie souvent sans ne au XVIe s. et encore au XVIIe : Nulle prison m’a reçu (Montaigne). Il faut voir là une imitation du latin. En fait, dès l’ancien français, la négation ne s’était imposée, au point que nul prenait en l’absence de ne la valeur positive justifiée pour personne et rien par l’étymologie : Mais comment osa nus ce dire ? À l’époque moderne, nul s’est vu relégué dans l’usage littéraire. Il avait dès l’ancien français de nombreux concurrents : neul, niul (de nec ullum), neun (de non unum), necun, negun (de neque unum), nesun, nisun (de ne ipsum unum). Un seul a survécu, éliminant jusqu’à nul : aucun, essentiellement positif par son origine (*alicunu, de aliquem [quelqu’un] + unum). Comme nul, aucun se déclinait et avait un datif (rare), alcunui ; il s’employait au pluriel et pouvait en ce cas, dans son sens positif originel, être précédé de l’article : Les aucuns sont mors et roidis (Villon). Cette séquence se trouve encore chez La Fontaine, ainsi que le pluriel sans article : Plusieurs avoient la tête trop menue, Aucuns trop grosse, aucuns même cornue (Fables, VI, VI). Les deux tours ont disparu devant d’aucuns, qui pouvait alors être adjectif : Ce que d’ aucuns maris souffrent paisiblement (Molière). « PLUSIEURS », « MAINT(S) » On a vu plus haut que certains adjectifs ou pronoms indiquant le nombre ont été classés dans les indéfinis ; outre quelques, étudié plus haut, ce sont essentiellement en français moderne : — plusieurs, qui peut être adjectif ou pronom, et indique un nombre supérieur à un, pratiquement un petit nombre : Avez-vous un ou plusieurs enfants ? Plusieurs, mécontents, ont voté contre le bureau ; — maint(s), du registre littéraire, seulement adjectif, qui indique un grand nombre, au singulier ou au pluriel sans distinction de sens : Il revint nous voir mainte(s) fois. HISTORIQUE Complures, en latin classique, exprimait comme adjectif ou pronom l’idée d’un bon nombre. Le latin vulgaire employa au même sens le simple plures, comparatif de multi, qui prit par redondance une seconde marque de comparatif : pluriores, d’où *plusiores par croisement avec plus ; la forme pluisors, issue de là, downloadModeText.vue.download 22 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2574 reprit au XIIe s. la terminaison -ieur des comparatifs comme antérieur, inférieur. Précédé de l’article en ancien français, plusieurs était pronom et signifiait « la plupart » : De ses barons tout li pluisor Se baptierent a cel jor (Floire et Blancheflor). Maints peut remonter phonétiquement à magnos (K. Togeby, Festschrift Harri Meier, 1971) ; maint et mainte(s) auraient été refaits sur ce pluriel. Beaucoup d’autres étymologies ont été proposées (cf. C. A. Robson, Revue de linguistique romane, juill.-déc. 1968) pour expliquer la relation apparente avec le gallois cy maint, « autant » (base celtique *manti ?) et avec l’allemand manch, l’anglais many, le danois maengde, le suédois mängd signifiant « quantité » (base germanique *manigitho ?). L’explication de maints par magnos suppose un glissement sémantique de la grandeur au nombre ; or, ce glissement s’est produit pour tant, du latin tanti, « si grands », substitué en latin vulgaire à tot, « si nombreux » : Tanz bons vassals veez gesir par tere ! (la Chanson de Roland, 1694). Même glissement pour quanti : tantes et quantes fois ; et pour aliquanti, « assez grands », devenu alquant : Alquant i vont, alquant se font porter (Vie de saint Alexis). Li auquant dient qu’ele est fuie fors de la terre, et li auquant dient que li quens Garins de Biaucaire l’a faite mordrir (Aucassin et Nicolette). Le glissement se produit pour l’adjectif grands lui-même dans ce passage de Villehardouin : Endroit avoit l’empereres Alexis atorné granz genz qui saldroient par trois portes fors (§ 177). Le fait que maint puisse exprimer la pluralité au singulier comme au pluriel a un précédent en latin, où les poètes remplaçaient multi milites par multus miles ; le pluriel multi a d’ailleurs fourni au français un adjectif concurrent de maints : Par multes terres fait querre sun amfant (Vie de saint Alexis). Molt (mout) avait pour antonyme poi, « peu » (lat. pauci) ; tous les deux seront éliminés comme adjectifs par les adverbes correspondants : mout/peu de chevaliers. « TOUT » Tout exprime la totalité aussi bien dans le nombre que dans l’unité ; les différences de sens ressortent du contexte sémantique ou sont marquées par la construction. I. ADJECTIF. Devant un nom au pluriel, il s’agit nor- malement du nombre ; tous ou toutes est suivi d’un déterminant : tous les pays / tous mes costumes ; celui-ci manque dans quelques locutions : à tous égards, à toutes fins utiles. Devant un nom au singulier de sens nombrable, tout peut désigner encore la totalité des éléments d’un ensemble ; il précède alors directement le nom : Tout pays a un gouvernement. Tout costume se compose de deux pièces. Que le sens du nom au singulier soit nombrable ou continu, tout exprime la totalité dans l’unité s’il est suivi d’un déterminant : Tout le pays est en émoi. Tout le beurre est à jeter. Tout mon costume est taché de boue. II. PRONOM. Au singulier, tout est un pronom neutre : Tout est raté. Elle s’occupe de tout. Au pluriel, tous et toutes désignent la totalité des éléments nommés par un antécédent : Regardez ces bêtes : toutes sont malades. Il peut être employé absolument : N’espérez pas l’approbation de tous. Dans ce sens, il est ordinairement remplacé par tout le monde. III. ADVERBE. La nature adverbiale de tout ne fait pas de doute quand il renforce un adverbe ou un groupe nominal de sens adverbial : tout simplement, tout à l’heure, tout à fait, tout de suite, tout de même ; ni devant un gérondif : tout en rêvant. Elle pose un problème lorsque tout précède un adjectif ou un participe comme dans la phrase suivante : Mon costume est tout taché de boue. On peut estimer que tout, dans cette phrase, délimite la portion de l’ensemble désigné par costume, à laquelle s’applique la qualité dénotée par le participe ; cette phrase ne diffère que par la place de tout de la phrase donnée plus haut, où tout adjectif précédait mon costume. Une équivalence du même ordre apparaît dans les deux phrases suivantes : a) Toutes ces bombes sont désamorcées ; b) Ces bombes sont toutes désamorcées. Mais, dans la phrase b, toutes exprime manifestement le nombre de bombes désamorcées, tandis que tout devant taché en vient à exprimer un degré de la qualité que dénote le participe ; dans de tels emplois tout, adjectif éloigné du nom, prend une valeur d’adverbe de quantité. La règle est de le laisser invariable quand il a cette fonction devant un adjectif ou participe au masculin ; on distingue ainsi : Mes costumes sont tous tachés (adjectif, « sans exception ») ; Mes costumes sont tout tachés (adverbe, « tout à fait »). Devant un adjectif ou un participe féminin, on accorde tout si l’adjectif ou le participe commence par une consonne ou par un h aspiré : deux robes toutes tachées, la chienne toute haletante. Mais la règle veut qu’on ne l’accorde pas devant un adjectif ou un participe commençant par une voyelle ou un h muet : une robe tout abîmée, des herbes tout humides. L’observation de cette règle illogique est sans importance, puisque l’accord de tout en fait un adjectif se rapportant au nom sans grande modification de sens : Ma robe est toute abîmée ; une robe toute abîmée. La même latitude peut être laissée quand tout est suivi d’un groupe nominal à valeur adjective : une tenture tout / toute de travers, ou d’un nom sans article dans des expressions comme : elle est tout / toute oreilles. Pratiquement, la règle d’invariabilité est abondamment violée dans le meilleur usage moderne (M. Grevisse, dans le Bon Usage, cite des infractions de Duhamel, Huysmans, André Thé-rive, Proust, Maurois, entre bien d’autres). IV. NOM. Tout précédé de l’article est un nom : Ces trois romans font un tout. Vendez-moi le tout. V. HISTORIQUE Le latin classique distinguait par l’opposition omnis/tōtus la totalité dans le nombre ou dans le continu. Mais, dans certaines expressions, le latin parlé downloadModeText.vue.download 23 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2575 remplaçait omnis par totus : totis horis (Plaute), totis noctibus (Cicéron). Totus élimina omnis, au moins en Gaule ; un redoublement expressif le transforma en tōttus (attesté), à partir duquel s’explique la déclinaison ancienne : masc. sing. toz, tot, masc. plur. tuit, toz, fém. sing. tote, fém. plur. totes ; le cas sujet pluriel tuit remonte à tutti, forme attestée au glossaire de Cassel, où l’o de tottī s’est fermé en u sous l’influence de l’i final. Des formes renforcées trestoz, etc., se rencontrent jusqu’au XVIe s. Dès l’origine, tout est pronom aussi bien qu’adjectif : Quant Carles veit que tuz li sunt faillid (la Chanson de Roland, 3815). Vint as Franceis, tut lur a acontet (ibid., 1038). Adjectif, il se construisait de deux façons : •1° Le plus souvent, il précédait (quelquefois, il suivait) un groupe nominal déterminant + nom : tut l’aveir de Rume [toutes les richesses de Rome] (la Chanson de Roland, 639), tuit si per [tous ses pairs] (ibid., 306), a tute vostre vie [pour toute votre vie] (ibid., 212), tute la noit [toute la nuit] (ibid., 2644). Puis monta sa mesniee lote (Erec). Si baron tuit s’esmerveillierent (Roman de Rou). Dans ces différents cas, tout pourrait être inexprimé : le nom avec son déterminant définit un ensemble aux limites claires ; tout ne fait qu’insister sur une détermination achevée, et c’est pourquoi il ne s’insère pas entre le déterminant et le nom (G. de Poerck et M. Van Hoorenbeeck, les Congrès de l’université de Liège, vol. 36, 1966). •2° Il pouvait aussi tenir lieu de déterminant, marquant alors au pluriel une totalité très générale : sur tuz homes, tuz dis, tuz temps, tutes teres ; il le pourra encore au XVIe s. : Que non seulement il nous face cette grace, mais à tous peuples et nations de la terre (Calvin). La langue moderne conserve un bon nombre de locutions ainsi construites : de toutes manières, à toutes fins utiles, à tous égards, en tous points. Au singulier, son sens était ambigu ; ou bien il marquait comme totus la totalité dans le continu : tute jur [toute une journée], tute noit [toute la nuit] ; ou bien il était au pluriel tuit ce qu’en latin omnis était à omnes, une simple variante morphologique, comme dans ces vers de la Chanson de Roland : Dist al paien : « Deus tut mal le consente ! » [Il dit au païen : « Que Dieu t’octroie tous les maux ! »] (1632). Mult est pesmes Rollant, Ki tute gent [toute nation] voelt faire recreant [soumise] (392-3). C’est avec raison que l’arrêté ministériel du 26 février 1901 permettra d’écrire sans différence de sens : de toute (ou toutes) manière(s), en tout (ou tous) point(s), à tout (ou tous) peuple(s) et toute (ou toutes) nation(s), etc. Le glissement de l’emploi adjectival à l’emploi adverbial s’observe dès la Chanson de Roland, où tout devant un adjectif s’accorde le plus souvent avec le nom (set anz tuz pleins, lor espees tutes nues), mais reste une fois invariable : Rollant s’en turnet, par le camp vait tut suls (2184), comme il l’est devant un adverbe : tut premereins, tut issi. Ces diverses particularités, à part la posposition de tout, subsisteront au XVIIe s., et particulièrement l’accord de tout de- vant un adjectif ou participe féminin et pluriel quelle que soit sa lettre initiale : Que les mauvais désirs demeurent tous puissants (Corneille). Toute innocente et chaste qu’elle est (Balzac). Vaugelas accepta l’accord au féminin (elles sont toutes étonnées), mais le refusa au masculin : ils sont tout rompus. Il n’osait aller plus loin contre l’usage pour marquer une nuance plus souvent illusoire que réelle. L’usage oral permettait cependant d’étendre l’invariabilité devant les mots à initiale vocalique, où l’élision confondait tout et toute(s) ; l’Académie s’en avisa et donna à la règle sa forme définitive. Quelques raffinements ultérieurs — trop subtils pour l’usage courant — ont été rendus caducs par l’arrêté du 26 février 1901, qui autorise tout Rome ou toute Rome, Je suis tout à vous ou Je suis toute à vous. « CHACUN », « CHAQUE » Chacun, pronom, ne s’emploie qu’au singulier ; il a la valeur du symbole de « quantification universelle » écrit ! en logique fonctionnelle : il marque que le fait énoncé concerne individuellement tout élément d’un ensemble défini par ailleurs : Il a acheté une maison à chacun de ses enfants. Chaque est l’adjectif correspondant, qui n’a pas non plus de pluriel : Le candidat a écrit à chaque électeur. Chacun et chaque sont quelquefois appelés « distributifs » parce qu’ils suggèrent l’idée de « un par un » : « Présente le plat à chaque invité. » Aussi sont-ils employés dans la langue familière après la préposition entre, qui implique la conception de deux éléments : Entre chacune de ses phrases (Th. Gautier). Entre chaque tilleul (Diderot). Chaque étant adjectif, c’est un abus, condamné par Littré, mais très répandu dans l’usage courant, de l’employer absolument dans les précisions distributives comme : Ces romans valent quatre francs chaque. Trois secteurs, trois jours dans chaque (M. Genevoix). Dans tous ces cas, chacun peut être employé sans affectation. HISTORIQUE Trois mots signifiaient « chacun » et « chaque » en ancien français : 1° Cescun, dérivé de *cesque, venu du latin quisque (chacun, chaque) après dissimilation du qu initial en c, comme dans cinq, de quinque ; 2° Chaun (Serments de Strasbourg : in cadhuna cosa), remontant à (unum) cata unum [(un) par un], expression du sabir méditerranéen calquée sur le grec hena kat’hena ; 3° Chascun ou chescun, résultant du croisement des deux premiers, et, comme eux, pronom ou adjectif : Chascuns portout [portait] une branche d’olive (la Chanson de Roland, 303). Kar chascun jur de mort s’abandunet (ibid., 390). Chasque, fait dès le XIIe s. sur chascun d’après le modèle quelque/quelqu’un, ne deviendra usuel qu’au XVe s. L’expression un chacun, peut-être dialectale et sans doute conservée depuis l’oridownloadModeText.vue.download 24 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2576 gine, se rencontre jusqu’au XVIIe s. dans l’usage littéraire : Hautement d’un chacun elle blâme la vie (Tartufe). La ressemblance sémantique de tout et de chacun a fait créer jadis la locution redondante tout chacun : Dont le discours parfait à tout chacun fait croire... (Malherbe), et tout un chacun, que conservent la langue juridique et la langue populaire : T’es bousculé et pigné par tout un chacun et tu gênes tout un chacun (H. Barbusse). indéfiniment [ɛ̃definimɑ̃] adv. (de indéfini ; 1501, R. Et. Rab. [V, 166], écrit indefinemment [indéfiniment, 1568, R. Et. Rab., II, 181], aux sens I, 1-2 ; sens I, 3, 1873, Larousse ; sens II, 1607, Maupas). I.1.Sans limite définie dans l’espace : Une plaine qui s’étend indéfiniment à l’horizon. Ϧ 2. Sans limite définie dans le temps : Ajourner quelque chose indéfiniment. Des collignons [= des cochers] qui [...] vous roulent indéfiniment dans des chemins impossibles en clignant de l’oeil (France). Rose et Denis n’entendirent plus que des hoquets et ce mot répété indéfiniment d’un ton presque tendre, pressé, suppliant, persuasif (Mauriac). Ϧ 3. Sans limite définie en quantité : On ne peut laisser se multiplier indéfiniment les foyers de pollution. II. En grammaire, avec une valeur d’indétermination : Terme employé indéfiniment. • SYN. : I, 1 à l’infini ; 2 continuellement, éternellement, perpétuellement, sans fin. indéfiniser (s’) [sɛ̃definize] v. pr. (de indéfini ; fin du XIXe s.). Littér. Prendre un caractère indéfini, vague, indistinct : Ouvrez, les gens, je suis la pluie, | je suis la veuve en robe grise | dont la trame s’indéfinise, | dans un brouillard couleur de suie (Verhaeren). indéfinissable [ɛ̃definisabl] adj. (de in- et de définissable ; 1731, Voltaire, au sens 1 ; sens 2, 1770, Raynal ; sens 3, av. 1857, Musset). 1. Que l’on ne peut définir : Qu’est-ce que la réalité ? se demande le philosophe, et qu’est-ce que la liberté ? Il se met dans l’état d’ignorer l’origine à la fois métaphorique, sociale, statistique de ces noms, dont le glissement vers des sens indéfinissables va lui permettre de faire produire à son esprit les combinaisons les plus profondes et les plus délicates (Valéry). Ϧ 2. Que l’on ne peut décrire, expliquer ou exprimer avec précision, dont on ignore la signification exacte : Le mal du pays, ce regret indéfinissable de la patrie (Staël). « Cette pauvre Nanon ! » Son exclamation [au père Grandet] était toujours suivie d’un regard indéfinissable que lui jetait la vieille servante (Balzac). Une couleur indéfinissable (Hugo). Ϧ 3. Se dit d’une personne dont la nature, le caractère véritable est difficile à pénétrer ou à définir : Je connais ces êtres charmants et indéfinissables [les femmes] (Musset). Un homme indéfinissable ; et par extens. : Ce coeur même qui est le mien me restera à jamais indéfinissable (Camus). • SYN. : 2 confus, indescriptible, indéterminable, indicible, ineffable, inexprimable, vague ; 3 fuyant, impénétrable, inexplicable, insaisissable, mystérieux, secret. & n. m. (XXe s.). L’indéfinissable, ce qui est indéfinissable : Quand on est dans l’indéfinissable, les mots reçoivent trop leur lumière du présent (Estaunié). indéfinissablement [ɛ̃definisabləmɑ̃] adv. (de indéfinissable ; 1925, A. Gide). De façon indéfinissable, vague, confuse. indéfinité [ɛ̃definite] n. f. (dér. savant de indéfini ; 1823, Boiste). Caractère de ce qui est indefini (peu usité) : Du bout de la main gauche jusqu’à cette indéfinité au loin de la main droite (Claudel). indéfinitude [ɛ̃definityd] n. f. (dér. savant de indéfini ; milieu du XXe s.). En philosophie, caractère de ce qui est indéfini. indéformabilité [ɛ̃defɔrmabilite] n. f. (dér. savant de indéformable ; 1948, Larousse). Caractère de ce qui est indéformable. indéformable [ɛ̃defɔrmabl] adj. (de in- et indéformable [ɛ̃defɔrmabl] adj. (de in- et de déformer ; 6 févr. 1875, le Temps [rame indéformable, 1962, Larousse]). Qui ne peut être déformé : Un chapeau indéformable. ϦSpécialem. Rame indéformable, rame de chemin de fer qui conserve toujours la même composition en wagons ou en voitures, généralement pour assurer un service de navette. indéfrichable [ɛ̃defriʃabl] adj. (de in- et de défricher ; 1779, Restif de La Bretonne). Qui ne peut être défriché : Un terrain rocailleux, indéfrichable. indéfriché, e [ɛ̃defriʃe] adj. (de in- et de défriché, part. passé de défricher ; 1840, Acad.). Qui n’a pas encore été défriché : Plusieurs hectares indéfrichés. • SYN. : en friche, incultivé, vague, vierge. — CONTR. : cultivé, défriché. indéfrisable [ɛ̃defrizabl] adj. (de in- et de défriser ; 1845, Bescherelle [au fig., av. 1885, V. Hugo]). Qui ne peut être défrisé : Une mise en plis indéfrisable. Le bélier le plus bouc, le plus indéfrisable (Giraudoux) ; et au fig. : Une grande dame sèche, maigre, laide, coquette, laquelle avait quelque chose d’indéfinissable dans le regard et d’indéfrisable dans le tour (Hugo). & n. f. (1931, Larousse). Ondulation, frisure durable des cheveux, obtenue par la réaction chimique d’un liquide sur les mèches roulées en papillotes : Faire une indéfrisable à chaud. • SYN. : permanente. indégonflable [ɛ̃degɔ̃flabl] adj. (de in- et de dégonfler ; 1871, Almanach Didot-Bottin, p. 1047). Qui ne peut se dégonfler. indéhiscence [ɛ̃deisɑ̃s] n. f. (de indéhiscent ; 1808, Boiste). En botanique, caractère de ce qui est indéhiscent. indéhiscent, e [ɛ̃deisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de inet de déhiscent ; 1808, Boiste). Se dit, en botanique, d’un fruit qui ne s’ouvre pas spontanément : Les baies, les drupes, sont des fruits indéhiscents. indélébile [ɛ̃delebil] adj. (lat. indelebilis, ineffaçable, de in-, préf. à valeur négative, et de delebilis, qu’on peut détruire, dér. de delere, effacer, détruire, anéantir ; début du XVIe s., au sens 2 ; sens 1, 1541, Calvin [pour de l’encre, 1835, Acad. — indeleble, forme plus pop., 1551, Pontus de Tyard]). 1. Que l’on ne peut pas effacer : Une encre indélébile. Figurez-vous un long bâtiment tout en rez-de-chaussée, sans fenêtre, éclairé seulement d’en haut par un vitrage au plafond et parfumé d’une odeur indélébile, le collodion et l’éther, car il avait servi autrefois aux préparations photographiques (Daudet). Ϧ 2. Fig. Qu’il est impossible de faire disparaître : Une habitude indélébile. Une fois marqués, une fois immatriculés, les espions et les condamnés ont pris, comme les diacres, un caractère indélébile (Balzac). • SYN. : 1 inaltérable, ineffaçable ; 2 éternel, immortel, immuable, impérissable, indestructible. indélébilement [ɛ̃delebilmɑ̃] adv. (de indélébile [v. ce mot] ; 1775, Turgot [indeleblement, forme plus pop., 1551, Pontus de Tyard]). De façon indélébile : Les tatouages sont indélébilement marqués dans la peau. indélébilité [ɛ̃delebilite] n. f. (dér. savant de indélébile ; v. 1780 [d’après Féraud, 1787], au sens de « indissolubilité [du mariage] » ; sens actuel, 1803, Boiste). Caractère de ce qui est indélébile. indélibéré, e [ɛ̃delibere] adj. (de in- et de délibéré, d’après le bas lat. indeliberatus, indélibéré, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et deliberatus, tranché, décidé, part. passé adjectivé de deliberare, faire une pesée dans sa pensée, réfléchir mûrement, décider, de de-, préf. à valeur intensive, et de libra, livre [poids], balance ; 1677, Bossuet). Class. Qui n’est pas réfléchi, voulu, prémédité : Le changement le plus essentiel que le péché ait fait dans notre âme, c’est qu’un attrait indélibéré du plaisir sensible prévient tous les actes de nos volontés (Bossuet). indélicat, e [ɛ̃delika, -at] adj. (de in- et de délicat ; 1787, Féraud, au sens 1 [pour ce qui manifeste un manque de délicatesse, 1803, Mme de Staël] ; sens 2, 1957, Robert [pour ce qui témoigne un manque d’honnêteté, av. downloadModeText.vue.download 25 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2577 1924, A. France]). 1. Se dit de quelqu’un qui manque de délicatesse dans les sentiments, les procédés, les manières : Ces plaisanteries sont d’un homme indélicat. ϦSe dit de ce qui manifeste un manque de délicatesse : Un procédé indélicat. Une démarche indélicate. Ϧ 2. Se dit de quelqu’un dont la conduite est plus ou moins malhonnête : Il s’est montré indélicat en affaires. Ϧ Se dit de ce qui témoigne un manque d’honnêteté : Commettre un geste indélicat. Qui vous répondra de la probité de ce Samuel Ewart ? S’il gardait tout pour lui, ce serait bien indélicat de sa part, mais bien déplaisant pour vous (France). • SYN. : 1 fourbe, fruste, grossier, muf le (fam.), rustre ; 2 déloyal, goujat, malhonnête, véreux. indélicatement [ɛ̃delikatmɑ̃] adv. (de indélicat ; 1843, Landais). De façon indélicate : Mais tout cela ne faisait que rendre plus nécessaire de parler enfin sérieusement à Albertine afin de ne pas agir indélicatement (Proust). indélicatesse [ɛ̃delikatɛs] n. f. (de indélicat, d’après délicatesse ; 1807, Mme de Staël, au sens 1 [« acte, procédé indélicat », 1867, Littré] ; sens 2, 1922, Larousse [aussi « acte malhonnête »]). 1. Absence de délicatesse morale voisine de la goujaterie : Faire preuve d’indélicatesse. ϦActe, procédé indélicat : Une telle insistance est une indélicatesse. Ϧ 2. Malhonnêteté : On l’a mis à la porte lorsqu’on s’est aperçu de son indélicatesse. Ϧ Acte malhonnête : De ce fait, il apparaissait que Maurice vivait dans le désordre, faisait des dettes, était sur le point de commettre des indélicatesses (France). • SYN. : 1 grossièreté, impolitesse, muflerie (fam.) ; crasse (fam.), entourloupette (fam.), impertinence, vacherie (pop.) ; 2 malhonnêteté ; escroquerie, filouterie, friponnerie. indélivrable [ɛ̃delivrabl] adj. (de in- et de délivrer ; av. 1890, Maupassant, aux sens 1-2). 1. Qui ne peut être rendu libre : Un prisonnier indélivrable. Ϧ2. Qui ne peut être débarrassé de quelque chose d’obsédant : Captive indélivrable des ironies rongeuses (Maupassant). indémaillable [ɛ̃demajabl] adj. (de in- et de démailler ; 1948, Larousse, au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Qui est tissé de telle sorte que les mailles ne filent pas si l’une d’entre elles se défait : Des bas indémaillables. Ϧ2. Se dit du métier chaîne sur lequel se fabrique le tissu de cette sorte. & n. m. (1957, Robert). Tissu ainsi obtenu : Du linge en indémaillable. indémêlable [ɛ̃demɛlabl] adj. (de in- et de démêler ; av. 1848, Chateaubriand, au sens 1 ; sens 2, 1888, A. Daudet). 1. Dont les divers éléments ne peuvent être démêlés, isolés (au pr. et au fig.) : Des écheveaux embrouillés et indémêlables. La tête remplie de rêves obscurs, indémêlables reflets de la boue maternelle (Chateaubriand). Ϧ 2. Fig. Dont la complexité ne peut être analysée en des éléments nettement distincts : Une impression indémêlable de logique et d’incohérence (Bourget). • SYN. : 1 indébrouillable, inextricable ; 2 confus, inanalysable, indécomposable. indemne [ɛ̃dɛmn] adj. (lat. indemnis, qui n’a pas éprouvé de dommage, de in-, préf. à valeur négative, et de damnum, détriment, tort, préjudice ; 1384, Runkewitz, écrit indampne [indemne, début du XVIe s.], au sens de « exempt de toute redevance » ; sens 1, 1549, R. Estienne ; sens 2, XVe s., Godefroy [écrit indamne — indemne, 1867, Littré ; « dont l’intégrité morale n’est pas atteinte », milieu du XXe s.] ; sens 3, 1885, Zola). 1. Vx. En droit, qui n’a pas subi de dommage ou qui est dédommagé. Ϧ2. Qui n’a pas éprouvé de dommage physique : Je me suis tiré indemne de l’accrochage et j’ai tapé dur (Aymé). Ϧ Dont l’intégrité morale n’est pas atteinte : Sortir indemne d’une vilaine affaire. Ϧ 3. Qui n’est pas atteint par une contagion : Richard trouvait qu’il ne fallait rien pousser au noir et que la contagion d’ailleurs n’était pas prouvée puisque les parents de ses malades étaient encore indemnes (Camus). Ϧ Fig. Qui n’est pas influencé par un mouvement d’opinion : Le travail n’avait repris nulle part. Au contraire, la grève s’était aggravée [...] ; à Saint-Thomas, jusque-là indemne, des hommes manquaient (Zola). • SYN. : 2 sain et sauf. indemnisable [ɛ̃dɛmnizabl] adj. (de indemniser ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Qui peut ou doit être indemnisé : Un propriétaire exproprié par l’État est indemnisable. Des réfugiés indemnisables. indemnisation [ɛ̃dɛmnizasjɔ̃] n. f. (de indemniser ; 1754, Formey, I, 253). Action d’indemniser ; paiement d’une indemnité : L’indemnisation des dommages corporels. Avoir droit à une maigre indemnisation. indemniser [ɛ̃dɛmnize] v. tr. (de indemne, d’après le lat. indemnis [v. INDEMNE] ; 1465, Bartzsch). Donner à quelqu’un une compensation financière des torts, des pertes, des frais qu’il a subis : Indemniser des sinistrés. Un rapport destiné à édifier sur la valeur de l’immeuble le conseil nommé par l’administration de la Ville, à l’effet d’indemniser les propriétaires expropriés (France). • SYN. : dédommager, désintéresser. & s’indemniser v. pr. (1678, La Fontaine). Par iron. Se donner à soi-même un dédommagement : C’étaient [le Chat et le Renard] deux vrais tartufs, deux archipatelins, | Deux francs patte-pelus, qui, des frais du voyage, | Croquant mainte volaille, escroquant maint fromage, | S’indemnisaient à qui mieux mieux (La Fontaine). Je crois que je vivrai triple pour m’indemniser de mon horrible jeunesse et de ces vingt ans de travail, où il n’y a eu que vous pour me faire accepter la vie (Balzac). indemnitaire [ɛ̃dɛmnitɛr] n. (de indemnit[é] ; 1832, Raymond, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. En termes de droit, personne à qui une indemnité est due. Ϧ 2. Spécialem. S’est dit, sous la Restauration, des émigrés qui touchèrent une indemnité pour leurs biens confisqués sous la Révolution. & adj. (31 juill. 1874, Gazette des tribunaux, p. 728). Qui a le caractère d’une indemnité : Une somme, une allocation indemnitaire. indemnité [ɛ̃dɛmnite] n. f. (bas lat. indemnitas, préservation de tout dommage, salut, sûreté, indemnité, de indemnis [v. INDEMNE] ; 1278, Godefroy, écrit endempnitat, au sens de « compensation » ; 1367, Dict. général, écrit indemnité, au sens de « droit qu’ on paie au seigneur féodal quand un fief tombe en main-morte » ; sens 1, 1549, R. Estienne [indemnité de guerre, 1957, Robert — indemnité, même sens, 1878, Larousse ; indemnité journalière, 1962, Larousse] ; sens 2, 1867, Littré [indemnité de résidence, 1957, Robert] ; sens 3, av. 1850, Balzac [indemnité parlementaire, 1907, Larousse — indemnité, même sens, 1893, Dict. général ; indemnité, « traitement annuel des membres du Directoire et de ceux du Corps législatif », 1795, d’après Larousse, 1873]). 1. En droit, somme d’argent accordée à quelqu’un en réparation d’un dommage subi : Accorder une indemnité aux personnes spoliées. Recevoir une indemnité d’expropriation. Les projets de ton père, continua Mme de Malivert, tiennent à cette loi d’indemnité dont on nous parle depuis trois ans (Stendhal). Ϧ Indemnité de guerre, indemnité imposée par le vainqueur au vaincu pour le dédommagement des frais et des préjudices causés par les hostilités. ϦIndemnité journalière, en termes de législation sociale, allocation versée pour chaque journée de repos consécutive à un accident du travail, à une maladie ou à la maternité. Ϧ 2. Somme d’argent accordée aux salariés en compensation de charges particulières : Une indemnité de transport, de travail insalubre. Ϧ Indemnité de résidence, supplément alloué aux fonctionnaires qui ne sont pas logés par l’Administration ou par les collectivités locales, variable selon le traitement et les zones de salaires. Ϧ 3. Rémunération découlant d’un travail supplémentaire ou temporaire : Nous donnons à chaque médecin une indemnité de trois mille francs par an pour s’occuper de nos pauvres (Balzac). Ϧ Indemnité parlementaire, émoluments des membres du Parlement. •SYN. 1 compensation, dédommagement, dommages-intérêts, réparation ; 2 allocation. downloadModeText.vue.download 26 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2578 indémontable [ɛ̃demɔ̃tabl] adj. (de in- et de démontable ; début du XXe s., au sens 2 ; sens 1, 1948, Larousse). 1. Qui ne peut être démonté ou séparé d’un ensemble complexe : Une serrure rouillée qui est indémontable. Ϧ Dont on ne peut défaire toutes les parties : Un jouet indémontable. Ϧ 2. Qui ne peut être démonté, renversé de sa monture : Moins jeune que le roi Melchior, le roi Gaspard n’était pas, comme lui, un archer émérite et un écuyer indémontable (H. de Régnier). indémontrable [ɛ̃demɔ̃trabl] adj. (lat. impér. indemonstrabilis, qui ne peut être démontré, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et du lat. impér. demonstrabilis, qui peut être démontré, dér. du lat. class. demonstrare, faire voir, désigner, expo- ser, de de-, préf. à valeur intensive, et de monstrare, faire connaître, désigner, avertir ; 1726, Dictionnaire néologique [un premier ex. à la fin du XVIe s.]). Qui ne peut être démontré par un raisonnement ; qui est posé comme postulat : Il posa d’abord l’excellence « a priori » d’Odette [...]. La révélation de ses vertus indémontrables, et dont la notion ne pouvait dériver de l’expérience... (Proust). •SYN. : improuvable, invérifiable. — CONTR. : démontrable, prouvable, vérifiable. indémontré, e [ɛ̃demɔ̃tre] adj. (de in- et de démontré, part. passé de démontrer, ou du bas lat. indemonstratus, non démontré, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et demonstratus, part. passé de demonstrare [v. l’art. précéd.] ; 1845, Bescherelle). Qui n’a pas encore été démontré : Une hypothèse indémontrée. indéniable [ɛ̃denjabl] adj. (de in- et de dénier ; 1789, ZFSL, XXXV, 138). Que l’on ne peut dénier ; qui est d’une certitude absolue, incontestable : Une preuve indéniable. Sa guérison du moins était là, indéniable, démontrable, miraculeuse assurément (Gide). C’est indéniable, concéda Antoine. Père a trouvé dans sa foi un appui sans pareil (Martin du Gard). Cela prouve que, dans un monde où tout peut se nier, il y a des forces indéniables et que, sur cette terre où rien n’est assuré, nous avons nos certitudes (Camus). • SYN. : authentique, certain, évident, flagrant, formel, incontestable, indiscutable, indubitable, irréfutable, manifeste. indéniablement [ɛ̃denjabləmɑ̃] adv. (de indéniable ; av. 1914, Péguy). De façon indéniable : Il est indéniablement guéri. • SYN. : incontestablement, indiscutablement, indubitablement, irréfutablement, manifestement. indénombrable [ɛ̃denɔ̃brabl] adj. (de inet de dénombrable ; XXe s.). Que l’on ne peut dénombrer : Mussolini accumulait sur les bords de la mer Rouge un matériel énorme, indénombrable (Bernanos). La main [...] procure à nos besoins, offre à nos idées une collection d’instruments et de moyens indénombrables (Valéry). • SYN. illimité, incalculable, incommensurable, infini, innombrable. — CONTR. : borné, limité, modeste. indentation [ɛ̃dɑ̃tasjɔ̃] n. f. (de in- et de dent ; 1867, Littré). Échancrure qui semble faite par un coup de dent : Les indentations du littoral breton. 1. indenté, e [ɛ̃dɑ̃te] adj. (de in- et de denté ; 1867, Littré). Feuille indentée, en botanique, celle qui n’est pas dentelée. 2. indenté, e [ɛ̃dɑ̃te] adj. (de indentation ; milieu du XXe s.). Côte indentée, littoral découpé, présentant des échancrures profondes. indépassable [ɛ̃depasabl] adj. (de in- et de dépasser ; 1886, Bloy). Qu’on ne peut dépasser : Un coureur indépassable. Un crédit budgétaire indépassable. indépendamment [ɛ̃depɑ̃damɑ̃] adv. (de indépendant ; 1630, Monet). Class. De manière indépendante : La postérité de Jacob [...] jouit indépendamment et paisiblement de la terre qui lui avait été assignée (Bossuet). & Indépendamment de loc. prép. (sens 1, 1675, Bossuet ; sens 2, av. 1778, Voltaire). 1. Abstraction faite de, mis à part : Cette énorme et dangereuse puissance de la maison d’Orléans qui, indépendamment de tant d’amitiés et de clientèles, par l’argent seul [...] restait une royauté (Michelet). Ϧ 2. Fam. En plus de, sans parler de : Indépendamment du confort, le voyage en avion offre l’avantage de la rapidité. indépendance [ɛ̃depɑ̃dɑ̃s] n. f. (de indépendant ; 1630, Revue de philologie française [XLIII, 128], au sens I, 1 ; sens I, 2, av. 1850, Balzac ; sens I, 3, 1669, Bossuet ; sens I, 4-5, 1807, Mme de Staël ; sens II, 1, 1663, Corneille ; sens II, 2, 1690, Bossuet ; sens II, 3, 1873, Larousse ; sens III, 1, 1630, Monet [en logique moderne, 1968, Larousse] ; sens III, 2, av. 1922, Proust [indépendance de charge, 1968, Larousse]). I. 1. État de quelqu’un qui n’est lié à personne ou à rien et dont la capacité d’action est autonome : Celui qui règne dans les cieux et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l’indépendance (Bossuet). Demain [...], il [l’auteur] sortira de cette foule pour rentrer dans sa solitude, solitude profonde [...] où il est seul avec sa pensée, son indépendance et sa volonté (Hugo). Ϧ Spécialem. État de quelqu’un qui subvient seul à ses besoins matériels : Indépendance financière. Son salaire lui assure une totale indépendance. Ϧ 2. Vx. Au jeu de boston, action de faire seul un certain nombre de levées : Comment perdu ? Eh oui, mon indépendance en coeur, cette allumette de Desroches me fait toujours perdre (Balzac). Ϧ 3. Caractère d’une personne qui ne supporte aucune contrainte venant d’autrui : Faire preuve d’indépendance. Un esprit d’indépendance. Toutefois, dans ma première ardeur pour la chasse, il entrait un fond d’indépendance ; franchir les fossés, arpenter les champs, les marais, les bruyères, me trouver avec un fusil dans un lieu désert, ayant puissance et solitude, c’était ma façon d’être naturelle (Chateaubriand). Ϧ 4. Attitude d’une personne qui ne se laisse pas influencer et qui porte un jugement en toute impartialité : L’indépendance d’un critique. Ϧ5. Position de celui qui ne se plie pas aux usages, aux règles établies, au conformisme en art : L’indépendance d’un peintre se heurte d’abord à l’incompréhension du public. II. 1. État d’un pouvoir qui n’est pas soumis à un autre pouvoir : L’indépendance du pouvoir judiciaire envers l’exécutif. Ϧ 2. Autonomie politique, souveraineté nationale : Un pays colonisé qui a conquis son indépendance. Naguère encore, elle [l’Angleterre] proclamait l’indépendance des colonies espagnoles, en même temps qu’elle refusait de reconnaître celle de la Grèce... (Chateaubriand). Il [Gobseck] n’était étranger à aucun des événements de la guerre de l’indépendance américaine (Balzac). Ϧ3.Situation d’une nation dont les décisions ne sont pas influencées par des contraintes venant de l’extérieur : L’intégration européenne obligerait chaque nation participante à renoncer à son indépendance politique et économique. III. 1. Absence de rapports entre plusieurs choses : L’indépendance de deux phénomènes l’un par rapport à l’autre. Et il se peut qu’une indépendance suffisante s’observe entre ces métiers exercés par le même... (Valéry). Ϧ En logique moderne, caractère d’un système axiomatique où chaque axiome n’est pas susceptible d’être déduit des autres. Ϧ 2. Mise en jeu d’un élément après l’avoir désolidarisé d’un autre : Mais la parfaite indépendance des muscles du visage, à laquelle M. de Norpois était arrivé, lui permettait d’écouter sans avoir l’air d’entendre (Proust). ϦIndépendance de charge, en physique nucléaire, propriété des forces nucléaires qui s’exercent indépendamment des charges électriques portées par les particules en interaction. • SYN. : I, 3 individualisme, indocilité, liberté ; 4 non-conformisme. Ϧ II, 1 autonomie. — CONTR. : I, 1 assujettissement, chaîne, dépendance, esclavage, lien, servitude ; 3 docilité, soumission ; 4 conformisme. Ϧ II, 1 dépendance, subordination. indépendant, ante [ɛ̃depɑ̃dɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de in- et de dépendant ; 1584, Vaganay, downloadModeText.vue.download 27 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2579 au sens I, 1 [« se dit de la situation... », fin du XVIIe s., Saint-Simon] ; sens I, 2, av. 1622, François de Sales [« qui est fait librement... », 1807, Mme de Staël] ; sens I, 3, début du XIXe s., Mme de Staël ; sens II, 1, 1640, Corneille ; sens II, 2, 1651, Corneille ; sens III, 1, 1636, Monet [pour une chambre, 1957, Robert ; proposition indépendante, ou une indépendante, début du XXe s.] ; sens III, 2, 1636, Monet ; sens III, 3, 1968, Larousse). I. 1. Se dit d’une personne qui n’est subordonnée à aucune autre et qui agit en toute liberté : En se mariant à son gré, il sacrifiait l’avenir incertain d’un artiste indépendant aux devoirs coutumiers de la vie conjugale (L. Descaves). Ϧ Spécialem. Se dit d’une personne qui est en mesure de subvenir seule à ses besoins. Ϧ Se dit de la situation dans laquelle se trouve cette personne : Mener une vie indépendante. Exercer une profession indépendante. Ϧ 2. Se dit d’une personne qui se refuse à toute contrainte : Un enfant indépendant. Un esprit indépendant. Un caractère indépendant. Ϧ Qui est fait librement, souverainement : Un choix indépendant, une décision indépendante. Ϧ 3. Se dit de ce qui est élaboré par un esprit agissant en toute liberté : Les professeurs de notre Université, qui enseignent la philosophie indépendante et le spiritualisme chrétien (France). II. 1. Se dit d’une communauté ou d’un pouvoir qui ne sont soumis à aucune autorité extérieure : En France, l’Église est indépendante de l’État. Ϧ 2. Qui jouit de l’autonomie politique : Une nation indépendante. III. 1. Qui n’a aucun rapport avec autre chose : Ces deux questions sont indépendantes l’une de l’autre. Ϧ Spécialem. Se dit d’une pièce qui ne fait pas partie d’un appartement ou qui en fait partie mais qui en a été séparée par une cloison et par une entrée distincte. Ϧ Proposition indépendante, ou, substantiv., une indépendante, en grammaire, proposition qui ne dépend d’aucune autre et dont aucune ne dépend. Ϧ 2. Qui n’existe pas, ne se réalise pas ou ne varie pas en fonction de quelque chose : Ô règle infaillible descendue du ciel, toujours indépendante des lieux, des temps, des nations, des intérêts (Massillon). Vous êtes à cette époque de l’existence où l’on se choisit dans ses rêves un avenir indépendant du présent (Hugo). Ce plaisir du lecteur est entièrement indépendant du mal que nous avons pris à lui faire un livre (Valéry). Ϧ 3. En mathématiques, se dit d’une famille de vecteurs qui ne sont liés par aucune relation linéaire homogène, et des vecteurs qui composent cette famille. • SYN. : I,1 libéré, libre ; 2 indocile, insoumis, rétif. Ϧ II, 2 autonome, souverain. Ϧ III, 1 dissocié, distinct, séparé. — CONTR. : I, 1 assujetti, enchaîné, lié ; 2 docile, moutonnier, obéissant. Ϧ II, 1 inféodé, soumis, subordonné ; 2 asservi, colonisé, sujet. & adj. et n. m. (sens 1, 1872, Claretie, [comme adj. ; 1792, Frey, comme n. m., pour désigner les membres d’une des factions de l’Assemblée] ; sens 2, 1884, d’après Larousse, 1907). 1. Se dit des membres de divers partis politiques de droite : C’est en vain que tu dissimules les véritables opinions sous les épithètes usurpées de républicain indépendant (Larbaud). Les indépendants se recrutent surtout dans la bourgeoisie. Ϧ2. Se dit d’un artiste opposé à l’art officiel, académique : La Société des artistes indépendants. Le Salon des indépendants. & n. (1871, Zola). Personne qui aime l’indépendance : Cet enfant est un indépendant. & indépendants n. m. pl. (adaptation de l’angl. Independents, même sens, probablem. empr. du franç. indépendant ; 1669, Bossuet). Secte politique et religieuse anglaise, aux XVIe et XVIIe s. indépendantisme [ɛ̃depɑ̃dɑ̃tism] n. m. (de indépendant ; 1682, Bossuet, au sens 1 ; sens 2, 1970, Robert [« revendication d’indépendances », av. 1778, J.-J. Rousseau]). 1. Au XVIIe s., position politique et religieuse des indépendants d’Angleterre : La grâce de l’élection qu’on nous allègue ne remédie point aux schismes, aux translations du ministère et à toutes les révolutions séditieuses qu’on peut attendre de l’indépendantisme (Fénelon). Ϧ 2. Au Canada, doctrine politique qui consiste à revendiquer l’indépendance politique de la province du Québec. indépendantiste [ɛ̃depɑ̃dɑ̃tist] n. (de indépendantisme ; 2 juin 1968, le Monde). Partisan de l’indépendantisme, au Québec. indéracinable [ɛ̃derasinabl] adj. (de inet de déraciner ; 1782, Mercier, au sens 1 ; sens 2, av. 1896, Goncourt ; sens 3, 1862, Fromentin). 1. Qu’on ne peut déraciner (rare) : Un arbre indéracinable. Ϧ2. Fig. et fam. Qu’on ne peut faire partir : Deux ou trois ivrognes indéracinables (Goncourt). Ϧ 3. Fig. Qu’on ne peut faire disparaître du coeur ou de l’esprit : Un mot de Delozière m’a ôté une anxiété sourde que je croyais indéracinable (Chardonne). Tous les principes indéracinables et entêtés auxquels ses épaules touchaient (Proust). • SYN. : 3 indestructible, inextirpable, tenace. indéraciné, e [ɛ̃derasine] adj. (de in- et de déraciné, part. passé de déraciner ; 1867, Littré). Qui demeure enraciné : Des préjugés indéracinés. indéréglable [ɛ̃dereglabl] adj. (de inet de dérégler ; 1922, Larousse). Dont le réglage ne se dérange pas : Une horloge électronique est indéréglable. indescriptibilité [ɛ̃dɛskriptibilite] n. f. (dér. savant de indescriptible ; 1970, Robert). Littér. Caractère de ce qui est indescriptible : L’indescriptibilité des ravages de la guerre atomique. indescriptible [ɛ̃dɛskriptibl] adj. (de in- et du lat. descriptum, supin de descri- bere, transcrire, dessiner, exposer, déterminer, de de-, préf. à valeur intensive, et de scribere, tracer, écrire, inscrire ; 1789, d’après Mercier, 1801, au sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Se dit de choses qu’il est impossible de décrire, en raison de leur complexité : Un désordre indescriptible. Les choses, sans compter les hommes, qui pourrissaient là [dans la cour d’une auberge], qui s’y rouillaient, qui y moisissaient, étaient indescriptibles (Hugo). Ϧ 2. Dont le degré, l’intensité dépassent l’expression, très grand : Une joie indescriptible. Ne flattez pas le culte d’adjectifs tels que indescriptible, inénarrable, rutilant, incomparable, colossal, qui mentent sans vergogne aux substantifs qu’ils défigurent (Lautréamont). • SYN. 1 indicible, inénarrable, inexprimable ; 2 délirant, démesuré, extraordinaire, ineffable, inimaginable, inouï, insensé. indescriptiblement [ɛ̃dɛskriptibləmɑ̃] adv. (de indescriptible ; 1840, Acad.). D’une manière indescriptible : Une foule indescriptiblement délirante. indésirable [ɛ̃dezirabl] adj. et n. (de in- et de désirable ; 1801, Mercier). Qui n’est pas souhaité : Une présence indésirable. Des complications indésirables. & adj. et n. (francisation de l’angl. undesirable, peu désirable, peu souhaitable, et [depuis le début du XXe s.] « indésirable », de un-, préf. à valeur négative, et de desirable, désirable, empr. du franç. désirable ; 1922, Larousse — surtout pour une personne expulsée du territoire national... [comme n., 191 1, Bonnaffé — d’abord undesirable, 1905, Bonnaffé]). Se dit d’une personne tenue à l’écart par un groupe, une communauté, ou une personne : Il paraît que certains de ses amis lui ont fait sentir qu’il était indésirable (Mauriac). Je ne tiens pourtant pas à ce qu’il me prenne pour un toqué et un indésirable (Romains). Ϧ Spécialem. Se dit d’une personne expulsée du territoire national ou refoulée à la frontière. indésiré, e [ɛ̃dezire] adj. (de in- et de désiré ; début du XXe s.). Qui n’a pas été désiré : Elle se persuada que cette soeur indésirée lui serait une ennemie (Tinayre). indestructibilité [ɛ̃dɛstryktibilite] n. f. (dér. savant de indestructible ; avr. 1737, Mémoires de Trévoux [p. 700], au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Caractère de ce qui est matériellement indestructible : L’indestructibilité de la matière. Un caractère d’indestructibilité était écrit dans les lignes droites (Gautier). Ϧ 2. Fig. À quoi on downloadModeText.vue.download 28 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2580 ne peut mettre fin : L’indestructibilité de leur amitié. indestructible [ɛ̃dɛstryktibl] adj. (de in- et de destructible ; début du XVIIIe s. [d’après Trévoux, 1771], au sens 1 [« qui ne paraît pas pouvoir être détruit », 1770, Raynal] ; sens 2, 1769, Voltaire). 1. Qui ne peut pas être détruit : La matière est indestructible. ϦQui ne paraît pas pouvoir être détruit : Des monuments indestructibles. De ces meubles indestructibles, proscrits partout, mais placés là comme le sont les débris de la civilisation aux incurables (Balzac). Ϧ2. Fig. Que rien ne peut effacer, abolir : Il y a des liaisons soi-disant indestructibles dans lesquelles elle [l’absence] fait d’irrémédiables avaries (Fromentin). • SYN. : 1 impérissable, inaltérable ; éternel, immortel ; 2 immuable, indéfectible, indissoluble. indestructiblement [ɛ̃dɛstryktibləmɑ̃] adv. (de indestructible ; 1867, Littré). De façon indestructible, de manière à durer éternellement : Quoi qu’il en soit, la légende est indestructiblement établie ; elle a fourni à Milton l’une de ses plus épiques descriptions (Baudelaire). indéterminable [ɛ̃determinabl] adj. (de in- et de déterminer, ou du bas lat. indeterminabilis, infini, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et du bas lat. determinabilis, qu’on peut déterminer, dér. du lat. class. determinare, borner, régler, fixer, de de- [préf. à valeur intensive] et de terminare, mêmes sens, dér. de terminus, borne, limite ; 1470, Livre de la discipline d’amour divine, au sens 1 [rare av. le milieu du XVIIIe s.] ; sens 2, 1867, Littré). 1. Dont la forme, les dimensions ne peuvent être précisées exactement, ou que le calcul ne permet pas de déterminer : La silhouette des hautes montagnes, qui se dessinaient comme au pinceau par une ligne indéterminable (Fromentin). Ϧ 2. Qu’on ne peut définir, préciser : Un [élément] indéterminable qui crée en nous la responsabilité (Bourget). Une odeur indéterminable. • SYN. : 1 confus, f lou, imprécis, incalculable, indéterminé ; 2 indéfinissable, vague. indétermination [ɛ̃detɛrminasjɔ̃] n. f. (de in- et de détermination ; début du XVIIe s., au sens I, 1 ; sens I, 2, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ; sens II, 1, av. 1784, Diderot ; sens II, 2, 1962, Larousse [« absence des conditions qui créent l’interdépendance des phénomènes et la causalité », 1867, Littré] ; sens II, 3, 1867. Littré ; sens II, 4, 1922, Brunot, Pensée). I.1.État d’une personne qui hésite, qui ne parvient pas à se déterminer : Être, demeurer dans l’indétermination. Ϧ2. Caractère hésitant, manque d’esprit de décision : Faire preuve d’indétermination dans des situations critiques. II. 1. Caractère de ce qui n’est pas déterminé, délimité, connu avec précision : L’indétermination d’une frontière. L’indétermination du sens d’un texte. Ϧ 2. En logique, caractère de ce qui n’est pas dépendant d’un autre phénomène : Affirmer l’indétermination d’un phénomène, c’est supposer qu’il est indépendant de tout autre phénomène capable de le déterminer (Bachelard). Ϧ Absence des conditions qui créent l’interdépendance des phénomènes et la causalité : La pensée cesserait avec l’indétermination (Valéry). Ϧ 3. Indétermination d’un problème, en algèbre, caractère d’un problème où le nombre des inconnues est supérieur à celui des équations destinées à les résoudre. Ϧ 4. En grammaire, caractère d’un terme dont la notion n’est pas rapportée à des circonstances précises. • SYN. : I, 1 doute, incertitude, perplexité ; 2 hésitation, indécision, irrésolution. Ϧ II, 1 imprécision, obscurité, vague. indéterminé, e [ɛ̃detɛrmine] adj. (de in- et de déterminé, ou du bas lat. indeterminatus, infini, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et determinatus, part. passé de determinare [v. INDÉTERMINABLE] ; 1370, Oresme, au sens II, 1 [« qui n’est pas fixé, défini avec exactitude » ; « qui n’est pas situé dans l’espace, dans le temps », 1690, Furetière ; « dont les limites ne sont pas précises », 1801, Chateaubriand] ; sens I, 1-2, 1690, Furetière [« qui ne s’arrête pas sur un objet précis », av. 1850, Balzac] ; sens II, 2, 1957, Robert ; sens II, 3, 1867, Littré [aussi quantités indéterminées] ; sens II, 4, 1765, Encyclopédie [art. gouverner]). I. 1. Vx. Qui n’a pas encore pris de décision : « Prendrez-vous une charge à la cour, à l’armée ? | — Mon âme dans ce choix est indéterminée » (Regnard). Ϧ 2. Vx. Qui ne parvient pas à se décider ; irrésolu : Il ne parle pas ici de la prudence de ces pénitents indéterminés qui se demandent sans cesse s’ils peuvent, s’ils ne peuvent pas (Fléchier). Ϧ Littér. Qui ne s’arrête pas sur un objet précis : Une figure vulgairement belle et qui exprimait une tristesse plus chagrine que mélancolique, une rêverie plus indéterminée que pensive (Balzac). II. 1. Qui n’est pas défini dans l’espace, précisé dans le temps : Quelque part, près de nous, dans une direction indéterminée, un tambour battait (Maupassant). Une date indéterminée. Ϧ Dont les limites ne sont pas précises : La lune brillait au milieu d’un azur sans tache, et sa lumière gris de perle descendait sur la cime indéterminée des forêts (Chateaubriand). Une question qu’il n’est pas possible de trancher sans sortir du domaine circonscrit de l’histoire pour entrer dans les régions indéterminées de la philosophie (France). Ϧ Qui n’est pas fixé, défini avec exactitude : Un mot dont le sens est indéterminé. La valeur de l’idée est indéterminée ; elle varie avec les personnes et les époques (Valéry). Ϧ 2. En termes de logique, qui échappe fondamentalement au déterminisme : En microphysique, les incertitudes de prévision quant à la position et à la quantité de mouvement des particules n’entraînent pas nécessairement qu’elles soient indéterminées. Ϧ3. Problème indéterminé, en mathématiques, problème dans lequel le nombre d’inconnues est supérieur à celui des équations et qui admet ainsi une infinité de solutions. Ϧ Quantités indéterminées, quantités que l’on fait entrer dans un calcul sans leur assigner d’abord une valeur déterminée. Ϧ 4. En grammaire, se dit d’un terme dont la notion exprimée n’est pas rapportée à des circonstances définies. • SYN. : I, 1 hésitant ; 2 incertain, indécis, perplexe. ϦII, 1 imprécis, indéfini ; confus, flottant, fluctuant, indéfinissable, indéterminable, vague. & indéterminé n. m. (1865, Cl. Bernard [« ce qui est vague », 1861, Sainte-Beuve]). Ce qui n’est pas déterminé, fixé, dans le temps ou dans l’espace : L’avenir, l’indéterminé, ce que le destin n’avait pas encore écrit, où le passé, le fixé n’avaient pas de part (Arnoux). Ϧ Fig. Ce qui est flou dans l’esprit, dans les idées : Il se plaisait, avec les romantiques, dans le vague et l’indéterminé (France). indéterminisme [ɛ̃detɛrminism] n. m. (de in- et de déterminisme ; 1865, Cl. Bernard, au sens 2 ; sens 1, 1877, Littré [en logique, 1957, Robert]). 1. Doctrine philosophique selon laquelle le libre arbitre existe soit chez l’homme, soit chez Dieu. ϦEn logique, doctrine selon laquelle le déterminisme ne se réalise pas universellement dans la nature : L’indéterminisme fondamental de Heisenberg en microphysique s’oppose au déterminisme de Paul Langevin, L. de Broglie et Einstein. Ϧ2. Caractère de ce qui échappe ou est censé échapper au déterminisme : L’indéterminisme d’actes humains, de faits naturels. indéterministe [ɛ̃detɛrminist] adj. et n. (de in- et de déterministe ; 10 avr. 1873, Journ. officiel, p. 2536). Qui est partisan de l’indéterminisme, en philosophie ou en sciences : Les philosophes indéterministes. & adj. (1922, Larousse). Relatif à l’indéterminisme : La théorie indéterministe de Heisenberg. • CONTR. : déterministe. indéveloppable [ɛ̃devlopabl] adj. (de in- et de développable ; 1873, Larousse). En termes de mathématiques, non développable : Une surface indéveloppable. indevinable [ɛ̃dəvinabl] adj. (de in- et de deviner ; 1588, Montaigne, écrit indivinable ; indevinable, av. 1778, Voltaire). Qu’il n’est pas possible de deviner : Dix années downloadModeText.vue.download 29 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2581 indevinables (Musset). Nature mouvante, détraquée, indevinable (Goncourt). indévissable [ɛ̃devisabl] adj. (de in- et de dévisser ; 1898, Huysmans). Que l’on ne peut dévisser : [Les pièces] étaient verrouillées, scellées par d’indévissables écrous (Huysmans). indévot, e [ɛ̃devo, -ɔt] adj. et n. (bas lat. indevotus, qui contrevient à la loi, irréligieux, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et devotus, dévoué, zélé [« pieux », à basse époque], part. passé adjectivé de devovere, dédier, consacrer, maudire, ensorceler, de de-, préf. à valeur intensive, et de vovere, faire un voeu, vouer, désirer, souhaiter ; v. 1420, Gerson [comme n., 1694, Boileau]). Vx. Qui manifeste de l’indifférence envers Dieu et les pratiques du culte : Le plus grand déplaisir qui puisse m’arriver au monde, c’est s’il me revenait que vous êtes un indévot (Racine). Elle s’en retourne, dégoûtée et indévote (Flaubert). & adj. (1835, Acad.). Vx. Qui témoigne de cette attitude : Une boutade indévote. Et votre plume ardente, anarchique, indévote (Hugo). indévotement [ɛ̃devɔtmɑ̃] adv. (de indévot ; 1470, Livre de la discipline d’amour divine). De façon indévote : Parler indévotement des choses de la religion. indévotion [ɛ̃devosjɔ̃] n. f. (bas lat. indevotio, manque de respect, mépris, irréligion, de indevotus [v. INDÉVOT] ; 1479, Ximenes). Vx. Indifférence envers Dieu et les pratiques du culte : Le relâchement et l’indévotion des peuples (Bourdaloue). index [ɛ̃dɛks] n. m. (lat. index, -dicis, qui indique, révélateur, dénonciateur, index [doigt], catalogue, liste, inscription, dér. de indicere, déclarer officiellement ou publiquement, notifier, imposer, prescrire, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de dicere, dire ; 1503, Chauliac, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1690, Furetière [en horlogerie, 1962, Larousse] ; sens II, 1, 1690, Furetière [« table alphabétique, lexique des mots d’une langue, d’un écrivain, d’une oeuvre », 1957, Robert] ; sens II, 2, 1690, Furetière [aussi Indice ; index expurgatoire, 1867, Littré — d’abord indice expurgatoire, fin du XVIe s. ; congrégation de l’Index, 1690, Furetière, art. congrégation] ; sens II, 3, av. 1834, Béranger ; sens II, 4, 1902, Larousse ; sens III, 1, 1922, Larousse [index épidémique ; index de mortalité, 1957, Robert] ; sens III, 2, 1926, Ch. Gide). I. 1. Le doigt de la main le plus proche du pouce, qui sert à montrer : Pointer l’index vers quelqu’un ou quelque chose. Saisir un objet entre le pouce et l’index. Pour lui faire injure, ils lui montraient le poing en passant le pouce entre l’index et le doigt du milieu (France). Il s’arrêtait dans sa marche pour soulever du bout de l’index le menton d’Arnica, comme on fait aux poupons que l’on veut amener à sourire (Gide). Ϧ 2. En mécanique, petite aiguille ou objet mobile assujettis à parcourir des divisions et à fournir ainsi des indications : En notant chaque position successive de l’index sur la graduation on obtient une courbe. Ϧ En horlogerie, petite aiguille faisant souvent corps avec un disque ou un petit cadran. II. 1. Table alphabétique située à la fin d’un ouvrage et comprenant les noms cités, les sujets traités avec l’indication des passages où ils se trouvent : L’index des noms propres. L’index des exemples dans une grammaire. Ϧ Spécialem. Table alphabétique, lexique des mots d’une langue, d’un écrivain, d’une oeuvre : L’index de la langue d’Apollinaire. L’index du vocabulaire des « Fleurs du mal ». Ϧ 2. L’index, ou (vx) l’indice (avec une majuscule), catalogue des livres dont l’autorité pontificale interdit la lecture aux fidèles : Mettre un livre à l’index. L’index est au nombre de ces usages qui restent comme des témoins des anciens temps (Chateaubriand). L’inquisition, qui [...] tient encore dans la bibliothèque Vaticane les manuscrits de Galilée clos et scellés sous le scellé de l’index ! (Hugo). Ϧ Index expurgatoire, catalogue des livres dont la publication et la vente sont interdites jusqu’à ce qu’ils aient été corrigés. Ϧ Congrégation de l’index, congrégation romaine créée en 1571 et qui était chargée de l’examen des livres, tâche reprise en 1917 par le Saint-Office et supprimée définitivement en 1966. Ϧ 3. Fig. Mettre à l’index une personne, une chose, l’exclure, la signaler comme dangereuse : Les groupements de toutes nuances nous mirent à l’index ; tout le monde nous lâcha (Cendrars). Ϧ 4. Spécialem. Décision de la chambre syndicale typographique interdisant à ses adhérents de travailler dans une maison dont le patron contrevenait aux règlements acceptés contractuellement. III. 1. Index épidémique, index de mortalité, etc., rapport entre le nombre des cas d’une maladie épidémique, ou le nombre de décès, et le nombre des habitants de la région. Ϧ 2. En économie politique, syn. de INDICE. • SYN. : II, 3 boycotter, condamner, désavouer, interdire, proscrire. • REM. Au sens II, 2, la forme indice, vieillie, est le mot italien indice, index. Au sens III, 2, index est un mot anglais (index number). indexation [ɛ̃dɛksasjɔ̃] n. f. (de indexer ; 1948, Larousse). Action d’indexer : L’indexation d’un emprunt sur le prix de l’or. indexer [ɛ̃dɛkse] v. tr. (de index ; 1948, Larousse, au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Lier les variations d’un salaire, d’un prix, d’une valeur aux variations d’un élément pris comme référence, comme indice : Indexer les loyers sur le coût de la vie. Ϧ2. Au Canada, inscrire sur une liste, un registre constituant un index. indianisation [ɛ̃djanizasjɔ̃] n. f. (de indianiser ; 1942, Auboyer). Action d’indianiser ; son résultat : L’indianisation du monde asiatique. indianiser [ɛ̃djanize] v. tr. (dér. savant de indien ; 1942, Auboyer). Donner un caractère indien à une civilisation : Le bouddhisme a contribué à indianiser la péninsule indochinoise et l’Insulinde. indianisme [ɛ̃djanism] n. m. (dér. savant de indien ; 1867, Littré, au sens 2 ; sens 1, 1873, Larousse). 1. Idiotisme propre aux langues de l’Inde. Ϧ 2. Science des langues et des civilisations de l’Inde. indianiste [ɛ̃djanist] n. (dér. savant de indien ; 1862, Renan). Savant spécialisé dans l’étude des langues et des civilisations de l’Inde : Il était fils du célèbre Amédée Baudouin, indianiste insigne et l’un des patriarches de la philologie moderne (Duhamel). indianologie [ɛ̃djanɔlɔʒi] n. f. (de indiano-, élément tiré de indien, et de -logie, du gr. logos, discours, science ; 1902, Larousse). Science dont l’objet est les Indiens d’Amérique. indic [ɛ̃dik] n. m. (abrév. de indicateur ; 1894, Esnault). Arg. Personnage intro- duit dans un milieu pour jouer le rôle de délateur. indical, e, aux [ɛ̃dikal, -o] adj. (de indice ; 1962, Larousse). En anthropologie, relatif à un indice : Valeur indicale. indican [ɛ̃dikɑ̃] n. m. (du lat. indicum, indigo [v. INDIGO] ; 1873, Larousse). Indican végétal, en chimie, glucoside qui constitue la substance mère de l’indigo. indicanurie [ɛ̃dikanyri] n. f. (de indican et de -urie, du gr. oureîn, uriner, dér. de oûron, urine ; 1907, Larousse). Présence d’indican dans l’urine. indicateur, trice [ɛ̃dikatoer, -tris] adj. (dér. savant de indiquer ; v. 1490, G. Tardif, comme n. m., au sens de « celui qui dénonce un coupable » ; comme adj., au sens 1, 1829, Boiste [le doigt indicateur ; poteau indicateur, 1873, Larousse] ; sens 2, 1962, Larousse [plante indicatrice, tableau indicateur de vitesse]). 1. Qui indique, fait connaître. ϦVx. Le doigt indicateur, l’index : Dressant le doigt indicateur de sa main gauche (France). ϦPoteau indicateur, poteau muni d’une plaque sur laquelle sont mentionnés des renseignements routiers : Il s’était relevé, se tenait raide et le bras tendu, tel un poteau indicateur (H. Bazin). Ϧ 2. Qui sert d’indication. ϦPlante indicatrice, plante dont la présence dans certaines stations downloadModeText.vue.download 30 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2582 permet d’en déduire que d’autres espèces peuvent y prospérer. Ϧ Tableau indicateur de vitesse, signal indiquant au mécanicien d’une locomotive la vitesse à respecter au passage d’un point singulier. & indicateur n. m. (sens I, 1, 1748, Esnault ; sens I, 2, 1779, Buffon ; sens II, 1, 1792, l’Indicateur ; sens II, 2, 1873, Larousse [indicateur d’altitude, 1957, Robert ; indicateur dynamométrique, 1902, Larousse ; indicateur de niveau, indicateur téléphonique, 1888, Larousse ; indicateur de position d’aiguille, .. de virage,.. de vitesse, 1931, Larousse ; indicateur de vide, 1902, Larousse ; indicateur visuel d’accord, 1962, Larousse] ; sens II, 3, fin du XIXe s. [indicateur de changement de direction, indicateur de fusion, 1962, Larousse ; indicateur de pente et de rampe, indicateur de marée [« poteau... »], 1902, Larousse] ; sens II, 4, 1922, Larousse [indicateur coloré, 1931, Larousse ; indicateur radio-actif, radioindicateur, 1962, Larousse] ; sens II, 5, 1968, Larousse [aussi indicateurs d’alerte] ; sens II, 6, v. 1960). I. 1. Personne à la solde de la police pour lui indiquer, lui dénoncer des malfaiteurs ou des suspects : Or, Barattan, le gargotier de la Jonchère était un indicateur de la sûreté (France). Je dois t’avertir que le « barriochino », le quartier chinois, quoi, est plein d’indicateurs (Mac Orlan). Ϧ2. Petit oiseau d’Afrique tropicale, au plumage brunâtre et blanc, qui, croit-on, attire par ses cris l’attention de l’homme et de certains animaux sur les nids d’abeilles sauvages, afin de profiter du miel et des larves restant après la récolte. II. 1. Livre, brochure contenant certains renseignements : Il se plongeait dans le plus enivrant des romans d’amour, l’indicateur des chemins de fer, qui lui apprenait le moyen de la rejoindre l’après-midi, le soir, ce matin même (Proust). Un indicateur des rues de Paris. Ϧ 2. Appareil ou instrument destiné à fournir les mesures nécessaires à la conduite d’une machine, d’un appareil, ou à en contrôler le fonctionnement : Indicateur de pression, de niveau d’huile. ϦIndicateur d’altitude, syn. de ALTIMÈTRE. ϦIndicateur dynamométrique, en thermodynamique, appareil permettant de mesurer le travail du fluide évoluant dans le cylindre d’une machine. ϦIndicateur de niveau d’une chaudière, appareil permettant de connaître le niveau de remplissage d’une chaudière. ϦIndicateur de position d’aiguille, signal relié aux lames d’un aiguillage et destiné à renseigner l’aiguilleur sur la direction que prendront les convois dans la position qu’elles occupent. Ϧ Indicateur téléphonique, appareil servant à indiquer à un poste téléphonique quel est celui de ses correspondants qui l’a appelé. Ϧ Indicateur de vide, manomètre indiquant le vide au condenseur. Ϧ Indicateur de virage, instrument permettant au pilote de contrôler l’inclinaison latérale de son avion. Ϧ Indicateur visuel d’accord, signal lumineux permettant d’accorder avec exactitude un poste récepteur sur un poste émetteur. Ϧ Indicateur de vitesse, instrument qui indique au pilote la vitesse relative de son avion par rap- port à l’air ambiant. Ϧ 3. Dispositif donnant une indication, un renseignement. Ϧ Indicateur de changement de direction, clignotant lumineux d’une automobile, actionné par le conducteur pour indiquer un changement de direction. Ϧ Indicateur de pente et de rampe, poteau placé le long d’une voie ferrée, portant des indications chiffrées sur l’inclinaison de la voie et sur le rayon des courbes. Ϧ Indicateur de marée, syn. de MARÉOGRAPHE ; poteau servant à indiquer, dans les ports, la hauteur de la marée. Ϧ Indicateur de fusion, dispositif d’un coupe-circuit à fusible indiquant que le fusible a fondu. Ϧ4.Procédé permettant d’obtenir un renseignement par un processus quelconque. Ϧ Indicateur coloré, en chimie, substance organique dont la couleur et la constitution varient en fonction du milieu plus ou moins acide ou basique dans lequel elle est placée. Ϧ Indicateur radio-actif, ou radio-indicateur, isotope radio-actif d’un élément chimique naturel auquel il est mélangé afin que celui-ci puisse être détecté au cours de ses transformations. Ϧ 5. Indicateur avancé, donnée chiffrée d’un secteur de l’économie, servant de repère pour l’observation de l’évolution dans d’autres secteurs. Ϧ Indicateurs d’alerte, grandeurs économiques choisies à l’avance afin que, lorsqu’elles seront atteintes, les responsables de l’économie soient alertés. Ϧ6. En psychologie sociale, indice qui permet, dans l’analyse du contenu, de classer chaque unité dans une catégorie particulière. • SYN. : I, 1 dénonciateur, donneur (pop.), mouchard (pop.) ; II, 1, guide. & indicatrice n. f. (1962, Larousse). Indicatrice d’émission, en optique, surface obtenue lorsqu’on porte, sur chaque normale à la surface d’une source lumineuse et vers l’extérieur, un segment proportionnel à la luminance de cette source. indicatif, ive [ɛ̃dikatif, -iv] adj. (bas lat. indicativus, qui indique, indicatif [en parlant d’un mode du verbe], de indicatum, supin du lat. class. indicare [v. INDIQUER] ; v. 1361, Oresme [colonne indicative des marées, 1701, Furetière]). Qui sert à indiquer, qui donne une indication sur : Un signe indicatif du paludisme. Fournir un état indicatif de tout le mobilier. C’est assez indicatif des moyens mis à ma disposition (Aymé). Ϧ À titre indicatif, v. TITRE. ϦColonne indicative des marées, syn. de INDICATEUR DE MARÉE. & indicatif adj. et n. m. (XIVe s., Orthographia gallica [comme n. m. ; mode indicatif, 1671, Pomey — d’abord mode indicative, v. 1590, Godefroy]). Mode indicatif, ou indicatif n. m., mode du fait objectif, certain et réel : L’indicatif présente les faits sans aucune interprétation subjective, à l’opposé du subjonctif. (V. art. spécial). & n. m. (sens 1, 1873, d’après Littré, 1877 ; sens 2, 1948, Larousse). 1. Indicatif d’appel, signal distinctif servant à désigner un bureau télégraphique ou une station radio-électrique, un navire, un avion. Ϧ2. Musique ou bruitage qui indique le commencement d’une émission régulière de radio ou de télévision. GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE L’INDICATIF DÉFINITION DISTRIBUTIONNELLE Si l’on définit le mode (v. ce mot, art. spécial) comme un ensemble de tiroirs verbaux capables de figurer dans un certain contexte syntaxique, on peut définir l’indicatif comme l’ensemble des tiroirs pouvant figurer en proposition indépendante avec un sujet sans être précédés de que ; exemple : Tu vas trop vite. INVENTAIRE DES FORMES L’indicatif comporte dix tiroirs, appelés traditionnellement « temps », soit, pour le verbe chanter : TEMPS SIMPLES TEMPS COMPOSÉS Présent : je chante Passé composé : j’ai chanté Imparfait : je chantais Plus-que-parfait : j’avais chanté Passé simple : je chantai Passé antérieur : j’eus chanté Futur : je chanterai Futur antérieur : j’aurai chanté Conditionnel : Conditionnel passé : j’aurais chanté je chanterais L’opportunité de rattacher le conditionnel à l’indicatif a été discutée à l’article spécial CONDITIONNEL. Il remplit la condition posée ci-dessus, puisqu’on dit très bien : Tu irais trop vite. Partout où l’indicatif est licite, le conditionnel l’est aussi ; exemples : Je suis sûr que tu viendras/viendrais. Quand il est venu/serait venu... Au contraire, le conditionnel ne peut remplacer l’impératif dans Va moins vite ! ni le subjonctif dans Je regrette que tu ailles si vite. downloadModeText.vue.download 31 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2583 L’étude particulière des temps de l’indicatif et de leurs emplois est faite dans ce dictionnaire aux articles spéciaux PRÉSENT, IMPARFAIT, FUTUR, PASSÉ, CONDITIONNEL. DÉFINITION PAR LA VALEUR TEMPORELLE Un point commun de tous les « temps » constituant l’indicatif est qu’ils peuvent figurer dans des contextes syntaxiquement identiques en s’opposant entre eux par la seule valeur temporelle ou aspectuelle : À six heures, il faisait jour/ avait fait jour/ a fait jour/ fera jour, etc. De ce point de vue, le conditionnel est encore à ranger sous le chef de l’indicatif, puisqu’il doit être substitué au futur après un verbe principal à un temps passé : Il affirme qu’il viendra. Il affirma qu’il viendrait. Même si on le tient dans de tels emplois pour une variante du futur en distribution complémentaire, cette variation participe à l’opposition purement temporelle qui commande la substitution (affirme/ affirma). Refuser d’inclure le tiroir « conditionnel » et son « passé » composé dans le mode « indicatif » obligerait à en exclure aussi le futur et son temps composé, le futur antérieur, ce qui donne à réfléchir. « Pitié pour l’indicatif ! » écrivait G. Moignet en réponse à une pareille proposition d’Henri Yvon (le Français moderne, juill. 1957). On sait que le conditionnel, dans certains contextes, entre en opposition avec d’autres temps de l’indicatif (et de l’indicatif seulement) pour exprimer le caractère fictif de l’action : Avec cette voiture, tu iras trop vite. Avec cette voiture, tu irais trop vite. Le fait que cette opposition est d’une nature non temporelle, mais dite « modale » faute d’un terme moins ambigu, a motivé longtemps et motivé encore dans l’usage scolaire la conception d’un « mode conditionnel » autonome. Mais refuser pour cette raison d’inclure le conditionnel (présent et passé) dans l’indicatif obligerait à en exclure aussi l’imparfait et le plus-que-parfait, qui prennent le sens irréel après si en abandonnant leur valeur temporelle (si tu allais moins vite). Ce qui donne encore à réfléchir. Une unité de valeur temporelle apparaît d’ailleurs si l’on compare tous ces emplois à ceux des autres « modes » : tous les « temps » de l’indicatif situent l’action que dénote le verbe sur la ligne du temps par rapport à l’instant présent ou à un moment défini dans le passé ou l’avenir. Ainsi le verbe dans Paul viendra situe l’action dans l’avenir, alors que le subjonctif vienne ou l’infinitif venir ne peuvent la situer que par rapport à un autre verbe, qui devra être à l’indicatif : Je souhaite qu’il vienne. Il a promis de venir. Toute référence temporelle passe par un indicatif. L’impératif, il est vrai, situe l’action dans l’avenir, mais à la manière dont un nom comme « Halte ! » ou « Repos ! » la situe quand il exprime un ordre : le temps (futur) va de soi, et aucune opposition temporelle n’est exprimable. On peut, en somme, appeler l’indicatif le mode de l’actualisation (v. ce mot, art. spécial) dans le temps. Gustave Guillaume a construit sur ces considérations toute sa doctrine du système verbal français, exposée dans Temps et verbe (1929). L’indicatif y est donné comme la forme achevée de l’idée verbale, l’aboutissement de l’opération qui conduit du concept de l’action à sa représentation particulière (Guillaume appelle « chronogénèse » cette élaboration de l’image-temps). La plupart des grammairiens modernes admettent semblablement que l’infinitif et l’indicatif sont les pôles abstrait et concret de la représentation verbale. Au IIe s. av. J.-C., Denys de Thrace appelait la première « flexion » (enclisis) aparemphatos, c’est-à-dire « qui ne définit pas clairement », et la seconde horistikê, « qui sert à délimiter, à définir », termes calqués par les Latins sous les formes infinitivus et finitivus (Diomède, d’après Donat, IVe s.). Les grammairiens modernes perpétuent ou retrouvent ce nom de l’indicatif quand ils l’appellent « mode fini », même s’ils n’adoptent pas le schéma guillaumien de la « chronogénèse » (par exemple Holger Sten, les Temps du verbe fini [indicatif] en français moderne, 1952). VALEUR MODALE Diomède dit que le terme finitivus n’était pas le seul dont usaient ses confrères pour dénommer l’indicatif : A quibusdam indicativus appellatur, quo indicamus ; ab aliis pronuntiativus, quo pronuntiamus. Les termes indicativus et pronuntiativus sont fonctionnels : ce mode nous sert à « déclarer » (sens que recouvrent à peu près les verbes indicare et pronuntiare). Sans doute doit-on les rattacher à la notion logique d’affirmation ou d’assertion, qui date des Grecs. L’indicatif serait le mode du jugement assertif : Le sang circule. Socrate est mortel. Cette conception a probablement assuré la fortune du terme indicativus, usité à l’exclusion des autres par les « modistes » du Moyen Age pour désigner le premier des cinq moeufs (forme ancienne du mot issu de modos) distingués par Donat pour le latin, conformément au modèle grec. Dans l’usage français, indicatif (emprunté vers 1500) sera sans concurrent. Damourette et Pichon, qui désignent par moeufs les deux modes qu’ils reconnaissent à la conjugaison française, n’ont pas fabriqué de terme nouveau pour dénommer l’indicatif, dont ils font le « mode du jugement », opposé au subjonctif, mode du non-jugement. Ce qu’on entend par « jugement » ou par « assertion » paraît devoir être analysé comme une prédication affirmative positive (Le sang coule) ou négative (Le sang ne coule pas) ; or, une valeur « modale » faisant l’unité de l’indicatif ne semble pouvoir être attachée ni à la fonction affirmative, ni à la fonction prédicative. La modalité interrogative, qui est exclusive de l’assertion, s’exprime normalement à l’indicatif : Où as-tu mis la clef ? Le sang circule-t-il ? La modalité volitive ne l’exclut pas : Un seul Dieu tu adoreras. Même dans une phrase comme Le sang circule, la modalité affirmative est implicite : sa marque orale est phrastique (V. INTONATION, art. spécial), elle n’est pas le fait de l’indicatif. La prédication est opérée au niveau de la phrase. Elle peut être affirmative, interrogative ou volitive (voire exclamative). Si l’on ne considère que la prédication affirmative, il apparaît effectivement qu’elle réclame l’indicatif, mais ce mode est employé aussi bien dans des membres de phrase subordonnés sur lesquels ne porte aucunement la prédication : Le livre que tu m’as donné (thème) est intéressant. (prédicat) D’autres linguistes (Kalepky, Hjelmslev, Guillaume, selon K. Togeby, Structure immanente de la langue française), préoccupés encore d’opposer les emplois de l’indicatif à ceux du subjonctif, donnent le premier pour le « mode de l’action réelle », le second marquant l’action « virtuelle ». Cette valeur modale paraît impliquée par la conception de l’indicatif comme le mode de l’« actualisation achevée » (v. plus haut). Encore faut-il s’entendre sur la valeur qu’on donne au mot français « réel » ou au mot anglais « actual », d’où dérive actualisation. Ces termes n’impliquent aucun jugement de « vérité » ou d’« existence » ontologique, mais seulement la meilleure intégration possible de l’action dénotée au temps vécu par les partenaires de la communication. Cette valeur n’est pas liée à une vertu du downloadModeText.vue.download 32 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2584 mode indicatif concevable par un acte de foi ou une révélation, elle résulte tout simplement du grand nombre (dix) des temps constituant ce mode, alors que les autres ne disposent au maximum, dans l’usage courant que d’un temps simple et d’un temps composé (aller/être allé ; que j’aille/que je sois allé). Une action réelle peut être exprimée au subjonctif : Je regrette que tu sois parti. Que cela soit vrai, je l’ai appris hier. Une action donnée pour non réelle peut être exprimée à l’indicatif : Pierre n’est pas parti. Dans une phrase comme : Si tu étais ici, tu te reposerais, deux actions fictives sont exprimées par les temps de l’indicatif (imparfait et conditionnel) qui les situent dans le présent. L’affirmation de réalité est pourtant une valeur modale que l’indicatif, de par sa référence au temps absolu, assume implicitement en proposition autonome (V. MODALITÉ, art. spécial) : Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l’oût, foi d’animal (La Fontaine, Fables, I, I), et même dans certains contextes en opposition avec le subjonctif (v. ce mot, art. spécial) ; comparer : Elle refuse de croire que son fils est mort. Elle refuse de croire que son fils soit mort. L’INDICATIF « MODE NON MARQUÉ » ? La fréquence de l’indicatif, très supérieure à celle des autres modes, l’a fait considérer quelquefois comme le « mode non marqué » du verbe (R. Jakobson), par l’application d’un principe de la théorie de l’information (v. ce mot, art. spécial) ; on lui trouve de ce fait une valeur stylistique nulle, alors que le subjonctif, beaucoup moins employé, est recherché dans une langue relevée pour sa connotation littéraire. On n’oubliera cependant pas que les deux modes sont le plus souvent incommutables : leur fréquence ne se compte pas dans le même référentiel. Selon toute évidence, le mode le plus marqué est celui qui comporte le plus de variations temporelles (ou autres) ; le signifié d’une forme d’indicatif contient des éléments lexicaux qui se retrouvent dans le subjonctif, et quelque chose de plus : l’actualisation temporelle. Un autre mode est moins marqué que ces deux-là : l’infinitif, invariable en personne, que l’on peut donc substituer par économie à l’un et à l’autre dans la génération transformationnelle des phrases. Dès le XVIe s., Jules-César Scaliger, considérant que le verbe se définit par l’indication du temps, jugeait essentielle la distinction des « temps », et superflue celle des « modes », dont un seul, l’indicatif, donnait le reflet véritable de la réalité, les autres n’étant que ses substituts commodes : Modus autem non fuit necessarius : unus enim tantum exigitur ob veritatem, ut dicebamus, Indicativus ; caeteri autem ob commoditatem potius. J.-C. Chevalier, qui cite ce texte (la Notion de complément chez les grammairiens, 1968), regrette que les raisons de cette « commodité » ne soient pas données. On était encore loin d’une théorie des transformations. Aujourd’hui, la grammaire générative tient l’indicatif pour le mode qui conserve le plus complètement possible les éléments temporels associés aux éléments sémantiques dans la structure profonde de la phrase ; l’emploi des autres modes en efface plus ou moins selon les besoins de la communication. indication [ɛ̃dikasjɔ̃] n. f. (lat. indicatio, indication de prix, taxe, mise à prix, de indicatum, supin de indicare [V. INDIQUER] ; 1333, Bibliothèque de la faculté des lettres de l’Université de Paris [VII, 169], au sens 1 [aussi « résultat de cette action »] ; sens 2, 1690, Furetière [aussi « signe révélant un état morbide, symptôme » ; indication de paiement, 1867, Littré] ; sens 3, 1886, Zola [« notes fragmentaires ou inachevées d’un écrivain », XXe s.] ; sens 4, 19 oct. 1834, Sainte-Beuve [indication thérapeutique, 1902, Larousse — indication, même sens, v. 1560, Paré ; « cas où l’emploi d’un médicament est opportun », milieu du XXe s.]). 1. Action d’indiquer : Une bonne indication des dangers de la route suffit souvent à limiter les accidents. Le feu vert est l’indication de voie libre. Ϧ Le résultat de cette action, renseignement : Immédiatement appréhendés sur les indications de Gérane, le nommé Cheune, René [...], et les filles Cheune [...] ont commencé par nier les faits (H. Bazin). Une édition sans indication de lieu ni de date. Ϧ 2. Ce qui indique, révèle quelque chose : Son embarras est une indication suffisante de sa faute. Elle jouait ce morceau de Chopin avec une sensibilité qui était sûrement une indication quant au tempérament dramatique (Aymé). Ϧ Indication de paiement, en droit, mention d’un ou de plusieurs paiements partiels émanant du créancier et portée sur le titre de créance ou sur un double, et qui fait preuve pour le débiteur, même si elle n’est ni signée ni datée par le créancier : Un peu plus tard, il avait trouvé chez elle une « indication » du mont-depiété qui prouvait qu’elle avait engagé deux bracelets (Camus). ϦSpécialem. et vx. Signe révélant un état morbide, symptôme. Ϧ3. Esquisse, ébauche d’un dessin ou d’une peinture (souvent au plur.) : Mais ce qui, surtout, rendait ce tableau terrible, c’était l’étude nouvelle de la lumière [...], les pavés saignaient, les passants n’étaient plus que des indications (Zola). ϦNotes fragmentaires ou inachevées d’un écrivain (souvent au plur.) : Nous ne possédons de cette oeuvre en projet qu’un titre et quelques indications de plan. Ϧ 4. Ce qu’il est indiqué, recommandé de faire ; conseil que l’on suggère, directive discrète (souvent au plur.) : J’ai suivi vos indications et m’en suis bien trouvé. ϦIndication thérapeutique, ou simplem. indication, opportunité d’un traitement ou d’un médicament déterminé par les symptômes ou l’évolution d’une maladie (par opposition à contre-indication) : L’indication d’un antibiotique, dans son cas, est indiscutable. ϦCas où l’emploi d’un médicament est opportun (souvent au plur.). • SYN. : 2 critère, indice, marque, preuve, signe ; 3 schéma, trait ; annotations ; 4 avis, recommandation, suggestion, tuyau (fam.) ; prescription. indicatrice n. f. V. INDICATEUR. indice [ɛ̃dis] n. m. (lat. indicium, indication, révélation, dénonciation, preuve, signe, de index, -dicis [v. INDEX] ; 1306, Ch. V. Langlois [p. 175], au sens I, 1 ; sens I, 2, 1493, Mer des histoires [II, 21] ; sens I, 3, 1488, Vaganay ; sens I, 4, v. 1650, Vaugelas ; sens II, 1, 1873, Larousse [indice de classe, 1962, Larousse] ; sens II, 2, 1867, Littré [indice de réfraction ; en pétrochimie, 1948, Larousse ; en anthropologie, 1877, Littré ; en zootechnie, 1931, Larousse] ; sens II, 3, 1948, Larousse [aussi indice du coût de la vie ; indice des prix, 1919, Truchy ; nombreindice, 1926, Ch. Gide] ; sens II, 4, 1956, Romeuf [indice composé, conceptuel, de dépendance, de quantité, 1962, Larousse ; indice pondéré, 1948, Larousse]). I. 1. Class. Révélation, dénonciation : Mes esclaves en sont ; apprends de leurs indices | L’auteur de l’attentat, et l’ordre, et les complices (Corneille). Ϧ Syn. anc. de INDEX (au sens II, 2). Ϧ 2. Signe qui indique, qui met sur la voie de la découverte d’une chose, d’un état existant réellement : L’abbé demeura impassible, mais son attitude calme était l’indice des émotions les plus violentes (Balzac). Ϧ3. En médecine, ce qui fait soupçonner un état pathologique sans présenter la netteté d’un symptôme : Néanmoins, la nature avait assez d’énergie en elle [la comtesse de Restaud] pour que ces indices de folie n’altérassent pas sa beauté (Balzac). Ϧ 4. En droit, fait qui permet l’établissement d’une preuve par induction : Tous les indices concordent pour établir sa culpabilité. Le portier de downloadModeText.vue.download 33 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2585 l’hôtel, interrogé, ne put fournir aucun indice (France). II. 1. En mathématiques, signe distinctif dont on affecte une lettre lorsqu’on veut qu’elle représente plusieurs grandeurs analogues et distinctes : Les accents, les chiffres, les lettres peuvent être des indices, comme « a’ » (« a » prime), « a1 » (« a » indice un), « an » (« a » indice « n »). Ϧ Indice de classe, en linguistique, suffixe servant, dans certaines langues africaines, à répartir les mots en classes, selon la nature des êtres ou des objets. Ϧ 2. Nombre exprimant un rapport entre deux quantités et permettant d’en suivre les variations. Ϧ En pétrochimie, relation, exprimée en pourcentage, entre un composant et le produit global (essence, gas-oil, huile) : Indice d’octane, indice de cétane, indice d’iode. ϦEn anthropologie, rapport centésimal entre deux dimensions du corps humain déterminées par les techniques anthropométriques : L’indice céphalique horizontal met en rapport la plus grande largeur et la plus grande longueur de la boîte crânienne, et permet de classer les crânes en dolichocéphales, mésocéphales et brachycéphales. ϦEn zootechnie, rapport des valeurs de différentes mensurations corporelles servant à la comparaison des animaux ou à la classification des races. Ϧ Indice de réfraction, en optique, rapport du sinus de l’angle d’incidence au sinus de l’angle de réfraction. Ϧ 3. En économie politique, nombre qui synthétise les relations de plusieurs phénomènes entre eux : Un tableau des indices de production des grandes puissances. L’indice masque souvent la complexité des faits réels. ϦIndice des prix, ou nombreindice, nombre qui indique le rapport entre le prix moyen unitaire d’un produit à un moment donné et son prix à une date prise comme base (exprimé par le nombre 100). Ϧ Indice du coût de la vie, nombre qui indique l’effet des variations des prix sur les dépenses d’une famille. Ϧ 4. En statistique, rapport entre les deux états d’une grandeur, permettant d’exprimer les phénomènes économiques ou sociaux en valeur relative : Les indices permettent de suivre la production industrielle d’un pays dans le temps ou de la comparer à celle d’un autre pays. Ϧ Indice composé, indice groupant en un seul des indices de caractères différents se rapportant à un phénomène unique. Ϧ Indice conceptuel, indice correspondant à une vue de l’esprit, comme l’indice du niveau général des prix. ϦIndice de dépendance, indice qui permet de comparer le sens ou le signe des variations des phénomènes indépendamment de leurs grandeurs. Ϧ Indice pondéré, indice où les indices particuliers de chaque espèce n’entrent pas pour parties égales dans son calcul, mais sont affectés d’un coefficient proportionnel à leur importance dans l’ensemble : Indice pondéré des prix de détail. Ϧ Indice de quantité, indice montrant les changements en quantité des biens ou services produits, indépendamment des variations de prix ou des variations monétaires. • SYN. : I, 2 annonce, critère, marque, présage, preuve ; 3 trace ; 4 charge, indication, présomption, renseignement, témoignage. & indices n. m. pl. (milieu du XVIIIe s., Buffon). En géologie, manifestations à la surface du sol de la présence d’hydrocarbures ou de minerais : Toute la partie du Mont-Jura qui [...] offre en plusieurs endroits des indices certains de mines de fer (Buffon). indiciaire [ɛ̃disjɛr] adj. (de indice ; fin du XCe S., Molinet, comme n. m., au sens de « chroniqueur » ; début du XVIe s., comme adj., au sens de « indicatif » et dans la loc. doy indiciaire, « index » ; sens actuel, 1936, Capitant [impôt indiciaire ; « qui concerne un indice », 1962, Larousse]). Qui concerne un indice : Un classement indiciaire. L’objectif de la grève était le relèvement indiciaire du barème des salaires. Ϧ Impôt indiciaire, impôt direct dont l’assiette est déterminée selon des indices extérieurs de richesse. indicible [ɛ̃disibl] adj. (lat. médiév. indicibilis, indicible, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et du bas lat. dicibilis, qu’on peut dire, dér. du lat. class. dicere, dire ; XIVe s., écrit indisible ; indicible, 1470, Livre de la discipline d’amour divine). Qui dépasse toute expression par son intensité : Je voyais avec un plaisir indicible le retour de la saison des tempêtes (Chateaubriand). Ah ! les beaux jours de bonheur indicible (Verlaine). Chaque fois que je reprends ce livre [« la Porte étroite »] c’est avec une émotion indicible ! (Gide). Avec une expression poignante de stupeur et d’indicible effroi (Genevoix). • SYN. : extraordinaire, indescriptible, ineffable, inexprimable, insensé. & n. m. (v. 1530, C. Marot). L’indicible, ce qui est indicible : Ce mystère s’évanouit forcément à l’heure de l’exécution puisqu’il est l’indicible (Lemaitre). indiciblement [ɛ̃disibləmɑ̃] adv. (de indicible ; 1528, R. Ét. Rab., II, 182). De façon indicible (rare) : Être indiciblement ému. indiction [ɛ̃diksjɔ̃] n. f. (lat. indictio, taxe extraordinaire, déclaration [de guerre], et, à basse époque, « espace de quinze ans », dér. de indicere [v. INDEX] ; v. 1119, Ph. de Thaon, au sens 2 ; sens 1, 1690, Furetière [« convocation d’un synode ou d’un concile », v. 1536, M. Du Bellay ; « prescription légale pour un jour déterminé », fin du XVIe s., A. d’Aubigné]). 1. Convocation à jour fixe de certaines assemblées. Ϧ Spécialem. Convocation d’un synode ou d’un concile : De l’indiction à l’ouverture du concile, il s’est écoulé cent trente jours. Ϧ Vx. Prescription légale pour un jour déterminé : Indiction d’un jeûne. Ϧ2. Dans l’Antiquité, période de quinze ans dont le budget était fixé à l’avance. Ϧ Par extens. Période de quinze ans. indien, enne [ɛ̃djɛ̃, -ɛn] adj. et n. (bas lat. Indianus, qui séjourne dans l’Inde, du lat. class. India, l’Inde, dér. du n. m. plur. Indi, les Indiens ; XVIe s., au sens 1 [v. l’art. suiv.] ; sens 2, av. 1553, Rabelais [réserve indienne, 1957, Robert]). 1. Relatif à l’Inde ou à ses habitants ; habitant ou originaire de ce pays : La République indienne. Les Indiens ne sont pas tous de religion hindoue. Ϧ 2. Relatif aux populations indigènes d’Amérique, en raison de l’ancienne appellation d’Indes occidentales (les navigateurs du XVe s. s’étant crus arrivés aux Indes) ; descendant de ces populations : Un Indien, une Indienne. Les Indiens, ou Peaux-Rouges. Ϧ Une réserve indienne, aux États-Unis, territoire réservé en principe aux indigènes. Ϧ En file indienne, v. FILE. • REM. Au sens 1, pour éviter la confusion avec le sens 2, on a employé HINDOU comme synonyme d’INDIEN. Hindou n’est plus guère utilisé que dans le sens religieux. Indienne [ɛ̃djɛn] n. f. (abrév. de toile indienne [1359, Gay], l’indienne ayant d’abord été fabriquée en Inde ; 1632, Peiresc). Étoffe de coton fabriquée primitivement aux Indes, puis, par la suite, étoffe similaire de coton : Elle était sobrement vêtue d’une petite robe d’indienne à grands carreaux, très simple (Gide). indifféremment [ɛ̃diferamɑ̃] adv. (de indifférent ; 1314, Mondeville, au sens 1 ; sens 2, 1688, Miege). 1. Sans faire de différence : Rendre service à tous indifféremment. Les Turcs appellent indifféremment les chrétiens infidèles et chiens (Voltaire). Ϧ 2. Class. et littér. Avec indifférence, sans intérêt : Ils viennent entendre indifféremment la parole de Dieu (Bourdaloue). L’un des jeunes gens reçut le coup d’oeil jeté très indifféremment par l’inconnue (Balzac). Il se laisse indifféremment agoniser (Villiers de L’Isle-Adam). • SYN. : 1 indistinctement. indifférence [ɛ̃diferɑ̃s] n. f. (lat. impér. indifferentia, synonymie, du lat. class. indifferens, -entis [v. INDIFFÉRENT] ; 1377, Oresme, au sens 1 ; sens 2, v. 1629, Corneille [absol., 1647, Descartes ; indifférence religieuse, 1867, Littré ; indifférence en matière de religion, 1817, Lamennais — indifférence, même sens, av. 1704, Bourdaloue ; d’abord indifférence de la religion, av. 1662, Pascal ; liberté d’indifférence, 1738, Voltaire] ; sens 3, 1690, Furetière [« état d’une personne qui n’est pas sensible à l’amour qu’on lui porte », 1636, Corneille]). 1. État de ce qui est indifférent, inerte : L’indifférence de la matière au repos et au mouvement. Ϧ 2. État d’une downloadModeText.vue.download 34 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2586 personne qui n’accorde pas d’attention à quelque chose ou à quelqu’un ; absence d’intérêt pour quelque chose : Elle se grattait souvent, n’importe où, avec indifférence du public, par une sorte de manie qui touchait au tic (Maupassant). Un événement qui se produit dans l’indifférence générale. ϦAbsol. État d’un être qui ne s’intéresse à rien ni à personne. Ϧ Indifférence religieuse ou en matière de religion, ou simplem. indifférence, état ou système d’une personne qui ne s’attache à aucune religion, les met toutes sur le même plan : Il est d’une indifférence profonde en matière religieuse ; il n’est pas prêtre ; il a même songé à quitter la pourpre et à se marier (Chateaubriand). ϦLiberté d’indifférence, en philosophie, liberté conçue comme l’équilibre absolu entre deux mobiles opposés : La liberté d’indifférence se ramène à l’irrésolution, ainsi que l’a remarqué Descartes. Ϧ 3. État d’une personne qui marque peu d’intérêt pour autrui, qui est peu sensible, froide : Elle [l’absence] accumule des mondes d’indifférence sur des promesses de souvenirs éternels (Fromentin). Ϧ Spécialem. État d’une personne qui n’est pas sensible à l’amour qu’on lui porte ; absence d’amour : Ces expressions de regret qu’on réserve d’ordinaire aux indifférents persuaderaient mieux Gilberte de mon indifférence, me semblait-il, que ne ferait le ton d’indifférence qu’on affecte seulement envers celle qu’on aime (Proust). • SYN. : 2 dédain, désaffection, désintéressement, désintérêt, détachement, insouciance ; 3 égoïsme, froideur, incompréhension, insensibilité. indifférenciation [ɛ̃diferɑ̃sjasjɔ̃] n. f. (de indifférencié ; milieu du XXe s.). État de ce qui est indifférencié. indifférencié, e [ɛ̃diferɑ̃sje] adj. (de in- et de différencié, part. passé de différencier ; 1908, Larousse). Qui ne présente pas de caractéristiques suffisantes pour être différencié : Une masse protoplasmique indifférenciée (Bergson). Le genre inanimé ou neutre, qui s’appliquait aux objets indifférenciés, aurait pu étendre son domaine à tous les êtres et objets asexués (Dauzat). indifférent, e [ɛ̃diferɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. indifferens, -entis, ni bon ni mauvais, ni longue ni brève [pour une syllabe], qui ne se préoccupe pas de, de in-, préf. à valeur négative, et de differens, -entis, part. prés. de differre, être différent, de dis-, préf. marquant la séparation, la distinction, et de ferre, porter ; XVe s., Perceforest, au sens de « indécis » ; sens I, 1, 1641, Descartes ; sens I, 2, 1580, Montaigne [sans aucun doute bien plus anc., v. la date du dér. indifféremment] ; sens I, 3, 1671, Pomey [absol., 1632, Corneille ; état indifférent, 1957, Robert] ; sens I, 4, 1529, Bonivard ; sens II, 1, av. 1693, Bussy-Rabutin [comme n., 1675, La Fontaine ; pour une personne pour qui on n’éprouve aucun sentiment amoureux, 1677, Racine — comme n., 1661, Molière] ; sens II, 2, 1674, Racine [en matière de religion, 1830, Balzac — comme n., 1704, Trévoux ; absol., 1835, Acad. — comme n., 1694, Acad.] ; sens II, 3, 1689, Mme de Sévigné [« qui est insensible en amour... », 1643, Rotrou] ; sens II, 4, 1669, Racine). I. 1. Se dit d’une chose qui ne se porte pas d’un côté plutôt que d’un autre : La matière est d’elle-même indifférente au repos et au mouvement. Ϧ Équilibre indifférent, v. ÉQUILIBRE. Ϧ 2. Qui n’a en soi aucune raison pour incliner quelqu’un à en faire le choix : Cette route ou l’autre m’est indifférente. Ϧ 3. Qui ne provoque aucun élan affectif, qui ne touche pas, dont on ne se préoccupe pas : Les malheurs des autres nous sont indifférents à moins qu’ils ne nous fassent plaisir (Renard). Cela lui est complètement indifférent. Il ne m’est pas indifférent que tu réagisses ou non. Ϧ Absol. Qui est peu susceptible de passionner ou même d’intéresser : Après deux ou trois phrases gauches sur des sujets indifférents, il se jeta dans la conversation qui lui tenait à coeur (Rolland). Ϧ État indifférent, en psychologie, état où le sujet ne présente aucune trace d’affectivité. Ϧ 4. Au sens moral, qui ne penche ni vers le bien ni vers le mal : Conduite indifférente. II. 1. Se dit d’une personne pour qui l’on n’éprouve aucun intérêt ou aucun sentiment : On la tenait à l’écart comme inférieure et indifférente (Zola). Loin de le trouver indifférent, je le trouve au contraire très intéressant. Ϧ Spécialem. Se dit d’une personne pour qui l’on n’éprouve aucun sentiment amoureux : Il ne l’aime plus, elle lui est devenue indifférente. Ϧ 2. Qui ne porte aucun intérêt à quelque chose : Indifférent aux malheurs d’autrui. La politique le laisse indifférent. Ϧ Spécialem. En matière de religion, se dit d’une personne qui n’a pas de préférence pour une confession : On n’est pas persécuteur quand on est indifférent (Chateaubriand). Un jésuite érudit et militant, et qui était très estimé dans notre ville, même parmi ceux qui sont indifférents en matière de religion (Camus). Ϧ Absol. Qui ne s’intéresse à rien, que rien ne touche. Ϧ 3. Qui ne porte aucun intérêt, qui n’éprouve aucun sentiment pour quelqu’un : Un fils ingrat [...] c’est un coupable car il n’a pas le droit d’être indifférent pour sa mère (Maupassant). Ϧ Spécialem. Qui est insensible en amour ou à l’amour de quelqu’un. Ϧ 4. Qui laisse deviner de l’indifférence, le manque d’intérêt pour quelque chose ou pour quelqu’un, l’absence de sentiment pour une personne : L’expression indifférente, obtuse de son visage (Gide). • SYN. : I, 3 égal ; banal, insignifiant, quelconque. ϦII, 1 anodin, falot, inintéressant, terne ; 2 désintéressé, détaché, étranger, imperméable, inattentif, insoucieux, sourd ; agnostique, athée, incrédule, sceptique ; apathique, blasé, flegmatique, impassible ; 3 égoïste, froid, inhumain, insensible, sanscoeur, sec ; cruel (vx), inaccessible. & n. (1669, La Fontaine). Personne indifférente d’une manière ou d’une autre : Il y a un mystère du prêtre aux yeux de l’indifférent en matière de religion (Valéry). C’est un indifférent : il ne s’intéresse à rien, ne se passionne pour rien. indifférentisme [ɛ̃diferɑ̃tism] n. m. (de indifférentiste, celui qui accepte tous les dogmes religieux [1721, Trévoux], dér. de indifférent ; 1750, Ritter, les Quatre Dictionnaires [en religion ; en politique, 1869, Amigues]). Volonté systématique de ne pas se prononcer en religion ou en politique : Faire profession d’indifférentisme. indifférer [ɛ̃difere] v. tr. (de indifférent, pris à tort pour un part. prés. ; 1888, Villatte). [Conj. 5 b.] Fam. N’inspirer aucun sentiment, aucun intérêt ; laisser insensible : Ces changements perpétuels énervent le pays ou l’indiffèrent (Donnay). Autant ces choses-là m’indiffèrent, autant je suis avec passion la guerre balkanique (Proust). Je n’aimais pas l’amour, je n’en avais pas besoin, je me suffisais, mon corps m’indifférait (Montherlant). indigénat [ɛ̃diʒena] n. m. (de indigène ; 1699, Dalairac [II, 14], au sens 3 ; sens 1, 1867, Littré ; sens 2, 1888, Larousse). 1. Qualité, état d’indigène. (Rare.) Ϧ 2. Régime administratif particulier appliqué dans une colonie à la population autochtone. Ϧ 3. Autref. En Pologne, droit de citoyen. indigence [ɛ̃diʒɑ̃s] n. f. (lat. indigentia, le besoin, exigence, de indigens, -entis [v. INDIGENT] ; v. 1265, J. de Meung, au sens 2 ; sens 1, 1541, Sources du droit du canton de Genève [II, 384] ; sens 3, av. 1794, Chénier ; sens 4, 1675, Bossuet). 1. Class. État de ce qui est dépourvu de quelque chose : Venir en visite amoureuse avec [...] un habit qui souffre une indigence de rubans (Molière). Ϧ 2. Manque des choses indispensables à la vie : Supporter l’indigence. Échapper à l’indigence. Sortir de l’indigence. Ϧ3. L’ensemble des indigents : Secourir, respecter l’indigence. Ϧ 4. Fig. État de privation : Une grande indigence de pensée. Une grande indigence intellectuelle. • SYN. : 2 dénuement, détresse, misère, pauvreté ; 4 carence, défaut, déficience, faiblesse, pénurie. — CONTR. : 2 abondance, aisance, fortune, luxe, opulence, prospérité, richesse ; 4 orgie, profusion. indigène [ɛ̃diʒɛn] n. (lat. indigena, indigène [adj. et n.], du lat. archaïque indu, dans, et de genere, forme anc. de gignere, engendrer ; 1743, E. F. Geoffroy [v. aussi ciaprès ; par opposition aux nouveaux venus d’origine européenne, 1931, Larousse]). downloadModeText.vue.download 35 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2587 Personne qui est née et dont les ascendants ont vécu depuis une époque reculée dans le pays où elle vit. ϦSpécialem. Personne faisant partie d’une population qui était implantée dans un pays antérieurement à la colonisation. • SYN. : aborigène, autochtone, natif, naturel. — CONTR. : allogène, étranger, immigré ; colon. & adj. (sens 1, 1532, Rabelais [dans le jargon latinisant de l’écolier limousin], puis 1756, Voltaire [« qui est originaire du pays où on le trouve », 1771, Trévoux, art. exotique] ; sens 2, 1893, Dict. général [« qui est peuplé par des indigènes », 1903, Loti ; troupes indigènes, 1902, Larousse] ; sens 3, 1828, A. F. Villemain ; sens 4, début du XXe s.). 1. Qui est originaire du pays où il vit : Un agriculteur indigène. ϦQui est originaire du pays où on le trouve : Arbre, plante, végétation indigène. Ϧ 2. Qui est composé d’indigènes d’un pays, généralement d’un pays colonisé : Population, prolétariat, féodalité indigène. Ϧ Qui est peuplé par les indigènes : La maison que j’habite dans la ville indigène n’a pas de fenêtre sur le dehors (Tharaud). ϦTroupes indigènes, nom donné jusqu’à la Seconde Guerre mondiale aux troupes recrutées parmi les autochtones des territoires français d’outre-mer. Ϧ 3. Qui appartient à une population indigène : Littérature, coutume, religion, tradition indigène. Ϧ 4. Service des Affaires indigènes, organisation militaire française qui était chargée, en Afrique du Nord avant l’indépendance, de l’administration et de la sécurité des territoires qui lui étaient confiés. • SYN. : 1 autochtone. indigent, e [ɛ̃diʒɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (lat. indigens, -entis, qui est dans le besoin, part. prés. adjectivé de indigere, manquer de, avoir besoin de, du lat. archaïque indu, dans, et du lat. class. egere, manquer de, être privé de ; v. 1265, J. de Meung). Se dit d’une personne qui manque des choses les plus nécessaires : Un vieillard indigent. Je célèbre les offices, je visite les malades et les indigents, je confesse mes paroissiens et mes paroissiennes (France). • SYN. : gueux (fam.), malheureux, nécessiteux, pauvre. — CONTR. : aisé, cossu, fortuné, huppé (fam.), opulent, riche. & adj. (sens 1, av. 1553, Rabelais ; sens 2, 1858, Fromentin). 1. Qui donne l’impression d’une nette insuffisance : Une pensée indigente. Une langue aussi indigente et aussi rude que notre ancien gaulois (Voltaire). Ϧ2. Qui manque de force : Une ampoule électrique, fixée au plafond, répandait dans cette cellule une lumière indigente et chagrine (Duhamel). • SYN. : 1 déficient, élémentaire, primitif, rudimentaire ; 2 faible. indigeste [ɛ̃diʒɛst] adj. (lat. indigestus, confus, sans ordre, non digéré, de in-, préf. à valeur négative, et de digestus, part. passé de digerere, diviser, mettre en ordre, de dis-, préf. marquant la séparation, la distinction, et de gerere, porter ; v. 1270, Mahieu le Vilain, au sens 1 ; sens 2, 1588, Montaigne ; sens 3, v. 1501, Jardin de plaisance). 1. Vx. Qui n’est pas digéré : Il rend les viandes crues et indigestes (Acad., 1694). Ϧ2. Difficile à digérer : Une nourriture indigeste. Ϧ 3. Fig. Difficile à assimiler intellectuellement : Il a assez de méchants amis qui l’accablent sous le poids de lourdes et indigestes louanges (Zola). Un ouvrage, un article, une pensée indigeste. • SYN. : 2 lourd (fam.) ; 3 confus, épais, pesant, touffu. — CONTR. : 2 digeste, digestible, léger ; 3 clair, limpide, lumineux. indigestible [ɛ̃diʒɛstibl] adj. (bas lat. indigestibilis, indigeste, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et du bas lat. digestibilis, digestible, de digestum, supin du lat. class. digerere [v. l’art, précéd.] ; fin du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, milieu du XIXe s., Baudelaire). 1. Qu’on ne peut pas digérer (rare) : L’oiseau avale la graine qui est indigestible (Maeterlinck). Ϧ2. Fig. Qu’on ne peut assimiler : Sans ce second élément, qui est comme du divin gâteau, le premier élément serait indigestible, inappréciable, non adapté et non approprié à la nature humaine (Baudelaire). • SYN. : 1 et 2 indigeste. indigestion [ɛ̃diʒɛstjɔ̃] n. f. (bas lat. indigestio, indigestion, du lat. class. indigestus [v. INDIGESTE] ; XIIIe s., Simples médecines, au sens de « trouble constant de la digestion » ; sens 1, v. 1690, Fénelon ; sens 2, 1686, Mme de Sévigné). 1. Trouble momentané des fonctions digestives, pouvant provoquer une indisposition ou un vomissement : C’est une simple indigestion que m’ont donnée ces pommes de terre pas assez cuites ; ce n’est rien (Proust). Ϧ 2. Fig. et fam. État d’une personne qui ne peut plus supporter quelque chose parce qu’elle en a trop entendu, lu, subi : Des salons [...] où je vais régulièrement chercher des indigestions d’harmonie, que ma femme nomme des concerts (Balzac). Une indigestion de lecture. indigestionner [ɛ̃diʒɛstjɔne] v. tr. (de indigestion ; 1873, Goncourt). Provoquer une indigestion (au pr. et au fig.) [rare] : Un rien les indigestionne (Goncourt). Il était un peu dans la situation délicieuse de l’enfant prodigue, indigestionné de veau gras (Daudet). indignation [ɛ̃diɲasjɔ̃] n. f. (lat. indignatio, indignation, de indignatum, supin de indignari [V. INDIGNER] ; V. 1120, Psautier d’Oxford, écrit indignatiun ; indignation, XIIIe s., Tailliar). Sentiment de colère ou de révolte que peut provoquer quelqu’un ou quelque chose : Et, pour me faire entendre, à défaut du génie, | J’en aurai le courage et l’indignation ! (Musset). Une grande indignation me soulève d’abord (Gide). L’incarcération de cet innocent [...] me soulève d’indignation et de dégoût (Aymé). Causer l’indignation de quelqu’un. indigne [ɛ̃diɲ] adj. (lat. indignus, qui ne mérite pas, qu’on ne mérite pas, qui ne convient pas, de in-, préf. à valeur négative, et de dignus, digne de, méritant ; fin du XIIIe s., Dialogues de saint Grégoire, écrit endigne, au sens de « qui n’est pas digne de [quelqu’un] » ; écrit indigne, au sens 2, 1580, Montaigne [en termes de droit, 1690, Furetière ; pour une chose, 1588, Montaigne] ; sens 1, 1631, Corneille ; sens 3, 1636, Corneille [pour une chose, av. 1662, Pascal] ; sens 4, 1665, Molière [pour une chose, 1580, Montaigne — « absurde », XVe s.]). 1. Class. En bonne part, qui ne mérite pas de subir quelque chose de fâcheux : Indigne également de vivre et de mourir (Corneille). Ϧ2. Auj. En mauvaise part, se dit d’une personne qui ne mérite pas quelque chose, qui n’en est pas digne : Il est indigne de pardon, de considération. Ne vous faites pas des amis indignes de vous. Un écrit par lequel il se reconnaissait indigne de régner (Voltaire). ϦSpécialem. En termes de droit, se dit d’une personne exclue d’une succession par la loi. Ϧ Vx. se dit d’une chose qui ne mérite pas qu’on lui accorde quelque chose : Une faute indigne de pardon. Une affaire sans intérêt, indigne d’attention. Ϧ 3. Se dit d’une personne qui n’a pas le mérite, la valeur d’une autre personne : Indigne de ses parents, de sa race, de ses ancêtres. ϦSe dit d’une chose qui n’est pas en rapport avec la valeur de quelqu’un, qui n’est pas à sa hauteur : Toute profession lucrative me semblait servile et indigne de moi (Renan). Ϧ 4. Absol. Se dit d’une personne qui manque de la dignité attendue ou requise et qui ne mérite que le mépris : [Béatrix :] Nous serions bien malheureuses et surtout bien indignes si nous cédions à toutes les passions que nous inspirons (Balzac). Un père, une mère indigne. Un homme indigne. Ϧ Se dit d’une chose qui témoigne de ce caractère : Aussi, voulant cacher cette émotion indigne, tâchait-il d’affecter le mépris de la souffrance (Zola). Une conduite, une action indigne. Des moyens indignes. • SYN. : 4 abject, coupable, infâme, monstrueux, vil ; avilissant, condamnable, dégradant, déshonorant, ignoble, inavouable, infamant, révoltant, scandaleux. & n. (sens 1, 1688, Bossuet ; sens 2, 1804, Code civil). 1. Class. Personne indigne : Je ne sais si un bienfait qui tombe sur un ingrat, et ainsi sur un indigne, ne change pas de nom, et s’il méritait plus de reconnaissance (La Bruyère). Ϧ 2. Spécialem. En termes juridiques, personne exclue d’une succession par la loi : Les enfants d’un indigne. indigné, e [ɛ̃diɲe] adj. (part. passé de indigner ; v. 1330, Roman de Renart le downloadModeText.vue.download 36 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2588 Contrefait, au sens 1 ; sens 2, av. 1890, Maupassant). 1. Qui ressent de l’indignation : Un homme indigné d’une pareille conduite. Ϧ 2. Qui manifeste l’indignation de quelqu’un : Un regard indigné. Et il rentra dans sa maison où retentissait la voix indignée de sa femme (Maupassant). • SYN. : 1 révolté, scandalisé ; 2 outré. indignement [ɛ̃diɲmɑ̃] adv. (de indigne ; fin du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire). D’une manière indigne : Se conduire indignement. indigner [ɛ̃diɲe] v. tr. (lat. indignari, s’indigner, regarder comme indigne, de indignus [V. INDIGNE] ; 1366, Du Cange, au sens de « braver » ; sens actuel, 1611, Cotgrave [dès le début du XIVe s., au part. passé, V. INDIGNÉ]). Remplir d’indignation, provoquer la colère, la révolte de : Les proscriptions prolongées indignent les nations, ou elles les corrompent (Constant). Ϧ Être indigné, éprouver de la colère, de la révolte : Je suis indigné par une pareille cruauté. Je suis indigné que vous ayez agi ainsi. • SYN. : exaspérer, révolter, scandaliser. & s’indigner v. pr. (v. 1355, Bersuire). Éprouver de l’indignation : S’indigner d’un événement. S’indigner contre l’injustice. Je crois apercevoir dans nos lois des cruautés [...] dont nos arrière-neveux s’indigneront (France). À mesure qu’il m’enlevait toute raison de m’indigner, je me sentais désemparé (Gide). • SYN. crier contre, fulminer, gronder, pester (fam.), tonner, vitupérer. indignité [ɛ̃diɲite] n. f. (lat. indignitas, indignité [de quelqu’un ou de quelque chose], outrage, conduite indigne, de indignus [v. INDIGNE] ; début du XVe s., au sens 2 ; sens 1, 1683, Bossuet ; sens 3, 1530, Palsgrave ; sens 4, v. 1570, Carloix ; sens 5, 1636, Monet [aussi « exclusion d’un héritier ayant commis une faute grave contre le défunt » ; « refus du droit électoral à certaines personnes », 1819, d’après Larousse, 1873 ; indignité nationale, fin 1944]). 1. Caractère d’une personne indigne, méprisable : Chez moi, l’humiliation venait de l’idée que je me faisais de l’indignité de ma mère (Maurois). Une jeune fille irréprochable, menacée dans son affection et dans son avenir par l’indignité d’un frère ainé (Aymé). Ϧ2. Caractère de ce qui est indigne, bas, vil : L’indignité de sa conduite. Ϧ 3. Action méprisable ou odieuse commise par quelqu’un : Commettre des indignités. Qu’ils gémissent de mes indignités (Rousseau). Il n’ignorait pas son indignité, son péché chronique d’adultère (Zola). Ϧ4. Class. Mauvais traitement que l’on fait subir à quelqu’un qui ne le mérite pas : J’ose dire pourtant que je n’ai mérité | Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité (Racine). Ϧ 5. Auj. Privation de certains droits civils ou civiques. ϦSpécialem. Refus du droit électoral à certaines personnes. Ϧ Exclusion d’un héritier ayant commis une faute grave contre le défunt. Ϧ Indignité nationale, peine sanctionnant les faits de collaboration avec l’ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale. • SYN. 1 abjection, avilissement, déchéance, déshonneur ; 2 bassesse, ignominie, infamie ; 3 crime, faute, turpitude, vilenie. indigo [ɛ̃digo] n. m. (du portug. indico, indigo [peut-être, pour la forme indigo, par l’intermédiaire du néerl. indigo, luimême empr. du portug.], lat. indicum, indigo, neutre substantivé de l’adj. Indicus, Indien [l’indigo ayant d’abord été importé de l’Inde], dér. de India, l’Inde, du n. m. plur. Indi, les Indiens [v. aussi INDE] ; 1544, Fonteneau, écrit indico [indigo, 1598, Lodewijcksz], au sens 1 ; sens 2, 1902, Larousse [couleur indigo ; indigo, même sens, 1835, Acad.] ; sens 3, 1604, Fr. Martin). 1. Matière colorante d’un beau bleu, extraite de l’indigotier ou fabriquée par synthèse. Ϧ2. Couleur indigo, ou simplem. indigo, couleur bleu foncé : À quelques centaines de mètres, une barque blanche, incroyablement lumineuse, glissait sur l’indigo de la mer (Martin du Gard). Ϧ 3. La plante qui fournit l’indigo. & adj. invar. (1873, Larousse). : Un reflet indigo. Des lumières indigo. • REM. Le mot indigo en tant que nom peut recevoir la marque du pluriel. Employé comme adjectif, il reste invariable. indigoterie [ɛ̃digɔtri] n. f. (de indigo ; 1658, C. de Rochefort, au sens 2 ; sens 1, 1873, Larousse). 1. Terre où l’on cultive l’indigo. Ϧ 2. Atelier, usine où l’on fabrique l’indigo. indigotier [ɛ̃digɔtje] n. m. (de indigo ; 1718, Histoire de l’Acad. des sciences, au sens 1 ; sens 2, 1722, Labat ; sens 3, 1765, Encyclopédie). 1. Plante vivace des pays tropicaux, dont les feuilles fournissent l’indigo. Ϧ2. Fabricant d’indigo. Ϧ 3. Ouvrier qui travaille à la fabrication de l’indigo. indigotine [ɛ̃digɔtin] n. f. (de indigo ; 1843, Landais). Principale matière colorante de l’indigo. indique [ɛ̃dik] adj. (lat. Indicus, Indien, de India, l’Inde, dér. du n. m. plur. Indi, les Indiens ; av. 1525, J. Lemaire de Belges). Syn. anc. de INDIEN : Elle efface les lys et les perles indiques (Rostand). indiqué, e [ɛ̃dike] adj. (part. passé de indiquer ; 1873, Larousse). Qui convient parfaitement : Dans une pareille situation, c’est le remède indiqué, tout indiqué. Il est très indiqué de réfléchir avant d’agir. • SYN. : conseillé, préconisé, recommandé. indiquer [ɛ̃dike] v. tr. (lat. indicare, dénoncer, révéler, évaluer, mentionner, dér. de index, -dicis [v. INDEX] ; début du XVIe s., au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière [« faire connaître quelque chose de secret », 1611, Cotgrave] ; sens 3-4, 1690, Furetière ; sens 5, 1867, Littré [au part. passé ; à l’infin., 1893, Dict. général] ; sens 6, 1688, Miege ; sens 7, 1835, Acad. [indiquer que, 1874, V. Hugo] ; sens 8, 1835, Acad.). 1. Montrer d’une manière précise par un geste, un repère, un signal, etc. : Il ne s’était pas figuré l’horizon de la sorte, lorsque le vieux Bonnemort le lui avait indiqué du geste au fond des ténèbres (Zola). Quand il te plaira de me revoir, demande aux passants la maison de Laeta Acilia ; tous les citoyens le l’indiqueront sans peine (France). Un panneau qui indique la direction à prendre. Les aiguilles de la montre indiquent trois heures. Ϧ 2. Porter à la connaissance de quelqu’un en lui fournissant les renseignements qui situent exactement la personne ou la chose dont il s’enquiert : Indiquer un garage, un hôtel. Indiquer à quelqu’un un bon dentiste. ϦSpécialem. et class. Faire connaître quelque chose de secret, dénoncer : Vindex indiqua la conspiration faite en faveur de Tarquin (Montesquieu). Ϧ 3. En parlant d’une chose, fournir les renseignements nécessaires pour situer quelque chose : Carte qui n’indique pas cette localité. Ϧ4. Faire connaître exactement : Indiquer tous les sens d’un mot. Indiquer un mode d’emploi. Ϧ5. Déterminer exactement et faire connaître avec précision un lieu, une date, une heure, en vue d’une rencontre : Nous nous retrouverons à l’endroit qui nous a été indiqué. Il n’est pas possible de vous indiquer l’heure de la réunion. Ϧ 6. Vx. Assigner pour un temps déterminé : [Il] avait indiqué un parlement au jeudi saint (Voltaire). Ϧ7. Avec un sujet désignant des choses, être l’indice de : Des signes avantcoureurs qui indiquent l’approche de la crise économique. ϦIndiquer que, montrer clairement que : Cela indique qu’il est menteur. Ϧ 8. En termes de beaux-arts et de littérature, marquer sans trop d’insistance, esquisser légèrement : On doit se contenter d’indiquer les derniers plans. Indiquer le caractère d’un personnage. •SYN. : 1 désigner, donner, marquer, signaler ; 3 mentionner, porter, signaler ; 4 apprendre, énoncer, enseigner, énumérer, fournir ; 5 dire, fixer, préciser, spécifier ; 7 annoncer, déceler, démontrer, dénoncer, dénoter, manifester, prouver, refléter, révéler, signifier, témoigner de, trahir ; 8 crayonner, ébaucher, figurer, tracer. indirect, e [ɛ̃dirɛkt] adj. (lat. indirectus, indirect, détourné, de in-, préf. à valeur négative, et de directus, qui est en ligne droite ou à angle droit, et, au fig., « droit, sans détour », part. passé adjectivé de dirigere, aligner, disposer ; 1531, Revue historique [t. I, p. 127], au sens 3 [un premier ex. au début du XVe s.] ; sens 1, 1867, Littré [éclairage indirect, 1957, Robert ; tir indirect, 1931, Larousse] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 4, milieu du XXe s. ; sens 5, 1867, Littré). 1. Qui ne conduit pas au downloadModeText.vue.download 37 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2589 but directement ; qui fait des détours : Chemin, itinéraire indirect. ϦÉclairage indirect, procédé d’éclairage dans lequel les rayons partant de la source lumineuse n’atteignent pas directement l’objet à éclairer. Ϧ Tir indirect, tir dans lequel l’objectif est invisible. Ϧ 2. Fig. Qui n’est pas exprimé directement, franchement : Je connais trop bien Amélie pour n’avoir pas su voir tout ce qu’il entrait de reproche indirect dans sa conduite (Gide). Il était si joyeux de sa rencontre, il ressentait un tel besoin d’en parler, même de façon indirecte, qu’il raconta son équipée à Robinson (Radiguet). Ϧ 3. Qui ne s’exerce pas directement ; qui agit par intermédiaire : Rôle, influence indirects. Effet, conséquence indirects. Ϧ Complément d’objet indirect, v. COMPLÉMENT. ϦInterrogation indirecte, v. INTERROGATION. Ϧ Discours, style indirect, v. DISCOURS. Ϧ Impôts indirects, contributions indirectes, v. IMPÔT, CONTRIBUTION. Ϧ4. Salaire indirect, ensemble d’avantages que la société ou une entreprise accorde à tous les salariés ou à une partie d’entre eux, sans que ces avantages soient en rapport direct avec le travail fourni. Ϧ 5. Ligne indirecte, en termes de droit, ligne collatérale de parenté. • SYN. : 1 détourné ; 2 caché, latent, oblique, voilé ; 3 médiat. — CONTR. : 1 direct ; 2 catégorique, franc, net ; 3 immédiat. indirectement [ɛ̃dirɛktəmɑ̃] adv. (de indirect ; 1507, Dict. général). De façon indirecte : S’adresser indirectement à quelqu’un. indirigeable [ɛ̃diriʒabl] adj. (de in- et de dirigeable ; 1789, Proschwitz [p. 337], au sens 1 ; sens 2, av. 1935, P. Bourget). 1. Qui ne peut être dirigé : On n’aura pas résolu le problème de la navigation aérienne, pas plus qu’on ne l’aura résolu à l’aide des aérostats, qui sont essentiellement indirigeables (De Fresnes). Ϧ 2. Qu’on ne peut contrôler : Le désir, chez moi, avait été une force indirigeable (Bourget). indiscernabilité [ɛ̃disɛrnabilite] n. f. (dér. savant de indiscernable ; oct. 1737, Voltaire). Caractère de ce qui ne peut être discerné. indiscernable [ɛ̃disɛrnabl] adj. (de in- et indiscernable [ɛ̃disɛrnabl] adj. (de in- et de discernable ; 1582, d’Agneaux, au sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Qu’on ne peut pas discerner, distinguer nettement de quelque chose d’autre : Ils [les anges] ensemencèrent soudain l’infini de leur présence, comme les étoiles brillent dans l’indiscernable éther (Balzac). Un sommet indiscernable dans le brouillard. Des nuances de couleur indiscernables. Ϧ2. Fig. Se dit d’une chose dont on a du mal à reconnaître la nature et l’existence : Qu’on décide clairement s’il faut encore ajouter à la peine des hommes pour des fins indiscernables (Camus). Et l’oeil de Landin, d’un bleu trouble, noyé d’une larme éternelle, exprimait des sentiments indiscernables (Mauriac). • SYN. 1 imperceptible, indécis, indéterminable, invisible ; 2 confus, indéfini, indéfinissable, indéterminé, insaisissable, mystérieux, vague. & n. m. (sens 1, fin du XIXe s. ; sens 2, 1867, Littré). 1. État de ce qui est indiscernable : Ils avaient hâte de sortir du trouble, de l’indiscernable (Barrès). Ϧ 2. En philosophie, ce qui est indiscernable : Leibniz a énoncé le principe des indiscernables. indisciplinable [ɛ̃disiplinabl] adj. (de in- et de disciplinable ; 1530, Laigue). Qu’on ne peut pas discipliner : Jamais les bourgeois n’avaient eu tant à souffrir des insolences de la jeunesse indisciplinable (Mérimée). Esprits indisciplinables. Cheveux indisciplinables. indiscipline [ɛ̃disiplin] n. f. (de in- et de discipline ; 1501, F. Le Roy). Manque de discipline, disposition d’esprit contraire à la discipline : Un acte d’indiscipline. Faire preuve d’indiscipline. Indiscipline intellectuelle. • SYN. contestation, désobéissance, dissipation, indocilité, insoumission, insubordination. indiscipliné, e [ɛ̃disipline] adj. (de inet de discipliné ; v. 1361, Oresme [cheveux indisciplinés, 1957, Robert]). Rebelle à toute discipline : Un enfant, un soldat indiscipliné. ϦPlaisamm. Cheveux indisciplinés, cheveux qu’il est difficile de coiffer convenablement. • SYN. : désobéissant, diable (fam.), indocile, infernal (fam.), insubordonné, rétif, terrible (fam.). — CONTR. : discipliné, docile, obéissant, sage. indiscontinu, e [ɛ̃diskɔ̃tiny] adj. (de in- et de discontinu ; 1890, A. Daudet). Qui ne connaît pas d’interruption : Des Espazettes compta six et n’attrapa rien qu’un gros rhume sous la pluie à torrents et indiscontinue (Daudet). • SYN. : continu, continuel, incessant, ininterrompu. — CONTR. : discontinu, intermittent. indiscontinûment [ɛ̃diskɔ̃tinymɑ̃] adv. (de indiscontinu ; av. 1951, A. Gide). De façon indiscontinue : J’accusai le temps (il pleuvait indiscontinûment cette année) [Gide]. indiscret, ète [ɛ̃diskrɛ, -ɛt] adj. (lat. indiscretus, non séparé, indistinct [et, à basse époque, « indiscret »], de in-, préf. à valeur négative, et de discretus, part. passé de discernere, séparer, distinguer ; v. 1360, Froissart, au sens de « intempestif, inopportun » [en parlant d’événements] ; sens 1 et 3, v. 1380, Aalma ; sens 2, 1587, Satires françaises du XVIe siècle [II, 171] ; sens 4, 1580, Montaigne ; sens 5, av. 1613, M. Régnier ; sens 6, v. 1534, Bonaventure Des Périers ; sens 7, 1782, Mme de Genlis). 1. Class. et littér. Qui agit sans discernement, sans réflexion : Cet âge, ordinairement indiscret, n’est pas capable de bons conseils (Bossuet). D’autres femmes viendront, baigneuses indiscrètes, | Troubler le flot sacré qu’ont touché les pieds nus (Hugo). Ϧ 2. Qui manque de réserve dans ses rapports avec d’autres personnes : Cet homme est indiscret et s’insinue chez les gens malgré eux. Ϧ 3. Class. Se dit de ce qui est hors de saison, déplacé : Et, follement pompeux, dans sa verve indiscrète, | Au milieu d’une églogue entonne la trompette (Boileau). Ϧ 4. Class. et littér. Qui est sans retenue : Pour venger je ne sais quels prophètes, | Dont elle avait puni les fureurs indiscrètes (Racine). La tenue splendide et indiscrète d’une femme en tenue de bal (Fromentin). Ϧ 5. Qui est incapable de garder un secret, de tenir caché ce qu’il faut taire : Un confident, un confesseur indiscret. Ϧ 6. Se dit de ce qui révèle ce qu’on devrait cacher : Une affirmation, un bavardage indiscrets. Ϧ 7. Qui manifeste une curiosité déplacée : Serait-il indiscret de vous demander les raisons de cette bizarrerie ? (Balzac). • SYN. : 2 collant (fam.), curieux ; 5 bavard, cancanier ; 6 déplacé, impertinent, inconvenant. & n. (début du XVIe s., au sens de « ignorant, sot » ; sens 1, 1608, M. Régnier ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Personne indiscrète, qui manque de réserve ou qui a une curiosité déplacée : Ici, nous sommes à l’abri des indiscrets. Ϧ 2. Personne qui ne sait pas garder un secret. • SYN. : 1 casse-pieds (fam.), enquiquineur (pop.), fâcheux, gêneur, importun, raseur (fam.) ; 2 bavard, cancanier, commère (fam.). indiscrètement [ɛ̃diskrɛtmɑ̃] adv. (de indiscret ; 1370, Oresme, au sens 1 ; sens 2 [« sans réserve ni retenue »], milieu du XVIe s., Amyot). 1. Class. Sans discernement, sans réflexion : Ceux qui font profession de sagesse n’estiment pas comme ils doivent les biens que les Dieux nous ont faits, et en parlent indiscrètement (Malherbe). Ϧ2. D’une manière indiscrète ; sans réserve, sans retenue : Prendre connaissance indiscrètement d’une lettre. Dumouriez s’emporta fort d’être indiscrètement deviné (Michelet). indiscrétion [ɛ̃diskresjɔ̃] n. f. (bas lat. indiscretio, indiscrétion, du lat. class. indiscretus [v. INDISCRET] ; fin du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire, au sens 1 ; sens 2 et 5, 1588, Montaigne ; sens 3, 1569, Godefroy, VIII, 388 ; sens 4, fin du XVIIe s., Saint-Simon ; sens 6, 1587, Cholières ; sens 7, 1694, Acad.). 1. Class. Manque de jugement, de discernement : Car, lâchant le bâton en desserrant les dents, | Elle [la tortue] tombe, elle crève aux pieds des regardants. | Son indiscrétion de sa perte fut cause (La Fontaine). Ϧ 2. Class. Manque de mesure, exagération downloadModeText.vue.download 38 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2590 dans certaines attitudes ou certaines opinions : Ducharmel passait sa vie [...] dans une pénitence dure jusqu’à l’indiscrétion (Saint-Simon). Ϧ 3. Manque de réserve, de retenue qu’imposent les relations sociales : À cause de son indiscrétion, il ne mérite pas votre confiance. Il a eu l’indiscrétion de me questionner sur cette affaire. Ϧ Sans indiscrétion, s’il n’y a pas d’indiscrétion à demander cela : Sans indiscrétion, combien avez-vous payé ce meuble ? Ϧ 4. Caractère de ce qui est indiscret, déplacé, malséant : L’indiscrétion de ses visites me scandalisait. Ϧ 5. Action, parole indiscrète : J’ai désiré la possession d’une mare soustraite aux indiscrétions des passants (J. H. Fabre). Ϧ 6. Spécialem. Défaut d’une personne qui ne sait pas garder un secret : Un homme connu pour son indiscrétion. Ϧ7. Action ou parole par laquelle on révèle un secret qu’on aurait dû tenir caché : Le complot a été connu par une indiscrétion. • SYN. : 3 curiosité ; 4 importunité, incongruité, intempestivité ; 7 cancan, commérage (fam.), fuite, racontar (fam.). — CONTR. : 3 réserve, retenue ; 4 discrétion ; 6 silence. indiscutable [ɛ̃diskytabl] adj. (de in- et de discutable ; 1836, Raymond, au sens 1 ; sens 2, 1879, Loti). 1. Qui ne peut pas être discuté ; dont la vérité ne fait aucun doute : De nouveaux règlements sont intervenus, présentant l’avantage indiscutable de la simplification (France). Un fait indiscutable. Une preuve indiscutable de la culpabilité de quelqu’un. Un succès indiscutable. Ϧ2. Dont l’authenticité ne peut être mise en doute : Un document indiscutable. Les expressions peuvent varier [dans les Évangiles], le message reste unique, indiscutable, comme la parole même de Dieu (Daniel-Rops). • SYN. : 1 certain, formel, inattaquable, incontestable, indéniable, indubitable, irrécusable, irréfragable, irréfutable, manifeste, positif ; 2 authentique, vrai. — CONTR. 1 contestable, discutable, douteux, hypothétique, incertain, problématique ; 2 apocryphe, faux, imaginaire, inauthentique. indiscutablement [ɛ̃diskytabləmɑ̃] adv. (de indiscutable ; 14 juill. 1876, Gazette des tribunaux, p. 687). De façon indiscutable : L’accusé est indiscutablement coupable. indiscuté, e [ɛ̃diskyte] adj. (de in- et de discuté, part. passé de discuter ; 1845, Bescherelle, au sens 1 ; sens 2, 1898, Loti). 1. Vx. Qui n’a pas été soumis à discussion. Ϧ 2. Qui n’est pas mis en discussion ou en doute : La basilique triomphait, indiscutée, reconnue et admirée pour être l’église la plus grande et la plus opulente du monde (Zola). Une valeur, une supériorité indiscutée. Un dirigeant, un chef indiscuté. • SYN. : 2 incontesté, manifeste, reconnu. indispensabilité [ɛ̃dispɑ̃sabilite] n. f. (dér. savant de indispensable ; 1819, Boiste). Caractère, état de ce qui est indispensable : Nous le guérirons tous les ans, cela prouvera la nécessité du traitement annuel, l’indispensabilité du retour (Maupassant). indispensable [ɛ̃dispɑ̃sabl] adj. (de inet de dispenser ; fin du XVIe s., au sens 1 [pour une chose à laquelle on ne peut se soustraire, 1671, Pomey] ; sens 2, 29 mai 1754, Voltaire). 1. Class. Se dit de ce qui a un caractère obligatoire : Je sais les droits d’un père, et connais ceux d’un roi ; | Je sais de ses devoirs l’indispensable loi (Corneille). Ϧ Auj. Se dit d’une chose à laquelle on ne peut se soustraire : Une visite indispensable. Ϧ 2. Se dit d’une chose ou d’une personne dont on ne peut pas se passer : Outil, livre indispensable. Connaissances indispensables. Elle résista longtemps à donner sa signature, indispensable aux termes de nos lois pour valider la vente des biens (Balzac). Landin, qui se savait indispensable, marchait pourtant derrière eux, humble et craintif (Mauriac). • SYN. : 1 inévitable, obligatoire ; 2 essentiel, nécessaire, vital. — CONTR. : 2 facultatif, inutile, superflu. & n. (1829, Boiste, au sens de « sigisbée » ; « personne ou chose indispensable », 1867, Littré [faire l’indispensable, XXe s. — jouer à l’indispensable, même sens, 1893, Courteline]). Personne ou chose indispensable. ϦFaire l’indispensable, agir de manière à laisser croire que l’on est indispensable. & n. m. (1862, V. Hugo). L’indispensable, ce dont on ne peut se passer. indispensablement [ɛ̃dispɑ̃sabləmɑ̃] adv. (de indispensable ; début du XVIIe s.). Class. D’une manière nécessaire : Tous les hommes doivent savoir qu’ils sont indispensablement obligés d’aimer Dieu (Fénelon). indisponibilité [ɛ̃dispɔnibilite] n. f. (dér. savant de indisponible ; 1827, Acad.). État de celui ou de ce qui est indisponible : L’indisponibilité d’une voiture pendant la réparation. indisponible [ɛ̃dispɔnibl] adj. (de in- et de disponible ; 1752, Trévoux [biens indis- ponibles ; pour une personne ou une chose dont on ne peut disposer, 1877, Littré]). Se dit d’une chose ou d’une personne dont on ne peut pas disposer : De l’argent indisponible. Le coeur indisponible qui seul aurait pu savoir le prix du bonheur (Proust). [Jacques] était là, à trois pas d’elle, mais indisponible, possédé par d’autres, étranger (Martin du Gard). Ϧ Spécialem. Biens indisponibles, partie d’une succession dont on ne peut pas disposer. & adj. et n. m. (28 sept. 1876, Journ. des débats [p. 2]). Se dit de militaires dont on ne peut pas disposer, qu’on ne peut pas utiliser. indispos [ɛ̃dispo] adj. m. (de in- et de dispos ; 1544, Scève). Qui n’est pas dispos (rare) : Se sentir indispos. indisposé, e [ɛ̃dispoze] adj. (lat. indispositus, mal ordonné, confus [et, à basse époque, « indisposé », au fig.], de in-, préf. à valeur négative, et de dispositus, bien ordonné, part. passé adjectivé de disponere, distribuer, arranger, régler ; v. 1400, Gerson, au sens de « corrompu par le mal » [en parlant de l’âme] ; sens 1, milieu du XVe s. ; sens 2, 1891, Huysmans ; sens 3, 1675, Brunot). 1. Se dit d’une personne légèrement souffrante : Indisposé, il n’a pu aller hier à son travail. Ϧ2. Spécialem. Se dit d’une femme pendant la période des menstrues : Elle était à ce moment indisposée et son imagination était toujours plus sensible dans ces moments-là (Montherlant). Ϧ 3. Fig. Qui n’est pas dans des dispositions favorables à quelqu’un : Je l’ai trouvé indisposé contre moi, hostile. • SYN. : 1 fatigué, incommodé, mal fichu (fam.), patraque (fam.), souffrant ; 3 mal disposé, mal intentionné, malveillant. — CONTR. : 1 dispos, gaillard, vaillant, vigoureux ; 3 amical, bienveillant, bon, gentil. indisposer [ɛ̃dispoze] v. tr. (de indisposé, d’après disposer ; v. 1700 [d’après Trévoux, 1721], au sens 3 ; sens 1, 1828, Mozin ; sens 2, av. 1714, Fénelon). 1. Altérer légèrement la santé : Un mets, une chaleur qui indispose. Le vin prolongeait l’existence, n’indisposait pas, ne soûlait pas (Zola). Ϧ2. Class. Mettre dans des conditions défavorables à quelque chose : Ne vous engouez point de certaines conversations de politique ou de joli badinage, qui vous dissipent, qui vous indisposent au recueillement et à l’oraison (Fénelon). Ϧ3. Fig. Mettre dans des dispositions hostiles ou défavorables à quelqu’un : Ce discours singulier [...] m’avait apitoyé et indisposé tout à la fois (Lacretelle). Sa tactique avait été de ne pas déposer de conclusions pour ne pas indisposer le jury (Camus). • SYN. : 1 fatiguer, gêner, incommoder ; 3 déplaire, fâcher, froisser, hérisser, se mettre à dos, piquer, vexer. indisposition [ɛ̃dispozisjɔ̃] n. f. (de indisposé, d’après disposition ; 1459, Lettres de Louis XI [I, 108], dans la loc. indisposition du temps, « mauvais temps » ; sens 1, fin du XVe s., Commynes ; sens 2, début du XXe s. ; sens 3, 1721, Trévoux). 1. Légère altération de la santé : La sensibilité nerveuse est une cause active des indispositions. Ϧ2. Spécialem. État d’une femme indisposée. Ϧ 3. Fig. et vx. Disposition peu favorable envers quelqu’un : Ce qui m’avait déjà annoncé leur indisposition à mon égard (Staal). • SYN. : 1 fatigue, incommodité, malaise, trouble. indisputable [ɛ̃dispytabl] adj. (bas lat. indisputabilis, incontestable, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et disputabilis, qui est susceptible d’une discussion, dér. de downloadModeText.vue.download 39 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2591 disputare, mettre au net un compte, examiner, exposer, discuter ; 1688, Miege). Vx. Qu’on ne peut contester : Je [Newton] ne me sers du mot d’attraction que pour exprimer un effet que j’ai découvert dans la nature, effet certain et indisputable d’un principe inconnu, inhérent à la matière (Voltaire). Enfin nous-mêmes, malgré nos prospérités réelles et indisputables, bien que nous puissions nous montrer avec éclat sur un champ de bataille si nous y sommes appelés, sommes-nous tout à fait prêts à y paraître ? (Chateaubriand). indissociable [ɛ̃disɔsjabl] adj. (bas lat. indissociabilis, inséparable, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et dissociabilis, qui sépare, incompatible, dér. de dissociare, séparer, désunir ; 1542, Huguet, au sens de « indissoluble » ; sens 1-2 [de in- et de dissociable], 1962, Larousse). 1. Que l’on ne peut pas dissocier d’autre chose : Un élément indissociable d’un ensemble. Ϧ 2. Que l’on ne peut pas diviser en parties : Un tout indissociable. • SYN. : 1 inséparable ; 2 indivisible. indissolubilité [ɛ̃disɔlybilite] n. f. (dér. savant de indissoluble ; 1609, Brunot). Caractère de ce qui ne peut être dissous, défait : L’indissolubilité du Beau, du Vrai, du Bien (Baudelaire). Une mauvaise union prend, dans l’apparat matrimonial, un caractère d’indissolubilité (H. Bazin). indissoluble [ɛ̃disɔlybl] adj. (lat. indissolubilis, indissoluble, indestructible, impérissable, de in-, préf. à valeur négative, et de dissolubilis, séparable, divisible, dér. de dissolvere, séparer, désunir, détruire ; 1495, Vignay, au sens 2 ; sens 1, fin du XVIe s., Palissy ; sens 3, milieu du XVIe s.). 1. Vx. Qui ne peut être dissous : L’or est indissoluble dans l’acide sulfurique (Littré). Ϧ 2. Fig. Qui ne peut être défait, désuni : Il y avait en cet homme plusieurs hommes qui eussent fait de belles et grandes choses s’ils n’avaient été contraints, par une union intolérable et indissoluble, de s’entre-dévorer (France). Attachement indissoluble. Ϧ 3. Fig. et vx. Que l’on ne peut résoudre, éclaircir, comprendre : Une énigme indissoluble (Bossuet). • SYN. : 2 immuable, indéfectible, indestructible, infrangible. — CONTR. : 2 éphémère, fragile, fugitif, précaire. indissolublement [ɛ̃disɔlybləmɑ̃] adv. (de indissoluble ; 1471, Lettres de Louis XI [IV, 355]). Selon des liens qu’on ne peut rompre : Le cercle de métal qui se resserre en se refroidissant épouse indissolublement le bois, la première roue est ferrée (Martin du Gard) ; et au fig. : Mais toujours la pensée de l’absente était indissolublement mêlée aux actes les plus simples de la vie de Swann (Proust). Des problèmes indissolublement liés. indistinct, e [ɛ̃distɛ̃, -ɛ̃kt] adj. (lat. indistinctus, confus, obscur, de in-, préf. à valeur négative, et de distinctus, varié, séparé, nuancé, part. passé adjectivé de distinguere, séparer, diviser, différencier ; 1549, R. Estienne, au sens 1 [sans aucun doute plus anc., v. la date du dér. indistinctement] ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Que l’on a du mal à distinguer : Un ordre partait du porte-voix, un beuglement sourd et indistinct (Zola). On nous promène dans la forêt durant deux heures le long d’un très petit sentier presque indistinct (Gide). Ϧ2. Fig. Qui n’est pas bien défini, qui est confus : Ivre [...] d’un indistinct mélange d’enthousiasme, d’abnégation, de vertu, j’en appelais à Dieu (Gide). • SYN. : 1 confus, imperceptible, indéfini, indiscernable, invisible ; 2 indécis, indéfinissable, indéterminable, obscur, trouble, vague. indistinctement [ɛ̃distɛ̃ktəmɑ̃] adv. (de indistinct ; 1495, Vignay, au sens 1 ; sens 2, 1580, Montaigne). 1. D’une façon indistincte : Ils [un cristal, une fleur] nous sont des objets [...] plus intelligibles à la vue [...] que tous les autres que nous voyons indistinctement (Valéry). Ϧ 2. Sans faire de distinction : Frapper indistinctement le coupable et l’innocent. L’hommage que nous rendons indistinctement aux grands nous avilit (Rousseau). • SYN. : 1 confusément, vaguement ; 2 indifféremment. — CONTR. : 1 clairement, distinctement. indistinction [ɛ̃distɛ̃ksjɔ̃] n. f. (de indistinct, d’après distinction ; 1767, J.-J. Rousseau). État de ce qui est indistinct : A un dieu seulement est réservée l’ineffable indistinction de son acte et de sa pensée (Valéry). indium [ɛ̃djɔm] n. m. (mot du lat. scientif. moderne, créé en 1863 sur indi[go] — à cause de la raie indigo que le métal donne au spectroscope — par les découvreurs du corps, les chimistes allemands Reich et Richter ; 1867, Littré). Métal rare qui présente des analogies avec l’aluminium. individu [ɛ̃dividy] n. m. (lat. scolast. individuum, ce qui est indivisible, d’où « ce qui est particulier » et « tout être particulier » [« atome », en lat. class.], neutre substantivé de l’adj. du lat. class. individuus, indivisible, inséparable, de in-, préf. à valeur négative, et de dividuus, divisible, divisé, dér. de dividere, diviser, partager ; milieu du XIIIe s., au sens I, 2 ; sens I, 1, 1550, Meigret ; sens I, 3, milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens I, 4, 1684, La Fontaine ; sens I, 5, XIVe s., Lanfranc [« la personne », v. 1770, J.-J. Rousseau ; « ce qui constitue la personne physique de quelqu’un », av. 1654, Guez de Balzac] ; sens I, 6, 1829, Boiste ; sens I, 7, 1867, Littré ; sens II, 1, 1957, Robert ; sens II, 2, 1791, G. de Mirabeau). I. 1. En philosophie, être concret, donné dans l’expérience, ayant une unité propre et des caractères distinctifs permanents. Ϧ 2. Dans un classement hiérarchique par genres et par espèces, chaque unité indépendante et particulière qui entre dans l’extension d’une espèce : Il n’existe réellement dans la nature que des individus, et les genres, les ordres et les classes n’existent que dans notre imagination (Buffon). Ϧ 3. En biologie, spécimen vivant d’une espèce, être organisé qui ne saurait être divisé sans être détruit : Les individus apprivoisés d’une espèce sauvage. Ϧ 4. Chaque être de l’espèce humaine : Les jeunes individus et les individus âgés. Quand on se penche sur les problèmes humains, le rôle de l’individu devient primordial (Lecomte du Nouÿ). Ϧ 5. En psychologie, l’être humain en tant que possédant une unité et une identité biologiques, et un ensemble de caractères propres qui le distinguent des autres. Ϧ Par extens. Dans le langage courant, la personne : Sous ce déguisement, ce maquillage, il donne l’illusion de ne plus être le même individu. Ϧ Fam. Ce qui constitue la personne physique de quelqu’un, et plus particulièrement son corps (toujours accompagné d’un adj. possessif) : Avoir soin de son individu. Recevoir un coup de pied dans une partie charnue de son individu. Ϧ 6. Être humain indéterminé, personne quelconque que l’on ne connaît pas ou que l’on ne veut pas nommer (généralement avec une nuance dépréciative plus ou moins marquée) : Il lui advint de rencontrer, en promenade, quelques individus de ces pays détestés (Rolland). Dans la rue déserte, un individu vint à passer (Queneau). Un triste individu. Ϧ 7. En physique, élément indivisible : La question s’est posée de savoir s’il est possible de considérer les corpuscules comme des individus physiques parfaitement définis et localisés dans l’espace (L. de Broglie). II. 1. Chacune des unités dont l’ensemble forme une société ou une colonie : Les individus d’une fourmilière, d’une colonie de madrépores. Ϧ 2. L’être humain considéré par rapport à la société ou à une collectivité : Les masses sont tout aujourd’hui, les individus sont peu de chose (Staël). Enfin, la question si difficile et si controversée des rapports entre l’individu et l’État se pose : l’État, c’est-à-dire l’organisation de plus en plus précise, étroite, exacte, qui prend à l’individu toute la portion qu’il veut de sa liberté de son travail, de son temps, de ses forces et, en somme, de sa vie, pour lui donner... Mais quoi lui donner ? (Valéry). Aussi longtemps que les hommes vivront en société, je pense que les individus ne pourront pas, à leur gré, se prétendre libérés de leurs obligations envers cette société qui les protège, et dont ils profitent (Martin du Gard). Ce qui fait la grandeur d’une civilisation, c’est la volondownloadModeText.vue.download 40 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2592 té que manifeste la collectivité de respecter au moins et peut-être même de favoriser le libre travail des élites, c’est-à-dire des individus (Duhamel). L’affirmation impliquée dans tout acte de révolte s’étend à quelque chose qui déborde l’individu dans la mesure où elle le tire de sa solitude supposée (Camus). • SYN. : I, 2 échantillon, spécimen ; 4 créature, être, homme, humain ; 5 personnage, personne ; 6 citoyen (fam.), énergumène, gars (fam.), moineau (fam.), oiseau (fam.), olibrius (fam.), particulier (POP.), quidam, type (pop.), zèbre (pop.), zigoto (pop.), zigue (pop.). individualisation [ɛ̃dividɥalizasjɔ̃] n. f. (de individualiser ; 1803, Boiste, au sens 1 [« état, caractère de ce qui est individualisé », 1863, Presse scientifique des Deux Mondes, t. I, p. 458] ; sens 2, 1898, Saleilles [individualisation des peines]). 1. Action de donner ou le fait de prendre les caractères spécifiques d’un individu : C’est en italique commun, donc avant l’individualisation de la langue latine (Dauzat). ϦÉtat, caractère de ce qui est individualisé : L’individualisation d’une espèce animale. Ϧ2. Action de rendre individuel quelque chose, de l’attribuer ou de l’adapter à un individu : L’individualisation des primes d’assurance automobile en fonction du comportement des conducteurs. Ϧ Spécialem. Individualisation des peines, système de répression qui vise à faire varier, pour chaque délit, la peine d’après le caractère du délinquant. individualisé, e [ɛ̃dividɥalize] adj. (part. individualisé, e [ɛ̃dividɥalize] adj. (part. passé de individualiser). Qui possède les caractères propres d’un individu ; qui est distinct des autres êtres de la même espèce : Un groupe fortement individualisé. individualiser [ɛ̃dividɥalize] v. tr. (dér. savant de individuel ; 1738, d’Olivet au part. passé, au sens 1 [à propos d’un nom précédé de l’article défini ; à l’infin., 1765, Diderot ; absol., 17 janv. 1889, J. Renard] ; sens 2, 1957, Robert ; sens 3, 1803, Boiste [« distinguer, reconnaître en tant qu’individu », av. 1922, Proust]). 1. Rendre individuel, distinct des autres êtres, par des caractères propres ; constituer l’individualité de : Les caractères qui individualisent les êtres (Diderot) ; et absol. : Un détail qui individualise. Ϧ2. Adapter à chaque individu en particulier : Individualiser les peines. Ϧ3. Vx. Considérer, présenter quelque chose individuellement, isolément : Lorsque l’homme découvre des idées nouvelles, il ne fait autre chose que discerner, voir à part, individualiser ce qui auparavant était absorbé dans la vision uniforme du tout (Lamennais). Ϧ Spécialem. Distinguer, reconnaître en tant qu’individu (rare) : Mais, à vrai dire, je les voyais depuis si peu d’instants, et sans oser les regarder fixement, que je n’avais encore individualisé aucune d’elles... (Proust). • SYN. : 1 caractériser, différencier, distinguer, particulariser. & s’individualiser v. pr. (1867, Littré). Se distinguer nettement par des caractères propres : Tout ce qui est français tend à s’individualiser. Tout ce qui est allemand, à dominer et à se soumettre (Gide). individualisme [ɛ̃dividɥalism] n. m. (dér. savant de individuel ; 9 sept. 1826, le Globe [IV, 61], au sens 2 ; sens 1, 1829, Lamennais ; sens 3, 1904, Revue de métaphysique [p. 1108] ; sens 4, 1833, Balzac ; sens 5, 1839, Balzac). 1. Au sens large, toute doctrine ou tendance qui affirme la prééminence de l’individu et voit en lui la valeur suprême. Ϧ 2. Spécialem. En morale et en politique, théorie qui fait prévaloir les droits de l’individu sur ceux de la société, et qui estime, en particulier, que l’état et les institutions sociales doivent avoir pour fin le bien des individus. Ϧ 3. En sociologie, doctrine qui cherche à expliquer les événements historiques et les phénomènes sociaux par l’action consciente des individus. Ϧ4. Tendance à s’affirmer indépendamment des autres : Faire preuve d’individualisme. Son profond individualisme le pousse à s’isoler. Ϧ 5. Péjor. Tendance à l’égoïsme. • SYN. : 4 indépendance, non-conformisme. individualiste [ɛ̃dividɥalist] adj. (de individualisme ; 1845, Bescherelle). Qui est conforme à l’individualisme ; qui affirme la prééminence de l’individu sur le groupe, la collectivité : Une morale individualiste. Des positions individualistes. Voyez cette religion individualtste, et finalement anarchiste, qu’est le protestantisme (Martin du Gard). & adj. et n. (sens 1, 1836, Raymond ; sens 2, 1936, Martin du Gard ; sens 3, 1962, Larousse). 1. Qui est partisan de l’individualisme, en morale, en politique, etc. Ϧ2. Qui tient à s’affirmer indépendamment des autres : L’on peut aller beaucoup plus loin, mais avec le commun, qu’on n’eût fait seul, individualiste, même partant beaucoup plus tôt et marchant d’un pied plus léger (Gide). Ϧ 3. Péjor. Qui ramène tout à soi : Je suis une orgueilleuse, une individualiste très peu capable de sacrifices (Bazin). • SYN. : 2 indépendant, non-conformiste ; 3 égoïste, égotiste. individualité [ɛ̃dividɥalite] n. f. (dér. savant de individuel ; 1760, Ch. Bonnet, au sens 2 ; sens 1, 1873, Larousse ; sens 3, 1762, Diderot ; sens 4, 1760, Ch. Bonnet [« tout être humain, tout individu », 1830, Fr. M. Ch. Fourier] ; sens 5, 1831, Balzac). 1. Caractère de ce qui est individuel, de ce qui existe en tant qu’individu : L’individualité des espèces animales. Individualité biologique, psychologique. Ϧ2. Ensemble des caractères propres à un individu et par lesquels il se distingue des autres : Une individualité composite. Il ne croit pas que son individualité, comme on dit maintenant en assez mauvais style, vaille la peine d’être autrement étudiée (Hugo). Nous voulons être Français, avec tous les traits d’une individualité régionale qui nous est chère (Clemenceau). Ϧ3. Caractère original propre à une personne ou à une chose : Aujourd’hui règne plus que jamais le fanatisme de l’individualité (Balzac). Il reste toujours en dehors [...] cette chose qui s’appelle l’individualité du talent, du génie (Sainte-Beuve). Ϧ 4. Tout ce qui existe à l’état d’individu distinct des autres : L’être vivant forme un organisme et une individualité (C. Bernard). ϦSpécialem. Tout être humain, tout individu : Là, du moins, les plages ne sont pas souillées par des individualités aussi fétides (Flaubert). Ϧ 5. Personne qui se distingue nettement des autres par un certain nombre de traits marquants, originaux (vieilli ; on dit plutôt PERSONNALITÉ auj.) : Je n’accepte que les individualités vraiment individuelles et nettement accusées (Zola). Certains croient que l’histoire est dominée par quelques individualités remarquables qu’on appelle les grands hommes. • SYN. : 4 originalité, particularité. individuation [ɛ̃dividɥasjɔ̃] n. f. (dér. savant de individu ; 1551, D. Sauvage [principe d’individuation, 1902, La rousse]). Dans la scolastique, réalisation de l’espèce dans un être individuel. ϦPrincipe d’individuation, principe qui fait qu’un individu diffère de tous les autres de la même espèce, c’est-à-dire possède une détermination dans le temps et dans l’espace. individuel, elle [ɛ̃dividɥɛl] adj. (de individu ; 1490, Vaganay, écrit individual [individuel, v. 1560, Paré], au sens 3 ; sens 1, 1755, J.-J. Rousseau ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 4, 1867, Littré ; sens 5, 1873, Larousse ; sens 6, 1764, J.-J. Rousseau). 1. Qui a le caractère d’un individu, qui constitue un individu : Être individuel. Éléments individuels d’un genre. Il y a, je le sens, un âge auquel l’homme individuel voudrait s’arrêter ; tu chercheras l’âge auquel tu désirerais que ton espèce se fût arrêtée (Rousseau). Ϧ 2. Qui appartient à l’individu : Caractères individuels d’un être. Propriétés, qualités individuelles. Ϧ 3. Qui est propre à un individu donné et le caractérise par rapport aux autres individus de la même espèce : Cette ville possède un charme pour ainsi dire individuel (Staël). Ϧ 4. Qui ne concerne qu’un seul individu, qu’une seule personne : Fiche individuelle. Convocation individuelle. Réquisition individuelle. Ϧ5. Qui est le fait d’une seule personne : Action, réclamation, intervention individuelle. L’activité individuelle gagne au spectacle de l’activité de l’ensemble (J. H. Fabre). Ϧ 6. Qui est propre à un individu d’un groupe, d’une collectivité pris isolément : Propriété individuelle. Liberté individuelle. Que signifie le voeu downloadModeText.vue.download 41 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2593 de pauvreté individuelle si l’on s’agrège à une collectivité puissante ? (Mauriac). Il n’y avait pas alors de destins individuels, mais une histoire collective, qui était la peste et des sentiments partagés par tous (Camus). • SYN. : 1 particuliers ; 2 personnel ; 3 caractéristique, propre ; 6 privé. — CONTR. : 1 général, universel ; 2 générique ; 4 et 5 collectif, commun. & n. (v. 1935). Athlète, sportif n’appartenant à aucun club, à aucune équipe. & individuel n. m. (1802, Chateaubriand). Ce qui est propre à l’individu ou à un individu : Transportez le raisonnement de l’individuel au collectif, de l’homme au peuple (Chateaubriand). Dans cette étrange période de l’amour, l’individuel prend quelque chose de [...] profond (Proust). La folie est l’autodéification d’un individuel dans lequel ne se reconnaît aucun collectif (Queneau). individuellement [ɛ̃dividɥɛlmɑ̃] adv. (de individuel ; 1551, R. Ét. Rab. [II, 182], au sens de « à ne regarder que l’individu » ; sens 1, 1805, Senancour ; sens 2, 1835, Acad. ; sens 3, 1867, Littré). 1. En tant qu’individu : Tout ce qui est se compose de choses ou d’êtres individuellement distincts (Lamennais). Ϧ2. Chacun en particulier : Les membres de l’assemblée se sentent individuellement responsables de l’application d’une décision. Ϧ 3. Un à un, séparément : On est prié de se présenter individuellement au contrôle. • SYN. : 2 personnellement. — CONTR. : 1 en bloc, en choeur, ensemble ; 2 collectivement. indivis, e [ɛ̃divi, -iz] adj. (lat. indivisus, non partagé, indivis, de in-, préf. à valeur négative, et de divisus, partagé, séparé, part. passé adjectivé de dividere, diviser ; XIVe s., dans la loc. par indivis [v. ci-dessous] ; comme adj., au sens 2, 1526, Mémoires et documents.. de la Suisse romande [I, 27, 344], écrit indevis [indivis, 1835, Acad.] ; sens 1, v. 1562, Bonivard [écrit indivis ; au fig., av. 1841, Chateaubriand]). 1. Se dit, en termes de droit, d’une chose qui n’a pas été partagée, qui est possédée à la fois par plusieurs personnes : Il faudrait se dispenser de faire l’inventaire de toute la fortune qui aujourd’hui se trouve indivise entre vous et monsieur votre père (Balzac). Bien, patri- moine, fonds indivis. Succession indivise ; et au fig. : Encore une fois, la royauté n’est point une propriété privée, c’est un bien commun, indivis, et des tiers sont engagés dans la fortune du trône (Chateaubriand). Et sans cesse je reconnais tout ce que je dois à ceux de mon pays, de ma race [...], ce que je dois aussi à cet héritage indivis qui ne tient compte ni des races, ni des patries (Gide). Ϧ 2. Qui possède conjointement une propriété indivise : Propriétaires, héritiers indivis. & Par indivis loc. adv. (1347, Runkewitz). Sans qu’il y ait eu division, en restant dans l’indivision : Posséder un bien, une propriété par indivis. indivisaire [ɛ̃divizɛr] n. (de indivis ; 1957, Robert). Personne qui possède quelque chose dans l’indivision avec d’autres. indivisé, e [ɛ̃divize] adj. (de in- et de divisé, part. passé de diviser : v. 1361, Oresme). Vx. Qui n’a pas subi de division : Les éléments sont des corps divisibles mais indivisés (Voltaire). indivisément [ɛ̃divizemɑ̃] adv. (de indivis ; 1551, R. Ét. Rab. [II, 182], écrit indivisement ; 1556, Papiers de Granvelle [IV, 596], écrit indiviseement ; indivisément, 1791, Moniteur universel [VII, 590]). En termes de droit, sans qu’il y ait eu division de biens communs : Deux frères qui possèdent indivisément une propriété. • SYN. : par indivis. indivisibilité [ɛ̃divizibilite] n. f. (dér. savant de indivisible [indivisibleté, forme plus pop., v. 1380, Aalma] ; début du XVIe s., au sens de « indissolubilité du mariage » ; sens actuel, 1691, Brunot). Caractère, nature de ce qui est indivisible, de ce qui ne peut être séparé en parties : Unité, indivisibilité de la République, liberté, égalité, fraternité ou la mort (Goncourt). On a longtemps cru à l’indivisibilité de l’atome. indivisible [ɛ̃divizibl] adj. (bas lat. indivisibilis, indivisible, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et du bas lat. divisibilis, divisible, de divisum, supin du lat. class. dividere, diviser, partager ; 1314, Mondeville, au sens 1 [obligation indivisible, 1804, Code civil] ; sens 2, v. 1790, G. de Mirabeau). 1. Qui ne peut pas être divisé en parties : Le fédéralisme était vaincu : la République une, indivisible, vaincrait tous ses ennemis (France). Ϧ Obligation indivisible, en droit, obligation qui ne peut pas être exécutée partiellement, et à laquelle chacun des obligés est tenu pour le tout. Ϧ2. Fig. Que l’on ne peut pas désunir, séparer de : Elle est indivisible de la nation qu’elle reflète exactement (Valéry). • SYN. : 1 un ; 2 indissociable, inséparable. indivisiblement [ɛ̃divizibləmɑ̃] adv. (de indivisible ; 1470, Livre de la discipline d’amour divine). De manière indivisible. indivision [ɛ̃divizjɔ̃] n. f. (de indivis, d’après division ; XVe s., au sens philosophique de « absence de division » ; sens 1, 1765, Encyclopédie ; sens 2, 1804, Code civil). 1. État d’une propriété, d’un bien indivis qui n’ont pas été partagés : Le partage d’un bien met fin à l’indivision. Ϧ2. Situation juridique de personnes possédant un bien indivis : Rester dans l’indivision. L’indivision des clôtures mitoyennes est perpétuelle et dite « indivision forcée ». • SYN. : 1 communauté. in-dix-huit [indizɥit] adj. invar. (de in 2 et de dix-huit ; 1765, Encyclopédie). Se dit du format d’un livre où chaque feuille d’impression forme 18 feuillets, soit 36 pages : On n’imagine pas combien il est difficile aux gens du monde de se procurer un petit volume, in-dix-huit jésus, de trois francs cinquante (France). & n. m. invar. (1765, Encyclopédie). Format, volume in-dix-huit : Un in-dix-huit. • REM. On écrit aussi, par abrév., IN-18. indo- [ɛ̃do], élément tiré du lat. Indus, de l’Inde, et qui entre, comme préfixe, dans la formation de quelques mots, où il signifie Inde, Indien (des Indes orientales). indo-afghan, e [ɛ̃doafgɑ̃, -an] adj. et n. (de indo- et de afghan ; 1962, Larousse). Se dit d’une race humaine proche de la race sud-orientale, et de ses représentants. indo-aryen, enne [ɛ̃doarjɛ̃, -ɛn] adj. et n. m. (de indo- et de aryen ; v. 1934). Se dit des langues indo-européennes actuellement parlées dans l’Inde. indochinois, e [ɛ̃doʃinwa, -az] adj. et n. (de indo- et de chinois ; 1845, Bescherelle [aussi « habitant ou originaire de ce pays »]). Relatif à l’Indochine et à ses habitants ; habitant ou originaire de ce pays. indocile [ɛ̃dɔsil] adj. et n. (lat. indocilis, qu’on ne peut instruire, rebelle à, ignorant, de in-, préf. à valeur négative, et de docilis, disposé à s’instruire, qui apprend aisément, docile, dér. de docere. enseigner, instruire ; av. 1502, O. de Saint-Gelais, écrit indocille [indocile, 1538, R. Estienne], au sens 1 ; sens 2, av. 1613, M. Régnier ; sens 3, 1598, G. Bouchet). 1. Class. Qui ne se laisse pas instruire : Un esprit indocile. Ô cervelle indocile, | Faut-il qu’avec les soins qu’on prend incessamment | On ne le puisse apprendre à parler congrument ? (Molière). Ϧ2. Class. Indocile à, qui résiste à, qui ne se laisse pas persuader par : Indocile à la flatterie, il en craignait jusqu’à l’apparence (Bossuet). Ϧ 3. Qui n’est pas docile et refuse de se laisser diriger ou conduire : Enfant, génération indocile. Un cheval indocile. Un peuple indocile d’ouvriers (Duhamel). Dutheil, l’air extasié, tournait autour de la jeune femme [...], pour remettre en place un pli de dentelle, corriger une boucle indocile (Zola). • SYN. : 3 désobéissant, difficile, dissipé, dur, indiscipliné, infernal (fam.), insubordonné, rebelle, récalcitrant, réfractaire, rétif, terrible (fam.). indocilité [ɛ̃dɔsilite] n. f. (lat. impér. indocilitas, incapacité d’être instruit, du lat. class. indocilis [v. l’art. précéd.] ; début du XVIIe s., Montlyard, au sens de « fait de ne pouvoir être instruit » ; 1669, Bossuet, au sens de « fait d’être difficile à gouverner, d’être indiscipliné »). Caractère de celui ou de ce qui est difficile à instruire, à diriger, à conduire : Et, même en classe, le visage d’un garçon tel que Montclar trahissait downloadModeText.vue.download 42 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2594 parfois un sentiment pire que l’indocilité (Lacretelle). L’indocilité d’un cheval. • SYN. : désobéissance, dissipation, indiscipline, insubordination, rébellion. — CONTR. : docilité, obéissance, sagesse, soumission, souplesse. indo-européen, enne [ɛ̃doørɔpeɛ̃, -ɛn] adj. (de indo- et de européen ; 1845, Bescherelle). Qui appartient à un groupe de langues auxquelles on attribue une origine commune et qui ont été parlées dès une époque ancienne à la fois en Europe et en Asie. & adj. et n. (1873, pour l’adj., et 1902, pour le n., Larousse). Qui a parlé ou parle une des langues de ce groupe sans que cela implique l’appartenance à une même race : Populations indo-européennes. & indo-européen n. m. (1922, Larousse [indo-européen occidental, 1962, Larousse]). Ensemble des traits anciens communs à toutes les langues indo-européennes ou à quelques-unes d’entre elles : La déclinaison en indo-européen. ϦIndo-européen occidental, traits communs aux langues celtiques et italiques. indo-gangétique [ɛ̃dogɑ̃ʒetik] adj. (de indo-, élément tiré du nom du fleuve Indus, et de gangétique, du fleuve Gange ; XXe s.). Qui est relatif à la fois à l’Indus et au Gange : La plaine indo-gangétique. indogermanique [ɛ̃doʒɛrmanik] adj. et n. m. (de indo- et de germanique ; av. 1854, Nerval). Nom donné par certains philologues allemands aux langues indo-européennes. indo-iranien, enne [ɛ̃doiranjɛ̃, -ɛn] adj. et n. m. (de indo- et de iranien ; 1902, Larousse [art. indo-européen]). Se dit de l’ensemble formé par les langues indoaryennes et iraniennes. (Syn. ARYEN.) indole [ɛ̃dɔl] n. m. (de ind[igo] et du suff. scientif. -ol, du lat. oleum, huile ; 1873, Larousse, écrit indol ; indole, 1888, Larousse). En chimie, composé obtenu par distillation de l’indigo blanc sur de la poudre de zinc et qui existe dans certaines essences de fleurs, dans le goudron de houille et parmi les produits de décomposition des matières albuminoïdes. indolemment [ɛ̃dɔlamɑ̃] adv. (de indolent ; 1717, Massillon). Avec indolence : Le croisement des jambes découvrait jusqu’à la cheville son pied, qu’il balançait indolemment (Martin du Gard). indolence [ɛ̃dɔlɑ̃s] n. f. (lat. indolentia, absence de toute douleur, insensibilité, de in-, préf. à valeur négative, et de dolere, souffrir, s’affliger ; XIVe s., Romania [XIV, 458], au sens de « vie facile, agréable » ; sens 1, 1580, Montaigne ; sens 2, 1834, Landais ; sens 3, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 4, 1671, Boileau). 1. Class. Absence de douleur : L’indolence est le souhait de ceux que la goutte, la gravelle, la pierre [...] mettent une fois le mois à la torture (Malherbe). Ϧ2. Auj. En termes de médecine, caractère d’une lésion qui ne cause pas de douleur : L’indolence d’une tumeur. Ϧ 3. Class. et fig. Insensibilité morale : Un motif impie de tranquillité et d’indolence dans les crimes (Massillon). Ϧ4. Caractère de celui qui cherche à s’épargner tout effort, qui agit avec mollesse : Mais Clarisse s’occupait de son dîner, et l’on sentait en elle l’indolence d’une personne absorbée dont les mains sont lentes, le regard errant, parce que la volonté absente est accaparée par quelque combat intérieur (Daudet). D’ailleurs ma grande indolence, accommodée aux molles habitudes de ma petite ville de province, me détournait de faire un éclat (Aymé). • SYN. : 4 apathie, atonie, indifférence, inertie, langueur, mollesse, nonchalance, nonchaloir (vx ou poétiq.). — CONTR. : 4 allant (fam.), ardeur, diligence, entrain, pétulance, vivacité, zèle. indolent, e [ɛ̃dɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. (bas lat. indolens, -entis, qui ne souffre pas, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et dolens, -entis, qui cause de la douleur, part. prés. adjectivé de dolere, souffrir, s’affliger ; v. 1590, Sully, au sens 1 ; sens 2, 1671, Boileau [en parlant d’une chose qui se déplace avec lenteur, av. 1695, La Fontaine ; « qui porte la marque de l’indolence », 1738, Piron] ; sens 3, 1762, Acad.). 1. Class. Qui est insensible à tout ce qui pourrait faire impression sur lui ; qui n’est touché par rien : On n’a aucune prise sur les caractères indolents (Fénelon). Ϧ 2. Qui évite de se donner de la peine en faisant des efforts, qui agit, se meut avec mollesse : Enfant, écolier, animal indolent. Les groupes indolents | S’en allaient en causant à voix basse, à pas lents (Lamartine). Ϧ Littér. Se dit d’une chose qui se déplace avec une lenteur évoquant la paresse : On voyait [...] çà et là, dans les lointains, d’indolentes nappes de brouillard qui remontaient les rampes, telles des fumées (Carco). ϦQui porte la marque de l’indolence : Une vie, une démarche indolente. Un geste indolent. Et pourtant, la veille, à l’arrivée, je m’étais senti repris par le charme indolent de la vie de bains de mer (Proust). Ϧ 3. En médecine, qui ne fait pas souffrir : Une plaie, une tumeur indolente. • SYN. : 2 amorphe (fam.), apathique, atone, avachi (fam.), engourdi, languissant, mollasse, mollasson, mou, nonchalant, paresseux. — CONTR. : 2 actif, ardent, diligent, dynamique, empressé, entreprenant, expéditif, rapide, vif, zélé. & n. (1688, La Fontaine). Personne indolente : Que j’aime voir, chère indolente, de ton corps si beau [...] miroiter la peau (Baudelaire). indolore [ɛ̃dɔlɔr] adj. (bas lat. indolorius, non douloureux, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et dolor, douleur, de dolere, souffrir, s’affliger ; milieu du XIXe s.). Qui ne cause aucune douleur : Une opération indolore. indomptable [ɛ̃dɔ̃tabl] adj. (de in- et de domptable ; 1420, Dict. général, au sens 2 ; sens 1, 1677, Racine ; sens 3, 1588, Montaigne). 1. Se dit d’un animal que l’on ne peut dompter, réduire à l’obéissance : Un cheval indomptable. Un aigle adulte est non seulement indocile, mais indomptable (Buffon). Ϧ 2. Littér. Se dit d’une personne que l’on ne peut soumettre, qui refuse toute domination, toute autorité : Un peuple, une race indomptable. Ϧ 3. Fig. Dont on ne peut venir à bout : Courage, fierté indomptable. Une ardeur indomptable. Cette idée qu’ils appartiennent à la plus belle race du monde [...] leur inspire un noble orgueil, un courage indomptable et la haine du genre humain (France). • SYN. : 1 inapprivoisable ; 3 farouche, inflexible, invincible, irréductible. indomptablement [ɛ̃dɔ̃tabləmɑ̃] adv. (de indomptable ; 1839, Boiste). De façon indomptable : Un peuple qui aspire indomptablement à sa liberté. • SYN. : farouchement. indompté, e [ɛ̃dɔ̃te] adj. (de in- et de dompté, part. passé de dompter ; av. 1525, J. Lemaire de Belges, au sens 1 ; sens 2, 1672, Boileau ; sens 3, 1651, Corneille). 1. Se dit d’un animal qui n’a pas été dompté, qui est encore fougueux, emporté : Cheval indompté. Ϧ 2. Qui n’a pas été soumis : Peuple indompté. Nation indomptée ; et par extens. : Il fut saisi par de telles appréhensions en pensant aux violences de ce caractère indompté qu’il revint sur ses pas (Balzac). Ϧ 3. Fig. Qui n’a pas de bornes : Un désir, un courage, un orgueil indompté. • SYN. : 1 farouche, sauvage. — CONTR. : 1 apprivoisé, docile, familier. indonésien, enne [ɛ̃dɔnezjɛ̃, -ɛn] adj. et n. (de Indonésie, n. géogr. ; 1888, Larousse). Relatif à l’Indonésie ; habitant ou originaire de cette région : Temples indonésiens. Populations indonésiennes. Un Indonésien, une Indonésienne. & adj. et n. m. (sens 1, 1931, Larousse ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Se dit d’un groupe de langues appartenant à la famille malayopolynésienne. Ϧ2. Se dit de la langue officielle de la république d’Indonésie. indophénol [ɛ̃dofenɔl] n. m. (de indo-, élément tiré de indigo, et de phénol ; 1888, Larousse). Nom générique de matières colorantes bleues obtenues en faisant agir un phénate alcalin sur une amine. indosable [ɛ̃dozabl] adj. (de in- et de dosable ; XXe s.). Qu’on ne peut doser. indosé [ɛ̃doze] n. m. (de in- et de dosé, part. passé de doser ; 1922, Larousse). Ensemble des substances qui, dans une analyse chimique, échappent au dosage. downloadModeText.vue.download 43 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2595 indou, e adj. et n., indouisme n. m. V. HINDOU, E, ET HINDOUISME. in-douze [induz] adj. invar. (de in 2 et de douze ; 1666, Roman bourgeois). Se dit du format d’un livre où chaque feuille d’impression, présentant quatre plis (dont un roulé), forme 12 feuillets, soit 24 pages : Format, volume, édition in-douze. & n. m. invar. (1666, Roman bourgeois). Format, volume in-douze : Un in-douze. • REM. On écrit aussi, par abrév., IN-12. indri ou indris [ɛ̃dri] n. m. (exclamation malgache, prise à tort pour le nom de l’animal ; 1782, Sonnerat, écrit indri ; indris, 1902, Larousse). Genre de lémuriens arboricoles et végétariens, vivant à Madagascar. indu, e [ɛ̃dy] adj. (de in- et de dû, part. passé de devoir ; v. 1361, Oresme, au sens 1 [heure indue, milieu du XVIe s., Amyot] ; sens 2, 1867, Littré). 1. Qui est contraire à la règle, à la raison, à la justice : Le remords empoisonnait parfois ce loisir indu et achevait de me réveiller (Duhamel). Réclamation, protestation indue. Ϧ Heure indue, heure à laquelle il ne convient pas de faire quelque chose : Quelques discussions animèrent la soirée et la prolongèrent jusqu’à une heure indue (Balzac). Je courus à l’ascenseur, malgré l’heure indue, sonner le lift qui faisait fonction de veilleur de nuit (Proust). Rentrer à des heures indues. Ϧ 2. Qui n’est pas dû (peu usité) : Somme indue. & indu n. m. (1867, Littré). Ce qui n’est pas dû ; somme payée à quelqu’un qui n’était pas créancier : Réclamer la restitution de l’indu. Action en répétition de l’indu. indubitable [ɛ̃dybitabl] adj. (lat. indubitabilis, certain, indubitable, de in-, préf. à valeur négative, et de dubitabilis, douteux, dér. de dubitare, hésiter, douter, de dubius, indécis ; 1511, Huguet, au sens de « qui ne doute pas » ; sens 1, av. 1549, Marguerite de Navarre ; sens 2, 1538, R. Estienne [sans aucun doute plus anc., v. la date du dér. indubitablement] ; sens 3, 1541, Calvin [en logique, 1637, Descartes ; il est indubitable que, av. 1662, Pascal]). 1. Class. Qui ne peut manquer d’arriver ou de produire son effet ; inévitable : Je n’ai plus à craindre que les pâtés, qui sont presque indubitables avec une encre de cette épaisseur (Mme de Grignan). Ϧ 2. Se dit d’un fait, d’une réalité dont l’existence ne fait aucun doute : Si je flétrissais volontiers les calomniateurs, je refusais de confondre avec eux celui [...] qui ne répète que ce qui est public et indubitable (Alain). Ϧ 3. Dont la vérité ne peut être mise en doute : Preuve indubitable. Opinions, jugements indubitables. Les histoires de Lisbeth étaient jalonnées de détails indubitables, qui ne permettaient pas de suspecter sa bonne foi (Martin du Gard). ϦSpécialem. En logique, dont l’évidence permet de sortir du doute méthodique. ϦIl est indubitable que, il est absolument certain que. • SYN. : 2 authentique, certain, évident, manifeste, réel, sûr, tangible, véritable, vrai ; 3 incontestable, indéniable, indiscutable, irrécusable, irréfragable, irréfutable. indubitablement [ɛ̃dybitabləmɑ̃] adv. (de indubitable ; 1490, G. Tardif). De façon indubitable, évidente : Don Garcia [...] s’élança [...], espérant retrouver cette épée qui aurait indubitablement fait reconnaître le coupable (Mérimée). Il [F. Jammes] n’admettait pour sincère et pour naturel que ce qui ressemblait à lui-même, et que dans un domaine où il demeurait indubitablement supérieur (Gide). • SYN. : assurément, indéniablement, indiscutablement, manifestement, réellement, sans aucun doute, sûrement, véritablement, vraiment. inductance [ɛ̃dyktɑ̃s] n. f. (de induct[ion] ; 1907, Larousse [inductance mutuelle, 1957, Robert ; inductance de protection, 1962, Larousse]). Inductance propre d’un circuit (dite autref. coefficient de self-induction), pour un circuit fermé, quotient du flux d’induction créé par le courant qui traverse ce circuit, par l’intensité du courant : L’inductance s’évalue en henrys. Ϧ Inductance mutuelle, quotient du flux d’induction que le courant d’un circuit détermine dans un autre circuit, par l’intensité du courant dans le premier circuit. Ϧ Inductance de protection, bobine d’inductance disposée dans un circuit alimenté en courant alternatif, pour limiter l’intensité du courant. inducteur, trice [ɛ̃dyktoer, -tris] adj. (de induct[ion] ; 1624, Nostredame, comme n. m., au sens de « celui qui induit à faire quelque chose » ; comme adj., au sens I, 1873, Larousse ; sens II, 1867, Littré). I.En logique, qui induit, sert de point de départ à une généralisation nommée induction : Propositions inductrices. II. En électricité, qui provoque le phénomène d’induction : Champ magnétique inducteur. Ϧ Circuit inducteur, circuit qui produit le flux d’induction. Ϧ Courant inducteur, courant qui agit sur un circuit voisin fermé et y produit un courant induit. & inducteur n. m. (sens I, 1, milieu du XXe s. ; sens I, 2, 1962, Larousse ; sens II, 1873, Larousse). I.1.En psychologie, terme qui sert de point de départ à une association d’idées. Ϧ2.En linguistique, élément directeur d’une analogie, d’une dissimilation : La forme « nous trouvons » est un inducteur dans l’analogie « je treuve/ nous trouvons », devenus « je trouve/nous trouvons ». II.Aimant ou électro-aimant destiné à fournir le champ magnétique créateur de l’induction, en particulier dans une machine électrique : Inducteur fixe. Inducteur mobile. inductif, ive [ɛ̃dyktif, -iv] adj. (bas lat. inductivus, hypothétique [« qui pousse à quelque chose, qui produit quelque chose », dans la langue scolast.], de inductum, supin du lat. class. inducere [v. INDUIRE] ; fin du XIVe s., Godefroy, aux sens du lat. scolast. ; sens I, 1, 1648, Bulletin du bibliophile belge [2e série, I, 217] ; sens I, 2, 1951, Lalande ; sens II [de induct (ion) ou de l’angl. to induct, var. de to induce, « transmettre l’électricité par induction », lui-même empr. du lat. inducere], 1832, Annales de chimie, 2e série, L, 6 [circuit inductif, 1931, Larousse]). I. 1. En logique, qui procède par induction : Méthode inductive. Les sciences de la nature sont des sciences inductives. Ϧ 2. Qui résulte d’une induction : Vérité inductive. II. En électricité, qui est relatif à l’induction. Ϧ Circuit inductif, circuit dans lequel peuvent se produire des phénomènes d’induction électromagnétique ; circuit possédant une induction propre ; dans la pratique industrielle, circuit dans lequel le courant alternatif est déphasé par induction par rapport à la différence de potentiel agissante. induction [ɛ̃dyksjɔ̃] n. f. (lat. inductio, action d’amener, d’introduire, de déployer, couche, enduit, de inductum, supin de inducere [v. INDUIRE] ; 1290, Drouart, au sens I, 1 ; sens I, 2, v. 1361, Oresme [induction formelle, complète, amplifiante, 1947, Lalande ; induction totalisante, 1962, Larousse ; induction mathématique, 1931, Larousse] ; sens I, 3, 1749, Diderot ; sens I, 4, av. 1681, Patru ; sens II, 1, 1845, Bescherelle [induction électromagnétique, auto-induction, self-induction, 1888, Larousse — art. self-induction ; induction propre, machine d’induction, 1902, Larousse ; moteur à induction, 1962, Larousse] ; sens II, 2, début du XXe s. ; sens II, 3, 1962, Larousse). I. 1. Vx. Action d’amener quelqu’un à quelque chose, à faire ou à penser quelque chose : Par l’induction de son conseil, elle jugea que... (Maucroix). Ϧ 2. En logique, opération intellectuelle par laquelle on passe de données particulières (faits ou propositions) à une proposition générale qui en rend compte. Ϧ Induction formelle, complète ou totalisante, raisonnement fondé sur l’énumération complète des espèces d’un genre, et qui, après avoir constaté la présence d’une propriété dans chacune d’elles, affirme cette propriété du genre tout entier. Ϧ Induction amplifiante, ou simplem. induction, opération par laquelle on passe de l’observation d’un fait ou d’un certain nombre de faits à l’énoncé de la loi qui régit tous les faits downloadModeText.vue.download 44 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2596 du même ordre : Francis Bacon a vu dans l’induction le procédé essentiel de la méthode expérimentale. Ϧ Induction mathématique, autre nom du raisonnement par récurrence. Ϧ 3. Action de conjecturer quelque chose, de tirer une conséquence de données qui la rendent vraisemblable : Il ne peut juger des choses qu’il ne voit pas que par induction sur celles qu’il voit (Rousseau). Ϧ 4. Conclusion ou conséquence tirée par la méthode inductive ou par conjecture : Il lui serait libre de tirer de leurs paroles telle induction qu’il lui plairait (Bossuet). L’incapacité de son esprit, peu propre à remonter la chaîne des inductions par lesquelles un homme arrive aux causes... (Balzac). II. 1. Induction magnétique, grandeur caractérisant la densité du flux magnétique traversant une substance ou un espace magnétique perméable, soumis à l’action d’un champ magnétique inducteur. ϦInduction électromagnétique, production de courant électrique dans un circuit par variation du flux d’induction magnétique embrassé par ce circuit. ϦAuto-induction, ou self-induction, ou induction propre, induction d’un circuit sur lui-même quand on fait varier l’intensité du courant qui le traverse. Ϧ Machine d’induction, générateur de courants électriques produits par induction. ϦMoteur à induction, moteur électrique à courant alternatif sans collecteur, dont une partie seulement, rotor ou stator, est reliée au réseau, l’autre partie travaillant par induction. Ϧ2. En biologie, processus qui commande l’orientation de la différenciation des cellules de l’embryon et contrôle la constitution des formes de celui-ci. Ϧ3.Induction psychomotrice, phénomène par lequel un sujet est amené à esquisser un mouvement qu’il perçoit ou se représente. inductivement [ɛ̃dyktivmɑ̃] adv. (de inductif ; 1491, Godefroy). Par induction. inductivité [ɛ̃dyktivite] n. f. (dér. savant de inductif ; 1902, Larousse). Nom donné parfois à l’inductance mutuelle. inductomètre [ɛ̃dyktɔmɛtr] n. m. (de inducto-, élément tiré de induction, et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1888, Larousse). Appareil destiné à mesurer les courants induits. induire [ɛ̃dɥir] v. tr. (réfection de enduire [v. ce mot] — au sens anc. de « amener l’esprit à » [XIIe s.] —, d’après le lat. inducere, conduire dans, vers ou contre, faire avancer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de ducere, attirer, conduire ; XIIIe s., au sens I, 1 [induire quelqu’un en tentation, 1535, Olivétan ; induire quelqu’un en erreur, av. 1662, Pascal] ; sens I, 2, v. 1361, Oresme [absol., 1867, Littré] ; sens I, 3, 1697, Bossuet ; sens II, 1, 1902, Larousse ; sens II, 2, 1751, Dict. universel d’agriculture [induire sa gorge ; induire, même sens, 1529, Bonivard]). [Conj. 64.] I. 1. Class. et littér. Induire quelqu’un à (suivi d’un nom ou d’un infinitif), amener quelqu’un à quelque chose, à faire ou à admettre quelque chose : Je suis induit à ce sentiment par le merveilleux succès de certaines gens (La Bruyère). C’est au chemin du Ciel qu’il prétend vous conduire, | Et mon fils à l’aimer vous devrait tous induire (Molière). Cette absurde paresse qui m’induisit à retourner aux mêmes lieux, parce que cela coûtait moins d’effort (Gide). Il est induit à s’écarter insensiblement de son modèle, dont il refuse le vrai visage, qui lui propose seulement le chaos, le désordre instantané des choses observables (Valéry). Je connais ces détours par lesquels on induit un vieil homme aux vices les plus honteux (Aymé). ϦAuj. et péjor. Induire quelqu’un en tentation, le pousser à commettre un acte coupable ou répréhensible : Le diable, ce soir-là, avait pris la face ronde et les traits indécis du jeune sacristain pour mieux faire induire le révérend père en tentation et lui faire commettre un épouvantable péché de gourmandise (Daudet). Ϧ Induire quelqu’un en erreur, l’amener à se tromper : Cependant, induite en erreur par l’exemple d’Anne, et attribuant à l’amour un air d’urbanité... (Radiguet). Ϧ 2. En logique, établir par induction : Aristote, observateur exact, induit scrupuleusement ses principes des faits qu’il constate (Cousin). ϦAbsol. Raisonner par induction. Ϧ 3. Établir par voie de conséquence, inférer : De ce que la Constitution devait être présentée à l’acceptation du peuple, ils induisaient que toute mesure politique ou judiciaire était dans le même cas (Michelet). Les médecins et apothicaires de l’enfer, lui trouvant la langue blanche, en induisirent qu’il souffrait d’une faiblesse d’estomac (France). II. 1. En électricité, produire les effets de l’induction. (Rare.) Ϧ 2. Induire sa gorge, ou, absol. et vx, induire, en fauconnerie, en parlant d’un oiseau, digérer la viande qu’il a prise. induit, e [ɛ̃dɥi, -it] adj. (part. passé de induire ; 1867, Littré, aux sens I et II, 2 ; sens II, 1, 1873, Larousse ; sens II, 3, 1962, Larousse). I. En logique, qui a été établi par induction : Proposition induite. II. 1. Se dit du courant ou de la force électromotrice créés par induction électromagnétique. Ϧ 2. Vx. Qui sert à provoquer un phénomène d’induction : Fil induit. Ϧ 3. Radioactivité induite, radioactivité temporaire, communiquée aux corps environnants par l’émanation gazeuse d’un élément radio-actif. & induit n. m. (sens I, 1, 1957, Robert ; sens I, 2, 1962, Larousse ; sens II, 1, 1907, Larousse ; sens II, 2, 1888, Larousse). I.1.En psychologie, terme final d’une association d’idées. Ϧ 2. En linguistique, élément subissant, dans une analogie ou une dissimilation, l’influence de l’élément inducteur. II. 1. Circuit dans lequel passe un courant induit. Ϧ 2. Organe d’une machine électrique dans lequel on produit par induction une force électromotrice pouvant donner naissance à des courants électriques. indulgemment [ɛ̃dylʒamɑ̃] adv. (de indulgent ; v. 1587, Du Vair). Vx. Avec indulgence : Il [le concile de Trente] les avertit que, s’ils agissent trop indulgemment avec les pécheurs [...], ils se rendent participants des crimes des autres (Bossuet). indulgence [ɛ̃dylʒɑ̃s] n. f. (lat. indulgentia, douceur, bienveillance, complaisance, et, à basse époque, « remise d’une peine, d’un tribut », de indulgens, -entis [v. INDULGENT] ; V. 1190, Sermons de saint Bernard, au sens 2 [indulgence plénière, 1636, Monet ; indulgence partielle, 1845, Bescherelle] ; sens 1, 1611, Cotgrave ; sens 3, fin du XIIIe s.). 1. Facilité à excuser ou à pardonner les fautes : Je sais quelque chose de peut-être plus beau que l’innocence, c’est l’indulgence (Hugo). Ma mère, tout en gardant au capitaine une indulgence de soeur, l’invitait parfois à moins caresser les flacons d’eau-de-vie (France). Ϧ 2. Dans l’église catholique, rémission totale (indulgence plénière) ou partielle (indulgence partielle) de la peine temporelle due aux péchés pardonnés. Ϧ 3. Acte par lequel est accordée cette rémission : Le trafic et la querelle des indulgences ont préludé au schisme luthérien, et le soulagement qu’il apportait, on en a fait des « indulgences » (Gide). • SYN. : 1 bienveillance, clémence, compréhension, mansuétude, patience, tolérance. — CONTR. : 1 dureté, exigence, intolérance, rigidité, rigueur, sectarisme, sévérité. indulgencier [ɛ̃dylʒɑ̃sje] v. tr. (de indulgence ; 1833, P. Borel d’Hauterive). Attacher une indulgence à un objet de piété : Indulgencier un chapelet. indulgent, e [ɛ̃dylʒɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (lat. indulgens, -entis, bon, complaisant, bienveillant, part. prés. adjectivé de indulgere, être bienveillant, accorder, s’abandonner à ; v. 1530, C. Marot, au sens 1 [les indulgents, 1794, Brunot] ; sens 2, 1723, J.-B. Rousseau). 1. Qui pardonne aisément les fautes d’autrui, qui est opposé à la sévérité, à la rigueur : Un maître indulgent. Des parents indulgents. Je viens à vous, Seigneur, confessant que vous êtes | Bon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant ! (Hugo). Plus indulgente à elle-même que je n’étais pour elle (Proust). ϦLes indulgents, nom donné downloadModeText.vue.download 45 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2597 par les Montagnards aux dantonistes, qui voulaient mettre fin à la Terreur. Ϧ2. Littér. Qui s’abandonne, se laisse aller facilement à : Il l’est sûrement assez [intelligent] pour être indulgent à ce genre de plaisir (Gracq). • SYN. : 1 accommodant, bienveillant, bon, clément, compréhensif, conciliant, coulant (fam.), humain, miséricordieux, pitoyable, tolérant. — CONTR. : 1 dur, impitoyable, implacable, inexorable, inflexible, inhumain, intransigeant, rancunier. & adj. (1736, Voltaire). Qui marque l’indulgence : Regard indulgent. Morale indulgente. induline [ɛ̃dylin] n. f. (de ind[igo] et de [an]iline ; 1888, Larousse). Matière colorante bleue, dérivée de l’aniline : L’induline est appelée aussi « bleu Coupier ». indult [ɛ̃dylt] n. m. (bas lat. indultum ou indultus, concession, permission, de indultum, supin du lat. class. indulgere [V. INDULGENT] ; v. 1460, G. Chastellain, écrit indoulte [indult, 1498, Isambert], au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1583, Ragueau). 1. Privilège accordé par le pape et conférant des pouvoirs par exemption. Ϧ 2. Droit accordé par le pape à des princes séculiers de nommer à certains bénéfices. Ϧ 3. Indult du parlement, indult qui obligeait tous les collateurs de bénéfices de France à accorder, une fois dans leur vie, un bénéfice à un officier du parlement. indument [ɛ̃dymɑ̃] n. m. (lat. impér. indumentum, vêtement, et, à basse époque, « enveloppe », du lat. class. induere, mettre sur quelqu’un ou à quelqu’un, revêtir, couvrir ; 1878, Larousse). En botanique, pilosité fournie qui recouvre les végétaux. indûment [ɛ̃dymɑ̃] adv. (de indu ; début du XIVe s.). D’une manière indue : Détenir indûment une somme d’argent. • SYN. : à tort, illégalement, illégitimement, injustement, irrégulièrement. — CONTR. : à bon droit, à juste titre, légalement, légitimement, régulièrement. indupliqué, e [ɛ̃dyplike] adj. (de in- et indupliqué, e [ɛ̃dyplike] adj. (de in- et du lat. duplicatum, supin de duplicare, doubler, dér. de duplex, -plicis, double ; 1902, Larousse). Se dit, en botanique, des pétales ou des sépales en préfloraison valvaire qui se replient en dedans. (On dit aussi INDUPLICATIF, IVE [1867, Littré].) induration [ɛ̃dyrasjɔ̃] n. f. (bas lat. induratio, endurcissement, de induratum, supin du lat. class. indurare [v. INDURER] ; v. 1330, Digulleville, au sens moral de « endurcissement » ; sens 1, 1495, Gordon, écrit induracion [induration, v. 1560, Paré] ; sens 2, 1867, Littré). 1. Durcissement anormal d’un tissu organique : Au milieu de son épuisement sénile [...], la lente induration du cerveau ne devait pas être complète encore (Zola). Une tumeur qui se révèle par un commencement d’induration. Ϧ 2. La partie durcie elle-même : Le durillon est une induration cutanée. induré, e [ɛ̃dyre] adj. (part. passé de indurer ; 1466, P. Michault, au sens fig. de « fortifié dans le coeur » [en parlant d’un sentiment] ; sens actuel, 1867, Littré). Se dit d’un tissu organique qui est devenu anormalement dur : Tumeur indurée. Furoncle induré. indurer [ɛ̃dyre] v. tr. (lat. indurare, durcir, rendre dur, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de durare, durcir, dér. de durus, dur ; 1855, Nysten [un premier ex., au part. passé, dans un sens fig., dès le XVe s., v. l’art. précéd.]). En termes de pathologie, rendre anormalement dur : Une inflammation qui indure un tissu. & s’indurer v. pr. (1867, Littré). Devenir anormalement dur : Des tissus qui s’indurent par sclérose. industrialisation [ɛ̃dystrijalizasjɔ̃] n. f. (de industrialiser ; 1907, Larousse, au sens 1 ; sens 2, 1935, Siegfried). 1. Application des procédés de l’industrie à une activité quelconque : Industrialisation de l’agriculture. Ϧ 2. Développement de l’industrie dans une région, un pays : Aujourd’hui on pourrait voir dans l’industrialisation forcenée de cet immense pays agricole [la Russie], tentée en trente ans, le plus furieux effort d’occidentalisation qu’il ait connu depuis Pierre le Grand (Malraux). • SYN. : 1 mécanisation. industrialisé, e [ɛ̃dystrijalize] adj. (part. industrialisé, e [ɛ̃dystrijalize] adj. (part. passé de industrialiser ; XXe s., aux sens 1-2). 1. Qui a pris le caractère industriel : Une production industrialisée. Ϧ2. Qui a beaucoup d’établissements industriels : Han Kéou, la ville la plus industrialisée de toute la Chine (Malraux). industrialiser [ɛ̃dystrijalize] v. tr. (dér. savant de industriel ; 1836, Balzac, au sens 2 ; sens 1, 1842, Mozin). 1. Donner le caractère industriel à quelque chose : Industrialiser l’agriculture. Industrialiser la fabrication d’un objet. Ϧ 2. Doter d’industries nombreuses : Industrialiser un pays, une région, une ville. & s’industrialiser v. pr. (1845, Bescherelle, au sens de « se livrer à l’industrialisme » ; sens 1, av. 1865, Proudhon ; sens 2, 1935, Siegfried). 1. Prendre un caractère industriel : La guerre, en un mot, s’industrialise de plus en plus : comment ne compteraitelle pas avec l’industrie, dont elle ne saurait seulement se distinguer ? (Proudhon). Ϧ2. Se donner un caractère industriel, une économie où l’industrie tient une place importante : Des pays neufs qui cherchent à s’industrialiser rapidement. industrialisme [ɛ̃dystrijalism] n. m. (dér. savant de industriel ; 1823, H. de Saint-Simon, au sens 1 ; sens 2, 1838, Acad. ; sens 3, av. 1880, Flaubert). 1. Système dans lequel l’industrie est considérée comme le domaine le plus important de l’économie : Le socialisme dit scientifique [...], une pensée née dans les premiers temps de l’industrialisme moderne (Camus). Ϧ 2. Prédominance sociale des industriels. Ϧ 3. Tendance à introduire partout l’industrie : L’industrialisme a développé le laid (Flaubert). industrialiste [ɛ̃dystrijalist] adj. (de industrialisme ; 1838, Acad.). Relatif à l’industrialisme : Économie industrialiste. & adj. et n. (1842, Mozin). Partisan de l’industrialisme. industrie [ɛ̃dystri] n. f. (lat. industria, application, activité, assiduité, de industrius, actif, laborieux, zélé ; 1356, Bersuire, au sens de « moyen ingénieux » ; sens I, 1, v. 1375, Oresme [aussi « toute espèce d’activité manuelle tendant à produire quelque chose » ; « activité quelconque qu’on exerce pour vivre », 1690, Furetière] ; sens I, 2-3, v. 1460, G. Chastellain [cheva- lier d’industrie, fin du XVIIe s. — d’abord chevalier de l’industrie, 1633, La Geneste, dans la trad. d’un roman esp. où des chenapans groupés en association avaient pris Industria, « l’Habileté », comme patronne et s’en déclaraient les chevaliers] ; sens II, 1, 1735, Brunot ; sens II, 2, 1771, Brunot [« ensemble des inventions de l’esprit en machines utiles, relativement aux arts et aux métiers », 1765, Encyclopédie] ; sens II, 3, av. 1865, Proudhon [industrie clef, 1948, Larousse ; industrie lourde, début du XXe s.] ; sens II, 4, 1957, Robert [chef d’industrie, 1869, Blanqui]). I. 1. Class. et littér. Habileté que l’on met à faire quelque chose : Quelque industrie qui paraisse dans ce que font les animaux (Bossuet). Ϧ Toute espèce d’activité manuelle tendant à produire quelque chose : On trouvera peut-être assez ridicule la prétention de douter si une roue, un vase, une étoffe, une table sont dus à l’industrie de quelqu’un (Valéry). Ϧ Spécialem. Activité quelconque que l’on exerce pour vivre : Une industrie bizarre, celle des vendeurs d’eau à la mesure et au verre (Nerval). Ϧ 2. Littér. Ingéniosité dans le choix des moyens en vue d’une fin déterminée : C’est ainsi qu’une more eut l’industrie de devenir reine chrétienne (Gautier). Et je vois qu’il faudra que je remédie par industrie et ruse à ce grand mal (France). Il partit, décidant qu’il obtiendrait par industrie ce qu’il ne pouvait obtenir par la force et la persuasion (Aymé). Ϧ 3. Vx et péjor. Habileté peu scrupuleuse, recours à des expédients : Quelques sous que lui gagne une horrible industrie (Baudelaire). Ϧ Auj. Chevalier d’industrie, personne vivant d’expédients, escroc : Nous le trouvâmes environné de tous ces défenseurs du trône et de l’autel qui battaient les pavés de Piccadilly, d’une foule d’espions et de chevaliers d’industrie échappés de Paris downloadModeText.vue.download 46 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2598 sous divers noms et divers déguisements, et d’une nuée d’aventuriers belges, allemands, irlandais, vendeurs de contre-révolution (Chateaubriand). II. 1. Vx. Au sens large, toute activité productrice de richesse : L’industrie agricole. Ϧ2. Auj. Ensemble des activités écono- miques ayant pour objet la production de richesses par la transformation des matières premières et l’utilisation des sources d’énergie : Le niveau de civilisation d’un pays s’apprécie ordinairement par rapport au développement de son industrie. Cela tombe sous le sens que l’industrie, faisant irruption dans l’art, en devient la plus mortelle ennemie, et que la confusion des fonctions empêche qu’aucune soit bien remplie (Baudelaire). M. Achille [...] faisait de l’industrie comme les vieux Anglais font du golf, avec dévotion (Maurois). Ϧ 3. Une des branches de ces activités économiques : Le droit au travail est le droit qu’a chaque citoyen, de quelque métier ou profession qu’il soit, d’être toujours occupé dans son industrie (Proudhon). Sur la plate-forme arrière de ce chef-d’oeuvre de l’industrie automobile française contemporaine (Queneau). Ϧ Industrie clef, industrie très importante dont dépendent beaucoup d’activités économiques. ϦL’industrie lourde, l’ensemble des industries ayant pour fin la transformation des matières premières : L’industrie légère transforme les produits de l’industrie lourde en produits semi-finis ou fabriqués. Ϧ 4. Établissement industriel : Il dirigeait une petite industrie dans le Morbihan. Ϧ Chef d’industrie, personne dirigeant un établissement industriel. industriel, elle [ɛ̃dystrijɛl] adj. (de industrie ; 1770, Galiani, au sens 4 [centre industriel, 1867, Littré] ; sens 1, 1802, Flick [aussi « qui appartient à l’industrie » ; « dont l’activité se développe dans le domaine de l’industrie », 1957, Robert ; « qui s’adonne à l’industrie, qui en vit », 1817, H. de SaintSimon] ; sens 2, 1803, Boiste [quantité industrielle, 1948, Larousse — fruits industriaux, « fruits de la terre dont la production demande des soins incessants », terme de coutume, 1471, Ordonnance royale] ; sens 3, 1931, Larousse). 1. Relatif à l’industrie (activité économique) : Fasse le ciel que ces intérêts industriels, dans lesquels nous devons trouver une prospérité d’un genre nouveau, ne trompent personne, qu’ils soient aussi féconds, aussi civilisateurs que ces intérêts moraux d’où sortit l’ancienne société (Chateaubriand). Chaque nation est en lutte industrielle avec les autres nations (France). ϦQui appartient à l’industrie ou à une industrie : École industrielle. Ϧ Dont l’activité se développe dans le domaine de l’industrie : Chimie, banque industrielle. Ϧ Qui s’adonne à l’industrie, qui en vit : Travailleur industriel. Ϧ 2. Qui provient de l’industrie : Les richesses industrielles d’un pays. Produit industriel. ϦFig. et fam. Quantité industrielle, grande quantité. Ϧ 3. Qui est destiné à l’industrie : Plantes industrielles. Ϧ 4. Qui est pourvu d’une importante industrie : Une fois qu’on a connu les faubourgs industriels, on se sent à jamais souillé, je crois, et responsable de leur existence (Camus). Zone, ville industrielle. Pays industriel. ϦCentre industriel, lieu, agglomération où règne une grande activité industrielle. & industriel n. m. (1819, H. de SaintSimon). Personne qui dirige ou possède une industrie ou un établissement industriel : Le père, industriel et financier, fit une scandaleuse fortune dans la spéculation et les accaparements (France). Les industriels de l’acier, du textile. industriellement [ɛ̃dystrijɛlmɑ̃] adv. (de industriel ; 1838, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1950, Siegfried). 1. Par les méthodes de l’industrie : La fabrication des vêtements se fait désormais industriellement. Ϧ2. Du point de vue de l’industrie : Un pays industriellement retardataire. industrieusement [ɛ̃dystrijøzmɑ̃] adv. (de industrieux ; milieu du XVe s., au sens 1 ; sens 2, 1685, Bossuet). 1. Vx et littér. De façon industrieuse, habile : Il ne s’agit pas de tailler industrieusement des figures portatives, mais de s’associer humblement à la peinture et à l’arçhitecture et de servir leurs intentions (Baudelaire) ; et class. : Les fausses couleurs, quelque industrieusement qu’on les applique, ne tiennent pas (Bossuet). Ϧ 2. Littér. Avec activité : Conduire industrieusement une affaire. industrieux, euse [ɛ̃dystrijø, -øz] adj. (bas lat. industriosus, actif, industrieux, du lat. class. industria [v. INDUSTRIE] ; milieu du XVe s., au sens 1 [industrieux à, 1552, Paradin] ; sens 2, 1572, J. Peletier du Mans). 1. Qui fait preuve de beaucoup d’adresse, d’habileté : Des mains industrieuses. Ϧ Class. Industrieux à, habile à : Industrieux à se cacher dans les actions éclatantes, il en renvoyait la gloire au ministre (Bossuet). Ϧ 2. Qui est très actif : Le Marseillais, industrieux et vif, toujours affairé, toujours en mouvement, courait l’île du matin au soir (Daudet). Même il [l’arbre] reçoit les coups de l’homme industrieux (Moréas). Les bêtes industrieuses avaient ourdi non pas des toiles éparses, mais un feutrage continu que le brouillard alourdissait (Duhamel). • SYN. : 1 adroit, astucieux (fam.), débrouillard (fam.), habile, ingénieux ; 2 affairé, dynamique, entreprenant, laborieux. induvie [ɛ̃dyvi] n. f. (lat. induviae, n. f. pl., « vêtement », de induere, mettre sur quelqu’un ou à quelqu’un, revêtir, couvrir ; 1827, Acad.). Organe de dissémination du fruit, provenant du périanthe de la fleur, telles les aigrettes des akènes des composées. induvié, e [ɛ̃dyvje] adj. (de induvie ; 1873, Larousse). Se dit d’un fruit enveloppé dans une induvie. inébranlable [inebrɑ̃labl] adj. (de in- et de ébranlable ; av. 1622, François de Sales, au sens 3 ; sens 1, 1680, Richelet ; sens 2, 1677, Mme de Sévigné ; sens 4, 1685, Bossuet [« qu’on ne peut faire changer », 1672, Th. Corneille]). 1. Qui ne peut être ébranlé d’aucune façon, qui est d’une solidité à toute épreuve : Roc inébranlable. Maison, mur inébranlable ; et par extens. : Pierrotin prétendait que les voyageurs s’en trouvaient beaucoup mieux, car ils formaient alors une masse compacte, inébranlable (Balzac). Ϧ2. Fig. Qui est certain, solidement fondé : Seule cette fameuse proposition « Je pense, donc je suis », lui semble une vérité inébranlable, qu’il faut prendre pour premier principe (Valéry). Ϧ3. Se dit d’une personne que rien ne peut abattre, décourager : Demeurer inébranlable dans les plus grands revers ; et par extens. : Caractère, courage inébranlable. Ϧ 4. Qui est ferme, constant dans ses idées, ses desseins, ses sentiments : Être inébranlable sur certaines questions. Inébranlable dans ses amitiés, et incapable de manquer aux devoirs humains (Bossuet). ϦPar extens. Qu’on ne peut faire changer : Amitié inébranlable. Résolution inébranlable. Je déclare que j’aurais maudit le ciel et l’existence si je n’avais rencontré l’affection profonde, dévouée, tendre, inébranlable de mon amant (Maupassant). La chose pouvait être ; il n’y fallait qu’une foi inébranlable (Alain). • SYN. : 1 résistant, solide, tenace ; 2 inattaquable, incontestable, indéniable, indiscutable, irréfragable, irréfutable ; 3 ferme, impassible, impavide, impertur- bable, stoïque ; 4 déterminé, inflexible, intransigeant, irréductible ; immuable, impérissable, inaltérable, indéfectible, indestructible. inébranlablement [inebrɑ̃labləmɑ̃] adv. (de inébranlable ; 1718, Acad.). De façon inébranlable : Un ami inébranlablement fidèle. inébranlé, e [inebrɑ̃le] adj. (de in- et de ébranlé part. passé de ébranler ; début du XVIIe s., Malherbe [mot rare entre 1647, Vaugelas, et 1840, Acad.]). Qui n’est pas ébranlé (au pr. et au fig.) : Par-delà les verdeurs des zones maternelles | Où vous poussez d’un jet vos troncs inébranlés (Leconte de Lisle). En dépit des oppositions, des critiques, il a fait preuve d’une détermination inébranlée. inéchangeable [ineʃɑ̃ʒabl] adj. (de in- et de échangeable ; 1845, Bescherelle). Qui ne peut être échangé : Un article inéchangeable. downloadModeText.vue.download 47 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2599 inéclairci, e [ineklɛrsi] adj. (de in- et de éclairci, part. passé de éclaircir ; 1867, Littré). Qui n’a pas été éclairci, élucidé : Un point d’histoire inéclairci. inéclos, e [ineklo, -oz] adj. (de in- et de éclos ; av. 1951, A. Gide). Littér. Qui n’est pas éclos ; qui ne s’est pas développé, épanoui : Rebutée par le positif, son âme inéclose et froissée essayait de la poésie (Gide). & inéclos n. m. (28 juill. 1929, A. Gide). Littér. L’inéclos, ce qui, chez quelqu’un, est demeuré à l’état de virtualité : Mais l’âme vraiment aimante ne peut s’y laisser prendre ; elle sait que l’inéclos, l’irrévélé d’un être peut rester beaucoup plus important que ce qu’il est parvenu [...] à amener au jour (Gide). inéconomique [inekɔnɔmik] adj. (de in- et de économique ; 1838, Acad.). Qui n’est pas économique : Organisation inéconomique. inécoutable [inekutabl] adj. (de inet de écouter ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Qui ne mérite pas d’être écouté : Une musique, une émission inécoutable. inécouté, e [inekute] adj. (de in- et de écouté, part. passé de écouter ; 1845, Bescherelle). Qui n’est pas écouté, à quoi ou à qui l’on ne prête aucune attention : Une symphonie s’organise en moi des sensations inécoutées (Gide). I. N. E. D. (1945, date de la création de cet institut), sigle de INSTITUT NATIONAL D’ÉTUDES DÉMOGRAPHIQUES. inédit, e [inedi, -it] adj. (lat. ineditus, qui n’a pas été publié, de in-, préf. à valeur négative, et de editus, part. passé de edere, faire sortir, mettre au jour, divulguer, produire ; 1801, Mercier, au sens 1 ; sens 2, 1852, Lachâtre ; sens 3, 1846, Balzac). 1. Qui n’a pas encore été publié : Une oeuvre inédite. Correspondance inédite. Oxford sur qui j’ai fait des vers absolument inédits en France, et que voici, parce qu’ils expriment un mien « état d’âme » assez récent (Verlaine). Il promit à la revue un chapitre inédit de son grand livre sur la régénération de l’humanité par la race noire (France). Ϧ2. Dont les oeuvres n’ont pas été publiées : Le café [...] est l’asile des oisifs et des hommes de lettres sans gloire, des auteurs inédits et des vieux ratés (Larguier). Ϧ 3. Que l’on n’a jamais vu ou remarqué ; entièrement nouveau : Spectacle inédit. Personne ne me résistera ; j’aurai mille scélératesses charmantes et inédites (Gautier). D’un accord tacite, Lisbeth et Jacques évitaient les gestes inédits (Martin du Gard). Un vestiaire de douze costumes de lumière dont les tons inédits allaient révolutionner la mode de l’arène (Peyré). Procédé, système inédit. • SYN. : 3 neuf, nouveau, original, révolutionnaire. — CONTR. : 1 et 2 édité, imprimé, publié ; 3 banal, classique, commun, connu, habituel, quelconque, traditionnel, usuel. & inédit n. m. (sens 1, début du XXe s. ; sens 2, 1862, V. Hugo). 1. OEuvre, partie d’une oeuvre ou ensemble d’oeuvres qui n’ont pas encore été publiées : Préparer la publication des inédits d’un écrivain. On peut penser que l’inédit de Vauvenargues est à l’heure actuelle à peu près épuisé (Lanson). Ϧ 2. L’inédit, ce qui est entièrement nouveau, ou le caractère nouveau de quelque chose : Mais notre nouveauté, à nous, consiste dans l’inédit des questions elles-mêmes, et non point des solutions ; dans les énoncés et non dans les réponses (Valéry). inéditable [ineditabl] adj. (de in- et de éditer ; 1875, d’après Littré, 1877). Qui ne peut être édité : Un roman inéditable. inéducable [inedykabl] adj. (de in- et de éducable ; av. 1922, Proust, au sens 2 ; sens 1, 1931, Larousse). 1. Que l’on ne peut éduquer ; qui est très difficile à éduquer : D’où l’impossibilité de le récompenser jamais ; inéducable, on ne l’eût tenu que par la faim, et encore... (Gide). Ϧ 2. Fig. Que l’on ne peut corriger, amender : Ce bavardage servile [...] fait favorablement impression à un visiteur, mais [...] recouvre souvent une inéducable nullité (Proust). • SYN. : 2 incorrigible, indécrottable (fam.). inéducation [inedykasjɔ̃] n. f. (de inet de éducation ; 1801, Mercier). Absence d’éducation. inéduqué, e [inedyke] adj. (de in- et de éduqué ; XXe s.). Qui n’est pas éduqué, qui manque d’éducation. • SYN. : fruste, grossier, rustique, rustre. — CONTR. : bien élevé, courtois, galant, raffiné. ineffabilité [inɛfabilite] n. f. (bas lat. ineffabilitas, nature ineffable, du lat. class. ineffabilis [v. l’art. suiv.] ; 1577, P. de La Coste). Caractère de ce qui est ineffable (peu usité) : Les mystiques, ces profonds égoïstes. Ils en perdent la parole — ineffabilité (Valéry). ineffable [inɛfabl] adj. (lat. ineffabilis, qu’on ne peut exprimer, de in-, préf. à valeur négative, et de effabilis, qui peut se dire, se décrire, dér. de effari, raconter, annoncer, de ex-, préf. à valeur intensive, et de fari, parler, dire, prédire ; v. 1460, G. Chastellain, au sens 1 [en parlant de Dieu et des mystères de la religion ; « qui ne peut être exprimé par des mots... », 1495, Vignay — mot sans aucun doute plus anc., v. la date du dér. ineffablement] ; sens 2, av. 1850, Balzac). 1. Qui ne peut être exprimé par des mots, en raison de sa nature, de son intensité : Rêver ce rêve, là était le grand bonheur ineffable (Zola). Ceux qui ne jouaient d’aucun instrument ont pris rang dans les choeurs et, bientôt, nous avons tous éprouvé une ineffable allégresse (Duhamel). ϦSpécialem. Se dit de Dieu et des mystères de la religion : L’Être ineffable. Une révélation ineffable (Claudel). Mon âme, penche-toi sur ce mystère ineffable (Gide). Ϧ 2. Fam. Qu’on ne peut décrire, du fait de son caractère extravagant, ridicule : Les gilets ineffables de ce seigneur (Balzac). • SYN. : 1 extraordinaire, inconcevable, incroyable, indicible, inexprimable, inimaginable, inouï ; 2 impayable (fam.), inénarrable. & n. m. (1769, Brunot). L’ineffable, ce qui est ineffable : Vous dire tout cela, ce serait vous exprimer l’ineffable (Hugo). ineffablement [inɛfabləmɑ̃] adv. (de ineffable ; 1320, Roman de Fauvel). De façon ineffable : L’air était léger ; le ciel, ineffablement pur (Gide). ineffaçable [inɛfasabl] adj. (de in- et de effaçable ; 1523, Mortières, écrit ineffassable [ineffaçable, 1545, Salel], au sens 2 ; sens 1, 1564, J. Thierry). 1. Qui ne peut être effacé : Couleur ineffaçable. Ϧ2. Fig. Que l’on ne peut faire disparaître, qui est à jamais marqué dans la mémoire, le sentiment : Une impression de tristesse ineffaçable blessa donc mon âme dès l’enfance (Vigny). Cette nuit laissa des traces ineffaçables dans le coeur de ce pauvre jeune homme (Balzac). •SYN. : 1 inaltérable, indélébile ; 2 immuable, impérissable, indéfectible, indestructible, vivace. ineffaçablement [inɛfasabləmɑ̃] adv. (de ineffaçable ; 1675, Bouhours, puis 1836, Acad.). De façon ineffaçable : Souvenir ineffaçablement gravé dans la mémoire. ineffacé, e [inɛfase] adj. (de in- et de effacé ; 1838, Acad.). Qui n’est pas effacé. ineffectif, ive [inɛfɛktif, -iv] adj. (de in- et de effectif 1 ; 1697, Rancé, puis 1765, Encyclopédie). Qui n’est pas effectif, qui n’est pas accompagné d’effet : Des volontés ineffectives. ineffectué, e [inɛfɛktɥe] adj. (de in- et de effectué, part. passé de effectuer ; 1867, Littré). Qui n’a pas été effectué. inefficace [inɛfikas] adj. (lat. inefficax, sans action, sans effet utile, de in-, préf. à valeur négative, et de efficax, agissant, qui produit de l’effet, dér. de efficere, achever, produire, réaliser, de ex-, préf. à valeur intensive, et de facere, faire ; v. 1380, Conty, au sens 1 ; sens 2, av. 1935, P. Bourget). 1. Qui n’est pas efficace, qui ne produit pas l’effet que l’on souhaitait : Traitement médical, remède inefficace. Une loi inefficace. Il [Lénine] combat à la fois le réformisme, coupable de détendre la force révolutionnaire, et le terrorisme, attitude exemplaire et inefficace (Camus). Ϧ 2. Se dit d’une personne qui ne sait pas agir utilement : Un collaborateur inefficace. Lettré inefficace, soudain jeté en plein tourbillon d’une affolante activité ! (Bourget). downloadModeText.vue.download 48 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2600 • SYN. : 1 anodin, infructueux, inopérant, inutile, stérile, vain ; 2 impuissant, incapable. inefficacement [inɛfikasmɑ̃] adv. (de inefficace ; av. 1778, Voltaire). De façon inefficace : Une ville inefficacement protégée. inefficacité [inɛfikasite] n. f. (de inefficace, d’après efficacité ; 1694, Acad.). Caractère de ce qui est inefficace, manque d’efficacité : Inefficacité d’un remède. L’inefficacité d’un homme, d’un gouvernement. • SYN. : impuissance, incapacité, inutilité, stérilité, vanité. inégal, e, aux [inegal, -o] adj. (réfection, d’après égal, du moyen franç. inequal, inégal [1370, Oresme], lat. inaequalis, raboteux, dissemblable, de in-, préf. à valeur négative, et de aequalis, égal, dér. de aequus, plat, uni, égal ; 1538, R. Estienne, écrit inegual [inégal, 1560, Bible Rebul], au sens I, 1 [sans aucun doute plus anc., v. la date du dér. inégalement] ; sens I, 2, fin du XVIe s., Brantôme ; sens I, 3, 1580, Montaigne ; sens II, 1, 1538, R. Estienne ; sens II, 2, 1552, R. Estienne ; sens II, 3, 1609, M. Régnier ; sens II, 4, 1559, Amyot ; sens II, 5, 1662, Corneille). I. QUI N’EST PAS ÉGAL PAR RAPPORT À QUELQUE CHOSE OU À QUELQU’UN D’AUTRE. 1. Se dit de ce qui n’est pas égal en dimension, en force, en poids, en durée, en importance, en qualité, etc. : On voit de grands pans de muraille inégaux qui allongent les uns par-dessus les autres leurs sommets ébréchés (Flaubert). Un fléau se compose de deux bâtons de longueur inégale, liés l’un au bout de l’autre avec des courroies (France). Côtés, poids inégaux. Durée inégale. Talents inégaux. Des oranges de grosseur inégale. Deux personnes de situation, de richesse inégale. Ϧ2. Se dit de personnes qui n’ont pas les mêmes aptitudes physiques, morales ou intellectuelles, ou qui n’ont pas les mêmes droits ou le même niveau social : Un affrontement entre lutteurs ou adversaires inégaux. Les hommes, égaux en droit, sont inégaux en fait. Ϧ3. Se dit de ce qui favorise l’un aux dépens de l’autre, par suite de l’inégalité de ses éléments, de ses composants : La répartition inégale des biens, des richesses. Une lutte inégale. II. QUI N’EST PAS ÉGAL À LUI-MÊME DANS D’AUTRES CIRCONSTANCES OU DANS D’AUTRES POINTS. 1. Qui n’est pas uni : Et, à mesure qu’on avançait, la galerie devenait plus étroite, plus basse, inégale de toit, forçant les échines à se plier sans cesse (Zola). Un sol, un terrain inégal. Ϧ2. Dont le rythme n’est pas régulier : La fauve girafe au galop inégal (Hugo). Respiration inégale. Pouls inégal. Ϧ3. Se dit d’une oeuvre dont la qualité n’est pas constante, ou d’une personne dont les productions, le travail sont de qualité variable : Un film, un roman inégal. Style inégal. Inspiration inégale. Il pardonne à l’un d’être inégal, à l’autre d’être un peu brouillon, parce qu’il trouve en eux les ressorts qui font les hommes supérieurs (Lanson). Bien qu’inégal dans son travail, il tenait la tête de la classe (France). Ϧ 4. Fig. Qui n’est pas égal à soi-même, constant ; qui change rapidement de façon d’être : Mon humeur était impétueuse, mon caractère inégal [...]. Tour à tour bruyant et joyeux, silencieux et triste, je rassemblais autour de moi mes jeunes compagnons (Chateaubriand). Ϧ 5. Class. Se dit de ce qui témoigne d’un caractère changeant, capricieux : Puis-je me plaindre à vous d’un retour inégal | Qui tient moins d’un ami qu’il ne fait d’un rival ? (Corneille). • SYN. : I, 1 différent, dissemblable ; 3 disproportionné, inéquitable, injuste. Ϧ II, 1 accidenté, biscornu (fam.), bosselé, raboteux, rugueux ; 2 haché, irrégulier, saccadé ; 3 irrégulier ; 4 capricieux, changeant, fantaisiste, fantasque, instable, ondoyant, versatile. inégalable [inegalabl] adj. (de inet de égalable ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Qui ne peut être égalé : Hanté par l’inégalable splendeur de cette cathédrale (Huysmans). Soirs fugitifs d’Alger, qu’ont-ils donc d’inégalable pour délier tant de choses en moi ? (Camus). Adresse, habileté, violence inégalable. • SYN. : incomparable, indicible, inouï, sans pareil, unique. inégalablement [inegalabləmɑ̃] adv. (de inégalable ; fin du XIXe s., Huysmans). De façon inégalable (rare) : Le parti catholique est inégalablement hostile à la science et bouché à l’art (Huysmans). inégalé, e [inegale] adj. (de in- et de égalé, part. passé de égaler ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Qui n’a pas d’égal, qui est supérieur à tout ce qui existe dans le même genre : Une série de siècles consacrés à l’accumulation d’une masse inégalée de richesses et d’expériences (Gracq). Un charme inégalé. • SYN. : hors de pair, sans pareil, unique. inégalement [inegalmɑ̃] adv. (de inégal ; 1484, Chuquet, écrit inegualement ; inégalement, 1534, Vaganay). De façon inégale : La faculté d’abstraire et de comprendre l’abstraction se développe tard et inégalement chez les hommes (France). Des arbres qui ont grandi inégalement. Des biens inégalement répartis. • SYN. : différemment, diversement, inéquitablement, irrégulièrement. inégalité [inegalite] n. f. (réfection, d’après égalité, de l’anc. franç. inequalité, inégalité [1290, Drouart], lat. inaequalitas, inégalité, diversité, variété, de inaequalis [v. INÉGAL] ; 1538, R. Estienne, écrit inegualité [inégalité, milieu du XVIe s., Amyot], au sens I, 1 [« situation des personnes dont les conditions de vie, le sort sont inégaux », milieu du XVIe s., Amyot] ; sens I, 2, 1867, Littré ; sens II, 1, 1559, Amyot [au plur., 1749, Buffon] ; sens II, 2, 1660, Oudin [en astronomie, 1691, Ozanam] ; sens II, 3, 1694, Acad. [au plur., 1738, Ch. Rollin] ; sens II, 4, 1636, Corneille). I. 1. Caractère, état de choses ou de personnes qui ne sont pas égales entre elles : L’inégalité des hauteurs, des dimensions, des poids de deux objets. Sans y avoir beaucoup réfléchi, elle acceptait l’inégali- té des conditions comme une conséquence inévitable de l’inégalité des natures (Martin du Gard). En prison, où les nécessités d’une vie commune et élémentaire effacent les inégalités sociales, les affinités s’affirment peut-être plus librement (Aymé). Ϧ Spécialem. et absol. Situation des personnes dont les conditions de vie, le sort sont inégaux : Ces élections sont, une fois de plus, un lent, tranquille et formidable mouvement contre l’inégalité et pour la justice (Alain). Ϧ 2. En mathématiques, expression où l’on compare deux quantités inégales. II. 1. Caractère de ce qui n’est pas uni : L’inégalité d’un terrain. Ϧ Au plur. Parties d’une surface qui présentent des reliefs, des creux : Les inégalités du sol, d’un mur. Ϧ 2. Absence de régularité dans le rythme, le cours : L’inégalité du pouls, de la démarche. Inégalité d’humeur. L’inégalité du débit d’un fleuve. Mais, la paix conquise, la lutte recommença de plus belle entre les deux rivaux, cette fois avec des inégalités de fortune, le grand modiste ayant vu revenir toute sa clientèle, et le pauvre Tom attendant en vain le retour de la sienne (Daudet). Ϧ En astronomie, terme périodique qui vient s’ajouter à la partie principale de certaines données, comme la longitude, l’ascension droite, etc., d’un corps céleste : Le mouvement apparent du Soleil se compose d’un déplacement angulaire uniforme, affecté d’une inégalité importante. Ϧ 3. Qualité inégale d’une oeuvre, du talent d’un auteur : Un critique qui regrette l’inégalité d’une comédie. ϦAu plur. Imperfections qui témoignent de ce défaut : Les inégalités qui gâtent un livre. Ϧ 4. Class. Manque de constance dans le caractère, les sentiments ; versatilité : Que dites-vous, ma soeur ? Comment ? courir au change ! | Cette inégalité me semble trop étrange (Molière). • SYN. : I,1 différence, disparité, dissemblance, diversité ; 2 inéquation. ϦII, 1 acci- dent, aspérité, dénivellation, rugosité ; 2 arythmie, changement, fluctuation, irrégularité, oscillation, saute, variation. inélastique [inelastik] adj. (de in- et de élastique ; 1738, Voltaire). Qui n’est pas élastique. downloadModeText.vue.download 49 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2601 inélégamment [inelegamɑ̃] adv. (de inélégant ; 1546, R. Ét. Rab., II, 182). Sans élégance : Se débarrasser de quelqu’un inélégamment. inélégance [inelegɑ̃s] n. f. (de inélégant, d’après élégance ; 1523, Lefèvre d’Étaples, au sens 1 ; sens 2, av. 1803, Laharpe). 1. Manque d’élégance ; caractère de ce qui est contraire à l’élégance esthétique ou morale : Le galbe mal ébauché de sa taille, l’inélégance de sa beauté (Chateaubriand). Ce qui me dégoûte en toi, c’est ton manque de goût, c’est le mauvais ton de les idées, l’inélégance de tes doctrines (France). Il n’avait pas l’inélégance d’être cancre (Hermant). Ϧ 2. Acte, propos témoignant de ce caractère : Il semblait se reprocher comme une inélégance la manière dont ces jeunes filles avaient été tenues à l’écart (Lecomte). • SYN. : 2 désinvolture, impolitesse, incorrection, muflerie (fam.). inélégant, e [inelegɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. inelegans, -antis, qui est sans distinction, sans goût, sans finesse, de in-, préf. à valeur négative, et de elegans, -anis, distingué, de bon goût, dér. de eligere, enlever, choisir, de ex-, préf. marquant le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, et de legere, recueillir, choisir, lire ; av. 1520, Seyssel, au sens 1 ; sens 2, 1957, Robert). 1. Qui est dépourvu d’élégance : Mise, personne inélégante. Son physique même, ramassé et inélégant, ne lui déplaisait pas (Aymé). Ϧ2. Fig. Qui est dépourvu de délicatesse morale : Il serait inélégant d’insister. Une action, une démarche inélégante. • SYN. : 1 disgracieux, lourd, vilain ; 2 cavalier, choquant, déplacé, désinvolte, discourtois, grossier, incorrect, indécent, indiscret. inéligibilité [ineliʒibilite] n. f. (dér. savant de inéligible ; 1791, Ranft [un premier ex. au début du XVIe s.]). État ou condition de celui qui n’a pas le droit d’être élu : Une condamnation privative des droits politiques entraîne l’inéligibilité. inéligible [ineliʒibl] adj. (de in- et de éligible ; 1752, Trévoux). Qui n’est pas éligible, qui n’a pas le droit d’être élu : En vertu des statuts de cette association, le président sortant est inéligible. inéluctabilité [inelyktabilite] n. f. (dér. savant de inéluctable ; 1962, Larousse). Caractère de ce qui est inéluctable, qui ne peut être évité ou empêché : L’inéluctabilité de la mort. inéluctable [inelyktabl] adj. (lat. ineluctabilis, insurmontable, inévitable, de in-, préf. à valeur négative, et de eluctabilis, qu’on peut surmonter, dér. de eluctari, sortir avec effort, surmonter en luttant, de ex-, préf. marquant le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, et de luctari, lutter ; av. 1502, O. de Saint-Gelais, puis 1790, C. Desmoulins). Contre quoi on ne peut lutter ; qui ne peut être évité ou empêché : Nécessité, destin, changement, réforme inéluctable. Les coups du sort sont inéluctables ; nul ne saurait éviter sa destinée (France). Dans cette progression inéluctable des êtres vers le mieux (Martin du Gard). • SYN. : fatal, immanquable, implacable, inévitable, irrésistible. & n. m. (1906, Loti). L’inéluctable, ce qui ne peut être évité : Ce masque que l’inéluctable scellait déjà de son poids (Margueritte). inéluctablement [inelyktabləmɑ̃] adv. (de inéluctable ; 15 déc. 1876, Revue des Deux Mondes, p. 879). De façon inéluctable : Cette vie dont toutes les étapes sont d’avance prévues et vers laquelle l’achemine inéluctablement chaque journée (Beauvoir). • SYN. : fatalement, forcément, immanquablement, inévitablement, infailliblement, nécessairement. inéludable [inelydabl] adj. (de in- et de éludable, qui peut être éludé [1849, Bescherelle], dér. de éluder ; 1860, d’après Littré, 1877). Qui ne peut être éludé (rare) : Une question inéludable. inemployable [inɑ̃plwajabl] adj. (de in- et de employable ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers, puis 1932, Acad.). Qui ne peut être employé : Un matériau inemployable. • SYN. : inutilisable. — CONTR. : Utilisable. inemployé, e [inɑ̃plwaje] adj. (de inet de employé, part. passé de employer ; 1845, Bescherelle). Qui n’est pas employé : Ressource inemployée. Le bien-être résultant, pour nous, beaucoup moins de notre bonne santé que de l’excédent inemployé de nos forces... (Proust). Leur vigueur inemployée retombe en nervosité (Beauvoir). Et les bourreaux partis, les Français sont restés avec leur haine en partie inemployée (Camus). • SYN. : inutilisé. — CONTR. : employé, utilisé. inénarrable [inenarabl] adj. (lat. inenarrabilis, qu’on ne peut raconter, indicible, de in-, préf. à valeur négative, et de enarrabilis, qu’on peut exprimer, décrire, dér. de enarrare, dire explicitement, rapporter avec détails, de ex-, préf. à valeur intensive, et de narrare, raconter ; 1482, Flameng, au sens 1 ; sens 2, 1957, Robert). 1. Qui ne peut être raconté ou décrit (vieilli) : Mon extase fit éclore en moi des songes inénarrables (Balzac). Ϧ 2. Qui est d’un comique extraordinaire, difficile à rendre : Quelle aventure burlesque ! C’est inénarrable ! Un personnage inénarrable. • SYN. : 2 impayable (fam.), ineffable (fam.). inénarrablement [inenarabləmɑ̃] adv. (de inénarrable ; XVIe s., La Curne, puis 1867, Littré). De façon inénarrable. (Rare.) inengendré, e [inɑ̃ʒɑ̃dre] adj. (de in- et de engendré, part. passé de engendrer 1 ; av. 1778, Voltaire). Qui n’a pas été engendré (rare) : Dieu tout-puissant, inengendré, inaccessible (Voltaire). inentamable [inɑ̃tamabl] adj. (de inet de entamer ; XXe s.). Qui ne peut être entamé (rare) : Je n’essayais pas de vous convaincre, toi et les enfants [...], vous formiez un bloc inentamable (Mauriac). inentamé, e [inɑ̃tame] adj. (de in- et de entamé, part. passé de entamer ; 1907, Larousse). Non entamé : En gardant à sa femme une estime inentamée (Bourget). La neige continue à tomber si bien que la différence de niveau devient imperceptible avec les régions avoisinantes, la continuité se trouvant alors rétablie, et toute la surface égale de nouveau intacte, inentamée (Robbe-Grillet). inentendable [inɑ̃tɑ̃dabl] adj. (de in- et de entendre ; 1881, A. Daudet). Dont on ne peut supporter l’audition (rare) : Le rideau se baissait à ce moment sur une scène patriotique, le lion de Belfort, énorme en carton-pâte, entouré de soldats dans des poses triomphantes sur des remparts croulés, les képis au bout des fusils, suivant la mesure d’une inentendable « Marseillaise » (Daudet). Un vieux disque inentendable. inentendu, e [inɑ̃tɑ̃dy] adj. (de in- et de entendu, part. passé de entendre ; av. 1794, Chénier). Qui n’est pas, n’a pas été entendu (rare) : Le jeune enfant [Hylas] de loin croit entendre la voix [d’Hercule], | Et du fond des roseaux, pour adoucir sa peine, | Lui répond d’une voix inentendue et vaine (Chénier). Des propos jusqu’alors inentendus. inenvisageable [inɑ̃vizaʒabl] adj. (de in- et de envisageable ; 1948, A. Roussin). Qu’on ne peut pas envisager : Au stade où nous en sommes, une modification du projet est inenvisageable. inéprouvé, e [inepruve] adj. (de in- et de éprouvé ; 1830, Stendhal, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Qui n’a pas encore été ressenti : Mais je ne pourrai le faire que dans une atmosphère inconnue, inéprouvée (Gide). Ϧ2. Qui n’a pas été mis à l’épreuve (rare) : Un coureur encore inéprouvé. inepte [inɛpt] adj. (lat. ineptus, qui n’est pas approprié, déplacé, maladroit, gauche, impertinent [pour les personnes et les choses], de in-, préf. à valeur négative, et de aptus, attaché, joint, approprié, part. passé adjectivé de l’anc. v. apere, lier, attacher ; v. 1460, G. Chastellain, au sens 1 [un premier ex. à la fin du XIVe s.] ; sens 2, v. 1534, B. Des Périers [pour ce qui témoigne de ce défaut, 1873, Larousse] ; sens 3, 1641, Descartes ; sens 4, 1495, Vignay). 1. Class. Qui n’a pas les aptitudes requises pour quelque chose : Gens ineptes en affaires d’État (Saint-Simon). Ϧ 2. Qui fait preuve d’une incapacité totale dans certains domaines, ou d’une grande sottise dans downloadModeText.vue.download 50 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2602 tous les domaines : Un narrateur inepte. Et tout s’avère alors si piteux et si vain [...] que le dégoût me prend d’être ce pitre inepte (Samain). Ϧ Se dit de ce qui témoigne de ce défaut : Un air, un visage inepte. Ϧ 3. Se dit de ce qui est absurde, dépourvu de sens : Il étudiait la philosophie à Christiania, et, gagné aux idées de Schopenhauer, de Hartmann, trouvait l’existence sombre, inepte, chaotique (Daudet). Ϧ 4. Se dit de choses qui laissent deviner l’incapacité ou la sottise de leur auteur : Conduite, façon d’agir inepte. Histoire inepte. Mise à part la joie des sens, les amusements de ce peuple sont ineptes (Camus). • SYN. : 2 balourd, borné, crétin, idiot, incapable, inintelligent, sot ; bêta (fam.), bête, niais ; 3 absurde, incohérent, stupide. ineptie [inɛpsi] n. f. (lat. ineptia [surtout employé au plur.], sottise, niaiserie, impertinence, de ineptus [v. INEPTE] ; 1546, Palmerin d’Olive, au sens de « maladresse » ; sens 1, 1626, Hardy ; sens 2, milieu du XVIe s.). 1. Caractère de celui ou de ce qui est inepte, stupide ou niais : Les sots vont loin quelquefois, surtout quand le fanatisme se joint à l’ineptie, et à l’ineptie l’esprit de vengeance (Voltaire). Je ne lui pardonnerai jamais l’ineptie de son calcul (Baudelaire). Ϧ 2. Action, parole ou écrit stupide : Cette démarche est une ineptie. Son amour-propre de Française, de Parisienne, souffrait de ces inepties sortant de la bouche de compatriotes (Goncourt). La littérature enfantine française ne présentait alors guère que des inepties (Gide). • SYN. : 1 bêtise, inintelligence, sottise, stupidité ; 2 ânerie (fam.), imbécillité, insanité, niaiserie. inépuisable [inepɥizabl] adj. (de in- et de épuisable ; v. 1460, G. Chastellain, au sens 1 [« dont le contenu est si grand qu’il semble ne devoir jamais être épuisé », 1678, Bossuet ; « dont les ressources sont illimitées », 1580, Montaigne] ; sens 2, 1580, Montaigne ; sens 3, v. 1770, J.-J. Rousseau). 1. Qu’on ne peut épuiser, qui ne se tarit pas : Une source inépuisable. ϦDont le contenu est si grand qu’il semble ne devoir jamais être épuisé : J’ai dépensé sans regarder tant que j’ai été riche ; je croyais le trésor inépuisable (Chateaubriand). Ϧ Fig. Dont les ressources sont illimitées : La chère retraite [...] leur semblait inépuisable en éclats de gaieté et en silences frissonnants (Zola). Je crois bien que nous parlions de la couleur des yeux de Suzanne. C’est un sujet inépuisable (France). Au centre de notre oeuvre, fût-elle noire, rayonne un soleil inépuisable, le même qui crie aujourd’hui à travers la plaine et les collines (Camus). Ϧ2. Fig. Dont on ne peut venir à bout, dont la manifestation est sans cesse renouvelée : Patience, bienveillance, amour inépuisable. Ϧ3. Se dit d’une personne qui ne s’arrête jamais de parler : Il est inépuisable dans ce domaine. C’est un bavard inépuisable. • SYN. : 1 intarissable ; 2 indéfectible, infini, inexhaustible (littér.), inlassable ; 3 intarissable. inépuisablement [inepɥizabləmɑ̃] adv. (de inépuisable ; 1691, Bossuet, puis 1840, Acad.). De façon inépuisable : Il était inépuisablement documenté sur tous les sujets où s’accrochaient nos passions d’alors (Gide). Je ne veux pas dire du mal des Américains, Monsieur, continua-t-il, il paraît qu’ils sont inépuisablement généreux... (Proust). inépuisé, e [inepɥize] adj. (de in- et de épuisé ; 1840, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1850, Baudelaire). 1. Qui n’est pas encore épuisé : Des gisements inépuisés. Des trésors inépuisés. Ϧ 2. Sans cesse renouvelé : Et des raffinements toujours inépuisés (Baudelaire). inépuré, e [inepɥre] adj. (de in- et de épuré, part. passé de épurer ; 1873, Larousse). Non épuré : Une huile inépurée. inéquation [inekwasjɔ̃] n. f. (de in- et de équation ; 1804, Brunot). En mathématiques, inégalité entre deux expressions algébriques comportant des variables, et qui n’est satisfaite que pour certaines de ces variables : Résoudre une inéquation. inéquitable [inekitabl] adj. (de in- et de équitable ; XVIIIe s., aux sens 1-2). 1. Qui n’est pas conforme à l’équité : Répartition inéquitable des impôts. Partage inéquitable. Ϧ 2. Qui ne respecte pas les règles de l’équité : La nature, la grande mère aveugle, est inéquitable, féroce (Maupassant). • SYN. : 1 inégal, injuste ; 2 inique. inéquitablement [inekitabləmɑ̃] adv. (de inéquitable ; 1867, Littré). De façon inéquitable : Des tâches réparties inéquitablement. inéquivalve [inekɥivalv] adj. (de in- et de équivalve ; 1867, Littré). Se dit des mollusques dont les deux valves sont différentes de forme et de dimensions. inéraillable [inerajabl] adj. (de in- et de érailler ; 1873, Larousse). Qui ne peut s’érailler : Une étoffe inéraillable. inerme [inɛrm] adj. (lat. inermis, non armé, inoffensif, faible, de in-, préf. à valeur négative, et du n. neutre plur. arma, armes ; 1547, A. Du Moulin, au sens de « sans défense » ; 1793, Brunot, au sens de « sans armes » ; sens 1, 1798, L. C. M. Richard ; sens 2, 1902, Larousse). 1. En botanique, dépourvu d’épines et d’aiguillons : Végétaux inermes. Ϧ 2. Ténia inerme, ténia dépourvu de crochets. inerrance [inɛrɑ̃s] n. f. (de in- et de errer ; 1907, Larousse). Faculté accordée par Dieu aux auteurs de la Bible de ne pas enseigner d’erreurs doctrinales ou morales, malgré les imperfections propres à chacun. inertance [inɛrtɑ̃s] n. f. (de inerte ; 1962, Larousse). En acoustique, quantité qui, multipliée par la pulsation, donne le degré de réactance acoustique d’un milieu. inerte [inɛrt] adj. (lat. iners, inertis, étranger à tout art, inactif, mou, fade, de in-, préf. à valeur négative, et de ars, artis, talent, habileté, science ; 1509, Godefroy, écrit inherte, au sens de « qui n’a pas d’activité » ; 1534, Rabelais, écrit inert, au sens de « ignorant » [« maladroit », 1596, Hulsius] ; écrit inerte, au sens 3, 1783, d’après Féraud, 1787 ; sens 1, 1798, Acad. ; sens 2, 1962, Larousse ; sens 4, 1835, Acad.). 1. Qui n’a pas d’activité ou de mouvement propre : Matière, masse, corps inerte. Ϧ 2. Papier ou carton inerte, papier ou carton qui présente un bon à-plat et reste insensible dans une large mesure aux variations d’humidité de l’air ambiant. Ϧ3. Qui est sans mouvement, sans expression, qui semble mort : On la ramassait tantôt dans sa cuisine, tantôt dans sa cour, tantôt dans les chemins des environs, et il fallait la rapporter chez elle, inerte comme un cadavre (Maupassant). Elle tourna vers lui un visage inerte, de grands yeux doux et imbéciles (Aymé). Ϧ4. Fig. Qui est privé de force vitale, d’énergie : Pendant quinze années, elle demeura ainsi fermée et inerte (Maupassant). Notre amour sans doute était toujours là, mais, simplement, il était inutilisable, lourd à porter, inerte en nous, stérile comme le crime ou la condamnation (Camus). • SYN. : 1 inanimé ; 3 éteint, figé, immobile, inexpressif ; 4 apathique, atone, engourdi, paralysé, passif. — CONTR. : 1 animé, vivant ; 3 agité, expressif, mobile, remuant ; 4 actif, ardent, dynamique, énergique, entreprenant, vivace. inertement [inɛrtəmɑ̃] adv. (de inerte ; 1584, R. Ét. Rab. [V, 167], au sens de « maladroitement » ; sens actuel, 1852, Leconte de Lisle). De façon inerte (peu usité) : Les gorges, les vallons, les forêts et les rocs | Dorment, inertement sous leur blême suaire (Leconte de Lisle). inertie [inɛrsi] n. f. (lat. inertia, ignorance de tout art, incapacité, inaction, indolence, de iners, inertis[v. INERTE] ; v. 1370, Oresme, au sens 3 [rare av. le milieu du XIXe s. ; inertie utérine, 1873, Larousse] ; sens 1, milieu du XVIIe s. [force d’inertie, 1732, Richelet ; moment d’inertie, 1783, Encycl. méthodique ; armement par inertie, 1931, Larousse ; inertie électromagnétique, 1888, Larousse] ; sens 2, 1962, Larousse ; sens 4, début du XVIIIe s. ; sens 5, 1829, Boiste). 1. En mécanique et en physique, propriété de la matière qui fait que les corps ne peuvent modifier par eux-mêmes leur état de repos ou de mouvement. ϦForce d’inertie, résistance que les corps opposent au mouvement. ϦMoment d’inertie, produit de la masse d’un point matériel par le carré de sa distance à un axe. Ϧ Armement par inertie, principe utilisé pour le fonctionnement des fusées-détonateurs. Ϧ Inertie électromagnétique, propriété conférée à downloadModeText.vue.download 51 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2603 un circuit par les phénomènes d’induction qui s’opposent aux variations du courant, comme la masse matérielle s’oppose aux variations de vitesse. Ϧ 2. En papeterie, propriété d’un carton ou d’un papier de présenter une surface bien à plat. Ϧ 3. En physiologie et en pathologie, atonie complète du système nerveux et des muscles. ϦInertie utérine, contraction insuffisante de l’utérus pendant ou après l’accouchement. Ϧ4. Fig. Manque de vie, d’énergie ou d’activité : L’inertie de la volonté, de l’esprit. Olivier, qui s’était engagé à m’écrire, tint sa promesse aussi loyalement que son incurable inertie le lui permettait (Fromentin). L’inertie expressive des figures, la raideur un peu gauche des scènes [...], c’est ce que j’appelle le préraphaélisme (France). Des années passèrent et il supportait le désoeuvrement de son intelligence et l’inertie de son coeur (L. Descaves). Ϧ5. Résistance passive qui consiste à ne pas se soumettre à la volonté d’autrui ou à une contrainte physique ou morale : Opposer la force d’inertie. Résister à la violence par l’inertie. • SYN. : 4 apathie, engourdissement, flemme (fam.), immobilisme, indolence, léthargie, nonchalance, paresse, passivité. — CONTR. : 4 activité, allant, ardeur, dynamisme, énergie, entrain, impétuosité, pétulance, vivacité. inescomptable [inɛskɔ̃tabl] adj. (de in- et de escomptable ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Qui ne peut être escompté : Un effet de commerce, un billet inescomptable. inésite [inezit] n. f. (mot créé par le géologue français Stanislas Meunier [18431925] ; 1902, Larousse). Silicate naturel de manganèse et de calcium hydraté. (Syn. RHODOTILITE.) inespérable [inɛsperabl] adj. (de in- et de espérer ; 1571, M. de La Porte). Class. et littér. Qu’on ne peut espérer, ou qu’on ne pouvait plus espérer : Dans cette angoisse, une fortune inespérable les vint trouver (Saint-Simon). Tout bonheur régulier m’est devenu impossible, inespérable (SainteBeuve). C’était trop beau, inespérable cette victoire mystique, où la ferveur spirituelle tienne en respect la brutalité... (Gide). inespéré, e [inɛspere] adj. (de in- et de espéré, part. passé de espérer ; 1466, P. Michault, au sens 2 ; sens 1, 1544, Scève [« qui dépasse toutes les espérances », 1688, Bossuet]). 1. Qui n’était pas espéré ; dont l’heureuse issue n’était pas escomptée : Résultat, mariage inespéré. Le physicien [...] vient de trouver une occasion inespérée de découverte (H. Poincaré). Ϧ Qui dépasse toutes les espérances : Cette fête a eu un succès inespéré. Ϧ 2. Vx. Se disait aussi d’un événement malheureux auquel on ne s’attendait pas : D’où s’ensuit la ruine infaillible et inespérée de tout l’édifice (Descartes). • SYN. : 1 imprévisible, imprévu, inattendu, inopiné ; extraordinaire, incroyable, inouï. inespérément [inɛsperemɑ̃] adv. (de inespéré ; début du XVIe s., écrit inesperéement ; inespérément, milieu du XVIe s., Amyot). Littér. De façon inespérée : Tout me paraît inespérément bon, après le demijeûne de Nice (Gide). inespoir [inɛspwar] n. m. (de in- et de espoir ; av. 1951, A. Gide). Littér. Fait de ne pas espérer quelque chose : Votre croyance en la survivance des âmes est nourrie du besoin de cette quiétude et de l’inespoir de la pouvoir goûter durant la vie (Gide). inessentiel, elle [inesɑ̃sjɛl] adj. (de inet de essentiel ; 1943, Sartre). En termes de philosophie, qui ne concerne pas l’essence des êtres ou des choses. inessif [inesif] n. m. (du lat. inesse, être dans, de in-, préf. marquant la localisation, et de esse, être ; 1962, Larousse). Cas utilisé dans certaines langues pour indiquer ce qui est placé ou a lieu à l’intérieur d’un lieu considéré. inesthétique [inɛstetik] adj. (de in- et de esthétique ; 1931, Larousse, au sens 1 [« qui rend laid », 1957, Robert] ; sens 2, 1957, Robert). 1. Qui est contraire à l’esthétique : Certaines constructions modernes sont inesthétiques. Ϧ Qui rend laid : Une verrue inesthétique dépare son visage. Ϧ 2. En philosophie, se dit des sens qui ne joueraient aucun rôle dans l’appréciation de la beauté. inestimable [inɛstimabl] adj. (lat. inaestimabilis, qu’on ne saurait évaluer, inappréciable, sans valeur, de in-, préf. à valeur négative, et de aestimabilis, qu’on peut évaluer, qui a de la valeur, dér. de aestimare, évaluer, estimer ; v. 1398, le Ménagier de Paris, au sens 3 ; sens 1, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 2, 1580, Montaigne). 1. Dont on ne peut faire l’estimation : Des dégâts inestimables. Ϧ 2. Dont on ne peut apprécier la valeur, la richesse : Sous leurs pelisses de soirée garnies de fourrures, de plumes ou de dentelles inestimables (Maupassant). Aussi affranchies soient-elles, les femmes seront toujours convaincues qu’elles portent sur elles un trésor inestimable, convoité par tous les mâles de la création (Aymé). Ϧ 3. Qu’on ne saurait trop estimer, précieux : Chance inestimable. Un auxiliaire inestimable. • SYN. : 1 incalculable ; 2 considérable, inappréciable. inétendu, e [inetɑ̃dy] adj. (de in- et de étendu ; 1765, Encyclopédie). Littér. Qui n’a pas d’étendue : Une chose extérieure à nous et inétendue (Sully Prudhomme). Une de ces impressions qui sont peut-être pourtant les seules purement musicales, inétendues, entièrement originales, irréductibles à tout autre ordre d’impressions (Proust). inétreignable [inetrɛɲabl] adj. (de inet de étreindre ; 1951, A. Gide). Qu’on ne peut étreindre, saisir (peu usité) : Et dans mes rêves, elle m’apparaissait constamment comme une figure inétreignable, insaisissable (Gide). inévitabilité [inevitabilite] n. f. (dér. savant de inévitable ; v. 1720, Boulainvilliers, puis 1802, Flick). Caractère inévitable d’un événement : L’inévitabilité de la mort nous fait une loi de la subir avec résignation (Bescherelle). La perspective d’une apocalypse atomique impose l’inévitabilité de la paix. inévitable [inevitabl] adj. (lat. inevitabilis, inévitable, de in-, préf. à valeur négative, et de evitabilis, qu’on peut éviter, dér. de evitare, éviter, fuir, de ex-, préf. à valeur intensive, et de vitare, se garder de, éviter ; 1377, Oresme, au sens 1 ; sens 2, 1834, Balzac). 1. Qu’on ne peut éviter, qui doit se produire fatalement : Partout le combat entre le pauvre et le riche est établi, partout il est inévitable (Balzac). Il est inévitable que le citoyen soit gouverné plus qu’il n’est nécessaire (Alain). Il croit inévitable la révolution et ne sait comment on pourra s’y opposer (Gide). Ϧ 2. Plaisamm. Qu’on rencontre nécessairement : Un inévitable habitué des réceptions officielles. Il est là avec son inévitable compagnon de route. • SYN. : 1 fatal, fatidique, immanquable, inéluctable. — CONTR. : 1 éventuel, évitable, incertain, possible, problématique. & n. m. (début du XXe s.). L’inévitable, ce qu’on ne peut éviter : Il aurait aimé être seul, pouvoir réfléchir, lutter contre la dépression, se ressaisir, se préparer stoïquement à l’inévitable (Martin du Gard). inévitablement [inevitabləmɑ̃] adv. (de inévitable ; XVe s., Godefroy). Nécessairement : Une fracture de la jambe entraîne inévitablement le repos. • SYN. : fatalement, forcément, immanquablement, inéluctablement, infailliblement, obligatoirement. inexact, e [inɛgzakt ou inɛgza, -akt] adj. (de in- et de exact ; 1689, Ritter, les Quatre Dictionnaires, au sens 1 [pour une personne, 1957, Robert] ; sens 2, av. 1924, A. France ; sens 3, 1867, Littré). 1. Se dit de ce qui n’est pas conforme à la vérité des faits : Renseignements inexacts. Données, indica- tions inexactes. Une description inexacte. Ϧ Se dit d’une personne qui ne respecte pas la vérité : Un narrateur inexact. Ϧ2. Qui n’est pas exact, qui ne peut atteindre à l’exactitude scientifique : Les sciences morales et politiques sont inexactes et pleines d’incertitude (France). Ϧ3. Qui n’est pas ponctuel : Un employé inexact. • SYN. : 2 erroné, faux, inauthentique, incorrect, mensonger. inexactement [inɛgzaktəmɑ̃] adv. (de inexact ; fin du XVIIIe s.). De façon downloadModeText.vue.download 52 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2604 inexacte : Les événements ont été rapportés inexactement. inexactitude [inɛgzaktityd] n. f. (de inexact, d’après exactitude, 1689, Ritter, les Quatre Dictionnaires, au sens 1 [« détail contraire à la vérité », 1835, Acad.] ; sens 2, 1867, Littré). 1. Caractère de ce qui est inexact, erroné ou faux : L’inexactitude d’un renseignement. Inexactitude d’une nouvelle. ϦDétail contraire à la vérité : Rapport qui fourmille d’inexactitudes. Ϧ2. Défaut de celui qui n’est pas ponctuel : Il a été congédié en raison de son inexactitude. • SYN. : 1 fausseté ; contre-vérité, erreur, faute, mensonge. — CONTR. : 1 authenticité, exactitude, fidélité, vérité ; 2 ponctualité. inexaucé, e [inɛgzose] adj. (de in- et de exaucé, part. passé de exaucer ; 1845, Bescherelle). Qui n’a pas été exaucé : Car entre leurs feuillets sommeille le parfum | De rêves confiés et d’intimes détresses, | De voeux inexaucés (H. de Régnier). inexcitabilité [inɛksitabilite] n. f. (dér. savant de inexcitable ; 1877, Littré). En physiologie, caractère ou état de ce qui est inexcitable : L’inexcitabilité d’un tissu, d’un organe. inexcitable [inɛksitabl] adj. (de inet de excitable ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. En physiologie, qu’on ne peut exciter : Un tissu mort est inexcitable au courant électrique. Ϧ2. Qu’on ne peut faire sortir de l’apathie : Un public inexcitable. inexcusable [inɛkskyzabl] adj. (lat. inexcusabilis, qu’on ne peut excuser, de in-, préf. à valeur négative, et de excusabilis, excusable, pardonnable, dér. de excusare, justifier, disculper, de ex-, préf. marquant l’exclusion, et de causa, cause ; 1474, Mystère de l’Incarnation, au sens 1 ; sens 2, 1588, Montaigne). 1. Se dit d’une personne à qui on ne peut trouver d’excuse : Il est inexcusable d’avoir commis cette impolitesse. Marot et Rabelais sont inexcusables d’avoir semé l’ordure dans leurs écrits : tous deux avaient assez de génie et de naturel pour pouvoir s’en passer, même à l’égard de ceux qui cherchent moins à admirer qu’à rire dans un auteur (La Bruyère). Ϧ2. Se dit de ce qui ne peut être excusé : Une faute, une négligence inexcusable. Dévier du sentiment de l’honneur est, pour la femme mariée, un crime inexcusable (Balzac). • SYN. : 1 impardonnable ; 2 injustifiable. inexcusablement [inɛkskyzabləmɑ̃] adv. (de inexcusable ; 25 mai 1690, Bayle). D’une manière inexcusable : Il a été inexcusablement négligent. inexécutable [inɛgzekytabl] adj. (de in- et de exécutable ; 1579, Chronique bordeloise, puis 1695, Brunot, au sens 1 ; sens 2, v. 1770, J.-J. Rousseau). 1. Qu’on ne peut mettre à exécution, réaliser : Projet, programme, ordre inexécutable. Ϧ2. Spécialem. Se dit de ce qu’il est impossible d’exécuter, d’interpréter : Une partition inexécutable. • SYN. : 1 impossible, impraticable, infaisable, irréalisable. — CONTR. : 1 exécutable, faisable, réalisable. inexécuté, e [inɛgzekyte] adj. (de in- et de exécuté, part. passé de exécuter ; 1484, Procès-verbaux des séances du Conseil de régence du roi Charles VIII [p. 193], écrit inexequté ; inexécuté, 1611, Cotgrave). Qui n’a pas été exécuté : Des projets, des travaux, des consignes inexécutés. Le tas sans cesse accru d’un chiffonnier de la dette, billets impayés, traités inexécutés, reconnaissances restées vaines, engagements non tenus (Zola). inexécution [inɛgzekysjɔ̃] n. f. (de in- et de exécution ; fin du XVIe s., A. d’Aubigné, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Défaut d’exécution ; caractère de ce qui n’est pas exécuté : L’inexécution de travaux. Ϧ2. En termes de droit, fait de ne pas remplir une obligation à laquelle on est tenu par contrat ou par décision de justice : L’inexécution d’un contrat peut donner lieu à des dommages-intérêts. L’inexécution, par l’Administration, des décisions des tribunaux administratifs ou judiciaires est une faute. inexécutoire [inɛgzekytwar] adj. (de in- et de exécutoire ; 17 janv. 1875, Gazette des tribunaux, p. 54). En termes de droit, non exécutoire : Une décision inexécutoire. inexercé, e [inɛgzɛrse] adj. (de in- et de exercé ; 1798, Acad., aux sens 1-2 ; sens 3, milieu du XXe s.). 1. Qui n’a pas été formé par des exercices : Des soldats braves, mais inexercés. Ϧ2. Non exercé, pas habitué : Cette polyphonie, qui paraît discordante et confuse, d’abord, aux oreilles inexercées (Rolland). Ϧ 3. Dont on n’a pas fait usage : Un droit inexercé. inexhaustible [inɛgzostibl] adj. (angl. inexhaustible, inépuisable, de in-, préf. à valeur négative [lat. in-, même sens], et de exhaustible, qui peut être épuisé, dér. de to exhaust, épuiser, du lat. exhaustum, supin de exhaurire, épuiser, de ex-, préf. à valeur intensive, et de haurire, puiser un liquide, tirer, retirer ; av. 1922, Proust [un premier ex. — empr. direct du lat. exhaustum — en 1514, Huguet]). Littér. Qu’il est impossible d’épuiser : Fécondité inexhaustible. Alors, sous ce visage rosissant, je sentais se réserver comme un gouffre l’inexhaustible espace des soirs où je n’avais pas connu Albertine (Proust). • SYN. : inépuisable, infini, intarissable. inexigibilité [inɛgziʒibilite] n. f. (dér. savant de inexigible ; 1839, Boiste). Caractère de ce qui n’est pas exigible : L’inexigibilité d’une dette. inexigible [inɛgziʒibl] adj. (de in- et de exigible ; av. 1781, Turgot, aux sens 1-2). 1. Qui ne peut être exigé : Conditions inexigibles. Ϧ 2. En droit, dont on ne peut exiger l’exécution : Dette, créance inexigible. inexistant, e [inɛgzistɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de in- et de existant ; 1823, Boiste, au sens 1 ; sens 2, 1934, Jouhandeau). 1. Qui n’existe pas : Difficultés inexistantes. Loin du temps, de l’espace, un homme est égaré | [...], les deux yeux révulsés, | Et les mains en avant pour tâter le décor | — D’ailleurs inexistant (Queneau). Ϧ 2. Par exagér. et fam. Qui n’a pas de valeur, d’importance ; qui est inefficace : Un ouvrage dont les mérites sont inexistants. Un collaborateur inexistant. Un appui inexistant. • SYN. : 1 chimérique, fictif, imaginaire, immatériel, irréel ; 2 déplorable, insignifiant, négligent, nul, piètre. inexistence [inɛgzistɑ̃s] n. f. (de in- et de existence ; début du XVIIe s., au sens 2 [« absence d’importance, nullité », 1962, Larousse] ; sens 1, 1867, Littré). 1. État de ce qui est dépourvu d’existence : Le néant est la seule chose dont l’inexistence soit absolument certaine (Maeterlinck). Ϧ 2. En termes de droit, qualité d’un acte qui n’a pas reçu d’existence en raison de l’absence d’un élément essentiel constitutif : L’inexistence d’un acte en regard du droit. ϦPar exagér. et fam. Absence d’importance, nullité : L’inexistence d’un travail, d’une aide. L’inexistence de la direction de cette société est flagrante. inexorabilité [inɛgzɔrabilite] n. f. (bas lat. inexorabilitas, caractère inexorable, du lat. class. inexorabilis [v. l’art. suiv.] ; 1663, Brunot). Littér. État ou caractère de ce qui est inexorable : L’inexorabilité du sort. L’inexorabilité des lois de la nature (Rolland). • SYN. : cruauté, dureté, implacabilité, inclémence, rigueur, sévérité. inexorable [inɛgzɔrabl] adj. (lat. inexorabilis, qu’on ne peut fléchir, implacable [en parlant de personnes et de choses], de in-, préf. à valeur négative, et de exorabilis, qu’on peut fléchir, dér. de exorare, chercher à fléchir [quelqu’un], obtenir par des prières, de ex-, préf. à valeur intensive, et de orare, prier, implorer ; av. 1520, Seyssel, au sens 3 ; sens 1, milieu du XVIe s., Amyot [inexorable à, « impitoyable pour », 1544, Scève ; « se dit de ce qui témoigne de ces dispositions », v. 1570, Carloix] ; sens 2, 1636, Corneille). 1. Se dit d’une personne qui ne se laisse pas fléchir par la supplication : Un juge inexorable. ϦSe dit de ce qui témoigne de ces dispositions : Caractère inexorable. Volonté inexorable. Ϧ 2. Dont on ne peut tempérer la rigueur : Sévérité inexorable. Une des formes de ce patriotisme est la haine inexorable pour tout ce qui est étranger (Stendhal). Ϧ3. À quoi l’on ne peut se soustraire : Elle avait sur downloadModeText.vue.download 53 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2605 les écrivains des idées d’un autre âge, bien loin de soupçonner l’inexorable rigueur des méthodes scientifiques auxquelles ils soumettent à présent leur génie (Aymé). •SYN. : 1 impitoyable, implacable, inflexible, intraitable ; inhumain, insensible ; 2 cruel, draconien ; 3 fatal, inéluctable. — CONTR. : 1 clément, indulgent ; bienveillant, doux, humain. inexorablement [inɛgzɔrabləmɑ̃] adv. (de inexorable ; 27 mai 1661, Racine, au sens 1 ; sens 2, 1913, Suarès). 1. D’une manière inexorable, impitoyable : Châtier inexorablement les coupables. Ϧ2. Sans qu’on puisse s’y opposer, s’y soustraire : Le cyclone a balayé inexorablement les plantations. Inexorablement, chaque jour est un pas vers la mort. inexpérience [inɛksperjɑ̃s] n. f. (bas lat. inexperientia, inexpérience, du bas lat. inexperiens, -entis, inexpérimenté, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et experiens, -entis, part. prés. de experiri. éprouver, tenter de réaliser ; 1460, Dict. général, au sens 1 [rare av. 1762, Acad.] ; sens 2, av. 1869, Sainte-Beuve). 1. Manque d’expérience : L’inexpérience de la jeunesse. Commettre des fautes par inexpérience. On tend aujourd’hui à faire naître l’art de l’inexpérience et à partir non de la règle apprise mais de la fantaisie (Lhote). Ϧ 2. Faute ou erreur due au manque d’expérience : Il y a dans tout noviciat des gaucheries et des inexpériences inévitables (Sainte-Beuve). • SYN. : 1 ignorance, impéritie, incompétence, méconnaissance ; 2 gaucherie, impair (fam.), maladresse, sottise. inexpérimenté, e [inɛksperimɑ̃te] adj. (de in- et de expérimenté ; 1495, Vignay, au sens 1 [rare av. 1664, Perrot d’Ablancourt ; « qui témoigne d’un manque d’expérience », 1585, Du Fail] ; sens 2, 1580, Montaigne). 1. Se dit d’une personne qui n’a pas acquis de l’expérience, de la pratique : Soldat, jeune homme inexpérimenté. Grimpeur doué, mais inexpérimenté. Ϧ Se dit de ce qui témoigne d’un manque d’expérience : Gestes inexpérimentés. Mains inexpérimentées. Ϧ 2. Dont on n’a pas encore fait l’expérience : Procédé de fabrication inexpérimenté. •SYN. : 1 inexercé, novice, profane ; gauche, inexpert, inhabile, maladroit ; 2 inédit, neuf, nouveau, original, révolutionnaire. — CONTR. : 1 entraîné, exercé, expérimenté ; expert, habile ; 2 commun, habituel, ordinaire. inexpert, e [inɛkspɛr, -ɛrt] adj. (lat. inexpertus, inexpérimenté, novice, de in-, préf. à valeur négative, et de expertus, qui a fait ses preuves, aguerri, part. passé adjectivé de experiri, éprouver, tenter de réaliser ; v. 1460, G. Chastellain, au sens de « qui manque d’expérience » ; sens actuel, 1587, F. de La Noue). Qui est dépourvu d’habileté, de savoir-faire : De là peut être son humeur contre sa fille inexperte (Peyré). • SYN. : inexercé, inexpérimenté, novice, profane. — CONTR. : entraîné, exercé, expérimenté, expert. inexpiable [inɛkspjabl] adj. (lat. inexpiabilis, inexpiable, de in-, préf. à valeur négative, et de expiare, expier, purifier par des expiations, de ex-, préf. à valeur intensive, et de piare, apaiser par des sacrifices, expier, dér. de pius, pieux, sacré ; fin du XVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, début du XXe s. [guerre inexpiable, 1902, Larousse]). 1. Qui ne peut être expié, pour quoi il n’y a pas de châtiment assez grand : Commettre un forfait inexpiable. Il pensait à Rose avec une rancune infinie. Elle l’avait abandonné. C’était inexcusable, inexpiable (Mauriac). En 1936, un général rebelle (Franco) [...] a fait triompher une cause injuste après d’inexpiables massacres, et commencé dès lors une atroce répression qui a duré dix années et qui n’est pas encore terminée (Camus). Ϧ 2. Dans lequel on ne fait pas grâce, sans merci : Lutte inexpiable. Ϧ Spécialem. Guerre inexpiable, nom parfois donné à la révolte des mercenaires de Carthage. inexpié, e [inɛkspje] adj. (de in- et de expié, part. passé de expier ; 1867, Littré). Qui n’a pas été expié : Leurs attentats bénis, heureux, inexpiés (Hugo). inexplicable [inɛksplikabl] adj. (lat. inexplicabilis, qu’on ne peut dénouer, inextricable, inexplicable, de in-, préf. à valeur négative, et de explicabilis, qu’on peut débrouiller, expliquer, dér. de explicare, déployer, débrouiller, développer, de ex-, préf. marquant l’exclusion, la négation, et de plicare, plier, replier ; 1486, Godefroy, au sens 1 [« qui n’a pas de justification selon la raison », 1665, Molière] ; sens 2, av. 1778, Voltaire). 1. Que l’on ne peut expliquer, dont on ne peut pas connaître les causes exactes : Un accident d’avion inexplicable. ϦQui n’a pas de justification selon la raison : Cet immense coassement me portait sur les nerfs et remplissait mon imagination d’alarmes inexplicables (Sand). Ϧ2. Dont la conduite n’est pas rationnellement motivée : Un homme inexplicable. Les femmes sont pour l’ordinaire inexplicables (Staël). • SYN. : 1 étrange, incompréhensible, obscur ; injustifiable ; 2 déconcertant, énigmatique, insaisissable, insondable, mystérieux. — CONTR. : 1 explicable ; intelligible, justifiable. & n. m. (1873, Larousse). L’inexplicable, ce que l’on ne peut pas expliquer : La raison n’explique pas l’inexplicable, elle le conçoit (Cousin). inexplicablement [inɛksplikabləmɑ̃] adv. (de inexplicable ; XVIe s.). De façon inexplicable : L’inculpé a inexplicablement refusé de répondre aux questions du juge. inexpliqué, e [inɛksplike] adj. (de in- et de expliqué, part. passé de expliquer ; fin du XVIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Dont la nature ou les causes n’ont pas été expliquées : Fait, phénomène inexpliqué. Des sentiments confus, inexpliqués envahissaient l’âme de cet honnête et simple vieillard (France). Ϧ2. Dont on n’a pas élucidé le sens : Un texte inexpliqué. & inexpliqué n. m. (1862, Renan). L’inexpliqué, ce qui n’est pas expliqué : Tout l’inexpliqué qui les entoure (Maeterlinck). inexploitable [inɛksplwatabl] adj. (de in- et de exploitable ; 1867, Littré). Qu’il n’est pas possible d’exploiter : Gisement, mine inexploitable. inexploitation [inɛksplwatasjɔ̃] n. f. (de in- et de exploitation ; 23 nov. 1876, Journ. officiel, p. 8578). Le fait de ne pas mettre en valeur quelque chose, de ne pas en tirer parti : Un pays ne peut admettre l’inexploitation de ses richesses. inexploité, e [inɛksplwate] adj. (de in- et de exploité ; 1842, Balzac, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Qui n’est pas exploité, qui n’a pas encore été mis à profit en l’utilisant, en le faisant produire : Des ressources minérales inexploitées. Ϧ 2. Fig. Qui a échappé à l’attention, aux investigations : Un domaine de la recherche linguistique inexploité. inexplorable [inɛksplɔrabl] adj. (de in- et de explorer ; 1867, Littré). Que l’on ne peut pas explorer ; très difficile à explorer : Un gouffre inexplorable. inexploré, e [inɛksplɔre] adj. (lat. inexploratus, non essayé, inconnu, inexploré [de in-, préf. à valeur négative, et de exploratus, sûr, assuré, part. passé adjectivé de explorare, examiner, vérifier, explorer], ou composé franç. de in- et de exploré, part. passé de explorer ; av. 1841, Chateaubriand, au sens 1 [au fig., 1957, Robert] ; sens 2, 1886, Maupassant). 1. Qui n’a pas été exploré : Pays inexploré. ϦFig. Dans lequel on n’a pas fait de recherches : Les domaines inexplorés de certaines sciences. Ϧ 2. Dont on n’a pas tiré toutes les satisfactions possibles : Joies inexplorées. • SYN. : 1 inconnu ; inexploité. & inexploré n. m. (av. 1890, Maupassant). L’inexploré, ce qui n’a pas été exploré : Il y a dans tout de l’inexploré (Maupassant). inexplosible [inɛksplozibl] adj. (de inet de explosible ; début du XIXe s.). Qui ne peut pas faire explosion : Un autoclave inexplosible. inexplosif, ive [inɛksplozif, -iv] adj. (de in- et de explosif ; 1962, Larousse). Qui n’explose pas : Un mélange inexplosif. inexposable [inɛkspozabl] adj. (de inet de exposer ; 1873, Larousse). En termes de philosophie, qui ne peut être exposé, défini : Selon Kant, les idées esthétiques sont inexposables. downloadModeText.vue.download 54 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2606 inexposé, e [inɛkspɔze] adj. (de in- et de exposé, part. passé de exposer ; 1873, Larousse). Non exposé : On peut déceler dans ce discours des réticences inexposées. inexpressible [inɛksprɛsibl] n. m. (angl. inexpressibles, culottes, pantalon, plur. substantivé de l’adj. inexpressible, qui ne peut être exprimé par des mots, de in-, préf. à valeur négative [lat. in-, même sens], et de expressible, exprimable, dér. de to express, exprimer, réfection [d’après le lat. expressum, supin de exprimere, exprimer, v. EXPRIMER] de l’anc. franç. espresser, exprimer, déclarer [XIIe s.], lui-même composé de es-, préf. marquant le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur [lat. ex-, même sens], et de presser ; av. 1778, J.-J. Rousseau, puis 1867, Delvau). Vx. Euphémisme anglais pour « culotte », « pantalon » : Au boulevard les candélabres | Portent au haut de leurs fûts glabres | Des inexpressibles à gaz (Banville). inexpressif, ive [inɛksprɛsif, -iv] adj. (de in- et de expressif ; 1782, Mercier, au sens 1 ; sens 2, 1860, Goncourt). 1. Qui n’exprime pas bien ce que l’on veut dire : Mot, style inexpressif. Ϧ2. Dépourvu d’expression, qui ne reflète pas ou qui reflète mal un sentiment quelconque : Les traits de son visage étaient réguliers, assez beaux, mais parfaitement inexpressifs (Gide). Elle fixait sur lui un regard tendu et inexpressif où se lisait seulement la volonté de ne pas faiblir, de ne pas détourner les yeux (Martin du Gard). • SYN. : 1 fade, froid, terne, vague ; 2 atone, éteint, figé, inerte. — CONTR. : 1 coloré, pittoresque ; 2 expressif, mobile, vivant. inexpression [ineksprɛsjɔ̃] n. f. (de in- et de expression ; 1865, Goncourt). Absence d’expression : Au volant, sa figure était étrange d’inexpression (Mauriac). inexpressivité [inɛksprɛsivite] n. f. (de inexpressif, d’après expressivité ; 1919, A. Gide). Caractère de ce qui est inexpressif : L’expression indifférente, obtuse de son visage, ou plutôt son inexpressivité absolue glaçait jusqu’à sa source de bon vouloir (Gide). inexprimable [inɛksprimabl] adj. (de in- et de exprimer ; XVe s., au sens 1 ; sens 2, v. 1570, Carloix). 1. Qu’on ne peut pas exprimer, ou qu’il est difficile d’exprimer : Il y eut un moment d’inexprimable silence où l’on eût entendu voler la mort (Hugo). Aux diverses heures du jour et de la nuit, la grande forêt a des joies et des menaces inexprimables (Taine). Ϧ 2. Dont l’intensité dépasse toute expression : Après avoir envoyé cette dernière lettre [...], je tombai dans un abattement inexprimable (Balzac). Je quitte la France dans un état d’angoisse inexprimable (Gide). • SYN. : 1 indescriptible, indicible, ineffable, inénarrable ; 2 extraordinaire, inconcevable, incroyable, inimaginable, inouï. & n. m. (1859, Baudelaire). L’inexprimable, ce qu’il est impossible d’exprimer : L’inexprimable n’existe pas (Baudelaire). inexprimablement [inɛksprimabləmɑ̃] adv. (de inexprimable ; 1867, Littré). De façon inexprimable : Cette pénétration des ténèbres est inexprimablement sinistre dans un enfant (Hugo). inexprimé, e [inɛksprime] adj. (de in- et de exprimé, part. passé de exprimer ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers, au sens 1 ; sens 2, 1876, A. Daudet). 1. Qui n’a pas été exprimé : [L’Église] a créé, pour aborder un ordre d’idées inexprimées jusqu’alors, des vocables grandiloques (Huysmans). Ϧ 2. Qu’on n’ose pas exprimer : Des rancoeurs inexprimées. Ces maris trompés [...] qui peuvent reconnaître la date de leur infortune à toutes les manifestations d’un remords inexprimé (Daudet). • SYN. : 2 latent, sous-entendu, tacite. inexpugnabilité [inɛkspyɲabilite] n. f. (dér. savant de inexpugnable ; 28 févr. 1875, Gazette des tribunaux, p. 207). Caractère de ce qui est inexpugnable : L’inexpugnabilité d’une forteresse. inexpugnable [inɛkspyɲabl] adj. (lat. inexpugnabilis, imprenable, invincible, impénétrable, de in-, préf. à valeur négative, et de expugnabilis, qu’on peut prendre d’assaut, dér. de expugnare, prendre d’assaut, vaincre, de ex-, préf. marquant l’achèvement, et de pugnare, combattre, lutter, dér. de pugnus, poing ; 1352, Bersuire, au sens 1 ; sens 2, milieu du XVIe s., Amyot). 1. Dont il est impossible de s’emparer par la force : À une époque où le pouvoir de l’artillerie était à sa naissance, la position du Plessis [...] pouvait alors être regardée comme inexpugnable (Balzac). Ϧ2. Fig. Qu’on ne peut vaincre ; qui résiste à tous les assauts : Elle y demeurera [la poésie] vivace et inexpugnable (Maeterlinck). Grâce à la triple entente, l’Angleterre avait pu rendre inexpugnable sa toute-puissance sur les mers du globe (Martin du Gard). • SYN. : 1 imbattable, imprenable ; 2 indomptable, invincible. inextensibilité [inɛkstɑ̃sibilite] n. f. (dér. savant de inextensible ; 1867, Littré). État d’un corps inextensible : L’inextensibilité d’un métal. inextensible [inɛkstɑ̃sibl] adj. (de in- et de extensible ; 1777, Buffon). Se dit d’un corps qui ne peut être étendu ni allongé : Un fil inextensible. inextensif, ive [inɛkstɑ̃sif, -iv] adj. (de in- et de extensif ; 1889, Bergson). Qui n’a pas de dimension spatiale : Une quantité inextensive. in extenso [inɛkstɛ̃so] loc. adv. ou adj. (loc. du lat. moderne [signif. proprem. « dans toute son étendue »] formée des mots du lat. class. in, en, dans, et extenso, ablatif de extensum, neutre substantivé de extensus, part. passé de extendere, étendre, de ex-, préf. à valeur intensive, et de tendere, étendre, déployer ; 1842, Mozin [compte rendu in extenso, 1893, Dict. général]). Tout au long, tout en entier : Publier « in extenso » un discours. ϦUn compte rendu « in extenso », compte rendu sténographique de débats parlementaires (par opposition au compte rendu analytique). • SYN. : complètement, entièrement, intégralement, totalement. inexterminable [inɛkstɛrminabl] adj. (de in- et de exterminer ; 1873, Larousse). Qui ne peut être exterminé : Race inexterminable. inextinguible [inɛkstɛ̃gɥibl ou inɛkstɛ̃gibl] adj. (bas lat. inexstinguibilis, inextinguible, ineffaçable, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et du bas lat. exstinguibilis, qui doit s’éteindre, dér. du lat. class. exstinguere, éteindre, faire disparaître ; 1403, Internele Consolacion, au sens 1 ; sens 2-3, 1534, Rabelais). 1. Qu’il est impossible d’éteindre : Le bruit du flot confondu avec un pétillement d’étincelles donnait l’expression d’un incendie inextinguible, renaissant de tous les efforts qu’on faisait pour l’éteindre (Daudet). Sans cesse se rallumaient les brasiers ; les brûlots au calcium étaient inextinguibles (Malraux). Ϧ 2. Qu’il est impossible d’étouffer, d’arrêter : La lecture de cet article soulevait à chaque mot, dans la salle, d’inextinguibles fous rires coupés de cris d’indignation (Daudet). C’est pourtant en la voyant ainsi que je sentis que je l’aimais d’un inextinguible amour (France). Ϧ 3. Fig. Qu’il est difficile d’assouvir : La soif de jouissance était inextinguible (Cendrars). • SYN. : 2 éternel, impérissable, indestructible ; 3 inapaisable, inassouvissable, insatiable. — CONTR. : 1 extinguible ; 2 éphémère, fragile, précaire ; 3 apaisable, assouvissable. inextirpable [inɛkstirpabl] adj. (lat. inexstirpabilis, qu’on ne peut arracher, de in-, préf. à valeur négative, et de exstirpare, déraciner, arracher, détruire, de ex-, préf. marquant le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, et de stirps, stirpis, souche, racine ; début du XVIe s., puis 1779, Linguet, aux sens 1-2). 1. Qu’on ne peut arracher avec les racines. (Rare.) ϦQue l’on ne peut enlever radicalement : Tumeur inextirpable. Ϧ2. Fig. Que l’on ne peut faire disparaître entièrement, complètement : Une erreur, un vice inextirpable. • SYN. : 2 coriace (fam.), indéracinable, tenace. in extremis [inɛkstremis] loc. adv. (loc. du lat. moderne formée des mots du lat. downloadModeText.vue.download 55 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2607 class. in, en, dans, et extremis, ablatif de extrema, les choses dernières, la mort, neutre plur. substantivé de l’adj. extremus, extrême, dernier ; début du XVIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1847, Balzac). 1. À la dernière limite, à l’article de la mort : Tester « in extremis ». Baptiser quelqu’un « in extremis ». Ϧ2. Au tout dernier moment, de justesse : Monter dans le train « in extremis ». Éviter un accident « in extremis ». inextricabilité [inɛkstrikabilite] n. f. (dér. savant de inextricable ; 1832, Raymond). État de ce qui est inextricable : L’inextricabilité d’une affaire criminelle. inextricable [inɛkstrikabl] adj. (lat. inextricabilis, d’où on ne peut se tirer, incurable, indescriptible, de in-, préf. à valeur négative, et de extricare, débarrasser, défricher, débrouiller ; 1361, Oresme, puis 1501, Jardin de Plaisance, au sens 1 ; sens 2, 1580, Montaigne ; sens 3, av. 1502, O. de Saint-Gelais). 1. Qu’on ne peut démêler ; dont on ne peut reconnaître les éléments : Enchevêtrements, enlacements inextricables. Tout autour de la plage montaient de hautes roches escarpées, des maquis inextricables d’arbustes verts, d’un vert sombre, sans saison (Daudet). Ϧ2. Dont les éléments sont si enchevêtrés qu’il est difficile de s’orienter, de retrouver son chemin : Ces aventuriers, perdus vers le soir dans les forêts inextricables, regardés entre deux branches par des larves (Hugo). Je me plongeais dans l’inextricable réseau de rues étroites et poudreuses (Nerval). Ϧ 3. Fig. Très embrouillé, qu’il est très difficile de démêler, de mettre en ordre, de clarifier : Affaire inextricable. Complications inextricables. La plus effroyable imprévoyance, la mobilisation et la concentration faites d’un seul coup pour gagner du temps, aboutissant à un gâchis inextricable (Zola). • SYN. : 1 touffu ;2 dédaléen. inextricablement [inɛkstrikabləmɑ̃] adv. (de inextricable ; 1827, Acad.). De façon inextricable : Les grands arbres aux larges feuilles [...] enlacent inextricablement leurs troncs et leurs branches (Gautier). infaillibiliste [ɛ̃fajibilist] n. m. (de infaillibil[ité] ; 1873, Larousse). Vx. Partisan de la thèse de l’infaillibilité du pape. infaillibilité [ɛ̃fajibilite] n. f. (dér. savant de infaillible ; 1573, RHL [XXXII, 88], au sens 1 [« caractère de ce qui ne peut manquer d’être efficace », 1748, Montesquieu] ; sens 2, av. 1662, Pascal [« privilège par lequel l’Église ne peut se tromper en matière de foi », 1688, Bossuet ; « caractère d’une action humaine qui ne peut être entachée d’erreur », 1893, Dict. général]). 1. Vx. Qualité de ce qui est infaillible, qui ne peut manquer de se produire : Infaillibilité d’un succès. Ϧ Auj. Caractère de ce qui ne peut manquer de réussir, d’être efficace : L’infaillibilité d’un remède, d’une méthode. Ϧ 2. Qualité d’une personne qui n’est pas sujette à l’erreur ; impossibilité de se tromper : La connaissance de tout ce qui était vêtements, manière de les porter [...], et qu’il possédait jusque dans ses moindres détails avec une infaillibilité orgueilleuse (Proust). Sa voix brusque et bredouillante, qui trahissait à la fois la timidité de l’homme et l’infaillibilité du chef (France). Ϧ Spécialem. Privilège par lequel l’Église et le pape ne peuvent enseigner officiellement l’er- reur en matière de dogme et de morale. Ϧ Caractère d’une action humaine qui ne peut être entachée d’erreur : Infaillibilité d’un jugement. infaillible [ɛ̃fajibl] adj. (francisation, d’après faillible [v. ce mot], du bas lat. infallibilis, infaillible [VIIe s.], du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et fallere, tromper, manquer à sa parole, faire défaut, commettre une faute ; XIVe s., Nature à l’alchimie, au sens de « inaltérable » [en parlant d’une matière] ; v. 1460, G. Chastellain, au sens de « qui ne peut faire défaut » [en parlant de Dieu] ; sens 1, 1580, Montaigne [« dont le succès est assuré », 1669, Molière] ; sens 2, av. 1662, Pascal ; sens 3, 1669, Bossuet). 1. Vx. Qui ne peut manquer de se produire : Ô doux rêve, promis à l’infaillible oubli (Leconte de Lisle). ϦAuj. Dont le succès est assuré : Un remède, un procédé infaillible. Ceux-ci [les romantiques] ont cru que les effets d’art les plus infaillibles étaient dans le laid moral (Michelet). Ϧ 2. Qui ne peut induire en erreur : Le luxe général est la marque infaillible d’un empire puissant et respecté (Voltaire). Ϧ3. Qui ne peut se tromper : Et je ne crois pas qu’ils [le Juge et le Prince] aient eu jamais la volonté d’être injustes : hélas, tout au contraire ils se croyaient justes et infaillibles (Alain). • SYN. : 2 assuré, certain, évident, manifeste, sûr. infailliblement [ɛ̃fajibləmɑ̃] adv. (de infaillible ; milieu du XVe s., J. Joret, au sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. De façon infaillible, immanquablement : Dans sa pensée, l’idée des voleurs était infailliblement associée à celle des bois, n’eussent-ils qu’un arpent d’étendue (Sand). Ϧ 2. Sans possibilité d’erreur : Les astrologues prétendent prédire infailliblement l’avenir. • SYN. : 1 fatalement, forcément, inéluctablement, inévitablement, nécessairement, obligatoirement ; 2 à coup sûr, certainement. infaisable [ɛ̃fəzabl] adj. (de in- et de faisable ; début du XVIIe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1854, Nerval). 1. Qu’on ne peut pas faire : Rentrer chez elle à pied n’était pas infaisable : la joie de toucher au but l’empêchait de sentir tout le poids de sa fatigue (Martin du Gard). Ϧ2. Qui ne peut se faire, se réaliser : Et alors la vagabonde qu’elle est le jette dans les théories impossibles, dans les rêves infaisables (Nerval). • SYN. : 1 impossible, impraticable ; 2 inexécutable, irréalisable. infalsifiable [ɛ̃falsifjabl] adj. (de in- et de falsifiable ; 1867, Littré). Qui ne peut être falsifié (rare) : Un récit infalsifiable. infamant, e [ɛ̃famɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de l’anc. v. infamer, déshonorer [XIIIe s., Sept Sages de Rome], lat. infamare, faire une mauvaise réputation à, décrier, blâmer, accuser, de infamis [v. INFÂME] ; 1557, Lespinasse, au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet). 1. Qui déshonore quelqu’un ; qui nuit à sa réputation : Madame, après une accusation aussi infamante, il convient d’en dire plus (Pagnol). C’est parce qu’ils impliquent le sacrifice d’une situation plus ou moins flatteuse à une douceur purement intime que, généralement, les mariages infamants sont les plus estimables de tous (Proust). Des propos infamants tenus sur une personne. Ϧ 2. Peine infamante, en droit, peine qui entraîne de plein droit certaines incapacités et déchéances : Des juges militaires, contraints ou trompés par leurs chefs hiérarchiques, ont condamné un innocent à une peine infamante et cruelle (France). [V. aussi AFFLICTIF.] • SYN. : 1 avilissant, dégradant, déshonorant, flétrissant, honteux, ignominieux. infâme [ɛ̃fɑm] adj. (lat. infamis, mal famé, décrié, de in-, préf. à valeur privative, et de fama, bruit colporté, renommée, réputation ; 1348, Varin, au sens I, 1 [« flétri par la loi » ; « flétri par l’opinion publique », fin du XIVe s., E. Deschamps] ; sens I, 2, milieu du XVe s. [maison infâme, 1873, Larousse — lieu infâme, même sens, 1690, Furetière] ; sens II, 1, av. 1549, Marguerite de Navarre ; sens II, 2, 1886, Bloy). I. 1. Class. Déshonoré, déconsidéré : Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour (Corneille). Ϧ Flétri par l’opinion publique : La condition des comédiens était infâme chez les Romains, et honorable chez les Grecs (La Bruyère). Ϧ 2. Qui avilit ou qui déshonore quelqu’un : Complaisance infâme. Ce mensonge infâme et qui m’indignait servait de paravent à une plus infâme vérité (Balzac). J’ai toujours tremblé devant les hommes [...], leurs préjugés infâmes (Maupassant). Ϧ Maison infâme, lieu de débauche, de prostitution : Cette maison infâme, toute résonnante encore des fureurs lascives de sa triste épouse (Aymé). II. 1. Qui provoque le dégoût, sale, répugnant : Taudis infâme. Loques infâmes. Il crachait encore à plusieurs reprises [...] pour bien laver d’un infâme contact sa langue et son palais (Ch.-L. Philippe). Des abricots cadavéreux, d’un jaune infâme de sorcière (Zola). Ϧ 2. Que l’on ne peut supporter, qui blesse la sensibilité : Une infâme odeur de putréfaction. • SYN. : I, 2 avilissant, dégradant, déshonorant, flétrissant, honteux, ignominieux, indigne, infamant. Ϧ II, 1 abject, ignoble, immonde, sordide ; 2 atroce, horrible, infect. downloadModeText.vue.download 56 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2608 & n. (1458, Mystère du Vieil Testament). Personne indigne, vile : Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, | Ou de vivre en infâme (Corneille). & n. m. (28 nov. 1762, Voltaire). Chez Voltaire et les encyclopédistes, la superstition et l’intolérance : Malgré eux, ils [les encyclopédistes] ont encore laissé assez de grandeur à l’infâme (Chateaubriand). infâmement [ɛ̃fɑməmɑ̃] adv. (de infâme ; XVe s., Du Cange). Class. De façon déshonorante : Il n’y a point d’exemple que jamais gens de cheval ait [sic] plus infâmement abandonné son devoir (Chapelain). infamie [ɛ̃fami] n. f. (lat. infamia, mauvaise renommée, déshonneur, honte, de infamis [v. INFÂME] ; XIIIe s., au sens I, 1 ; sens I, 2, 1549, R. Estienne ; sens I, 3, 1580, Montaigne ; sens I, 4, 1647, Corneille ; sens 1, 5, v. 1355, Bersuire [« oeuvre littéraire ou partie d’une oeuvre littéraire de peu de valeur... », 1694, Bossuet] ; sens II, 1, fin du XVIe s., Brantôme ; sens II, 2, XXe s.). I.1.Class. Flétrissure morale infligée à quelqu’un : Et j’aime mieux voir mort que couvert d’infamie | Ce que vient de m’ôter une main ennemie (Corneille). Ϧ2. Spécialem. et vx. Déchéance que la loi infligeait aux personnes condamnées à certaines peines : Ils y sont reconnaissables à la roue ou rouelle de drap qu’ils portent sur leurs vêtements, en signe d’infamie (France). Les censeurs romains notaient d’infamie les citoyens de mau- vaises moeurs. Ϧ 3. État, condition d’une personne. flétrie par la loi ou avilie moralement : Mourir dans l’infamie. Ϧ Banc d’infamie, banc des accusés : Il me prédit que je finirai au banc d’infamie (Aymé). Ϧ4. Caractère d’une personne ou d’une action infâme : L’infamie d’un traître. L’infamie d’un crime. Ϧ 5. Action vile, honteuse : Commettre, subir une infamie. ϦSpécialem. et vx. OEuvre littéraire ou partie d’une oeuvre littéraire de peu de valeur ou méprisable : Et ce sont ces plates infamies qu’on a jouées pendant plus d’un siècle alternativement avec « le Misanthrope » (Voltaire). II. 1. Fam. Chose infâme, sale, répugnante, qui choque ou qui est désagréable : Vous voulez aller perdre votre santé dans les infamies de Paris, comme tant d’ouvriers qui finissent par aller mourir à l’hôpital (Balzac). Ça pue ici [...]. C’est une infamie (Bataille). Ϧ 2. Chose qui choque par sa laideur : Il n’y a que ces affreuses lunettes [...]. Pourquoi donc portez-vous des infamies pareilles ? (Pailleron). • SYN. : I, 4 abjection, déshonneur, flétrissure, honte, ignominie, opprobre, turpitude ; 5 bassesse, vilenie. ϦII, 1 abomination ; 2 horreur. & infamies n. f. pl. (1690, Furetière). Paroles injurieuses susceptibles de nuire à la réputation de quelqu’un : Dire de quelqu’un cent infamies. infant, e [ɛ̃fɑ̃, -ɑ̃t] n. (esp. infante, infant, lat. infans, -antis, qui ne parle pas, enfantin, et comme n., « jeune enfant » [v. ENFANT] ; 1407, Lannoy, au sens 1 ; sens 2, XVIe s.). 1. Titre donné aux enfants puînés des rois d’Espagne et de Portugal, et, par extens., de quelques grands seigneurs d’Espagne et du Portugal. Ϧ2. Vx et fam. Femme aimée : Il faudra bien enfin s’adoucir, mon infante (Hugo). infanterie [ɛ̃fɑ̃tri] n. f. (anc. ital. infanteria, infanterie [fin du XIVe s. — mot devenu, par aphérèse, fanteria, au début du XVIe s.], de infante, fantassin, proprem. « enfant » [lat. infans, -antis, v. l’art. précéd.] ; milieu du XVIe s., Ronsard [enfanterie, forme plus francisée, début du XVIe s. ; infanterie de marine, 1774, d’après Larousse, 1873 ; infanterie coloniale, 1902, Larousse ; infanterie portée, motorisée, 1948, Larousse]). Vx. Ensemble des gens de guerre se déplaçant et combattant à pied : L’infanterie, arme roturière, s’opposait à la cavalerie, arme noble. Ϧ Auj. Ensemble des troupes combattant à pied et qui assurent la conquête et l’occupation du terrain : Je fis occuper la montagne par des détachements d’infanterie et placer des cavaliers pour en surveiller les abords (France). L’infanterie a été surnommée la « reine des batailles ». ϦInfanterie de marine, infanterie coloniale, corps d’infanterie des troupes coloniales ou d’outre-mer. ϦInfanterie portée, motorisée, infanterie disposant de moyens de transport pour effectuer rapidement ses déplacements. 1. infanticide [ɛ̃fɑ̃tisid] adj. et n. (bas lat. infanticida, personne qui tue son enfant, du lat. class. infans, -antis [v. INFANT], et caedere, frapper, tuer ; av. 1553, Rabelais, comme adj. ; comme n., 1721, Trévoux). Personne qui tue volontairement un enfant, généralement un nouveau-né : Mère infanticide. Condamner une infanticide à dix ans de prison. 2. infanticide [ɛ̃fɑ̃tisid] n. m. (bas lat. infanticidium, meurtre d’un enfant, du lat. class. infans, -antis, et caedere [v. l’art. précéd.] ; 1611, Cotgrave, au sens de « meurtre d’un enfant » ; « meurtre d’un nouveau-né », 1835, Acad.). Meurtre d’un enfant, généralement d’un nouveau-né : Les Anciens admettaient l’infanticide (Chateaubriand). infantile [ɛ̃fɑ̃til] adj. (bas lat. infantilis, d’enfant, enfantin, du lat. class. infans, -antis [v. INFANT] ; 1563, Bonivard, au sens de « enfantin » [enfantil, forme plus francisée, v. 1190, Sermons de saint Bernard] ; sens 1, 15 mars 1870, Revue des Deux Mondes, p. 367 ; sens 2, 1902, Larousse ; sens 3, 1891, Huysmans). 1. Relatif à l’enfant en bas âge : Maladie infantile. Un homme spécialisé dans son métier est séparé du stade infantile par des années d’apprentissage (Beauvoir). Ϧ 2. Spécialem. Qui a gardé à l’âge adulte certains caractères physiologiques et psychologiques d’un enfant en bas âge. Ϧ 3. Péjor. Propre à la personne dont le développement intellectuel et affectif est comparable à celui d’un enfant : Un comportement infantile. Il est à la fois infantile et vieux avec sa mèche à la Girardin sur le front (Huysmans). • SYN. 3 enfant, enfantin, gamin, gosse (fam.), puéril. & n. (1952, Porot). Personne atteinte d’infantilisme. infantilisme [ɛ̃fɑ̃tilism] n. m. (de infantile ; 1902, Larousse). Anomalie consistant dans la persistance ou la réapparition anormale de certains caractères de l’enfance à l’âge adulte : L’infantilisme résulte souvent de tares héréditaires. infarctus [ɛ̃farktys] n. m. (mot du lat. scientif. moderne, qui représente une transcription incorrecte du lat. class. infartus, part. passé de infarcire, var. de infercire, bourrer, fourrer dans, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de farcire, farcir [v. FARCIR] ; 1867, Littré). Toute lésion viscérale, d’aspect généralement nécrotique, provoquée par un trouble circulatoire et qui s’accompagne le plus souvent d’une infiltration sanguine : Infarctus pulmonaire. Ϧ Infarctus du myocarde, ou simplem. infarctus, occlusion coronarienne aiguë, qui provoque une irrigation insuffisante du muscle cardiaque. infatigabilité [ɛ̃fatigabilite] n. f. (dér. savant de infatigable ; av. 1660, Scarron). Qualité d’une personne ou d’une chose infatigable : L’infatigabilité des cordes de la voix (Michelet). infatigable [ɛ̃fatigabl] adj. (lat. infatigabilis, infatigable, de in-, préf. à valeur négative, et de fatigare, épuiser, harasser ; 1488, Vaganay, au sens 1 ; sens 2, 1532, Rabelais ; sens 3, 1690, Furetière). 1. Qui n’est jamais ou difficilement atteint par la fatigue : Un bavard infatigable. Je foule, infatigable, les sentiers de ma sainte montagne (Barrès). Ϧ2. Propre à quelqu’un qui ne connaît pas la fatigue : Des jambes infatigables. Une ardeur infatigable. Ϧ3. Se dit d’une chose dont la puissance de travail, le rendement ne faiblissent pas à l’usage : [Le chalutier] travaille la mer, infatigable, la voile gonflée (Maupassant). • SYN. : 1 inlassable ; 2 endurant, puissant, résistant, robuste, vigoureux. — CONTR. : 1 déficient, délicat, fragile ; 2 faible. infatigablement [ɛ̃fatigabləmɑ̃] adv. (de infatigable ; 1495, Vignay). De façon infatigable : Répéter infatigablement les mêmes explications. Elle lisait infatigablement d’une voix égale et claire (L. Descaves). • SYN. : inlassablement. infatuation [ɛ̃fatɥasjɔ̃] n. f. (de infatuer ; début du XVIIe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1848, downloadModeText.vue.download 57 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2609 Chateaubriand). 1. Class. Sentiment d’une personne infatuée d’une autre : Dubois n’oublia rien pour confirmer Canillac dans son infatuation pour Stairs (Saint-Simon). Ϧ2. Attitude d’une personne qui est exagérément contente d’elle-même : À la vue de mes parchemins, il ne tiendrait qu’à moi, si j’héritais de l’infatuation de mon père et de mon frère, de me croire cadet des ducs de Bretagne (Chateaubriand). Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine (Baudelaire). La certitude religieuse donne à ce robuste esprit [P. Claudel] une infatuation déplorable (Gide). • SYN. : 2 fatuité, orgueil, outrecuidance, prétention, suffisance, superbe, vanité. infatué, e [ɛ̃fatɥe] adj. (part. passé de infatuer ; 1488, Vaganay, au sens de « rempli d’une passion ridicule [pour] » ; sens 1, 1529, Lassere ; sens 2, av. 1696, La Bruyère ; sens 3, 1834, Sainte-Beuve). 1. Class. et littér. Qui a un engouement, une grande passion pour quelqu’un ou pour quelque chose : Il ne vous connaît plus ; et comment vous connaîtrait-il puisque, infatué de sa nouvelle grandeur, il ne se connaît plus luimême (Bourdaloue). Origet [le docteur], infatué de je ne sais quelle doctrine, voyait une altération dans les tumeurs, tandis qu’il ne devait s’occuper que du pylore (Balzac). Sous Louis XIV, les Français avaient plus de droit que nous n’avons d’être infatués de la France (Gide). Ϧ 2. Qui a une opinion trop avantageuse de soi. Ϧ 3. Qui dénote de l’infatuation : Un air infatué. • SYN. : 2 fat, orgueilleux, outrecuidant, prétentieux, puant (fam.), vain, vaniteux ; 3 fier, hautain, suffisant. — CONTR. : 2 humble, modeste ; 3 discret, effacé. infatuer [ɛ̃fatɥe] v. tr. (lat. infatuare, rendre sot, déraisonnable, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de fatuus, insensé, extravagant ; v. 1380, Aalma, au sens de « rendre inepte » ; sens 1, 1530, Palsgrave ; sens 2, av. 1696, La Bruyère [au passif ; à l’actif, 10 sept. 1922, A. Gide]). 1. Class. et littér. Rendre ridiculement passionné de quelqu’un ou de quelque chose : Un fourbe qui avait su infatuer son maître au point de pouvoir tout entreprendre (Saint-Simon). Infatué de son rêve fatigant, il voudra en infatuer et en fatiguer les autres (Baudelaire). Ϧ 2. Rendre excessivement content de soi (surtout au passif) : Être infatué de sa personne. La communion les [trois artistes convertis] infatue (Gide). & s’infatuer v. pr. (sens 1, 1530, Palsgrave ; sens 2, XXe s.). 1. Vx et littér. Être pris d’un engouement pour quelqu’un ou pour quelque chose : On a vu des familles royales tomber dans d’irréparables erreurs en s’infatuant d’une fausse idée de leur nature (Chateaubriand). Lady Stanhope, qui vivait dans le pays des Druses, et qui s’était infatuée de leurs idées (Nerval). Ϧ 2. Absol. Avoir une trop bonne opinion de soi : Une époque où l’art, n’ayant plus place, ne pouvant prendre part active et trouver son motif dans la vie, s’isole orgueilleusement, s’infatue et méprise ce qui n’a pas su le priser (Gide). infécond, e [ɛ̃fekɔ̃, -ɔ̃d] adj. (lat. infecundus, infécond, stérile, de in-, préf. à valeur négative, et de fecundus, fécond, fertile, riche, fertilisant ; v. 1450, Gréban, au sens 3 ; sens 1-2, v. 1560, Paré). 1. Qui n’est pas fécond, qui est impropre à la reproduction : Une femelle inféconde. Épouse inféconde ; et par extens. : Un oeuf infécond. Une graine inféconde. Ϧ 2. Qui donne peu de récoltes : Les deux paysans besognaient dur sur la terre inféconde pour élever tous leurs petits (Maupassant). Ϧ 3. Fig. Qui ne produit rien ; qui ne donne aucun résultat : Auteur infécond. Pensée inféconde. Recherche inféconde. La civilisation est montée à son plus haut point, mais civilisation matérielle, inféconde, qui ne peut rien produire, car on ne saurait donner la vie que par les routes du ciel : les chemins de fer nous conduiront seulement avec plus de rapidité à l’abîme (Chateaubriand). Par une innovation qui, peut-être, ne demeurera pas inféconde (Barrès). On se tue parce que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, voilà une vérité sans doute — inféconde cependant parce qu’elle est truisme (Camus). • SYN. : 1 bréhaigne (vx), stérile ; 2 aride, improductif, infertile, maigre, pauvre ; 3 stérile, vain. — CONTR. : 1 fécond, prolifique ; 2 fertile, généreux, gros, productif ; 3 créateur, inventif, prometteur. infécondité [ɛ̃fekɔ̃dite] n. f. (lat. infecunditas, infécondité, stérilité, de infecundus [v. l’art. précéd.] ; v. 1378, J. Le Fèvre). Caractère d’un être ou d’une chose inféconds : L’infécondité d’un animal, d’une plante. L’infécondité d’un écrivain, d’une idée. • SYN. : infertilité, stérilité. infect, e [ɛ̃fɛkt] adj. (lat. infectus, part. passé de inficere, imprégner, recouvrir, infecter, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de facere, faire ; v. 1361, Oresme, au sens de « perverti » [en parlant du goût] ; 1363, Isambert, au sens de « empesté, plein de miasmes » [en parlant de l’air] ; sens 1, 1552, R. Estienne ; sens 2, fin du XVe s., Molinet [« très mauvais », 1850, Flaubert] ; sens 3, 1458, Mystère du Vieil Testament). 1. Qui exhale des émanations très désagréables, puantes, écoeurantes : Une odeur infecte d’essence, de drap roussi, emplit ses narines, sa gorge (Martin du Gard). Une odeur infecte d’oeuf pourri, de charogne. Ϧ 2. Fam. Qui inspire le dégoût par sa saleté : Taudis infect. Ϧ Très mauvais : L’on respirait une infecte odeur de cuisine (Carco). Nourriture infecte. Temps infect. Ϧ3. Fig. Qui inspire un profond dégoût moral : Ouvrage infect. Un acte infect. Pensez que le bon docteur Cottard, qui ne dit jamais de mal de personne, déclare lui-même qu’elle est infecte (Proust). • SYN. : 1 fétide, nauséabond, pestilentiel, putride ; 2 abject, immonde, répugnant ; abominable, horrible ; 3 ignoble, infâme. infectant, e [ɛ̃fɛktɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de infecter ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Qui produit l’infection : Un microbe infectant. infecter [ɛ̃fɛkte] v. tr. (de infect ; 1416, Isambert, au sens de « corrompre, empoisonner [l’air, une rivière] » ; sens I, 1, 1530, Palsgrave [aussi « incommoder en exhalant une mauvaise odeur »] ; sens I, 2, av. 1880, Flaubert [absol., 1845, Bescherelle] ; sens II, 1, v. 1530, C. Marot [« rendre corrompu ou malsain », 1677, Racine] ; sens II, 2, 1431, Isambert). I.1.Imprégner d’émanations puantes, malsaines : Usines qui infectent toute une région. Ϧ Spécialem. Incommoder en exhalant une mauvaise odeur : Cet homme nous infecte avec son haleine. Ϧ 2. Vx. Exhaler une mauvaise odeur : Un ouvrier champêtre qui infectait l’eau-de-vie (Flaubert). Ϧ Absol. Sentir très mauvais (rare) : Fi ! la sale guenille ! Elle infecte (Curel). Un marais qui infecte. II. 1. Contaminer par des germes infectieux : Une plaie infectée par la gangrène. Les vêtements infectés des victimes de la variole (Lévi-Strauss). Ϧ Rendre corrompu ou malsain : La chaleur infecte les eaux stagnantes. Ϧ 2. Fig. et littér. Souiller ou corrompre moralement : Les désirs de plaire infectent toutes ses actions (Massillon). • SYN. : I, 1 empester, empoisonner, empuantir ; 2 puer ; cocoter (pop.), cogner (pop.). Ϧ II, 1 contagionner, polluer, souiller ; 2 contaminer, gangrener, gâter, pourrir. • REM. Le verbe infecter est parfois confondu avec infester. & s’infecter v. pr. (milieu du XVIe s., Ronsard). Être atteint par l’infection : Un doigt, une plaie qui s’infecte. infectieux, euse [ɛ̃fɛksjø, -øz] adj. (de infect[ion] ; 1838, Acad., aux sens 1-2 [a remplacé infectueux, « corrompu, infecté » — fin du XIVe s. —, dér. de infecter]). 1. Qui produit ou qui communique l’infection : Germe infectieux. Ϧ 2. Qui s’accompagne d’infection, ou qui résulte d’une infection : Maladie infectieuse. • SYN. : 1 pathogène. infection [ɛ̃fɛksjɔ̃] n. f. (bas lat. infectio, action de teindre, teinture, et, au fig., « opprobre, déshonneur », de infectum, supin du lat. class. inficere [v. INFECT] ; XIIIe s., Hystore Job, au plur., au sens de « sentiments impurs, pensées impures » ; au sing., au sens II, 1, 1314, Mondeville ; downloadModeText.vue.download 58 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2610 sens I, 1, v. 1695, Fénelon [« pourriture, en général », 1636, Monet] ; sens I, 2, 1465, Medium Aevum [II, 33] ; sens I, 3, 1857, Baudelaire ; sens II, 2, 1484, Ordonnance royale ; sens II, 3, 1829, Boiste). I.1.Action d’infecter ; état résultant de cette action : L’infection d’un marécage. Ϧ 2. Odeur puante et malsaine : Il répand la puanteur et l’infection (Massillon). Dans sa boîte mince, un géromé anisé répandait une infection telle, que des mouches étaient tombées autour de la boîte (Zola). L’infection qui monte du marais. Ϧ 3. Ce qui exhale une grande puanteur ou provoque un grand dégoût : Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, | À cette horrible infection, | Étoile de mes yeux, soleil de ma nature, | Vous, mon ange et ma passion (Baudelaire). II. 1. Pénétration et développement dans l’organisme de germes pathogènes : Transmettre l’infection. Foyer d’infection. Ϧ 2. Ensemble des troubles qui en résultent : Infection purulente, puerpérale. Ϧ3. Fig. Corruption morale contagieuse : Les éléments impurs qui de toutes parts s’amassaient à Rome, comme en un égout, avaient formé là un foyer d’infection (Renan). • SYN. : I, 2 puanteur, pestilence. infectum [ɛ̃fɛktɔm] n. m. (neutre du lat. infectus, non fait, non réalisé, de in-, préf. à valeur négative, et de factus, part. passé de facere, faire ; 1962, Larousse). En linguistique, système de formes dérivées du présent et donnant l’action comme non achevée. (Contr. PERFECTUM.) infélicité [ɛ̃felisite] n. f. (lat. infelicitas, malheur, infortune, de infelix, -licis, malheureux, funeste, de in-, préf. à valeur négative, et de felix, -licis, fécond, fertile, heureux ; 1376, Godefroy, au sens 1 [« manque de succès », début du XVIIe s., Malherbe] ; sens 2, 1600, O. de Serres). 1. Class. et littér. Manque de bonheur : Ils [Rodrigue et Chimène] tombent dans l’infélicité par cette faiblesse humaine dont nous sommes capables comme eux (Corneille). ϦClass. Manque de succès : Aimez même l’infélicité de votre bienfait (Malherbe). Ϧ2. Class. Manque de qualités favorables : Il se sent gêné par l’infélicité de son naturel (Saint-Évremond). inféodation [ɛ̃feɔdasjɔ̃] n. f. (de inféoder ; 1467, Bartzsch, au sens 1 [var. infeudacion, 1393, Douët d’Arcq] ; sens 2, 1701, Furetière ; sens 3, 1870, G. Du-chêne). 1. Contrat par lequel un seigneur donnait en fief une terre à quelqu’un. Ϧ 2. Acte par lequel on unissait un bien ou un droit à un fief. Ϧ 3. Fig. Action de se soumettre, de s’attacher étroitement : On m’a bien souvent reproché, depuis lors, je ne sais quelle inféodation à la pensée anglo-saxonne (Lévi-Strauss). • SYN. : 3 asservissement, obédience, soumission, sujétion. inféoder [ɛ̃feɔde] v. tr. (lat. médiév. infeodare, inféoder, du lat. class. in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et du lat. médiév. feodum, fief [une des formes lat. correspondant au franç. fief, v. ce mot] ; 1411, Coutumes d’Anjou, au part. passé, écrit infeudé [inféodé, XVIe s.], au sens de « dû pour la possession d’un fief » ; à l’infin., au sens 1, 1680, Richelet [pour une dîme, XVIe s., Loisel] ; sens 2, 1867, Littré). 1. Donner une terre pour qu’elle soit tenue en fief : Les ducs de Bretagne, successeurs d’Alain, inféodèrent ces domaines à des chevaliers bretons (Chateaubriand). Ϧ Inféoder une dîme, confier à quelqu’un la perception d’une dîme. Ϧ 2. Soumettre, attacher une personne par des liens d’étroite dépendance (surtout au passif) : Il se laissa effleurer par le regret de n’être pas inféodé à un parti réactionnaire (Aymé). Être inféodé à un chef, à une société financière. & s’inféoder v. pr. (1840, Acad.). S’attacher par un lien d’étroite dépendance : S’inféoder à un parti. Tâchant chaque fois de se rendre aimable, serviable, s’inféodant, comme eût dit Homais (Flaubert). • SYN. : s’asservir, s’enchaîner, servir, se soumettre, suivre. infère [ɛ̃fɛr] adj. (lat. inferus, qui est audessous, inférieur ; v. 1770, J.-J. Rousseau). En botanique, se dit d’un ovaire qui est situé au-dessous des points d’intersection des sépales, pétales et étamines. inférence [ɛ̃ferɑ̃s] n. f. (de inférer ; 1606, Crespin). Opération logique par laquelle on passe d’une proposition tenue pour vraie à une autre proposition : La déduction est une inférence. inférer [ɛ̃fere] v. tr. (adaptation du lat. inferre, porter ou jeter dans, vers, sur, contre, mettre en avant un raisonnement, une conclusion ; v. 1340, J. Le Fèvre, au sens de « introduire, faire naître [une inimitié, de la violence dans les rapports entre deux per- sonnes, une fraude dans une affaire, etc.] » ; sens actuel, v. 1450, Gréban). [Conj. 5 b.] Tirer une conséquence d’un fait ou d’un principe. • SYN. : conclure, déduire, induire. inférieur, e [ɛ̃ferjoer] adj. (lat. inferior, -oris, plus bas, plus faible, inférieur, compar. de inferus [v. INFÈRE] ; milieu du XVe s., J. de Bueil, écrit inferiore [inférieur, 1536, G. Chrestien], au sens 1 [pour la partie d’un fleuve située vers son embouchure, 1867, Littré] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1546, Rabelais ; sens 4, av. 1772, Duclos ; sens 5, 1482, Godefroy [X, 727 b], écrit inferieux — inférieur, fin du XVe s. ; sens 6, 1867, Littré ; sens 7, 1562, Du Pinet). 1. Situé en bas, plus bas, au-dessous (par opposition à supérieur) : La partie inférieure du corps. La mâchoire inférieure. Dans sa partie inférieure, l’escalier est obscur, même au fort de la belle saison (Duhamel). Ϧ Spécialem. Se dit de la partie d’un fleuve située vers son embouchure : La Loire inférieure. ϦAdjoint à un nom de fleuve, a servi à désigner certains départements. (V. Rem.) Ϧ2. Inférieur à, qui est moindre en quantité, en importance (par opposition à supérieur) : La récolte a été inférieure à celle des années précédentes. Attaquer l’ennemi avec des forces inférieures en nombre et en matériel. Ϧ 3. Inférieur à, qui a une valeur moins grande que : Un ouvrage inférieur au précédent. Ils étaient humiliés de se voir inférieurs à un plus jeune et me prenaient en haine (Vigny) ; et absol. : Des marchandises de qualité inférieure. Ϧ 4. Inférieur à, qui ne correspond pas à la valeur d’une chose ou d’une personne : Un emploi inférieur à ses qualités professionnelles. Il n’a pas été inférieur à ce qu’on pouvait attendre de lui ; et absol. : Jouer un rôle inférieur. Ϧ 5. Dans une hiérarchie, qui est moindre par le rang ou la dignité : Les formes inférieures de l’activité humaine. Ϧ 6. Se dit d’espèces animales ou végétales peu évoluées, dont les organes sont rudimentaires. ϦSinges inférieurs, singes à queue qui présentent un degré d’évolution moindre que les singes anthropoïdes. Ϧ 7. Se dit d’une planète qui est plus rapprochée du Soleil que la Terre : Mercure et Vénus sont des planètes inférieures. • SYN. : 3 médiocre ; 5 mineur, secondaire. • REM. 1. Le terme inférieur en référence au département traversé par le cours inférieur d’un fleuve, ayant été considéré comme dépréciatif, a été remplacé par ceux de maritime, atlantique ; on dit : la Seine-Maritime, la CharenteMaritime, la Loire-Atlantique. 2. L’adjectif inférieur comportant une idée de comparaison, il n’est pas d’usage de l’employer au comparatif ; cependant, on peut dire au superlatif : Il est très inférieur à son frère. & n. (1683, Fléchier). Personne moindre en rang ou en dignité : Il ne veut pas converser avec ses inférieurs. • SYN. : sous-ordre, subalterne, subordonné. inférieurement [ɛ̃ferjoermɑ̃] adv. (de inférieur ; 1584, R. Ét. Rab. [V, 167], au sens 2 ; sens 1, 1802, Annales du Muséum national d’histoire naturelle [I, 132]). 1. Dans une partie inférieure : Le reflet de ses bottes sur le trottoir mouillé, qui semblait un lac, le prolongeait inférieurement (France). On appelle terrains anciens ceux qui sont situés inférieurement aux autres. Ϧ 2. Fig. Moins bien : Les deux peintres ont traité le même sujet, mais l’un bien inférieurement à l’autre. infériorisation [ɛ̃ferjɔrizasjɔ̃] n. f. (de inférioriser ; 1968, Larousse). Le fait d’inférioriser. downloadModeText.vue.download 59 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2611 inférioriser [ɛ̃ferjɔrize] v. tr. (de inférieur, d’après le lat. inferior [v. INFÉRIEUR] ; 1878, Vallès, au sens 2 ; sens 1, 1919, Hamp). 1. Rendre inférieur. (Rare.) Ϧ2. Donner à quelqu’un un sentiment d’infériorité. infériorité [ɛ̃ferjɔrite] n. f. (de inférieur, d’après le lat. inferior [v. INFÉRIEUR] ; 1580, Montaigne, au sens 2 [en grammaire, 1863, Littré, art. comparatif] ; sens 1, 1867, Littré ; sens 3, av. 1922, Proust). 1. Situation inférieure, plus basse (rare) : Une infériorité de niveau. Ϧ 2. Fig. Caractère d’une personne ou d’une chose inférieure à une autre : Il se sentait en état d’infériorité sans avoir précisément peur (Aymé). Conscient de son infériorité sociale, il n’osait lever les yeux sur elle (Queneau). Infériorité en forces et en matériel. Infériorité intellectuelle, sociale. ϦSpécialem. Comparatif ou super- latif d’infériorité, en grammaire, forme de comparatif ou de superlatif par laquelle on exprime le degré inférieur. Ϧ3. Impression d’être inférieur à la normale ou à un idéal désiré : Complexe, sentiment d’infériorité. • SYN. : 2 faiblesse, handicap. infermentescible [ɛ̃fɛrmɑ̃tesibl] adj. (de in- et de fermentescible ; 1867, Littré). Qui n’est pas susceptible de fermenter : On a rendu cette substance infermentescible. • SYN. : imputrescible, pasteurisé, stérilisé. infernal, e, aux [ɛ̃fɛrnal, -o] adj. (bas lat. infernalis, de l’enfer, infernal, du lat. class. infernus, d’en bas, d’une région inférieure, des enfers [et, comme n. m. dans la langue ecclés. de basse époque, « l’Enfer »], dér. de infer, forme archaïque de inferus [v. INFÈRE] ; v. 1130, Eneas, au sens 1 [pierre infernale, 1690, Furetière] ; sens 2, 1667, Boileau [machine infernale, 1704, Trévoux] ; sens 3, av. 1799, Marmontel [cycle infernal, 1957, Robert] ; sens 4, 1867, Littré [« difficile à supporter », 1680, Mme de Sévigné]). 1. Qui appartient aux enfers : Abîmes, démons, esprits infernaux. Puissances infernales. ϦSpécialem. et vx. Pierre infernale, crayon de nitrate d’argent employé pour les cautérisations, et ainsi nommé à cause de la sensation de brûlure qu’il provoque. Ϧ 2. Digne de l’enfer par l’horreur que cela inspire : Les scènes infernales tracées dans la chambre funéraire de Corneto représentent les monstres de l’ignorance et de la peur (France). Ce monde infernal où des hommes sont encore tués, menacés, déportés, où la guerre se prépare (Camus). Cruauté, ruse infernale. Ϧ Machine infernale, engin muni d’un dispositif devant déclencher une explosion meurtrière : Cadoudal prépara contre Bonaparte la machine infernale de la rue Saint-Nicaise. Ϧ 3. Qui a quelque chose de furieux, de désordonné : Bruit, tapage, rythme infernal. Et sur le jeune comte Angus il s’abattit | D’un tel air infernal que le pauvre petit | Tourna bride, jeta sa lance et prit la fuite (Hugo). Ϧ Cycle infernal, cycle qu’on ne peut interrompre. Ϧ4. Semblable aux êtres infernaux, aux démons : Mais infernale ou pas, toute créature avec laquelle on commet le péché est inspirée par le démon (Aymé). ϦPar exagér. et fam. Difficile à supporter : Enfant infernal. Temps infernal. Travail infernal. • SYN. : 2 démoniaque, diabolique, méphistophélique, satanique ; 3 démentiel ; endia- blé, forcené ; 4 démoniaque ; insupportable, terrible. inférovarié, e [ɛ̃ferɔvarje] adj. (comp. savant de infère et de ovaire [v. ces mots] ; 1845, Bescherelle). Se dit de végétaux dans lesquels l’ovaire est infère. infertile [ɛ̃fɛrtil] adj. (bas lat. infertilis, infertile, stérile, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et fertilis, fertile, productif, dér. de ferre, porter ; 1434, Archives de Bretagne [VII, 79], au sens 1 ; sens 2, 1580, Montaigne). 1. Se dit du sol qui n’est pas fertile, qui produit peu : La maison était isolée dans cette commune, située, comme on sait, au milieu de la plaine infertile (Balzac). Ϧ 2. Fig. Qui ne produit rien ou pas beaucoup : Imagination, écrivain infertile. La ville de Sancerre, riche d’un illustre passé, veuve de sa puissance militaire, est en quelque sorte vouée à un avenir infertile, car le mouvement commercial appartient à la rive droite de la Loire (Balzac). Ô follement que je m’offrais | Cette infertile jouissance (Valéry). • SYN. : 1 aride, désertique, improductif, ingrat, maigre, pauvre ; 2 infécond, stérile, vain. infertilité [ɛ̃fɛrtilite] n. f. (bas lat. infertilitas, stérilité, de infertilis [v. l’art. précéd.] ; 1546, Isambert). État, nature de ce qui est infertile : L’infertilité des sables. • SYN. : infécondité. — CONTR. fécondité, fertilité. infestation [ɛ̃fɛstasjɔ̃] n. f. (bas lat. infestatio, vexation, de infestatum, supin du lat. class. infestare [v. INFESTER] ; milieu du XIVe s., au sens de « action de tourmenter, d’ennuyer » ; milieu du XVIe s., aux sens de « action de ravager, dégât causé » ; sens 1, 1682, Bossuet ; sens 2, 1922, Larousse). 1. Vx. Action d’infester ; résultat de cette action : Ses prêtres [de saint Augustin] offrirent le saint sacrifice de la messe dans une maison pour la délivrer de l’infestation des malins esprits (Bossuet). Ϧ2. En médecine, état d’un organisme envahi par un parasite non microbien (ver, champignon) : L’infestation s’oppose à l’infection par des microbes. infester [ɛ̃fɛste] v. tr. (lat. infestare, harceler, ravager, de infestus, dirigé contre, ennemi, hostile ; 1390, Du Cange, au sens de « importuner [quelqu’un] en le pres- sant [de faire quelque chose] » ; v. 1460, G. Chastellain, au sens de « ennuyer, importuner » ; sens 1, 1552, R. Estienne ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1962, Larousse [« infecter, atteindre — en parlant d’une maladie — », 1570, Satires françaises du XVIe siècle, I, 130]). 1. Ravager un pays par des actes de violence fréquents ou continuels : Une troupe d’une cinquantaine de voleurs qui infestaient les chemins (Chateaubriand). Des brigands de tout poil recommençaient d’infester le pays (Gide). Ϧ 2. Abonder de façon à rendre un lieu malsain ou inhabitable : Un fleuve infesté de crocodiles. Les moustiques infestent souvent les contrées marécageuses. Ϧ 3. Spécialem. En médecine, en parlant de parasites non microbiens, pénétrer dans un organisme et l’envahir complètement. • SYN. : 1 dévaster, écumer, harceler, piller, saccager ; 2 envahir. infeutrable [ɛ̃føtrabl] adj. (de in- et de feutrer ; XXe s.). Se dit d’un textile qui, par suite d’un traitement spécial, ne feutre pas ou feutre peu : Un tricot garanti infeutrable. infibulation [ɛ̃fibylasjɔ̃] n. f. (du lat. infibulatum, supin de infibulare [v. l’art. suiv.] ; 1578, L. Joubert). Opération ayant pour but d’empêcher le coït et consistant à faire passer un anneau à travers le prépuce chez l’homme, à travers les grandes lèvres chez la femme : L’infibulation a été pratiquée dans l’Antiquité et chez certaines peuplades sauvages. infibuler [ɛ̃fibyle] v. tr. (lat. infibulare, attacher avec une agrafe, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de fibulare, attacher, agrafer, dér. de fibula, ce qui sert à fixer, appareil d’infibulation ; 1798, Acad.). Soumettre quelqu’un à l’infibulation. infidèle [ɛ̃fidɛl] adj. (lat. infidelis, peu sûr, inconstant, changeant [et, dans la langue ecclés. de basse époque, « mécréant »], de in-, préf. à valeur négative, et de fidelis, en qui on peut avoir confiance, dér. de fides, foi, confiance, loyauté ; XIIe s., au sens II ; sens I, 1, 1488, Vaganay [« peu honnête, peu scrupuleux », 1867, Littré] ; sens I, 2, 1685, Bossuet [« qui n’est pas fidèle en amour... », 1667, Racine] ; sens I, 3, 1488, Vaganay ; sens I, 4, 1651, Corneille). I. 1. Vx. Qui manque à ses devoirs envers quelqu’un : Sujets infidèles à leur roi. Serviteur infidèle à ses maîtres. Ϧ Vx. Qui trahit la confiance de quelqu’un ; peu honnête, peu scrupuleux : Caissier infidèle. Dépositaire, gérant infidèle. Ϧ 2. Qui n’est pas constant dans ses sentiments : Ami, camarade infidèle. Ϧ Spécialem. Qui n’est pas fidèle en amour ou dans le mariage : Elle était trop gentille pour lui faire de la peine et suffisamment infidèle pour se satisfaire ailleurs (Queneau). Amant infidèle. Ϧ 3. Qui ne respecte pas quelque chose qui engage ; qui manque à un engagement : Infidèle aux promesses faites. Infidèle aux dernières volontés de quelqu’un. Religieuse infidèle à ses voeux. downloadModeText.vue.download 60 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2612 Ϧ4. Qui manque à l’exactitude ou à la vérité ; qui reproduit en trahissant, en déformant : Récit, narrateur infidèle. Mémoire, souvenir infidèle. Traduction, interprète infidèle. II. Qui ne professe pas la foi religieuse considérée comme vraie : Le saint homme résolut de visiter sans retard ses enfants infidèles afin de les ramener à la foi (France). Populations infidèles. • SYN. : I, 2 inconstant ; léger, volage ; 3 parjure ; 4 erroné, inexact, mensonger. ϦII mécréant, païen. — CONTR. : I, 2 constant ; fidèle ; 4 correct, exact. & n. (sens I, 1, 1662, Corneille ; sens I, 2, 1873, Larousse ; sens II, v. 1330, Roman de Renart le Contrefait). I. 1. Personne qui n’est pas fidèle en amour (peu usité) : C’est une rude épreuve que fait subir à son infidèle la femme jalouse (Dumas). Ϧ2.Belles infidèles, nom donné au XVIIe s. à des traductions inexactes, mais élégantes. II. Les infidèles, ceux qui ne croient pas au Dieu considéré comme vrai : Combattre les infidèles. infidèlement [ɛ̃fidɛlmɑ̃] adv. (de infidèle ; av. 1464, J. Chartier). De façon infidèle : Rapporter infidèlement une conversation. infidélité [ɛ̃fidelite] n. f. (lat. infidelitas, infidélité [ɛ̃fidelite] n. f. (lat. infidelitas, infidélité, de infidelis [v. INFIDÈLE] ; 1492, Sept Sages de Rome, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1770, Raynal ; sens I, 3, 1665, Molière ; sens I, 4, 1652, Mme de Sévigné ; sens I, 5, 1655, Bossuet [« détail inexact », 1867, Littré] ; sens II, av. 1662, Pascal). I. 1. Vx. Caractère d’une personne infidèle, qui manque à ses devoirs envers quelqu’un : L’infidélité d’un sujet à son roi, d’un serviteur à son maître. Ϧ 2. Vx. Manque de probité : L’infidélité d’un caissier, d’un domestique. Ϧ 3. Manque de fidélité en amour, dans le mariage : L’infidélité d’un époux, d’un amant. Paul, ayant appris l’infidélité de Leila, en devint fou de douleur (France). Cybèle transforme Atys en un jeune pin, non pour se venger de son infidélité, mais pour le posséder et en être possédée à jamais (Mauriac). Ϧ 4. Manque de respect, de fidélité à quelque engagement : L’infidélité à la parole donnée, aux promesses faites. Ϧ5. Manque d’exactitude : Infidélité d’un récit, d’une traduction, d’un souvenir. ϦDétail inexact : Il y a beaucoup d’infidélités dans cette traduction. II. État de ceux qui n’appartiennent pas à une religion considérée comme la vraie. ϦVx. Caractère des infidèles au sens religieux du terme (peu usité) : Tous les peuples étaient dans l’infidélité (Pascal). • SYN. I, 1 déloyauté, félonie, perfidie, trahison ; 2 indélicatesse, malhonnêteté ; 3 inconstance, légèreté ; 5 inexactitude ; erreur, faute. — CONTR. : I, 1 loyauté ; 2 droiture, honnêteté, probité ; 5 exactitude. Ϧ II foi. & infidélités n. f. pl. (v. 1160, Benoît de Sainte-Maure [plaisamm., 1957, Robert]). Actes d’infidélité : Jadis le comte n’avait pas hésité à faire à sa femme de petites infidélités (Radiguet). Ϧ Plaisamm. Faire des infidélités à un commerçant attitré, se servir chez un autre. infiltrat [ɛ̃filtra] n. m. (de infiltrer ; 1962, Larousse). En radiologie, opacité pulmonaire homogène, circonscrite et peu étendue : L’infiltrat précoce prélude à la tuberculose pulmonaire. infiltration [ɛ̃filtrasjɔ̃] n. f. (de infiltrer ; 1503, Chauliac, au sens 2 ; sens 1, 1762, Acad. [absol., 1873, Larousse] ; sens 3, 1931, Mac Orlan ; sens 4, 1885, Renan). 1. Action par laquelle un liquide pénètre lentement dans un corps à travers ses interstices : Son herbe fine et jolie était arrosée par des infiltrations qui ruisselaient entre les fentes des rochers (Balzac). ϦAbsol. Pénétration de l’eau à travers une paroi : Infiltration dans un barrage, un toit en terrasse. Ϧ2. En médecine, pénétration diffuse d’un liquide ou de cellules dans un tissu : L’infiltration peut être pathologique, ou pratiquée à des fins thérapeutiques. Ϧ3. Action par laquelle de petits groupes d’hommes pénètrent selon un plan établi dans un pays. Ϧ Spécialem. En temps de guerre, pénétration de soldats à travers les lignes ennemies. Ϧ En temps de paix, introduction d’agents de renseignements dans les services ou organismes dont une autre nation veut pénétrer les secrets. Ϧ4. Fig. Pénétration lente et subreptice : L’infiltration des idées subversives. • SYN. : 2 épanchement. infiltrer (s’) [sɛ̃filtre] v. pr. (de in- et de filtrer ; 1503, Chauliac, au sens 2 ; sens 1, 1762, Acad. ; sens 3, 1863, Baudelaire ; sens 4, 1931, Mac Orlan ; sens 5, av. 1848, Chateaubriand). 1. Pénétrer peu à peu, en passant, comme à travers un filtre, par les pores d’un corps : L’eau s’infiltre dans le bois le plus dur. Ϧ2. En médecine, s’épancher dans un tissu organique : Le sang, en s’infiltrant à travers le tissu cellulaire souscutané, forme une ecchymose. Ϧ3. Pénétrer peu à peu à travers les interstices : Comme si elle [la neige] avait profité de ce moment d’inattention pour s’installer en dominatrice, pour s’infiltrer jusqu’entre les fentes des persiennes, sous les tuiles (Carco). Le vent, qui s’infiltrait en filets d’air par les portes battantes de l’entrée, circulait librement parmi les auditeurs (Camus). Ϧ4. Pénétrer furtivement par petits groupes ou isolément dans un endroit, et, spécialem., passer à travers un dispositif militaire : Nous venions d’apprendre que des groupes de manifestants s’infiltraient par les vignes dans la vieille ville (Vailland). Ϧ5. Fig. S’introduire furtivement : On ne peut savoir ce que c’est que la passion infiltrée avec la mélodie dans le sein d’un homme (Chateaubriand). Aujourd’hui, l’esprit voltairien, sceptique et railleur, s’est infiltré jusqu’au paysan breton (Nerval). • SYN. : 3 se couler, se glisser, s’insérer, s’insinuer ; 4 se faufiler. • REM. Au XVIIIe et au XIXe s., certains auteurs ont employé ce verbe à la forme transitive au sens de « pénétrer peu à peu, comme à travers un filtre » (1779, H. B. de Saussure [en médecine, 1867, Littré]), et au sens fig. de « faire pénétrer lentement » (1863, Th. Gautier). infime [ɛ̃fim] adj. (lat. infimus, le plus bas, le dernier, superl. de inferus, qui est au-dessous, inférieur ; XIVe s., Nature à l’alchimie, au sens 1 [« du niveau social le plus bas », v. 1460, G. Chastellain] ; sens 2, 1877, Littré, art. linguistiquement ; sens 3, début du XXe s.). 1. Vx. Qui est le plus bas, qui est au dernier degré dans une série, un classement : Situation infime. Un niveau infime. ϦLittér. Du niveau social le plus bas : Je contemplais la cataracte que révélèrent au vieux monde, non d’infimes voyageurs de mon espèce, mais des missionnaires (Chateaubriand). Ϧ 2. Qui est très petit par les dimensions, la valeur : Une quantité infime de ce poison suffit pour provoquer la mort d’un homme. Le regard pesant du vieux sauvage a vu briller au coin supérieur d’une vitre un infime reflet rougeâtre (Pergaud). À partir du moment où le plus infime espoir devint possible pour la population, le règne effectif de la peste fut terminé (Camus). Ϧ 3. Qui n’a pas beaucoup d’importance : Un détail, une chose infime. • SYN. : 2 dérisoire, insignifiant, minuscule, négligeable ; 3 léger, minime. infimité [ɛ̃fimite] n. f. (bas lat. infimitas, basse condition [du lat. class. infimus, v. l’art. précéd.], ou dér. savant du franç. infime ; fin du XVIIe s., Saint-Simon, au sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Vx. Condition d’une personne qui occupe le rang le plus bas : Fleury avait passé sa vie d’abord dans l’infimité, après à se pousser et à faire sa cour à tout le monde (Saint-Simon). Ce sentiment de mon infimité, de mon néant (Flaubert). Ϧ 2. Caractère de ce qui est infime par les dimensions, la valeur, l’importance (rare) : La médiocrité, l’infimité visible du chiffre de l’indemnité (Littré). in fine [infine] loc. adv. (loc. du lat. moderne signif. proprem. « à la fin », et formée des mots du lat. class. in, en, dans, et fine, ablatif de finis, limite, borne, fin ; 1902, Larousse). Dans la partie finale, dans les dernières lignes. infini, e [ɛ̃fini] adj. (lat. infinitus, sans fin, indéterminé, de in-, préf. à valeur négative, et de finitus, part. passé de finire, limiter, borner [au pr. et au fig.], achever, dér. de finis downloadModeText.vue.download 61 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2613 [v. l’art. précéd.] ; XIIIe s., Godefroy, écrit infinit [infini, XIVe s.], au sens 5 [ensemble infini, 1962, Larousse] ; sens 1 et 4, v. 1361, Oresme ; sens 2, 1580, Montaigne ; sens 3, v. 1361, Oresme [aussi « qui n’a pas, n’aura pas de fin »] ; sens 6, 1552, R. Estienne). 1. Qui est sans limitation possible : Mon entendement borné ne conçoit rien sans bornes : tout ce qu’on appelle « infini » m’échappe (Rousseau). Ϧ2. Spécialem. En parlant de Dieu, sans limite concevable dans son être, dans ses attributs : La puissance infinie de Dieu. Donc je ne suis pas un être nécessaire. Je ne suis pas aussi éternel ni infini ; mais je vois bien qu’il y a dans la nature un être nécessaire, éternel et infini (Pascal). Ϧ3. Qui est sans limites dans le temps ; qui n’a ni commencement ni fin : Pas de commencement initial ; ce serait un commencement sans cause. La nature ne peut qu’être une chaîne infinie de causes et d’effets (Cresson). Ϧ Spécialem. Qui n’a pas, n’aura pas de fin : Un supplice infini et éternel (Bossuet). Un avenir infini de progrès. Ϧ 4. Qui est sans limites dans l’espace : [Le vide] est homogène, immense, infini dans tous les sens (Cresson). L’univers est infini. Ϧ5. En mathématiques, qui est plus grand en quantité, en nombre que toute quantité finie imaginable : La suite des nombres entiers est infinie. ϦEnsemble infini, dont les éléments ne sont pas en nombre fini. Ϧ 6. Pour exprimer le superlatif, qui est très considérable par le nombre, la durée, l’intensité, la valeur : Une plaine infinie s’étend sous mes yeux. Ces entassements infinis de blocs de trois et quatre mille pieds cubes (Michelet). L’étoffe de son pantalon ne se reconnaissait plus sous le nombre infini des raccommodages et des pièces (Balzac). Ayant refusé obstinément que maman restât avec elle, elle mit, toute seule, un temps infini à sa toilette (Proust). Un nombre infini de manifestants. Richesses, prétentions, complications infinies. • SYN. : 3 éternel, perpétuel ; 4 illimité, immense. • REM. Au sens 6, infini peut admettre un degré de comparaison : La distance infiniment plus infinie des esprits à la charité (Pascal). & infini n. m. (sens 1, v. 1361, Oresme [« tout ce qui transcende l’entendement humain », 1641, Descartes] ; sens 2, v. 1361, Oresme ; sens 3, av. 1662, Pascal [aussi en mathématiques ; en photographie, XXe s.] ; sens 4, 1690, Furetière ; sens 5, 1807, Mme de Staël [un infini de, av. 1945, P. Valéry]). 1. Ce qui est sans limites, sans bornes, et, spécialem., Dieu, la notion de divinité, tout ce qui transcende l’entendement humain : Mon entendement, qui est fini, ne peut comprendre l’infini (Descartes). Asseyezvous sur le tronc de l’arbre abattu au fond des bois : si dans l’oubli profond de vousmême, dans votre immobilité, dans votre silence vous ne trouvez pas l’infini, il est inutile de vous égarer aux rivages du Gange (Chateaubriand). Notre pâle raison nous cache l’infini (Rimbaud). Ϧ 2. Ce à quoi on ne peut attribuer aucune limite de quelque ordre qu’elle soit : Toutes choses sont sorties du néant et portées jusqu’à l’infini [...]. Manque d’avoir contemplé ces infinis, les hommes seront portés témérairement à la recherche de la nature, comme s’ils avaient quelque proportion avec elle (Pascal). Tout cerveau bien conformé porte en lui deux infinis, le ciel et l’enfer, et dans toute image de l’un de ces infinis, il reconnaît subitement la moitié de lui-même (Baudelaire). Ϧ3. Ce qui est plus grand que toute autre quantité : L’unité jointe à l’infini ne l’augmente en rien (Pascal). ϦEn mathématiques, quantité variable susceptible de devenir aussi grande que l’on veut. ϦEn photographie, zone comprenant tous les objets qui donnent une image suffisamment nette dans le plan focal : L’infini commence à quelques mètres de l’objectif. Ϧ4. Caractère de ce qui paraît infini, sans bornes, dans quelque ordre que ce soit : L’infini des cieux. Qu’importe l’éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l’infini de la jouissance (Baudelaire). Ϧ 5. Absol. Espace, grandeur, quantité, intensité qui paraît sans limites : [Celui] Qui voit tant de milliers de mondes et d’étoiles | Naître, vivre et mourir dans l’infini sans voiles (Banville). Ϧ Un infini de (suivi d’un nom au plur.), une suite sans fin de : Le regard prolongé engendre un infini de difficultés, et cette génération d’obstacles imaginaires [...] est proportionnelle à l’intelligence et aux connaissances que l’on a (Valéry). & À l’infini loc. adv. (sens 1, 1641, Descartes ; sens 2, 1640, Oudin ; sens 3, 1680, Mme de Sévigné ; sens 4, 1626, Hardy). 1. Sans fin : Tout ce qui est étendu est divisible à l’infini, donc décomposable (Cresson). Ϧ 2. Aussi loin que l’on peut voir ou imaginer : Et la terre plate à l’infini, comme avant Galilée (Apollinaire). Ϧ 3. Pendant un temps qui paraît sans limites, sans qu’on entrevoie une fin : Un discours qui s’éternise, s’étend à l’infini. Ϧ 4. Beaucoup, d’un grand nombre de manières : Des possibilités variables à l’infini. infiniment [ɛ̃finimɑ̃] adv. (de infini ; fin du XIVe s. [écrit infinitment ; infiniement, 1418, BEC, LXXXV, 301 ; infiniment, fin du XVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1719, d’après Richelet, 1732 [art. infinitaire] ; sens 3, 1580, Montaigne). 1. Sans limites : Dieu étant infiniment puissant, est, par conséquent, infiniment libre (Fléchier). Ϧ 2. Quantité infiniment grande, se dit, en mathématiques, d’une quantité variable qui peut devenir, en valeur absolue, plus grande que tout nombre positif, si grand soit-il. Ϧ3. Par exagér. Extrêmement : Il y avait dans l’Empire infiniment plus de malheureux que d’heureux (France). Je regrette [...], je regrette même infiniment, mais il fallait avoir la panne ailleurs (Saint-Exupéry). infinité [ɛ̃finite] n. f. (lat. infinitas, immensité, étendue infinie, de in-, préf. à valeur négative, et de finis [v. IN FINE] ; v. 1212, Anger, au sens 3 [des infinités, 1671, Mme de Sévigné] ; sens 1, 1538, R. Estienne [« caractère de ce qui est infini dans son être, ses attributs », 1541, Calvin] ; sens 2, 1655, Pascal). 1. Qualité de ce qui est infini dans l’espace, le temps ou en nombre : Que ce monde ne soit qu’une goutte de boue dans l’infinité des mondes (Flaubert). Le temple de notre Dieu n’est-il pas agrandi, depuis que la science nous a découvert l’infinité des mondes (Renan). Ϧ Spécialem. Caractère de ce qui est infini dans son être, ses attributs : L’infinité de Dieu, de sa miséricorde. L’absolu, le nécessaire enferme en soi l’idée d’unité, d’infinité (Lamennais). Ϧ 2. Quantité infinie, nombre infini : Une infinité de lignes courbes, de parallèles. Ϧ 3. Très grande quantité ; très grand nombre : On lui posa une infinité de questions. Ϧ Des infinités, un très grand nombre. • SYN. : 3 multitude, myriade. infinitésimal, e, aux [ɛ̃finitezimal, -o] adj. (angl. infinitesimal, infiniment petit [milieu du XVIIe s.], du lat. infinitus [v. INFINI], et des suff. lat. -esimus [servant à former les ordinaux] et -alis ; 1706, Nouvelles de la république des lettres [p. 522], au sens 1 ; sens 2, 1769, Ch. Bonnet [« qui est composé d’objets extrêmement petits », début du XXe s.]). 1. Dont l’objet est l’étude des grandeurs considérées comme la somme de leurs accroissements successifs infiniment petits : La découverte du calcul infinitésimal est due à Newton. Géométrie infinitésimale. Ϧ 2. Extrêmement petit : Quantités, fractions, doses infinitésimales. Mais je ne parviens pas à concevoir qu’on puisse supposer la moindre relation psychologique, le moindre échange de questions et de réponses, entre l’un de nous, infinitésimal accident de la vie universelle [...], et ce grand Tout, ce Principe universel (Martin du Gard). Cette pratique du « dosage », par lequel un parti vainqueur [...] incorporait par fractions infinitésimales au corps politique des éléments qui pouvaient lui paraître d’abord totalement inassimilables (Gracq). Ϧ Qui est composé d’objets extrêmement petits : Tout un poudroiement infinitésimal que le chef entrevoyait de loin avec inquiétude (Romains). • SYN. : 2 infime, microscopique, minuscule. infinitif, ive [ɛ̃finitif, -iv] adj. et n. (bas lat. grammat. infinitivus, l’infinitif [employé seul, comme n. m., ou, comme adj., avec le lat. class. modus, manière, façon, mode], du lat. class. infinitus [v. INFINI] ; v. 1370, E. Deschamps, écrit muef infinitif [mode infinitive, 1607, Maupas ; mode infinitif, 1671, Pomey ; infinitif, n. m., XIVe s., Thurot] ; downloadModeText.vue.download 62 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2614 proposition infinitive, 1877, Littré [infinitive, n. f., XXe s.]). Mode infinitif, ou infinitif, n. m., mode du verbe qui exprime l’état ou l’action, mais non la personne, et qui peut avoir la valeur grammaticale d’un nom : L’infinitif est une forme nominale du verbe. Infinitif présent, passé, futur. Infinitif de narration. (V. art. spécial.) Ϧ Proposition infinitive, ou infinitive, n. f., proposition complétive dont le verbe est un infinitif comportant un sujet propre différent du sujet du verbe principal. (Ex. :J’entends le chien aboyer.) & adj. (1877, Littré). Caractérisé par l’emploi de l’infinitif : Tournure, construction infinitive. GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE L’INFINITIF Chanter et avoir chanté sont appelés « présent » et « passé » de l’infinitif. L’INFINITIF EST VERBE — L’infinitif est verbe par son contenu lexical (v. VERBE, art. spécial), qui ne diffère pas de celui des autres formes de la conjugaison (v. ce mot, art. spécial). — Il est verbe aussi par différents caractères morphologiques. • 1° Il fait partie intégrante de la conjugaison, et son existence est impliquée par celle de toute autre forme d’un verbe quelconque ; dans le système français, tout verbe a une forme d’infinitif, qui sert d’entrée à l’inventaire de ses sens dans le dictionnaire et est liée par des règles morphologiques aux autres formes. • 2° Il oppose à une forme simple exprimant l’aspect tensif (dormir, partir) une forme composée exprimant soit l’aspect extensif ou accompli, soit un rapport temporel d’antériorité (avoir dormi, être parti). • 3° Il oppose à la forme active une forme passive composée avec être : être aimé, avoir été vu. — Enfin, il est verbe par quelques caractères syntaxiques. • 1° L’infinitif d’un verbe transitif appelle un complément d’objet : chanter une romance ; celui d’un verbe attributif un attribut : être coquette. • 2° Il admet tous les adverbes et tous les compléments circonstanciels qu’admettent les formes personnelles : travailler beaucoup ; vivre en France ; y naître ; en partir ; venir avant qu’on vous appelle. • 3° Il supporte la négation, mais les deux éléments des locutions négatives comme ne pas, ne plus, ne rien, ne jamais le précèdent au lieu de l’encadrer : ne pas voir, ne rien entendre, etc. • 4° Il remplit certaines fonctions liées à sa nature verbale, où l’on peut ranger : a) la combinaison avec les verbes auxiliaires (v. AUXILIAIRE, art. spécial) ; b) la fonction de « progrédience » avec les verbes de mouvement ; c) la fonction de base d’une proposition infinitive ; d) la fonction de base dans des phrases : d’exclamation, de volonté, d’interrogation, de narration. On reviendra plus loin sur toutes ces fonctions. L’INFINITIF EST NOM L’infinitif est nom par certains traits morphologiques : • 1° Comme le nom commun, il est invariable en personne, si l’on écarte le cas des pronoms réfléchis de la « voix pronominale » (me baigner, te baigner, etc.), dont la variation est en marge de la forme verbale, comme la variation des possessifs (mon bain, ton bain, etc.) en marge de la forme nominale. Cette invariabilité est liée au fait que l’infinitif, non plus que le nom d’action, n’a de « sujet » — hormis les cas, contextuellement très limités, de « proposition infinitive ». Pourtant, son signifié implique souvent un agent, plus généralement un « support », être ou chose, du procès ; ce support peut être indéterminé (comme pour le nom d’action), désignant l’ensemble des êtres qu’évoque on devant une forme personnelle, comme dans la phrase suivante : Chanter (cf. le chant) ne signifie pas toujours qu’on a le coeur gai (Descaves et Nozière), mais, le plus souvent, il peut être trouvé (comme pour le nom d’action) dans le signifié d’un des noms ou pronoms ayant quelque fonction dans l’entourage ; c’est souvent le sujet du verbe principal : Tu l’embrasseras avant de partir (J. Vallès), mais non forcément : On voit qu’elle est malheureuse rien qu’à la façon de lacer ses souliers (Duhamel). On verra plus loin comment Maurice Gross, dans sa Grammaire transformationnelle du français (1968), tente une formulation des règles liant le support à son entourage, dans le cadre des syntagmes définis par les morphèmes de liaison et par le sémantisme du verbe recteur ; il donne par exemple ces règles (dont nous modifions l’expression pour la clarté) : A menace B de V(a) [l’infinitif a pour support le sujet], ex. : Jean menace Pierre de se venger ; A charge B de V(b) [l’infinitif a pour support l’objet], ex. : Jean charge Paul d’acheter le vin. Cette tentative devait être faite et doit être développée, mais elle conduit à une complexité de formules où la grammaire s’asphyxie. En effet, Kristian Sandfeld, dans le volume Infinitif de son Système du français contemporain, remarquait dès 1943 que, dans la phrase Je lui ai proposé de retourner, l’infinitif peut avoir pour support « moi », ou « lui », ou « nous ». L’étude de M. Gross ne prend d’ailleurs en considération que les infinitifs compléments d’objet directs ou indirects. Or, l’interférence des facteurs est encore plus complexe pour les infinitifs compléments circonstanciels. On évite en principe de donner pour support à ces infinitifs (comme aux gérondifs [v. GÉRONDIF, art. spécial]) un autre mot que le sujet du verbe principal, ainsi qu’il est fait dans la phrase suivante : Après avoir mangé les hors-d’oeuvre, le garçon nous servit le plat du jour. Les infractions sont cependant très fréquentes, et passent inaperçues si le contexte résout l’ambiguïté : Et moi, que t’ai-je fait pour m’oublier ainsi ? (Musset). K. Sandfeld note avec raison qu’il est faux d’appeler « sujets » de l’infinitif certains pronoms, comme tous, tous (les) deux, moi-même, moi aussi, vous et moi, chacun, l’un l’autre, qui figurent aussi bien après les formes personnelles pourvues d’un sujet et qu’on doit tenir plutôt pour appositions au sujet, éventuellement à l’objet : Il nous reste à périr aussi, nous, de faim (Cl. Farrère). • 2° À la différence de l’indicatif, l’infinitif n’actualise pas le procès dans le temps (v. ACTUALISATION, art. spécial), c’est-à-dire ne le situe pas, sinon par l’intermédiaire d’un indicatif contextuel, dans le passé, le présent ou l’avenir. Alors que l’action exprimée par une forme comme je chanterai ou je chantais est à porter sur la ligne du temps respectivement à droite ou à gauche du point Présent, l’action qu’exprime un infinitif comme chanter n’y trouve pas de place définie, n’étant pas plus intégrée au temps réel que s’il s’agissait du nom le chant. downloadModeText.vue.download 63 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2615 Selon le contexte, une forme d’infinitif aura la valeur atemporelle : Crier n’est pas chanter, éventuellement itérative : Fumer encrasse les poumons, ou la valeur d’un présent ou d’un futur par rapport au moment de l’action principale : Je l’entends chanter. J’espère déménager. À défaut du contexte, l’auxiliaire devoir peut spécifier la valeur future : Il quitta sans chagrin ses parents, qu’il croyait devoir bientôt retrouver. La forme composée de l’infinitif exprime fondamentalement, comme toute forme composée, l’aspect accompli : J’ai tout d’un coup hâte d’être rentré, de savoir qu’il n’est rien arrivé à Philippe (J. Deval), et, secondairement, le temps antérieur ; il ne fournit dans ce dernier cas qu’une indication temporelle relative : Il affirmait avoir entendu le coup. Il affirme avoir entendu le coup. Il affirmera avoir entendu le coup. Si les deux premières (mais non la dernière) de ces phrases situent sans ambiguïté l’action dans le passé, c’est par la vertu du verbe principal, qui donne seul l’indication temporelle absolue nécessaire à l’actualisation. Un fait peut être cité comme témoin d’une tendance de l’infinitif à la totale invariabilité temporelle, qui le rapprocherait encore du nom ; il arrive que l’infinitif soit à la forme simple et qu’une idée d’antériorité qui le concerne soit exprimée par le verbe dont il dépend, si ce verbe est devoir ou pouvoir : Elle a dû manquer son train (= Elle doit avoir manqué son train). J’ai pu me tromper (= Je peux m’être trompé). • 3° L’infinitif manifeste une certaine indifférence à la « voix », qui le rapproche du nom. Bien qu’il possède une forme passive, sa forme active est souvent employée dans des conditions où l’on a voulu voir une valeur passive : une maison à vendre, un fruit prêt à cueillir, un problème facile à résoudre. F. Brunot s’est élevé, dans la Pensée et la langue, contre la « fausse analyse » qui trouve là un sens passif, mais il l’a combattue par des arguments formels et historiques peu pertinents. En fait, on parle d’une différence « actif »/« passif » en considérant le signifié des infinitifs qui apparaissent dans des contextes formellement identiques comme : une machine à coudre/une machine à réparer, de la pierre à bâtir/un mur à démolir, une voiture prête à partir/ un costume prêt à porter ; la méthode des transformations met en évidence une différence profonde que la structure superficielle peut effacer dans l’emploi de l’infinitif comme d’un nom d’action (vente, cueillette, solution, etc.). On peut encore expliquer par une tendance à l’invariabilité en voix des phrases comme Je ne suis pas finie d’agrafer (S. Guitry), où l’idée passive qui concerne l’action à l’infinitif est exprimée dans le verbe recteur. C’est surtout par ses propriétés syntaxiques que l’infinitif est tenu pour un nom. Il a les fonctions du nom : sujet, attribut, complément dc nom, d’adjectif, complément d’objet, complément circonstanciel. I. INFINITIF SUJET Vouloir et pouvoir font deux (P. Margueritte). L’infinitif est très souvent repris par ce devant le verbe : Vouloir, ce n’est pas un mot (R. Dorgelès). Souvent, l’infinitif est précédé de l’indice de : Et de penser à toi me soutiendra (Gide). Damourette et Pichon (Des mots à la pensée, § 1053) induisent de l’examen d’un grand nombre d’exemples que, dans la fonction sujet, l’infinitif pur donne de l’action une présentation abstraite, convenant à un jugement de portée générale, et l’infinitif précédé de de une présentation concrète, particulière à la conjoncture envisagée dans la phrase. Les exemples donnés plus haut vérifient cette interprétation, mais les « emplois aberrants » ne sont pas rares : Voir les poissons rouges vaut bien un détour (Duhamel). Il s’agirait, en somme, d’une fonction actualisatrice de de, ignorée des grammaires, d’application intuitive, aussi subtile et contingente que l’emploi de l’article devant les noms abstraits du XIVe au XVIe s. ; nous la verrons confirmée en position d’attribut. Dans une série de cas spéciaux, l’infinitif suit le verbe : Mieux vaut attendre (Colette). C’est toujours ainsi dans la construction unipersonnelle : Il me semblait découvrir l’envers de l’ouvrage (J. de Lacretelle). Il fait bon dormir. Il ferait beau voir. Le plus souvent, l’infinitif prend alors l’indice de : Il ne dépendait que de lui de forcer la porte condamnée (M. Prévost). C’est vraiment dommage de vous apporter ma tristesse (Fromentin). Après c’est suivi d’un nom on trouve également l’infinitif introduit par que de : C’est une occupation, et fort absorbante, que de vivre (A. Hermant). Dans l’expression c’est à vous de + infin., l’indice de peut faire place à l’indice à, sans différence de sens : C’est à toi de/à jouer. II. INFINITIF ATTRIBUT Ma joie est devenue d’obéir. Le verbe recteur a souvent pour sujet ce : Mourir n’est pas mourir, mes amis, c’est changer (Lamartine). K. Sandfeld a remarqué une différence de sens très nette selon que l’infinitif est précédé ou non de l’indice de. Sans de, l’infinitif n’apporte dans la prédication attributive que l’« idée verbale sans plus », c’est-à-dire son contenu lexical, sans support déterminé (le sujet est souvent un autre infinitif) ; il en est ainsi dans l’exemple de Lamartine. Avec de, il y a « identification du sujet et de l’attribut », ce qu’on pourrait interpréter en disant que l’infinitif exprime une entité actualisée identifiée avec un sujet actualisé : Mon plaisir, c’est de mettre de l’ordre. Un rêve, dont elle n’osait parler, était d’avoir une pendule (Zola). En pareil cas, le sujet et l’attribut sont interchangeables (mettre de l’ordre est mon plaisir). On a beaucoup discuté de la valeur exacte de l’indice de, où K. Togeby, dans un article de janvier 1957 (le Français moderne), proposait de voir un « article de l’infinitif », et G. Gougenheim — après bien d’autres — un « indice d’infinitif » analogue au to de l’anglais, au zu de l’allemand, au te du néerlandais. Comme on ne voit pas quel besoin aurait l’infinitif d’un indice modal dont les autres modes n’ont pas d’équivalent, on sera plutôt tendownloadModeText.vue.download 64 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2616 té par l’assimilation à l’article (comparer : Mon plaisir, c’est de nager/c’est la nage) ; l’indice s’apparenterait au de appositionnel, son sens s’éclairant si l’on supplée celui, celle ou le fait : refusé. Son rêve était (celui) d’avoir une pendule. Son grand tort est (le fait) d’avoir Le démonstratif sous-jacent, souvent suggéré par le pronom neutre ce, cela ou il relayant ou annonçant le sujet, donnerait à de la fonction actualisatrice qui permet d’y voir un article de l’infinitif et qui définit la différence de sens des deux types d’infinitif attribut. On rejoint ainsi à peu près la « présentation concrète » de Damourette et Pichon, sans exclure la possibilité d’une ou plusieurs autres fonctions, jouant plus particulièrement dans d’autres syntagmes. III. INFINITIF COMPLÉMENT DE NOM L’infinitif complément de nom, s’il est en position liée, est introduit par de, à ou pour employés avec leurs valeurs habituelles : la peur de tomber, une poêle à frire, un mot pour rire. Aucune différence formelle ne sépare alors le complément de relation (le regret d’avoir refusé) de l’apposition (le fait d’avoir refusé). L’apposition détachée est normalement sans indice : J’ai en politique une très grande ambition : ne jamais être député (P. Hamp). Mais certains facteurs favorisent l’apparition de de : Je ne saurais lui reprocher qu’une chose : d’être sans reproche (Duhamel). J’aime bien ça d’aller en barque (Lavedan). IV. INFINITIF COMPLÉMENT D’ADJECTIF : prêt à partir, heureux de revenir, nécessaire pour vivre, facile à vivre, facile à comprendre. V. INFINITIF COMPLÉMENT D’OBJET En s’inspirant très librement des listes de M. Gross (v. plus haut) et en en simplifiant la formulation, on peut dresser l’inventaire suivant des principaux syntagmes où entre un infinitif complément d’objet direct ou indirect (la lettre a ou b après Infin. signale que l’infinitif a pour support A ou B). I. A + Verbe + Infin.(a) Verbe = pouvoir, vouloir, etc. Je peux/veux acheter ce chapeau. II. A + Verbe + à + Infin.(a) Verbe = commencer, etc. Jean commence à manger. III. A + Verbe + de + Infin.(a) Verbe = achever, etc. Jean achève de manger. IV. A + Verbe + B + à + Infin.(a) Verbe = passer, etc. Jean a passé trois heures à regarder la télévision. V. A + Verbe + B + de + Infin.(a) Verbe = menacer, etc. Jean menace Pierre de se venger. VI. A + Verbe + à + B + de + Infin.(a) Verbe = devoir, etc. Jean doit à Pierre d’avoir trouvé du travail. VII. A + Verbe + à + B + Infin.(a) Verbe = dire, etc. Jean nous dit avoir fini. VIII. A + Verbe + de + B + de + Infin.(a) Verbe = obtenir, etc. Jean obtient de Paul de pouvoir y aller. IX. A + Verbe + B + à + Infin.(b) Verbe = inviter, etc. Jean invite Paul à venir. X. A + Verbe + B + de + Infin.(b) Verbe = prier, etc. Jean prie Paul de venir. XI. A + Verbe + à + B + à + Infin.(b) Verbe = apprendre, etc. Jean apprend à Paul à cuire un canard. XII. A + Verbe + à + B + de + Infin.(b) Verbe = ordonner, etc. Jean ordonne à Paul de partir. Dans tous ces types de phrase, l’infinitif pourrait être remplacé par un nom remplissant la même fonction, sauf dans les cas suivants. Phrase I : on ne dit pas *Jean peut cet achat ; certains verbes comme pouvoir, oser n’admettent pour complément d’objet qu’un infinitif, éventuellement représenté par un pronom : Il le peut. Il a osé ça ! Au contraire, vouloir admet très bien un nom. Phrase X : l’infinitif régi par les verbes comme prier, supplier peut être remplacé seulement par le pronom adverbial en : Il l’en avait prié. La substitution d’un nom se fait dans la moitié de ces types de phrase en conservant la préposition à ou de. Mais dans six cas la préposition est supprimée : types II (le repas), III (le repas), VI (son gagnepain), VIII (la permission), XI (la cuisson), XII (le départ). Aussi peut-on considérer cette préposition (à ou de) comme un indice vide de tout contenu sémantique, un morphème signalant la fonction nominale de l’infinitif, devant lequel il tient la place de l’article ; comparer : Jean commence/achève le repas et : Jean commence à manger, Jean achève de manger. C’est la fonction qu’on a reconnue à de précédant l’infinitif attribut. Au contraire, l’indice manque devant l’infinitif ayant la fonction de verbe, comme c’est le cas lorsqu’il est régi par un auxiliaire (v. ce mot, art. spécial) : Il peut (ou doit) être dix heures (= Il est probablement dix heures). Puisse-t-il réussir ! Il a failli tomber. Jean paraît (semble) avoir froid. Jean fait payer Paul. Jean laisse payer Paul. L’absence ou la présence de l’indice différencie deux constructions où l’infinitif dépend du verbe devoir, auxiliaire ou non : Je dois être guéri. Je lui dois d’être guéri. Venir, auxiliaire du passé immédiat, est construit avec de, mais l’emploi de cette préposition s’explique génétiquement par une valeur de lieu. Si l’indice manque dans les syntagmes de type I, c’est que les verbes recteurs y sont plus ou moins auxiliaires ; on a vu qu’avec pouvoir, oser, etc., la fonction nominale est peu caractérisée. La distinction des fonctions verbales et des fonctions nominales dessine opportunément l’articulation de la phrase quand plusieurs verbes à l’infinitif dépendent les uns des autres : Il va falloir essayer d’apprendre à nager. Le rôle des particules to, en anglais, et zu, en allemand, devant l’infinitif est aussi de distinguer ses fonctions nominales des fonctions verbales, parmi lesquelles on range, d’une part, la combinaison avec les verbes auxiliaires, classe dont les limites sont aussi approximativement senties dans ces deux langues qu’en français, et, d’autre part, la construction accusativus cum infinitivo dont il sera parlé plus loin. Qu’un grand nombre des fonctions de l’infinitif puissent être remplies par un downloadModeText.vue.download 65 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2617 nom, quelques-unes seulement par un pronom, c’est assez pour justifier la définition de l’infinitif comme « la forme substantive du verbe » et pour écarter la tentation d’y voir une forme de proposition subordonnée, comme l’ont enseigné tant de grammairiens qui définissaient la proposition par l’expression d’un procès. Il ne faut pas pour autant ignorer que l’infinitif, qui est structuralement un mot, est assez souvent échangeable avec une proposition subordonnée introduite généralement par que sans modification de sens : Type VII : Jean nous dit qu’il a fini. Il faut aussi savoir que le remplacement d’une proposition par un infinitif est quelquefois facultatif, comme dans l’exemple précédent, quelquefois impossible, comme dans ceux-ci : Jean nous dit que sa soeur a fini, Je veux que tu achètes ce chapeau, et quelquefois obligatoire, car on ne dit pas : *Je veux que j’achète ce chapeau, mais seulement : Je veux acheter ce chapeau. La condition sine qua non pour que l’infinitif soit obligatoirement substitué à une proposition complétive est que la relation du support au terme A ou B indiquée dans la formule concernée (de I à XIII) soit satisfaite ; elle ne l’est pas dans les deux exemples d’impossibilité donnés ci-dessus. Moyennant quoi, l’obligation ne peut exister que si le verbe recteur impose le subjonctif dans la proposition complétive ; ce n’est pas le cas dans Jean nous dit qu’il a fini. Quand les deux premières conditions sont remplies, on observe encore une différence selon la personne grammaticale du support : — S’il est de la première ou de la deuxième personne, l’obligation est formelle ; il faut remplacer * Je te prie que tu sortes par Je te prie de sortir. — S’il est de la troisième personne, et si le support est B, la substitution est facultative, au moins dans une langue relevée : Jean prie Paul qu’il sorte (ou : de sortir). Chimène demande au roi qu’il fasse justice (ou : de faire justice). Faut-il tenir l’infinitif pour une variante complémentaire de la proposition complétive ? Pour cela, les cas de substitution possible sont trop peu nombreux en regard des cas où l’infinitif, comme la proposition, ont leurs fonctions propres. La règle de substitution qu’on vient d’énoncer ne donne que le cadre approximatif d’un usage qu’aucune grammaire n’a codifié en détail. Les Français l’appliquent par habitude, sans en avoir conscience, et ses contraintes constituent une difficulté d’autant plus grande pour les étrangers. VI. INFINITIF COMPLÉMENT CIRCONSTANCIEL L’infinitif complément circonstanciel peut être lié au verbe recteur par les prépositions suivantes : à, marquant des nuances subtiles de la direction : Il l’entraînait à boire (Fr. Carco), mais aussi d’autres relations, comme la cause : Pourtant, elle montra un réel plaisir à voir Christophe (Romain Rolland) ; de, marquant diverses nuances de l’éloignement : Le comte de Guilleroy parut, revenant de dîner en ville (M. Fort), ou marquant la cause : Elle est morte d’être trop riche (O. Mirbeau) ; pour, marquant la cause : ... me sentant la tête un peu lourde pour avoir trop valsé (Lavedan), mais surtout le but : Elle enfilait des gants pour acheter un coeur à la crème (M. Elder), ou simplement une succession : Dix sociétés se fondaient un jour pour disparaître le lendemain (P. Benoit) ; afin de, de crainte de, de peur de, nuançant la finalité ; avant de, après (+ infin. passé), situant l’action relativement à un point de référence ; sans, exprimant la négation de la cause, de la manière, du but ; par, avec commencer et finir. Après la préposition en, l’infinitif est remplacé par sa forme complémentaire, le gérondif (v. ce mot, art. spécial). Des contraintes de support sont observées comme pour l’infinitif objet. Le remplacement d’une subordonnée par l’infinitif obéit aux mêmes conditions essentielles que pour l’objet. On ne dit pas : *Je sors pour que je prenne l’air, mais on dit : ... pour prendre l’air. « PROGRÉDIENCE » Du tour étudié plus haut : Jean peut voir Paul, il faut distinguer le tour : Jean court voir Paul. La différence de fonction est mise en évidence par la différence de représentation du verbe à l’infinitif : Jean le peut, Jean y court. Les grammairiens appellent souvent le second infinitif « complément de but » parce qu’on peut lui substituer un tour prépositionnel : pour (afin de) voir Paul. Mais M. Gross observe que l’infinitif pur, à la différence de l’infinitif prépositionnel complément de but, ne peut être placé avant le verbe (* Voir Paul, Jean court) ni supporter la négation (*Jean court ne pas voir Paul). Ces critères formels justifient la notion d’une fonction propre à l’infinitif, onmmée « progrédience » en 1933 par Damourette et Pichon (§ 868 et 1055) et définie par eux comme l’expression d’« un fait qui prolonge et qui justifie le phénomène exprimé par le verbe régent ». La progrédience ne se rencontre qu’avec certains verbes de mouvement, — soit intransitifs (et l’infinitif a pour support le sujet du verbe régent) : Jean vient déjeuner, — soit transitifs (et l’infinitif a pour support le complément d’objet du verbe régent) : Jean mène Paul déjeuner. On remarquera que le verbe aller complété par une progrédience dans une phrase comme Je vais en voiture chercher Jeanne à la gare est devenu auxiliaire temporel dans Nous allons bien bavarder. PROPOSITION INFINITIVE Dans l’inventaire des fonctions nominales de l’infinitif esquissé plus haut figuraient plusieurs types d’infinitif objet ayant pour support un premier complément d’objet, direct ou indirect, du verbe recteur (types numérotés IX, X, XI, XII). Dans toutes ces constructions, l’infinitif pouvait être remplacé par un nom ou par le pronom adverbial en : Jean invite Paul à venir/à une réception. Il le prie de venir/Il l’en prie. Cette possibilité de substitution est sans doute la raison pour laquelle on estime que l’infinitif assume là une fonction nominale et que le verbe recteur y est suivi d’un objet double. Au contraire, on attribue à l’infinitif une valeur purement verbale dans les constructions suivantes, où il ne peut downloadModeText.vue.download 66 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2618 être remplacé par aucun nom ni aucun pronom : XIII. A + Verbe + [B + Infin.(b)]/[Infin. (b) + B] Verbe = voir, regarder, entendre, écouter, sentir. Je regarde les autos passer/passer les autos. Je les regarde passer. Le membre de phrase entre crochets est communément considéré comme une « proposition infinitive » ayant pour sujet le nom B et pour verbe l’infinitif. L’attribution à celui-ci d’une fonction verbale est confirmée par l’absence de l’indice de. L’unité fonctionnelle est démontrée par la substitution d’un groupe nominal : Je regarde le passage des autos. On peut paraphraser l’ensemble XIII : Les autos passent ; je regarde ça. Ce type de proposition infinitive, qui a son équivalent en anglais et en allemand, ne se rencontre en bonne langue française moderne qu’après les cinq verbes énumérés ci-dessus. Le sens de ces verbes impliquant pour objet une action en train de se produire, l’infinitif est toujours au temps « présent », et sa valeur aspectuelle est très voisine de celle du participe présent, avec lequel il lui arrive d’alterner : Je vois la servante ou le valet agissant dans la chambre, une hirondelle entrant par la fenêtre, une mouche se poser sur ma main tandis que je récitais ma leçon (Rousseau, Confessions). Alors que les infinitifs objets étudiés plus haut s’échangeaient souvent avec une proposition subordonnée conjonctive introduite par que, l’infinitif des phrases du type XIII s’échange, très couramment, avec une proposition relative épithète : Je regarde les autos qui passent. Sauf conditions exceptionnelles, cet infinitif ne peut pas être mis au passif ; on lui substitue de préférence un participe passé : J’ai vu un piéton (être) renversé par une voiture. Les propositions infinitives du type XIII sont presque toujours compléments d’objet. On les rencontre, exceptionnellement, en fonction d’apposition (à un objet) : Misard et Cabuche, les bras en Pair, Flore, les yeux béants, virent cette chose effrayante : le train se dresser debout, sept wagons monter les uns sur les autres, puis retomber avec un abominable craquement, en une débâcle informe de débris (Zola, la Bête humaine). Cette prédilection pour la fonction objet a fait préférer par un certain nombre de grammairiens l’analyse qui consiste à voir dans le nom B et l’infinitif deux compléments d’objet du verbe recteur (par ex. Wagner et Pinchon, Grammaire du français classique et moderne). Corollairement à cette exclusivité de la fonction objet, on doit constater l’absence de solidarité entre ce « sujet » et ce « verbe », puisque le nom y garde la fonction objet si l’on supprime le verbe : Je regarde les autos. D’autres grammairiens fondent leur analyse sur le lien étroit que l’on sent entre l’infinitif et son verbe recteur, où le dialectologue J. Ronjat voyait un « semiauxiliaire ». Damourette et Pichon, au terme d’une riche étude (§ 1059 à 1107) concluent de même à la « coalescence » du verbe régent et du verbe régi. Pourtant, la suppression de l’infinitif ne modifie pas le sens du premier verbe : l’auxiliarité paraît mieux caractérisée dans le type dont l’étude suit. XIV. A + Verbe + [Infin.(b) + B]/([B + Infin.(b)]) Verbe = faire, laisser. J’ai fait tomber un plat. J’ai laissé s’arrêter ma montre/ma montre s’arrêter. Nul doute que le sens des verbes faire et laisser ne soit très modifié si l’on supprime ici les infinitifs : J’ai fait un plat. J’ai laissé ma montre. Le premier critère de l’auxiliarité, « altération du sens lexical » (v. AUXILIAIRE, art. spécial), est donc rempli par faire et laisser. Le second, « coalescence avec le verbe auxilié », est rempli par faire, qui ne peut être séparé de l’infinitif par le nom B (*J’ai fait un plat tomber) ; mais les deux ordres sont admis avec laisser. Le troisième, « invariabilité du participe », est rempli par le verbe faire : La personne que j’ai fait entrer. L’invariabilité était demandée aussi (purement graphique) pour le verbe laisser au XVIIIe s. par d’Olivet et par Condillac ; elle n’a cependant été admise que comme une tolérance par l’arrêté du 26 février 1901, au même titre que pour tout autre participe passé suivi d’un infinitif. En définitive, l’auxiliarité, très marquée pour le verbe faire, n’a pour laisser qu’un critère sémantique, toutefois suffisant pour qu’on renonce à voir dans les phrases du type XIV des groupes complexes méritant le nom de « proposition infinitive ». Une particularité de construction rapproche le type XIV du type XIII, c’est la construction du terme B, autrement dit « objet agent » (v. AGENT, art. spécial), lorsqu’il doit voisiner avec un autre objet. complément de l’infinitif. On peut dire : Tu laisses (ou vois) ton frère piétiner la pelouse, mais non : *Tu laisses (ou vois) piétiner la pelouse ton frère. Cette dernière phrase est remplacée par : Tu laisses (ou vois) piétiner la pelouse à/par ton frère. Si l’objet agent a la forme d’un pronom personnel, il peut être à la forme de complément d’objet direct ou de complément d’attribution : Tu le/lui laisses piétiner la pelouse. Avec faire, la forme lui est à peu près seule employée. Si l’objet de l’infinitif est lui-même un pronom personnel, deux constructions sont possibles : Tu le laisses la piétiner (impératif : Laisse-le la piétiner). Tu la lui laisses piétiner (impératif : Laisse-la-lui piétiner). XV. B (=que) + A + Verbe + Inf.(b) Verbe = dire, croire, savoir, etc. Il resta attaché à cette femme, qu’il avait longtemps cru être sa mère. Il est évident que le pronom que n’est pas l’objet du verbe croire : il n’est pas dit que cet homme « croyait » cette femme, et le participe cru reste invariable ; que est le sujet du verbe être. Ce type est particulier à la langue littéraire ; il implique une construction comme : *Il avait longtemps cru cette femme être sa mère, construction inconnue du français moderne. En fait, le tour est justifié soit par une structure sous-jacente inconsciente, soit par la survivance partielle d’un état de langue ancien. Il surnage parce qu’il résout le problème de l’enchâssement d’une proposition complétive (cf. Il avait cru qu’elle était sa mère) dans une relative ; la solution la plus courante (dont il avait cru qu’elle était sa mère) a moins d’élégance. INFINITIF D’EXCLAMATION Dans des phrases comme : Me parler ainsi ! Avoir vingt ans !, l’infinitif joue le rôle de prédicat, c’està-dire apporte l’information qui motive la phrase. Il exerce la fonction « verbe » downloadModeText.vue.download 67 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2619 proprement dite, qui se définit par l’association avec un sujet dans la constitution de l’unité « proposition » ; les phrases considérées sont comparables à celles que l’on peut construire sur un nom : Quelle insolence ! Ah ! mes vingt ans ! On ne parlera même pas de proposition si l’infinitif exclamatif voisine avec un nom ou un pronom exclamatif : Moi ! Partir ! Partir ! Moi ! Mais le terme ne peut être contesté si l’intonation marque l’unité structurale du groupe nom (pronom) + verbe : Moi partir ! Jamais. Ta mère vivre avec nous ! La solidarité est manifeste entre le sujet moi ou ta mère et le verbe partir ou vivre avec nous : les deux constituent une « proposition infinitive ». INFINITIF DE VOLONTÉ L’infinitif peut être la variante complémentaire de l’impératif dans la langue écrite : Prendre un comprimé avant chaque repas. Sa valeur atemporelle convient en effet à une prescription qui, étant écrite, s’indéfinise dans le temps, et sa valeur impersonnelle convient à un ordre concernant tous les lecteurs possibles : Ne pas se pencher à la portière. Alors que l’infinitif exclamatif pouvait être précédé d’un sujet, l’infinitif impératif ne l’admet sous aucune forme. Faut-il donc lui dénier l’appellation de « proposition » ? C’est pure affaire de convention, et cette dénomination — concédable eu égard au fait que l’impératif, sa variante orale, n’a pas de sujet non plus — n’entraîne aucune conséquence pour les infinitifs dépendants, auxquels sont substituables des propositions complètes. L’infinitif de prescription n’est jamais dépendant. INFINITIF D’INTERROGATION Un cas très différent est offert par des groupes composés d’un mot interrogatif et d’un infinitif : Que faire ? Je ne sais plus que faire. Comment m’y prendre ? Je me demande bien comment m’y prendre. Ces exemples montrent que de tels groupes, à la différence des précédents, peuvent être indépendants ou dépendants. Il leur manque un sujet exprimé pour constituer l’unité complexe qui justifie habituellement le terme de « proposition » ; mais on observe entre leurs termes une solidarité qui les distingue des groupes à fonction nominale constitués d’un infinitif et de son complément (manger des nouilles, réussir brillamment) : on ne peut supprimer que ni comment, non plus que faire ni m’y prendre, dans les exemples donnés. Il s’agit donc bien d’unités de groupement méritant d’être nommées « propositions ». La valeur dite « délibérative » de ces propositions interrogatives, directes ou indirectes, tient au remplacement de l’indicatif, mode de l’actualisation temporelle, par l’infinitif, mode de l’action virtuelle. La personne qui énonce l’action ne sait même pas si elle fera quelque chose, si elle s’y prendra d’une manière quelconque. INFINITIF DE NARRATION Il s’en alla passer sur le bord d’un étang : Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes (La Fontaine, Fables, II, XIV). Le villageois écoute, accepte la partie. On se lève, et d’aller (A. Chénier, le Rat de ville et le Rat des champs). Cet emploi en proposition indépendante de l’infinitif avec de, précédé le plus souvent d’un nom ou d’un pronom sujet (grenouilles), est appelé « infinitif historique » ou « infinitif de narration ». Il est très développé dans une langue littéraire de registre familier, mais très rare dans la langue parlée. Il présente, au cours d’un récit, une action comme la conséquence logique, mais réelle et rapide, de l’action précédente. Les actions exprimées par ce procédé sont surtout des mouvements, ou des réactions psychologiques : Pleurs de couler, soupirs d’être poussés (La Fontaine, Contes). La valeur de l’indice de, qui ne manque jamais, a fait l’objet d’infinies conjectures (v. ci-après, Historique). Sauf l’allemand, toutes les langues d’Europe qui possèdent ou ont possédé un infinitif de narration (provençal, espagnol, portugais, italien, anglais, suédois, russe) le font précéder d’une particule (provenç. de, esp., portug. et ital. a, angl. to) dont la fonction n’est pas mieux éclaircie. HISTORIQUE Le terme infinitivus (modus) a désigné le mode infinitif chez le grammairien Diomède (IVe s.) ; avant lui, Quintilien disait infinitum (verbum), « le verbe indéfini », terme qui caractérise bien le mode de l’inactualisé. L’infinitif latin était un ancien substantif, exprimant la notion verbale pure et simple, sans marque de personne et de temps. La langue latine l’avait doté d’un passé et d’un futur, et lui avait donné avec le gérondif et le supin une flexion casuelle, la forme primitive n’ayant qu’une valeur nominative ou accusative. L’opposition d’un actif et d’un passif remonte aux substantifs originels. I. FORMES FRANÇAISES L’infinitif du vieux français n’a rien gardé de la variation latine en temps et en voix. Les quatre terminaisons différentes de l’infinitif latin ont abouti à des formes variées : 1re conjugaison : cantāre > chanter ; 2e conjugaison : debēre > deveir, puis devoir (XIIe s.) ; 3e conjugaison : perdĕre > perdre ; 4e conjugaison : sentire > sentir. Les verbes en -āre ont donné le premier groupe français, en -er. ou en -ier quand l’a y était précédé d’un élément palatal (judicare > jugier) ; dès le XIIIe s., les infinitifs en -ier ont tendu à perdre l’i sur le modèle des autres ; au XIVe s., la disparition a été phonétique après les consonnes chuintantes et mouillées. Le groupe des verbes latins en -are s’était grossi par l’emprunt de verbes germaniques en -an ou -ôn : *bôtan > *botare > bouter ; *wardôn > *wardare > garder. Le premier groupe se grossira ensuite de nombreuses formations françaises : afoler (de fol), apaisier (de pais) ; et accueillera des verbes d’autres groupes ainsi normalisés : tisser (anc. tistre), consumer (anc. consumir), puer (anc. puir). Il est aujourd’hui à peu près seul productif. Les verbes en -īre ont donné le deuxième groupe français et une partie du troisième groupe (en -ir). Ils s’étaient grossis par l’emprunt de verbes germaniques en -jan (hatjan > hatire > haïr). Des verbes latins avaient échangé -ēre ou -ĕre contre -īre (florēre > *florire > fleurir ; tradĕre > *tradire > trahir). Le deuxième groupe se grossira de formations françaises (dérivées d’adjectifs, comme assainir, ou de noms, comme lotir, aboutir) et accueillera des verbes d’autres groupes (quérir, anc. querre ; courir, anc. courre, spécialisé en vénerie). Les créations du deuxième groupe se sont raréfiées depuis le XVIe s. et ont presque cessé de nos jours : sur le modèle d’atterrir (XIVe s.) a été formé au XXe s. amerrir, et proposé récemment alunir, qui a connu quelque succès malgré l’Académie. Beaucoup de verbes des autres groupes ont changé de conjugaison au cours de la latinité, passant de la troisième à la deuxième (cadĕre > cadēre > cheoir) ou inversement (respondēre > respondĕre > respondre), et de l’une ou de l’autre à la première, ou à la quatrième. Comme toutes les formes simples du verbe, l’infinitif a été doublé d’une forme composée (avoir chanté) et les infinitifs downloadModeText.vue.download 68 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2620 transitifs ont reçu une forme passive (être chanté). II. VALEURS NOMINALES Plus encore qu’en français moderne, l’infinitif se rapprochait morphologiquement du nom, au point de prendre l’article et même la marque du cas sujet : Dreit a Lalice revint li sons edrers [Son voyage le ramena droit à Laodicée] (Vie de saint Alexis). Ja li corners ne nos avreit mester [Sonner du cor ne nous servirait plus à rien] (la Chanson de Roland). En l’esgarder [= à la vue] de la pucele Li saut au cuer une estincele (Amadas et Ydoine). Cet usage ancien, très développé chez Chrétien de Troyes, subit une éclipse à partir du XIIIe s. (cf. H. D. Veenstra, les Formes nominales du verbe dans la prose française du XIIIe s., 1946). Il trouve un second souffle au XVIe s. Les poètes le recommandent, Du Bellay, dans la Deffence et illustration, en fait une source de richesse : « Use donc hardiment de l’infinitif pour le nom, comme l’aller, le chanter, le vivre, le mourir. » Montaigne, dont il satisfait une prédilection de philosophe pour l’expression nominale, en fait grand usage : le mourir, le longtemps vivre, J’estime le baigner salubre. Survivant chez Mal-herbe, il n’est, depuis le XVIIe s., qu’une élégance de certains stylistes comme Chateaubriand, et chez les philosophes un tour commode imité de l’allemand : l’être, un devenir (Bergson). La substantivation a introduit beaucoup d’infinitifs dans la classe des noms, où leur forme, d’ailleurs variable en nombre, ne suffit plus à rappeler leur origine : avoir, baiser, déjeuner, devoir, rire, savoir, etc. ; loisir et manoir sont les infinitifs de verbes disparus, plaisir l’infinitif disparu du verbe devenu plaire. On peut penser que la régression observée au XIIIe s. dans l’emploi de l’article devant l’infinitif tient au développement de l’indice de, d’abord devant l’infinitif sujet ou attribut : D’ome ocire est pichiés grans (Aiol, fin du XIIe s.). [...] vostre enneurs — si est de venger vostre honte (la Mort le roi Artu). L’origine de cet emploi est très discutée. Tobler le rapprochait d’une construction du nom où de peut être interprété comme une préposition de cause : De povretez est granz mahainz [La pauvreté est une grande plaie]. Meyer-Lübke préférait donner à de, dans de semblables constructions, la valeur « à propos de ». Mais Kjellmann (la Construction de l’infinitif dépendant d’une locution impersonnelle en français, des origines au XVe s., Uppsala, 1913) a montré que cette construction s’est répandue plus vite avec l’infinitif qu’avec le nom ; selon lui, l’emploi de de s’explique par le prolongement du tour latin au génitif du gérondif : peccatum occidendi hominem. Cette interprétation s’accorde bien avec la valeur appositionnelle que nous avons suggérée plus haut. L’apparition du relais neutre ce, celle du pronom neutre il dans la tournure unipersonnelle ont favorisé cet emploi, et leur développement à partir du XIIIe s. l’a définitivement assis : Ceo est lur dreiz de mesparler (Marie de France, fin du XIIe s.) Il n’est pas folie de changer son conseil quant la chose se change (le Ménagier de Paris, fin du XIVe s.). Cette valeur appositionnelle assise sur un nom ou sur un pronom démonstratif exprimé ou inexprimé confère à l’infinitif une assiette comparable à l’actualisation qu’opère l’article, et son développement peut expliquer l’éclipse de l’article — momentanément rétabli au XVIe s. dans un registre surtout littéraire. Cette explication de l’indice de convient au cas du sujet, mais d’autres raisons doivent être cherchées pour expliquer le développement devant l’infinitif, dans les fonctions de complément, d’un indice prépositionnel, qui, en ancien français, a été beaucoup plus souvent àquede. L’infinitif précédé de à prolonge souvent un autre emploi du gérondif, celui de l’accusatif précédé de ad (ex. : ad moriendum) : Pur quem vedeies desirrer a murir Ço’st grant merveille que pietét ne t’en prist. [Puisque tu me voyais désirer mourir C’est incroyable que tu n’aies pas eu pitié] (Vie de saint Alexis). Pourtant, le même verbe est construit ailleurs sans à : Ki ci remaindre (= rester) desireiz (Roman de Brut). Le contenu sémantique de la préposition est donc bien ténu, et l’on doit souvent chercher la raison de son emploi dans des facteurs d’économie de la phrase qui n’ont rien à voir avec le sens. Une tendance à employer la préposition devant tout infinitif éloigné de son régent (Gamillscheg, Historische Französische Syntax, p. 468) explique l’usage contradictoire à l’intérieur de ce vers de la Prise d’Orange : Mielz voil morir et a perdre la vie. Mais cet usage même est capricieux, comme en témoigne ce passage de la Prise de Constantinople (début du XIIIe s.), où un messager répond à l’empereur Isaac II qui lui demandait « quels sont les en- gagements » (Quelx est la convenance ?) pris par son fils en échange de l’aide des croisés : Tot el premier chief, metre tot l’empire de Romanie a l’obedience de Rome [...] ; aprés, a doner .CC. mille mars d’argent [...] ; et mener .X. mil homes en ses vaissiaus et a sa despense tenir par un an ; et en la terre d’oltremer a tenir .V.C. chevaliers a sa despense tote sa vie... En moyen français, la préposition de tendra à remplacer à dans ce rôle de cheville articulatoire. Au XVIe s., le flottement est à son apogée : L’un de ces Prélats [...] auroit aussitost appris a croire en Dieu que nous de croire en lui (A. d’Aubigné). Il reste de nos jours quelques verbes conservant deux constructions : directe et indirecte (aimer rire/aimer à rire), avec à ou avec de (commencer à trouver/de trouver le temps long). Bien des grammairiens ont voulu définir la nuance qu’apporte l’emploi de l’une ou de l’autre préposition. G. Gougenheim estime que à garde seul une valeur propre, « dynamique », impliquant une « attitude active » du sujet (commander une armée/commander à ses passions) ; plus féconde paraît son observation selon laquelle à peut être changé en de par le voisinage d’un autre à moins instable ; comparer : demander à sortir, demander à quelqu’un de sortir. L’emploi de l’infinitif prépositionnel était exceptionnel en latin classique, où les fonctions indirectes étaient dévolues au gérondif. On le rencontre à basse époque avec contra, de, juxta, ad. La concurrence de l’infinitif et du gérondif prépositionnels s’exercera pendant le Moyen Âge en latin et, parallèlement, en français, aboutissant à l’élimination du gérondif, sauf après en (V. GÉRONDIF, art. spécial). On rencontre en ancien et en moyen français des infinitifs précédés de à, après, de, en, par, pour, sans, sur, avant (que) de, fors (que) de, près de. Les contraintes liant le support de l’infinitif au sujet ou au complément du verbe recteur étaient beaucoup plus lâches en ancien et en moyen français que de nos jours : N’en puez partir senz les membres tranchier [Tu ne peux en partir sans qu’on te tranche les membres] (le Couronnement de Louis), downloadModeText.vue.download 69 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2621 mais l’ancien français pouvait exprimer le support par un nom ou un pronom qui constituait avec l’infinitif une véritable proposition : Lors por revenir sa color [Pour que sa couleur revînt] La comancierent a baignier (Chrétien de Troyes). Al aprochier les nefz [Quand les navires approchèrent] (Baudoin de Sebourg). Cette construction n’est conservée de nos jours que dans les parlers de l’Est et du Nord : Achète un croissant pour toi manger. L’alternance d’un infinitif complément avec une proposition conjonctive n’était pas grammaticalisée comme aujourd’hui. Les premières recommandations sur ce point se lisent au XVIIe s. Duval, dans l’Escholier françois (1604), conseillait de remplacer Tu pensois que tu eusses tout veu par Vous pensiés avoir tout veu ; Oudin (1632) corrigeait de même qu’on m’eust deffendu que j’eusse pris ; Vaugelas remplaçait il m’a commandé que je fisse par il m’a commandé de faire ; au XVIIIe s., il devait être lui-même critiqué par l’Académie pour avoir écrit dans son Quinte-Curce : (il) se contenta de lui commander qu’il sortît de table ; il fallait : de sortir ; Buffier, Grimarest, Féraud formulaient les règles de cet usage avec plus de rigueur qu’aucun grammairien du XXe s. (Brunot, HLF, t. VI, p. 1822-23). Une construction, aujourd’hui disparue, a mis en échec la perspicacité des historiens ; le premier exemple en est de 1429 : Et le disnes estre fait, graces dictes a Dieu, s’en partoit chascun (Chronique du bon duc Loys de Bourbon). Elle est très fréquente au début du XVIe s., notamment chez Rabelais, après qui elle disparaîtra : Pantagruel, avoir entierement conquesté le pays de Dipsodie, en icelluy transporta une colonie de Utopiens (III, I). L’infinitif estre ou avoir n’est compris que si on le remplace par le participe (estant, ayant). Alf Lombard, dans son ouvrage sur l’Infinitif de narration dans les langues romanes (Uppsala, 1936), évoque à propos de cet « infinitif absolu » les opinions de Behm (1891), Huguet (1894), Brunot, Biedermann (1908), Philippot (1914), Sneyders de Vogel (1927), Spitzer, Lerch, Damourette et Pichon. Montrant les défauts de leurs explications, il propose la sienne : le disner estre fait aurait été dit pour le disner fait sur le modèle de l’alternance : il vit sa jambe estre coupée/il vit sa jambe coupée. III. VALEURS VERBALES La « progrédience » remonte au latin parlé, qui substituait l’infinitif au supin auprès d’un verbe de mouvement : venerat aurum petere (Plaute). Elle a toujours existé en français. La « proposition infinitive », appelée accusativus cum infinitivo par les grammai- riens qui ne veulent pas préjuger de son unité structurale, présente en latin dès les premiers textes une extension considérable, surtout dans la langue littéraire. Elle y dépend le plus souvent d’un verbe de déclaration ou d’opinion (verbum dicendi ou declarandi), de perception ou de sentiment (verbum sentiendi), d’un verbe ou d’une locution unipersonnels comme convenit, « il est convenu que », perspicuum est, « il est évident que », decet, « il convient ». Avec les verbes de perception proprement dits, la tournure Video eum plorare alternait chez Cicéron lui-même avec Video eum plorantem (Ernout-Thomas, Syntaxe latine, p. 239) — synonymie préfigurant une semblable alternance signalée plus haut en français. La proposition infinitive était concurrencée en latin parlé (premier exemple chez Plaute) par un type de proposition, originellement causale, introduite par quod ou quia, qui devint d’usage courant et où quod élimina quia en Gaule ; ce type, généralisé dans les langues romanes, a donné en français les complétives introduites par que. Les anciennes infinitives ne survivaient en ancien français que comme sujet des verbes (il) convient et (il) estuet ou comme complément de faire, laisser, voir, oïr et de quelques autres verbes de perception. Le premier exemple est livré par la Cantilène de sainte Eulalie : Voldrent la faire diavle [= le diable] servir. Mais dès les premiers textes apparaît, en concurrence avec le tour Je la voi plorer, un tour Je li voi plorer, dont D. Norberg, en 1943, a montré l’origine également latine : extension postclassique à la construction jubeo/sino + accus. + infin. de la construction classique mando/permitto + datif + infin. (nombreux exemples de cette confusion au VIe s.). De là toutes les constructions françaises du type faire faire quelque chose à quelqu’un. On sait avec précision, par l’étude de E. Stimming Der Accusativus cum Infinitivo im Französischen (Halle, 1915), que la proposition infinitive a connu un grand développement de 1350 à 1600 sous l’in- fluence du latin ; on la rencontre alors auprès des verbes de volonté : commande ses chevaulz estre parés de nouveaux harnais ; ou des verbes de sentiment et de déclaration : Chascun pourra juger icellui avoir esté de bonne intention. De ces structures étrangères à la langue parlée, le XVIIe s. ne conserva que les infinitives enchâssées dans une relative ; jointes à l’usage ancien, dont avaient seulement disparu les infinitives sujets, elles constituent l’usage moderne. L’infinitif exclamatif existait en latin : Quid enim ? sedere totos dies in villa ! [Quoi donc ? rester dans une villa des journées entières !] (Cicéron). Mene incepio desistere victam ? [Moi renoncer vaincue à mon dessein ?] (Virgile). Il se rencontre, mais très rarement, en ancien français : et por ce cuidoie ge bien qu’il en moreust. — Morir ! fet la damoiselle, Dex l’en gart (la Mort le roi Artu). L’ancien français possède un infinitif exhortatif d’un type que le latin ignore : Or del cerchier ! [Allons, cherche !] À la différence de l’infinitif moderne des prescriptions, celui-ci est du style oral. Or, injonctif, se retrouve dans d’autres formules d’ordre ; Meyer-Lübke a expliqué de par « il s’agit de » ; le l final de del est l’article. *Un infinitif de défense existait aussi : Amis, nel dire ja ! [Ami, ne le dis pas !] (la Chanson de Roland). Ce tour avait un précédent en bas latin : ne fore stultum (lat. class. ne stultus fueris), non negare (lat. class. ne negaveris). Le latin exprimait par le subjonctif une nuance « délibérative » de l’interrogation : Quid faciam ? Mais l’infinitif, autre mode de l’action virtuelle, apparaît à basse époque dans l’interrogation indirecte : Non habent unde reddere tibi (Itala). L’ancien français emploie l’infinitif en proposition interrogative indépendante comme en subordonnée : Dame, que dire ? que teisir ? (Chrétien de Troyes), se il seust | Ou trouver mon seignor Gauvain (id). L’usage n’a pas varié. Quant à l’infinitif de narration, il est bien tentant de le croire issu du modèle que fournissait le latin (Ernout-Thomas, Syntaxe latine, p. 228) : ego illud sedulo negare factum [moi de nier énergiquement que cela soit] (Térence). Mais le tour semble avoir été perdu vers la fin de l’Empire. Dans son étude magistrale de 1936, Alf Lombard cite les deux plus anciens exemples connus, datés du XIIe s. (Eracle), où la préposition est à. Deux études plus récentes (Stig Almenberg, l’Ellipse et l’infinitif de narration en français, Uppsala, 1942 ; Veenstra, oudownloadModeText.vue.download 70 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2622 vrage cité, 1946) ont mis au jour d’assez nombreuses attestations du XIIIe s., avec à ou avec de ; à s’effacera en moyen français devant l’actualisateur de, mais une résurgence est encore possible vers 1429 : Et l’en de main assaillirent Poictevins et Bourbonnois le donjon, ou il y ot fier assault et fort, et ceulx du fort a eulx deffendre, et le cordelier de traire, mais on s’efforcea par maniere qu’il fut pris de bel assault (Chronique du bon duc Loys de Bourbon). L’existence du tour en espagnol et en italien plaiderait pour l’héritage latin. Mais son existence « en anglais, en allemand, en suédois, en slave, en balte, en celtique, en sanskrit, en estonien, en sémitique, en suaheli » (Alf Lombard) laisse concevoir une genèse indépendante spontanée dans toutes les langues ; et à aucun moment le tour latin n’a comporté ad ou de. S. Almenberg reprend l’explication par l’ellipse d’un verbe tel que commencer, écartée par Alf Lombard et que soutenaient déjà pour le latin Quintilien et Priscien. Veenstra la repousse de nouveau : en cas d’ellipse, le syntagme elliptique alterne un certain temps avec le syntagme complet original ; or, dans aucune des langues où apparaît l’infinitif de narration, un verbe signifiant « commencer » ne se présente dans des constructions de même valeur. Que l’origine du tour français soit latine ou non, Alf Lombard donne pour vraisemblable, dans tous les cas, une justification synchronique assimilant cet infinitif à un nom (frayeur des grenouilles ; départ des deux rats) ; ainsi se vérifierait l’opinion de Damourette et Pichon (1933), qui voient en de, dans ce tour, la marque de « présentation concrète ». Quant à l’indice à du vieux français et des langues du Midi, on peut lui prêter la valeur dynamique ou ingressive qu’il a toujours présentée dans la langue familière : Voilà Madame à crier, à pleurer, à faire un bruit étrange, à s’évanouir (Mme de Sévigné, lettre du 18 sept. 1680). infinitude [ɛ̃finityd] n. f. (dér. savant de infini ; fin du XVIe s.). Qualité de celui ou de ce qui est infini, sans bornes : C’est à Descartes qu’il [Pascal] a visiblement emprunté ses plus beaux morceaux sur l’infinitude et la perfection de Dieu (Cousin). • SYN. : infinité. infirmable [ɛ̃firmabl] adj. (de infirmer ; 1842, Mozin). Que l’on peut infirmer : Témoignage difficilement infirmable. infirmatif, ive [ɛ̃firmatif, -iv] adj. (dér. savant de infirmer ; 1501, Isambert). Qui infirme, qui annule : Arrêt infirmatif d’un jugement de première instance, d’une sentence. infirmation [ɛ̃firmasjɔ̃] n. f. (lat. infirmatio, action d’affaiblir, d’infirmer, réfutation, de infirmatum, supin de infirmare [v. INFIRMER] ; fin du XVe s., au sens 2 ; sens 1, 1867, Littré). 1. Action d’infirmer : Des découvertes récentes tendent à l’infirmation de cette théorie. Ϧ 2. En termes de droit, annulation en appel d’une décision : Obtenir l’infirmation d’un jugement défavorable. • SYN. : 1 démenti, destruction, ruine. — CONTR. : 1 attestation, confirmation, justification. infirme [ɛ̃firm] adj. et n. (réfection, d’après le lat., de l’anc. franç. enferm[e], malade, valétudinaire [v. 1050, Vie de saint Alexis], lat. infirmus, débile, faible, de in-, préf. à valeur négative, et de firmus, solide, résistant, ferme ; v. 1265, Statuts d’hôtelsDieu [p. 129], au sens de « malade » ; sens 1, 1570, Vaganay [physiquement ; moralement, début du XVIe s.] ; sens 2, 1673, Molière [substantiv., 1690, Furetière]). 1. Class. Qui est faible physiquement ou moralement : [Il] les avertit que l’esprit est prompt et la chair infirme (Pascal). Ϧ 2. Qui n’a pas le libre usage de tous ses membres : Rester infirme à la suite d’un accident, d’une maladie. Infirme d’un membre. Et de mon côté, je me persuadais que je l’aimais comme on aime un enfant infirme (Gide) ; et substantiv. : Soigner un infirme. L’autre mime en boitant l’infirme [l’albatros] qui volait (Baudelaire). •SYN. : 2 éclopé, estropié, handicapé physique, impotent, invalide. — CONTR. : 2 ingambe, valide. infirmer [ɛ̃firme] v. tr. (lat. infirmare, affaiblir, débiliter, détruire, réfuter, de infirmus [v. l’art. précéd.] ; 1370, Oresme, au sens 2 ; sens 1, milieu du XIXe s., Baudelaire ; sens 3, fin du XIVe s.). 1. Vx. Rendre moins fort, ôter de la vigueur : Les années n’infirment que les membres et nous avons déformé les passions (Baudelaire). Ϧ 2. Enlever de l’autorité, mettre en question : Voulez-vous affirmer que celui qui a chanté la gloire était, par cela même, inapte à célébrer l’amour ? Vous infirmez ainsi le sens universel du mot poésie (Baudelaire). Malheureusement il ne me parlait pas de stratégie comme dans ses conversations de Doncières et ne me disait pas dans quelle mesure il estimait que la guerre confirmait ou infirmait les principes qu’il m’avait alors exposés (Proust). Ϧ 3. Annuler une décision rendue par une juridiction inférieure : Infirmer un arrêt, un jugement, une sentence. • SYN. : 2 démentir, détruire, ruiner ; 3 casser. — CONTR. : 2 appuyer, confirmer, consacrer, corroborer, ratifier ; 3 entériner. infirmerie [ɛ̃firməri] n. f. (de infirmier [v. ce mot] ; v. 1260, Adam de la Halle, écrit enfremerie [enfermerie, XIIIe s., Littré ; infirmerie, 1606, Crespin], au sens 1 ; sens 2, 1829, Boiste). 1. Partie d’un établissement destinée aux malades et où l’on peut donner certains soins : L’infirmerie d’un couvent, d’un collège, d’une caserne. Il se faisait admettre par ses grimaces à l’infirmerie, où il se pelotonnait sous ses couvertures (France). Ϧ 2. Plaisamm. Endroit où il y a beaucoup de malades : Avec cette grippe, ma maison est une infirmerie ! infirmier, ère [ɛ̃firmje, -ɛr] n. (de infirme [v. ce mot] ; 1288, Dict. général, écrit enfermier ; infirmier, 1398, Runkewitz [infirmier-major, 1873, Larousse ; infirmière-major, 1931, Larousse]). Auxiliaire médical diplômé, qui donne habituellement les soins prescrits ou conseillés par un médecin : Infirmier militaire. Les infirmières d’un hôpital. Prendre une infirmière à domicile. Elle [...] s’agenouilla devant l’homme évanoui, puis, de son bras qu’entourait le brassard blanc des infirmières, elle souleva la tête de Jean (France). ϦInfirmier-major, sous-officier infirmier qui a, dans un hôpital militaire, le service d’une division de malades. Ϧ Infirmièremajor, personne qui dirige toutes les infirmières d’un hôpital, d’une clinique, d’un service. infirmité [ɛ̃firmite] n. f. (réfection, d’après le lat., de l’anc. franç. enfermeté, faiblesse physique ou morale [v. 1050, Vie de saint Alexis], lat. infirmitas, faiblesse de corps, maladie, faiblesse de caractère, de infirmus [v. INFIRME] ; fin du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1664, Molière). 1. Class. et littér. Faiblesse physique ou morale : Si quelque chose pouvait élever les hommes au-dessus de leur infirmité naturelle (Bossuet). On pense tout excuser maintenant lorsqu’on s’est écrié : « Que voulez-vous ? c’était ma nature, c’était l’infirmité humaine » (Chateaubriand). Elles ne gouvernent plus le monde, elles sont appareillées à l’infirmité de nos esprits ; on ne peut se reposer sur leur simplicité (Valéry). Ϧ 2. Affection qui atteint une partie de l’organisme en la mettant dans l’incapacité de remplir normalement ses fonctions : C’était un aimable et heureux petit vieillard sec, robuste et enjoué. Il a eu une longévité extraordinaire, sans infirmités (Sand). La vieillesse ne vient pas sans un long cortège de douleurs et d’infirmités (France). Elle était [...] mal foutue jusqu’à l’infirmité, mais point laide (Queneau). • SYN. : 2 difformité, incommodité. infixe [ɛ̃fiks] n. m. (lat. infixus, part. passé de infigere, ficher dans, enfoncer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de figere, ficher, planter, fixer ; 1877, Littré). En linguistique, élément qui s’insère à l’intérieur d’un mot ou d’une racine : La downloadModeText.vue.download 71 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2623 racine « -jug- » a donné en latin, avec un infixe nasal, le verbe « jungo ». Les préfixes, les infixes et les suffixes sont classés sous le terme général d’« affixes ». inflammabilité [ɛ̃flamabilite] n. f. (dér. savant de inflammable ; 1641, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1829, Boiste). 1. Qualité de ce qui est susceptible de s’enflammer facilement : L’inflammabilité d’un gaz, d’un liquide. Ϧ2. Fig. Tendance particulière aux passions ardentes : Si nous voulons que le célibat respecte le mariage, il faut aussi que les gens mariés aient des égards pour l’inflammabilité des garçons (Balzac). Je croyais pieusement à l’inflammabilité des dames allemandes, espagnoles et italiennes à la seule vue d’un Français (Mérimée). inflammable [ɛ̃flamabl] adj. (dér. savant du lat. inflammare, allumer, incendier, irriter [en médecine], exciter, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de flammare, enflammer, exciter, dér. de flamma, flamme, feu [au pr. et au fig.] ; fin du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1787, Féraud). 1. Qui s’enflamme facilement et brûle rapidement : L’hydrogène est un gaz inflammable. Au thym brûlant et aux résines inflammables des pinèdes, la fermentation de la vie solaire avait donné une activité odorante (Bosco). Ϧ 2. Fig. Qui se prend facilement de colère ou de passion : Tempérament inflammable. La rapidité singulière avec laquelle fut arrangée cette émeute prouve [...] l’état inflammable où le peuple se trouvait (Michelet). Diable ! mon cher, comme tu y vas... Je suis donc bien irrésistible ou Mlle Pierotte bien inflammable (Daudet). • SYN. : 1 combustible ; 2 bouillant, explosif, fougueux, impétueux, volcanique. inflammateur [ɛ̃flamatoer] n. m. (de inflammat[ion] ; 11 déc. 1874, Journ. officiel [p. 8198], au sens de « substance ou engin destinés à produire l’inflammation » ; sens 1-2, 1902, Larousse). 1. Nom donné parfois au détonateur d’une torpille. Ϧ 2. Inflammateur électrique, artifice qui sert à la mise à feu des détonateurs sous l’influence d’un courant électrique. inflammation [ɛ̃flamasjɔ̃] n. f. (lat. inflammatio, action d’enflammer, incendie, inflammation [en médecine], excitation, de inflammatum, supin de inflammare [v. INFLAMMABLE] ; v. 1355, Bersuire, puis 1656, Molière, au sens 3 ; sens 1, 1552, Paradin [« incendie », av. 1525, J. Lemaire de Belges] ; sens 2, XVe s.). 1. Action par laquelle quelque chose s’enflamme et brûle : L’inflammation instantanée de la poudre. Provoquer, causer l’inflammation d’une nappe d’essence. Ϧ 2. En médecine, ensemble des signes et symptômes (rougeur locale, chaleur, douleur, gonflement, etc.) consécutifs à une infection : Inflammation cutanée due à une brûlure. Inflammation des gencives, des glandes salivaires. Ϧ Spécialem. Processus réactionnel de l’organisme à la suite d’une agression traumatique, chimique ou microbienne de l’organisme : Félicité tomba malade, son sang s’était échauffé, la poitrine paraissait menacée d’inflammation (Balzac). Ϧ 3. Class. et fig. Irritation vive et brusque : Mais qui cause, seigneur, votre inflammation ? (Molière). inflammatoire [ɛ̃flamatwar] adj. (de inflammat[ion] ; v. 1560, Paré, au sens 2 ; sens 1, 1802, Flick). 1. Qui tient de l’inflammation : Des noms hybrides, mi-grecs, mi-latins, avec des désinences en « -ite » indiquant l’état inflammatoire (France). Tumeur inflammatoire. Symptômes inflammatoires. Ϧ2. Qui s’accompagne d’une inflammation : Maladie, congestion inflammatoire. inflation [ɛ̃flasjɔ̃] n. f. (lat. inflatio, dilatation de l’eau en ébullition, gonflement de l’estomac, inflammation, de inflatum, supin de inflare, souffler dans, gonfler, inspirer, exalter, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de flare, souffler, exhaler ; XVe s., É. Roy, au sens de « gonflement » ; sens 1, 1549, R. Estienne ; sens 2, 1919, Truchy [aussi inflation monétaire] ; sens 3, 1925, A. Gide). 1. Vx. Action d’enfler ou de s’enfler : L’enflure est le résultat de l’inflation (Littré). Ϧ 2. Auj. Déséquilibre économique caractérisé par une hausse générale des prix, et que les économistes attribuent soit à l’accroissement de la circulation monétaire, soit au déficit budgétaire, ou au mauvais ajustement de l’offre et de la demande : Les cours des actions maintenus par l’inflation depuis la stabilisation du franc (Malraux). Ϧ Inflation monétaire, accroissement excessif des billets de banque. Ϧ 3. Tout accroissement, tout développement excessif : L’inflation de la publicité a fait tomber à rien la puissance des adjectifs les plus forts (Valéry). inflationniste [ɛ̃flasjɔnist] adj. (de inflation ; 1923, Y. Guyot). Relatif à l’inflation ; qui mène à l’inflation : Une poussée, le danger inflationniste. • CONTR. : 1 déflationniste. & adj. et n. (1926, Ch. Gide). Partisan de l’inflation : Un économiste inflationniste. Les inflationnistes considèrent qu’une légère inflation assure le plein-emploi et l’expansion économique continue. infléchi, e [ɛ̃fleʃi] adj. (part. passé de infléchir ; 1738, Mémoires de l’Acad. des sciences [p. 58], au sens de « [rayon] courbé de manière à faire un coude » ; sens 1, 1803, Boiste ; sens 2, 1893, Dict. général ; sens 3, 1931, Larousse). 1. Se dit, en botanique, d’une partie de la plante qui est courbée de dehors en dedans, du côté du centre ou de l’axe : Étamines infléchies. Feuilles infléchies. Rameau infléchi. Ϧ2. Arc infléchi, en architecture, arc formé de deux talons tangents par leurs sommets. Ϧ 3. Se dit, en linguistique, d’une voyelle qui a subi la métaphonie : L’« o » infléchi, ou « ö » [ø]. infléchir [ɛ̃fleʃir] v. tr. (de inflexion, d’après le couple fléchir/flexion ; 1808, Laplace, au sens 1 [au part. passé dès 1738, v. l’art. précéd.] ; sens 2, début du XXe s.). 1. Plier de manière à former une courbe plus ou moins accentuée : L’atmosphère infléchit les rayons lumineux. Ϧ2. Fig. Changer l’évolution de quelque chose, en modifiant progressivement une ligne de conduite : Infléchir une politique. Au déclin, nous avons peine à croire que notre destinée ait pu être infléchie par un livre (Mauriac). Il [Gandhi] a semblé invulnérable parce qu’il se cachait pour faiblir comme les animaux pour mourir, et que sa faiblesse n’infléchissait jamais son action publique (Malraux). • SYN. : 1 courber, fléchir, plier, ployer. & s’infléchir v. pr. (sens 1, v. 1770, Voltaire ; sens 2, 1935, A. Carrel). 1. Prendre une nouvelle direction de manière à former avec l’ancienne une courbe plus ou moins accentuée : La route s’infléchit à cet endroit. Ϧ 2. Fig. Subir une modification progressive de son évolution, de sa ligne générale : La politique gouvernementale s’est infléchie dans le sens d’un plus grand libéralisme économique. • SYN. : 1 se courber, s’incurver, ployer. infléchissable [ɛ̃fleʃisabl] adj. (de in- et de fléchir ; 1611, Cotgrave). Qu’on ne peut fléchir (au pr. et au fig.) : Un même et infléchissable jaillissement de toutes les forces de ma vie (Proust). infléchissement [ɛ̃fleʃismɑ̃] n. m. (de infléchir ; 25 juill. 1965, le Monde). Modification peu accusée d’un processus évolutif ou d’une orientation générale : On a noté un infléchissement de la tendance à la hausse des prix. Les votes du congrès ont marqué un infléchissement des positions du parti. inflexibilité [ɛ̃flɛksibilite] n. f. (dér. savant de inflexible ; 1611, Artus Thomas, au sens 1 [var. inflectibilité, 1314, Mondeville ; « caractère de ce qui ne fléchit pas sous l’effet de certains efforts donnés », 1873, Larousse] ; sens 2, 1718, Acad.). 1. Caractère de ce qui est matériellement inflexible : L’inflexibilité absolue n’existe dans aucun corps. Ϧ Caractère de ce qui ne fléchit pas sous l’effet de certains efforts donnés : L’inflexibilité d’une barre de fer, d’un essieu. Ϧ 2. Fig. Qualité d’une personne qui ne se laisse pas fléchir, qui ne cède à aucune pression ou influence : L’inflexibilité d’un juge. J’aime mieux avoir à me reprocher mon indulgence qu’une inflexibilité dont tu ne profiterais pas, et dont les suites seraient peut-être encore plus tristes (Marivaux). L’inflexibilité, l’implacabilité de son caractère (F. Fabre). • SYN. : 1 rigidité ; 2 implacabilité, inclémence, inexorabilité, rigueur, sévérité. downloadModeText.vue.download 72 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2624 inflexible [ɛ̃flɛksibl] adj. (lat. inflexibilis, raide, inflexible [au pr. et au fig.], de in-, préf. à valeur négative, et de flexibilis, flexible, souple, de flexum, supin de flectere, courber, ployer, émouvoir ; 1314, Mondeville, au sens 1 ; sens 2, début du XVIe s. ; sens 3, 1601, P. Charron [pour des conceptions dénuées d’indulgence, de compréhension ou de souplesse, 1742, Voltaire] ; sens 4, av. 1842, Stendhal). 1. Qui n’est pas flexible, qu’on ne peut courber, plier (rare) : Une poutre métallique inflexible. Sous l’inflexible joug qu’un cuir noue à leurs cornes, | Les boeufs à l’oeil sanglant vont stupides et mornes (Samain). Ϧ2. Fig. Se dit d’une personne que rien ne peut fléchir, vaincre ou émouvoir, qui demeure inébranlable dans ses résolutions ou ses sentiments : Je pardonne aux faibles et ne suis inflexible que pour les méchants (Voltaire). Et si plus tard vous devenez leur maîtresse inflexible [de vos passions], leur force sera votre force et leur grandeur votre beauté (France). Alors, il nous dit qu’en tous cas on saurait la vérité, car l’affaire allait être entre les mains de Saussier, et que celui-là, soldat républicain [...], était un homme de bronze, une conscience inflexible (Proust). Ϧ 3. Fig. Se dit du comportement, des dispositions d’une personne que rien ne peut fléchir : Je suis convaincu [...] qu’une volonté inflexible surmonte tout (Chateaubriand). La raison, annexée par ce romantisme, n’est plus qu’une passion inflexible (Camus). ϦPar extens. Se dit de conceptions dénuées d’indulgence, de compréhension ou de souplesse : Discipline, morale inflexible. Loi inflexible. Logique, système inflexible. Ϧ4. Littér. Qui marque l’inflexibilité du caractère : Elle était sèche et dévote, et avait comme l’abbé une de ces figures inflexibles qui ne rient jamais (Stendhal). • SYN. : 1 rigide ; 2 impitoyable, implacable, inébranlable, inexorable, intraitable, intransigeant, irréductible ; 3 draconien, inhumain, sévère, strict ; 4 dur, impassible, impénétrable, imperturbable, insensible. — CONTR. : 1 élastique, flexible, souple ; 2 bon, clément, compréhensif, exorable, indulgent, influençable, malléable ; 3 capricieux, changeant ; élastique, humain, large. inflexiblement [ɛ̃flɛksibləmɑ̃] adv. (de inflexible ; fin du XVe s., Godefroy). De façon inflexible : Exécuter inflexiblement les consignes. inflexion [ɛ̃flɛksjɔ̃] n. f. (lat. inflexio, action de plier [et, dans la langue grammat. de basse époque, « inflexion »], de inflexum, supin de inflectere, plier, infléchir, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de flectere, courber, ployer, émouvoir ; v. 1380, Conty, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1738, Voltaire [en mathématiques, 1962, Larousse ; point d’inflexion, 1765, Encyclopédie] ; sens I, 3, milieu du XXe s. ; sens II, 1, 1636, Monet ; sens II, 2, 1893, Dict. général ; sens II, 3, av. 1945, P. Valéry). I. 1. Action d’infléchir, de plier, ou le fait de s’infléchir, de se courber ; mouvement ainsi déterminé : Une légère inflexion du corps, de la tête. Ses gros sourcils noirs se rapprochèrent légèrement [...]. Cette inflexion caractéristique équivalait au plus gai sourire (Balzac). Ϧ 2. Manière dont quelque chose est infléchi ; changement de direction : L’inflexion brusque de la route. L’inflexion de la Marne entre les bosquets (Giraudoux). Ϧ Spécialem. En mathématiques, changement de sens de la courbure d’une courbe plane. Ϧ Point d’inflexion, point d’une courbe plane où cette courbe traverse sa tangente. Ϧ 3. Fig. Changement d’orientation : L’inflexion d’une orientation politique. II. 1. Changement d’intonation ou d’accent dans la voix, sur un mot ou sur une phrase : Et ses inflexions, vibrantes de douceur, | Me font rêver souvent à la voix de ma soeur (Lamartine). La voix de Ménestrel arrivait jusqu’à lui, sèche, coupante, avec une inflexion sarcastique à la fin des phrases (Martin du Gard). Sa voix se calmait brusquement, devenait tendre, onctueuse, extatique, nuancée d’inflexions, de caresses (Carco). Sa voix avait des inflexions si persuasives que par moments je me sentais dominé par lui (Lacretelle). Ϧ2.En linguistique, changement de timbre d’une voyelle sous l’influence d’un phonème voisin. (Ex. :l’angl. foot a donné le plur. feet sous l’influence d’un ancien i final [foti].) Ϧ3. Fig. Changement de nuance dans la pensée, le style : Racine savait-il lui-même où il prenait cette voix inimitable, ce dessin délicat de l’inflexion, ce mode transparent de discourir qui le font Racine, et sans lesquels il se réduit à ce personnage peu considérable duquel les biographies nous apprennent un assez grand nombre de choses qu’il avait de communes avec dix mille autres Français ? (Valéry). •SYN. : I, 1 fléchissement, inclination ; 2 courbe, courbure, déviation, lacet, méandre, sinuosité, zigzag. Ϧ II, 1 modulation. inflexionnel, elle [ɛ̃flɛksjɔnɛl] adj. (de inflexion ; 1962, Larousse [aussi tangente inflexionnelle]). Relatif à l’inflexion. Ϧ Tangente inflexionnelle, tangente à une courbe en un point d’inflexion. infliction inflictio, inflictum, [v. l’art. d’infliger [ɛ̃fliksjɔ̃] n. f. (bas lat. jurid. action d’infliger une peine, de supin du lat. class. infligere suiv.] ; 1486, Godefroy). Vx. Action une peine. infliger [ɛ̃fliʒe] v. tr. (lat. infligere, heurter contre, infliger [quelque chose] à quelqu’un, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et du v. archaïque fligere, heurter, frapper ; 1488, Mer des histoires, au sens 1 ; sens 2, 1904, P. Bourget [infliger un démenti à quelqu’un, 1913, Proust]). [Conj. 1 b.] 1. Appliquer, faire supporter une peine matérielle ou morale, une sanction à quelqu’un : Infliger un châtiment. Infliger une punition à un élève, un blâme à un fonctionnaire. Si vous n’observez pas mieux le silence, je vous infligerai une retenue générale (France). Ϧ 2. Imposer à quelqu’un une obligation équivalant à une peine : Infliger une lecture pénible, une présence insupportable. Avec une joie qu’il ne prenait pas la peine de dissimuler, il lui infligeait les détails les plus immondes (Aymé). Ϧ Infliger un démenti à quelqu’un, démentir formellement ses allégations. • SYN. : 1 administrer, donner, imposer. & s’infliger v. pr. (1829, Boiste). S’imposer à soi-même une chose pénible : S’infliger un travail fastidieux, des privations, des sacrifices. inflorescence [ɛ̃flɔrɛsɑ̃s] n. f. (dér., inflorescence [ɛ̃flɔrɛsɑ̃s] n. f. (dér., sur le modèle de efflorescence, du bas lat. inflorescere, se couvrir de fleurs, du lat. class. in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et florescere, entrer en fleur, dér. de florere, fleurir, être en fleur ; 1789, Lamarck, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Mode de groupement des fleurs sur une plante : Inflorescence simple, composée. Les principaux types d’inflorescences sont la grappe, l’épi, l’ombelle, le capitule, la cyme. Ϧ 2. Ensemble de fleurs ainsi groupées. influençable [ɛ̃flyɑ̃sabl] adj. (de influencer ; 1836, Balzac). Se dit d’une personne qui peut être influencée facilement dans ses pensées, ses sentiments, ses résolutions : Un enfant, un caractère influençable. Ces sortes de gens sont influençables par la vocifération comme les palais grossiers sont excités par les liqueurs fortes (Balzac). Et quand il m’entendit parler de lui comme d’une nature aisément influençable, j’ai senti dans tout son corps un sursaut de protestation (Gide). Mais l’esprit est influençable comme la plante, comme la cellule, comme les éléments chimiques, et le milieu qui le modifie, si on l’y plonge, ce sont les circonstances, un cadre nouveau (Proust). • SYN. : docile, malléable, maniable. influence [ɛ̃flyɑ̃s] n. f. (lat. médiév. influentia, action attribuée aux astres sur la destinée humaine, du lat. class. influere [v. INFLUER] ; v. 1240, Épître de saint Jérôme, au sens 1 [« action secrète, mystérieuse », av. 1869, Lamartine] ; sens 2, 1838, Acad. [électrisation par influence, 1873, Larousse] ; sens 3, milieu du XVe s., Évangiles des quenouilles [facteur d’influence, délire d’influence, 1962, Larousse] ; sens 4, XIVe s. ; sens 5, 1770, Raynal ; sens 6, 1780, Gohin [lutte d’influences, 1957, Robert ; le/la faire à l’influence, 1901, Esnault] ; sens 7, 1924, Bainville). 1. Class. Fluide qui était censé émaner « du corps des astres » et auquel on attribuait une action sur la destinée des hommes et sur les choses ; l’action qui était ainsi exercée : Sire, ajoutez du ciel l’occulte downloadModeText.vue.download 73 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2625 providence : | Sur deux amants il verse une même influence (Corneille). S’il [le poète] ne sent point du ciel l’influence secrète [...], | Dans son génie étroit il est toujours captif (Boileau). Ϧ Littér. Action secrète, mystérieuse : Dis-moi, repris-je, ami, par quelles influences | Mon âme au même instant pensait ce que tu penses (Lamartine). Ϧ2. En physique, effet produit à distance. ϦÉlectrisation par influence, charge électrique prise par un conducteur placé au voisinage d’un autre conducteur électrisé. Ϧ 3. Action, généralement lente et continue, qu’une chose, un agent physique exerce sur un être ou sur une chose : Influence de la chaleur, de l’humidité sur la végétation. Influence du climat sur la santé. Influence de l’alcool sur le caractère. Les influences de la pollution sur le milieu biologique. J’aimais surtout à essayer sur Madeleine l’effet de certaines influences, plutôt physiques que morales, auxquelles j’étais moi-même si continuellement assujetti (Fromentin). Longtemps j’ai promené mes souvenirs, pareils | Aux tragiques douleurs des Saphos et des Phèdres. | Mais l’azur clair, les bois profonds, les blondes nuits | En moi n’ont point versé leurs influences calmes (Coppée). Ϧ Facteur d’influence, en cybernétique, facteur mesurant les répercussions sur une certaine grandeur réglée des variations d’une grandeur perturbatrice. Ϧ Délire d’influence, trouble mental dans lequel le malade a la conviction d’être sous l’emprise d’une force étrangère qui décide de ses pensées et de ses actes. Ϧ 4. Action à long terme qu’une personne exerce sur les êtres ou sur les choses : L’influence de l’homme sur la nature s’étend loin au-delà de ce qu’on imagine (Buffon). Influence de l’homme sur le milieu, sur l’environnement. Ϧ5. Action qu’une personne exerce, volontairement ou non, sur les pensées ou sur la volonté d’autrui : Subir l’influence d’un professeur. Avoir une bonne, une mauvaise influence sur un enfant. Influence intellectuelle, morale. Un peintre dont l’oeuvre est marquée par l’influence des impressionnistes. Quand un ouvrage, ou toute une oeuvre, agit sur quelqu’un, non par toutes ses qualités, mais par certaine ou certaines d’entre elles, c’est alors que l’influence prend ses valeurs les plus remarquables (Valéry). Il n’est pas un écrivain digne de ce nom qui ne souhaite d’exercer une influence (Duhamel). Ϧ6. Autorité, prestige, crédit dont on jouit dans la société ou dans un domaine donné : Accroître, perdre son influence. Avoir de l’influence dans les milieux politiques, financiers. Un parti, un journal dont l’influence grandit parmi les intellectuels. La force d’ascension qui porta invinciblement la société jacobine à toutes les places effaça en un moment l’influence girondine (Michelet). Ϧ Lutte d’influences, lutte dans laquelle chacun essaie de gagner grâce à son influence, à son crédit. ϦTrafic d’influence, v. TRAFIC. ϦFam. Le (ou la) faire à l’influence, tenter d’obtenir quelque chose par intimidation, en vertu de la position que l’on occupe : N’essaye pas de me le faire à l’influence (Dorgelès). Ϧ7. Autorité politique ou intellectuelle acquise par un pays, une civilisation, un mouvement d’idées, à une époque donnée, dans une partie du monde : L’influence française en Afrique. L’influence de la Grèce ancienne dans le bassin de la Méditerranée. L’influence des idées révolutionnaires en Europe dans la première moitié du XIXe s. • SYN. : 3 effet, impulsion, incidence, répercussion ; 4 empreinte ; 5 ascendant, coupe, empire, emprise, fascination ; 6 importance, poids, pouvoir, prépondérance, puissance ; 7 hégémonie, rayonnement. influencer [ɛ̃flyɑ̃se] v. tr. (de influence ; 1771, Delolme [p. 207], au sens 1 ; sens 2, 1902, Larousse [« électriser par influence », 1962, Larousse]). [Conj. 1 a.] 1. Exercer une action psychologique, un ascendant sur quelqu’un : Être influencé par une propagande. Vous pouvez être tranquille : je serai très ferme et ne me laisserai pas influencer. Influencer la volonté, les sentiments, les opinions de quelqu’un. Ϧ 2. Avoir une action physique sur : La Lune influence les marées. Ϧ Spécialem. Électriser par influence. • SYN. : 1 déteindre sur (fam.), entraîner, infléchir, marquer, mener, peser sur ; 2 agir, influer. influent, e [ɛ̃flyɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de influer ; 1503, Vaganay, au sens de « qui a de l’influence [en parlant d’une cause] » ; sens actuel, 1791, Malouet [le mot ne semble pas être attesté entre le début du XVIe s. et la fin du XVIIIe s.]). Se dit d’une personne qui a beaucoup d’influence, d’autorité, de prestige : Je serais allée vous demander, Évariste, de faire auprès de vos amis influents des démarches en sa faveur (France). Considère combien l’appui d’un député influent peut te servir (Lacretelle). • SYN. : important, puissant. influenza [ɛ̃flyɑ̃za] n. f. (mot angl. signif. « grippe, catarrhe épidémique » [milieu du XVIIIe s.], lui-même empr. de l’ital. influenza, même sens, proprem. « influence », d’où « écoulement d’un fluide », puis « épidémie », lat. médiév. influentia [v. INFLUENCE] ; 1782, Ritter, les Quatre Dictionnaires). Nom donné jadis à la grippe épidémique. influer [ɛ̃flye] v. tr. (lat. influere, couler dans, affluer [et, dans la langue des astrologues du Moyen Âge, « faire pénétrer par une influence astrale »], de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de fluere, couler, s’écouler ; XIVe s., Nature à l’alchimie, au sens 1 ; sens 2, fin du XIVe s., Chr. de Pisan). 1. Class. En parlant des astres, faire couler dans, répandre sur, en vertu de l’influence qu’on leur attribuait sur les hommes et sur les choses : Les astres influent diverses qualités sur les corps [sublunaires] (Acad., 1694). Je naquis sous un astre influant la valeur (Tr. L’Hermite). Ϧ 2. Class. Faire pénétrer, insinuer, ou faire naître, inspirer (une chose immatérielle ou morale) : Car nos membres ne sentent point le bonheur de leur union, de leur admirable intelligence, du soin que la nature a d’y influer les esprits et de les faire croître et durer (Pascal). Dieu est lui-même, par son essence, le bien essentiel qui influe le bien dans tout ce qu’il fait (Bossuet). Son allure, ses yeux, sa taille et son aspect | Influaient dans le sein l’amour et le respect (Saint-Amant). & v. intr. (1536, G. Chrestien). Class. (déjà vx au XVIIe s.). Pénétrer : [Le] libre arbitre, dont les conséquences influent si avant dans les matières de la justification et de la grâce (Bossuet). & v. tr. ind. (1377, Oresme). Influer sur quelqu’un ou sur quelque chose, exercer sur une personne ou sur une chose une action susceptible de modifier son comportement, son état ou son évolution : L’éducation influe sur toute la vie. Son mauvais état de santé a beaucoup influé sur son caractère. Les climats influent plus ou moins sur le goût des peuples (Chateaubriand). Ma belle-soeur est une personne agréable qui s’imagine être encore au temps des romans de Balzac, où les femmes influaient sur la politique (Proust). À leur insu, ces réflexions venimeuses qu’ils échangeaient à toute occasion allaient influer sur le cours de leurs vies respectives (Aymé). • SYN. : agir, déteindre, influencer, peser. influx [ɛ̃fly] n. m. (bas lat. influxus, influx [ɛ̃fly] n. m. (bas lat. influxus, influence, de influxum, supin du lat. class. influere [v. INFLUER] ; 1547, Godefroy, au sens de « influence des astres » ; sens 1, 1854, M. B. Jullien [en spiritisme, 1902, Larousse] ; sens 2, 1839, Acad.). 1. Sorte de flux, de fluide agissant sur les êtres et sur les choses : D’après Leibniz, l’ordre dans la création dépend d’un influx divin (Proudhon). Lui aussi traite, comme sainte Thérèse [...], des noces spirituelles, de l’influx de la grâce et des dons (Huysmans). Ϧ En spiritisme, réaction produite par l’esprit sur le fluide vital. Ϧ 2. Influx nerveux, ensemble des phénomènes, de nature électrique, par lesquels l’excitation d’une fibre nerveuse se propage dans le nerf : Influx centrifuge, centripète. in-folio [infɔljo] adj. invar. (loc. du lat. moderne signif. proprem. « en feuille », du lat. class. in, en, dans, et folio, ablatif de folium, feuille, feuille de papier ; milieu du XVIe s.). Se dit du format d’un livre où chaque feuille d’impression, pliée en deux, forme 2 feuillets, soit 4 pages : Format, édition in-folio. Ce catalogue forme deux volumes in-folio, qu’il plaça dans sa galerie (France). & n. m. invar. (1688, Miege [pour un livre ; pour le format, 1835, Acad.]). Format, downloadModeText.vue.download 74 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2626 volume in-folio : De chaque côté de l’armoire, des rayons bas supportaient de lourds in-folio (Gide). infondé, e [ɛ̃fɔ̃de] adj. (de in- et de fondé ; 1914, Lyautey). Qui est dénué de fondement : Des craintes infondées. Une supposition qui n’est pas absolument infondée. informateur, trice [ɛ̃fɔrmatoer, -tris] n. (dér. savant de informer ; v. 1354, Modus, au sens de « rapporteur » ; v. 1360, Froissart, au sens de « juge d’instruction » ; sens 1, 1838, Acad., au masc. et au fém. [var. informeur, av. 1797, Beaumarchais] ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Personne qui donne des informations ou qui en recueille : Un informateur bien renseigné, digne de foi. Il recommanda au préfet de police de surveiller l’affaire de près [...] et de s’en tenir au rôle d’informateur (France). Ϧ2. Spécialem. Personne qui renseigne la police sur les agissements des malfaiteurs. (En ce sens, on dit aussi INDICATEUR.) informaticien, enne [ɛ̃fɔrmatisjɛ̃, -ɛn] n. et adj. (de informatique ; 9 févr. 1966, le Monde ; « personne dont le métier est d’étudier... des machines informatiques » et ingénieur informaticien, 1968, Larousse). Personne qui s’occupe d’informatique. ϦSpécialem. Personne dont le métier est d’étudier, de construire, de programmer, de réparer des machines informatiques. ϦIngénieur informaticien, ingénieur spécialiste de l’informatique et de ses applications. informatif, ive [ɛ̃fɔrmatif, -iv] adj. (dér. savant de informer ; 1522, Corbichon, dans la loc. vertu informative, principe vital qui organise la vie et donne forme à la matière ; 1803, Boiste, au sens de « qui sert à représenter, à former » ; sens actuel, 1970, Robert). Qui informe, vise à informer : Publicité informative. information [ɛ̃fɔrmasjɔ̃] n. f. (de informer [et non du lat. informatio, -tionis — de informatum, supin de informare, v. INFORMER —, qui signifiait « dessin, esquisse, conception, explication d’un mot par l’étymologie »] ; 1274, Godefroy, au sens I ; sens II, 1, 1867, Littré [« enquête non judiciaire », début du XIVe s.] ; sens II, 2, XIIIe s., Miroir des dames ; sens II, 3, 1657, Pascal [rare av. le début du XXe s.] ; sens II, 4, 1931, Larousse ; sens II, 5, 1902, Larousse [émission, bulletin d’informations, les informations, v. 1935 ; journal d’informations, 1931, Larousse ; service des informations, 1902, Larousse] ; sens II, 6, v. 1960 ; sens II, 7, 18 déc. 1966, la Vie du rail [information codée, 1968, Larousse] ; sens II, 8, 1957, Robert). I. En termes de droit, instruction judiciaire, diligentée par le juge d’instruction ou par les officiers de police judiciaire agissant sur commissions rogatoires, en vue d’établir la preuve d’une infraction et d’en découvrir les auteurs : Ouvrir une information contre X. Demander un supplément d’information. II. 1. Action de s’informer, de recueillir des renseignements dans un domaine donné : Mission d’information. Accomplir un voyage d’information en Amérique latine. Ϧ2.Renseignement que l’on obtient sur quelqu’un ou sur quelque chose (surtout au plur.) : Prendre ses informations à bonne source. Manquer d’informations sur les causes d’un accident. Une information qui demande à être contrôlée. Ϧ3.Spécialem. Documentation, ensemble de connaissances réunies par quelqu’un sur un sujet donné (au sing. collectif) : Je n’ai ni le temps ni la puissance de définir l’état intellectuel de l’Europe en 1914. Et qui oserait tracer un tableau de cet état ? Le sujet est immense. Il demande des connaissances de tous ordres et une information infinie (Valéry). Ϧ 4. Action d’informer, de mettre au courant le public, l’opinion, de tous les événements qui peuvent présenter un intérêt pour eux : Agence d’information. Ministère de l’Information. Liberté de l’information. Ϧ 5. Renseignement, indication, nouvelle communiqués par un des moyens d’information (presse, radio, télévision) : Des informations dignes de foi. Une information de dernière heure. Informations politiques. Informations météorologiques. ϦÉmission, bulletin d’informations, ou, ellipt., les informations, émission de radio ou de télévision donnant des nouvelles : Écouter, prendre les informations. Zut ! 7 h 40, j’ai raté les informations (D. Amiel). Ϧ Journal d’informations, journal visant à donner les plus récentes nouvelles d’une manière objective, sans les accompagner de commentaires politiques. Ϧ Service des informations, dans un journal, service des reportages ; personnel employé à ce service. Ϧ 6. En linguistique, séquence de signaux correspondant à des règles de combinaison précises, transmise entre un émetteur et un récepteur par l’intermédiaire d’un moyen servant de support physique à la transmission des signaux. Ϧ 7. En informatique, écrit, fait, notion ou instruction dont la totalité ou certains aspects ou éléments sont susceptibles d’être traités par des moyens automatiques. Ϧ Information codée, information représentée sous une forme physique exploitable par des moyens automatiques. Ϧ 8. En cybernétique, facteur qualitatif désignant la position d’un système, et éventuellement transmis par ce système à un autre. • SYN. I enquête. ϦII, 1 étude, investigation, recherche ; 2 indication, nouvelle, précision, tuyau (pop.) ; 5 communiqué, flash (fam.). GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE L’INFORMATION DÉFINITION Si l’on fait tirer une carte à une personne et si, à la question Qu’avez-vous tiré ?, elle répond : Une carte, cette réponse n’apporte aucune information. Au contraire, on est informé dans une certaine mesure si la réponse est : Une carte rouge. Deux possibilités existaient : la carte pouvait être rouge ou noire ; 16 cartes sur 32 sont éliminées de ce fait. L’information est plus précise si la réponse est : Une carte de coeur, car il existait quatre possibilités : pique, coeur, carreau, trèfle, 24 cartes sont éliminées. C’est un fait connu — et regrettable ! — que, dans une partie de cartes à quatre, deux partenaires conviennent souvent d’un code secret pour se renseigner sur leurs jeux. S’ils disposent d’un signal, simple ou complexe, pour dire : « J’ai l’as de pique » ou « J’ai le sept de coeur », chacun de ces signes donne une information égale, car il permet le choix entre 32 possibilités, et cette information est plus précise que s’ils disaient : « J’ai une carte noire » ou « J’ai une carte rouge ». Il est probable que la possession d’un as a beaucoup plus d’importance que celle d’un sept (à moins qu’il ne s’agisse d’un sept d’atout), mais ces éléments de valeur échappent à la mesure et n’ont pas à être pris en compte dans l’économie du code. La théorie de l’information calcule la valeur d’une information au nombre de possibilités entre lesquelles elle permet de choisir. MESURE DE L’INFORMATION ; ENTROPIE Peut-on se contenter de chiffrer cette valeur au nombre des possibilités (par exemple : probabilité de 1/2, 1/4, 1/32, etc.) ? Un ingénieur des téléphones à la compagnie américaine Bell, Claude Elwood Shannon, creusant le problème en vue d’une meilleure économie de la transmission des messages, a défini en 1948 une unité d’information plus maniable, et liée à certaines relations inhérentes à toute espèce de code. La figure ci-contre représente un échiquier ; un pion est sur une case. downloadModeText.vue.download 75 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2627 On peut imaginer un nombre indéfini de systèmes pour désigner cette case. L’un d’eux consisterait à affecter toutes les cases de signes différents formant en quelque sorte un alphabet de 64 lettres. La désignation d’une case se ferait par l’emploi de la lettre correspondante, éliminant d’un seul coup 63 possibilités. Mais la mémorisation de 64 signes est coûteuse : elle exige un gros effort ; de plus, elle impose une vue linéaire peu pratique d’un objet à deux dimensions. Les joueurs d’échecs usent d’un système qui leur donne toute satisfaction dans la notation des coups ou dans le jeu « à l’aveugle » pratiqué par quelques champions. Ils désignent chaque colonne de gauche à droite par une lettre de a à h, et chaque rangée de bas en haut par un chiffre de 1 à 8 ; le pion, sur la figure, est donc en c2. La désignation de la colonne c élimine les sept autres colonnes et ne laisse que 8 possibilités ; la désignation du rang, ensuite, n’en laisse qu’une. Les deux dimensions de l’échiquier ne peuvent pas être mieux rappelées, et le nombre des signes est réduit à deux séries de 8, dont l’ordre est bien connu par l’usage de l’alphabet et de la numération décimale. Seize signes sont encore trop pour les machines électroniques, dont le procédé de signalisation se ramène toujours au passage ou à l’interruption d’un courant ; ce binarisme matériel impose un binarisme du système choisi : chaque signe devra éliminer la moitié des possibilités. Désignons par G la moitié de gauche, D celle de droite, H celle du haut, B celle du bas. Le pion est situé si l’on dit GBDBGH : — Le premier signal indique : le pion est dans la moitié de gauche (qui comporte 32 possibilités) — 2e signal : le pion est dans la moitié du bas (qui comporte 16 possibilités) — 3e signal : le pion est dans la moitié de droite (qui comporte 8 possibilités) — 4e signal : le pion est dans la moitié du bas (qui comporte 4 possibilités) — 5e signal : le pion est dans la moitié de gauche (qui comporte 2 possibilités) — 6e signal : le pion est dans la moitié du haut. Il a suffi de 6 signaux pour repérer le pion en éliminant toutes les possibilités sauf une. Ces signaux, s’ils sont adaptés à une machine électronique, se réduisent à une succession de /+/ et de /—/ (soit ici : + ——— ++) selon un code dont le système est simple, faisant alterner / + / = G / — / = D avec : / + / = H / — / = B On peut très bien concevoir un partage binaire qui ne procéderait pas par moitiés égales, mais il serait moins économique, faisant gagner un signe dans certains cas, mais en faisant perdre un plus souvent. Shannon a défini l’unité d’information comme la quantité d’information nécessaire et suffisante pour éliminer l’une de deux possibilités également probables ; il l’a appelée bit, abréviation de binary digit (indice binaire). Si l’on compare le nombre n des possibilités et le nombre H des signaux nécessaires pour repérer le pion dans notre exemple, on met en parallèle une progression géométrique et une progression arithmétique : n : 2 4 8 16 32 64 H : 12 3 4 5 6 C’est le type de relation appelé logarithmique. On remarque que 2 est la puissance 1 de 2 ; 4 sa puissance 2 ; 8 sa puissance 3 ; 16 sa puissance 4 ; 32 sa puissance 5, etc. ; en sorte que chaque valeur de H est le « logarithme de base 2 » de la valeur correspondante de n. On appelle mesure d’une information la puissance à laquelle il faut élever 2 pour obtenir le nombre de possibilités entre lesquelles un signal permet de choisir. Chaque signal binaire étant de 1 bit, il faut 6 bits pour situer un pion sur l’échiquier. Dans le code ordinaire des joueurs d’échecs, chacun des signes c et 2 a une valeur de 3 bits, puisqu’il laisse à lui seul 8 possibilités (soit 23). Dans le système désignant chaque case par un signe différent, chacun des signes vaudrait 6 bits. Dans tous les cas, la quantité d’information est égale au nombre des choix binaires nécessaires pour annuler l’incertitude initiale. Quand on demande à une personne qui a tiré une carte : « Est-elle rouge ou noire ? », les deux éventualités sont également probables ; on dit que l’entropie du système est maximale, parce que la réponse élimine une incertitude maximale. Mais si l’on pose la question : « Est-ce un as ? », l’incertitude est moins grande, parce qu’il y a peu de probabilité (1 chance sur 8) que la carte soit un as ; on dit alors que l’entropie est inférieure au maximum ; elle l’est d’autant plus que le déséquilibre des chances est plus élevé. La réponse non apporte, dans le cas imaginé, peu d’information ; la réponse oui en apporte beaucoup. THÉORIE DE LA COMMUNICATION La théorie de l’information s’intégrait, pour Shannon, dans un ordre de phénomènes dont il écrivit la théorie en collaboration avec Warren Weaver : The Mathematical Theory of Communication (1949). Le Français Benoît Mandelbrot apporta sa contribution en 1952 dans An Informational Theory of the Structure of Language, et en 1957, en collaboration avec L. Apostel et A. Morf, dans Logique, langage et théorie de l’information. La théorie de la communication s’intégrait elle-même à la science cybernétique, qu’un mathématicien américain, Norbert Wiener, présentait dès 1948 dans Cybernetics, or Control and Communication in the Animal and the Machine ; selon Wiener, les systèmes de communication des êtres vivants, essentiels à la vie et au progrès de toute communauté, ne diffèrent pas fondamentalement des systèmes des machines modernes, dont la technique peut grandement bénéficier d’une analyse structurale des mécanismes de la langue. On peut poser à la base ce schéma minimal de la communication : Pour Shannon, la source pouvait être un homme parlant au téléphone ; l’appareil transmetteur transformait ses ondes sonores en variations d’intensité électrique selon des règles d’équivalence qu’on peut considérer comme un codage, puisqu’il en sort des signaux électriques, lesquels s’acheminent par un fil (canal de la transmission) jusqu’à l’appareil récepteur (l’écouteur), qui transforme les impulsions électriques en vibrations sonores (décodage) interprétables par le destinataire. On appelle bruit toute interférence venant troubler la transmission au niveau du canal ; par exemple, une communication venant se superposer à la première par l’effet d’une mauvaise sélection, ou les crépitements d’un mauvais contact, ou même une faiblesse du courant atténuant l’intensité du son. La théorie s’appliquant aux machines automatiques, le rôle de la source peut downloadModeText.vue.download 76 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2628 être tenu par un phénomène physique, comme l’élévation de la température dans un local ; le dépassement d’une certaine cote provoque le fonctionnement d’un appareil (le transmetteur) qui déclenche un courant électrique véhiculé par un fil (le canal) ; ce fil aboutit à un appareil (le récepteur) qui transforme ce courant en un mouvement de rotation, provoquant la ventilation de la pièce. Dans un cas semblable, les ingénieurs remplacent ordinairement les termes finalistes de source et de destinataire par input (« ce qu’on met dedans ») et output (« ce qu’on en retire »). Dans ces deux exemples, le canal était un fil électrique, mais on désigne par « canal » tout support physique de la transmission du message : ondes lumineuses (signaux optiques), sonores (signaux acoustiques), hertziennes (radiophonie), disques, films, bandes enregistrées, permettant le stockage et la reproduction indéfinie, etc. À chaque type de canal correspond un type différent de « bruit » : écran, obscurcissement, effacement pour les signaux optiques, rayures et déchirures pour le film, frottement et cassure pour le disque, etc. ; paradoxalement, la surdité est un « bruit » pour la réception d’un message oral. REDONDANCE Supposons qu’on veuille transmettre oralement un message ayant une entropie maximale, comme la séquence GBDBGH repérant le pion sur l’échiquier. La mauvaise réception d’une seule lettre empêche le repérage (et le rend d’autant plus imprécis que cette lacune est plus près du début) : le moindre « bruit » (ne fût-ce qu’une mauvaise articulation) peut faire échouer la transmission du message. Celui-ci sera beaucoup mieux reçu, malgré le bruit, si l’on a la précaution de l’exprimer ainsi : G comme Gérard, B comme Bernard, D comme Daniel, B comme Bernard, G comme Gérard, H comme Henri. Ce faisant, on donne au destinataire de nombreux éléments pour restituer les lettres manquantes, car non seulement on répète chacune des lettres, mais on donne le moyen de la deviner si la répétition ne suffisait pas : la probabilité est très grande que l’on ait G devant ...érard, B devant ...ernard, etc. Le message est dit redondant, terme que les théoriciens de l’information ont emprunté à la rhétorique pour désigner tout emploi de signe n’apportant pas d’information. En effet, les lourdes redondances du message de notre exemple n’apportent aucune information de plus que la séquence GBDBGH. La théorie définit la « redondance » comme toute diminution de l’information apparaissant soit dans un message, soit dans la structure même d’un code. Le premier cas est représenté par notre exemple : la forme donnée au message produit la redondance qui sauve le message du bruit. Le second cas s’observe si l’on compare le code des nombres au code du langage articulé : — Un chiffre manquant dans un nombre écrit ne peut être restitué (ex. : 27. 3) — Un phonème manquant dans un mot prononcé peut souvent être restitué (ex. : cro . odile). Le code de la numération décimale n’est redondant à aucun degré ; le code du langage l’est à un degré élevé : — Chacun des phonèmes composant le mot (v. MOT, art. spécial) est rendu probable par la présence des autres phonèmes de ce mot (ex. : [ʒerar]) — Indépendamment du sens, la probabilité d’un phonème est fortement déterminée par la nature des phonèmes voisins : en français, un l en début de mot est forcément suivi d’une voyelle, un o nasalisé est final ou suivi d’une consonne — Les faits d’accord (v. ce mot, art. spécial) instituent très souvent en morphologie une redondance du genre, du nombre, de la personne (nous courons), du temps (je désirais qu’il vînt) — La transitivité (v. ce mot, art. spécial) d’un verbe, d’une préposition, etc., rend probable la présence d’un terme d’une certaine classe qui le complète syntaxiquement (ex. : Mangez donc du [+ nom]). La psychologie expérimentale s’est intéressée à l’effet des différents bruits sur la perception des messages oraux. Des expériences de J. C. R. Licklider (1946) ont montré que l’altération des voyelles affecte moins l’intelligibilité que celle des consonnes ; ce phénomène n’a rien de surprenant dans les langues où les consonnes, beaucoup plus nompreuses que les voyelles, ont chacune une probabilité d’apparition plus faible, donc une valeur d’information plus forte ; c’est particulièrement le cas de la langue arabe, qui, comme on le sait, s’écrit couramment sans voyelles. Mais l’expérience montre qu’il en est de même en français. La graphie du français est encore plus redondante que sa forme orale : que l’on songe aux nasales écrites m ou n selon la consonne suivante dans jambe, jante, pompe, ponte ; aux oppositions désinentielles muettes de formes verbales, comme j’aime, tu aimes, ils aiment ; à toutes les marques écrites d’accord (v. ce mot, art. spécial), y compris celles du participe passé ; à la différenciation des homonymes : conte, comte, compte. Dans les phrases suivantes : J’ai lu un joli conte, Rodrigue défie le comte, Nous allons faire nos comptes, la différence graphique n’est pas nécessaire pour distinguer les trois mots prononcés [kɔ̃t] : l’entourage sémantique suffit ; la graphie n’apporte donc aucune information ; pourtant, elle facilite l’identification en dispensant le décodeur de raisonner sur le sens. Elle est seule à informer dans certains contextes dont l’ambiguïté sémantique peut être assimilée à un « bruit » (ex. : un livre de contes/comptes). COÛT ET RENDEMENT ; LOI DE ZIPF. Le message GBDBGH valait 6 bits. Le message redondant G comme Gérard, etc., vaut encore 6 bits, et rien de plus. Mais il exige une plus grande dépense d’énergie, puisqu’il dure plus longtemps : son coût est supérieur. On mesure ici le coût au délai de codage, qui repose pratiquement sur le nombre de phonèmes prononcés. Le rendement d’un message est ment proportionnel au rapport quantité d’information : plus est élevée, à coût égal, plus fort. inversedu coût à la l’information le rendement est La redondance, qui augmente le coût, diminue le rendement, ce qui peut être une gêne lorsque le canal a sa capacité limitée par telles ou telles contraintes temporelles ou spatiales (cas des slogans, des inscriptions lapidaires). Bien que la diminution du rendement soit compensée par une meilleure protection contre les perturbations du bruit, une loi d’économie tend à limiter le coût dans toutes les langues. Si l’on demandait à un lexicologue de créer de toutes pièces le vocabulaire d’une langue artificielle, il ferait évidemment preuve de sagesse en donnant les formes les plus simples aux mots les plus employés : le rendement en serait meilleur. Or ce principe semble avoir présidé à la formation inconsciente du vocabulaire de toutes les langues. S’inspirant de cette observation du linguiste américain Zipf, Pierre Guiraud a étudié en 1954 (Bulletin de la Société de linguistique de Paris) la relation entre la fréquence (F) des mots et le nombre de leurs phonèmes (k). Les exemples ci-dessous, empruntés à son article, font état de fréquences non comparables d’une langue à l’autre, parce qu’elles sont fondées sur des corpus de dimensions différentes, mais l’indication du rang par ordre de fréquence (R) est significative : downloadModeText.vue.download 77 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2629 Anglais (liste d’Eldridge, 43 000 mots formes) Français (liste de Vander Beke, 1 200 000 mots unités de lexique) La différence qui apparaît à l’avantage du français (coût moyen inférieur à 6 phonèmes pour les mots de 2000e rang) n’est due qu’à une différence dans la méthode de recensement (mots formes ou unités de lexique). La même relation inverse est mise en évidence par des tableaux concernant le latin et le chinois. Ces décomptes ne font état que de coûts moyens : le nombre k est calculé sur une vingtaine de mots de longueur différente ; par exemple, en français, les mots malheureusement et île ont le même rang (environ le 1000e), l’adverbe tout à l’heure et l’interjection eh comptent pour le même rang (environ le 500e). Moyennant cette réserve, P. Guiraud a pu poser la formule suivante : Si le symbole R peut figurer dans cette formule, alors qu’on y attend F, ou p (probabilité, rapport de la fréquence au nombre total des mots dénombrés), c’est qu’il existe une relation entre R et F, mise en évidence dès la fin du XIXe s. par le sténographe français J.-B. Estoup (4e éd., 1916), reprise et étudiée en 1935 par Zipf (Psycho-Biology of Language), lequel l’a résumée par la formule : F x R = constante. Cette formule s’applique d’ailleurs aussi bien, selon les observations de Zipf, à la distribution des revenus classés par ordre de grandeur décroissante, à la population des villes, au nombre des points de vente des entreprises commerciales, etc. La validité de la « loi de Zipf » a été contestée, entre autres par R. Moreau (Bulletin d’information du laboratoire lexicologique de Besançon, 1962) et par H. Guiter à propos de l’espagnol et du roumain (Bulletin de la Société de linguistique de Paris, 1970). De toute façon, la relation coût/fréquence n’est d’aucun usage aux linguistes sous la forme rigoureuse que lui a donnée Guiraud ; mais elle fonde scientifiquement le principe, bien connu des sémanticiens, selon lequel l’emploi fréquent d’un mot ou d’un groupe de mots entraîne souvent pour cette séquence un raccourcissement, qui peut prendre la forme d’un abrègement facultatif (bus pour autobus, métro pour chemin de fer métropolitain, R. A. T. P. pour Régie autonome des transports parisiens) ou d’une haplologie inconsciente (-ons, -ez pour -avons, -avez dans les désinences du futur issues de habemus, habetis). Pierre Guiraud donne sa formule pour corrélative de la relation existant entre la fréquence et la valeur informationnelle. Plus un mot est fréquent, plus sa probabilité d’apparition est grande, donc plus est faible l’information qu’il apporte (v. plus haut) ; en termes mathématiques : la quantité d’information d’un signe est proportionnelle au logarithme(négatif )de sa probabilité (art. cité, p. 121). Mais, à la différence des théoriciens de l’information, qui font totalement abstraction du sens, et tout en démontrant scientifiquement que la brièveté des signes les plus fréquents est un produit normal des lois du hasard, P. Guiraud admet un lien — au moins de convenance — entre la fréquence et le sémantisme : le rang d’un mot dans sa liste de fréquence est solidaire d’une certaine vision du monde. Peu de sens, peu d’information, peu de marques, peu de phonèmes : La relation coût/information (ou forme/fréquence) traduit objectivement ces rapports entre le signe et le concept et permet de poser en termes objectifs le problème de la signification (id., p. 128). APPLICATIONS À LA LINGUISTIQUE Il se peut que, statistiquement, la signification ait déterminé au niveau de la langue la valeur informationnelle et, par suite, le volume phonique des mots, mais qui veut appliquer la théorie de l’information au niveau des messages doit éviter avant tout l’écueil d’une confusion entre information et signification. On y tomberait si l’on posait en principe qu’un mot plus fréquent qu’un autre présente ipso facto un sens plus abstrait : fer est aussi précis que zinc ; mère (291e mot du Français élémentaire) autant que cousine (621e mot). On peut mesurer la valeur informationnelle des réponses Une carte rouge ou Une carte de coeur concernant une carte tirée, parce qu’on peut compter exactement les possibilités éliminées par ces réponses (respectivement 16 et 24 sur 32). Mais comment chiffrer les possibilités qui s’offrent si l’on veut compléter la phrase suivante : Ce costume était trop .. pour moi ? Dira-t-on grand, cher, beau, austère, original.. ? Les facteurs extra-linguistiques ont évidemment le premier rôle dans le choix, or ils se dérobent en 1’occurrence à tout dénombrement ; selon la situation, un adjectif ou un autre provoquera, à cette place, le maximum de surprise. La probabilité d’apparition d’un mot à une certaine place dépend en quelque mesure de son rang dans la liste de fréquence, mais, bien avant, elle dépend des contraintes plus ou moins chiffrables de l’entourage grammatical et sémantique, ainsi que des contingences de la situation. Il est donc rarement possible de calculer en bits la valeur informationnelle absolue d’un mot dans une phrase. On se gardera de comparer la valeur informationnelle de deux signes différant par la classe ou la catégorie morphologique (comme le mode indicatif et le mode subjonctif), puisque le choix de l’un ou de l’autre, dans la plupart des cas, n’est pas libre. Sous toutes ces réserves, la théorie de l’information a rendu des services aux linguistes, en étayant souvent leurs intuitions. Elle a fourni la base d’une méthode de décryptement automatique, fondée sur la fréquence des différents phonèmes dans chaque langue. Elle a justifié la sélection d’un vocabulaire fondamental de l’anglais, du français, précieux pour l’apprentissage de ces langues. Elle a défini la fonction linguistique de la redondance et démêlé les facteurs d’un équilibre entre clarté et densité, qui règle la longueur des mots comme l’architecture des phrases, et souvent livre la clef des constances et des mutations de la diachronie. W. Manczak, dans une communication à la Société de linguistique de Paris le 18 novembre 1972, a établi sur de nombreux exemples l’influence abrégeante de la fréquence sur tous les éléments de langage : phonèmes, lettres, morphèmes, mots. La conception structuraliste de la linguistique implique l’analyse des signes complexes en unités discrètes pouvant donner prise au calcul de l’information qu’ils contiennent ; tout code de signaux ressortit à la théorie de l’information, jusqu’aux signaux sonores ou visuels par lesquels les animaux se rameutent ou se dispersent, s’informent mutuellement de l’existence d’un butin, d’une proie, ou de l’imminence d’un danger. Thomas A. Sebeok a même voulu voir un code génétique dans la structure de la molécule d’ADN, qui transmet les traits de toute espèce vivante de génération en généradownloadModeText.vue.download 78 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2630 tion ; mais ce genre de message ne relève plus de la linguistique. APPLICATIONS À L’ESTHÉTIQUE. Le domaine privilégié des explications informationalistes est pourtant celui de la stylistique et de l’esthétique, autrement dit celui des connotations (v. CONNOTATION, art. spécial). Une fois connu l’ordre normal de fréquence des mots d’une langue, par exemple de la langue française littéraire du XIXe s. d’après les dépouillements de Vandér Beke, ou de la langue française parlée contemporaine d’après la liste du Français élémentaire, on caractérisera sur des bases scientifiques le vocabulaire de tel ou tel auteur ou de tel document oral enregistré dont on possède un corpus important, en comparant à l’une de ces deux listes étalons la liste de fréquence obtenue par leur dépouillement. Les différences ne peuvent tenir à la dénotation des mots, qui est constante dans la langue ; elle tient donc aux résonances de ces mots dans le répertoire de l’auteur, à l’unisson duquel le lecteur est amené peu à peu. Pierre Guiraud a joint la pratique à la théorie en étudiant selon cette méthode (les Caractères statistiques du vocabulaire, 1954) le vocabulaire d’Apollinaire (Alcools), de Paul Valéry (Poésies), de Mallarmé (Poésies), de Rimbaud (Illuminations), de Claudel (Cinq Grandes Odes), de Verlaine (Fêtes galantes, la Bonne Chanson, Romances sans paroles) ; il distinguait mots thèmes, de fréquence élevée, et mots clefs, dont la fréquence s’écarte notablement de l’étalon Vander Beke. Il avait appliqué la même méthode comparative à la grammaire (fréquence relative des verbes, des noms, des adjectifs, des adverbes) dans sa thèse Langage et versification d’après l’oeuvre de Paul Valéry (1953) ; statistiques motivées par le principe que tout écart de fréquence modifie la valeur informationnelle des mots ou des formes. La théorie rejoignait, par des voies plus scientifiques, la thèse de « l’expressivité par l’inédit » (Henri Frei, Grammaire des fautes, 1929), dont le premier exposé systématique est peutêtre dû à Charles Bally (Mécanisme de l’expressivité linguistique, dans le Langage et la vie, 1926). Il est clair que tout phonème, toute intonation, tout vocable, toute forme ou construction grammaticale s’écartant de la norme, ne fût-ce que de la norme de fréquence, acquiert une valeur expressive plus forte du seul fait de cet écart. Si aucun écart n’est relevé, c’est que l’auteur visait la banalité, laquelle, en soi, est inattendue en littérature. H. Meier, en 1964 (Deutsche Sprachsta- tistik), a caractérisé par les écarts de fréquence la langue des ordonnances médicales (peu de syntaxe), celle des récits narratifs (vaste éventail lexical), celle des moments de « stress » (écriture blanche, réduite au vocabulaire le plus commun). Abraham Moles (Théorie de l’information et perception esthétique, 1958, 2e éd., 1972) distingue dans l’ensemble des messages deux types d’information selon la manière dont le récepteur, dans le phénomène de perception, groupe les éléments successifs communiqués pour les rapporter à des formes de sa compétence plus ou moins prévisibles : —l’information sémantique, d’une logique universelle, qui vise l’action (selon la conception behavioriste) —l’information esthétique, référant à un répertoire plus ou moins commun au récepteur et au transmetteur, et qui n’a aucun caractère utilitaire (« Art is quite useless », disait Wilde). A. Moles assimile cette distinction à celle de la dénotation et de la connotation et montre la superposition des deux types dans une oeuvre littéraire, ou picturale, ou musicale. L’esprit humain ne pouvant absorber, selon les calculs de Moles et Frank, plus de 16 à 20 bits d’originalité par seconde, il faut que le message compense par la redondance un éventuel excès d’originalité, sans pour autant tomber dans le banal : « un peu trop » d’originalité garantit ce qu’on appelle la richesse perceptive de l’oeuvre d’art, à condition que l’information sémantique et l’information esthétique alternent pour le repos du récepteur moyen. Un chercheur allemand, Helmut Lüdtke, proposait en 1965 (et en 1966 dans un colloque à Strasbourg sur le vers français) d’expliquer toutes les techniques poétiques par la contrainte de règles formelles qui imposent des éléments sans valeur informationnelle, c’est-à-dire redondants. Mais on ne peut se contenter d’une formule si négative : il faut bien admettre que ces « redondances » informationnelles, contrairement à celles de la rhétorique, peuvent jouer dans le contrepoint des deux informations leur partition propre, nuançant ou corrigeant le sens dénoté, comme la musique les paroles d’une chanson. Malgré un appareil considérable de formules où les intégrales voisinent avec les logarithmes, les théories informationalistes de l’esthétique n’ont apporté ni recette efficace pour la création, ni critère vraiment nouveau pour l’appréciation de l’oeuvre d’art. Du moins ont-elles été l’occasion d’une quantité de mesures et d’expériences dont l’interprétation peut susciter aujourd’hui ou demain la découverte de paramètres fondamentaux. informationnel, elle [ɛ̃fɔrmasjɔnɛl] adj. (de information ; 1962, Larousse). Qui a trait à l’information : Le contenu informationnel d’un texte, d’un document. informatique [ɛ̃fɔrmatik] n. f. (de informat[ion] et du suff. de [automat]ique, [électron]ique ; 1962, P. Gilbert). « Science du traitement rationnel, notamment par machines automatiques, de l’information considérée comme le support des connaissances et des communications dans les domaines technique, économique et social » (Acad., 1967). & adj. (1968, Larousse). Qui est relatif à l’informatique : Système informatique. Machines informatiques. informatisable [ɛ̃fɔrmatizabl] adj. (de informatiser ; 28 mai 1970, le Monde). Qui est justiciable des procédés de l’informatique. informatisation [ɛ̃fɔrmatizasjɔ̃] n. f. (de informatiser ; v. 1970). Action d’informatiser. informatiser [ɛ̃fɔrmatize] v. tr. (de informatique ; 24 janv. 1970, le Monde, au sens 1 ; sens 2, 13 mai 1970, la Croix ; sens 3, 7 oct. 1970, la Croix). 1. Traiter par les procédés de l’informatique : Une entreprise qui a informatisé ses études de marché. Ϧ2. Doter des moyens propres à permettre une application de l’informatique : Un secteur de l’économie très informatisé. Ϧ 3. Faire bénéficier d’une information traitée par les méthodes de l’informatique : Le rôle des banques de données sera d’informatiser les entreprises. & s’informatiser v. pr. (13 mai 1970, la Croix). Utiliser les méthodes de l’informatique pour le traitement de l’information : Un nombre croissant d’entreprises sont désormais tenues de s’informatiser. informe [ɛ̃fɔrm] adj. (lat. informis, non informe [ɛ̃fɔrm] adj. (lat. informis, non façonné, brut, mal formé, hideux, horrible, de in-, préf. à valeur négative, et de forma, forme, belle forme, beauté ; fin du XVe s., Godefroy, au sens 2 ; sens 1, milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens 3, 1669, Boileau ; sens 4, 1668, La Fontaine [« qui paraît sans plan, sans ordre, sans finalité », av. 1960, A. Camus] ; sens 5, 1690, Furetière). 1. Qui n’a pas de forme propre, déterminée (rare) : Les liquides sont informes puisqu’ils prennent la forme du récipient qui les contient. Ϧ 2. Qui n’a pas de forme reconnaissable, nette, précise : Ombre informe. Masse informe. Un chaos informe de rochers. Son crâne miroitant et qui avait cet aspect informe, bosselé au hasard, d’un ustensile de rebut (Mauriac). Ϧ3. Fig. Dont la forme n’est pas ce qu’elle devrait être, qui est insuffisamment élaboré, pensé : Projet, ouvrage, travail informe. Il n’a laissé que des manuscrits informes, impubliables. Nous n’avons downloadModeText.vue.download 79 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2631 de l’univers que des visions informes, fragmentées et que nous complétons par des associations d’idées arbitraires, créatrices de dangereuses suggestions (Proust). Ϧ 4. Péjor. Qui a une forme ou des formes lourdes, inesthétiques : Un édifice, une construction informe. Une robe informe. Ce soir, j’en relis les premières pages avec dégoût. Je n’ai jamais rien écrit de plus informe (Gide). Ϧ Qui paraît sans plan, sans ordre, sans finalité : Le mouvement informe et furieux de l’histoire (Camus). Ϧ 5. En droit, qui n’est pas revêtu des formes légales voulues : Acte, pièce informe. Procédure informe. • SYN. : 1 amorphe ; 3 ébauché, esquissé, fragmentaire, fruste, grossier, imparfait, incomplet ; 4 disgracieux, indigeste, laid, mauvais ; absurde, chaotique, inepte, insensé. — CONTR. : 3 achevé, définitif, élaboré, fini, parfait ; 4 élégant, esthétique, harmonieux. & n. m. (1861, Ch. Lévêque, II, 447). L’informe, ce qui n’a pas de forme propre. informé, e [ɛ̃fɔrme] adj. (part. passé de informer ; v. 1360, Froissart [tenir quelqu’un informé, XXe s.]). Qui a reçu les indications, les renseignements ou les nouvelles qu’il doit connaître : Dans les milieux bien informés. Ϧ Tenir quelqu’un informé, agir de façon à lui communiquer régulièrement certaines nouvelles. & informé n. m. (1671, d’après Richelet, 1706 [jusqu’à plus ample informé, 1893, Dict. général]). Information pénale. Ϧ Ordonner un plus ample informé, ordonner l’élargissement de l’enquête. ϦJusqu’à plus ample informé, jusqu’à la découverte d’un fait nouveau ou d’une indication contraire. informel, elle [ɛ̃fɔrmɛl] adj. et n. (de inet de forme, d’après formel ; 1962, Larousse). Se dit de peintres non figuratifs qui pratiquent un art où ils s’abstiennent de toute forme construite et de toute composition (XXe s.). & adj. (sens 1, 1963, Serrulaz ; sens 2, 1er oct. 1967, le Monde [« qui n’a aucun caractère officiel... », 18 nov. 1969, la Croix]). 1. Se dit de l’art et des oeuvres des peintres de cette tendance. Ϧ 2. Qui n’observe pas les formes requises, les conventions sociales : Entretien informel. Rencontre informelle. Ϧ Spécialem. Qui n’a aucun caractère officiel et n’obéit pas à des règles déterminées : Une assemblée informelle. informer [ɛ̃fɔrme] v. tr. (réfection, d’après le lat., de l’anc. franç. enformer, « donner une forme à » [v, 1190, Garnier de PontSainte-Maxence], « instruire de quelque chose, informer » [v. 1265, J. de Meung], lat. informare, façonner, représenter, décrire, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de for-mare, former, régler, instruire, dér. de forma, forme ; v. 1360, Froissart, au sens II, 1 [informer quelqu’un que, milieu du XVIe s., Amyot ; absol., XXe s.] ; sens I, milieu du XVIe s. ; sens II, 2, début du XVIIe s., Malherbe). I. En philosophie, dans la langue scolastique, donner une forme à : Platon enseigne avec l’immortalité des âmes leur passage de corps en corps, qu’elles doivent informer successivement (La Mothe Le Vayer). II. 1. Informer quelqu’un de quelque chose, le renseigner en le mettant au courant d’un fait qu’il doit connaître : Informer ses amis de la naissance d’un enfant. Informer un fonctionnaire de sa mutation. J’informerai M. le Proviseur de votre conduite (France). Ϧ Informer quelqu’un que (et l’indicatif),lui faire savoir, l’avertir que : Nous vous informons que notre succursale sera fermée du 1er au 31 août du fait des congés annuels. Ϧ Absol. Donner des informations : L’État doit informer. Ϧ 2. Class. (déjà vx au XVIIe s.).Informer quelqu’un, le questionner, l’interroger : « Eh bien ! elle s’appelle ? | — Ne m’informez de rien qui touche à cette belle » (Corneille). • SYN. II, 1 annoncer, avertir, aviser, faire connaître, faire part, faire savoir, mettre au courant, mettre au fait, notifier, porter à la connaissance de, prévenir, signaler. & v. intr. (1538, R. Estienne [aussi informer contre — informer durement à l’encontre de, « prévenir défavorablement contre (quelqu’un) », v. 1460, G. Chastellain]). Faire une instruction en matière criminelle : Informer d’un fait ou sur un fait. On vient me notifier l’ordre d’informer, se dit-il (Bourget). ϦInformer contre X, lancer une information contre X. • SYN. : instruire. & s’informer v. pr. (1286, Dict. général, écrit soi infourmer ; s’informer, 1538, R. Estienne [s’informer de quelqu’un, 1861, Sainte-Beuve ; s’informer à quelqu’un, 1634, Tristan L’Hermite ; s’informer si, 1670, Racine]). S’informer de quelque chose, prendre des renseignements sur quelque chose : S’informer de la situation politique. S’informer du prix d’un terrain. ϦS’informer de quelqu’un, prendre des renseignements à son sujet. Ϧ Class. S’informer à quelqu’un, s’informer auprès de lui : À force de m’informer à beaucoup de gens où je pourrais recouvrer quelque linotte (Tr. L’Hermite). ϦS’informer si, essayer de savoir si : Informe-toi si Samson est du Comité (Flaubert). Ϧ Absol. Recueillir des renseignements : Je me suis informé et je sais que tout ne va pas pour le mieux. Chercher à s’informer avant de prendre une décision. ϦPoser des questions, interroger : Aussitôt, ils s’éveillent, frétillent, s’informent, s’apitoient (Camus). • SYN. : se documenter, s’enquérir de, s’inquiéter de, se renseigner. informité [ɛ̃fɔrmite] n. f. (bas lat. informitas, absence de forme, du lat. class. informis [v. INFORME] ; 1586, d’après Stoer, 1625). État de ce qui est informe (rare) : Cette informité, cette indécision, cette absence de parti pris, de dessein, d’organisation, qui est bien la caractéristique majeure de ce pays (Gide). informulable [ɛ̃fɔrmylabl] adj. (de in- et de formulable ; début du XXe s.). Que l’on ne peut formuler, exprimer par des mots : Vague désir informulé et peut-être destiné à demeurer informulable (Bordeaux). informulé, e [ɛ̃fɔrmyle] adj. (de in- et de formulé, part. passé de formuler ; 1855, Goncourt). Que l’on ne formule pas, qui demeure inexprimé : Accusation informulée. Des regrets informulés (Daudet). Il s’y ajoutait, dans mon cas, l’espoir informulé que Gilberte [...] n’avait attendu que le prétexte du 1er janvier pour m’écrire (Proust). Le plus précieux de nous-même est ce qui reste informulé (Gide). • SYN. : sous-entendu, tacite. — CONTR. : exprimé, formulé. infortifiable [ɛ̃fɔrtifjabl] adj. (de in- et de forrifiable ; XVIe s., La Curne). Qui ne peut être fortifié : Ville infortifiable. infortune [ɛ̃fɔrtyn] n. f. (lat. infortunium, infortune, malheur, châtiment, de in-, préf. à valeur négative, et de fortuna, sort, hasard, destinée, bonheur ; v. 1360, Froissart, au sens 2 ; sens 1, 1422, A. Chartier [compagnon, frère d’infortune, 1873, Larousse ; soeur d’infortune, 1671, Molière ; infortune conjugale, 1893, Dict. général]). 1. Littér. État, situation de celui qui subit des événements malheureux ; mauvaise fortune : La continuité de son infortune et la succession de ses chagrins (Goncourt). ϦCompagnon d’infortune, frère, soeur d’infortune, personne qui supporte les mêmes malheurs. Ϧ Fam. Infortune conjugale, situation malheureuse d’un conjoint trompé par l’autre. Ϧ 2. Événement malheureux, revers de fortune : Le coeur des femmes est toujours prompt à s’émouvoir au spectacle des infortunes (Gide). Je me figurais que sa plus grande infortune tenait à la compagnie d’un homme médiocre qu’elle ne pouvait aimer (Chardonne). • SYN. : 1 adversité, détresse, disgrâce, malheur ; 2 calamité, catastrophe, coup dur (fam.), coup du sort, malchance, mésaventure, pépin (fam.), tuile (fam.). infortuné, e [ɛ̃fɔrtyne] adj. et n. (lat. infortunatus, malheureux, infortuné, de in-, préf. à valeur négative, et de fortunatus, heureux, riche, opulent, part. passé adjectivé de fortunare, faire réussir, faire prospérer, dér. de fortuna [v. l’art. précéd.] ; v. 1361, Oresme). Littér. Qui est dans l’infortune, le malheur : Le Ciel m’est témoin, mon frère, que je donnerais mille fois ma vie pour vous épargner un moment de peine ; mais, downloadModeText.vue.download 80 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2632 infortunée que je suis, je ne puis rien pour votre bonheur (Chateaubriand). C’était la première [larme] peut-être que l’infortuné eût jamais versée (Hugo). • SYN. : malheureux, pauvre. — CONTR. : bienheureux, chanceux (fam.), heureux. & adj. (fin du XIVe s., Chr. de Pisan). Littér. Marqué par les malheurs, les revers : Il y traîne, seigneur, sa vie infortunée (Racine). Je puis dire que ce voyage fut de toutes façons infortuné, car, après y avoir perdu le meilleur des maîtres, j’y fus quitté par une maîtresse (France). • SYN. : maudit, misérable, triste. — CONTR. : béni, fortuné. 1. infra [ɛ̃fra] adv. (mot lat. signif. « audessous [de] — au pr. et au fig. » —, « en bas [de] » ; 1931, Larousse). Dans un livre, un article, etc., invite à se reporter à un endroit du texte qui se trouve plus loin : Se reporter, voir infra, page 200. • CONTR. : supra. 2. infra- [ɛ̃fra], élément tiré du lat. infra (v. l’art. précéd.), et qui entre, comme préfixe, dans des noms et des adjectifs composés, où il exprime soit une position inférieure, par opposition à super- (infrastructure/ superstructure), soit un niveau qui se situe en deçà de la norme désignée par l’élément principal : Infrason, infraculture, infralangage. Infrabiologique. Infrarationnel. Vers les deux extrémités, [la sensibilité] donne des ultra-mondes et des infra-mondes (Valéry). L’inframentale existence d’une deuxième ligne au moins en moi de l’enchaînement des choses (Aragon). infra-acoustique [ɛ̃fraakustik] adj. (de infra- et de acoustique ; 1948, Larousse). Se dit d’un système de télégraphie qui permet de superposer à une communication téléphonique une communication télégraphique. infraclusion [ɛ̃fraklyzjɔ̃] n. f. (de infra- et de [in]clusion ; 1962, Larousse). Malposition d’une partie de l’arcade dentaire, qui reste en dessous du plan de mastication. infracteur, trice [ɛ̃fraktoer, -tris] n. (bas lat. infractor, infractrix, celui, celle qui brise, de infractum, supin du lat. class. infringere, briser, abattre, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de frangere, briser, rompre ; 1449, Godefroy). Class. et littér. Personne qui transgresse, enfreint quelque chose : Je veux le faire saisir où je le trouverai, comme déserteur de la médecine et infracteur de mes ordonnances (Molière). On parlait de faire fusiller le soldat déserteur, l’infracteur des lois sanitaires, le porteur de la peste, et on le couronne ! (Chateaubriand). infraction [ɛ̃fraksjɔ̃] n. f. (lat. infractio, action de briser [au pr. et au fig.], de infractum, supin de infringere [v. l’art. précéd.] ; 1250, Dict. général, au sens 2 ; sens 1, fin du XVe s., Commynes ; sens 3, 1935, Acad.). 1. Violation ou manquement à une règle, à un engagement, à un ordre : Infraction à un accord, à la loi. Infraction aux usages. Infraction au droit des gens. Ϧ 2. Absol. En droit, action ou omission qui se manifeste extérieurement comme une atteinte à l’ordre, à la paix, à la tranquillité sociale, et que la loi sanctionne par une peine. Ϧ 3. Fam. Transgression, manquement à une prescription : Infraction à un régime médical. • SYN. : 1 attentat, transgression ; 2 contravention, délit ; 3 dérogation, entorse (fam.). infradyne [ɛ̃fradin] n. m. (de infra- et de -dyne, du gr. dunamis, puissance, force ; 1962, Larousse). Récepteur radioélectrique à changement de fréquence, dont la fréquence intermédiaire est supérieure à celle des ondes porteuses à recevoir. infragnathie [ɛ̃fragnati] n. f. (de infra- et du gr. gnathos, mâchoire ; 1962, Larousse). Infraclusion étendue à toute l’arcade dentaire, due à une insuffisance de développement vertical des structures alvéolaires. infranchi, e [ɛ̃frɑ̃ʃi] adj. (de in- et de franchi, part. passé de franchir ; 1862, Baudelaire). Qu’on n’a pu franchir : Le gouffre qui fait l’incommunicabilité reste infranchi (Baudelaire). infranchissable [ɛ̃frɑ̃ʃisabl] adj. (de inet de franchir ; 1792, ZFSL [XXXV, 138], au sens 1 ; sens 2, av. 1854, Lamennais). 1. Qu’il n’est pas possible de franchir : Obstacle infranchissable. Cette distance est infranchissable dans un temps aussi court. La tempête continuait à faire infranchissables les jetées (Maupassant). Ϧ 2. Fig. Que l’on ne peut vaincre, surmonter : La puissance de l’homme a des bornes infranchissables (Lamennais). Des difficultés infranchissables. • SYN. : 2 insurmontable, invincible. infrangible [ɛ̃frɑ̃ʒibl] adj. (de in- et du moyen franç. frangible, sujet à se briser [début du XVIe s.], bas lat. frangibilis, fragile, dér. du lat. class. frangere, briser, rompre ; v. 1560, Paré, au sens 2 ; sens 1, 1564, J. Thierry). 1. Littér. Qui ne peut être brisé, rompu : Sur la porte infernale aux infrangibles gonds (Heredia). Un nuage qui montait, infrangible, immobile, élancé et rapide (Proust). Ϧ 2. Fig. et littér. Que l’on ne peut détruire, faire disparaître : Cette chaîne qu’elle avait d’abord dite infrangible (Barbey d’Aurevilly). Vous savez quelles attaches infrangibles me retiennent à Lormières (F. Fabre). • SYN. : 1 immuable, incassable, résistant, robuste, solide ; 2 impérissable, indéfectible, indestructible. infraposition [ɛ̃frapozisjɔ̃] n. f. (de infraet de position ; 1962, Larousse). Position d’une dent qui est placée au-dessous du plan de mastication. infrarouge [ɛ̃fraruʒ] adj. (de infra- et de rouge ; 1877, Littré). Se dit, dans le spectre, des radiations obscures moins réfrangibles que le rouge : Rayons infrarouges. & n. m. (1957, Robert). Rayonnement infrarouge : Le chauffage aux infrarouges. infrason ou infra-son [ɛ̃frasɔ̃] n. m. (de infra- et de son ; 1931, Larousse). Vibration de même nature que le son, mais de fréquence trop faible pour que l’oreille puisse la percevoir. infrasonore ou infra-sonore [ɛ̃frasɔnɔr] adj. (de infrason, d’après sonore ; [ɛ̃frasɔnɔr] adj. (de infrason, d’après sonore ; 1962, Larousse). Relatif aux infrasons : Onde infrasonore. infrastructure [ɛ̃frastryktyr] n. f. (de infra- et de structure ; 13 août 1875, Journ. officiel [p. 6743], au sens I, 1 ; sens I, 2, 1931, Larousse [aussi pour une route] ; sens 1, 3, 1931, Larousse ; sens I, 4, 1962, Larousse ; sens II, 1957, Robert [aussi dans le vocabulaire marxiste]). I. 1. Ensemble des travaux de terrassement et des aménagements grâce auxquels le sol peut supporter une construction, en particulier des travaux nécessaires à l’établissement d’une route ou d’une voie ferrée. Ϧ 2. Ensemble des parties inférieures, des fondations sur lesquelles repose une construction : L’infrastructure d’un immeuble de vingt étages est nécessairement importante. Ϧ Spécialem. Couche de matériau posée entre la couche de fondation et la plateforme d’une route, pour compenser les défauts de celle-ci. Ϧ 3. Ensemble des installations au sol (pistes, ateliers de réparations, services logistiques, météorologiques, tour de contrôle, etc.) indispensables aux avions pour accomplir leur mission. Ϧ 4. Ensemble des installations et organisations territoriales nécessaires à la subsistance, à l’entretien, à l’entraînement et à l’action d’une armée. II. Ensemble de faits sous-jacents, généralement cachés ou non remarqués, dont ce qui est visible et apparent n’est souvent que la conséquence ou le reflet. Ϧ Spécialem. Dans le vocabulaire marxiste, ensemble des réalités économiques d’une société, considérées comme la base matérielle de toute idéologie et de toute politique (constituant la superstructure). infravirus [ɛ̃fravirys] n. m. (de infra- et de virus ; 1948, Larousse). Virus filtrant. (Peu usité.) • SYN. : ultra-virus. infréquentable [ɛ̃frekɑ̃tabl] adj. (de in- et de fréquentable ; av. 1922, Proust [un premier ex. en 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers]). Qu’on ne peut fréquenter : Elle se mit à afficher son mépris pour ce qu’elle avait tant désiré, à déclarer que tous downloadModeText.vue.download 81 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2633 les gens du faubourg Saint-Germain étaient idiots, infréquentables (Proust). infréquenté, e [ɛ̃frekɑ̃te] adj. (de in- et de fréquenté ; 1571, M. de La Porte, puis 1782, Delille). Qui n’est pas habituellement fréquenté : J’écoutais les bruits qui sortent des lieux infréquentés (Chateaubriand). La peur que l’obscurité apporte à la solitude des basiliques lointaines et infréquentées de Rome (Goncourt). • SYN. : désert, impratiqué, vide. — CONTR. : fréquenté, habité, peuplé, populeux. infroissabilité [ɛ̃frwasabilite] n. f. (dér. savant de infroissable ; 1962, Larousse). Propriété d’un tissu infroissable. infroissable [ɛ̃frwasabl] adj. (de in- et de froissable ; 1948, Larousse). Se dit d’un tissu, d’un article en textile qui, du fait d’un traitement spécial, ne se froisse pas ou se froisse peu : Il regrettait beaucoup son chapeau souple, léger, soyeux, tiède et frais à la fois, infroissable (Gide). infructueusement [ɛ̃fryktɥøzmɑ̃] adv. (de infructueux ; fin du XVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1834, Balzac). 1. De façon infructueuse, sans profit : La certitude d’avoir infructueusement dissipé des sommes considérables le désespéra (Balzac). Ϧ 2. Inutilement, sans résultat : Eugène ne suivit le conseil de son ami qu’après avoir été infructueusement chez M. et Mme de Nucingen (Balzac). J’ai à quatre reprises et infructueusement relu le catalogue (Baudelaire). infructueux, euse [ɛ̃fryktɥø, -øz] adj. (lat. infructuosus, infructueux, stérile [au pr. et au fig.], de in-, préf. à valeur négative, et de fructuosus, fécond, fertile, dér. de fructus, rapport, revenu, fruit, de fructum, supin de frui, jouir de ; XIVe s., Godefroy, au sens 2 ; sens 1, 1600, O. de Serres). 1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Qui ne produit pas de fruit : Lui qui trouvant l’arbre cultivé et toujours infructueux... (Bossuet). Ϧ 2. Qui ne donne pas de résultat, ou pas de résultat utile : Effort, travail infructueux. Tentatives, recherches infructueuses. Que de jeûnes inutiles et infructueux dans l’Eglise ! (Massillon). Il me faisait souvent pitié, tant ses démarches de toute espèce restaient infructueuses (Carco). • SYN. : 2 inefficace, inopérant, inutile, stérile, vain. — CONTR. : 2 efficace, fructueux, profitable, salutaire, utile. infrutescence [ɛ̃frytɛsɑ̃s] n. f. (de frutescent, sur le modèle de inflorescence ; 1907, Larousse). Ensemble des fruits qui remplacent une inflorescence. infule [ɛ̃fyl] n. f. (lat. infula, bande, ruban, bandeau sacré, ornement sacré ; début du XVIe s.). À Rome, dans l’Antiquité, bandelette sacrée de laine blanche, qui ceignait le front des prêtres, des vestales et des suppliants, et dont on parait aussi les victimes, lors des sacrifices. infumable [ɛ̃fymabl] adj. (de in- et de fumer ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers, au sens 1 ; sens 2, 1934, Vercel). 1. Impossible ou désagréable à fumer : Tabac, cigarette infumable. Ϧ 2. Fam. Que l’on ne peut supporter, fréquenter : Des gens infumables. infundibulaire [ɛ̃fɔ̃dibylɛr] adj. (de infundibulum [v. ce mot] ; 1962, Larousse). Qui se rapporte à un infundibulum, et spécialement à celui du cerveau. infundibuliforme [ɛ̃fɔ̃dibulifɔrm] adj. (de infundibuli-, élément tiré de infundibulum [v. l’art. suiv.], et de forme ; v. 1700, Brunot). Qui a la forme d’un entonnoir : On ne peut se figurer que ce grillage infundibuliforme soit achevé (Huysmans). infundibulum [ɛ̃fɔ̃dibylɔm] n. m. (mot lat. signif. « entonnoir, trémie [de moulin] », de infundere, verser dans [v. l’art. suiv.] ; 1611, J. Duval, écrit infondibule, au sens de « entonnoir » ; écrit infundibulum, au sens 1, v. 1710, d’après Trévoux, 1752 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Extrémité inférieure du troisième ventricule du cerveau. Ϧ2. Toute partie d’organe en forme d’entonnoir. infus, e [ɛ̃fy, -yz] adj. (lat. infusus, part. passé de infundere, verser dans, répandre dans ou sur, faire pénétrer dans, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de fundere, verser, répandre ; XIIIe s., Simples médecines, au sens de « enduit [de] » ; sens actuel, fin du XVe s., Molinet [aussi science infuse — ironiq., fin du XVIIIe s., d’après Bescherelle, 1845]). Littér. Se dit de notions, de qualités qui sont comme naturellement répandues dans une personne : Une sorte de pensée qui lui était infuse (Proust). Et je me sens l’esprit vaguement pressentir tout le trésor infus des réponses qui s’ébauchent en moi (Valéry). Ϧ Spécialem. Science infuse, en théologie, science qu’Adam avait reçue de Dieu. ϦAvoir la science infuse, savoir sans avoir besoin d’étudier quoi que ce soit ; ironiq., prétendre tout savoir. • SYN. : inné, natif, naturel. — CONTR. : acquis. infuser [ɛ̃fyze] v. tr. (de infus[ion] ; XIVe s., Nature à l’alchimie, au sens II ; sens I, 1, 1846, Balzac [infuser un sang nouveau à quelqu’un, 1957, Robert — ... un sang jeune.., fin du XIXe s., A. Daudet] ; sens I, 2, 1690, Furetière [« inspirer dans l’âme une connaissance sans qu’on travaille pour l’acquérir », av. 1504, Destrees]). I.1.Faire pénétrer dans un corps sous forme de liquide : Infuser du sang à un malade. Ϧ Fig. Infuser un sang nouveau, un sang jeune à quelqu’un, à un groupe, lui donner une vie ou des forces nouvelles : Il usait, lorsque je le connus, les plumes et le papier de la municipalité parisienne à écrire de petits comptes rendus de théâtre pour « le Charivari », qui renouvelait sa rédaction et essayait de s’infuser un sang plus jeune (Daudet). Ϧ 2. Fig. Faire pénétrer en communiquant ; introduire : Infuser le doute dans l’esprit de quelqu’un. Des israélites [...] essayèrent d’infuser dans le catholicisme quelques hypothèses remontant aux doctrines des Esséniens et des gnostiques (Nerval). C’est comme une religion nouvelle que nous leur avons infusée là, avec ses naïvetés, ses ferveurs (Daudet). Le poison infusé dans mon âme commençait d’y tracer son chemin (Duhamel). II. Mettre une substance dans un liquide chaud afin d’en extraire le suc : Infuser du thé dans l’eau bouillante. • SYN. : I, 1 injecter, instiller, transfuser ; 2 inoculer, inspirer, insuffler. & v. intr. (1690, Furetière). ou , plus rarement, s’infuser v. pr. (1867, Littré). Communiquer à un liquide chaud ses sucs aromatiques, en parlant d’une substance qu’on y a trempée : Laisser le thé infuser cinq minutes. • SYN. : macérer. infusibilité [ɛ̃fyzibilite] n. f. (dér. savant infusibilité [ɛ̃fyzibilite] n. f. (dér. savant de infusible ; 1783, Buffon). Caractère de ce qui est infusible. infusible [ɛ̃fyzibl] adj. (de in- et de fusible ; 1760, A. H. Charas). Qui ne peut être fondu : Il n’est pas de corps réellement infusible. infusion [ɛ̃fyzjɔ̃] n. f. (lat. infusio, action de verser dans, infusion, injection [et, à basse époque, « action d’humecter, d’arroser, épanchement »], de infusum, supin de infundere [v. INFUS] ; XIIIe s., Simples médecines, au sens de « enduit » ; sens I, 1, 1611, Cotgrave [baptême par infusion, 1688, Bossuet] ; sens I, 2, fin du XIIIe s. ; sens I, 3, v. 1560, Paré ; sens II, 1, 1600, O. de Serres ; sens II, 2, milieu du XVIe s., Amyot). I. 1. Action de verser, de répandre un liquide sur quelque chose ou sur quelqu’un. Ϧ Spécialem. Baptême par infusion, mode d’administration du baptême, qui consiste à verser de l’eau sur la tête de celui que l’on baptise. Ϧ 2. En termes de spiritualité, communication à une personne de dons ou de grâces spéciales : Cette science des âmes qu’une infusion première et l’observation de chaque jour lui [à saint François de Sales] avaient enseignée (Sainte-Beuve). Ϧ 3. Fig. et littér. Pénétration dans l’esprit, le coeur : Une chose digne de remarque est la puissance d’infusion que possèdent les sentiments (Balzac). II. 1. Action de faire infuser : Le thé se fait par infusion dans l’eau chaude. Ϧ 2. Boisson obtenue ainsi : En donnant ce soir à M. Ferragus une petite infusion de têtes de pavots, il dormira bien, le cher homme ! (Balzac). • SYN. : II, 1 décoction, macération ; 2 tisane. downloadModeText.vue.download 82 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2634 infusoir [ɛ̃fyzwar] n. m. (de infuser ; 1838, Acad., au sens de « instrument pour injecter les veines » ; sens actuel, 1873, Larousse). Récipient dans lequel on fait des infusions. infusoire [ɛ̃fyzwar] n. m. (lat. scientif. moderne infusorius [1765, Wrisberg], du lat. class. infusio [v. INFUSION], ces animalcules se trouvant dans des infusions ; 1797, Cuvier [aussi au plur.]). Animal unicellulaire qui se développe, entre autres, dans les infusions végétales. & infusoires n. m. pl. Groupe d’animaux comprenant de nombreuses espèces parasites et constituant un des embranchements des protozoaires. (Syn. CILIÉS.) ingagnable [ɛ̃gaɲabl] adj. (de in- et de gagnable ; 1773, au sens 2, et 1774, au sens 1, Beaumarchais). 1. Qu’on ne peut pas gagner : Guerre, procès ingagnable. Ϧ 2. Fig. Qu’on ne peut pas gagner à soi : Il serait abandonné de son parti sans gagner l’aristocratie, de sa nature ingrate et ingagnable (Chateaubriand). ingambe [ɛ̃gɑ̃b] adj. et n. (ital. in gambe, alerte, proprem. « en jambes », de in, en [lat. in, même sens], et de gamba, jambe [bas lat. gamba, « jarret — des quadrupèdes »] ; v. 1536, M. Du Bellay, écrit en gambe ; ingambe, 1585, Du Fail). Qui a les jambes lestes, et, par extens., qui est alerte et dispos : Un vieillard encore ingambe et vigoureux. Elle explique que, s’il parle fort, c’est qu’il est empêché de remuer ; il s’emporterait moins s’il était plus ingambe (Gide). Béquilles qui font sourire les ingambes (H. Bazin). • SYN. : alerte, dispos, gaillard, valide. ingélif, ive [ɛ̃ʒelif, -iv] adj. (de in- et de gélif ; 1873, Larousse). Qui n’est pas gélif : Pierres ingélives. ingénier (s’) [sɛ̃ʒenje] v. pr. (dér. savant du lat. ingenium, qualités innées, caractère, talent, génie, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de genere, forme anc. de gignere, engendrer, créer, produire ; fin du XIVe s., Chr. de Pisan). S’ingénier à (et l’infinitif), essayer de parvenir à quelque chose en faisant appel à toutes les ressources de son esprit : Mais, avec la naïveté des gens du monde, du moment qu’on la recevait, on s’ingéniait à la trouver agréable, faute de pouvoir se dire que c’est parce qu’on l’avait trouvée agréable qu’on la recevait (Proust). Elle s’ingéniait à envenimer constamment nos querelles (Camus). • SYN. : s’efforcer, s’escrimer à (fam.). s’évertuer à. ingénierie [ɛ̃ʒeniri] n. f. (dér. de ingénieur, créé pour traduire l’angl. enginee- ring [v. ce mot] ; 2 sept. 1966, le Figaro, aux sens 1-2). 1. Fonction d’un bureau d’études qui effectue l’étude complète d’un projet industriel, d’un aménagement hydraulique, d’un système de transport, etc. Ϧ2. Ensemble des bureaux d’études propres à remplir cette fonction. • REM. On dit aussi ENGINEERING. ingénieur [ɛ̃ʒenjoer] n. m. (réfection, d’après s’ingénier, de l’anc. franç. engeigneor, architecte, celui qui invente, qui conduit des travaux et des ouvrages pour attaquer, défendre ou fortifier les places [v. 1160, Benoît de Sainte-Maure], de engignier, tromper [1080, Chanson de Roland], fabriquer avec art, arranger, inventer [v. 1120, Psautier de Cambridge], dér. de engin [v. ce mot] ; milieu du XVIe s., Amyot, au sens I, 1 ; sens I, 2-3, 1636, Monet ; sens II, 1, 15 avr. 1689, Littré ; sens 11, 2, 1731, Voltaire ; sens II, 3, 1747, Brunot [ingénieur d’État, ingénieur militaire, 1873, Larousse ; ingénieur civil, 1867, Littré ; ingénieur mécanicien, 1845, Bescherelle ; ingénieur de la ville de.., 1962, Larousse ; ingénieur du son, v. 1935]). I.SENS ANCIENS 1.Celui qui concevait les travaux de fortification ou en dirigeait l’exécution : Le maréchal de Vauban, né en 1683, le plus grand ingénieur qui ait jamais été... (Voltaire). Ϧ 2. Celui qui assurait la construction et l’entretien d’ouvrages relevant des travaux publics : routes, ponts, mines, etc. Ϧ 3. Personne qui était chargée de la création et de la conduite de machines industrielles. II. SENS MODERNES 1. Personne que ses connaissances rendent apte à occuper des fonctions scientifiques ou techniques actives, en vue de créer, organiser, diriger des travaux qui en découlent : Ingénieur des pétroles. Un ingénieur chimiste. Un ingénieur de l’aéronautique. Ϧ 2. Titre donné à une personne qui a accompli certaines études et a obtenu un diplôme lui décernant cette qualification. Ϧ 3. Qualification diverse de fonction ou d’emploi dans certaines activités. Ϧ Ingénieur d’État, ingénieur des services (mines, ponts et chaussées) ou des manufactures de l’État (allumettes, tabac, etc.). Ϧ Ingénieur civil, ingénieur qui n’appartient pas au corps des ingénieurs de l’État. Ϧ Ingénieur militaire, fonctionnaire des services techniques des forces armées : Ingénieur des poudres, des fabrications d’armement, de l’armée de l’air. Ϧ Ingénieur mécanicien, ingénieur chargé de l’entretien et de la réparation des machines et des engins. Ϧ Ingénieur de la ville de..., ingénieur appartenant à un service municipal. Ϧ Ingénieur du son, ingénieur électricien spécialisé dans la technique du son. • REM. Ce mot étant uniquement masculin, il est d’usage, quand on parle d’une femme, de l’employer en apposition : Une femme ingénieur. ingénieur-conseil [ɛ̃ʒenjoerkɔ̃sɛj] n. m. (de ingénieur et de conseil ; av. 1902, Zola). Personne qui, par profession, donne des conseils, dirige des travaux, fait des expertises, et dont les activités relèvent du métier d’ingénieur : Lui, depuis des années, n’avait qu’un rêve, être l’ingénieur-conseil d’une grande maison de crédit (Zola). ingénieur-docteur [ɛ̃ʒenjoerdɔktoer] n. m. (de ingénieur et de docteur ; 1962, Larousse). Titre délivré par une faculté des sciences aux ingénieurs diplômés ou aux techniciens possédant des titres suffisants, qui ont soutenu une thèse après deux années d’études et de recherches dans un laboratoire scientifique. ingénieusement [ɛ̃ʒenjøzmɑ̃] adv. (de ingénieux [v. ce mot] ; fin du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire, écrit engeniousement ; ingénieusement, v. 1380, Aalma). Avec ingéniosité : Un appareil ingénieusement conçu. • SYN. : astucieusement, habilement, subtilement. ingénieux, euse [ɛ̃ʒenjø, -øz] adj. (réfection, d’après le lat., de l’anc. franç. engignios, habile, adroit, avisé [v. 1155, Wace], lat. ingeniosus, qui a naturellement toutes les qualités de l’intelligence, et, pour des choses, « naturellement apte à, propre à », de ingenium [v. INGÉNIER (s’)] ; v. 1380, Aalma, au sens 1 [ingénieux à, 1640, Corneille] ; sens 2, 1683, Fléchier ; sens 3, 1580, Montaigne). 1. Qui a un esprit inventif, fertile en ressources : Un homme, un artisan ingénieux. L’ingénieux insecte concevrait-il l’entreprise, méditerait-il un plan et travaillerait-il sur un devis qu’il s’est tracé lui-même ? (Fabre). Ϧ Class. Ingénieux à (et l’infinitif), qui met toute son adresse, son habileté à faire quelque chose : Les mères sont ingénieuses à observer jusqu’aux moindres choses (Bossuet). Ϧ2. Qui est propre à une personne ingénieuse : J’étais certain que Clodius se trouverait assez de ruse ingénieuse pour nous tourmenter sans relâche (Bosco). Ϧ 3. Qui témoigne de l’habileté, de l’adresse inventive : Invention, découverte ingénieuse. Après avoir manifesté mon admiration pour un tour aussi ingénieux (Peyré). La justice sociale peut très bien se faire sans une philosophie ingénieuse (Camus). • SYN. : 1 adroit, astucieux, habile, inventif ; 3 génial. ingéniosité [ɛ̃ʒenjozite] n. f. (bas lat. ingeniositas, capacité, talent, du lat. class. ingeniosus [v. l’art. précéd.] ; début du XIVe s., puis 1488, Vaganay, aux sens 1-2). 1. Qualité d’une personne ingénieuse : L’ingéniosité d’un ouvrier, d’un homme de loi retors. L’avocat a plaidé avec beaucoup d’ingéniosité, mais n’a pas convaincu les jurés. Ϧ2. Caractère de ce qui est ingénieux : L’ingéniosité d’un projet, d’un procédé de construction. • SYN. : 1 astuce (fam.), esprit, habileté, talent. ingénu, e [ɛ̃ʒeny] adj. et n. (lat. ingenuus, indigène, inné, né de parents libres, bien downloadModeText.vue.download 83 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2635 né, digne d’un homme bien né, libre, de in-, préf. marquant la localisation, et de genere, forme anc. de gignere, engendrer, créer, produire ; XIIIe s., Godefroy, puis 1529, Bonivard, comme n. m., écrit ingenue, au sens I, 1 [écrit ingénu, comme adj. et n., 1690, Furetière] ; sens I, 2, [écrit ingénu], 1680, Richelet ; sens II, 1 [écrit ingénu], 1611, Cotgrave [une fausse ingénue, XXe s.] ; sens II, 2, 1611, Cotgrave). I. 1. En droit romain, qui est né libre et n’a jamais cessé de l’être légalement (par opposition à l’affranchi). Ϧ 2. Class. Né de parents libres et nobles : Les enfants, dont la différence d’avec les esclaves, c’est qu’ils naissent libres et ingénus (Bossuet). II. 1. Class. et littér. Qui agit, parle avec une innocente franchise, sans rien dissimuler de ses pensées ou de ses senti- ments : Elle n’avait pour tout bien qu’une fille, | Jeune, ingénue, agréable et gentille (La Fontaine). Une langue dorée qui parle toute une nuit peut mener loin l’ingénue qui prête l’oreille sans défiance (Musset). Nous refusons à chaque instant d’écouter l’ingénu que nous portons en nous (Valéry). Ϧ Une fausse ingénue, une jeune fille qui feint l’innocence, la naïveté. Ϧ 2. Ironiq. Qui est d’une excessive naïveté, d’une candeur un peu sotte : Élodie, qui n’était point une ingénue, concevait différentes sortes d’amour (France). Ce n’était point un ingénu que mon illustre prédécesseur [A. France]. Il ne s’attendait point que l’humanité fût dans l’avenir bien différente de ce qu’il paraît qu’elle fut jusqu’à nous-mêmes (Valéry). •REM. Au sens I, 1, on emploie aussi la forme lat. INGENUUS (plur. INGENII). & adj. (sens I, 1704, Trévoux ; sens II, 1, 1636, Tristan L’Hermite ; sens II, 2, 1902, Larousse). I. Fief ingénu, en droit féodal, fief libre, comme étaient les fiefs nobles. II. 1. Class. et littér. Qui témoigne d’une simplicité, d’une franchise, d’une innocence non feintes : Ces vieillards [...] avaient [...] une parole grave et pleine d’autorité, des manières simples et ingénues (Fénelon). Vos yeux ingénus et hardis (Hugo). Mais une réflexion ingénue ne manque jamais de tourner un regard naïf vers ce qu’elle croit concevoir (Valéry). Ϧ 2. Ironiq. Qui dénote une naïveté un peu simple : Une réponse ingénue. • SYN. : II, 2 candide, innocent, naïf, simple, simplet. — CONTR. : II, 2, averti, malin, roué, rusé. & ingénue n. f. (1829, Boiste [le rôle d’ingénue ne lui va pas, XXe s.]). Au théâtre, emploi traditionnel de jeune fille simple et naïve : Jouer les ingénues. Ϧ Fig. Le rôle d’ingénue ne lui va pas, on la connaît trop pour se laisser prendre à sa feinte ingénuité. ingénuité [ɛ̃ʒenɥite] n. f. (lat. ingenuitas, condition d’homme né libre, bonne naissance, sentiments nobles, loyauté, de ingenuus [v. l’art. précéd.] ; 1372, Oresme, puis 1541, Calvin, au sens I ; sens II, 1-2, 1611, Cotgrave ; sens II, 3, 1845, Bescherelle). I. En droit romain, état, condition de l’homme ingénu, né libre. II. 1. Class. et littér. Caractère d’une personne (ou de ses actes, de ses propos) qui est naturelle, simple et franche : Cet âge est innocent : son ingénuité | N’altère point encor la simple vérité (Racine). La jeunesse qui était en elle [...] éclatait avec une ingénuité charmante (Zola). Quant à l’ingénuité de Verlaine et de son art, il ne fait aucun doute qu’elle n’a jamais existé (Valéry). Nul n’a mieux exprimé [que F. Jammes], en termes familiers, d’une ingénuité touchante, l’atmosphère d’une petite ville (Carco). J’avais toujours pensé, avec l’ingénuité dont je vous ai donné quelques preuves, que ceux qui ne me connaissaient pas ne pourraient s’empêcher de m’aimer s’ils venaient à me fréquenter (Camus). Ϧ 2. Ironiq. Simplicité, naïveté excessive, candeur un peu sotte : Il y a dans cet aveu autant de malice que d’ingénuité (Courier). Une ingénuité qui prête à rire. Avouer une faute avec une désarmante ingénuité. Ϧ 3. Parole, action qui témoigne d’une franchise simple et naïve : S’amuser des ingénuités d’un vieux savant. Il arrive [...] que l’on perde de vue certaines difficultés élémentaires [...], qu’il n’est pas mauvais que l’ingénuité d’un passant ravive tout à coup (Valéry). • SYN. : II, 1 candeur, innocence, naturel, pureté, simplicité ; 3 naïveté, niaiserie. — CONTR. : II, 1 coquetterie, duplicité, fausseté, fourberie, hypocrisie, rouerie. ingénument [ɛ̃ʒenymɑ̃] adv. (de ingénu ; XVe s., Littré, au sens de « avec une noble franchise » ; sens 1, 1554, Vaganay [écrit ingénuement ; ingénument, 1644, Scarron] ; sens 2, av. 1696, La Bruyère [ironiq., fin du XIXe s.]). 1. Class. Avec franchise, loyauté : Comptez qu’il est plus honorable d’avouer ingénument et simplement que l’on a tort, que de s’excuser mal à propos (Maintenon). Ϧ 2. Littér. Avec une simplicité, une naïveté non feintes : Sa figure, fortement colorée, à contours carrés, offrait, par la disposition des rides, par l’ensemble de la physionomie, le caractère ingénument rusé du paysan (Balzac). Certains hommes sont criminels avec naturel et simplicité, ingénument, dans une sorte de candeur (France). ϦS’emploie souvent avec une nuance plus ou moins ironique : Je t’aime ingénument. Je t’aime pour te voir (Samain). La santé véritable s’ignore trop ingénument pour se complaire aux effusions de Narcisse (Duhamel). Il a ingénument signé tous les papiers qu’on lui présentait. ingérable [ɛ̃ʒerabl] adj. (de ingérer ; 1966, Vic-Dupont). Qui peut être ingéré, absorbé par la bouche : Un médicament qui n’est pas ingérable. ingérence [ɛ̃ʒerɑ̃s] n. f. (de [s’]ingérer ; 1867, Littré, au sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Action de s’ingérer, d’intervenir indûment dans les affaires d’autrui : Le boutiquier [...] est contre les abus du clergé et l’ingérence des prêtres dans la politique (France). Considérez seulement ce qui se passe en France : la distribution contrôlée des vivres, le rationnement de la consommation, l’ingérence de l’État dans tous les domaines (Martin du Gard). Ϧ 2. Dans le domaine de la politique internationale, intervention d’un État dans les affaires intérieures d’un autre État : L’Europe se récrie contre le droit d’ingérence perpétuelle que la Russie prétend exercer dans les affaires intérieures de la Turquie (Girardin). • SYN. : immixtion, intervention, intrusion. 1. ingérer (s’) [sɛ̃ʒere] v. pr. (lat. ingerere, porter dans, lancer contre, imposer, mêler dans, introduire, et, comme v. pr., « s’imposer », de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de gerere, porter, faire ; milieu du XVIe s., Amyot, au sens 2 ; sens 1, 1666, Molière [d’abord s’ingérer pour — 1370, Oresme —, puis s’ingérer à — fin du XIVe s., E. Des-champs ; s’ingérer de, suivi de l’infin., XVe s., La Curne — s’ingérer à, 1627, Richelieu] ; sens 3, av. 1704, Bourdaloue). [Conj. 5 b.] 1. Class. S’ingérer de (suivi d’un nom), se mêler de quelque chose sans y avoir été invité : Et vous êtes un impertinent de vous ingérer des affaires d’autrui (Molière). À Rome s’ingérait de la médecine qui voulait (Montesquieu). Ϧ Class. et littér. S’ingérer de ou à(suivi d’un infinitif), se permettre, sans y être autorisé, de faire quelque chose : Vous vous ingérez donc de lui baiser la main (Scarron). Nul ne se doit ingérer de son autorité propre à gouverner l’Église (Bossuet). Le prêteur [...] s’ingéra par curiosité d’aller voir cette maison de campagne, sur laquelle il avait hypothèque (Balzac). Elle s’était ingérée d’écrire un roman idiot (Hermant). Celui qui s’ingère à les rendre canailles (Flaubert). Ϧ2. Absol. et class. S’insinuer dans un milieu pour y intriguer : je n’ai jamais cherché la Cour : on m’y a fait aller ; j’y ai demeuré près de dix ans, sans m’ingérer, sans faire un seul pas pour moi (Fénelon). Ϧ3. S’ingérer dans quelque chose, intervenir indûment dans quelque chose : S’ingérer dans les affaires d’autrui. Un pays qui s’ingère dans la politique intérieure d’un pays voisin. • SYN. : 3 s’entremettre, se faufiler, s’immiscer, se mêler de. 2. ingérer [ɛ̃ʒere] v. tr. (même étym. qu’à l’art. précéd. : 1839, Acad.). Introduire par la bouche dans le tube digestif : Les rescapés n’avaient ingéré aucun aliment depuis plusieurs jours. downloadModeText.vue.download 84 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2636 • SYN. : absorber, avaler, ingurgiter. ingesta [ɛ̃ʒɛsta] n. m. pl. (mot lat. signif. proprem. « ce qui est introduit », part. passé neutre plur. substantivé de ingerere [v. INGÉRER 1] ; 1742, Arbuthnot). Ensemble des matières qui pénètrent normalement chaque jour dans l’organisme : aliments, oxygène. (Contr. EXCRETA.) ingestion [ɛ̃ʒɛstjɔ̃] n. f. (bas lat. ingestio, action d’ingérer, de proférer, d’infliger, de ingestum, supin du lat. class. ingerere [v. INGÉRER 1] ; 1407, Isambert, au sens de « ingérence » ; sens 1, 1826, Brillat-Savarin ; sens 2, 1902, Larousse). 1. Action d’ingérer, d’introduire dans les voies digestives : L’ingestion des aliments. Ϧ2. Ingestion intracellulaire, introduction d’un corps étranger dans le cytoplasme d’un être unicellulaire. inglorieux, euse [ɛ̃glɔrjø, -øz] adj. (lat. ingloriosus, qui est sans gloire, de in-, préf. à valeur négative, et de gloriosus, glorieux [pour des choses et des personnes], dér. de gloria, gloire ; XIVe s., La Curne, puis 1801, Mercier, au sens 1 [depuis le XIXe s., le mot est sans doute un dér. franç. de in- et de glorieux] ; sens 2, av. 1848, Chateaubriand ; sens 3, 1809, Delille). 1. Qui n’a acquis aucune gloire, aucune renommée : J’y arrive obscur et inglorieux (Vallès). Sauvage, inglorieux, étranger à toute vie publique (France). Ϧ 2. Qui ne procure aucune gloire : La victoire même serait inglorieuse (Gautier). Ϧ 3. Qui a été le théâtre d’événements sans gloire : Rambouillet, retraite inglorieuse où s’éclipsa ce qu’il y eut de plus grand, en race et en homme (Chateaubriand). ingluvial, e, aux [ɛ̃glyvjal, -o] adj. (du lat. ingluvies, gésier, jabot des oiseaux ; 1962, Larousse). Qui concerne le jabot des oiseaux : Indigestion ingluviale. ingluvie [ɛ̃glyvi] n. f. (du lat. ingluvies [v. l’art. précéd.] ; 1968, Larousse). Pelote de régurgitation formée par les déchets alimentaires de divers oiseaux se nourrissant d’animaux (rapaces, oiseaux marins, etc.). ingouvernable [ɛ̃guvɛrnabl] adj. (de in- et de gouverner ; 1760, Brunot, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Que l’on ne peut gouverner, diriger : Pays ingouvernable. Le peuple français est ingouvernable dès que l’exemple de la résistance est donné (Tocqueville). Un audacieux, ingouvernable même dans sa foi (Goncourt). La dose de bureaucratie sans quoi les hommes sont ingouvernables (Romains). Ϧ2. Fig. Se dit de forces dont on ne peut garder le contrôle : L’émoi ingouvernable des sens (Bourget). Dans ce monde où l’être s’abandonne à des forces ingouvernables... (Bosco). ingrat, e [ɛ̃gra, -at] adj. et tus, désagréable, déplaisant, reconnaissance, dont il n’est in-, préf. à valeur négative, agréable, bienvenu, dont on a n. (lat. ingraqui n’a pas de pas su gré, de et de gratus, de la grati- tude, reconnaissant ; v. 1361, Oresme, au sens 1 [ingrat à quelqu’un, 1587, F. de La Noue ; vous n’aurez pas affaire à un ingrat, 1732, Lesage] ; sens 2, 1632, Corneille). 1. Qui méconnaît les bienfaits reçus et ne témoigne aucune reconnaissance à qui il les doit : Un enfant ingrat envers ses parents. Vous trouverez en moi de ces immenses abîmes, de ces vastes sentiments concentrés que les niais appellent des vices ; mais vous ne me trouverez jamais ni lâche, ni ingrat (Balzac). Ϧ Class. Ingrat à quelqu’un, à quelque chose, qui manque de reconnaissance envers quelqu’un, qui est indifférent aux bienfaits qu’il reçoit : Ne soyez point ingrat au bon Clément (Sévigné). Ces mêmes dignités | Ont rendu Bérénice ingrate à vos bontés (Racine). Ϧ Vous n’aurez pas affaire à un(e) ingrat(e), vous serez largement récompensé du service que vous avez rendu. Ϧ 2. Class. et littér. Qui méconnaît l’amour qu’on lui porte et ne le paie pas de retour : Mais l’ingrate en mon coeur reprit bientôt sa place (Racine). Jeanne est une ingrate et Gélis un séducteur (France). •SYN. : 1 égoïste, oublieux ; 2 cruel. — CONTR. : 1 obligé, reconnaissant, 2 aimant. & adj. (sens I, av. 1525, J. Lemaire de Belges [âge ingrat, 1862, V. Hugo] ; sens II, 1, 1662, Corneille ; sens II, 2, av. 1704, Bourdaloue ; sens II, 3, 1639, Tristan L’Hermite). I. Qui n’est pas agréable, qui déplaît par son manque de grâce : Cet artiste, du genre ingrat et mal apprécié, déploie des qualités surprenantes, celles d’un vrai peintre (Baudelaire). Elle souriait, heureuse, agréable malgré sa face ingrate (Zola). Dans cette figure ingrate, encore enlaidie par des taches de son, les yeux, d’un bleu dur, petits, encaissés, volontaires, avaient une vie saisissante (Martin du Gard). Ϧ Âge ingrat, début de l’adolescence : Angèle, avec la gêne maussade des filles dans l’âge ingrat, était venue se placer derrière sa mère (Zola). II. 1. Qui marque, dénote l’ingratitude d’une personne : Conduite ingrate. Sentiments ingrats. Ϧ 2. Qui ne répond pas au travail fourni, qui produit peu : Sol ingrat. Pays ingrat. Au début, la solitude et le silence lui avaient été durs sur ces terres ingrates, habitées seulement par des pierres (Camus). Ϧ 3. Qui est difficile ou rebutant, qui exige de gros efforts sans résultats appréciables : Travail ingrat. Tâche ingrate. Sujet ingrat. Matière ingrate. Il a passé sa vie à des métiers ingrats, qui étaient contre son goût (Rolland). • SYN. : I déplaisant, désagréable, disgracieux. ϦII, 2 aride, improductif, infructueux, maigre, pauvre, stérile. ingratement [ɛ̃gratmɑ̃] adv. (de ingrat ; fin du XVe s., Godefroy). Littér. Avec ingratitude. ingratitude [ɛ̃gratityd] n. f. (bas lat. ingratitudo, ingratitude, mécontentement, du lat. class. ingratus [v. INGRAT] v. 1265, J. de Meung, au sens 1 [en droit, 1690, Furetière] ; sens 2, 1667, Racine ; sens 3, 1959, Robert ; sens 4, 1770, Raynal). 1. Manque de gratitude, de reconnaissance ; manière d’agir d’une personne ingrate : Il vaut mieux s’exposer à l’ingratitude que de manquer aux misérables (La Bruyère). On ne cite qu’un seul chien célèbre par son ingratitude (Chateaubriand). Il est vrai que j’ai quitté votre toit avec une apparente ingratitude, dont je vous demande pardon (France). Ϧ Spécialem. En droit, manquement grave au devoir de reconnaissance, à la suite duquel une donation, un legs ou une adoption peuvent être révoqués. Ϧ2. Vx et littér. Conduite d’une personne ingrate en amour : Mon coeur désespéré d’un an d’ingratitude (Racine). Ϧ3. Caractère de ce qui témoigne d’un manque de reconnaissance : L’ingratitude de sa conduite. L’ingratitude d’un pareil acte. Ϧ 4. Vx. Caractère de ce qui ne répond pas aux efforts fournis : L’ingratitude d’un sol (Raynal). L’ingratitude d’une tâche. • SYN. : 1 méconnaissance, oubli. — CONTR. : 1 gratitude, reconnaissance. & ingratitudes n. f. pl. (1660, Corneille). Vx. Actes d’une personne ingrate : Qui doit enfin terminer [...] toutes les ingratitudes de votre vie (Massillon). ingrédient [ɛ̃gredjɑ̃] n. m. (lat. ingrediens, -dientis, part. prés. de ingredi, aller dans, entrer dans, commencer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de gradi, marcher, s’avancer ; 1508, Dict. général, au sens 1 ; sens 2, av. 1681, Patru). 1. Élément, produit qui entre dans une composition, un mélange, une préparation : Les ingrédients d’une potion, d’un remède. Les ingrédients d’une sauce, d’une liqueur. Ϧ 2. Fig. Ce qui concourt à un résultat : En sa qualité de marxiste, il méprisait le pittoresque comme un ingrédient à colorer la misère du peuple (Aymé). • SYN. : 1 constituant. ingresque [ɛ̃grɛsk] adj. (de Ingres, n. pr. ; 1958, Gieure). Qui appartient à Ingres, qui est dans sa manière. ingressif, ive [ɛ̃grɛsif, -iv] adj. (dér. savant du lat. ingressum, supin de ingredi [v. INGRÉDIENT] ; 1962, Larousse). En linguistique, qui est envisagé comme limité à son stade initial : Action ingressive. Procès ingressif. • SYN. : inchoatif. ingression [ɛ̃grɛsjɔ̃] n. f. (lat. ingressio, entrée dans, de ingressum, supin de ingredi [v. INGRÉDIENT] ; fin du XIVe s., au sens de « invasion » ; sens actuel, 1962, Larousse [du XVIe au XXe s., le mot a eu de nombreux autres sens spécialisés]). Déplacement que subit une dent, suivant son axe longitudinal, lorsqu’elle rentre dans le maxillaire. downloadModeText.vue.download 85 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2637 ingreux [ɛ̃grø] n. m. (origine obscure ; 1962, Larousse). Fil servant à attacher une boette molle sur un hameçon. ingrisable [ɛ̃grizabl] adj. (de in- et de griser ; av. 1872, Th. Gautier). Que l’on ne peut griser : Moi qui suis ingrisable (notez que c’était sous la table que notre digne narrateur Roderick avançait cette audacieuse assertion), j’observe, j’anatomise, je fais de la psychologie (Gautier). inguérissable [ɛ̃gerisabl] adj. (de inet de guérissable [v. ce mot] ; v. 1460, G. Chastellain, écrit ingarissable [inguérissable, 1611, Cotgrave], au sens 1 ; sens 2, av. 1778, Voltaire). 1. Que l’on ne peut guérir : Un paralytique inguérissable. Maladie inguérissable. Ϧ2. Fig. Qui est sans remède, que l’on ne peut calmer, faire disparaître : J’ai toujours devant les yeux deux ou trois choses [...] qui sont entrées en moi comme de longues et minces piqûres inguérissables (Maupassant). J’entrevis chez cet être [...] une détresse intime, persistante, inguérissable, analogue à celle d’un orphelin ou d’un infirme (Lacretelle). Cette douceur voilée de mélancolie des personnes qui ont au coeur une plaie inguérissable (Aymé). • SYN. : 1 chronique, incurable ; condamné, perdu ; 2 inapaisable. inguinal, e, aux [ɛ̃gɥinal, -o] adj. (dér. savant du lat. inguen, inguinis, aine, basventre ; v. 1560, Paré). Qui appartient à l’aine : Région inguinale. Ganglions inguinaux. Hernie inguinale. Il [Rieux] avait téléphoné à Richard pour le questionner sur ces fièvres inguinales (Camus). ingurgitation [ɛ̃gyrʒitasjɔ̃] n. f. (bas lat. ingurgitatio, action d’engouffrer, de ingurgitatum, supin du lat. class. ingurgitare [v. l’art. suiv.] ; 1488, Le Huen, puis 1836, Acad.). Action d’ingurgiter. (Peu usité.) ingurgiter [ɛ̃gyrʒite] v. tr. (lat. ingurgitare, engouffrer [au pr. et au fig.], de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de gurges, gurgitis, tourbillon d’eau, abîme [au pr. et au fig.] ; 1488, Le Huen, au sens 1 [comme v. pr. ; comme v. tr., 1611, Cotgrave, puis 1842, Mozin] ; sens 2, av. 1885, V. Hugo ; sens 3, 1856, V. Hugo). 1. Ingurgiter quelque chose, l’introduire dans sa gorge : Ingurgiter un gros morceau de viande ; fam., avaler gloutonnement et en grande quantité des aliments, une boisson, etc. : Ingurgiter un litre de vin. Ils ingurgitent des bavaroises et se bourrent de brioches (Zola). Ϧ2. Ingurgiter ou faire ingurgiter quelque chose à quelqu’un, le lui faire avaler de force : Ingurgiter sa bouillie à un enfant ; et au fig. : Tout ce qu’un sacristain de force t’ingurgite (Hugo). Ϧ3. Fig. Absorber massivement des connaissances ou lire rapidement sans pouvoir assimiler vraiment : Ingurgiter les matières d’un programme. Ingurgiter un ouvrage indigeste. • SYN. : 1 s’empiffrer (fam.), s’enfiler (pop.), enfourner (fam.), engloutir, engouffrer, entonner (fam.), s’envoyer (pop.). inhabile [inabil] adj. (lat. inhabilis, difficile à manier, incommode, impropre à, de in-, préf. à valeur négative, et de habilis, commode, qui va bien, bien adapté, apte à, dér. de habere, avoir, tenir ; v. 1361, Oresme, au sens 1 [en termes de droit, av. 1453, Monstrelet] ; sens 2, 1611, Cotgrave ; sens 3, 1833, Michelet). 1. Class. et littér. Qui n’est pas apte à quelque chose : [La vieillesse] Inhabile aux plaisirs dont la jeunesse abuse (Boileau). Un coeur faible, étroit, pusillanime, | Inhabile aux vertus (Chénier). Une figure inhabile à la résignation (Balzac). L’habitude d’imposer sa volonté par la force rend un homme de guerre très inhabile à l’éloquence (France). Ϧ Auj. En termes de droit, qui n’a pas la capacité légale d’accomplir un acte juridique : Inhabile à tester. Ϧ2. Absol. Qui manque d’habileté manuelle : Un ouvrier inhabile. Des mains inhabiles et maladroites. Ϧ 3. Absol. Qui manque d’habileté, de savoir-faire, de diplomatie : Un chef d’entreprise inhabile. Une déclaration inhabile a failli faire échouer la négociation. • SYN. : 2 gauche, gourd, maladroit, malhabile ; 3 incompétent, malavisé, malencontreux, malheureux. — CONTR. : 2 adroit, habile ; 3 astucieux, avisé, diplomate, heureux, ingénieux, malin, roué, rusé. inhabilement [inabilmɑ̃] adv. (de inhabile ; 1596, Hulsius, au sens de « d’une manière impropre » ; sens actuel, 1611, Cotgrave). Maladroitement : Plaider une cause inhabilement. inhabileté [inabilte] n. f. (de inhabile, d’après habileté ; v. 1380, Conty, au sens 1 ; sens 2, av. 1890, Maupassant [1611, Cotgrave, sous la forme inhabilité, v. l’art. suiv.]). 1. Caractère d’une personne qui n’est pas habile : Elle mourut en couches, tuée par l’inhabileté du médecin (Balzac). C’est l’inhabileté des machinistes qui a nécessité la suppression de tout un tableau (Baudelaire). Ϧ2. Littér. Caractère de ce qui est peu adapté (rare) : L’inhabileté de sa vêture avait toujours fait disparaître ses faibles attributs féminins, qui auraient dû saillir avec art sous un habillage bien entendu (Maupassant). • SYN. : 1 gaucherie, impéritie, incapacité, maladresse. — CONTR. : 1 adresse, compétence, diplomatie, expérience, habileté, ingéniosité, maîtrise, talent. inhabilité [inabilite] n. f. (de inhabile, d’après habilité ; v. 1361, Oresme). État d’une personne qui n’a pas la capacité légale : L’inhabilité à tester. • SYN. : incapacité. inhabitabilité [inabitabilite] n. f. (dér. savant de inhabitable ; 1959, Robert). Caractère de ce qui est inhabitable. inhabitable [inabitabl] adj. (lat. inhabitabilis, inhabitable, de in-, préf. à valeur négative, et de habitabilis, habitable, dér. de habitare, avoir souvent, habiter, occuper, fréquentatif de habere, avoir, tenir ; v. 1360, Froissart, au sens 1 [« qui ne peut être habité », 1690, Furetière] ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Où l’on ne peut habiter, séjourner : Ce ravin d’Haudromont était scandaleusement inhabitable (Romains). Ϧ Qui ne peut être habité : Maison inhabitable. Ϧ 2. Fam. Avec qui l’on ne peut habiter (rare) : La fille aura quitté ses parents, soit que la famille fût inhabitable, soit qu’une aventure galante l’eût entraînée (M. Prévost). inhabitation [inabitasjɔ̃] n. f. (de inet de habitation ; 1829, Boiste). État d’un local, d’un lieu qui n’est pas habité (peu usité) : L’inhabitation d’un bâtiment amène sa dégradation. L’herbe avait poussé par l’inhabitation (Le Roy). inhabité, e [inabite] adj. (de in- et de habité, part. passé de habiter ; fin du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. Qui n’est pas habité : Les régions inhabitées du globe. L’hôtel de l’avenue d’Iéna, alors inhabité, reçut la visite nocturne d’un cambrioleur (France). Une chaumière qu’on eût pu croire inhabitée, sans un mince filet de fumée qui s’en échappait (Gide). Il n’entrait jamais seul dans la chambre inhabitée où son grand-père était mort (Mauriac). Ϧ 2. Fig. et littér. Où il n’y a pas d’esprit, d’intelligence, de vie : Le corps semblait inhabité (Gide). La fille de l’aubergiste somnole en penchant près de la fenêtre son visage inhabité d’innocente (Elder). • SYN. : 1 abandonné, désert, désolé, inoccupé, sauvage, solitaire, vide. inhabitude [inabityd] n. f. (de in- et de habitude ; 1762, J.-J. Rousseau). Défaut d’habitude (rare) : L’inhabitude de penser dans l’enfance en ôte la faculté dans le reste de la vie (Rousseau). inhabitué, e [inabitɥe] adj. (de in- et de habitué, part. passé de habituer ; XVIe s., La Curne). Littér. Qui n’est pas habitué à quelque chose : Ses cheveux, inhabitués au peigne et rebelles, demeuraient tumultueux (L. Daudet). inhabituel, elle [inabitɥɛl] adj. (de in- et de habituel ; 1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2, 1904, Frapié). 1. Qui n’est pas habituel ; qui a un caractère insolite, anormal : Un geste inhabituel. Ce travail inhabituel l’a beaucoup fatigué. Je sentais dans mes membres et dans tout le corps une aisance inhabituelle (Aymé). Une agitation inhabituelle était signalée dans les casernes (BrasillachBardèche). Ϧ2. Qui n’est pas conforme à l’état habituel : Ces gens du dimanche rendent la rue inhabituelle (Frapié). downloadModeText.vue.download 86 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2638 • SYN. : 1 anormal, inaccoutumé ; nouveau, occasionnel ; étrange ; 2 différent, insolite, singulier. inhalant, e [inalɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de inhaler ; 1791, Bulletin des sciences [p. 14], au sens de « qui inhale, qui absorbe » ; sens actuel, 1962, La rousse). Comprimé inhalant, comprimé composé de substances volatiles, et que l’on plonge dans l’eau bouillante pour faire des inhalations. inhalateur, trice [inalatoer, -tris] adj. (de inhalat[ion] ; 1873, Larousse). Qui sert à des inhalations : Appareil, tube inhalateur. & inhalateur n. m. (sens 1, 1873, Larousse ; sens 2, 1931, Larousse). 1. Appareil servant à faire des inhalations : Plusieurs malades assis, la tête encapuchonnée de serviettes, étaient penchés sur des inhalateurs (Martin du Gard). Ϧ 2. Inhalateur d’oxygène, sorte de masque utilisé par les aviateurs appelés à évoluer à de hautes altitudes, et qui est relié à une réserve d’oxygène dont le débit vient compenser la diminution de pression de l’air ambiant. inhalation [inalasjɔ̃] n. f. (bas lat. inhalatio, exhalaison, de inhalatum, supin du lat. class. inhalare [v. INHALER] ; 1760, P. H. d’Holbach [p. 302, texte et note], au sens de « exhalaison par laquelle une substance émanée entre dans une autre et la pénètre » [terme de minéralogie] ; 1823, Boiste, au sens de « action par laquelle les plantes absorbent les fluides ambiants » ; sens actuel, 1867, Littré). Action d’inhaler. ϦSpécialem. Absorption par les voies respiratoires, à des fins thérapeutiques, d’un gaz, d’une vapeur ou d’un aérosol : Anesthésie par inhalation. Faire des inhalations. (Syn. FUMIGATION.) inhalatorium [inalatɔrjɔm] n. m. (dér. savant de inhalat[ion], sur le modèle de sanatorium, préventorium, etc. ; 1962, Larousse). Dans les établissements thermaux, salle où se pratiquent les inhalations. inhaler [inale] v. tr. (lat. inhalare, souffler sur, exhaler une odeur de, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de halare, exhaler [une odeur] ; 1845, Bescherelle, au sens 2 [« absorber par les voies respiratoires, à des fins thérapeutiques, des gaz ou des vapeurs » ; « absorber par inspiration », 1867, Littré — au part. prés. dès 1791, v. INHALANT] ; sens 1, 1873, Larousse). 1. Absol. et vx. Inspirer : Je te dirai, ma chérie, que tout le monde n’inhale pas de la même façon (Daudet). Ϧ 2. Absorber par inspiration. ϦSpécialem. Absorber par les voies respiratoires, à des fins thérapeutiques, des gaz ou des vapeurs : Inhaler de l’éther. Inhaler des vapeurs de menthol. • SYN. : 2 aspirer, humer. — CONTR. : 1 exhaler, expirer. inharmonie [inarmɔni] n. f. (de in- et de harmonie ; 1765, Diderot). Manque d’harmonie : La fanfare tournant, nous serons rendus à l’ancienne inharmonie (Rimbaud). Toute faute de quantité fut sévèrement réprimée dans ma maison, toute inharmonie, tout désordre (Maurras). inharmonieusement [inarmɔnjøzmɑ̃] adv. (de inharmonieux ; 1867, Littré). De façon inharmonieuse. inharmonieux, euse [inarmɔnjø, -øz] adj. (de in- et de harmonieux ; av. 1803, Laharpe, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Qui n’est pas harmonieux ; désagréable à l’oreille : Accents, cris, rythmes inharmonieux. Les sons inharmonieux des instruments que les musiciens accordaient (France). Ϧ 2. Qui est dépourvu d’harmonie, d’équilibre, d’esthétique : Ensemble vulgaire, cossu, inhabitable et inharmonieux (Gyp). inharmonique [inarmɔnik] adj. (de in- et de harmonique ; av. 1865, Proudhon). Qui manque d’harmonie : La dureté du style de la Pucelle est inimaginable [...]. C’est une espèce d’harmonie inharmonique, si l’on peut s’exprimer ainsi (Gautier). inhérence [inerɑ̃s] n. f. (lat. scolast. inhaerentia, de inhaerens, -entis [v. l’art. suiv.] ; 1377, Oresme, puis début du XVe s., Godefroy, puis 1688, Miege [en logique, 1690, Furetière]). Caractère, état de ce qui est inhérent à quelque chose. Ϧ Spécialem. En logique, rapport d’une qualité intrinsèque au sujet dont elle est l’attribut : Toute qualité a son sujet d’inhérence (Cousin). inhérent, e [inerɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. scolast. inhaerens, -entis, inhérent, part. prés. adjectivé du lat. class. inhaerere, rester fixé à, adhérer à, et, au fig., « tenir à, être attaché, fixé » ; 1503, Chauliac, au sens 1 ; sens 2, 1959, Robert ; sens 3, 1672, Molière). 1. Inhérent à, se dit de ce qui est essentiel à quelqu’un ou à quelque chose, de ce qui lui est lié d’une manière intime et nécessaire : Les droits inhérents à la personne humaine. Un vice inhérent à une institution. Il y a des défauts qui sont inhérents à des beautés (Hugo). Ϧ 2. En logique, se dit d’une détermination affirmée d’un sujet et n’existant que par lui, ou d’une manière d’être qui lui est intrinsèque. Ϧ 3. Class. Qui a un caractère ferme, durable, indestructible (s’employait sans complément) : La beauté du visage est un frêle ornement [...] ; | Mais celle de l’esprit est inhérente et ferme (Molière). • SYN. : 1 immanent, inséparable, intrinsèque. inhibage [inibaʒ] n. m. (de inhiber ; 1962, Larousse). En pyrotechnie, application d’un inhibiteur sur un bloc de poudre. inhibant, e [inibɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de inhiber ; 1970, Robert). Qui inhibe. inhibé, e [inibe] adj. (part. passé de inhiber ; XVe s., au sens de « interdit » ; sens actuel, 1902, Larousse). Qui est ralenti ou arrêté par inhibition. & adj. et n. (1970, Robert). Se dit d’une personne atteinte d’inhibition psychique : Un inhibé sexuel. inhiber [inibe] v. tr. (lat. inhibere, retenir, arrêter, appliquer, de in-, préf. marquant la localisation, et de habere, avoir, tenir ; 1391, Soudet, au sens 1 [var. inhibir, milieu du XIVe s.] ; sens 2, 1888, Larousse [art. inhibition] ; sens 3, début du XXe s.). 1. Vx. En termes de droit, mettre opposition à, défendre. Ϧ 2. En physiologie, provoquer l’inhibition d’un mouvement, d’une fonction, etc. : La stimulation du pneumogastrique inhibe la contraction cardiaque. Ϧ 3. Arrêter ou ralentir dans son activité, dans son développement, dans son élan : Être inhibé par la peur, la timidité. La maladie inhibée, ou jugulée, par l’effet de la répétition et de l’ennui (Hermant). • SYN. : 3 enrayer, freiner, juguler, paralyser. inhibiteur, trice [inibitoer, -tris] adj. (dér. savant de inhiber ; 1534, G. Michel de Tours, comme n. m., au sens de « celui qui interdit » [inhibeur, forme plus pop., v. 1380, Aalma] ; sens actuel, 1922, Larousse [nerf inhibiteur, 1931, Larousse ; gène inhibiteur, 1962, Larousse]). En physiologie et en psychologie, qui est susceptible de ralentir ou d’arrêter un mouvement ou une fonction. ϦNerf inhibiteur, nerf antagoniste des nerfs excito-moteurs et excito-sécréteurs, qui entraîne l’inhibition de la fonction que ceux-ci commandent : Le pneumogastrique est un nerf inhibiteur. Ϧ Gène inhibiteur, gène qui empêche l’action d’un autre gène. • CONTR. : dynamogène. & inhibiteur n. m. (sens 1-3, 1962, Larousse). 1. En chimie, corps qui agit par inhibition. Ϧ2. Additif que l’on incorpore à un produit pétrolier pour supprimer ou diminuer une propriété indésirable : Inhibiteur d’oxydation. Ϧ 3. Matière dont on revêt certaines faces d’un bloc de poudre pour empêcher l’inflammation de s’étendre à ces faces. inhibitif, ive [inibitif, -iv] adj. (dér. savant de inhiber ; 1584, Goulart, au sens de « qui est de nature à entraîner une interdiction » ; sens actuel, 1922, Larousse). Qui est de nature à produire une inhibition : Cause inhibitive. inhibition [inibisjɔ̃] n. f. (lat. médiév. inhibitio, interdiction [en lat. class., « action de ramer en sens contraire »], de inhibitum, supin du lat. class. inhibere [v. INHIBER] ; v. 1300, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1888, Larousse [aussi mort par inhibition] ; sens 3, 1948, Larousse ; ; sens 4, av. 1945, P. Valéry [« état d’impuissance », 23 janv. 1917, A. Gide] ; sens 5-6, 1962, Larousse). 1. Vx. En termes de droit, action de mettre opposition à, défense : La République jetait par terre le trône de Charles X ; elle craignait les inhibitions de M. de Broglie, lequel n’avait downloadModeText.vue.download 87 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2639 aucun caractère (Chateaubriand). Ϧ2. En physiologie, diminution ou arrêt du fonctionnement d’un organe ou de certaines fonctions par action du système nerveux ou d’une hormone. ϦMort par inhibition, mort due à l’action frénatrice de certaines excitations périphériques sur les centres nerveux de la base du cerveau : Il est mort de peur, littéralement par inhibition, à la seule vue d’un chien qu’il croyait enragé (France). Ϧ3. Phénomène d’arrêt, de blocage d’un processus psychologique : Inhibition psychologique volontaire. Inhibitions émotives. Inhibition motrice, psychique. Ϧ4. Littér. Action d’arrêter, de suspendre une activité, mentale ou autre : J’ai observé sur moi-même l’ébauche de cette faculté fantastique d’inhibition. J’ai cherché d’abolir directement une certaine pensée. Mais rien de plus limité que les effets de la volonté « intérieure » (Valéry). Toute scène a ses facilités et ses inhibitions (Giraudoux). Ϧ État d’impuissance psychique : Ce n’est pas seulement une paralysie musculaire, c’est une inhibition de toutes mes facultés (Gide). Ϧ 5. Phénomène par lequel certaines substances sont capables, même en très faible quantité, de réduire à une valeur presque nulle la vitesse de diverses réactions chimiques. Ϧ6. Opération de raffinage qui consiste à incorporer un inhibiteur à un produit pétrolier. inhibitoire [inibitwar] adj. (dér. savant de inhiber ; 1478, Bartzsch, au sens de « qui est de nature à entraîner une interdiction » ; sens actuel, 1948, Larousse). Qui produit une inhibition : Le cerveau peut exercer une action inhibitoire sur le sommeil. inhomogène [inɔmɔʒɛn] adj. (de in- et de homogène ; 1968, Larousse). Qui n’est pas homogène. ϦSpécialem. Se dit d’un champ magnétique non uniforme. inhomogénéité [inɔmɔʒeneite] n. f. (de inhomogène, d’après homogénéité ; 10 juill. 1968, l’Observateur). Caractère de ce qui manque d’homogénéité. inhospitalier, ère [inɔspitalje, -ɛr] adj. (de in- et de hospitalier ; 1648, Scarron, au sens 2 ; sens 1, 1671, Pomey). 1. Qui ne respecte pas les règles de l’hospitalité : Homme, peuple inhospitalier. Accueil inhospitalier. Mon excellente gouvernante est devenue avec l’âge très inhospitalière (France). Ϧ2. Où l’étranger trouve difficilement l’hospitalité, du fait soit des conditions géographiques, soit du mauvais accueil de la population : Terre inhospitalière. Pays inhospitalier. L’intrépide Armand, abordé à quelques pas de son champ paternel, comme à la côte inhospitalière de la Tauride, cherchait en vain des yeux sur les flots, à la clarté de la lune, la barque qui l’aurait pu sauver (Chateaubriand). • SYN. : 1 froid, glacial, rébarbatif, revêche ; 2 farouche, inhumain, sauvage. inhospitalièrement [inɔspitaljɛrmɑ̃] adv. (de inhospitalier ; 1839, Acad.). D’une manière inhospitalière (peu usité) : Recevoir quelqu’un inhospitalièrement. inhumain, e [inymɛ̃, -ɛn] adj. et n. (lat. inhumanus, barbare, cruel, de caractère difficile, incivil, grossier, surhumain, de in-, préf. à valeur négative, et de humanus, humain, aimable, cultivé, dér. de homo, homme ; 1373, Cartulaire de la ville de Montreuil-sur-Mer, aux sens 1 et 3 ; sens 2, 1655, Molière [substantiv., 1560, Ronsard ; cette femme n’est pas inhumaine, 1867, Littré] ; sens 4, v. 1530, C. Marot). 1. Qui est dépourvu des sentiments de pitié, de générosité qu’un homme devrait avoir : Maître inhumain. Coeur inhumain. Sentiments inhumains. J’ai toujours vu que les jeunes gens corrompus de bonne heure étaient inhumains et cruels (Rousseau). Ϧ2. Class. ou plaisamm. Se dit d’une femme qui ne répond pas à l’amour qu’on lui porte : Il l’aime, mais enfin cette veuve inhumaine | N’a payé jusqu’ici son amour que de haine (Racine) ; et substantiv. : Mais voici de retour cette aimable inhumaine (Corneille). Ϧ Ironiq. et fam. Cette femme n’est pas inhumaine, elle accorde facilement ses faveurs à ceux qui la courtisent. Ϧ3. Qui témoigne d’un manque de pitié, de générosité ; où les sentiments humains sont ignorés : Action, parole inhumaine. Un traitement inhumain. La condition ouvrière est deux fois inhumaine, privée d’argent, d’abord, et de dignité ensuite (Camus). Ϧ4. Qui ne semble pas appartenir à la nature ou à la condition humaine : Ce sont des faits encore tout inhumains, qu’aucune imagination n’eût pu prévoir (Valéry). Un rire aux notes inhumaines, suraigu (Radiguet). • SYN. : 1 barbare, cruel, féroce, impitoyable, implacable, inexorable, insensible ; 3 atroce, monstrueux. & inhumain n. m. (av. 1945, P. Valéry). L’inhumain, ce qui n’est pas humain : Voici s’apprêter le règne de l’Inhumain, qui naîtra de la netteté, de la rigueur et de la pureté dans les choses humaines (Valéry). inhumainement [inymɛnmɑ̃] adv. (de inhumain ; av. 1370, J. Le Bel). Littér. D’une manière inhumaine : Traiter inhumainement des prisonniers. inhumanité [inymanite] n. f. (lat. inhumanitas, cruauté, barbarie, incivilité, caractère difficile, de inhumanus [v. INHUMAIN] ; début du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1959, Robert ; sens 3, XIVe s., Songe du Verger ; sens 4, av. 1945, P. Valéry). 1. Manque d’humanité d’une personne, cruauté : Faire preuve d’inhumanité. Condorcet énuméra les bonnes lois qu’il fallait faire, pour prouver aux nations que ce jugement sévère n’était point un acte d’inhumanité (Michelet). Ϧ 2. Ce qui traduit le manque d’humanité : L’inhumanité de son comportement. Ϧ 3. Vx. Acte inhumain : Souffrir toutes sortes d’inhumanités (Bossuet). Ϧ 4. Caractère de celui ou de ce qui semble ne pas appartenir à la nature ou à la condition humaine : Votre inhuma- nité intellectuelle et technique se concilie fort aisément [...] avec votre humanité (Valéry). Ce malaise devant l’inhumanité de l’homme même, cette incalculable chute devant l’image de ce que nous sommes, cette « nausée » [...], c’est aussi l’absurde (Camus). • SYN. : 1 barbarie, brutalité, férocité, insensibilité, sauvagerie ; 2 cruauté, dureté, implacabilité, inexorabilité, rigueur, sévérité. inhumation [inymasjɔ̃] n. f. (de inhumer ; av. 1525, J. Lemaire de Belges). Action de mettre en terre un mort ; cérémonie qui accompagne cette action : Après l’inhumation, M. Fellaire reçut les compliments de condoléances des assistants (France). Nous convînmes ensemble des dispositions à prendre pour l’inhumation et la cérémonie funèbre (Gide). • SYN. : ensevelissement, enterrement, funérailles, obsèques. — CONTR. : exhumation. inhumer [inyme] v. tr. (lat. inhumare, mettre en terre, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de humare, recouvrir de terre, enterrer, dér. de humus, sol, terre ; XIVe s., Nature à l’alchimie, au part. passé, au sens de « enfoncé en terre » [en parlant d’un fourneau] ; à l’infin., au sens actuel, 1408, N. de Baye, I, 231 [permis d’inhumer, 1948, Larousse]). Mettre en terre le corps d’un mort selon le cérémonial ordinaire : Il transporta le corps sur la rive et l’inhuma dans une fosse qu’il couvrit de gazon afin de la reconnaître (A. Thierry). ϦPermis d’inhumer, certificat délivré par un médecin, prouvant que le décès ne résulte pas d’un acte criminel. • SYN. : ensevelir, enterrer. — CONTR. : déterrer, exhumer. inimaginable [inimaʒinabl] adj. (de in- et de imaginable ; 1580, Montaigne, aux sens 1-2). 1. Qui ne peut être imaginé : Des formes inimaginables. Ϧ2. Qui dépasse tout ce que l’on pourrait imaginer : Quantité inimaginable. Elle [la jeune fille] se sent sans défense devant une sourde fatalité qui la condamne à d’inimaginables épreuves (Beauvoir). • SYN. : 1 inconcevable ; 2 extraordinaire, fabuleux, impensable, incroyable, inouï, invraisemblable, pharamineux (fam.), phénoménal (fam.). inimaginablement [inimaʒinabləmɑ̃] inimaginablement [inimaʒinabləmɑ̃] adv. (de inimaginable ; 1838, Acad.). D’une manière qu’on ne saurait imaginer : Une jeune fille inimaginablement belle. inimaginé, e [inimaʒine] adj. (de in- et de imaginé, part. passé de imaginer ; av. 1803, Laharpe). Qui n’a pas encore été imaginé : Un truquage inimaginé. downloadModeText.vue.download 88 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2640 • SYN. : inédit, neuf, nouveau, original. inimitable [inimitabl] adj. (lat. inimitabilis, inimitable, de in-, préf. à valeur négative, et de imitabilis, imitable, dér. de imitari, imiter ; fin du XVe s., Godefroy, au sens 2 ; sens 1, av. 1559, J. Du Bellay). 1. Se dit d’une personne qui ne peut être imitée : Un acteur inimitable. Ϧ2. Se dit de ce qui ne peut être reproduit par quelqu’un d’autre : Ce qui est, dans un homme, inimitable par les autres (Valéry). Avoir un style, c’est parler au milieu de la langue commune un dialecte particulier, unique, inimitable (Gourmont). inimitablement [inimitabləmɑ̃] adv. (de inimitable ; 1818, Minerve française, II, 515). Avec une perfection inimitable : Peindre inimitablement. inimité, e [inimite] adj. (de in- et de imité, part. passé de imiter ; 1867, Littré). Qui n’a pas encore été imité : Un style inimité. inimitié [inimitje] n. f. (réfection, sur le modèle de amitié et d’après le lat. inimicitia, haine [de inimicus, ennemi, hostile, contraire, funeste, de in-, préf. à valeur négative, et de amicus, ami], de l’anc. franç. enemisté, aversion qu’on éprouve pour quelqu’un [v. 1145, Godefroy], enemistié [v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence], dér. de ennemi ; v. 1300, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1669, Racine). 1. Sentiment de haine ou d’hostilité durable à l’égard de quelqu’un : Tantôt l’ambition nous aigrit des dépits les plus amers, tantôt elle nous anime des plus mortelles inimitiés (Bourdaloue). Si l’on a la chance d’avoir des ennemis, il est bon de cultiver leur inimitié ; elle n’a pas seulement son charme : elle est profitable (L. Descaves). Leur inimitié s’était atténuée, mais non pas effacée, et les rapports demeuraient froids et étudiés (Aymé). Ϧ 2. Class. Sentiment de froideur d’une personne qui ne répond pas à l’amour qu’on lui porte : Pour moi [Britannicus] quelque péril qui me puisse accabler, | Sa seule inimitié [de Junie] peut me faire trembler (Racine). • SYN. : 1 animadversion, animosité, antipathie, aversion, ressentiment. inimprimable [inɛ̃primabl] adj. (de inet de imprimable ; 1845, Bescherelle). Non imprimable ; qu’on ne saurait imprimer : Un manuscrit inimprimable. inimprimé, e [inɛ̃prime] adj. (de inet de imprimé, part. passé de imprimer ; 1838, Acad.). Non imprimé : Une oeuvre inimprimée. inimputable [inɛ̃pytabl] adj. (de in- et imputable ; 1914, A. Gide). Inimputable qui ne peut être imputé à ; et absol. : le supposer gratuit, l’acte mauvais, le le voici tout inimputable (Gide). de à, Mais à crime, inindulgence [inɛ̃dylʒɑ̃s] n. f. (de in- et de indulgence ; 1903, Huysmans). Littér. Manque d’indulgence : L’incompréhension de tout, l’inindulgence pour les idées des autres, nous les devons aux disciples de Jansenius (Huysmans). ininflammabilité [inɛ̃flamabilite] n. f. (dér. savant de ininflammable ; 1838, Acad.). Qualité de ce qui est ininflammable : L’ininflammabilité de l’amiante. ininflammable [inɛ̃flamabl] adj. (de inet de inflammable ; av. 1622, François de Sales, au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. Qui ne peut pas prendre feu : Des matières ininflammables. Ϧ 2. Fig. Qui ne peut s’enflammer d’amour : Un coeur ininflammable. • SYN. : 1 apyre, ignifugé, incombustible ; 2 insensible. — CONTR. : 1 combustible, inflammable. inintelligemment [inɛ̃tɛliʒamɑ̃] adv. (de inintelligent ; 1833, d’après Darmesteter, 1877). D’une manière inintelligente : Un travail fait inintelligemment. inintelligence [inɛ̃tɛliʒɑ̃s] n. f. (de inintelligent, d’après intelligence ; fin du XVIIIe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1850, Balzac). 1. Niveau intellectuel d’une personne qui manque d’intelligence : Le dandinement balourd de l’inintelligence (Goncourt). Ϧ2. Comportement qui traduit le manque d’intelligence dans une circonstance donnée : Il se vante de son inintelligence en affaires. Là où Jacques Collin avait tout sauvé par son audace, Lucien [...] avait tout perdu par son inintelligence et son défaut de réflexion (Balzac). • SYN. : 1 balourdise, bêtise, imbécillité, stupidité ; 2 incapacité, incompréhension, ineptie, nullité. inintelligent, e [inɛ̃tɛliʒɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de in- et de intelligent ; 1784, ZFSL, XXXV, au sens 1 ; sens 2, av. 1841, Chateaubriand). 1. Se dit d’une personne qui est dépourvue d’intelligence : Je sais lire, écrire et compter et ne suis pas tout à fait inintelligent (Queneau). Ϧ 2. Qui témoigne d’un manque d’intelligence : Une réponse inintelligente. Il faut la manière inintelligente, enfantine, avec laquelle ils commencent à le dire, ce rôle (Goncourt). • SYN. : 1 bête, borné, bouché (fam.), crétin, idiot, obtus ; 2 imbécile, inepte, niais, sot, stupide. inintelligibilité [inɛ̃tɛliʒibilite] n. f. (dér. savant de inintelligible ; av. 1714, Fénelon, au sens 1 ; sens 2, av. 1935, P. Bourget). 1. Caractère de ce qui ne peut être compris : L’inintelligibilité d’un texte, d’un propos. Ϧ 2. Caractère d’une personne qu’on ne peut comprendre, dont on ne peut interpréter le comportement : L’inintelligibilité des êtres les uns par rapport aux autres (Bourget). inintelligible [inɛ̃tɛliʒibl] adj. (de in- et de intelligible, ou du bas lat. inintellegibilis, inintelligible, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et intellegibilis [v. INTELLIGIBLE] ; 27 mai 1640, Chapelain, au sens 1 ; sens 2, 1762, J.-J. Rousseau [« qui exprime mal sa pensée », 1756, Voltaire] ; sens 3, av. 1935, P. Bourget). 1. Se dit de ce qui est présenté d’une façon telle qu’on ne peut pas le comprendre : Une explication inintelligible. Ϧ Se dit de paroles qui ne peuvent être comprises : Ce que disait ce fantoche [...] était parfaitement inintelligible pour moi (Hugo). Il [un perroquet] ouvrait un large bec et proférait d’une voix rauque des menaces inintelligibles (France). Ϧ 2. Dont on ne comprend pas les paroles : Un bredouilleur inintelligible. Ϧ Qui exprime mal sa pensée et ne peut être compris : Un philosophe inintelligible. Ϧ 3. Se dit d’une personne dont on ne peut comprendre le comportement, dont on ne peut analyser le caractère : C’était l’image d’une femme très douce et très simple au premier regard, très compliquée au second et très inintelligible (Bourget). • SYN. : 1 nébuleux, obscur, sibyllin, ténébreux ; 2 incompréhensible ; abscons, abstrus, hermétique ; 3 déconcertant, indéchiffrable, insaisissable. inintelligiblement [inɛ̃tɛliʒibləmɑ̃] adv. (de inintelligible ; av. 1622, François de Sales, puis 1829, Boiste). D’une manière inintelligible, incompréhensible : Bredouiller inintelligiblement. inintéressant, e [inɛ̃terɛsɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de in- et de intéressant ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers, puis 1880, Huysmans, au sens 1 ; sens 2, av. 1922, Proust). 1. Se dit de ce qui ne présente aucun intérêt : Une histoire inintéressante. Les paroles qu’il prête aux uns et aux autres, si fausses qu’elles soient d’après vous, ne sont presque jamais inintéressantes (Gide). Ϧ2. Se dit d’une personne qui n’est pas digne de retenir l’attention : Il la jugeait en femme méprisable, aussi inintéressante qu’intéressée (Proust). • SYN. : 1 banal, quelconque ; 2 insignifiant. inintérêt [inɛ̃terɛ] n. m. (de in- et de intérêt ; 1903, Huysmans). Littér. Manque d’intérêt : Les vêpres de saint Benoît ramenaient la monnaie courante des psaumes, mais leur inintérêt était sauvé par de splendides antiennes (Huysmans). ininterprétable [inɛ̃tɛrpretabl] adj. (de in- et de interprétable ; 1838, Acad.). Qu’on ne peut interpréter : La femme, comme la nature, a des secrets ininterprétés parce qu’ils sont ininterprétables (Balzac). ininterprété, e [inɛ̃tɛrprete] adj. (de inet de interprété, part. passé de interpréter ; 1838, Acad.). Qui n’a pas été interprété : Une inscription ininterprétée. Une oeuvre musicale encore ininterprétée. ininterrompu, e [inɛ̃tɛrɔ̃py] adj. (de in- et de interrompu, part. passé de interrompre ; 1776, Chambaud et Robinet). Qui n’est pas interrompu : Série, suite downloadModeText.vue.download 89 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2641 ininterrompue. Tout le long du célèbre escalier, c’était [...] une montée ininterrompue de dames vêtues comme des reines (Maupassant). • SYN. : continu, continuel, incessant. — CONTR. : discontinu, entrecoupé, interrompu. ininterruption [inɛ̃tɛrypsjɔ̃] n. f. (de inet de interruption ; 1845, Bescherelle). Fait de ne pas interrompre : L’ininterruption des soins est la condition de la guérison. inique [inik] adj. (lat. iniquus, inégal, défavorable, incommode, qui n’est pas juste, excessif, de in-, préf. à valeur négative, et de aequus, plat, uni, égal, équitable ; v. 1355, Bersuire, au sens de « défavorable » [en parlant de la position d’un lieu] ; sens 1, fin du XIVe s., E. Des-champs ; sens 2, 1588, Montaigne). 1. Se dit de ce qui est contraire à l’équité : Jugement inique. Quand notre ville épouvantée | S’éveilla toute garrottée [...] | Sous un réseau d’iniques lois (Hugo). Ϧ2. Se dit d’une personne qui ne respecte pas l’équité : Juge, arbitre inique. • SYN. : 1 inéquitable, injuste ; 2 partial. iniquement [inikmɑ̃] adv. (de inique ; v. 1355, Bersuire, au sens de « de façon défavorable » ; sens actuel, 1588, Montaigne). De façon inique : Décider iniquement la suspension d’un fonctionnaire. iniquité [inikite] n. f. (lat. iniquitas, inégalité, adversité, malheur, injustice, de iniquus [v. INIQUE] ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens 4 [« péché, crime », v. 1160, Benoît de Sainte-Maure] ; sens 1, v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence ; sens 2, v. 1265, Livre de jostice ; sens 3, XIVe s., Girart de Roussillon). 1. Caractère de ce qui est inique, contraire à l’équité : L’iniquité d’une loi. Comment l’esprit d’amour, de justice, de paix | Sert-il l’iniquité, la haine et les forfaits ? (Lamartine). Du bout de la fontaine au coin des gueux, les voix s’insurgeaient contre l’iniquité d’une décision aussi arbitraire (Aymé). Ϧ2. Acte ou chose contraire à l’équité : Ah ! devant ces images fatales, en présence d’une iniquité si abominable, un sentiment de pitié m’exalta (Lacretelle). Ϧ 3. Comportement inique d’une per- sonne : L’iniquité d’un juge. Ϧ 4. Class. En termes de religion, état d’une personne agissant contrairement à la moraie : Les hommes, comme enfants d’Adam, portent l’iniquité de leur premier père (Bossuet). ϦLittér. Péché, crime : Mets-lui devant les yeux ses iniquités, reproche-lui ses scandales et tous ses crimes (Bourdaloue). • SYN. : 1 injustice ; 2 disparité, inégalité ; 3 partialité. — CONTR. : 1 équité ; 2 égalité, justice ; 3 impartialité, intégrité. initial, e, aux [inisjal, -o] adj. (lat. impér. initialis, primitif, primordial, dér. du lat. class. initium, commencement, principe, de initum, supin de inire, aller dans, commencer, de in-, préf. marquan le mouvement vers, et de ire, aller ; XIIIe s., Hystore Job, écrit inicial [initial, XVIIe s.], au sens 3 [en phonétique, 1902, Larousse ; inscription au titre initial, 1962, Larousse] ; sens 1, av. 1854, Lamennais [vitesse initiale.., 1738, Voltaire] ; sens 2, 1873, Larousse [cellules initiales, 1902, Larousse]). 1. Relatif au début de quelque chose : Une erreur initiale de raisonnement. J’étais pour eux un objet d’observation, l’inconnu, celui qui ne sait ni la langue, ni les usages, ni même l’industrie la plus initiale, la plus naturelle de la vie (Gauguin). La formation initiale de l’élève. Ϧ Vitesse initiale d’un projectile, en balistique, vitesse dont le projectile est animé au début de sa trajectoire. Ϧ2. Qui est à l’origine de : Donner l’impulsion initiale à une entreprise. Ϧ Cellules initiales, en botanique, cellules dont le cloisonnement donne naissance au tissu jeune qui détermine la structure ultérieure d’un organe. Ϧ 3. Qui commence quelque chose : Le mot initial de la phrase. ϦEn phonétique, se dit du phonème placé au début d’un mot. ϦInscription au titre initial, en zootechnie, inscription dans les livres généalogiques d’animaux dont les parents n’étaient pas inscrits. • SYN. : 1 inné, premier, primaire, primitif, naturel ; 2 originel. — CONTR. : 1 complémentaire, suprême, ultime ; 2 dernier ; 3 final, terminal. & initiale n. f. (sens 1, 1829, Boiste [lettre initiale, même sens, 1680, Richelet ; à l’initiale, XXe s.] ; sens 2, v. 1710, d’après Trévoux, 1771). 1. Première lettre ou premier phonème d’un mot : Initiale vocalique, consonantique. Ϧ À l’initiale, au début du mot : Mettre une majuscule à l’initiale d’un nom propre. Ϧ2. Première lettre d’un mot figurant le mot entier, comme dans les inscriptions antiques. & initiales n. f. pl. (1835, Acad.). Premières lettres du prénom et du nom de quelqu’un : Graver ses initiales. Signer un article de ses initiales. Gabriel va chercher une jolie trousse en peau de porc marquée à ses initiales (Queneau). • SYN. : chiffre. initialement [inisjalmɑ̃] adv. (de initial ; 1867, Littré). Au commencement : Initialement, la publication de l’ouvrage n’était pas envisagée. initiateur, trice [inisjatoer, -tris] n. (bas lat. initiator, -trix, initiateur, -trice, de initiatum, supin du lat. class. initiare [v. INITIER] ; 1586, Le Loyer, au sens de « celui qui initie à un mystère » ; sens 1-2, 1839, Acad.). 1. Personne qui fait participer une autre à la première connaissance de quelque chose : En repensant à l’initiateur inconnu auquel j’avais pu devoir les premiers baisers qu’elle m’avait donnés à Paris, le jour où j’attendais la lettre de Mlle de Stermaria (Proust). Ϧ2. Personne (ou chose personnifiée) qui est à l’origine de quelque chose : Mais il n’y a pas que cette France [...] émancipatrice et initiatrice du génie humain (Gambetta). Pendant deux années consécutives, il avait été son interne, il avait vécu dans l’intimité quotidienne de cet initiateur (Martin du Gard). Les initiateurs du progrès scientifique. • SYN. : 2 créateur, innovateur, maître, novateur, précurseur, promoteur. initiation [inisjasjɔ̃] n. f. (lat. initiatio, initiation, de initiatum, supin de initiare [v. INITIER] ; XVe s., Godefroy, écrit iniciacion [initiation, 1762, Acad.], au sens 1 [initiation religieuse, 1893, Dict. général ; initiation chrétienne, 1962, Larousse — initiation, « admission à l’état ecclésiastique », 1732, Richelet] ; sens 2, 1761, J.-J. Rousseau ; sens 3, 1767, d’après Trévoux, 1771 [« ouvrage qui fournit ces éléments », XXe s.]). 1. Dans l’Antiquité, action d’initier quelqu’un aux mystères d’un culte ; cérémonie qui l’accompagne : L’initiation aux mystères de Cybèle. ϦAuj. Introduction solennelle d’une personne au nombre des adeptes d’une religion, d’une secte ou d’une société secrète, au cours d’une cérémonie rituelle. Ϧ Initiation religieuse, cérémonie du culte israélite correspondant à la première communion des catholiques. ϦInitiation chrétienne, entrée dans la communauté chrétienne par le sacrement du baptême. Ϧ 2. Action de révéler ou de recevoir la connaissance de pratiques réputées difficiles ou mystérieuses : Initiation à la peinture, à la musique. Initiation à la drogue, à l’amour. Le joujou est la première initiation de l’enfant à l’art, ou plutôt c’en est pour lui la première réalisation (Baudelaire). Ϧ 3. Action de donner les premiers éléments de la connaissance d’une science : L’initiation aux mathématiques modernes, au latin. ϦOuvrage qui fournit ces éléments. •SYN. : 2 apprentissage, découverte, formation. initiatique [inisjatik] adj. (de initiat[ion] ; 1951, Gracq). En termes de sociologie et de religion, relatif à l’initiation, marqué par une initiation : Je me baignais pour la première fois dans ces nuits du Sud inconnues d’Orsenna comme dans une eau initiatique (Gracq). initiative [inisjativ] n. f. (de initier, d’après expectative, défensive, etc. ; 1567, Dict. général, puis 1802, Flick, au sens 1 ; sens 2, 1787, Gohin [initiative populaire, fin du XIXe s.] ; sens 3, 1873, Larousse [initiative privée, 1876, Taine] ; sens 4, 1803, Boiste). 1. Première proposition ou action de quelqu’un : L’initiative de cette rencontre est due à une université. Une initiative malheureuse. Une bonne initiative. Je jugeais à propos de prendre l’initiative (Hermant). Josette avait cru qu’il [son père] découvrirait son état et lui éviterait ainsi de prendre l’initiative des aveux (Aymé). Ϧ2. En termes d’institutions politiques, droit de rédiger et downloadModeText.vue.download 90 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2642 de soumettre au vote certains textes : Dans certaines Constitutions, l’initiative des lois appartient au Parlement. Ϧ Initiative populaire, droit reconnu aux citoyens de certains États de soumettre au Parlement des propositions de loi, à condition de réunir un certain nombre de signatures à l’appui de leur demande. Ϧ3. Qualité de celui qui est porté à agir, à entreprendre spontané- ment : Faire preuve d’esprit d’initiative. Les femmes qui ont reçu l’instruction au même degré que les hommes exercent aussi bien qu’eux les professions qui demandent de l’intelligence, de la réflexion, de la logique et même de l’initiative, de l’invention (Donnay). C’est un parfait gentilhomme, c’est aussi un homme très savant, c’est enfin un directeur plein d’initiative (Duhamel). ϦInitiative privée, en termes d’économie politique, entreprise d’un individu ou d’un groupe d’individus fournissant les capitaux pour susciter la production ou la vente de marchandises. ϦSyndicat d’initiative, v. SYNDICAT. Ϧ4. Avoir l’initiative, garder l’initiative, en termes militaires ou de sports, se montrer offensif dans le combat, dans la compétition. initié, e [inisje] adj. et n. (part. passé de initier ; v. 1355, Bersuire, au sens 1 [comme adj. ; comme n., 1756, Voltaire — initié, n. m., « apprenti », 1671, Pomey] ; sens 2, av. 1750, Staal de Launay [comme adj. ; comme n., 7 mars 1769, Voltaire]). 1. Dans l’Antiquité, qui a reçu la révélation des pratiques secrètes d’un culte : Les initiés aux mystères d’Éleusis. Ϧ 2. Qui a appris les secrets d’une pratique connue de quelques-uns : Un lecteur déjà initié à la pensée d’un philosophe. Les initiés de la politique. Les initiés aux secrets de l’art sont tous d’intelligence avec le statuaire (Balzac). • CONTR. : 2 profane. initier [inisje] v. tr. (lat. initiare, initier [aux mystères], et, au fig., « initier à, instruire », de initium [v. INITIAL] ; v. 1355, Bersuire, au sens I, 1 [« mettre quelqu’un dans le secret des pratiques d’une association », 1871, Zola] ; sens I, 2, 1694, Acad. ; sens I, 3, av. 1696, La Bruyère ; sens I, 4, 1611, Cotgrave ; sens II, milieu du XVIe s.). I. 1. Dans les religions anciennes, admettre quelqu’un à participer à des mystères religieux : Initier les citoyens romains aux mystères de Cybèle. Ϧ Mettre quelqu’un dans le secret des pratiques d’une association : Être initié aux mystères de la franc-maçonnerie. Ϧ 2. Class. Initier dans, introduire dans une société : La marquise de la Jeannotière, que ses charmes avaient quelquefois initiée dans le beau monde (Voltaire). Ϧ 3. Révéler à quelqu’un les secrets d’une technique, d’un art : Initier à l’amour. Je fus surtout initié cette année-là à la musique d’Offenbach (L. Descaves). Ϧ 4. Donner à quelqu’un la connaissance des rudiments d’une science, d’un art, d’une technique : Initier un élève au latin, à la philosophie. Initier un enfant à la peinture. Initier un apprenti à la mécanique. II. Vx. Constituer le début de : Pierre, évêque de Rome, initia la papauté (Chateaubriand). • SYN. : I, 4 apprendre, débuter, enseigner, former. & s’initier v. pr. (1867, Littré). S’instruire dans, s’efforcer d’acquérir les premiers éléments dans la connaissance ou la pratique de quelque chose : S’initier à la peinture. • SYN. : apprendre, commencer, s’entraîner, étudier, s’exercer. injectable [ɛ̃ʒɛktabl] adj. (de injecter ; XXe s.). Se dit d’un produit qui doit être administré par injection : Un soluté injectable. injecté, e [ɛ̃ʒɛkte] adj. (part. passé de injecter ; 1749, Buffon, au sens 1 [aussi yeux injectés] ; sens 2, 1877, Littré). 1. Coloré par un excès de sang dans les vaisseaux : La respiration suspendue, le visage injecté de sang (Martin du Gard). Ϧ Absol. Yeux injectés, en médecine, yeux rougis par l’afflux de sang dans les vaisseaux. Ϧ2. Qui a fait l’objet d’une injection de substance protectrice : Du bois injecté. injecter [ɛ̃ʒɛkte] v. tr. (lat. injectare, jeter sur, de injectum, supin de injicere, jeter dans ou sur, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de jacěre, jeter ; 1722, d’après Trévoux, 1752, au sens 1 [injetter, forme plus pop., 1555, Aneaul ; sens 2, 1877, Littré ; sens 3, 1771, Trévoux ; sens 4, 1873, Larousse ; sens 5, milieu du XXe s.). 1. Introduire un liquide sous pression dans une cavité du corps : Injecter du sérum dans les veines. La religieuse, voyant augmenter la douleur, décida de ne pas attendre le soir pour lui injecter une demi-dose de morphine (Martin du Gard). Ϧ2. Remplir d’un liquide les pores d’une matière : On injecte de la créosote dans du bois pour le rendre imputrescible. Injecter du ciment dans un mur fissuré. Ϧ3. Remplir d’un liquide ou d’un gaz sous pression : Injecter une plaie, l’oreille. Ϧ 4. Envahir une partie du corps : Le sang injecte sa face. Ϧ5. Fig. Ajouter d’une manière massive afin de soutenir : Injecter plusieurs milliards dans l’économie d’un pays. & s’injecter v. pr. (sens 1, 1867, Littré ; sens 2, 1873, Larousse [absol., 1867, Littré]). 1. Être injecté : Ce médicament s’injecte sous la peau. Ϧ 2. Spécialem. S’injecter de sang, devenir coloré par l’afflux du sang : Dès qu’il s’animait, les narines de son nez busqué commençaient à frémir, des taches assombrissaient ses pommettes, et le blanc de son grand oeil chevalin s’injectait d’un peu de sang (Martin du Gard) ; et absol. : Son large crâne chauve était d’un rouge ardent, ses gros yeux s’injectaient (Aymé). injecteur, trice [ɛ̃ʒɛktoer, -tris] adj. (de injecter ; 1845, Bescherelle). Qui sert à faire des injections : Tube injecteur. Seringue, pompe injectrice. & injecteur n. m. (1838, Acad., au sens de « celui qui fait des injections » ; sens 1, 1867, Littré ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Appareil avec lequel on fait des injections. Ϧ 2. Appareil employé pour introduire l’eau dans la chaudière d’une machine à vapeur : Les diverses parties de la machine [...], les deux longerons [...], le volant de l’injecteur et le volant de changement de marche (France). injection [ɛ̃ʒɛksjɔ̃] n. f. (lat. injectio, action de jeter sur, et, dans la langue médic. de basse époque, « injection », de injectum, supin de injicere [v. INJECTER] ; 1377, Lanfranc, au sens 1 ; sens 2, v. 1560, Paré ; sens 3, 1873, Larousse [en géologie, 1867, Littré] ; sens 4, 1948, Larousse). 1. Action d’injecter un liquide dans des tissus organiques ou dans une cavité du corps : Injection de sérum, d’eau salée, de morphine. Injection sous-cutanée, intramusculaire, intraveineuse. Injection rectale. Injection vaginale. Je visitais trente et quarante malades par jour et je faisais à chacun d’abondantes injections veineuses (France). Ϧ 2. Liquide que l’on injecte : Injection colorée. Ϧ 3. Action d’introduire dans une matière ou un objet un liquide : L’injection du bois a pour objet de le préserver en l’imprégnant de certains produits antiseptiques. Ϧ En géologie, pénétration d’une roche provenant des profondeurs dans les fissures de l’écorce terrestre. Ϧ4. Spécialem. Procédé par lequel on introduit directement dans les cylindres d’un moteur le carburant nécessaire, sans l’intermédiaire d’un carburateur : Moteur à injection directe ou, simplem., à injection. • SYN. : 1 piqûre. injonctif, ive [ɛ̃ʒɔ̃ktif, -iv] adj. (de injonct[ion] ; 1768, Brunot, au sens de « ordonné par injonction » ; sens actuel, 1902, Larousse). En linguistique, se dit d’une forme verbale ou d’une construction qui exprime un ordre ou une défense : L’indicatif peut avoir un sens injonctif dans la phrase : « Tu m’envoies tout de suite mon livre. » • SYN. : impératif, jussif. injonction [ɛ̃ʒɔ̃ksjɔ̃] n. f. (bas lat. injunctio, action d’imposer [une charge], du lat. class. injunctum, supin de injungere, appliquer dans, joindre à, infliger, imposer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de jungere, joindre ; 1295, Varin). Action d’enjoindre, d’ordonner formellement quelque chose ; ordre précis et formel : De Dieppe où l’injonction de la police m’avait obligé de me réfugier, on m’a permis de revenir à la Vallée-aux-Loups où je continue ma narration (Chateaubriand). Il n’y a pas que l’injonction, il y a, pour allécher, downloadModeText.vue.download 91 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2643 la promesse d’une prime (Hervieu). Une injonction brutale, pressante. • SYN. : commandement, mise en demeure, oukase, prescription, sommation, ultimatum. injouable [ɛ̃ʒwabl] adj. (de in- et de jouable ; 2 janv. 1767, Voltaire, au sens 1 ; sens 2, av. 1896, Goncourt). 1. Qui ne peut être joué, interprété : Car voilà une oeuvre dramatique déclarée.. injouable (Flaubert). Il ignore mon théâtre, qui n’a pas, comme le sien, le prestige d’être injouable (Maurois). Un morceau de musique injouable. Ϧ 2. Dont les oeuvres ne peuvent être jouées : Cherchant à connaître le prix juste dont l’auteur injouable voulait payer sa gloire (Goncourt). injure [ɛ̃ʒyr] n. f. (lat. injuria, injustice, tort, dommage, dér. de injurius, injuste, inique, de in-, préf. à valeur négative, et de jus, juris, droit, justice ; 1232, Boca [275], aux sens I, 1-2 ; sens I, 3, 1559, Amyot [les injures du sort, début du XVIIe s., Malherbe — les injures de la fortune, même sens, 1580, Montaigne] ; sens II, 1, 1535, Olivétan [enjurie, enjure, formes plus pop., v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence ; « caractère offensant », 1671, Boileau ; faire à quelqu’un l’injure de, 1690, Furetière] ; sens II, 2, 1535, Olivétan [enjurie, enjure, v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence] ; sens II, 3, 1690, Furetière [injure grave, 1804, Code civil]). I. 1. Class. et littér. Acte contraire à la justice, au droit : Très reconnaissante des services, elle [Madame] aimait à prévenir les injures par sa bonté (Bossuet). Car je suis démuni d’argent et je pense, mon fils, que vous n’êtes pas mieux pourvu que moi, par l’injure de M. d’Astarac, qui fait peut-être de l’or, mais qui n’en donne point (France). Ϧ2.Class. Dommage, tort causé injustement : Un moment de douceur ne fait aucune injure à la sévérité de notre devoir (Molière). Ϧ 3. Class. et littér. Dommage causé par les intempéries, par le temps, les années : Injures de toutes les saisons, chaleurs de l’été, froids de l’hiver (Bourdaloue). Il commençait à sentir les injures de la froide vieillesse (Fénelon). Son beau corps, fait d’une neige pure, | Rougit, et sous le vent jaloux subit l’injure | De l’orage (Banville). Il faut la collaboration de deux coeurs pour donner à la vérité ce coloris surnaturel qui lui permet de braver les injures du temps (Duhamel). ϦLes injures du sort, infortunes ou revers non mérités. II. 1. Façon d’agir, attitude qui constitue une offense grave, un outrage : Être profondément atteint par une injure. Professer le mépris des injures. Ϧ Par extens. Caractère offensant de quelque chose : « N’empêche, ma fille, que ton Phili ne m’appelle que « le vieux crocodile... » Geneviève était atterrée, protestait, s’imaginant que j’attachais de l’importance à l’injure de ce nom (Mauriac). ϦFaire à quelqu’un l’injure de, ne pas lui reconnaître le mérite de : Pourquoi lui faisaient-ils l’injure de la croire incapable de comprendre ce qu’ils souffraient ? (Mauriac). Ϧ 2. Parole ou propos offensants : Dire, proférer des injures. Abreuver d’injures. Une bordée d’injures. Grossière injure. Tout en mâchant des injures et des protestations, les deux hommes échangeaient des bourrades, puis des coups (Aymé). Les injures, relancées d’un groupe à l’autre, croissaient à chaque réplique, tant en vigueur qu’en obscénité (Que- neau). Ϧ 3. Spécialem. En droit, « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». Ϧ Injure grave, acte, attitude ou parole d’une personne mariée qui outrage son conjoint : L’injure grave constitue un motif de divorce ou de séparation de corps. • SYN. : II, 1 affront, avanie, camouf let (fam.), couleuvre (fam.), offense, outrage ; 2 grossièreté, insolence, insulte, invective. & À l’injure de loc. prép. (1691, Bossuet). Class. De manière à faire outrage à : Jovinien et ses sectateurs, qui, à l’injure du Fils de Dieu, niaient la virginité de sa mère (Bossuet). injurier [ɛ̃ʒyrje] v. tr. (bas lat. injuriare, faire tort à, outrager, du lat. class. injuria [v. INJURE] ; 1266, Godefroy, au sens I [enjurier, forme plus pop., v. 1188, Chanson d’Aspremont] ; sens II, 1, v. 1398, le Ménagier de Paris ; sens II, 2, 1775, Beaumarchais ; sens II, 3, 1926, Giraudoux). I. Vx ou littér. Faire du tort à quelqu’un, causer un dommage à quelque chose : Sa glace, injuriée par les mouches, avait un air mesquin (Balzac). II. 1. Offenser quelqu’un par des paroles outrageantes ou blessantes : Être injurié par un voisin. Et puis peut-être qu’après quelques verres M. Noblet prendra le courage de m’injurier comme il en crève d’envie (Vailland). Ϧ 2. Littér. Maltraiter en paroles : Vous injuriez toujours notre pauvre siècle (Beaumarchais). Ϧ3. Littér. Offenser d’une manière quelconque : Ils refusaient toujours d’admettre qu’ils étaient souffrants, se jugeant injuriés quand on les soupçonnait d’avoir un rhume (Giraudoux). • SYN. : II, 1 engueuler (pop.), invectiver ; 3 outrager. injurieusement [ɛ̃ʒyrjøzmɑ̃] adv. (de injurieux ; 1333, Dict. général, écrit injuriousement [injurieusement, 13 44, Varin], au sens I ; sens II, 1549, R. Estienne). I. Vx. Injustement, contre le droit : Il est bâtard, Monsieur, il est injurieusement au-dessus de moi (Saint-Simon). II. Littér. D’une manière injurieuse, offensante : Traiter injurieusement un homme respectable. injurieux, euse [ɛ̃ʒyrjø, -øz] adj. (lat. injuriosus, injuste, nuisible, funeste, de injuria [v. INJURE] ; v. 1300, Du Cange, au sens I, 2 ; sens I, 1, av. 1525, J. Lemaire de Belges ; sens II, 1, 1334, Varin [enjurius, forme plus pop., fin du XIIe s.] ; sens II, 2, v. 1355, Bersuire ; sens II, 3, 1690 Furetière [injurieux à ; injurieux pour, 1838, Balzac — en emploi absolu, 1334, Varin]). I. 1. Class. Qui est contraire au droit, à la justice : Mais c’est pousser trop loin ses droits injurieux (Racine). Le sort, le destin injurieux (Acad., 1694). Ϧ 2. Class. Qui est dommageable, nuisible : Toutefois si quelqu’un de mes faibles écrits | Des ans injurieux peut éviter l’outrage | Peutêtre pour ta gloire aura-t-il son usage (Boileau). II. 1. Littér. Qui se conduit ou parle d’une façon outrageante : Nos relations avec celui qui nous fut injurieux... (Maeterlinck). Ϧ 2. Qui a le caractère d’une injure, qui vise à offenser, outrager : Paroles injurieuses. Assurément Vauvenargues ne se laisse point entraîner aux polémiques violentes et injurieuses qui se multiplieront dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (Lanson). Ϧ 3. Qui constitue une injure, une offense, une atteinte à la réputation de quelqu’un : Injurieux pour quelqu’un ou (rare) à quelqu’un. Mais je n’ai pas osé, craignant que Jacques n’allât supposer, en mon esprit, à l’égard de Gertrude, quelque interprétation injurieuse (Gide). • SYN. : II, 2 blessant, déshonorant, ignominieux, infamant, offensant, outrageant ; 3 insultant, sanglant, scandaleux. injuste [ɛ̃ʒyst] adj. (lat. injustus, qui n’est pas conforme à la justice, excessif, énorme, de in-, préf. à valeur négative, et de justus, équitable, de jus, juris, droit, justice ; fin du XIIIe s., au sens 2 [sans aucun doute plus anc., v. la date du dér. injustement] ; sens 1, v. 1361, Oresme ; sens 3, 1677, Racine). 1. Se dit d’une personne (ou d’une chose personnifiée) qui n’agit pas avec équité, qui commet des injustices : Un chef injuste. Un père injuste à l’égard de son fils. La colère rend injuste. Un sort injuste. Robineau éprouvait une sorte de fierté d’avoir un chef si fort qu’il ne craignait pas d’être injuste (Saint-Exupéry). Toute littérature qui discute les axiomes éternels est condamnée à ne vivre que d’elle-même. Elle est injuste. Elle se dévore le foie (Lautréamont). Ϧ 2. Se dit de ce qui n’est pas conforme à la justice, à l’équité : Sentence, jugement, attitude injuste. Un impôt, un système fiscal injuste. Ϧ 3. Class. et littér. Qui n’est pas justifié, fondé : Cette pensée n’est ni injuste ni ridicule, quand on ne sait point ce qui vient d’arriver (Sévigné). Quoi qu’on en dise, les guerres civiles sont moins injustes, downloadModeText.vue.download 92 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2644 moins révoltantes et plus naturelles que les guerres étrangères, quand celles-ci ne sont pas entreprises pour sauver l’indépendance (Chateaubriand). Reproches, soupçons, accusations injustes. • SYN. : 1 partial, tyrannique ; 2 arbitraire, inique. — CONTR. : 1 impartial, intègre, loyal, régulier (fam.) ; 2 équitable, juste. & n. m. (v. 1361, Oresme). Ce qui est contraire à la justice : Que nous veulent les lois du juste et de l’injuste ? (Baudelaire). injustement [ɛ̃ʒystəmɑ̃] adv. (de injuste ; 1238, Bouthors [II, 436], au sens 1 ; sens 2, 1670, Racine). 1. D’une manière injuste, qui va contre l’équité : Punir injustement quelqu’un. Ϧ2. D’une manière injustifiée, sans fondement : Se plaindre injustement. injustice [ɛ̃ʒystis] n. f. (lat. injustitia, injustice, de injustus [v. INJUSTE] ; XIIe s., au sens 1 [absol., v. 1361, Oresme] ; sens 2, 1553, Bible Gérard [faire injustice à quelqu’un de, 1643, Corneille]). 1. Caractère d’une personne ou d’une chose injuste ; défaut de justice : L’injustice d’un jury, d’un reproche. L’injustice d’une décision, d’une mesure, d’une sanction. Ϧ Absol. Ce qui est injuste : L’injustice, c’est de ne pas infliger un châtiment mérité (Montherlant). Il n’y a rien qui décourage les enfants comme l’injustice et la fraude (Pagnol). Notre histoire [...] n’a cessé d’être meurtre, injustice ou violence (Camus). Ϧ2. Acte ou décision contraire à la justice, à l’équité : Commettre une injustice, des injustices. La justice est la sanction des injustices établies (France). J’aime mieux une injustice qu’un désordre (propos de Goethe). ϦClass. Faire injustice à quelqu’un, se montrer injuste à son égard : Je suis homme d’honneur, tu me fais injustice (Corneille). • SYN. : 1 arbitraire, partialité ; 2 iniquité, passe-droit. injustifiable [ɛ̃ʒystifjabl] adj. (de in- et de justifiable ; 1791, ZFSL [XXXV, 139], aux sens 1-2). 1. Que l’on ne peut justifier : Procédé injustifiable. Nous savons que l’alcool entreposé dans vos caves en quantité injustifiable a disparu (Salacrou). La violence est à la fois inévitable et injustifiable (Camus). Ϧ 2. Que l’on ne peut excuser : Conduite injustifiable. • SYN. : 1 indéfendable, inexplicable ; 2 inexcusable. injustifié, e [ɛ̃ʒystifje] adj. (de in- et de justifié, part. passé de justifier ; 1842, Mozin). Qui n’est pas ou n’a pas été justifié : Une absence injustifiée. Un reproche injustifié. Des réclamations injustifiées. La prévention que vous avez contre lui est injustifiée. • SYN. : gratuit, immotivé, injuste. — CONTR. : fondé, légitime, motivé. inlandsis [inlɑ̃dsis] n. m. (mot scand. signif. proprem. « glace à l’intérieur du pays », de in, dans, land, pays, et is, glace ; 1902, Larousse). Glacier continental des régions polaires, recouvrant le relief et se terminant, à sa périphérie, par des glaciers de vallée qui atteignent la mer, ou par une barrière de glace : [Des] rochers isolés formant surface comme une île au travers de l’inlandsis (P.-É. Victor). inlassable [ɛ̃lasabl] adj. (de in- et de lasser ; 1624, C. de Nostredame, puis 1888, A. Daudet). Qu’on ne peut lasser, qui ne se lasse pas : De tout cela, Mme Astier s’était chargée avec une patience inlassable (Daudet). J’aime sa générosité vigilante, son inlassable curiosité, son amour du travail (Gide). L’amélioration obstinée, chaotique mais inlassable, de la condition humaine (Camus). Une attention inlassable, sans fissure (Druon). • SYN. : immuable, indéfectible, inépuisable, infatigable. • REM. Certains ont condamné inlassable, estimant que seul serait correct ILLASSABLE, forme très rare, que l’on trouve cependant chez Proust (av. 1922) : J’étais presque gêné par ses yeux où j’avais peur qu’il ne me surprît à le lire à livre ouvert, par sa voix qui me paraissait le répéter sur tous les tons, avec une illassable indécence (Proust). inlassablement [ɛ̃lasabləmɑ̃] adv. (de inlassable ; 1907, Larousse). Sans se lasser : Mon oeil goûte inlassablement l’inépuisable attrait de l’espace (Gide). Les femmes, pareilles à d’obstinées fourmis, font, elles aussi, inlassablement la navette (Martin du Gard). Il y pratiquait, avec beaucoup de discrétion, une politique personnelle dont le catéchisme tenait en deux articles. Le premier consistait à critiquer inlassablement l’Institut Pasteur... (Duhamel). inlay [inlɛ] n. m. (mot angl. signif. proprem. « incrustation », déverbal de to inlay, marqueter, incruster, parsemer, de in, dans, et to lay, mettre, poser, placer ; 1962, Larousse). Bloc métallique coulé, inclus dans une cavité dentaire qu’il sert à obturer, reconstituant ainsi la forme anatomique de la dent. inlet [inlɛt] n. m. (mot. angl. signif. « entrée, accès, baie, renfoncement à l’intérieur des terres, goulet, chenal », de in, dans, et de to let, laisser, permettre ; 1873, Larousse). Bras de mer qui s’enfonce dans les terres. inlisible adj. V. ILLISIBLE. innavigabilité [ɛ̃navigabilite] n. f. (dér. savant de innavigable ; 1783, Brunot, au sens 2 ; sens 1, 1842, Mozin). 1. État d’un cours d’eau qui n’est pas navigable. Ϧ2. État d’un navire qui, du fait d’un mauvais entretien, de réparations insuffisantes ou d’un événement de mer, n’est plus considéré comme pouvant faire face aux périls ordinaires de la navigation. innavigable [ɛ̃navigabl] adj. (lat. innavigabilis, qui n’est pas navigable, de in-, préf. à valeur négative, et de navigabilis, où l’on peut naviguer, dér. de navigare, naviguer, de navis, navire ; v. 1530, C. Marot, au sens 1 ; sens 2, 1541, Charrière [1, 527]). 1. Se dit d’un cours d’eau sur lequel on ne peut naviguer : En remontant l’Avonne innavigable (Balzac). Ϧ 2. Se dit d’un bateau impropre à la navigation : Une péniche innavigable. inné, e [ine ou inne] adj. (lat. innatus, né dans, naturel, inné, part. passé adjectivé de innasci, naître dans, de in-, préf. marquant la localisation, et de nasci, naître ; 1611, Cotgrave, au sens 1 [enné, forme plus pop., milieu du XVIe s.] ; sens 2, 1647, Descartes). 1. Se dit de ce qui, chez un être, existait dès la naissance et qu’il n’a pas eu à acquérir : Le don inné, sans l’instruction, reste stérile, improductif (Renan). Ϧ 2. Spécialem. Idées innées, en philosophie, idées inhérentes à l’esprit humain et qui, par conséquent, sont antérieures à toute expérience. • SYN. : 1 foncier, infus, instinctif, naturel, spontané. — CONTR. : 1 acquis, appris. & inné n. m. (XXe s.). Ce qui est inné. innéisme [ineism ou inneism] n. m. (de [idées] inné[es] ; fin du XIXe s.). Doctrine qui reconnaît l’existence d’idées innées dans l’esprit humain : L’innéisme de Descartes. innéiste [ineist ou inneist] adj. et n. (de innéisme ; 1931, Larousse). Qui admet l’innéisme : Un philosophe innéiste. Un innéiste. & adj. (1962, Larousse). Relatif à l’innéisme : Théories, doctrines innéistes. innéité [ineite ou inneite] n. f. (dér. savant de inné ; 1810, Gall et Spurzheim, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Caractère de ce qui est inné : L’innéité des tendances. On a soutenu l’innéité des principes rationnels dans l’esprit humain. Ϧ2. Absol. et vx. Disposition propre à un individu donné (par opposition à hérédité) : Il me manque l’innéité d’abord, puis la persévérance (Flaubert). innervation [inɛrvasjɔ̃] n. f. (de in- et du lat. nervus, tendon, ligament, nerf ; 1838, Acad., au sens de « création de la pensée par un effet nerveux » ; sens 1, 1845, Bescherelle ; sens 2, 1907, Larousse). 1. Action propre au système nerveux : C’est un trouble de l’innervation, la maladie des gens qui ont abusé des travaux intellectuels (Theuriet). Innervation motrice, sensitive, végétative. Ϧ2. Mode de distribution et de répartition des nerfs dans une région ou dans un organe : Cette mobilité tient à l’innervation, à la musculature (Valéry). innerver [inɛrve] v. tr. (de in- et du lat. nervus [v. l’art. précéd.] ; 1877, Littré). Fournir en éléments nerveux un organe ou une région donnée du corps (en parlant d’un tronc nerveux) : Le nerf radial innerve tous les muscles des doigts. downloadModeText.vue.download 93 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2645 innettoyable [ɛ̃nɛtwajabl] adj. (de in- et de nettoyable ; 1838, Acad.). Qui n’est pas nettoyable. innocemment [inɔsamɑ̃] adv. (de innocent ; 1349, Espinas [IV, 315], écrit innoçamment ; innocemment, 1538, R. Estienne). D’une manière innocente, sans intention de faire du mal : Répéter innocemment une calomnie. Faire innocemment une remarque désobligeante (Radiguet). • SYN. : candidement, ingénument, involontairement, naïvement. — CONTR. : malignement, méchamment, sciemment, volontairement. innocence [inɔsɑ̃s] n. f. (lat. innocentia, innocuité, intégrité, vertu, de innocens, -entis [v. iNNOCENT] ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens 1 [état d’innocence, 1680, Richelet — innocence, même sens, 1546, Rabelais ; l’innocence du baptême, 1656, Pascal] ; sens 2, 1721, Montesquieu ; sens 3, v. 1265, Br. Latini ; sens 4, 1679, Bossuet ; sens 5, 1611, Cotgrave ; sens 6, début du XIVe s. ; sens 7, 1636, Tristan L’Hermite ; sens 8, 1669, Molière). 1. État de pureté d’un être qui ignore le mal, qui n’a jamais fait le mal : Vivre dans l’innocence. Je puis supposer Émile resté dans sa primitive innocence (Rousseau). Un idéal de calme, d’innocence et de rêverie (Sand). Cette petite Honorine est l’innocence même (France). ϦSpécialem. État d’innocence, ou simplem. innocence, selon la théologie chrétienne, état qui précéda la faute originelle, et dans lequel l’homme était exempt de péché et de toute inclination au mal : Si l’homme n’avait jamais été corrompu, il jouirait, dans son innocence, et de la vérité et de la félicité (Pascal). Ϧ L’innocence du baptême, état de l’homme lavé des souillures du péché originel par le baptême. Ϧ2. Ignorance des choses de l’amour, et, spécialem., virginité : Sans respect pour mon habit blanc, il me ravit mon innocence (Montesquieu). Ϧ3. Class. Qualité d’un être inoffensif, incapable de commettre le mal, de nuire à autrui : Hélas ! il [Astyanax, fils d’Hector et d’Andromaque] mourra donc ! Il n’a pour sa défense | Que les pleurs de sa mère et que son innocence (Racine). Ϧ 4. Spécialem. et class. Intégrité de la conduite, désintéres- sement : La modération et l’innocence des généraux romains faisaient l’admiration des peuples vaincus (Bossuet). Ϧ 5. Péjor. Ingénuité, naïveté excessive, méconnaissance des réalités : Abuser de l’innocence de quelqu’un. Elle était fort en peine et vint me demander, | Avec une innocence à nulle autre pareille... (Molière). Ϧ 6. État d’une personne qui n’est pas coupable d’une faute déterminée : Prouver, établir son innocence. Reconnaître l’innocence d’un inculpé. Accusé de mensonge quand j’affirmais mon innocence, je fus sévèrement puni (Balzac). Ϧ 7. Ensemble des innocents, de ceux à qui l’on n’a rien à reprocher : Protéger l’innocence. Le crime trouve toujours des avocats, et l’innocence, parfois seulement (Camus). Ϧ8. Caractère de ce qui n’est pas blâmable, de ce qui est exempt de malignité, accompli avec des intentions pures : Une conduite pleine d’innocence. L’innocence d’une vie pure et sans taches. L’innocence des moeurs, des pensées. La pudeur a sa fausseté, et le baiser son innocence (Mirabeau). • SYN. : 1 candeur, ingénuité, naïveté ; 5 ignorance, niaiserie ; 8 pureté, simplicité. — CONTR. : 1 dépravation, impudeur, impudicité, impureté ; 5 matoiserie, roublardise (pop.), rouerie ; 6 culpabilité ; 8 fourberie, malignité, perfidie. innocent, e [inɔsɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. innocens, -entis, probe, vertueux, non coupable, et, pour des choses, « inoffensif », de in-, préf. à valeur négative, et de nocens, -entis, nuisible, pernicieux, funeste, part. prés. adjectivé de nocere, nuire ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens 1 [pour le coeur, 1677, Racine ; « ignorant des choses de l’amour », 1662, Molière] ; sens 2, milieu du XVe s., Quinze Joyes de mariage [« simple d’esprit », v. 1330, Baudoin de Sebourg] ; sens 3, 1873, Larousse ; sens 4, 1580, Montaigne ; sens 5, 1597, Liébault [pour une action dépourvue de malice, v. 1380, Aalma] ; sens 6, début du XIVe s. [écrit ignoscent ; innocent, av. 1493, G. Coquillart] ; sens 7, v. 1380, Aalma [jeux innocents, 1834, Landais]). 1. Qui ignore le mal, le vice, les plaisirs coupables ; qui est pur, ingénu, candide : J’ai créé l’homme saint, innocent, parfait (Pascal). Et les plus tristes fronts, les plus souillés peutêtre, | Se dérident soudain à voir l’enfant paraître, | Innocent et joyeux (Hugo) ; et par extens. : Afin que mon coeur soit innocent et splendide | Comme un pavé d’autel qu’on lave tous les soirs ! (Hugo). Ϧ Spécialem. Ignorant des choses de l’amour : Je l’ai vue à tel point innocente, | Que Jai béni le ciel d’avoir trouvé mon fait (Molière). Oh ! ces enfants, dit-il, d’une voix aiguë, mièvre et cadencée, il faut tout leur apprendre, ils sont innocents comme l’enfant qui vient de naître, ils ne savent pas reconnaître quand un homme est amoureux d’une femme (Proust). Ϧ2. Dont la candeur, l’ingénuité, l’ignorance sont excessives : Que cette personne est innocente ! Ϧ Spécialem. Simple d’esprit : Ma petite soeur Mariette touchait à ses dix ans, mais la pauvre gamine était innocente (Guillaumin). Ϧ3. Qui témoigne de l’ingénuité, voire d’une trop grande naïveté : Air, sourire innocent. Réflexion innocente. Ϧ 4. Class. et littér. Qui ne fait pas de mal aux autres, qui est incapable de nuire par nature (en parlant des êtres animés) : Ni loups ni renards n’épiaient | La douce et l’innocente proie (La Fontaine). La Hollande n’a pas de forges, elle cultive les fleurs et parmi les champs de tulipes, sans souci des loups affamés, elle promène ses vaches innocentes (Claudel). Ϧ 5. Class. et littér. Qui ne fait pas de mal, qui est inoffensif (en parlant des choses, et notamment des actions qui ne sont pas faites dans l’intention de nuire) : De petits remèdes innocents (Racine). On y remarque une critique sûre, judicieuse et innocente, s’il est permis du moins de dire de ce qui est mauvais qu’il est mauvais (La Bruyère). La maladie la plus innocente pour un homme sain sera mortelle pour lui (Balzac). Les bourgeois allumaient des pétards innocents (Carco). Ϧ Auj. Se dit encore d’actions dépourvues de malice : Passe-temps innocent. Innocente occupation. Je me laissai, tout doucement, aller à mon innocente manie d’observation (Villiers de L’Isle-Adam). Ϧ 6. Qui n’est pas coupable d’un acte blâmable ou délictueux : Tout accusé est, en bonne justice, considéré comme innocent tant qu’il n’a pas été reconnu coupable. Le pouvoir civil [...], bien qu’innocent de la mort de Jésus, devait en porter lourdement la responsabilité (Renan). Ϧ7. Qui n’a aucun caractère coupable, que l’on ne peut pas blâmer, condamner : Les femmes croient innocent tout ce qu’elles osent (Joubert). Ils étaient encore dans le chaste frisson des premiers mots balbutiés, des caresses innocentes (Zola). Pénétrons le sens du mythe, et l’inceste qui vous fait horreur vous paraîtra bien innocent (France). Conduite innocente. ϦJeux innocents, nom donné autrefois à divers jeux de société ; auj., par antiphrase, jeux qui, sous une apparence chaste, peuvent donner lieu à certaines privautés. • SYN. : 2 crédule, simple, simplet ; 3 niais, nigaud (fam.) ; 6 irresponsable ; chaste, irrépréhensible, irréprochable, pur. — CONTR. : 1 dépravé, impur, souillé ; 2 averti, blasé, futé, matois, roublard (fam.), roué, rusé ; 6 coupable, responsable ; 7 blâmable, condamnable, répréhensible. & n. (1080, Chanson de Roland, au plur., pour désigner les enfants égorgés sur l’ordre d’Hérode [v. sens 2] ; sens 1, 1640, Oudin [faire l’innocent, 1688, Th. Corneille] ; sens 2, 1656, Molière [massacre des Innocents, 1867, Littré] ; sens 3. XVIe s., Coutumier général ; sens 4, début du XIVe s. [écrit ignoscent ; innocent, XVe s.]). 1. Personne ingénue et naïve : Une jeune innocente. Ϧ Faire l’innocent, feindre la simplicité, la candeur. Ϧ2. Spécialem. Tout jeune enfant : Faire souffrir de pauvres innocents. ϦMassacre des Innocents, le massacre des enfants de moins de deux ans, ordonné par Hérode pour faire périr Jésus (Matthieu, II, 16-18). Ϧ 3. Péjor. Niais, simple d’esprit : Oh ! pour cela, dit Babet, si jamais quelqu’un a eu la mine d’un innocent, c’est vous assurément (Marivaux). Comme l’ahuri des pantomimes ou l’innocent des escamoteurs (Vallès). Ϧ 4. Personne qui n’est pas coupable : Un coupable puni est un exemple pour la canaille ; un innocent condamné est l’affaire de tous les honnêtes gens (La Bruyère). Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent (Voltaire). downloadModeText.vue.download 94 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2646 • SYN. : 3 crétin, demeuré (dialect.), idiot, simplet. & innocente n. f. (1660, Oudin [innocente ; robe à l’innocente, 1902, Larousse]). Innocente, ou robe à l’innocente, robe très ample et sans ceinture, portée par Mme de Montespan pour dissimuler ses grossesses, et qui fut à la mode à la fin du XVIIe s. : Dis-moi, lequel [de deux habits] aimera-t-il mieux, de l’innocente ou de la gourgandine ? (Regnard). innocenter [inɔsɑ̃te] v. tr. (de innocent ; v. 1530, C. Marot, au sens de « donner le fouet par jeu, le jour des Innocents » ; sens 1, 1704, Trévoux ; sens 2, 1959, Robert ; sens 3, 1844, Balzac). 1. Déclarer quelqu’un innocent, non coupable de ce dont il était accusé : Arrêt du tribunal qui innocente un accusé. [La Gironde] finit par faire croire qu’elle voulait blanchir le roi et l’innocenter (Michelet). Innocente ce petit misérable, et trouve d’autres coupables (Balzac). Ϧ 2. Faire apparaître comme innocent, prouver l’innocence de (en parlant d’une chose) : Une preuve, un témoignage qui innocente définitivement un prévenu. Ϧ 3. Faire considérer comme innocent, excuser, justifier, faire admettre : Le roi essayait quelquefois d’innocenter la présence de sa maîtresse à Versailles (Lamartine) ; et avec un sujet désignant une chose : Rien n’innocente le nu autant que la dépersonnalisation du visage, et la Renaissance le comprendra de reste (Malraux). • SYN. : 1 acquitter, réhabiliter ; 2 blanchir, disculper, laver. — CONTR. : 1 accuser, déférer, incriminer, inculper, poursuivre ; 2 charger, condamner, noircir. & s’innocenter v. pr. (milieu du XIXe s.). Prouver ou chercher à prouver son innocence : Le cafetier s’innocenta avec vivacité (Murger). innocuité [inɔkɥite] n. f. (dér. savant du lat. innocuus, inoffensif, de in-, préf. à valeur négative, et de nocuus, nuisible, dér. de nocere, nuire ; 1806, Thouvenel). Caractère d’une chose qui n’est pas nuisible : L’innocuité d’un champignon, d’un remède. • CONTR. : nocivité, nocuité. innombrable [inɔ̃brabl] adj. (de in- et de nombrable, d’après le lat. innumerabilis, innombrable, de in-, préf. à valeur négative, et de numerabilis, qu’on peut compter, dér. de numerare, compter, de numerus, nombre ; 1341, Godefroy, écrit innumbrable [innombrable, v. 1361, Oresme], au sens 1 [« très nombreux », XIVe s., BEC, 5e série, t. I, p. 81 — écrit innombrable] ; sens 2, 1671, Pomey ; sens 3, 1560, Bible Rebul). 1. Qui existe en nombre trop considérable pour être compté : Tous ces astres innombrables, placés dans les profondeurs de l’espace, obéissent aux lois mathématiques découvertes et démontrées par le grand Newton (Voltaire). Ϧ Par exagér. Très nombreux : Aux innombrables maux que tous les hommes craignent (Banville). Ϧ2. Dont on ne peut pas compter les éléments : Il y a bien des années, les gens de Hameln furent tourmentés par une multitude innombrable de rats qui venaient du Nord (Mérimée). L’innombrable ciel de juillet enfermant toutes choses dans un groupe étincelant d’autres mondes (Valéry). Ϧ 3. Littér. Qui présente une grande diversité de formes ou d’aspects ; dont les composants sont très nombreux et variés : L’ombre innombrable de leurs frissons sur l’eau (Hermant). Comme si ces choses inanimées connaissaient aussi la souffrance innombrable ou la joie (Pesquidoux). Le Coeur innombrable (recueil d’A. de Noailles). Chaplin, lourd, léger, innombrable comme le vif-argent (Cocteau). • SYN. : 1 nombreux ; multiple ; 2 illimité, incalculable, incommensurable, infini. innombrablement [inɔ̃brabləmɑ̃] adv. (de innombrable ; 1458, Mystère du Vieil Testament, écrit innumbrablement ; innombrablement, 1500, La Vigne). D’une manière innombrable. innomé, e [inɔme] adj. (de in- et de nommé ; 1370, Oresme [écrit innommé ; innomé, 1835, Acad.], au sens 1 ; sens 2, 1611, Cotgrave). 1. Qui n’a pas reçu de nom ; dont on ne connaît pas le nom : Car il est nécessaire de forger des mots pour exprimer des phénomènes innomés (Balzac). Il s’y mêlait, parmi les jacinthes, les violettes, l’épine blanche, une foule de petites fleurs innomées (Daudet). Couleurs, parfums, sonorités, frissons, tout restait vague, transparent, innomé (Zola). Seul était pur ce sentiment innomé qui depuis des mois germait en lui (Martin du Gard). Ϧ2. Contrats innomés, en droit romain, contrats qui n’avaient pas reçu du droit civil de dénomination particulière. & n. (av. 1885, V. Hugo). Celui, celle dont on n’a pas conservé le nom : Tous les innomés de l’histoire (Le Roy). • SYN. : inconnu, oublié, obscur. • REM. L’orthographe INNOMMÉ, E n’est pas rare, malgré l’Académie : Ces vertus innommées qui font du simple honnête homme le véritable et profond homme de bien (Maeterlinck) ; et substantiv. : Hors de la terre il est l’innommé [Dieu] (Hugo). innominé, e [inɔmine] adj. (bas lat. innominatus, non nommé, et, dans la langue médic., « innominé » v. 1560, Paré [ligne innominée, 1962, Larousse]). Se dit ou se disait de divers organes et de divers accidents anatomiques. Ϧ Ligne innominée, relief osseux situé à la face interne de l’os iliaque et qui constitue la limite du détroit supérieur. innommable [inɔmabl] adj. (de in- et de nommer ; 1584, G. Bouchet, puis 1838, Acad., au sens 1 ; sens 2, av. 1910, J. Renard ; sens 3, 1890, Maupassant [« trop vil pour être qualifié », 27 juin 1875, Gazette des tribunaux, p. 616]). 1. Qui ne peut pas être désigné par un nom : Le coeur serré par des chagrins innommables (Baudelaire). Un moi [...] devenu lui-même abstrait et innommable à force d’être séquestré et coupé de ses racines (Camus). Ϧ 2. Dont on ne peut ou dont on ne doit pas dire le nom : J’ai eu la chance d’entendre parler une belle et innommable actrice de l’Odéon ailleurs que sur la scène (Renard). Ϧ 3. Fam. Trop détestable pour recevoir un nom : Une potion, une mixture, une saveur innommable. Ϧ Trop vil pour être qualifié : Des agissements, des procédés innommables. • SYN. : 1 indicible, inexprimable ; 3 atroce, infâme ; ignoble, immonde, inqualifiable, odieux, sordide. & n. m. (début du XXe s.). L’innommable, personne ou chose qu’on ne peut nommer : Côte à côte, on y cueille [dans l’Inde] toutes les formes des dieux, depuis les plus sauvages jusqu’aux plus épurées — et jusqu’au Dieu sans forme, l’Innommable, l’Illimité (Rolland). innommé, e adj. V. INNOMÉ, E. innovateur, trice [inɔvatoer ou innɔvatoer, -tris] adj. et n. (bas lat. innovator, celui qui renouvelle [de innovatum, supin du lat. class. innovare, v. INNOVER], ou dér. savant du franç. innover ; 1500, Molinet). Qui innove ou cherche à innover : Gouvernement innovateur. Esprit innovateur. • SYN. : créateur, initiateur, inspirateur, novateur, précurseur, promoteur. — CONTR. : conservateur, routinier, sclérosé ; néophobe. innovation [inɔvasjɔ̃ ou innɔvasjɔ̃] n. f. (lat. impér. innovatio, renouvellement, de innovatum, supin du lat. class. innovare [v. l’art. suiv.] ; 1297, Dict. général, écrit innovacion ; innovation, v. 1536, M. Du Bellay). Action d’innover ; résultat de cette action : Il n’y a point d’innovations sans avances, sans risques (Condorcet). • SYN. : changement, création, invention, nouveauté, révolution, transformation. — CONTR. : conservatisme, routine, tradition. innover [inɔve ou innɔve] v. intr. (lat. innovare, renouveler [rare pendant la période class.], de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de novare, renouveler, refaire, inventer, dér. de novus, nouveau ; 1541, Calvin, au sens 1 ; sens 2, 1669, Bossuet). 1. Introduire quelque nouveauté dans un domaine particulier : Innover en politique. Ϧ 2. Apporter quelque chose de nouveau : Si l’on m’accusait pour avoir repris quelques mètres passés de mode, pour avoir tâché d’innover [...], ne trouverais-je pas en vous, cher maître, un défenseur naturel ? (Banville). • SYN. : changer, créer, inventer, lancer, trouver. downloadModeText.vue.download 95 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2647 & v. tr. (1315, Soudet [p. 214], au sens de « introduire [quelque chose de nouveau] dans une chose établie » ; av. 1526, J. Marot, au sens de « inventer » ; sens actuel, v. 1536, M. Du Bellay). Introduire sous une forme nouvelle : Innover une mode. Ne rien innover. • SYN. : changer, créer, inventer, lancer, trouver. inobservable [inɔpsɛrvabl] adj. (de inet de observable ; 1754, Gohin, au sens 1 ; sens 2, 1838, Acad.). 1. Qui ne peut être observé : Un astre, un phénomène inobservable. Ϧ 2. Qui ne peut pas être exécuté, suivi : Prescription, recommandation inobservable. inobservance [inɔpsɛrvɑ̃s] n. f. (lat. inobservantia, manque d’observation, négligence, de in-, préf. à valeur négative, et de observantia, action de remarquer, d’observer, respect de, considération, dér. de observans, -antis, qui a de la considération pour, qui obéit, part. prés. adjectivé de observare, observer, surveiller, respecter ; 1521, Papiers de Granvelle, I, 220). Attitude d’une personne qui n’observe pas habituellement certaines prescriptions : L’inobservance des pratiques religieuses, des coutumes, des impératifs de la conscience. inobservation [inɔpsɛrvasjɔ̃] n. f. (de in- et de observation ; 1550, Charrière [1, 122], aux sens 1-2). 1. Manque d’obéissance à quelque chose : Inobservation d’une loi, d’un règlement. Ϧ 2. Inexécution de certains engagements : Inobservation d’un contrat, des clauses d’un traité. • SYN. : 2 entorse (fam.), manquement, transgression, violation. inobservé, e [inɔpsɛrve] adj. (de in- et de observé, part. passé de observer ; 1845, Bescherelle, aux sens 1-2). 1. Qui n’est pas observé : Ce grand Paris, où la foule se sent inobservée et libre (Daudet). Ϧ2. Qui n’a pas été respecté : Règlement inobservé. inoccupation [inɔkypasjɔ̃] n. f. (de inet de occupation ; 1783, Gohin, au sens 1 ; sens 2, 1878, Larousse). 1. État d’une personne qui n’a pas d’occupations régulières : L’inoccupation où me laissait ma santé rétablie (Gide). Ϧ2. État d’une chose qui n’est pas occupée par quelqu’un : L’inoccupation d’un appartement pendant un temps assez long peut amener son propriétaire à résilier le contrat de location. • SYN. : 1 désoeuvrement, inaction, inactivité, oisiveté ; 2 abandon. — CONTR. : 1 activité, affairement, travail ; 2 occupation. inoccupé, e [inɔkype] adj. (de in- et de occupé ; 1544, l’Arcadie, au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle [« qui n’est pas exploité », 1959, Robert]). 1. Se dit d’une personne qui n’a pas d’occupation : En classe, il ne faut pas laisser les enfants inoccupés ; et par extens. : Vie inoccupée. Ϧ 2. Qui n’est pas occupé par quelqu’un : Laisser une maison inoccupée. ϦQui n’est pas exploité : Décréter la confiscation des terres inoccupées. • SYN. : 1 désoccupé, désoeuvré, inactif, oisif ; 2 désert, inhabité, libre, vacant, vide ; abandonné, en friche, inculte, inexploité. — CONTR. : 1 affairé, actif ; 2 habité, occupé ; cultivé, exploité, travaillé. & n. (1959, Robert). Personne sans occupation : Embaucher des inoccupés. in-octavo [inɔktavo] adj. invar. (loc. du lat. de la Renaissance signif. proprem. « en huitième », du lat. class. in, en, et octavo, ablatif neutre de octavus, huitième, dér. de octo, huit ; 1567, Papiers de Granvelle [II, 399], pour le format ; pour la feuille, 1902, Larousse). Se dit du format d’un livre où chaque feuille d’impression, présentant trois plis, forme 8 feuillets, soit 16 pages : Format, volume, édition in-octavo. & n. m. invar. (1752, Trévoux). Format, volume in-octavo : Un in-octavo. • REM. On écrit aussi, par abrév., IN-8°. inoculabilité [inɔkylabilite] n. f. (dér. savant de inoculable ; 1867, Littré). Qualité de ce qui est inoculable : L’inoculabilité d’un virus. inoculable [inɔkylabl] adj. (de inoculer ; v. 1770, Voltaire). Qui peut être inoculé : La rage est inoculable. inoculateur, trice [inɔkylatoer, -tris] adj. (dér. savant de inoculer ; 1752, Trévoux, comme n. m., au sens de « celui qui pratique l’inoculation » ; comme adj., au sens actuel, 1845, Bescherelle). Qui sert à inoculer : Appareil, instrument inoculateur. inoculation [inɔkylasjɔ̃] n. f. (angl. inoculation, greffe en écusson, inoculation [début du XVIIIe s.], du lat. inoculatio, greffe en écusson [de inoculatum, supin de inoculare, v. l’art. suiv.] — qui avait déjà fourni directement au franç. le n. f. inoculation, « greffe » [1580, Landric, p. 9], « transfusion » [1667, P. D. Huet] ; 1722 [d’après Encyclopédie, 1765], au sens 2 ; sens 1, 1771, Trévoux ; sens 3, 1859, Renan). 1. Introduction, dans l’organisme, d’un germe, d’un virus, d’un vaccin : L’inoculation est accidentelle quand un microbe vient souiller une plaie. La vaccination est une inoculation volontaire. Ϧ 2. Absol. et vx. Introduction volontaire de la variole pour préserver de la maladie : Même lorsque le médecin Mead fit en Angleterre les premières expériences de l’inoculation, en 1721, il la tenta à la manière chinoise sur un des sujets qu’on lui donna ; et elle réussit (Voltaire). Ϧ3. Fig. Transmission, propagation d’opinions ou de doctrines : Ce fut la crise concomitante d’une seconde genèse, une inoculation profonde de facultés nouvelles et, si j’ose dire, de virus salutaires et nécessaires à la vie complète (Renan). inoculer [inɔkyle] v. tr. (angl. to inoculate, greffer en écusson, inoculer [début du XVIIIe s.], du lat. inoculatum, supin de inoculare, greffer en écusson, de in-, préf. marquant la localisation, et de oculus, oeil [d’un être animé, d’une greffe, etc.] ; début du XVIIIe s., au sens 2 [« vacciner contre la petite vérole »] ; sens 1, 1762, J.-J. Rousseau ; sens 3, av. 1778, J.-J.Rousseau). 1. Introduire dans un organisme par inoculation : Il se fit, en essuyant son bistouri, une piqûre [...] qui lui inocula une affection purulente dont il mourut en deux jours (France). Inoculer la peste à un cobaye, la rage à un chien. Ϧ2. Soumettre à l’inoculation : Inoculer un malade. Ϧ3. Fig. Transmettre par une sorte de contagion morale : L’ennui est un des maux les moins graves qu’on ait à supporter, le sien n’existait peut-être que dans l’imagination des autres, ou lui avait été inoculé grâce à une sorte de suggestion par eux, laquelle avait trouvé prise sur son agréable modestie (Proust). On nous inocule donc, pour des fins d’enrichissement, des goûts et des désirs qui n’ont pas de racines dans notre vie physiologique profonde, mais qui résultent d’excitations psychiques ou sensorielles délibérément infligées (Valéry). • SYN. : 3 inspirer, instiller, insuffler. & s’inoculer v. pr. (1761, J.-J. Rousseau, au sens de « contracter volontairement la petite vérole » ; sens actuel, 1867, Littré). Être transmis par inoculation : La rage s’inocule très facilement. inodore [inɔdɔr] adj. (lat. inodorus, inodore, de in-, préf. à valeur négative, et de odorus, odorant, dér. de odor, exhalai-son [bonne ou mauvaise] ; fin du XVIIe s.). Qui ne dégage pas d’odeur : Gaz inodore. L’eau est un liquide inodore et sans saveur. • CONTR. : odorant, odoriférant, parfumé ; fétide, malodorant, nauséabond, puant. inoffensif, ive [inɔfɑ̃sif, -iv] adj. (de in- et de offensif ; fin du XVIIIe s., Brunot, au sens 1 [« qui ne fait aucun mal » ; « qui n’attaque pas », 1873, Larousse] ; sens 2, 1959, Robert ; sens 3, 1807, Mme de Staël [« qui ne peut pas nuire à la santé », 1873, Larousse]). 1. Se dit d’un animal qui n’attaque pas : Fauve qui est inoffensif quand il n’a pas faim. Ϧ Se dit d’un être qui ne fait aucun mal, dont on n’a rien à craindre : Personne inoffensive. Ϧ2. Péjor. et fam. Se dit d’une personne qui est incapable de riposter par manque de caractère, qui est incapable d’initiative : Un pauvre hère complètement inoffensif. Ϧ 3. Se dit d’une chose qui ne peut faire de mal : Un livre, un jeu inoffensif. Une entreprise, une action inoffensive. Ϧ Spécialem. Qui ne peut pas nuire à la santé : Un remède inoffensif. • SYN. : 1 doux ; innocent ; 3 anodin, bénin. inoffensivement [inɔfɑ̃sivmɑ̃] adv. (de inoffensif ; 1838, Acad.). D’une manière inoffensive : Plaisanter inoffensivement à propos de quelqu’un. inofficieux, euse [inɔfisjø, -øz] adj. (lat. inofficiosus, qui manque à ses devoirs, downloadModeText.vue.download 96 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2648 contraire aux devoirs, de in-, préf. à valeur négative, et de officiosus, serviable, juste, légitime, dér. de officium, service, serviabilité, obligation morale ; 1495, Dict. général). Qui se fait au détriment de quelqu’un, qui lèse les droits de quelqu’un : Donation inofficieuse. Testament inofficieux. inofficiosité [inɔfisjɔzite] n. f. (dér. savant de inofficieux, d’après le bas lat. inofficiositas, manque d’égards, dér. du lat. class. inofficiosus [v. l’art. précéd.] ; 1611, Cotgrave, au sens 1 ; sens 2, 1718, Acad.). 1. Caractère de ce qui est inofficieux : Plainte d’inofficiosité. Ϧ 2. Action d’inofficiosité, action contre un acte inofficieux. inondable [inɔ̃dabl] adj. (de inonder ; 15 mai 1874, Revue des Deux Mondes, p. 341). Qui peut être recouvert ou atteint par les inondations : Terre, région inondable. inondation [inɔ̃dasjɔ̃] n. f. (lat. inundatio, inondation, débordement, et, au fig., « déluge de paroles », de inundatum, supin de inundare [v. INONDER] ; v. 1265, J. de Meung, dans la loc. la grant inondacion, « le Déluge » ; sens 1, v. 1380, Aalma [écrit inundation ; inondation, 1549, R. Estienne] ; sens 2, 1751, Voltaire ; sens 3, v. 1560, Paré ; sens 4, 1564, Indice de la Bible ; sens 5, v. 1648, Retz). 1. Débordement des eaux qui couvrent une partie de pays : Les inondations périodiques d’une rivière. L’inondation d’une région par un fleuve. Ravages causés par une inondation. Ϧ2. Action de couvrir d’eau ; résultat de cette action : Les inondations volontaires des rizières. Ϧ3. Spécialem. Épanchement abondant de sang à l’intérieur du corps : Une grossesse extra-utérine peut provoquer une inondation péritonéale. Ϧ 4. Class. et fig. Invasion tumultueuse d’une multitude de personnes : L’Occident était troublé par l’inondation des Barbares (Bossuet). Ϧ5. Afflux de certaines choses en grandes quantités : Les paysans arrondissaient les yeux, gagnés d’une panique, à l’idée de cette inondation du blé étranger (Zola). • SYN. : 1 déluge ; 2 immersion ; 3 hémorragie ; 5 déferlement, envahissement, invasion. inondé, e [inɔ̃de] adj. (part. passé de inonder ; XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1848, Reybaud [comme n. m. pl. ; populations inondées, 1967, Robert] ; sens 3, 1797, Bulliard). 1. Qui a été recouvert par l’inondation : Un pays complètement inondé. Diriger des secours vers une région inondée. Ϧ2. Populations inondées, et, substantiv., les inondés, ceux qui ont été victimes d’une inondation. Ϧ 3. En botanique, qui naît et se développe dans l’eau sans jamais se montrer à la surface : Des plantes inondées. • SYN. : 1 immergé. inonder [inɔ̃de] v. tr. (lat. inundare, inonder [au pr. et au fig.], déborder, regorger de, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de undare, rouler des vagues, être agité, dér. de unda, eau agitée, flot, vague ; v. 1120, Psautier d’Oxford, comme v. intr., écrit enunder, au sens de « déborder » ; écrit inonder, comme v. tr., au sens 1, v. 1265, Br. Latini ; sens 2, 1665, Boileau ; sens 3, 1664, Racine ; sens 4, 1669, Bossuet ; sens 5, 1673, Racine). 1. Recouvrir entièrement d’eau : À la fonte des neiges, les torrents de montagne inondent les terrains avoisinants. Ϧ 2. Par exagér. Couvrir en mouillant abondamment : [Il] lui jeta à la tête une bouteille qui se brisa sur la table, qu’elle inonda de vin (France). Et son beau visage qu’elle levait vers moi, je vis soudain qu’il était inondé de larmes (Gide). Il a le visage inondé de sang, qu’il essuie du revers de la main (Vailland). Ϧ3. Inonder un pays de sang, y commettre ou y faire commettre beaucoup de meurtres. Ϧ 4. Fig. En parlant de choses, se trouver en abondance quelque part : Dans ces milliers de romans qui ont inondé l’Angleterre depuis un demi-siècle, deux ont gardé leur place : Caleb Williams et le Moine (Chateaubriand). Les livres traitant de la cabale et des sciences occultes inondaient alors les bibliothèques (Nerval). Ϧ Répandre abondamment sa chaleur, sa lumière, etc., sur : Ces panoramas inondés de soleil sont d’une vérité merveilleusement cruelle (Baudelaire). La lune, depuis longtemps levée, inonde à présent la terrasse (Gide). Elle est sauvée... ,elle est sauvée, répétait Hélène, bégayante, inondée d’une telle joie qu’elle avait glissé par terre, près du lit (Zola). Des flots ininterrompus de chaleur et de lumière inondèrent la ville à longueur de journée (Camus). Ϧ 5. Class. et littér. En parlant de personnes, se répandre abondamment dans : Le peuple saint, en foule, inondait les portiques (Racine). Dès le matin du dimanche des milliers de paysans, arrivant des montagnes voisines, inondèrent les rues de Verrières (Stendhal). • SYN. : 1 submerger ; 2 arroser, asperger, baigner, tremper ; 4 abreuver, écraser, envahir, gorger, illuminer, noyer, saturer ; 5 affluer, encombrer, remplir. & v. intr. (sens 1, fin du XVe s. ; sens 2, av. 1670, Corneille). 1. Vx. Se répandre en abondance au point de recouvrir les lieux : L’eau inondait un peu partout (Chateaubriand). Ϧ 2. Fig. Se répandre en abondance : Toi qui fis inonder le torrent de ta grâce | Sur ce troupeau choisi qu’il te plut de bénir (Corneille). inopérabilité [inɔperabilite] n. f. (de inopérable ; XXe s.). Impossibilité de procéder à une intervention chirurgicale en raison de l’état du malade. inopérable [inɔperabl] adj. (de in- et de opérer ; 1812, Dictionnaire des sciences médicales, I, 289). Qu’il est impossible d’opérer : Blessé inopérable. Anomalie, tumeur inopérable. inopérant, e [inɔperɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de in- et de opérant ; 1846, Bescherelle, au sens de « vague » ; sens actuel, 1859, Mozin). Qui ne peut pas produire ou qui ne produit pas d’effet : Un remède inopérant. Une mesure inopérante. • SYN. : impuissant, inefficace, stérile, vain. inopiné, e [inɔpine] adj. (lat. inopinatus, inattendu, inopiné, de in-, préf. à valeur négative, et de opinatus, part. passé de opinari, avoir telle ou telle opinion, conjecturer ; 1530, R. Ét. Rab., V, 313 [un premier ex. au XIVe s.]). Se dit d’une chose qui arrive alors qu’on ne s’y attendait pas : Mais cette attitude n’a été son dernier mot que parce que la mort inopinée a interrompu le cycle de son développement (Rolland). • SYN. : fortuit, imprévu, inattendu, subit. — CONTR. : attendu, prévisible, prévu. inopinément [inɔpinemɑ̃] adv. (de inopiné ; 1491, écrit inopineement, et 1531, écrit inopinément, R. Ét. Rab., V, 168). Sans qu’on s’y attende : J’étais inopinément entrée dans la chambre où ma mère causait avec son âme (Gide). inopportun, e [inɔpɔrtoẽ, -yn] adj. (bas lat. inopportunus, qui ne convient pas, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et opportunus, convenable, commode, de ob-, préf. marquant la relation, et de portus, passage, port, asile ; v. 1380, Aalma). Qui ne se produit pas là où il faudrait, ou bien quand il faudrait : Requête, remarque inopportune. S’éterniser dans la chambre aux moments où sa présence est insupportablement inopportune (Martin du Gard). • SYN. : déplacé, importun, inconvenant, incorrect, intempestif. — CONTR. : bienséant, convenable, correct, opportun, propice. inopportunément [inɔpɔrtynemɑ̃] adv. (de inopportun ; début du XVe s., écrit inoportunement ; inopportunément, 1548, R. Et. Rab., II). De manière inopportune : Arriver inopportunément chez quelqu’un. inopportunité [inɔpɔrtynite] n. f. (bas lat. inopportunitas, inopportunité [de inopportunus, v. INOPPORTUN], ou dér. savant du franç. inopportun ; 1433, Archives de Bretagne, VII, 53). Caractère de ce qui n’est pas opportun : L’inopportunité d’une démarche, d’une décision. inopposabilité [inɔpozabilite] n. f. (dér. savant de inopposable ; 28 juill. 1875, Gazette des tribunaux, p. 731). En droit, impossibilité de faire valoir un droit ou une défense : Inopposabilité d’une dérogation, d’une exemption. inopposable [inɔpozabl] adj. (de inet de opposable ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). En droit, qui n’est pas opposable à quelqu’un : Exception, droit inopposable à des tiers. inordination [inɔrdinasjɔ̃] n. f. (de in- et de ordination ; 1956, J. Delay). Littér. État, downloadModeText.vue.download 97 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2649 caractère de ce qui n’est pas ordonné : Son oeuvre [de Gide] n’est qu’un essai de réorganisation, selon sa raison, sa logique, du désordre qu’il sent en lui ; car l’état d’inordination lui est intolérable (J. Delay). inorganique [inɔrganik] adj. (de in- et de organique ; 1579, L. Joubert, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Qui n’est pas organisé de façon à pouvoir être doué de vie : Notre connaissance des choses de la vie est insignifiante auprès de celle que nous avons du monde inorganique (Valéry). Matières inorganiques. Ϧ2. Se dit d’une maladie ou d’une affection qui ne comprend pas de lésion d’organes : Troubles inorganiques. (On dit aussi FONCTIONNEL.) inorganisable [inɔrganizabl] adj. (de inet de organisable ; 1847, Bescherelle). Se dit d’une chose à laquelle on ne peut pas donner une organisation : Société, profession inorganisable. inorganisation [inɔrganizasjɔ̃] n. f. (de in- et de organisation ; 1794, Frey). État de ce qui n’est pas organisé ou qui ne dispose pas d’une organisation. inorganisé, e [inɔrganize] adj. (de in- et de organisé ; 1769, Diderot). Qui n’est pas constitué d’une manière organique. & adj. et n. (1962, Larousse). Qui n’appartient pas à une organisation syndicale : La grande majorité des licenciés était des « inorganisés ». Un seul était syndiqué à la C. G. T. (Vailland). inoubliable [inublijabl] adj. (de in- et de oubliable ; 1838, Acad.). Que l’on ne peut pas oublier : Cette inoubliable voix traînante et mélancolique qui était la sienne (Larguier). • SYN. : mémorable. inoubliablement [inublijabləmɑ̃] inoubliablement [inublijabləmɑ̃] adv. (de inoubliable ; XXe s.). Littér. D’une manière inoubliable. inoublié, e [inublije] adj. (de in- et de oublié, part. passé de oublier ; 1831, Balzac). Que l’on n’a pas oublié : Je murmurais en même temps le texte inoublié (Hermant). inouï, e [inwi] adj. (de in- et de ouï, part. passé de ouïr ; fin du XVe s., Godefroy, écrit ino [inouï, 1580, Montaigne], au sens 3 ; sens 1, 1647, Vaugelas ; sens 2, 1873, Rimbaud ; sens 4, 1669, Bossuet). 1. Class. Que l’on n’entend pas : Cette façon de parler est sans doute de quelque province, car elle est inouïe à la cour (Vaugelas). Ϧ 2. Vx. Qu’on n’a jamais entendu : On commençait de saisir dans l’air intellectuel la rumeur d’une diversité de voix surprenantes et de chansons encore inouïes, le murmure d’une forêt très mystérieuse (Valéry). Capter d’imperceptibles ondes et des vibrations inouïes (Gide). Ϧ 3. Class. et littér. Dont on n’a jamais entendu parler auparavant, qui est sans exemple, sans précédent : Quelle difficulté devaient trouver les apôtres pour [...] établir une doctrine jusqu’alors inouïe (Fénelon). Un changement cesse d’être inouï, extraordinaire ; il ne se présente plus comme impie à l’esprit et à la conscience, quand il résulte d’une idée devenue populaire (Chateaubriand). Ϧ 4. Qui est extrême en son genre, extraordinaire, surprenant : En même temps, une souffrance inouïe, comparable à rien, soulevait les muscles crispés de Gilliatt (Hugo). Je suis allé l’autre jour au Salon. Votre oeuvre est inouïe (Bataille). Une exposition de tableaux où elle avait vu des toiles inouïes (Zola). • SYN. : 3 inconnu, inédit, neuf, nouveau ; 4 admirable, fabuleux, fantastique, incomparable, incroyable, prodigieux, sensationnel. inoxydable [inɔksidabl] adj. (de in- et de oxydable ; milieu du XIXe s.). Qui résiste à l’oxydation : Acier, couteau inoxydable. L’or est inoxydable. in-pace ou in pace [inpase] n. m. invar. (loc. du lat. médiév., abrév. de vade in pace, « va en paix » [du lat. class. vade, 2e pers. du sing. de l’impér. prés. de vadere, aller, in, dans, en, et pace, ablatif de pax, paix], formule qu’on prononçait quand on refermait sur un prisonnier la porte d’un cachot de couvent ; fin du XVe s., l’Amant rendu cordelier, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, fin du XIXe s.). 1. Cachot, souter- rain d’une institution religieuse destiné à renfermer jusqu’à leur mort certains coupables : Supposons l’Espagne à Paris et Philippe V régent [...]. Je vois d’ici Voltaire, Fontenelle sous le san-benito et l’auteur des « Lettres persanes » descendre dans un in-pace (Michelet). Ϧ2. Lieu secret dans lequel une personne est gardée à perpétuité : Un monde où l’on peut être étouffé dans un in pace (Rosny aîné). Ϧ 3. Fig. Partie secrète : Le plus sombre in-pace de son âme (Samain). in partibus [inpartibys] loc. adj. (abrév. de la loc. du lat. ecclés. moderne in partibus infidelium, proprem. « dans les contrées des infidèles » [du lat. class. in, dans, partibus, ablatif plur. de pars, partie, lieu, et infidelium, génitif plur. de infidelis, v. INFIDÈLE] ; 1703, Mémoires de Trévoux [p. 1358], au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. Se disait de l’évêque honoraire chargé d’un diocèse sans clergé ni fidèles, situé en pays non chrétien : Le titre d’évêque « in partibus » fut changé en celui d’évêque titulaire par lettre apostolique de Léon XIII. Ϧ 2. Plaisamm. Qui n’a pas de fonction réelle : Professeur, ministre « in partibus ». Un comédien « in partibus » du nom de Delobelle (Daudet). in petto [inpeto ou inpetto] loc. adv. (loc. ital. signif. proprem. « dans son coeur, dans son esprit », de in, dans [lat. in, même sens], et petto, poitrine [lat. pectus, même sens] ; 1666, Retz, au sens 1 ; sens 2, 30 mai 1745, Voltaire). 1. Sans que cela soit proclamé publiquement : Le pape peut nommer des cardinaux « in petto ». Ϧ 2. Sans que cela soit dit, en gardant cela par-devers soi : Je me réjouissais « in petto » mille fois plus que je ne saurais dire (Courteline). Tenez pour assuré que le ministre de la Guerre a dû, « in petto » du moins, vouer son chef d’état-major aux dieux infernaux (Proust). • SYN. : 2 à part soi, intérieurement, pardevers soi, secrètement. — CONTR. : 2 ouvertement, publiquement. in-plano [inplano] adj. invar. (loc. du lat. moderne signif. proprem. « en plan, sans pliage », du lat. class. in, en, et plano, ablatif de planum, lieu plat, neutre substantivé de l’adj. planus, de surface plane, uni, égal ; 1835, Acad.). Se dit du format d’un livre où chaque feuille d’impression, qui n’est pas pliée, ne forme qu’un feuillet, soit deux pages. & n. m. invar. (1867, Littré). Format, volume in-plano : L’in-plano est un format de luxe. Un énorme in-plano. • REM. Ce mot ne s’abrège pas. inqualifiable [ɛ̃kalifjabl] adj. (de in- et de qualifier ; 1835, Th. Gautier, au sens 2 ; sens 1, 1845, Bescherelle). 1. Qui ne peut être qualifié : Un sentiment auquel un long exercice a donné une sûreté inqualifiable (Baudelaire). Ϧ 2. Qui est tel qu’on pense manquer de termes pour le juger ou le blâmer : Pour ce qui concerne Swann, je peux dire franchement que sa conduite à notre égard a été inqualifiable (Proust). • SYN. : 2 indigne, innommable, odieux. inquart [ɛ̃kar] n. m. (de in- et de quart ; 1721, Trévoux). Opération par laquelle le batteur d’or ajoute trois fois environ son poids d’argent pur à l’or allié au cuivre et qu’il veut passer à la coupelle. • REM. On dit aussi INQUARTATION, n. f. (de inquart ; 1752, d’après Boiste, 1829), ou QUARTATION, n. f. (de quart ; 1762, Acad.). in-quarto [inkwarto] adj. invar. (loc. du lat. de la Renaissance signif. proprem. « en quart », du lat. class. in, en, et quarto, ablatif de quartum, le quart, neutre substantivé de l’adj. quartus, quatrième ; 1567, Papiers de Granvelle). Se dit du format d’un livre où chaque feuille d’impression, présentant deux plis, forme 4 feuillets, soit 8 pages : Format, volume, édition in-quarto. & n. m. invar. (1704, Trévoux). Format, volume in-quarto : Un in-quarto. • REM. On écrit aussi, par abrév., IN-4°. inquiet, ète [ɛ̃kjɛ, -ɛt] adj. (lat. inquietus, troublé, agité, turbulent, de in-, préf. à valeur négative, et de quietus, qui est en repos, paisible, dér. de quies, quietis, repos, tranquillité ; 1588, Montaigne, écrit inquiète [au masc. et au fém.], au sens de « remuant, brouillon [en parlant de l’esprit] » ; écrit inquiet, au sens 3, 1596, Hulsius [« qui marque l’inquiétude », 1662, Corneille — au fig., av. 1869, Lamartine] ; sens 1, 1678, La downloadModeText.vue.download 98 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2650 Fontaine [sommeil inquiet, 1671, Pomey] ; sens 2, 1636, Monet). 1. Class. Qui ne peut rester à la même place, agité, remuant : Le jeune homme, inquiet, ardent, plein de courage | À peine se sentit des bouillons d’un tel âge, | Qu’il soupira pour ce plaisir [la chasse] (La Fontaine). Ϧ Sommeil inquiet, pendant lequel on s’agite. Ϧ 2. Vx et littér. Qui n’est jamais satisfait de son état : Toute âme inquiète et ambitieuse est incapable de règle (Bossuet). Comment le fixer cet homme léger, inquiet, inconstant (La Bruyère). Ϧ 3. Qui est agité par la crainte, l’appréhension, l’incertitude : L’homme inquiet | Sentit que la bataille entre ses mains pliait (Hugo). Mais voici que tout à coup elle est surprise, inquiète, étonnée (France). ϦQui marque l’inquiétude : Il parlait d’une voix inquiète et pressante (Camus). Air inquiet, attitude inquiète ; et au fig. : Deux grands génies, que la tyrannie surveillait d’un oeil inquiet (Lamartine). • SYN. : 3 alarmé, angoissé, anxieux, soucieux, tourmenté, troublé ; fiévreux, impatient. — CONTR. : 3 insouciant, paisible, rassuré, serein, tranquille ; impassible, imperturbable. & n. (XXe s.). Personne inquiète. inquiétant, e [ɛ̃kyjetɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de inquiéter ; 1714, au sens 1, d’après le FEW, IV, 705 b [qui se réfère à un texte que nous n’avons pu retrouver] ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Qui inspire de l’inquiétude : Par cela seul qu’il pensait, il était un être étrange, inquiétant, suspect à tous (France). Un visage inquiétant. Car nous sommes les gens inquiétants | Qui habitons le Nord des régions désertes (Verhaeren). Ϧ 2. Qui fait craindre un événement malheureux : Des nouvelles, des situations inquiétantes. Le malade est dans un état inquiétant. • SYN. : 1 angoissant, effrayant, troublant, trouble ; 2 alarmant, grave, mauvais, menaçant, sombre. — CONTR. : 1 rassurant ; 2 bon, encourageant, florissant, heureux. inquiètement [ɛ̃kjɛtmɑ̃] adv. (de inquiet ; 1611, Cotgrave). Avec inquiétude : Et je me remémorais inquiètement nos paroles (Gide). inquiéter [ɛ̃kjete] v. tr. (lat. inquietare, troubler, agiter, de inquietus [v. INQUIET] ; v. 1170, Livre des Rois, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière [« troubler quelqu’un dans la possession de quelque chose » — terme de droit —, 1479, Bartzsch] ; sens 3, 1679, Bossuet ; sens 4, 1645, Corneille [absol., 1828, A. F. Ville-main]). [Conj. 5 b.] 1. Class. et littér. Troubler dans sa quiétude physique ou morale, agiter : Je fuis Titus, je fuis ce nom qui m’inquiète (Racine). Le talent inquiète la tyrannie (Chateaubriand). Je n’ai plus l’âge [...] où l’amour inquiète comme une maladie qu’il faut guérir coûte que coûte (Cocteau). Ϧ2. Spécialem. Tourmenter, causer des tracas, du dérangement à propos d’une affaire fâcheuse : La police l’a inquiété à plusieurs reprises. Ϧ 3. Tourmenter par des attaques ou des démonstrations hostiles : Les pirates n’ont plus inquiété cette région. Inquiéter l’ennemi. Ϧ4. Troubler en remplissant d’inquiétude : Tout ce qu’elle voit l’inquiète et l’afflige (Gide). Ϧ Absol. Inspirer de l’inquiétude, du souci : Une pareille situation inquiète et effraie. • SYN. : 2 tracasser (fam.) ; 3 harceler ; 4 alarmer, angoisser, miner, préoccuper, ronger, tourmenter. & s’inquiéter v. pr. (sens 1, 1675, Mme de Sévigné [inquiété, « turbulent », 1611, Cotgrave] ; sens 2, 1662, Corneille [absol., av. 1662, Pascal ; s’inquiéter de ce que, 1672, Molière ; ne s’inquiéter de rien, XXe s.] ; sens 3, 1671, Mme de Sévigné [suivi d’une interrogative indirecte, v. 1770, J.-J. Rousseau]). 1. Class. Être continuellement agité : Il fait bien chaud aujourd’hui, ma très chère bonne, et au lieu de m’inquiéter dans mon lit, la fantaisie m’a pris de me lever, quoiqu’il ne soit que cinq heures du matin (Sévigné). Ϧ 2. S’inquiéter de,être troublé par le souci de : S’inquiéter de la santé, du sort de quelqu’un. Sans plus m’inquiéter du seul ange qui m’aime (Banville). Ϧ Absol. Se faire du souci : Ne vous inquiétez pas. ϦS’inquiéter de ce que, avoir de l’inquiétude en raison du fait que : Mais je m’inquiétais de ce que toujours la colère débordait (Mauriac). Ϧ Ne s’inquiéter de rien, être très négligent ou insouciant. Ϧ3. S’occuper de connaître quelque chose : Je me suis inquiété de l’heure de départ de mon train. Ϧ S’inquiéter (suivi d’une interrogation indirecte), s’occuper de savoir : Cet homme de tant d’esprit ne pouvait ni ne voulait s’inquiéter comment et pourquoi un assez grand nombre de jeunes gens comprenaient et aimaient ce qu’il ne concevait pas (Valéry). • SYN. : 2 s’alarmer, se préoccuper, se soucier, se tourmenter, se tracasser ; se biler (pop.), se faire de la bile (fam.), se frapper ; 3 s’enquérir. inquiétude [ɛ̃kjetyd] n. f. (bas lat. inquietudo, agitation, fièvre, du lat. class. inquietus [v. INQUIET] ; 1403, Internele Consolacion, au sens de « faute de repos » ; sens 1, v. 1560, Paré ; sens 2, 1678, Mme de Sévigné ; sens 3, 1608, François de Sales ; sens 4, v. 1776, J.-J. Rousseau ; sens 5, 1530, Palsgrave). 1. Class. État d’agitation de celui qui ne peut se tenir en repos : Deux animaux m’ont arrêté les yeux : | L’un doux, bénin, et gracieux, | Et l’autre turbulent, et plein d’inquiétude (La Fontaine). Tel autre fait la satire de ces gens qui s’engagent par inquiétude ou par curiosité dans de longs voyages (La Bruyère). Ϧ 2. Vx et fam. (au plur.) Ce qui procure de l’agitation, petites douleurs qui causent comme de l’impatience : Rougon s’était levé ; il avait des inquiétudes dans les jambes, disait-il (Zola). Ϧ 3. Fig. État d’agitation d’une personne instable, changeante : Est-ce curiosité, inquiétude d’esprit ? (Voltaire). Ϧ4. Spécialem. Action de se préoccuper de ce qui est au-delà de nos connaissances : Inquiétude religieuse, métaphysique. Ϧ 5. Trouble causé par la crainte, l’appréhension, l’incertitude : Dans son inquiétude de voir l’unique enfant s’éloigner, elle crut qu’elle pourrait lutter avec le vent qui parle (R. Bazin). • SYN. : 2 impatiences (fam.) ; 3 instabilité, versatilité ; 4 angoisse ; 5 alarme, anxiété, malaise, obsession, peur, préoccupation, souci, tourment. — CONTR. : 4 certitude, foi ; 5 ataraxie, béatitude, flegme, impassibilité, joie, placidité, quiétude, sang-froid, sérénité, tranquillité. inquisiteur, trice [ɛ̃kizitoer, -tris] n. et adj. (lat. inquisitor, celui qui examine et recherche, enquêteur, celui qui est chargé d’une information [et, dans la langue ecclés. du XIIIe s., « membre d’un tribunal de l’Inquisition »], de inquisitum, supin de inquirere, rechercher, chercher à découvrir, faire une enquête, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de quaerere, chercher ; 1294, Espinas [III, 607], au sens de « juge, examinateur » ; sens 1, 1873, Larousse ; sens 2, 1321, Not. et extr., XL, 274 [inquisiteur ; inquisiteur de la foi, av. 1453, Monstrelet ; Grand Inquisiteur, 1690, Furetière] ; sens 3, 1748, Montesquieu [inquisiteur d’État ; inquisiteur du conseil des Dix, 1962, Larousse] ; sens 4, fin du XVIIe s., Saint-Simon). 1. Dans l’Antiquité romaine, commissaire nommé par le sénat pour diriger certaines affaires extraordinaires. Ϧ2. Inquisiteur de la foi, ou simplem. inquisiteur, membre d’un tribunal de l’Inquisition : Livrer un hérétique aux inquisiteurs. ϦGrand Inquisiteur, chef suprême de l’Inquisition. Ϧ 3. Inquisiteur d’État, ou inquisiteur du conseil des Dix, titre de trois magistrats absolus de Venise (du XIVe au XVIIIe s.) : Là les deux amis se regardèrent avec l’attention de deux inquisiteurs d’État vénitiens (Balzac). Ϧ4. Vx. Personne qui se livre à des enquêtes, à des investigations indiscrètes : Pontchartrain était d’une curiosité insupportable, grand fureteur et inquisiteur (Saint-Simon). & adj. (1764, Voltaire, au sens de « qui participe de l’inquisition, qui en a les méthodes » ; sens actuel, 1842, Balzac). Qui marque une curiosité indiscrète : Ce qui m’embarrassait beaucoup aussi, c’était l’oeil inquisiteur des sergents de ville (Daudet). Le jeune homme arrêta sur Chavegrand un regard en même temps inquisiteur et naïf (Duhamel). Soudain il se retourna, plongea ses yeux dans les miens d’une façon extraordinairement inquisitrice (Gracq). • SYN. : curieux, fouineur (fam.), fureteur, indiscret, scrutateur. inquisitif, ive [ɛ̃kizitif, -iv] adj. (bas lat. inquisitivus, qui exprime la recherche, du lat. class. inquisitum [v. l’art. précéd.] ; fin du XIVe s.). Vx. Qui s’enquiert, qui cherche downloadModeText.vue.download 99 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2651 à connaître : Monseigneur détacha de lui son regard sévère et inquisitif (Gobineau). Quand Gentil eut annoncé monsieur de Rubempré, le vieillard à tête blanche lui jeta le regard inquisitif d’un père empressé de juger l’homme que sa fille a distingué (Balzac). inquisition [ɛ̃kizisjɔ̃] n. f. (lat. inquisitio, recherche, investigation, enquête [et, en lat. ecclés. du XIIIe s., « l’Inquisition »], de inquisitum [v. INQUISITEUR] ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens de « enquête, recherche » ; v. 1265, Livre de jostice, au sens de « interrogatoire concernant la foi » ; sens 1, 1721, Trévoux ; sens 2, 1559, Papiers de Granvelle, V, 677 [absol. ; le tribunal de l’Inquisition, 1873, Larousse] ; sens 3, 21 juin 1686, Bayle). 1. En droit ancien, mode particulier de procédure, où l’action était engagée par un accusateur qui était puni s’il ne pouvait prouver ce qu’il avançait. Ϧ 2. Spécialem. Tribunal de l’Inquisition, ou simplem. l’Inquisition, juridiction chargée de pourchasser les hérétiques (prend une majuscule en ce sens) : Je ne noircirai point ces pages du récit à faire dresser les cheveux des horreurs de l’Inquisition (Stendhal). Ϧ3. Enquête vexatoire et arbitraire : Sa figure, constamment rigide et rarement émue, était devenue méconnaissable tant le soupçon et l’inquisition y imprimaient d’excitation et de vie (Lacretelle). inquisitorial, e, aux [ɛ̃kizitɔrjal, -o] adj. (dér. savant de inquisiteur ; 1516, Isambert, dans la loc. procès inquisitorial, procès fait après enquête ; 1570, Godefroy, au sens de « pénétrant [en parlant de l’observation] » ; sens 1, 1829, Boiste ; sens 2, 1755, Brunot). 1. Qui a rapport à l’Inquisition : Juges inquisitoriaux. Méthodes inquisitoriales. Ϧ2. Digne de l’Inquisition : Le soin inquisitorial avec lequel je l’analyse et je la juge prouve mes hautes et divines aptitudes pour la vertu (Baudelaire). Les mandataires du peuple, lorsqu’ils ont provoqué une loi pénale et inquisitoriale contre la presse, ont été infidèles à leurs devoirs (Laclos). • SYN. : 2 inquisiteur. inracontable [ɛ̃rakɔ̃tabl] adj. (de in- et de racontable ; 1876, A. Daudet [var. irracontable, XVe s., La Curne). Qu’on ne peut raconter : Le bonheur est fait d’une foule de joies menues et inracontables (Daudet). • SYN. : indicible, ineffable, inénarrable, inexprimable. I. N. R. I. (initiales des mots lat. Iesus ou Jesus, Jésus, Nazarenus, de Nazareth, Rex, roi, et Judaeorum [génitif plur. de Judaeus, de Judée, Juif] ; 1867, Littré). Inscription qui figure souvent sur la croix au-dessus de la tête ou au-dessous des pieds du Christ, et dont l’initiative est attribuée à Pilate : Une croix de bois noir, très luisante, que surmontait un écriteau avec l’inscription INRI en lettres d’or (France). insaisissabilité [ɛ̃sezisabilite] n. f. (dér. savant de insaisissable ; 1828, Isambert [XIII, 312], au sens 1 ; sens 2, 1893, Bescherelle). 1. En droit, caractère de ce que l’on ne peut pas faire saisir : Clause d’insaisissabilité. Ϧ2. Fig. Qu’on ne peut saisir ou atteindre : Une rage décuplée par l’insaisissabilité du but (Pergaud). insaisissable [ɛ̃sezisabl] adj. (de in- et de saisissable ; 1770, Brunot, au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 3, 1867, Littré ; sens 4, 1822, V. Hugo ; sens 5, av. 1854, Lamennais ; sens 6, 1959, Robert). 1. En droit, qui ne peut faire l’objet d’une saisie : Les instruments de travail sont insaisissables. Ϧ2. Que l’on ne peut atteindre ou appréhender : Je savais que partout des millions de petits ennemis insaisissables [les fourmis blanches] poursuivaient leur travail invisible (Fauconnier). Ϧ3. Qu’on ne parvient pas à rencontrer : Vous êtes insaisissable, Suzanne chérie (Duhamel). Ϧ4. Que les sens ne peuvent percevoir nettement : Une image insaisissable. Ses yeux, semblables à ceux de lacques, étaient d’une expression insaisissable, trop changeante : tantôt rieurs et câlins, tantôt inquiets (Martin du Gard). Ϧ 5. Fig. Qu’on ne peut percevoir ou saisir par la pensée : Ayons moins de noms, de verbes et d’adjectifs aux sens presque insaisissables, mais plus de phrases différentes (Maupassant). Alors je sentis ce qu’il y avait de douloureux pour moi à ne pouvoir atteindre cet autre plan, plus insaisissable, de sa pensée que décrivait son rire (Proust). Ϧ 6. Se dit de quelqu’un sur qui on ne peut pas avoir prise : Un enfant insaisissable. • SYN. : 2 imprenable ; 3 invisible ; 4 imperceptible, indécelable, indiscernable, insensible ; 5 fugace, fugitif, impalpable ; 6 fuyant, impénétrable, inaccessible. insalissable [ɛ̃salisabl] adj. (de in- et de salir ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers). Qui ne peut pas être sali : Une étoffe insalissable. insalivation [ɛ̃salivasjɔ̃] n. f. (de in- et de salive ; 1843, Landais). Imprégnation des aliments par la salive : L’insalivation est nécessaire à la déglutition des aliments. insalubre [ɛ̃salybr] adj. (lat. insalubris, malsain, de in-, préf. à valeur négative, et de salubris, salutaire, sain [v. SALUBRE] ; 1528, Platine, au sens 1 [rare entre 1611, Cotgrave, et 1787, Féraud] ; sens 2, 1867, Littré). 1. Qui est dépourvu de salubrité ; malsain : Pays, climat, région, appartement insalubre. Ϧ 2. Qui est cause d’insalubrité, de pollution : Une usine, une industrie insalubre. • SYN. : 2 polluant. insalubrement [ɛ̃salybremɑ̃] adv. (de insalubre ; 1838, Acad.). D’une manière insalubre : Une population qui vit insalubrement. insalubrité [ɛ̃salybrite] n. f. (dér. savant de insalubre ; début du XVIe s. [rare entre 1611, Cotgrave, et 1787, Féraud]). Caractère ou état de ce qui n’est pas salubre : L’insalubrité d’un climat, d’un pays, d’un appartement. insane [ɛ̃san] adj. (angl. insane, insensé, qui rend fou [XVIe s.], lat. insanus, déraisonnable, excessif, de in-, préf. à valeur négative, et de sanus, bien portant, sensé ; 1784, Courrier de l’Europe, au sens 1 ; sens 2, 1891, Huysmans]). 1. Qui a perdu la raison (rare) : Une personne insane. Ϧ2. Se dit d’une chose qui est contraire au bon sens : Tous les racontars débités sur lui sont insanes et bêtes (Huysmans). & n. (début du XXe s.). Personne qui n’est pas saine d’esprit : Il riait du rire silencieux des voyants qui possèdent la vérité éternelle et pour qui le reste du monde est composé d’insanes (Martin du Gard). insanité [ɛ̃sanite] n. f. (angl. insanity, aliénation mentale, démence [XVIe s.], lat. insanitas, mauvais état de santé, de insanus [v. l’art. précéd.] ; 1784, Courrier de l’Europe, au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. État de celui qui est dépourvu de raison ou de bon sens : Quel philtre t’a-t-elle fait boire pour te mettre dans cet état d’insanité ? (Theuriet). Ϧ 2. Parole ou action sotte ou déraisonnable : Les Français ont eu l’insanité de discuter quand il n’y avait qu’à combattre (Napoléon). Nous payons cher, aujourd’hui, ces insanités (Martin du Gard). • SYN. 1 délire, démence, déraison, égarement, folie ; 2 ânerie (fam.), bêtise (fam.), extravagance, idiotie, imbécillité, ineptie, sottise, stupidité. insatiabilité [ɛ̃sasjabilite] n. f. (bas lat. insatiabilitas, insatiabilité, du lat. class. insatiabilis [v. l’art. suiv.] ; 1546, Rabelais, au sens 3 ; sens 1-2, 1690, Furetière [insatiableté, forme plus pop., 1611, Cotgrave]). 1. État d’un être animé qui ne peut être rassasié, qui manifeste un appétit exces- sif : L’insatiabilité d’un animal, d’un enfant en pleine croissance. Ϧ2. Caractère d’une chose qu’on ne peut rassasier : L’insatiabilité d’un désir. Ϧ3. Fig. Caractère d’une personne qui n’est jamais satisfaite, qui veut avoir toujours plus : C’est mon insatiabilité qui a tout perdu (Mauriac). L’insatiabilité d’un conquérant. • SYN. : 1 boulimie, gloutonnerie, voracité ; 3 avidité, convoitise, insatisfaction. — CONTR. : 1 anorexie. insatiable [ɛ̃sasjabl] adj. (lat. insatiabilis, qui ne peut être rassasié, dont on ne peut se lasser, de in-, préf. à valeur négative, et de satiare, rassasier, satisfaire, dér. de satis, assez, suffisamment ; fin du XIIIe s., Aimé du Mont-Cassin, écrit insaciable [insatiable, 1529, Bonivard], au sens 2 ; sens 1, début du XVIe s. [écrit insaciable ; insatiable, 1535, Olivétan] ; sens 3, av. 1525, downloadModeText.vue.download 100 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2652 J. Lemaire de Belges [écrit insaciable ; insatiable, milieu du XVIe s.]). 1. Se dit d’un être qui ne peut être rassasié : Un animal insatiable. Un homme affamé semble longtemps insatiable. Ϧ 2. Fig. Se dit d’une personne qui ne peut jamais être satisfaite, dont les désirs ne peuvent être comblés : Il retourna à la fête, où l’entraîna Mme Ewans, insatiable de spectacle et de bruit (France). Un homme insatiable de richesses, de gloire, d’honneurs. Ϧ 3. Se dit d’une chose qui ne peut être assouvie (au pr. et au fig.) : Tantôt voyant pour l’or sa soif insatiable (Racine). Une faim insatiable. • SYN. : 1 boulimique, glouton, vorace ; 2 affamé, altéré, assoiffé, avide ; 3 inapaisable, inassouvissable, inextinguible, insatisfait. & n. (1483, La Jaille, écrit insaciable ; insatiable, XVIe s.). Personne difficile à satisfaire (au pr. et au fig.) : Vouloir satisfaire un insatiable. insatiablement [ɛ̃sasjabləmɑ̃] adv. (de insatiable ; av. 1525, J. Lemaire de Belges, écrit insaciablement ; insatiablement, 1546, Vaganay). De façon insatiable : Insatiablement avide | De l’obscur et de l’incertain (Baudelaire). insatisfaction [ɛ̃satisfaksjɔ̃] n. f. (de in- et de satisfaction ; av. 1622, François de Sales, au sens 2 [le mot semble ne plus être attesté av. 1840, Acad. ; il n’est devenu usuel qu’au début du XXe s. ; « sentiment de celui qui n’est pas satisfait en amour », 1952, Porot] ; sens 1, début du XXe s.). 1. Action de ne pas satisfaire : L’insatisfaction volontaire des sens. En proie à une irrésistible envie d’anisette, dont l’insatisfaction pourrait lui occasionner une fausse couche (Jammes). Ϧ2. État d’une personne ou d’une chose qui n’est pas satisfaite : D’où venait que mon insatisfaction n’était que plus vive ? (Gide). Une insatisfaction qui se cachait au fond de lui (Martin du Gard). Ce sentiment d’insatisfaction, de mécontentement de soi (Romains). ϦSpécialem. Sentiment d’une personne qui n’est pas satisfaite en amour : Pourquoi la plupart des écrivains n’ont-ils vu le drame de l’amour que sous les formes de l’insatisfaction et de la jalousie ? (Vailland). Je devinais [...] toute une vie pleine d’insatisfactions sentimentales (Morand). • SYN. : 1 inassouvissement. — CONTR. : 1 assouvissement ; 2 satisfaction. insatisfait, e [ɛ̃satisfɛ, -ɛt] adj. (de in- et de satisfait ; 1510, texte manuscrit cité dans le FEW [XI, 245 b], puis 1838, Acad., au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s., Huysmans). 1. Qui n’est pas satisfait : J’étais toujours insatisfait de moi (Rostand). Cependant, elle était demeurée insatisfaite, incapable de conduire jusqu’à la finale résolution la symphonie inachevée qui chantait encore en elle (Maurois). Ϧ2. Que l’on n’a pas satisfait : Désir, goût insatisfait. Pour une curiosité insatisfaite [...], il avait raté sa vie (Huysmans). Une tendresse insatisfaite qui les dépassait (Proust). • SYN. : 1 mécontent ; 2 inapaisé, inassouvi, inextinguible. & n. (XXe s.). Personne qui n’est pas satisfaite de son sort : Les classes dirigeantes dressaient contre elles la majorité des insatisfaits (Suarez). insaturable [ɛ̃satyrabl] adj. (de in- et de saturer ; 1482, Flameng, puis 1845, Mollien, au sens 2 ; sens 1, 1803, Boiste). 1. Qui ne peut pas être saturé : Un liquide insaturable. Ϧ 2. Fig. Qui ne peut être comblé : Une curiosité insaturable. insaturé, e [ɛ̃satyre] adj. (de in- et de saturé ; 1840, Acad.). En chimie, non saturé : Composé insaturé. insciemment [ɛ̃sjamɑ̃] adv. (de inscient, fin du XVe s., Godefroy, écrit inscientement ; insciemment, 1523, R. Ét. Rab., V, 168). Sans qu’on le sache (rare) : Les appétits matériels les plus furieux se forment insciemment par des élans d’idéalisme (Flaubert). inscient, e [ɛ̃sjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. insciens, -entis, qui ignore, de in-, préf. à valeur négative, et de sciens, -entis, qui sait, part. prés. adjectivé de scire, savoir ; fin du XIVe s., E. Deschamps, comme n. m., au sens de « ignorant » ; comme adj., au sens actuel, 1867, Littré). Qui n’a pas conscience (rare) : Mais la poésie insciente ? D’où elle résulte ? (Flaubert). inscripteur, trice [ɛ̃skriptoer, -tris] adj. et n. (du lat. inscriptum, supin de inscribere [v. INSCRIRE] ; 1877, Littré). Qui inscrit : Un appareil inscripteur. inscriptible [ɛ̃skriptibl] adj. (du lat. inscriptum, supin de inscribere [v. INSCRIRE] ; 1691, Ozanam, au sens 2 ; sens 1, 1873, Larousse). 1. Qui peut être inscrit (rare) : Un nom inscriptible sur une liste. Ϧ 2. Spécialem. Qu’on peut inscrire dans un périmètre ou une surface donnés : Tous les polygones réguliers sont inscriptibles dans une circonférence. inscription [ɛ̃skripsjɔ̃] n. f. (lat. inscriptio, action d’inscrire sur, inscription, de inscriptum, supin de inscribere [v. INSCRIRE] ; 1444, Bibliothèque du XVe siècle [I, 223], au sens de « fait de s’inscrire comme partie dans un procès » [v. sens 2] ; sens 1, v. 1510, J. Lemaire de Belges [« indication succincte placée dans un lieu public... », 1690, Furetière] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1721, Trévoux ; sens 4, XVIe s., Loisel ; sens 5, 1835, Acad. [aussi « administration qui effectue ce recensement »] ; sens 6, 1690, Furetière). 1. Ce qui est inscrit ; ensemble des caractères gravés ou écrits sur un monument ou une médaille pour consacrer le souvenir de quelqu’un ou de quelque chose : Une inscription cunéiforme. L’académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Une inscription funéraire. Les murs étaient humides, rongés d’inscriptions (Carco). Une oeuvre de ferronnerie baroque plantée sur le trottoir se complétait de l’inscription MÉTRO (Queneau). Ϧ Indication succincte placée dans un lieu public ou dans la rue : L’inscription d’un panneau indicateur. Les inscriptions des enseignes et des murailles | Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent (Apollinaire). Ϧ 2. Action d’inscrire quelqu’un ou quelque chose quelque part : L’inscription d’un nom, d’une personne sur un registre. Faire l’inscription de quelqu’un sur les listes électorales. ϦInscription hypothécaire, mention faite, aux registres du conservateur des hypothèques, de l’hypothèque dont une propriété est grevée. Ϧ3. Spécialem. Action d’inscrire quelqu’un ou de s’inscrire auprès d’une faculté pour en suivre les cours, ou en vue d’un examen : Il [un étudiant en médecine] avait dû vivre comme un chien errant [...], passant les nuits à de basses besognes, pour pouvoir prendre ses inscriptions (Zola). Ϧ 4. Inscription de faux, acte par lequel on affirme officiellement qu’un acte est entaché de faux. Ϧ5. Inscription maritime,action d’inscrire sur un registre destiné à cet effet, pour les recenser, les marins professionnels ou les personnes qui doivent ou veulent effectuer leur service militaire dans la marine nationale. Ϧ Administration qui effectue ce recensement. Ϧ6. En mathématiques, action d’inscrire quelque chose dans une surface ou un périmètre donnés : L’inscription d’un polygone régulier dans une circonférence. • SYN. : 1 épigraphe, épitaphe, exergue, graffiti, légende ; 2 enregistrement, immatriculation, transcription. inscrire [ɛ̃skrir] v. tr. (francisation, d’après écrire, du lat. inscribere, écrire sur, inscrire, assigner, attribuer, intituler, de in-, préf. marquant la localisation, et de scribere, tracer, écrire ; 1474, Bartzsch, au sens 1 [enscrire, forme plus pop., XIIIe s., Médicinaire liégeois] ; sens 2, 1962, Larousse ; sens 3, v. 1770, J.-J. Rousseau ; sens 4, 1644, Descartes ; sens 5, 1611, Cotgrave ; sens 6, 1873, Larousse). 1. Porter sur un registre ou une liste une mention que l’on veut conserver : Inscrire un nom, un candidat sur une liste. Inscrire une dette. Ϧ 2. Fig. Noter, enregistrer afin de conserver soigneusement : Inscrire une date, un nom dans sa mémoire. Ϧ3. Fig. Faire entrer dans un ensemble : Inscrire quelqu’un au nombre de ses amis. Inscrire un projet dans les réalisations prochaines du gouvernement. Ϧ 4. Spécialem. En mathématiques, tracer une figure de façon que tous ses sommets soient sur le périmètre d’une figure dite circonscrite ou tangente à ses côtés : Inscrire un polygone dans une circonférence, une circonférence dans un triangle. Je puis, non seulement, reproduire assez bien l’essentiel de la forme d’un coquillage, downloadModeText.vue.download 101 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2653 mais encore en figurer quantité d’autres, dont les uns seraient inscrits dans un cône, comme celui-ci que j’examine (Valéry). Ϧ5. Écrire, graver sur une matière dure, solide : Inscrire une épitaphe sur une pierre tombale. Inscrire les initiales de quelqu’un sur l’écorce d’un arbre. Ϧ6. Fig. Laisser une marque en creux, une marque indélébile : Les ans ont inscrit des rides sur son front. • SYN. : 1 enregistrer, immatriculer, mentionner, noter, porter, relever, répertorier, transcrire ; 2 graver ; 3 inclure ; 6 buriner, empreindre, imprimer, incruster. & s’inscrire v. pr. (sens 1, 1636, Monet ; sens 2, 1924, Montherlant ; sens 3, 1611, Cotgrave [aussi « s’élever contre quelque chose, opposer un démenti »] ; sens 4, av. 1874, Michelet ; sens 5, av. 1813, Delille). 1. Mettre son nom sur une liste ou un registre : J’allai tous les jours savoir des nouvelles de la malade, sans cependant m’inscrire ni laisser ma carte (Dumas). Ϧ 2. Spécialem. Donner son adhésion : S’inscrire à un parti, à une organisation. Ϧ 3. S’inscrire en faux, en termes de droit, se déclarer prêt à soutenir devant la justice qu’une pièce produite par la partie adverse est fausse ; dans le langage courant, s’élever contre quelque chose, opposer un démenti : Je m’inscris en faux contre vos paroles, vos affirmations. Ϧ4. Fig. Prendre place dans un ensemble : Une opération militaire qui s’inscrit dans le cadre d’une offensive. Dans la courbe de la Garonne, s’inscrit, non sans quelque grâce, le beau torrent de l’Adour (Michelet). La rue Botzaris s’inscrit au flanc du parc des Buttes-Chaumont, dans une longue courbe plantée de gazon pâle (Carco). Ϧ 5. Être gravé sur : Comme les noms illustres s’inscrivent au coin des rues et nous enseignent où nous sommes, ils s’inscrivent aussi aux carrefours et aux points multiples de notre mémoire intellectuelle (Valéry). • SYN. : 2 adhérer, s’affilier ; 4 s’insérer, se situer. inscrit, e [ɛ̃skri, -it] adj. (part. passé inscrit, e [ɛ̃skri, -it] adj. (part. passé de inscrire ; début du XVIe s., aux sens de « marqué d’une inscription », « intitulé » ; sens 1, 1748, Montesquieu ; sens 2, 1835, Acad.). 1. Qu’on a inscrit : Candidat inscrit. Ϧ2. Orateur inscrit, orateur qui s’est fait porter sur la liste de ceux qui doivent prendre la parole. & n. (sens 1, 1873, Larousse ; sens 2, 1er févr. 1864, Revue des Deux Mondes, p. 735 ; sens 3, milieu du XXe s.). 1. Personne dont le nom est inscrit sur une liste : Les inscrits ont seuls des droits dans le partage des biens d’un failli. Ϧ 2. Spécialem. Inscrit maritime, personne figurant sur les listes de l’inscription maritime et ayant effectué, ou devant effectuer, son service militaire dans la marine nationale. Ϧ3. Personne qui a donné son adhésion à un parti, une ligue ou une organisation : Un parti qui a trois cent cinquante mille inscrits. • SYN. : 3 adhérent, affilié. inscrivant, e [ɛ̃skrivɑ̃, -ɑ̃t] n. (part. prés. de inscrire ; 1804, Code civil). En droit, personne qui demande l’inscription d’une hypothèque. inscrutable [ɛ̃skrytabl] adj. (bas lat. inscrutabilis, qui ne peut être scruté, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et du bas lat. scrutabilis, qu’on peut scruter, sonder, dér. du lat. class. scrutari, fouiller, explorer, rechercher ; XVe s., Delboulle). Qu’on ne peut pas scruter : Un mûr d’albâtre gris, inscrutable à l’oeil (Barbey d’Aurevilly). Mais son instinct le portait vers lui, avec une douceur protectrice, une prédilection inscrutable (Rosny aîné). • SYN. : impénétrable, incompréhensible, insaisissable. insculpation [ɛ̃skylpasjɔ̃] n. f. (de insculper ; 1813, Saint-Hilaire). Marque de contrôle des poids et mesures. insculper [ɛ̃skylpe] v. tr. (lat. insculpere, graver sur, de in-, préf. marquant la localisation, et de sculpere, sculpter, graver ; début du XVIe s.). Dans les arts du métal, frapper, marquer d’un poinçon. insécabilité [ɛ̃sekabilite] n. f. (dér. savant de insécable ; 1845, Bescherelle). Caractère, état de ce qui est insécable : Pareil à l’anneau de fumée, le système tout d’énergies intérieures prétend merveilleusement à une indépendance et à une insécabilité parfaites (Valéry). insécable [ɛ̃sekabl] adj. (lat. insecabilis, qui ne peut être coupé, indivisible, de in-, préf. à valeur négative, et de secare, couper, découper ; 1570, Hervet). Qui ne peut être coupé, divisé : Il y a des langues où le mot se laisse définir aisément comme une unité indépendante et insécable (Vendryes). « Atome » signifie « insécable ». • SYN. : indivisible. — CONTR. : divisible, sécable. insecouable [ɛ̃səkwabl] adj. (de in- et de secouer ; 1764, Voltaire). Qu’on ne peut secouer, dont on ne peut se défaire : Un insecouable remords grandissait en lui (Bourget). insecourable [ɛ̃səkurabl] adj. (de in- et de secourable ; XVIe s., La Curne, puis 1840, Acad.). Qui ne peut être secouru, aidé : Ceux-là sont les plus insecourables (car il en est) qui ne doivent qu’à eux-mêmes l’atroce impossibilité du bonheur (Gide). insectarium [ɛ̃sɛktarjɔm] n. m. (de insect[e], avec le suff. lat. -arium, qui indique la relation — généralement locale — existant entre le dér. et l’objet dénommé par le radical ; 1922, Larousse). Établissement scientifique où l’on conserve et élève les insectes. insecte [ɛ̃sɛkt] n. m. (lat. insecta, les insectes [neutre plur. substantivé de insectus, part. passé de insecare, couper, disséquer, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de secare, couper, découper], trad. du gr. entoma, même sens [neutre plur. substantivé de entomos, incisé, entaillé, dér. de entemnein, tailler dans, entailler, de en-, préf. marquant la localisation, et de temnein, couper, découper], les insectes ayant été ainsi nommés à cause des étranglements qui apparaissent sur leur corps ; 1542, Du Pinet, au sens 1 [« tout animal invertébré très petit », 1690, Furetière] ; sens 2, 1668, La Fontaine ; sens 3, av. 1696, La Bruyère). 1. Animal invertébré de l’embranchement des articulés, dont le corps, entouré d’une peau à chitine, est formé de trois parties : la tête (avec deux antennes, deux yeux composés, six pièces buccales), le thorax (avec trois paires de pattes, souvent deux paires d’ailes) et l’abdomen (portant les orifices, ou stigmates, où arrivent les tra- chées respiratoires) : Insectes, papillons, essaims nageants de mouches, | Qui d’un éther vivant semblaient former les couches (Lamartine). Ϧ Par extens. Tout animal invertébré très petit : Débarrassez-moi de ces cloportes et de ces scolopendres qui sont des insectes répugnants. Ϧ 2. Class. Terme qui désignait également tous « les animaux qui vivent après qu’ils sont coupés en plusieurs parties, comme la grenouille qui vit sans coeur et sans tête, les lézards, serpents, vipères, etc. » (Furetière, 1690) : L’insecte [le serpent coupé par le manant], sautillant, cherche à se réunir (La Fontaine). Ϧ 3. Péjor. Personne chétive, insignifiante ou méprisable : [Caligula à Merlia :] Toi, insecte, tu t’opposes à mes projets ? (Camus). insecticide [ɛ̃sɛktisid] adj. (de insecti-, élément tiré de insecte, et de -cide, du lat. caedere, abattre, tuer ; 1859, Mozin). Qui détruit les insectes : Une poudre insecticide. & n. m. (sens 1, 1858, Nysten ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Produit utilisé dans la lutte contre les insectes, sous forme liquide, gazeuse, de poudre, d’appât : La nicotine, le D. D. T. sont des insecticides. Répandre de l’insecticide sur un marécage. Ϧ2. Littér. Celui qui tue les insectes : J’avance le doigt, elle [la mouche] éclate, je suis joué ! Il ne fallait pas la tuer, bon Dieu ! De toute la création, c’était le seul être qui me craignait ; je ne compte plus pour personne. Insecticide, je prends la place de la victime et deviens insecte à mon tour. Je suis mouche, je l’ai toujours été (Sartre). insectifuge [ɛ̃sɛktifyz] adj. et n. m. (de insecti-, élément tiré de insecte, et de -fuge, du lat. fugare, mettre en fuite, dér. de fuga, fuite ; 1931, Larousse). Se dit des substances propres à éloigner les insectes : Le pyrèthre est un insectifuge. insectillice [ɛ̃sɛktilis] adj. et n. m. (de insecti-, élément tiré de insecte, et du lat. [al] licere, attirer à soi, de ad-, préf. marquant le mouvement vers, et de lacere, attirer, faire tomber [dans un piège] ; 1962, Larousse). downloadModeText.vue.download 102 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2654 Se dit des substances aptes à attirer les insectes en vue de leur destruction. • CONTR. : insectifuge. insectivore [ɛ̃sɛktivɔr] adj. et n. m. (de insecti-, élément tiré de insecte, et de -vore, du lat. vorare, dévorer ; 1778, Buffon [plantes insectivores, 1931, Larousse]). Qui se nourrit exclusivement ou principalement d’insectes : Le lézard et l’hirondelle sont des animaux insectivores. ϦPlantes insectivores, syn. de PLANTES CARNIVORES. & insectivores n. m. pl. (1817, Cuvier). Ordre de mammifères comprenant des espèces de petite taille, qui se nourrissent d’insectes et d’autres menues proies vivantes : Le hérisson et la taupe sont des insectivores. insécurité [ɛ̃sekyrite] n. f. (de in- et de sécurité ; 1794, Pougens). Manque de sécurité ; état de ce qui n’est pas sûr : L’insécurité qui règne dans une région. L’insécurité d’un emploi. Il en résulta une impression d’insécurité si pénible qu’elle se leva (Martin du Gard). • SYN. : danger, instabilité, précarité. inséductible [ɛ̃sedyktibl] adj. (de in- et de séductible, qu’on peut séduire [1818, Stendhal], bas lat. seductibilis, facile à séduire [de seductum, supin du lat. class. seducere, emmener à l’écart, et, dans la langue ecclés. de basse époque, « corrompre »], ou dér. savant du franç. séduire ; 22 mai 1874, Journ. officiel, p. 3464). Qui ne peut être séduit (rare) : Une femme devenue inséductible (Barbey d’Aurevilly). I. N. S. E. E. (1946, date de la création de cet Institut), sigle de INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES. in-seize [insɛz] adj. invar. (de in 2 et de seize ; 1627, Peiresc). Se dit du format d’un livre où chaque feuille d’impression, présentant quatre plis, forme 16 feuillets, soit 32 pages : Format, volume, édition in-seize. & n. m. invar. (1680, Richelet). Format, volume in-seize : Un in-seize. • REM. On écrit aussi, par abrév., IN-16. inselberg [insəlbɛrg] n. m. (mot norvégien ou allem. signif. proprem. « montagneîle », de insel, île, et de berg, montagne ; 1962, Larousse). Dans les régions tropicales et désertiques, butte qui se dresse au-dessus de plaines d’érosion : Les inselbergs de l’Afrique australe. • Pl. des INSELBERGS ou INSELBERGE. inséminateur, trice [ɛ̃seminatoer, -tris] adj. et n. (de inséminat[ion] ; 1962, Larousse). Technicien qui pratique l’insémination artificielle des animaux. insémination [ɛ̃seminasjɔ̃] n. f. (du lat. inseminatum, supin de inseminare [v. INSÉMINER] ; 1694, Th. Corneille, au sens 1 ; sens 2 [de inséminer], 1952, Larousse [aussi insémination artificielle — insémination, même sens, 1931, Larousse]). 1. Autref. Pratique superstitieuse qui consistait à jeter dans de la terre fraîchement remuée quelque chose venant d’une partie malade, et à y semer une plante, laquelle, pensait-on, était propre à guérir la maladie. Ϧ2. Dépôt de la semence du mâle dans les voies génitales de la femelle. Ϧ Insémination artificielle, ou, par abrév., insémination, procédé par lequel on introduit le sperme dans les voies génitales de la femelle sans qu’il y ait copulation ou rapport sexuel : L’insémination artificielle de la femme est limitée à quelques cas restreints. Chez les animaux, l’utilisation de l’insémination artificielle a permis une amélioration des races. inséminé, e [ɛ̃semine] adj. (de in- et du lat. semen, -minis, graine, semence ; 1902, Larousse). Se dit d’un fruit dépourvu de graines à maturité, et, par extens., des plantes dicotylédones dont les fruits répondent à cette caractéristique. inséminer [ɛ̃semine] v. tr. (lat. inseminare, semer dans, répandre dans, féconder, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de seminare, semer, pro-créer, engendrer, dér. de semen, -minis, graine, semence ; 1931, Larousse). Féconder une femelle par insémination artificielle. insensé, e [ɛ̃sɑ̃se] adj. et n. (bas lat. ecclés. insensatus, insensé, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et du bas lat. sensatus, sensé, dér. du lat. class. sensus, sensation, sentiment, intelligence, de sensum, supin de sentire, sentir, éprouver, comprendre ; v. 1485, Mystère de saint Adrien, comme adj., et 1538, R. Estienne, comme n.). Littér. Qui n’a pas ou n’a plus sa raison, dont les actes sont contraires au bon sens, à la mesure : Un homme insensé. Et comme un insensé je marchais à grands pas (Lamartine). Puis on n’entendit plus rien pendant deux minutes, qui firent de nous des insensés (Maupassant). • SYN. : cinglé (fam.), dément, déséquilibré, dingue (pop.), fou, maboul (pop.), piqué (fam.), timbré (fam.), toqué (fam.). — CONTR. : sage, sain, sensé. & adj. (sens 1, av. 1502, O. de Saint-Gelais ; sens 2, 1647, Corneille). 1. Qui n’est pas conforme au bon sens, à la raison : Projets, propos, actes insensés. Puis, s’échappant soudain d’une course insensée [...], | Il courut vers les bords d’un abîme sans fond (Lamartine). Ϧ2. Qui n’est pas normal, qui a un caractère excessif, extravagant : Travail insensé. Accoutrement insensé. Emportant à plein vol l’Espérance insensée (Leconte de Lisle). Cet élan du sang et du corps qui me piquait les yeux d’une joie insensée (Camus). • SYN. : 1 absurde, déraisonnable, fou ; 2 aberrant, délirant, échevelé, effréné, enragé, forcené, frénétique, monstrueux. — CONTR. : 1 raisonnable, sage, sensé ; 2 convenable, fondé, juste, modéré, normal. insensibilisateur [ɛ̃sɑ̃sibilizatoer] n. m. (dér. savant de insensibiliser ; 1873, Larousse). Syn. peu usité de ANESTHÉSIQUE. insensibilisation [ɛ̃sɑ̃sibilizasjɔ̃] n. f. (de insensibiliser ; 1902, Larousse [aussi au sens de « anesthésie locale »]). Action de rendre insensible à la douleur ; abolition de la sensibilité. ϦSpécialem. Se dit communément pour ANESTHÉSIE LOCALE. insensibiliser [ɛ̃sɑ̃sibilize] v. tr. (dér. savant de insensible ; 1784, Proschwitz, au sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Priver d’une certaine sensibilité : Il espéra qu’elle n’était qu’insensibilisée par l’extase (Huysmans). Ϧ2. Spécialem. Priver de la sensibilité à la douleur : Insensibiliser un malade, un membre, un organe. •SYN. : 2 anesthésier, chloroformer, endormir. insensibilité [ɛ̃sɑ̃sibilite] n. f. (bas lat. insensibilitas, insensibilité, du lat. impér. insensibilis [v. INSENSIBLE] ; 1314, Mondeville, au sens I, 1 [aussi insensibleté, forme plus pop.] ; sens I, 2, 1588, Montaigne [« indifférence à l’amour », 1666, Corneille] ; sens I, 3, av. 1662, Pascal ; sens II, 1962, Larousse). I. 1. État d’un être, d’un organe qui est dépourvu de sensibilité physique : Insensibilité à la douleur. L’insensibilité d’une partie du corps est obtenue au moyen des anesthésiques locaux. Je n’avais plus que de courts réveils d’un instant, le temps [...] de goûter, grâce à une lueur momentanée de conscience, le sommeil où étaient plongés les meubles, la chambre, le tout dont je n’étais qu’une petite partie et à l’insensibilité duquel je retournais vite m’unir (Proust). Ϧ 2. État d’une personne dépourvue de sensibilité, d’affectivité, qui est incapable de certaines émotions, de certains sentiments, en particulier de sympathie, de compassion pour autrui : L’insensibilité des gens du monde est moins barbare que leur commisération (Rousseau). Il avait l’insensibilité des médecins, pour qui la souffrance des autres signifie expérience, profit, intérêt professionnel (Martin du Gard). Ϧ Spécialem. et littér. Indifférence à l’amour. Ϧ 3. État d’une personne qui reste insensible, indifférente à certaines réalités d’ordre intellectuel ou esthétique : Insensibilité artistique. Son insensibilité à la musique est complète. La sensibilité de l’homme aux petites choses et l’insensibilité pour les grandes choses, marque d’un étrange renversement (Pascal). J’étais d’une insensibilité totale devant tout texte scolaire (Lacretelle). II. En cybernétique, état où le facteur d’influence d’une grandeur perturbatrice downloadModeText.vue.download 103 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2655 sur une grandeur réglée peut être considéré comme nul. • SYN. : I, 2 apathie, détachement, froideur, impassibilité, indifférence ; 3 désaffection, désintérêt, imperméabilité, incompréhension. insensible [ɛ̃sɑ̃sibl] adj. (lat. impér. insensibilis, incompréhensible, qui ne peut sentir, insensible, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et sensibilis, qui tombe sous les sens, sensible, de sensum, supin de sentire, sentir, éprouver, comprendre ; v. 1220, Coincy, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1314, Mondeville [« qui ne montre pas la sensibilité normale, habituelle à l’égard de certains agents physiques », av. 1778, Voltaire] ; sens I, 3, 1640, Corneille [absol., 1370, Oresme] ; sens I, 4, 1673, Molière [absol., 1662, Corneille ; ne pas être insensible, XXe s.] ; sens I, 5, 1642, Corneille ; sens II, 1, 1370, Oresme ; sens II, 2, 1580, Montaigne). I.SENS SUBJECTIF 1.Qui est dépourvu de sensibilité physique, qui n’éprouve aucune sensation : Les minéraux sont insensibles. Ossements desséchés, insensible poussière, | Levez-vous, recevez la vie et la lumière (Lamartine). Ϧ 2. Se dit d’un être animé, d’un organisme ou d’une partie d’un organisme qui n’éprouve pas ou n’éprouve plus certaines sensations physiques : Insensible au chaud, au froid. L’anesthésie rend insensible à la douleur. L’oeil est insensible à l’infrarouge. Ϧ Spécialem. Qui ne montre pas la sensibilité normale, habituelle à l’égard de certains agents physiques : Bientôt les chiens pénètrent dans le taillis [...], insensibles aux piqûres des épines (Pergaud). Ϧ 3. Se dit d’une personne qui n’est pas sensible à certaines émotions, accessible à certains sentiments : Un homme insensible à la pitié. Insensible aux injures, aux éloges. Ϧ Absol. Qui est dépourvu de toute sensibilité, de toute faculté de s’émouvoir ou de sympathiser : Nature insensible. Coeur insensible. Est-ce que vous serez à ce point insensible | De nous savoir couchés, morts avec nos amours, | Et de toujours sourire et de chanter toujours ? (Hugo). Une telle détresse le laisse insensible. Ϧ 4. Spécialem. et littér. Indifférent en amour : Elle est restée insensible à toutes ses avances ; et absol. : Femme insensible. Ϧ Ne pas être insensible, être passionné. Ϧ 5. Qui n’est pas accessible à certaines réalités d’ordre intellectuel ou esthétique : Être insensible à la poésie, à la musique, à la beauté d’un texte. Il a été impossible de le convaincre : il est demeuré insensible à tous les arguments. Je fus insensible et froid à ce spectacle que tant de voyageurs viennent admirer de mille lieues (Lamartine). Il était insensible aux charmes d’un joli visage (France). II. SENS OBJECTIF 1. Qui ne peut être senti, perçu, ou qui est très difficile à percevoir : Une diminution de clarté insensible. Une différence insensible. La marche des astres est insensible. Entre les sens des deux termes, la nuance est insensible. Ϧ 2. Qui se fait graduellement, sans attirer l’attention : Des progrès insensibles, mais réels. • SYN. : I, 2 dur, endurci ; 3 étranger, imperméable, inaccessible ; adamantin (poétiq.), desséché, froid, indifférent, sec ; 4 cruel ; 5 rebelle, réfractaire, sourd. Ϧ II, 1 imperceptible, indiscernable, insaisissable, invisible, léger. & n. (sens 1, 1694, Acad. ; sens 2, 1644, Corneille). 1. Personne dépourvue de sensibilité, de sentiments : C’est un insensible. Ϧ 2. Vx. Personne indifférente à l’amour : Une belle insensible. insensiblement [ɛ̃sɑ̃sibləmɑ̃] adv. (de insensible ; 1314, Mondeville, au sens de « sans manifester de sensibilité physique » ; sens 1, 1580, Montaigne ; sens 2, 1571, R. Ét. Rab., II). 1. De façon insensible, sans que cela se remarque, se fasse sentir : La maison respire, mais doucement, insensiblement, à la manière des bêtes hibernantes (Duhamel). Ϧ 2. De façon peu sensible, par degrés, progressivement : La paresse consume insensiblement toutes les vertus (La Rochefoucauld). Peu après, avec les tramways plus rares et la nuit déjà noire audessus des arbres et des lampes, le quartier s’est vidé insensiblement (Camus). • SYN. : 1 doucement, imperceptiblement ; 2 graduellement, petit à petit, peu à peu. inséparabilité [ɛ̃separabilite] n. f. (bas lat. inseparabilitas, union indissoluble, du lat. class. inseparabilis [v. l’art. suiv.] ; fin du XIVe s., Godefroy). Caractère, état de ce qui est inséparable : L’inséparabilité de toutes les choses qui sont en Dieu (Descartes). inséparable [ɛ̃separabl] adj. (lat. inseparabilis, inséparable, indivisible, de in-, préf. à valeur négative, et de separabilis, séparable, dér. de separare, séparer [au pr. et au fig.], de se-, préf. marquant la disjonction, et de parare, arranger ; v. 1282, Gauchi, au sens de « indissoluble [en parlant d’un mariage] » ; sens 1, 1545, Bonivard [« qui est formé d’éléments qu’on ne peut séparer », av. 1924, A. France] ; sens 2, 1607, Maupas). 1. Se dit d’une chose qui ne peut être séparée d’une autre : Les noms sont inséparables des choses (Pascal). La justice est inséparable de la bonté (Rousseau). ϦPar extens. Qui est formé d’éléments qu’on ne peut séparer : Doucement, cette tapissière se cale au ras des voitures et contribue à former un nougat inséparable de véhicules (France). Ϧ2. En linguistique, se dit d’un élément que l’on ne trouve jamais en dehors des mots composés qu’il sert à former : RE-, dans « retourner », « regrouper », est un préfixe inséparable. • SYN. : 1 indissociable, inhérent ; insécable, indivisible. — CONTR. : 1 dissociable ; divisible, sécable ; 2 séparable. & adj. et n. (1680, Richelet [au plur., 1690, Furetière]). Se dit d’une personne qui entretient d’étroites relations d’amitié avec une autre ou avec d’autres : Marthe [...] avait fini par devenir l’inséparable de Rose Froment, de même âge, jolie comme elle (Zola). Avoir cru quelqu’un inséparable d’avec nous (Sainte-Beuve). Ϧ Spécialem. Au pluriel, se dit de personnes qui ne se quittent pas volontiers, qu’on rencontre toujours ou presque toujours ensemble : Des amis inséparables. Des inséparables. Nous n’étions pas arrivés à Rome que le beau voyageur et moi nous étions déjà inséparables (Lamartine). Les anciens inséparables se fuient (Hermant). & inséparables n. m. ou f. pl. (1867, Littré). Nom donné par les oiseliers à certaines perruches qui ne vivent généralement bien que par couples. inséparablement [ɛ̃separabləmɑ̃] adv. (de inséparable ; XIVe s., Nature à l’alchimie). De façon inséparable, indissoluble : Ils sont unis inséparablement. insérable [ɛ̃serabl] adj. (de insérer ; 1838, Acad.). Qui peut être inséré : Juger un article insérable dans une publication. insérer [ɛ̃sere] v. tr. (lat. inserere, mettre dans, introduire, mêler, intercaler, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de serere, entrelacer, tresser ; 1319, Coutumes d’Anjou, au sens 2 ; sens 1, 1599, Hornkens ; sens 3, 1636, Monet [un/une prière d’insérer, 1931, Larousse] ; sens 4, 1873, Larousse [art. insertion]). [Conj. 5 b.] 1. Introduire quelque chose dans ou sous autre chose, de façon à l’y incorporer : Insérer une greffe sous l’écorce d’un arbre, un vaccin sous la peau. Insérer une lettre dans une enveloppe. Ϧ 2. Introduire un texte dans un autre de manière à l’y intégrer : Insérer une clause dans un contrat. Ϧ 3. Imprimer, parmi d’autres choses, dans une publication : Insérer une annonce, un communiqué dans un journal. Ϧ Un ou une prière d’insérer, formule par laquelle un éditeur prie les revues ou les journaux de publier dans leurs colonnes certaines indications sur un nouvel ouvrage ; se dit aussi de la feuille contenant cette formule, et qui accompagne le plus souvent l’envoi du volume. Ϧ 4. Insérer des moyens entre deux termes d’une progression, en mathématiques, former une progression plus serrée ayant pour termes extrêmes les deux termes donnés. • SYN. : 1 emboîter, encarter, encastrer, enchâsser, enchatonner, enclaver, fourrer (fam.), glisser, inclure, sertir ; 2 incorporer, intercaler, interpoler. & s’insérer v. pr. (sens 1, v. 1560, Paré [en botanique, 1873, Larousse] ; sens 2, 1873, Larousse [en parlant de personnes, XXe s. — inséré, « placé dans un ensemble », 1541, Calvin] ; sens 3, 1962, Larousse [en parlant d’une personne, 1900, Bergson]). 1. S’insérer sur, en parlant d’une partie downloadModeText.vue.download 104 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2656 anatomique, être attaché sur : Un muscle qui s’insère sur un os ; en botanique, être fixé, implanté dans : Étamines insérées sur l’ovaire. Ϧ2. Trouver place dans un ensemble : Où cela s’insère-t-il ? Une mesure qui s’insère dans un ensemble de réformes ; et en parlant de personnes : Ils se remuèrent pour permettre aux nouveaux venus de s’insérer au milieu d’eux (Queneau). Ϧ 3. Fig. Trouver sa place, être intégré dans autre chose : Déjà la fiction s’insérait dans le réel (Mauriac) ; et en parlant de personnes : Une minorité qui a eu de la difficulté à s’insérer dans la société du pays où elle s’est fixée. • SYN. : 1 s’implanter ; 2 s’agréger, s’inscrire, s’intégrer, s’introduire. insermenté [ɛ̃sɛrmɑ̃te] adj. et n. m. (de in- et de sermenté, qui a prêté serment à la Constitution civile du clergé [1792, Brunot], dér. de serment ; 1792, Frey). Se dit du clergé qui, sous la Révolution, refusa de prêter serment à la Constitution civile du clergé (1790) : Le maire croyait à un prêtre insermenté, venu de la Vendée (Balzac). Ils [mes aïeux paysans] sauvèrent au péril de leur vie un prêtre insermenté (Claudel). •REM. On dit aussi et plus souvent RÉFRACTAIRE les prêtres qui acceptèrent de prêter serment étant appelés ASSERMENTÉS, JUREURS OU CONSTITUTIONNELS. insert [insɛrt ou ɛ̃sɛr] n. m. (mot angl., insert [insɛrt ou ɛ̃sɛr] n. m. (mot angl., de to insert, insérer, placer au milieu de, du lat. insertum, supin de inserere [v. INSÉRER] ; 1968, Larousse, aux sens 1-2). 1. Plan cinématographique destiné à mettre en valeur un détail descriptif utile à la compréhension de la scène. Ϧ2. Texte filmé par une caméra spéciale et destiné à être inséré parmi des vues photographiques réelles. insertion [ɛ̃sɛrjɔ̃] n. f. (bas lat. insertio, insertion, greffe, action de greffer, de insertum, supin du lat. class. inserere [v. INSÉRER] ; 1535, Biggar [p. 547], au sens I, 1 ; sens I, 2, 1690, Furetière ; sens I, 3, 1806, Code de procédure civile [aussi insertion légale] ; sens I, 4, 1873, Larousse [« fait d’intercaler une lettre à l’intérieur d’un mot », 1690, Furetière] ; sens I, 5, 1873, Larousse ; sens II, 1, 1690, Furetière [« manière dont une partie anatomique s’insère... sur une autre », 1562, Paré] ; sens II, 2, 1690, Furetière ; sens Il, 3, 28 avr. 1966, le Monde). I. 1. Action d’insérer ; état de ce qui est inséré : L’insertion d’un encart dans un volume. Ϧ 2. Action d’introduire un texte dans un autre, de l’y ajouter en l’incorporant : Insertion d’une clause dans un contrat. Ϧ3. Action de publier ou de faire publier un texte : L’insertion d’une annonce dans un journal. Ϧ Insertion légale, ou simplem. insertion, publication dans la presse prévue par la loi ou par une décision judiciaire : Insertion d’un acte de société, du jugement d’un procès en diffamation. Ϧ 4. En phonétique, introduction d’une consonne dans un groupe de phonèmes, qui a pour effet de rendre plus facile l’articulation du groupe tout entier (ex. : lat. num[e]rum > franç. nom’re > nombre). [On dit plutôt ÉPENTHÈSE.] Ϧ 5. En mathématiques, action d’insérer des moyens entre deux termes d’une progression arithmétique ou géométrique. II. 1. Le fait de s’insérer dans ou sur quelque chose ; son résultat : L’insertion des feuilles sur la tige a lieu au niveau des noeuds. Les modes d’insertion des lames de champignon sur le pied. Ϧ Spécialem. Manière dont une partie anatomique s’insère, s’attache sur une autre : L’insertion d’un muscle sur un os peut être directe ou indirecte (par l’intermédiaire d’un tendon, d’une aponévrose). L’insertion des organes floraux est identique chez tous les végétaux de la même espèce. Ϧ 2. Région, surface d’attache ou de fixa- tion d’un organe sur un autre : Insertion des fibres musculaires de la capsule sur un os. Ϧ 3. Fig. Action de s’insérer dans un ensemble, d’y entrer en tant que partie intégrante. • SYN. : I, 2 incorporation, introduction ; 3 publication. ϦII, 1 implantation ; 3 intégration. inservable [ɛ̃sɛrvabl] adj. (de in- et de servir ; 11 août 1875, Journ. officiel, p. 6652). Qui ne peut être servi, présenté : Un plat inservable à des invités. inserviabilité [ɛ̃sɛrvjabilite] n. f. (dér. savant de inserviable ; 1920, Proust). Inaptitude à se montrer serviable : Moins foncièrement atteint qu’elle d’inserviabilité (Proust). inserviable [ɛ̃sɛrvjabl] adj. (de in- et de serviable ; 1576, Sasbout). Se dit d’une personne qui n’est pas serviable. insexualité [ɛ̃sɛksɥalite] n. f. (dér. savant de insexuel ; 1882, Goncourt). État des êtres dépourvus de caractères sexuels : Les actrices, dans cette période de l’incubation d’un rôle, et surtout dans le labeur agaçant et contrariant des répétitions, elles sont comme enveloppées d’austérité, de froideur, d’insexualité (Goncourt). Quelquefois, un poète d’une race ayant aussi une individualité particulière pour un zoologiste (caractérisée par une certaine insexualité) se promenait avec une Muse (Proust). insexué, e [ɛ̃sɛksɥe] adj. (de in- et de sexué ; 1907, Larousse [a remplacé insexé, même sens — de in- et de sexe —, 1805, Lunier]). Qui n’a pas de sexe, de différenciation sexuelle. • REM. On dit plus souvent ASEXUÉ, E. insexuel, elle [ɛ̃sɛksɥɛl] adj. (de in- et de sexuel ; 1864, Goncourt, au sens 1 ; sens 2, av. 1872, Th. Gautier). 1. Qui n’a pas de préoccupations sexuelles (rare) : Bien qu’il eût perdu tout soupçon sur elle, tant il la croyait insexuelle, il la surveillait toujours avec une attention curieuse (Maupassant). Ϧ 2. Qui n’est pas différencié sexuellement : L’être bizarre, presque insexuel, moitié enfant, moitié lutin (Gautier). insidieusement [ɛ̃sidjøzmɑ̃] adv. (de insidieux ; av. 1525, J. Lemaire de Belges). D’une manière insidieuse : Glisser insidieusement une remarque désobligeante. insidieux, euse [ɛ̃sidjø, -øz] adj. (lat. insidiosus, qui dresse des embûches, plein d’embûches, du n. f. pl. insidiae, embûches, pièges, dér. de insidēre, être assis dans ou sur, occuper, de in-, préf. marquant la localisation, et de sedēre, être assis, siéger, séjourner ; 1420, Dict. général, au sens 1 [rare av. le XVIIe s. ; « qui n’est pas direct », XXe s.] ; sens 2, 1784, Beaumarchais ; sens 3, 1934, G. Duhamel ; sens 4, 1765, Encyclopédie). 1. Qui constitue un piège ou une embûche, ou qui contient des pièges : Promesse insidieuse. Un procédé insidieux. Un raisonnement insidieux. Il fit diverses questions insidieuses à M. Sariette, qui se troubla (France). Ϧ Spécialem. Qui n’est pas direct : Attaque, critique insidieuse. Ϧ2. Vx ou littér. Qui tend des pièges (en parlant de personnes) : Insidieux valet ! (Beaumarchais). Sophiste insidieux (M.J. Chénier). Ϧ 3. Fig. Qui se répand, agit insensiblement, sans qu’on s’en aperçoive : Une odeur insidieuse. Il a inventé cinq ou six poisons violents ou insidieux dont les peuples de notre continent se sont copieusement servis pendant la dernière guerre (Duhamel). Elle parlait ainsi, importunée par cette joie insidieuse dont elle avait honte (Mauriac). Ϧ 4. Se dit d’une maladie dont les débuts, bénins en apparence, cachent la gravité réelle. • SYN. : 1 captieux, fallacieux, illusoire ; 3 insinuant, sournois, traître. 1. insigne [ɛ̃siɲ] adj. (lat. insignis, qui porte une marque distinctive, remarquable [en bonne ou en mauvaise part], distingué, de in-, préf. marquant la localisation, et de signum, marque, signe ; XIVe s., au sens 1 [pour une personne, 1580, Montaigne] ; sens 2, 1651, Corneille [ironique, 1690, Furetière]). 1. Littér. Qui attire, qui est digne d’attirer l’attention, remarquable (en bonne ou en mauvaise part) : Fabre d’Églantine, auteur d’une pièce qui restera, montra, tout au rebours de Desmoulins, une insigne faiblesse (Chateaubriand). ϦSe dit aussi des personnes : C’est José Navarro, le plus insigne bandit d’Andalousie (Mérimée). Ϧ 2. Spécialem. Qui est digne d’admiration : L’honneur insigne revient à Descartes d’avoir été le premier constructeur d’un univers entièrement métrique (Valéry). ϦSouvent ironique : Erreur, maladresse insigne. • SYN. : 1 brillant, distingué, émérite, fameux, inoubliable, mémorable, réputé, signalé ; 2 éclatant, éminent, fabuleux. downloadModeText.vue.download 105 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2657 2. insigne [ɛ̃siɲ] n. m. (lat. insigne, marque [distinctive], insigne [d’une fonction], neutre substantivé de l’adj. insignis [v. l’art. précéd.] ; 1484, La Curne, au plur., puis 10 juill. 1821 [d’après Larousse, 1873], au sing., au sens 2 ; sens 1, 1902, Larousse ; sens 3, 1935, Acad.). 1. A Rome, pièce caractéristique du vêtement d’un magistrat, d’un officier, etc., ou attribut de leur dignité (chaise curule, faisceaux, etc.). Ϧ 2. Marque distinctive d’un grade ou d’une dignité : L’insigne d’une fonction, d’une charge. Les insignes de la royauté. Les insignes de légat. L’insigne de la Légion d’honneur. Il était mis élégamment, portait les insignes de l’ordre de la Toison d’or et une plaque à son habit (Balzac). Ϧ3. signe distinctif arboré par les membres d’une association, d’un groupement : Philippe Robin, pourvu par son oncle, distribuait à qui voulait des insignes et des libelles antisémites (Lacretelle). L’insigne d’un club, d’une société sportive. • SYN. : 2 décoration, emblème, symbole. insignifiance [ɛ̃siɲifjɑ̃s] n. f. (de insignifiant ; 1785, Proschwitz, au sens 2 ; sens 1, 1815, Bernardin de Saint-Pierre). 1. Caractère de ce qui est dépourvu de signification (rare) : On s’étonnait de le voir si pâle, abattu, ne prononçant que de rares paroles qui avaient l’insignifiance de celles que disent les morts qu’on évoque (Proust). L’insignifiance essentielle des rêves (Valéry). Ϧ2. Caractère d’une personne ou d’une chose dépourvue d’importance, de valeur : L’insignifiance d’une personne, d’un esprit. Un livre, un spectacle d’une totale insignifiance. Son mari l’avait toujours trouvée d’une insignifiance lamentable (Zola). L’insignifiance de celle [la vie] que je menais n’avait aucune importance, pas plus que les moments où on s’habille, où on se prépare pour sortir (Proust). Rien n’est plus saisissant [...] que le contraste entre la formidable puissance, l’abondance inépuisable de ce que l’on nomme « le colosse américain » et l’insignifiance chétive de ces maisonnettes qui bordent les routes les plus larges du monde (Sartre). • SYN. : 2 banalité, futilité, inconsistance, médiocrité, modicité, petitesse. insignifiant, e [ɛ̃siɲifjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de inet de signifiant ; 1767, Diderot, au sens 2 ; sens 1, 1807, Mme de Staël ; sens 3, 1778, Proschwitz ; sens 4, 1830, Balzac). 1. Qui ne signifie rien. (Rare.) Ϧ2. Qui n’a rien de marquant, qui ne présente aucun intérêt : Des paroles, des actions insignifiantes. Jacques a reçu Gertrude et lui a parlé, mais rien que de choses insignifiantes (Gide). Ϧ3. Qui est d’une importance, d’une valeur négligeable, dont on peut ne tenir aucun compte : Si l’on néglige donc nos inventions intellectuelles parfois naïves, et souvent toutes verbales, nous sommes obligés de reconnaître que notre connaissance des choses de la vie est insignifiante auprès de celle que nous avons du monde inorganique (Valéry). Il a eu cette maison pour un prix insignifiant. Ϧ 4. Se dit de quelqu’un qui manque de personnalité, de qualités marquantes, de capacités : Un homme, un personnage insignifiant. Une femme insignifiante. Poète insignifiant. Actrice insignifiante. • SYN. : 2 anodin, banal, frivole, futile, quelconque, vide ; 3 dérisoire, infime, minime, modeste, modique, nul ; 4 effacé, falot, inconsistant, insipide, médiocre, terne. insincère [ɛ̃sɛ̃sɛr] adj. (de in- et de sincère ; 1794, Pougens). Littér. Qui n’est pas sincère : Insincère pour la première fois de sa vie (Barbey d’Aurevilly). J’ai horreur de ces condoléances insincères (D. Amiel). Confidence insincère. insincérité [ɛ̃sɛ̃serite] n. f. (de insincère, d’après sincérité ; 1785, Proschwitz). Littér. Manque de sincérité : Ce genre d’insincérité consiste à ne pas savoir se contenter, pour un seul acte, de faire, grâce à lui, plaisir à une seule personne (Proust). L’attente où je la sens d’un état plus tendre fausse mes gestes et m’entraîne au bord de l’insincérité (Gide). D’autre part, c’est sans doute une loi de langage que tous les termes qui ont trop figuré dans la comédie sociale, qui ont fait trop de dupes et ont été compromis dans trop de combinaisons intéressées, excitent la défiance et soient notés d’insincérité (Valéry). insinuant, e [ɛ̃sinɥɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de insinuer ; 1654, La Rochefoucauld, au sens 5 ; sens 1, 1677, Bossuet ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1669, La Fontaine ; sens 4, v. 1660, La Rochefoucauld). 1. Class. Qui s’insinue, pénètre lentement et progressivement (en parlant de choses matérielles) : L’eau si fluide, si insinuante, si propre à échapper (Fénelon). Ϧ 2. Fig. Qui s’installe insensiblement, sans qu’on s’en doute (en parlant de choses abstraites) : Une tristesse insinuante, et qu’il ne s’avouait pas, remplaçait tous les sentiments qui, depuis le matin, l’animaient (Martin du Gard). Ϧ3. Class. Se disait d’une personne séduisante, qui plaît et attire naturellement : Certain peuple agréable, insinuant (La Fontaine). Ϧ4. Péjor. Qui s’impose par des manières souples, indirectes, qui sait s’introduire auprès des gens en vue de se ménager des avantages : Un homme est doux et facile, on le trouve insinuant (Vauvenargues). Insinuante avec les uns, impérative avec les autres, pour tous elle annonçait à mots couverts d’inimaginables divertissements qu’on ne pourrait revoir une seconde fois (Proust). Ϧ5. Se dit des manières, des procédés qui visent à circonvenir autrui : Il n’était pas rare qu’il s’approchât de la chaire d’une manière insinuante (Lacretelle). Je sais, en même temps, les prestiges et le pouvoir sournois de ce pays, la façon insinuante dont il retient ceux qui s’y attardent (Camus). • SYN. : 2 insidieux, sournois ; 4 adroit, artificieux, habile, patelin, souple ; 5 machiavélique, perfide. insinuatif, ive [ɛ̃sinɥatif, -iv] adj. (dér. savant de insinuer ; 1624, Bacon, p. 349 [pour un clystère, 1673, Molière]). Class. Qui a la propriété d’insinuer ou de s’insinuer : Un petit clystère insinuatif, préparatif et rémollient (Molière). insinuation [ɛ̃sinɥasjɔ̃] n. f. (lat. insinuatio, exorde insinuant [et, à basse époque, « action de s’introduire dans un endroit sinueux, rapport, notification »], de insinuatum, supin de insinuare [v. INSINUER] ; 1319, Godefroy, écrit insignuacion [insinuation, XVIe s., Coutumier général], au sens I ; sens il, 1, 1690, Furetière [« le fait de... pénétrer peu à peu dans quelque chose », 1677, Bossuet] ; sens II, 2, av. 1679, Retz ; sens II, 3, 1606, Crespin ; sens II, 4, 1873, Larousse ; sens II, 5, 1731, Voltaire). I. En droit ancien, inscription sur des registres publics des actes privés, qui donnait à ceux-ci un caractère authentique : Insinuation d’un testament. L’insinuation a donné naissance à l’enregistrement. II. 1. Vx. Action d’insinuer, d’introduire un objet matériel : L’insinuation d’une sonde dans une plaie. Ϧ Vx. Le fait de s’insinuer, de pénétrer peu à peu dans quelque chose : Si on considère combien est lente et insensible l’insinuation de l’aliment dans les parties qui le reçoivent (Bossuet). Ϧ 2. Class. Séduction du langage et des manières : Les âmes tendres et pacifiques emploient l’insinuation (Fénelon). Ϧ 3. Figure de rhétorique consistant en quelques paroles habiles qui visent à se concilier la faveur de l’auditoire. Ϧ 4. Procédé par lequel on fait entendre les choses sans les exprimer ouvertement : Procéder par insinuation. User de l’insinuation. Ϧ 5. Ce que l’on fait entendre sans le dire clairement : Mon pauvre enfant, dit la comtesse en pleurant, ce malheur est le résultat d’insinuations perfides. De méchantes gens ont cherché à me séparer de ton père (Balzac). Que signifiait cette insinuation ? C’est ce que je ne savais pas (Gide). Une tête de jeune homme aux yeux ouverts s’imposait à moi comme une allégorie du génie grec, avec son insinuation profonde : mesurer toute chose à la durée et à l’intensité d’une vie humaine (Malraux). • SYN. : II, 5 allusion. insinuer [ɛ̃sinɥe] v. tr. (lat. insinuare, faire entrer dans l’intérieur de, insinuer, s’insinuer [au pr. et au fig.], de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de sinus, courbure, sinuosité, pli, creux ; 1336, Godefroy, écrit insignuer [insinuer, XVIe s.], au sens I ; sens II, 1, 1660, Bossuet ; sens II, 2, 1596, Hulsius [insinuer un personnage dramatique, 1660, Corneille] ; sens II, 3, v. 1480, Mystère de saint Quentin [absol., 1734, Montesquieu]). downloadModeText.vue.download 106 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2658 I.En droit ancien, enregistrer, soumettre à la formalité de l’insinuation : M. le Riche m’écrit qu’il faut faire insinuer mon contrat de deux cent mille livres (Voltaire). II. 1. Vx ou littér. Introduire doucement et progressivement : J’avais tout exprès laissé croître démesurément l’ongle de mon petit doigt, que d’emblée je pus insinuer sous la bille ; une brusque secousse, et la bille jaillit dans ma main (Gide). Ϧ2. Class. et littér. Faire pénétrer peu à peu, adroitement, dans l’esprit de quelqu’un, des idées, des sentiments : Il a été à propos d’en rendre la représentation agréable, afin que le plaisir pût insinuer plus doucement l’utilité (Corneille). De faire entrer chez vous le désir des sciences, | De vous insinuer les belles connaissances (Molière). Je n’ai pu insinuer en moi quelque vertu qu’à travers les brèches faites par la souffrance et par l’âge à ma constitution (France). Ϧ Spécialem. et class. Insinuer un personnage dramatique, annoncer habilement, préparer son entrée en scène : Don Raymond et ce pêcheur ne suivent point la règle que j’ai voulu établir de n’introduire aucun acteur qui ne fût insinué dès le premier acte (Corneille). Ϧ 3. Fig. et péjor. Faire entendre quelque chose par allusion, sans l’exprimer ouvertement : Insinuer une accusation, une calomnie. Sans lui [Nietzsche], des générations peut-être se seraient employées à insinuer timidement ce qu’il affirme avec hardiesse, avec maîtrise, avec folie (Gide). Il insinue dans ses articles que certains parlementaires pourraient être mêlés à des scandales ; et absol. : Il n’accuse pas, il se contente d’insinuer. • SYN. : II, 3 glisser, prétendre, souffler, suggérer. & s’insinuer v. pr. (sens 1, 1580, Montaigne ; sens 2, 1549, R. Estienne [absol., av. 1778, J.-J. Rousseau] ; sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, 1611, Cotgrave [s’insinuer dans les bonnes grâces, etc., de, 1690, Furetière]). 1. Vx. Pénétrer lentement et progressivement dans quelque chose (en parlant d’une chose matérielle) : Le venin s’insinue dans les veines. L’eau s’insinue par les pores du bois. Ϧ 2. Fig. et littér. Prendre place insensiblement dans l’esprit, les pensées de quelqu’un : Une image pleine de molles délices s’insinuait dans mon esprit (Carco). La crainte s’insinue dans les coeurs ; et absol. : Le vice ne s’insinue guère en choquant l’honnête, mais en prenant son image (Rousseau). Ϧ3. Littér. S’introduire en se glissant, en se faufilant (en parlant d’êtres animés et parfois de choses) : La longue belette s’insinue au nid sans frôler une feuille (Michelet). Je me suis insinué à travers la place de la Préfecture, fort encombrée d’étalages et d’éventaires, abondante en soleil et en criailleries (Romains). Le soleil de quatre heures, déjà bas, s’insinuait entre les troncs et couchait sur le sol de longues traînées flamboyantes (Martin du Gard). Ϧ 4. S’introduire avec adresse dans un milieu, une société, l’entourage d’une personne : Chacun se lance ; non : à la Cour, on se glisse, on s’insinue, on se pousse (Courier). Ϧ Fig. S’insinuer dans les bonnes grâces, la confiance, etc., de quelqu’un, gagner sa bienveillance, sa confiance, par des manières habiles, flatteuses. • SYN. : 2 envahir, se glisser, pénétrer ; 3 s’engager, s’engouffrer. insinueux, euse [ɛ̃sinɥø, -øz] adj. (de insinuer ; 1846, Thiers, puis 1879, A. Daudet). Qui tend à insinuer : Le vieux moine dont la voix insinueuse, sans résonance, formait un si grand contraste avec cette explosion d’éloquence (Daudet). insipide [ɛ̃sipid] adj. (bas lat. insipidus, fade, insipide, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et sapidus, qui a du goût, de la saveur, dér. de sapere, avoir du goût, de l’odeur, sentir, comprendre, savoir ; 1503, Chauliac, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 15.88, Montaigne ; sens 4, 1663, Molière). 1. Qui n’a aucun goût, aucune saveur : L’eau pure est insipide. Ϧ 2. Qui est fade, manque de saveur : Un aliment insipide. Je saluais au passage ces boissons insipides : j’avais bu d’un vin plus fort (Duhamel). Ϧ3. Fig. Se dit de ce qui manque d’accent, est dépourvu d’agrément ou d’intérêt : Fadeur générale de la vie. Cigares, légumes, fleurs, fruits, cuisine, yeux, cheveux, tout est fade, tout est triste, insipide, endormi (Baudelaire). La couleur locale a un charme incontestable quand elle est vraie ; elle est insipide dans le pastiche (Renan). Non pas cet insipide voyage en chemin de fer, dont on ne garde que des visions de pays découpés par des rails et des fils télégraphiques, mais un voyage à pied, le sac au dos (Daudet). Ce que l’un juge profond est pour l’autre d’une évidence insipide ou d’une absurdité insupportable (Valéry). Il s’étiolait, maigrissait, perdait l’appétit, traînait une langueur insipide (Cocteau). Ma vie allait être un rabâchage insipide, un pensum fastidieux (Aymé). Ϧ 4. Fig. Se dit d’une personne dépourvue de personnalité : Les jeunes gens tristes, qui paraissent insipides à Paris, devraient se retirer ici [à Genève]. Ils y passeraient peut-être pour d’agréables étourdis (Stendhal). •SYN. : 2 douceâtre, fadasse (fam.) ; 3 ennuyeux, fade, fastidieux, inintéressant, plat, terne ; 4 banal, falot, inconsistant, insignifiant. — CONTR. : 2 appétissant, délicieux, excellent, savoureux, succulent ; fort, fruité, pimenté, poivré, relevé, salé ; 3 divertissant, exaltant, intéressant, passionnant, pittoresque ; 4 brillant, distingué, drôle, remarquable, supérieur. insipidement [ɛ̃sipidmɑ̃] adv. (de insipide ; 1771, Voltaire). De façon insipide. insipidité [ɛ̃sipidite] n. f. (dér. savant de insipide ; 1572, J. Des Moulins, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Caractère de ce qui n’a pas de saveur, ou de ce qui a peu de saveur : Insipidité de l’eau. Insipidité d’un mets. Les mêmes plats d’une insipidité parfaite (Hermant). Ϧ2. Fig. Caractère de ce qui manque de piquant, d’intérêt : L’insipidité d’un roman. insistance [ɛ̃sistɑ̃s] n. f. (de insister ; 1556, Papiers de Granvelle [IV, 615], au sens 1 [rare entre 1640, Oudin, et 1801, Mercier] ; sens 2, XXe s.). 1. Action d’insister : Regarder quelqu’un avec insistance. Réclamer quelque chose avec insistance. C’est tout de même ainsi, me disais-je, que la tiédeur de l’air et l’insistance du printemps triomphent peu à peu de l’hiver (Gide). Ϧ 2. Accent d’insistance, en phonétique, intensité d’émission portant sur la première consonne d’un mot et qui traduit une émotion ou un sentiment très forts. • SYN. : 1 obstination, persévérance. insistant, e [ɛ̃sistɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de insister ; 1553, Papiers de Granvelle, IV, 23). Qui insiste, appuie ou revient souvent sur quelque chose : Une demande insistante. Manu enveloppa la jeune fille d’un regard trop insistant, comme s’il appréciait en familier la forme du corps et cherchait sous le manteau l’harmonie secrète des courbes (Aymé). Les appels téléphoniques retentissent, fiévreux et insistants, dans la maison déserte (Camus). • SYN. : appuyé, instant, pressant. insister [ɛ̃siste] v. intr. (lat. insistere, se placer sur, s’attacher à, s’arrêter, de in-, préf. marquant la localisation, et de sistere, placer, établir, se tenir, s’arrêter, dér. de stare, se tenir debout, se tenir ferme ; 1336, Godefroy, comme v. pr., au sens de « s’appliquer [à] » ; comme v. intr., au sens 1, 1541, Calvin ; sens 2, 1690, Furetière [insister à, même sens, 1529, Bonivard] ; sens 3, milieu du XVe s. [absol., début du XVe s.]). 1. Class. Persister : Le doute où sans raison je vous vois insister | Me faisait oublier de vous la présenter (Rotrou). Ϧ2. Insister sur quelque chose, appuyer avec force, s’étendre ou revenir souvent sur quelque chose, pour montrer qu’on y attache de l’importance : Insister sur un point. Sur ces plans d’avenir quand par hasard j’insiste, | Laurence écoute moins ; l’avenir la rend triste (Lamartine). J’en arrive donc à mon service militaire, sur lequel je n’insisterai pas (Queneau). Ϧ3. Insister pour (et l’infinitif),persévérer à demander pour obtenir : Elle insista fort pour me faire avoir le gouvernement du Havre-de-Grâce (La Rochefoucauld). Ϧ Absol. Revenir à la charge pour obtenir quelque chose : N’insistez pas, vous seriez importun. • SYN. : 2 s’appesantir, mettre l’accent sur, souligner ; 3 s’acharner, continuer, s’obstiner, persévérer, persister. downloadModeText.vue.download 107 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2659 & v. tr. (1653, Vaugelas). Class. Insister que, demander, en appuyant, que : J’insistai que l’on n’innovât rien (Retz). in situ [insity] loc. adv. (loc. du lat. moderne signif. proprem. « en place », du lat. class. in, en, dans, et situ, ablatif de situs, position, situation, place, de situm, supin de sinere, poser, laisser ; 1888, Larousse). Dans le milieu naturel : Recueillir des échantillons d’un minéral « in situ ». insociabilité [ɛ̃sɔsjabilite] n. f. (dér. savant de insociable ; 1721, Montesquieu). Caractère d’une personne insociable ou de son comportement : On sentait toujours en lui [...] une insociabilité foncière, qui mettait l’interlocuteur mal à l’aise (Aymé). L’insociabilité est la marque d’un caractère difficile. insociable [ɛ̃sɔsjabl] adj. (lat. insociabilis, qu’on ne peut associer à, incompatible, de in-, préf. à valeur négative, et de sociabilis, qui peut être uni, sociable, dér. de sociare, mettre en commun, associer, unir, de socius, associé, allié ; 1552, R. Estienne). Se dit d’une personne (ou de son carac- tère, de son comportement) qui manque de sociabilité, avec qui les rapports sont difficiles : Le sombre Isnard, enveloppé dans son fanatisme, restait sauvage, insociable (Michelet). Je deviens d’ailleurs de plus en plus irritable et insociable (Flaubert). Il arriva, la tête basse, ses belles mains nouées derrière le dos, tout prêt à renoncer, pour nous autres du Désert de Bièvres, à son humeur insociable (Duhamel). • SYN. : farouche, invivable (fam.), misanthrope, ours (fam.), sauvage, solitaire. insocial, e, aux [ɛ̃sɔsjal, -o] adj. (de inet de social ; 1762, Voltaire). Qui n’est pas social, qui est rebelle à la vie en société : Le « Contrat social », ou insocial, n’est remarquable que par quelques injures dites grossièrement aux rois par le citoyen du bourg de Genève... (Voltaire). Cet élément insocial [le paysan], créé par la Révolution, absorbera quelque jour la bourgeoisie (Balzac). • REM. On dit auj. ASOCIAL. insolateur [ɛ̃sɔlatoer] n. m. (dér. savant de insoler ; 1888, Larousse). Appareil destiné à permettre l’utilisation des rayons solaires pour le chauffage . insolation [ɛ̃sɔslasjɔ̃] n. f. (lat. insolatio, exposition au soleil, de insolatum, supin de insolare [v. INSOLER] ; 1554, Paré, au sens 1 [en photographie, 1902, Larousse] ; sens 2, v. 1560, Paré ; sens 3, 1867, Littré ; sens 4, 1931, Larousse). 1. Action d’exposer quelqu’un ou quelque chose aux rayons du soleil : L’insolation guérit certaines maladies. Ϧ Spécialem. En photographie, exposition à la lumière d’une préparation sensible. Ϧ 2. Action des rayons du soleil sur un objet : Les Lucilies [...] ne confient pas leurs oeufs aux surfaces découvertes, où la violence de l’insolation compromettrait les délicatesses des germes (J. H. Fabre). Ϧ3. État pathologique provoqué par une exposition trop longue à un soleil ardent : Et voilà que tout à coup mon compagnon, mon ami, presque mon frère, tomba de cheval, la tête en avant, foudroyé par une insolation (Maupassant). Ϧ 4. En météorologie, nombre d’heures pendant lesquelles le soleil a brillé au cours d’une journée, d’un mois, d’une année : On enregistre l’insolation à l’aide d’appareils appelés « héliographes ». insolemment [ɛ̃sɔlamɑ̃] adv. (de insolent ; v. 1355, Bersuire, aux sens 1-2 ; sens 3, av. 1854, Nerval). 1. De façon insolente, effrontée, impudente : Répondre insolemment. Jamais l’histoire n’eut plus besoin de preuves authentiques que dans nos jours, où l’on trafique si insolemment du mensonge (Voltaire). Ϧ2. De façon arrogante, hautaine : Le burgrave, à la prochaine fête patronale, allait insolemment au tournoi de la ville, monté sur l’âne de son meunier (Hugo). Ϧ 3. Littér. De façon insolente, provocante : Qu’elle était belle en ses ajustements de soie et de pourpre levantine, faisant luire insolemment ses blanches épaules (Nerval). • SYN. : 1 effrontément, grossièrement, impertinemment, irrespectueusement ; 2 fièrement, superbement ; 3 impudemment, outrageusement. insolence [ɛ̃sɔlɑ̃s] n. f. (lat. insolentia, inexpérience, étrangeté, manque de modération, de insolens, -entis [v. INSOLENT] ; 1458, Mystère du Vieil Testament, aux sens 2-3 ; sens 1, 1636, Corneille ; sens 4, 1690, Furetière ; sens 5, 1846, Baudelaire). 1. Class. Violence, audace excessives et insupportables : Déjà de l’insolence heureux persécuteur, | Vous aviez des deux mers assuré les rivages (Racine). Ϧ 2. Manque de respect qui a le caractère d’une insulte ; attitude d’une personne qui oublie les égards qu’elle doit à autrui : Une insolence inadmissible. L’insolence d’un élève à l’égard de son professeur. On les couche sans souper, pour les punir de leur insolence (Aymé) ; et par extens. : Une réplique, un article d’une rare insolence. Ϧ3. Parole, action de caractère insultant : Dire des insolences. On lui reproche mille insolences. Ϧ4. Orgueil offensant ; attitude hautaine, arrogante : Leurs rois, admis dans le palais de César, pratiquent leurs superstitions avec insolence et donnent à tous les citoyens un exemple illustre et détestable (France). C’est l’insolence des riches qui est insupportable (Alain). Ϧ 5. Fig. Caractère insolent, provocant, de quelque chose : L’insolence du génie. Depuis vingt siècles, les hommes se sont attachés à rendre décentes l’insolence et la naïveté grecques (Camus). • SYN. : 2 effronterie, impertinence, inconvenance, irrespect ; 3 grossièreté, impolitesse, incongruité, incorrection ; 4 arrogance, hauteur, morgue, outrecuidance, suffisance, superbe. insolent, e [ɛ̃sɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (lat. insolent, e [ɛ̃sɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (lat. insolens, -entis, inaccoutumé, excessif, effronté, orgueilleux, de in-, préf. à valeur négative, et de solens, -entis, qui a l’habitude, part. prés. adjectivé de solere, être habitué ; 1495, Vignay, aux sens 1-2 ; sens 3, 1645, Corneille [« outrecuidant », milieu du XVIe s. ; insolent de, 1651, Corneille]). 1. Class. Qui fait preuve d’une violence ou d’une audace de caractère excessif : Et jamais insolent ni cruel à demi (Corneille). L’insolent de la force empruntait le secours (Racine). Ϧ2. Qui fait preuve d’une effronterie, d’un manque de respect injurieux : Un enfant insolent. Faire l’insolent. Votre coquine de Toinette est devenue plus insolente que jamais (Molière). Ϧ 3. Qui offense par une attitude orgueilleuse, hautaine : La richesse, le pouvoir rendent souvent vaniteux ou insolent. Le maire de Verrières était bien toujours, à ses yeux, le représentant de tous les riches et de tous les insolents de la terre (Stendhal). Ϧ Class. Insolent de, rendu orgueilleux, arrogant, par le fait de : Je ne viens point ici montrer à votre haine | Un captif insolent d’avoir brisé sa chaîne (Corneille). • SYN. : 2 effronté, impertinent, impoli, irrespectueux, irrévérencieux ; 3 arrogant, fat, hautain, outrecuidant, prétentieux, suffisant. & adj. (sens 1, début du XVIIe s., Malherbe ; sens 2, 1669, Molière ; sens 3, 1660, Bossuet [pour un sentiment, 1645, Corneille] ; sens 4, 1840, Balzac [« insolite » — en parlant d’une nouveauté —, 1571, M. de La Porte]). 1. Class. Qui marque une audace excessive : On dit même qu’au trône une brigue insolente | Veut placer Aricie et le sang de Pallante (Racine). Ϧ 2. Qui marque l’insolence, l’impertinence, l’effronterie : Air insolent. Attitude insolente. Ton insolent. Réponse, remarque insolente. Il se composait un visage insolent (Carco). Ϧ 3. Qui marque un orgueil offensant, de l’arrogance, de la morgue : La fortune arrogante | Affecta d’étaler une pompe insolente (Boileau). Il sentait douloureusement le mal dont souffrait l’Empire, le luxe insolent des grands (France) ; et par extens. : Orgueil insolent. Arrogance insolente. Ϧ4. Qui surprend par son caractère extraordinaire, insolite et semble constituer une provocation : Un bonheur insolent. Alors âgé de soixantesept ans, Rigou n’avait pas fait une seule maladie en trente ans, et rien ne paraissait devoir atteindre cette santé vraiment insolente (Balzac). Nous avions avec nous une jeune Espagnole [...] | Un rire éblouissant, épanoui, sonore [...], | Des dents de jeune loup pures comme du lait, | Dont l’émail insolent sans trêve étincelait (Gautier). Elle enviait les existences tumultueuses, les nuits masquées, les insolents plaisirs (Flaubert). Elle avouait orgueilleusement ses trentedownloadModeText.vue.download 108 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2660 cinq ans, d’une beauté insolente encore, avec des épaules et une gorge de marbre, sans une flétrissure (Zola). • SYN. : 2 cavalier, culotté (fam.), cynique, déplacé, grossier, incongru, inconvenant. incorrect, irrespectueux ; 3 arrogant, insultant, provocant ; 4 époustouflant (fam.), incroyable, indécent, inimaginable, inouï. insoler [ɛ̃sɔle] v. tr. (lat. insolare, exposer au soleil, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de sol, solis, soleil ; 1669, Godefroy). Exposer aux rayons, à la lumière du soleil : Insoler une plaque photographique. insolite [ɛ̃sɔlit] adj. (lat. insolitus, inaccoutumé à, inusité, étrange, inouï, de in-, préf. à valeur négative, et de solitus, qui a l’habitude, habituel, ordinaire, part. passé adjectivé de solere, être habituel ; 1495, Barbier). Contraire à l’usage, aux règles, aux habitudes et qui, par là même, étonne : Procédé insolite. Phénomène, événement insolite. Allure, aspect insolite. Il faut non seulement ne rien faire d’insolite, mais encore persuader autrui qu’on ne ferait rien d’insolite même avec toute licence (Gide). Denis se demandait si cette démarche insolite de Landin n’éveillait aucun trouble chez sa mère (Mauriac). Cette agitation était au moins insolite, mais il ne songea pas à s’en étonner (Aymé). • SYN. : abracadabrant (fam.), bizarre, déroutant, étrange, extraordinaire, extravagant, original, saugrenu, singulier. — CONTR. : banal, commun, familier, habituel, normal, ordinaire. & n. m. (sens 1, av. 1842, Stendhal ; sens 2, 1924, A. Gide). 1. Caractère de ce qui est insolite : En style de journal qui veut faire illusion sur la pensée nulle ou puérile par l’insolite du style (Stendhal). Ϧ 2. Ce qui est insolite : L’insolite est inséparable de l’amour (Breton). insolitement [ɛ̃sɔlitmɑ̃] adv. (de insolite ; 1867, Littré). De façon insolite : Des deuils, des réflexions insolitement graves, et particulièrement toutes celles que l’on peut faire sur le peu de durée et l’insécurité réelle de la vie (Gide). insolubiliser [ɛ̃sɔlybilize] v. tr. (dér. savant de insoluble ; déc. 1872, Revue britannique, p. 489). Rendre insoluble : Insolubiliser une substance chimique. insolubilité [ɛ̃sɔlybilite] n. f. (bas lat. insolubilitas, état insoluble [du lat. class. insolubilis, v. l’art. suivant], ou dér. savant du franç. insoluble ; 1765, Encyclopédie, au sens I ; sens II, 1798, Acad.). I. Caractère, état de ce qui ne peut se dissoudre : L’insolubilité du soufre dans l’eau. II. Caractère de ce que l’on ne peut résoudre : L’insolubilité d’un problème, d’une question. insoluble [ɛ̃sɔlybl] adj. (lat. insolubilis, indissoluble, dont on ne peut s’acquitter, indubitable, de in-, préf. à valeur négative, et de solubilis, qui se dissout, se désagrège, dér. de solvere, délier, acquitter, désagréger, dissoudre ; XIIIe s., H. d’Andeli, écrit issoluble, comme n. m., au sens de « question insoluble » ; écrit insoluble, comme adj., au sens Il, 1549, R. Estienne ; sens I, XVIIIe s., Brunot). I. Se dit d’un corps, d’une matière qui ne peut se dissoudre : La résine est insoluble dans l’eau. II. Qu’on ne peut résoudre : Question, problème insoluble. insolvabilité [ɛ̃sɔlvabilite] n. f. (dér. savant de insolvable ; 1612, Kuhn). État d’une personne ou d’une société qui n’a pas les moyens de faire face à ses obligations financières : L’insolvabilité d’un débiteur, d’une société commerciale. insolvable [ɛ̃sɔlvabl] adj. et n. (de in- et de solvable [v. ce mot] ; 1431, Godefroy, au sens de « qui ne doit pas être payé » ; sens actuel, 1611, Cotgrave [comme adj. ; comme n., 1690, Furetière]). Qui ne peut faire face à ses obligations financières : Un débiteur insolvable. Quand les paysans qu’il faisait prisonniers ne pouvaient acquitter leur rançon, il les faisait pendre... Et si quelque malheureuse femme venait l’implorer en faveur de son mari insolvable, il la traînait par les cheveux (France). insomniaque [ɛ̃sɔmnjak] adj. et n. (de insomnie ; av. 1935, P. Bourget). Qui est atteint d’insomnie : Les élèves, pour la plupart, viennent d’Allemagne, ils paient bien ; mon grand-père met les louis d’or, sans jamais les compter, dans la poche de son veston ; ma grand-mère, insomniaque, se glisse, la nuit, dans le vestibule pour prélever sa dîme « en catimini », comme elle dit elle-même à sa fille (Sartre). • REM. Insomniaque, syn. d’INSOMNIEUX, EUSE, ne s’applique qu’aux personnes. insomnie [ɛ̃sɔmni] n. f. (lat. insomnia, privation de sommeil, dér. de insomnis, qui ne dort pas, de in-, préf. à valeur négative, et de somnus, sommeil ; l555, Belon, au sens 1 ; sens 2, 1688, Mme de Sévigné [en avoir des insomnies, XXe s.]). 1. Impossibilité de dormir : Jeune fille, vos yeux ignorent l’insomnie ; | Une pensée ardente et qui revient toujours | Ne trouble pas vos nuits tristes comme vos jours (Gautier). Il me dit ne pas connaître l’insomnie, ou du moins ne pas avoir eu à en souffrir (Gide). Il s’effraya de voir son visage marqué par la fatigue et l’insomnie (Aymé). Ϧ 2. Phase de veille qui interrompt le sommeil : Avoir des insomnies. ϦFig. et fam. En avoir des insomnies, être très préoccupé par quelque chose. insomnieux, euse [ɛ̃sɔmnjø, -øz] adj. et n. (lat. insomniosus, privé de sommeil [de insomnia, v. l’art. précéd.], ou dér. franç. de insomnie ; début du XXe s.). Qui souffre d’insomnie : Un homme insomnieux. Je doute si les insomnieux purent fournir un seul grand capitaine, ou homme d’État, ou acteur (Gide). Ce bruit de bottes qu’écoutent, d’un bout à l’autre de l’Europe, tant d’insomnieux apeurés (Martin du Gard). Tu ferais mieux d’aller dormir que de chercher une victime, insomnieux (Morand). Il y eut un oiseau insomnieux, qui lui fit un cri de connivence (Montherlant). • SYN. : insomniaque. & adj. (sens 1-2, av. 1896, Goncourt). 1. Qui est marqué par l’insomnie : Pendant ses nuits, ses nuits insomnieuses où elle ne pouvait dormir (Goncourt). Et il rêvait, dans ses nuits insomnieuses, derrière la moustiquaire (Ajalbert). Ϧ2. Qui cause de l’insomnie : La fatigue insomnieuse d’une profession qui n’a pas d’heures (Goncourt). insondabilité [ɛ̃sɔ̃dabilite] n. f. (dér. savant de insondable ; av. 1865, Proudhon, au sens 2 ; sens 1, 1873, Larousse). 1. Caractère de ce qui est insondable : L’insondabilité des profondeurs de la Terre. Ϧ2. Fig. Caractère de ce qui est impénétrable, incompréhensible : L’insondabilité d’un mystère. insondable [ɛ̃sɔ̃dabl] adj. (de in- et de sonder ; 1578, Léry, au sens 1 ; sens 2, 1879, A. France ; sens 3, 1812, Mozin). 1. Qui ne peut être sondé ; dont on ne peut toucher le fond, connaître la profondeur : Un abîme insondable. La trompette sonna le passage d’un immense nuage blanc [...], qui courait à une vitesse de tempête sur d’insondables golfes bleus (Peyré) ; et par extens. : Des profondeurs insondables. Ϧ 2. Fig. Dont on ne peut mesurer la profondeur, l’intensité : Jacques remarqua que la colère ne parvenait pas à chasser de ses yeux une expression d’insondable tristesse (Martin du Gard). Ϧ 3. Fig. Qu’il est impossible ou très difficile de pénétrer, de comprendre, d’expliquer : Un mystère, une énigme insondable. Qui peut sonder de Dieu l’insondable pensée ? (Lamartine). Il [le grand Paris] était insondable et changeant comme un océan (Zola). Il méditait les mystères insondables de la religion (France). • SYN. : 1 abyssal ; 2 illimité, incommensurable, infini ; 3 énigmatique, impénétrable, inaccessible, incompréhensible, inexplicable, insaisissable. & n. m. (av. 1885, V. Hugo). L’insondable, ce qu’on ne peut pénétrer, comprendre : La folle volonté de sonder l’insondable (Hugo). insondablement [ɛ̃sɔ̃dabləmɑ] adv. (de insondable ; XXe s.). Littér. D’une manière insondable. insondé, e [ɛ̃sɔ̃de] adj. (de in- et de sondé, part. passé de sonder ; 1840, Acad., au sens 1 ; sens 2, av. 1885, V. Hugo ; sens 3, 1873, Larousse). 1. Qui n’a pas été sondé : Un gouffre insondé. Ϧ2. Fig. Dont on ne downloadModeText.vue.download 109 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2661 connaît pas la profondeur, l’intensité : Un poème qu’emplit la douleur insondée (Hugo). Ϧ 3. Fig. Qui demeure inexpliqué : Mystère insondé. insonore [ɛ̃sɔnɔr] adj. (de in- et de sonore ; 1801, Mercier, au sens 1 ; sens 2, 1864, Presse scientifique des Deux Mondes [I, 267] ; sens 3, début du XXe S). 1. Qui n’est pas sonore, qui ne produit pas de son sous l’effet d’une percussion ou d’un frottement. Ϧ2. Qui transmet peu les sons et amortit les ondes sonores : Cloison insonore. Le liège est un matériau insonore. Une sorte de tampon, de rideau insonore (Arnoux). Ϧ 3. Se dit d’un local où l’on entend peu les bruits : Ce que le lieu avait de parfaitement insonore (Romains). insonorisation [ɛ̃sɔnɔrizasjɔ̃] n. f. (de insonoriser ; 1948, Larousse [aussi « aménagement des locaux d’habitation ou autres... »]). Action d’insonoriser ; résultat de cette action. Ϧ Spécialem. Aménagement des locaux d’habitation ou autres pour les soustraire aux bruits de la rue ou des locaux voisins : Effectuer l’insonorisation d’un bureau. L’insonorisation de cet immeuble est bonne. insonorisé, e [ɛ̃sɔnɔrize] adj. (part. passé de insonoriser ; 1953, Larousse). Se dit d’un local rendu insonore par des aménagements spéciaux : Immeuble insonorisé. Studio insonorisé. insonoriser [ɛ̃sɔnɔrize] v. tr. (dér. savant de insonore ; 1948, Larousse). Rendre moins sonore, plus silencieux : Insonoriser une pièce. insonorité [ɛ̃sɔnɔrite] n. f. (de insonore, d’après sonorité ; 1845, Bescherelle, au sens 1 ; sens 2, 27 mai 1869, le National ; sens 3, 1873, Larousse). 1. Manque de sonorité. Ϧ2. Qualité de ce qui ne transmet pas ou transmet peu les sons : Un matériau utilisé pour son insonorité. Ϧ 3. Caractère d’un local qui n’est pas sonore, où les bruits pénètrent peu : L’insonorité d’un studio d’enregistrement. insouci [ɛ̃susi] n. m. (de in- et de souci ; av. 1836, Armand Carrel, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Vx. Le fait de ne pas se préoccuper de quelque chose : Insouci de la vie et de l’argent (Flaubert). Derrière les volets clos de chaque fenêtre, la lumière, tamisée à cause des ordonnances de police, décelait pourtant un insouci complet de l’économie (Proust). Ϧ 2. Absence de soucis : Pour faire de l’art, il faut un insouci que je n’ai plus (Flaubert). Elle lisait le même ennui [...], le même insouci d’homme égoïste que la paternité irrite (Maupassant). insouciamment [ɛ̃susjamɑ̃] adv. (de insouciant ; 1842, Mozin). Littér. Avec insouciance : Elle filait insouciamment au milieu d’un concert d’injures et de cris (Gautier). insouciance [ɛ̃susjɑ̃s] n. f. (de insouciant ; 1752 [d’après Boiste, 1803], au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré [sans complément, av. 1902, Zola]). 1. Caractère d’une personne insouciante, exempte de préoccupations : Vivre dans l’insouciance. L’insouciance des jeunes gens. Ϧ 2. Insouciance de quelque chose, état d’une personne qui ne se soucie pas, ne se préoccupe pas de quelque chose : Insouciance de l’avenir, du passé. Je ne me suis consacré qu’à la poursuite de la féerie, d’un état d’insouciance systématique de tout ce qui n’est pas l’amour et le merveilleux (Montherlant) ; et sans complément : Elle sentit se réveiller [...] ses insouciances heureuses d’enfant (Zola). • SYN. : 1 frivolité, imprévoyance, incurie, irréflexion, laisser-aller, légèreté, négligence, optimisme ; 2 désaffection, désintérêt, détachement, inattention, incuriosité, indifférence. insouciant, e [ɛ̃susjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de inet de soucier ; 1752 [d’après Boiste, 1803], au sens 1 ; sens 2, 1834, Musset ; sens 3, 1853, Nerval ; sens 4, 1835, Vigny). 1. Absol. Se dit d’une personne qui ne se soucie de rien : Un homme insouciant. La jeunesse est généralement insouciante ; et par extens. : C’est le moment d’agir vite et de remuer brutalement les imaginations paresseuses et les coeurs insouciants (Camus). Ϧ 2. Qui témoigne de cette disposition d’esprit : Air insouciant. Allure insouciante. Ϧ3. Qui est caractérisé par l’absence de souci : La vie errante et insouciante de ces pauvres pêcheurs (Lamartine). Ϧ4. Insouciant de quelque chose, qui ne se préoccupe pas, ne s’inquiète pas de quelque chose : Insouciant du lendemain, du danger. • SYN. : 1 frivole, imprévoyant, irréfléchi, négligent, sans souci ; 3 évaporé, folâtre ; 4 détaché, inconscient, indifférent, insoucieux, oublieux. & n. (1834, Landais [les Insouciants, « les indifférents en matière politique », 1792, Brunot]). Personne qui est peu portée à s’inquiéter, à s’affecter : J’aime les insouciants comme lui. insoucieusement [ɛ̃susjøzmɑ̃] adv. (de insoucieux ; 1842, Mozin). De façon insoucieuse : Puisqu’elle en prend si insoucieusement son parti, à quoi bon se tourmenter ? (A. Lichtenberger). insoucieux, euse [ɛ̃susjø, -øz] adj. (de in- et de soucieux ; 1761 [d’après Féraud, 1787], au sens 1 ; sens 2, début du XXe s. ; sens 3, 12 nov. 1845, Renan ; sens 4, 1858, Legoarant). 1. Absol. Qui ne se fait pas de soucis : Des négresses, comme j’en avais vu déjà, insoucieuses et folles la plupart, riant à tout propos (Nerval). Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux (Baudelaire). Ils flottent un instant aux côtés de leurs insoucieuses fiancées (Maeterlinck). Ϧ2. Qui témoigne de ce caractère : Humeur, attitude insoucieuse. Tout ce monde étranger se trouvait dispersé, allait, venait sans ordre, même sans gravité et quelquefois avec un air insoucieux qui m’affligeait (Maurras). Ϧ 3. Qui est exempt de soucis, de préoccupations : La vie domestique, si calme, si insoucieuse (Renan). Ϧ 4. Insoucieux de, que, qui n’est pas préoccupé par quelque chose, par le fait que : Insoucieux du lendemain, de son avenir, de l’intérêt public. Ils l’ont connu fort insoucieux de tout ce qui le touchait et laissant à sa noblesse naturelle le soin de réparer seule le désordre de ses habits (France). Il était depuis longtemps insoucieux qu’Odette l’eût trompé et le trompât encore (Proust). Le doigt sur la gâchette, insoucieux du bruit (A. de Châteaubriant). insoumis, e [ɛ̃sumi, -iz] adj. (de in- et de soumis ; milieu du XVIe s., puis 1797, Frey, au sens 1 ; sens 2, 1841, Français moderne [XVIII, 135] ; sens 3, 1873, Larousse). 1. Qui refuse de se soumettre, qui est en révolte contre l’autorité légale ou de fait : Peuplades insoumises. Régions, contrées insoumises. Les tribus insoumises y perdaient leur mystère (Saint-Exupéry). Ϧ 2. Fille insoumise, fille publique qui ne se soumettait pas aux règlements de police et aux mesures sanitaires en vigueur avant 1946. Ϧ3. Qui n’obéit pas, qu’on a du mal à faire obéir (vieilli) : Un élève, un enfant insoumis. • SYN. : 1 insubordonné, mutin, rebelle, séditieux ; 3 désobéissant, dur, indiscipliné, indocile, infernal (fam.), rétif, terrible (fam.). & insoumis adj. et n. m. (1834, Landais [comme adj. ; comme n. m., 1867, Littré]). Se dit d’un militaire en état d’insoumission : Conscrits insoumis. Des colonnes mobiles fouillaient les bois à la recherche des réfractaires ; les garnisaires s’installaient au foyer de la mère de l’insoumis (France). Déserteur, non, mais insoumis (Loti). & n. m. (1906, Loti). Personne insoumise : Guerroyer contre les insoumis. insoumission [ɛ̃sumisjɔ̃] n. f. (de in- et de soumission ; 1827, Ch. Dupin [II, 69], au sens de « état de ce qui n’est pas soumis » ; sens 1, 1867, Littré ; sens 2-3, 1873, Larousse). 1. État, situation d’une personne qui est en révolte contre l’autorité : Traqué par la police, et la redoutant davantage pour des affaires antérieures que pour son insoumission présente aux ordonnances, il changeait de local tous les quinze jours (Radiguet). Ϧ 2. Spécialem. Infraction commise par celui qui, astreint aux obligations du service national, n’a pas obéi à un ordre de route régulièrement notifié : Être coupable d’insoumission. Ϧ 3. Disposition à l’indiscipline : Un instinct sinon précisément de révolte, du moins d’insoumission (Gide). • SYN. : 1 désobéissance, inobservation ; 2 désertion ; 3 indépendance, rébellion. insoupçonnable [ɛ̃supsɔnabl] adj. (de in- et de soupçonnable ; 1840, Acad.). Qui downloadModeText.vue.download 110 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2662 ne peut être soupçonné : Un caissier insoupçonnable. Une honnêteté insoupçonnable. insoupçonné, e [ɛ̃supsɔne] adj. (de inet de soupçonné, part. passé de soupçonner ; 1840, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1865, Goncourt). 1. Qui n’est pas soupçonné : Le véritable coupable est resté insoupçonné. Ϧ2. Dont on n’entrevoyait pas ou dont on ne peut pas entrevoir l’existence ou les limites : Alors le plus extraordinaire voyage dans un Paris insoupçonné com- mence (Huysmans). Et bien d’autres choses encore, insoupçon-nées des Grecs (Valéry). Une simple allusion ouvrait des perspectives insoupçon-nées (Martin du Gard). • SYN. : 2 ignoré, imprévu, inattendu, inconnu, inespéré, inimaginable, inouï, stupéfiant. insoutenable [ɛ̃sutnabl] adj. (de in- et de soutenable ; v. 1460, G. Chastellain, écrit insoustenable [insoutenable, XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1er juin 1870, Journ. officiel ; sens 3, av. 1654, Guez de Balzac). 1. Qu’on ne peut endurer, supporter : Douleur insoutenable. Peu à peu, elle avait dû hausser le ton, car le hurlement d’Estelle couvrait ses paroles. Ces cris devenaient insoutenables (Zola). Le soleil tombait presque d’aplomb sur le sable et son éclat sur la mer était insoutenable. Il n’y avait plus personne sur la plage (Camus). Un homme d’une prétention insoutenable. Ϧ2. Qu’on ne peut soutenir, entreprendre, poursuivre avec quelque chance de succès : Une lutte, une concurrence insoutenable. Ϧ 3. Qu’on ne peut soutenir, présenter ou admettre comme vrai ou juste : Opinion, cause insoutenable. Les absurdités où ils tombent en niant la religion deviennent plus insoutenables que les vérités dont la hauteur les étonne (Bossuet). Le type orateur se sert d’images insoutenables (Valéry). • SYN. : 1 insupportable, intolérable, terrible (fam.) ; 2 impossible ; 3 inadmissible, indéfendable, injustifiable, invraisemblable. inspecter [ɛ̃spɛkte] v. tr. (de inspecteur,d’après le lat. inspectare, examiner, de inspectum, supin de inspicere, regarder dans, regarder attentivement, passer en revue, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et du v. archaïque specere, regarder ; 1781, Bohan [I, 256], au sens 1 ; sens 2, 1885, Maupassant). 1. Examiner, en qualité d’inspecteur, quelque chose qu’on est chargé de contrôler officiellement : Inspecter une école, des travaux, une caserne, des troupes. Ϧ 2. Examiner avec une grande attention : La mère inspecta ce jour-là, comme à l’ordinaire, minutieusement, la toilette de sa fille (France). Et je me suis mis à inspecter les portes, m’efforçant de découvrir la sienne, à elle (Maupassant). • SYN. : 1 surveiller, visiter ; 2 étudier, explorer, fouiller, inventorier, scruter, sonder. inspecteur, trice [ɛ̃spɛktoer, -tris] inspecteur, trice [ɛ̃spɛktoer, -tris] n. (lat. inspector, observateur, et, à basse époque, « inspecteur, examinateur », de inspectum, supin de inspicere [v. l’art. précéd.] ; 1403, Internele Consolacion, dans la loc. inspecteur du cueur, « celui qui scrute le coeur » ; 1515, Desrey, au sens de « personne qui examine [un lieu, etc.] » ; sens 1, 1611, Cotgrave [inspecteur général des Finances, inspecteur des contributions directes, 1873, Larousse ; inspecteur du travail, 1902, Larousse ; inspecteur de police, 1862, V. Hugo ; inspecteur des travaux finis, XXe s.] ; sens 2, 6 avr. 1810, lettre de J. Joubert à Chênedollé [citée dans SainteBeuve, Chateaubriand, 1861, II, 216] ; sens 3, 1751, Voltaire). 1. Dénomination de fonctionnaires ou d’agents d’établissements privés qui ont pour mission de contrôler les activités d’autres personnes, de surveiller le fonctionnement de certains services, l’application des lois et règlements, etc. : Inspecteur des mines, des ponts et chaussées. Inspecteur de la navigation. ϦInspecteur général des Finances, inspecteur du travail, membre de l’inspection générale des Finances, de l’inspection du travail (v. INSPECTION). Ϧ Inspecteur des contributions directes, agent chargé de collecter les renseignements lui permettant de fixer les bases d’imposition. (On dit auj. INSPECTEUR DES IMPÔTS.) Ϧ Inspecteur de police, anc. dénomination de l’OFFICIER DE POLICE. Ϧ Fam. et plaisamm. Inspecteur des travaux finis, personne qui se présente lorsque les autres ont terminé le travail. Ϧ 2. Spécialem. Fonctionnaire chargé par le ministère de l’Éducation nationale de surveiller l’enseignement : Inspecteur primaire. Inspecteur d’académie. Inspecteurs généraux. Ϧ 3. Officier général qui reçoit du ministre des Armées une mission temporaire ou permanente : Inspecteur général de l’armée de terre, de la marine, de la gendarmerie. Inspecteur de l’artillerie. inspection [ɛ̃spɛksjɔ̃] n. f. (lat. inspectio, action de regarder, examen, réflexion, de inspectum, supin de inspicere [v. INSPECTER] ; 1290, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1611, Cotgrave ; sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, 1959, Robert [inspection — générale — des finances, v. 1806, Brunot ; inspection du travail, 1874, d’après Larousse, 1962, art. inspecteur]). 1. Vx. Examen attentif de quelque chose : Les Arabes [...] furent peut-être les premiers qui réglèrent leurs années par l’inspection du ciel (Voltaire). Une rapide inspection nous convainquit que le hameau était abandonné (Lévi-Strauss). Ϧ2. Action d’inspecter, de contrôler, de surveiller quelque chose en vertu de la charge ou de la mission qu’on exerce : Voyage, tournée d’inspection. Inspection d’un groupe scolaire. L’inspection des troupes. Inspection de travaux publics. Ϧ3. Fonction, charge d’inspecteur : Être candidat à une inspection. Ϧ 4. Corps d’inspecteurs, de fonctionnaires investis d’une mission de contrôle, de surveillance : Inspection générale de la Sécurité sociale. Ϧ Inspection générale des Finances, un des grands corps de l’État, dont les agents (inspecteurs des Finances) contrôlent toutes les administrations financières de l’État, ainsi que certains services publics (Caisse d’épargne, Sécurité sociale) et les agents des collectivités locales. Ϧ Inspection du travail, corps dont les membres (inspecteurs et contrôleurs) sont chargés de vérifier, dans les entreprises, si la législation et la réglementation du travail sont respectées. • SYN. : 1 étude, visite ; 2 contrôle. inspectorat [ɛ̃spɛktɔra] n. m. (de inspecteur, d’après le lat. inspector [v. INSPECTEUR] ; 1873, Larousse, au sens de « division administrative du Groenland et de l’Islande » ; sens 1, 1877, Littré ; sens 2, 1907, Larousse). 1. Charge d’inspecteur. Ϧ 2. Durée de cette charge. (Peu usité.) inspirant, e [ɛ̃spirɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de inspirer ; 1740, Brunot). Vx. Qui inspire, qui est propre à inspirer : Les circonstances où il écrivait n’avaient rien de bien inspirant (Cuvier). 1. inspirateur, trice [ɛ̃spiratoer, -tris] n. (bas lat. inspirator, celui qui inspire, du lat. class. inspiratum, supin de inspirare [v. INSPIRER] ; XIVe s., Godefroy, puis 1803, Boiste, au sens 1 ; sens 2, 1803, Delille [« auteur, oeuvre dont un écrivain, un artiste s’inspire... », 1828, A. F. Villemain]). 1. Personne qui inspire une action, qui en est l’instigatrice : Les auteurs et les inspirateurs d’un complot, d’un forfait. Les jurés [...] expédièrent le plus rapidement possible la femme Roland, inspiratrice ou complice des crimes de la faction brissotine (France). Ϧ2. Littér. Personne ou chose qui inspire quelqu’un, qui est le moteur de ses facultés créatrices : L’inspiratrice, la muse d’un poète. Ô toi l’inspiratrice et l’objet de mes chants (Delille). ϦSpécialem. Auteur, oeuvre dont un écrivain, un artiste s’ins- pire, qu’il prend pour modèle : Mallarmé, inspirateur de Valéry. J’ai choisi Richardson comme inspirateur de Rousseau et comme premier modèle du pathétique familier, exagéré par Diderot (Villemain). • SYN. : 1 agent, conseiller, fauteur, initiateur, instigateur, promoteur ; 2 égérie, muse ; guide, maître, mentor, modèle. & adj. (1798, Acad.). Littér. Qui donne l’inspiration : Quel souffle inspirateur | Parfois, comme un vent sombre, emporte le sculpteur [...] | De l’ode étroite et haute à l’immense épopée (Hugo). 2. inspirateur [ɛ̃spiratoer] adj. m. (dér. savant de inspirer ; 1765, Encyclopédie [XIV, 182]). En anatomie, se dit des muscles qui servent à l’inspiration de l’air dans les poumons. inspiration [ɛ̃spirasjɔ̃] n. f. (bas lat. inspiratio, souffle, haleine, inspiration, du lat. class. inspiratum, supin de inspirare [v. downloadModeText.vue.download 111 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2663 INSPIRER] ; v. 1120, Psautier de Cambridge, au sens II, 1 [dans la théologie catholique, 1679, Bossuet ; pape nommé par quasi-inspiration, 1962, Larousse — pape nommé par voie d’inspiration, même sens, 1721, Trévoux] ; sens I, fin du XIVe s., puis 1536, G. Chrestien ; sens II, 2, 20 août 1766, Voltaire [« chose ainsi inspirée », 1873, Larousse] ; sens Il, 3, 1701, Furetière ; sens II, 4, v. 1360, Froissart [« pensée, décision soudaine », 1893, Courteline] ; sens Il, 5, 1959, Robert). I. Action d’inspirer, de faire pénétrer de l’air dans ses poumons : La respiration se décompose en inspiration et expiration. Ϧ Spécialem. En physiologie, ensemble des mouvements du diaphragme et de la cage thoracique qui, dilatant cette dernière, appellent dans les poumons l’air extérieur servant aux échanges gazeux de la respiration. II. 1. Action d’origine divine ou surnaturelle par laquelle l’homme aurait la révélation de ce qu’il doit faire, dire, penser ; état de l’esprit lorsqu’il est ou paraît être soumis à cette influence : Par l’inspira- tion des démons ingénieux, il osa traverser les fleuves dans des troncs d’arbre fendus et creusés (France). Inspiration divine des prophètes. Ϧ Spécialem. Dans la théologie catholique, action exercée par Dieu sur l’intelligence humaine, et en particulier assistance divine qui a guidé les auteurs des livres canoniques. Ϧ Pape nommé par quasi-inspiration, pape nommé sans scrutin, par un accord unanime des cardinaux. Ϧ2. Enthousiasme créateur, état d’exaltation des facultés qui anime l’écrivain, l’artiste dans sa création et auquel sa volonté semble ne pas prendre part : Attendre l’inspiration. Poète froid et qui manque d’inspiration. Sources d’inspiration. L’artiste d’expérience sait bien que l’inspiration est rare, et que c’est à l’intelligence d’achever l’oeuvre de l’intuition (Rolland). L’inspiration est, positivement parlant, une attribution gracieuse que le lecteur fait à son choix et à son poète : le lecteur nous offre les mérites transcendants des puissances et des grâces qui se développent en lui. Il cherche et trouve en nous la cause merveilleuse de son émerveillement (Valéry). Ϧ Chose ainsi inspirée : Les inspirations du génie. Ϧ 3. Action de conseiller quelqu’un, de lui inspirer sa conduite, de lui suggérer ses décisions, ses résolutions : Agir sous l’inspiration de quelqu’un. Ϧ4. Impulsion, mouvement intérieur par lesquels on est porté à faire quelque chose : S’en remettre à l’inspiration du moment. La grandeur des actions humaines se mesure à l’inspiration qui les a fait naître (Pasteur). Ϧ Pensée, décision soudaine : Avoir d’heureuses inspirations. Ϧ 5. Dans le domaine littéraire, artistique, influence exercée sur un auteur, une oeuvre : Décoration d’inspiration médiévale. • SYN. : II, 1 grâce, illumination, souffle ; 2 exaltation, veine, verve ; 3 conseil, emprise, impulsion, influence, insinuation, instigation, suggestion ; 4 intuition. inspiratoire [ɛ̃spiratwar] adj. (de inspirat[ion] ; 1845, Annales de chimie [3e série, XIII, 489], au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Qui se rapporte, sert à l’inspiration de l’air dans les poumons. Ϧ2. Spécialem. Se dit de phonèmes rencontrés dans certaines langues africaines et dont l’émission est accompagnée d’une introduction d’air dans un des résonateurs phoniques. inspiré, e [ɛ̃spire] adj. et n. (part. passé inspiré, e [ɛ̃spire] adj. et n. (part. passé de inspirer ; 1690, Furetière, au sens 1 [substantiv., 1756, Voltaire] ; sens 2, 1690, Furetière [substantiv., 1837, Musset] ; sens 3, 1690, Furetière [être bien inspiré ; être mal inspiré, 1873, Larousse ; ne pas être inspiré, XXe s.]). 1. Qui est animé par l’inspiration divine : Prophète inspiré. Tous les soirs, sur les boulevards, un vieillard inspiré, portant feutre et lavallière, traverse la foule en répétant sans arrêt : « Dieu est grand, venez à lui... » (Camus) ; et substantiv. : S’exprimer comme un inspiré. Un écrivain mystique, un inspiré. Ϧ 2. Dans le domaine littéraire, artistique, qui reçoit l’impulsion créatrice de l’inspiration : Poète inspiré. Sitôt que d’Apollon un génie inspiré... (Boileau) ; et substantiv. : On reconnaît le poète — ou, du moins, chacun reconnaît le sien — à ce simple fait qu’il change le lecteur en« inspiré » (Valéry). Ϧ3. Fam. Être bien, mal inspiré de, avoir l’idée heureuse, malheureuse de ; être bien, mal avisé de : Il a été bien inspiré de remettre son voyage : l’avion qu’il devait prendre s’est écrasé au sol. ϦNe pas être inspiré, ne pas avoir d’idées ou ne pas avoir les idées qu’il faudrait. • SYN. : 1 illuminé, mystique, visionnaire. & adj. (sens 1, 1820, Lamartine ; sens 2, 1669, Bossuet). 1. Qui marque, dénote ou évoque l’inspiration divine ou poétique : Air inspiré. Prendre un ton inspiré. Quelle âme avait chanté sur des lèvres plus belles | Et brûlé plus limpide en des yeux inspirés ? (Leconte de Lisle). Ϧ 2. Qui porte la marque de l’inspiration : Livres inspirés ou canoniques. OEuvre inspirée. inspirer [ɛ̃spire] v. tr. et intr. (lat. inspirare, souffler dans, communiquer, insuffler, inspirer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de spirare, souffler, respirer, aspirer à ; fin du XIVe s., au sens 1 [« respirer, haleter », XIIIe s. ; intransitiv., 1867, Littré] ; sens 2, 1798, Acad.). 1. Inspirer de l’air, un gaz, ou, intransitiv., inspirer, faire entrer de l’air, un gaz dans les voies respiratoires : Inspirer profondément. Ϧ2. Faire pénétrer, insuffler dans la poitrine : Inspirer de l’air dans la poitrine d’un noyé. • SYN. : 1 aspirer, respirer. — CONTR. : 1 expirer. & v. tr. (sens 1, v. 1150, Godefroy [écrit espirer ; enspirer, v. 1190, Sermons de saint Bernard ; inspirer, v. 1265, J. de Meung] ; sens 2, 1664, Boileau [« ... faire naître l’inspiration... », av. 1696, La Bruyère ; cela ne m’inspire pas, av. 1945, P. Valéry] ; sens 3, 1636, Monet [en parlant de choses..., 1665, Racine] ; sens 4, 1660, Retz [en parlant de choses, 1670, Molière] ; sens 5, fin du XIIIe s. [en parlant d’une chose, av. 1778, J.-J. Rousseau ; inspirer quelqu’un de, 1556, Bonivard] ; sens 6, 17 janv. 1643, Guez de Balzac). 1. Animer d’un souffle, d’un enthousiasme surnaturel (en parlant de Dieu ou d’une divinité) : Dieu inspira Moïse et les prophètes. La Pythie était inspirée par Apollon. La suite des événements justifia pleinement que Mathathias était inspiré (Bossuet). Ϧ2. Inspirer quelqu’un (poète, artiste, créateur),lui communiquer l’inspiration, l’enthousiasme, l’élan de la création : La Muse inspire les poètes. Et maudissant cent fois le démon qui m’inspire, | Je fais mille serments de ne jamais écrire (Boileau). ϦSpécialem. En parlant d’une personne ou d’une chose, faire naître l’inspiration, être à l’origine de la création, d’une oeuvre créée : Modèle qui inspire un sculpteur. Montmartre a inspiré de nombreux peintres. La mort de La Boétie a inspiré à Montaigne de très belles pages sur l’amitié. Ϧ Fam. Cela ne m’inspire pas, ne m’inspire guère, cela ne me tente pas (guère), présente peu d’attrait pour moi : La noyade ne l’inspire pas (Valéry). Ϧ3. Inspirer quelque chose à quelqu’un, faire naître en lui une idée, un sentiment, une disposition durable (sens actif) : Inspirer à un enfant l’horreur du mensonge, le goût de la lecture. M. Chotard, aidé de Tite-Live, m’inspirait des rêves sublimes (France) ; en parlant de choses, déterminer, provoquer : C’est la peur qui a inspiré sa démarche. Des propos inspirés par la jalousie. La fausse honte et la crainte du blâme inspirent plus de mauvaises actions que de bonnes (Rousseau). Ϧ 4. Inspirer quelque chose à quelqu’un, éveiller chez une personne certains sentiments dont on est l’objet (sens passif) : Il inspire le respect à tous et même à ses adversaires. Je vis une belle femme qui n’était plus de la première jeunesse, mais qui pouvait encore inspirer un attachement (Chateaubriand). Une jeune fille grande et belle, qui sur son passage inspirait aux jeunes hommes un généreux désir (France) ; en parlant de choses, être la cause de : Attitude qui inspire la méfiance. Son état de santé nous inspire les plus vives inquiétudes. Ϧ5. Inspirer quelqu’un, déterminer son attitude, ses décisions par des suggestions, des conseils : L’impératrice Eugénie a souvent été accusée d’avoir mal inspiré Napoléon III ; en parlant d’une chose, être le principe, la règle des actions, du comportement d’une personne : C’est downloadModeText.vue.download 112 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2664 l’amour maternel qui l’a inspirée. Ϧ Class. et littér. Inspirer quelqu’un de (suivi de l’infinitif), lui suggérer la pensée de : Et l’inspirant bientôt de rompre avec Florange, | Donnez-moi le moyen de montrer qu’à mon tour | Je sais pour un ami contraindre mon amour (Corneille). Nous sommes inspirés d’être pour nous plus sévères (Valéry). Ϧ6. Inspirer quelque chose, en être l’instigateur, en suggérer l’idée, le dessein, sans apparaître soi-même comme l’auteur ou l’exécutant : Inspirer une réforme, un complot. Il juge, il préside, il inspire | Toutes choses dans son empire (Baudelaire). • SYN. : 3 communiquer, infuser, insuffler ; engendrer, susciter ; 4 allumer, faire naître, forcer, imposer, provoquer ; commander ; 5 agir sur, conseiller, incliner, infléchir, influencer, mener ; animer, pousser ; 6 souffler. & s’inspirer v. pr. (1829, Boiste [en parlant de choses, 1873, Larousse]). S’inspirer de quelqu’un, de quelque chose, le prendre pour modèle de son action, trouver chez quelqu’un des exemples, tirer des idées de quelque chose : Un poète attardé qui s’inspire des symbolistes, du symbolisme. S’inspirer de ses lectures, des conseils de quelqu’un, de la vie d’un grand homme. Tenter de recomposer les frontons du Parthénon [...] en s’inspirant du style de ces inimitables morceaux [...], quoi de plus légitime ? (Renan) ; en parlant des choses, manifester l’influence de, procéder de : Une reliure dont la décoration s’inspire de l’art abstrait. Cette comédie s’inspire du plus mauvais vaudeville. Tous ses actes s’inspiraient d’un esprit de sagesse et de bienveillance (France). • SYN. imiter. instabilité [ɛ̃stabilite] n. f. (lat. instabilitas, mobilité, de instabilis [v. l’art. suiv.] ; début du XIIIe s., au sens 4 ; sens 1-2, 1867, Littré [pour un produit pétrolier, 1962, Larousse] ; sens 3, 1959, Robert ; sens 5, 1601, P. Charron). 1. Caractère de ce qui manque de stabilité, d’équilibre : Alors, c’est l’instabilité. Il va falloir changer la cel- lule ou le moteur [de l’avion] (Croisset). Ϧ 2. Caractère d’un composé qui n’est pas stable chimiquement : L’instabilité d’un acide, d’un sel. ϦSpécialem. Caractère d’un produit pétrolier dont une caractéristique se détériore après un certain temps de stockage : On remédie à l’instabilité par des inhibiteurs. Ϧ 3. Caractère, état d’une personne qui ne s’établit pas à demeure dans un lieu : L’instabilité du peuple gitan. Ϧ 4. Fig. Caractère de ce qui a tendance à changer continuellement : Instabilité des prix. Instabilité gouvernementale. Instabilité de la fortune, des choses humaines. Quand on vit dans une perpétuelle instabilité publique, on est tenté de ne pas croire à l’immortalité littéraire (SainteBeuve). Ce qu’il reprochait à la spéculation, c’était la continuelle instabilité, les grosses sommes aussi vite perdues que gagnées (Zola). Ϧ 5. Caractère d’une personne qui est sujette à des variations continuelles et rapides de ses dispositions intellectuelles et affectives : Instabilité d’humeur, de caractère. Instabilité mentale. Ϧ Spécialem. État des enfants qui présentent un ensemble d’anomalies du caractère et du comportement : incapacité de rester en place, de fixer l’attention, d’avoir une activité suivie, etc., entraînant une inadaptation à la vie et à la discipline scolaires : Instabilité psychomotrice vraie. • SYN. : 1 déséquilibre ; 3 mobilité, nomadisme ; 4 fluctuation, fragilité, incertitude, mutabilité, oscillation, précarité, varia-lion, vicissitude ; 5 inconstance, saute, variabilité, versatilité. — CONTR. : 1 équilibre ; 2 stabilité ; 3 sédentarisme ; 4 fermeté, fixité, immutabilité, invariabilité, permanence, sécurité ; 5 constance, égalité, équilibre. instable [ɛ̃stabl] adj. (lat. instabilis, chancelant, mouvant, variable, inconstant, de in-, préf. à valeur négative, et de stabilis, propre à la station droite, ferme, solide, dér. de stare, se tenir debout, se tenir ferme ; v. 1220, Coincy, au sens 4 ; sens 1, v. 1530, C. Marot [en mécanique, 1867, Littré] ; sens 2, 1867, Littré ; sens 3, 1959, Robert ; sens 5, av. 1830, B. Constant). 1. Qui manque de stabilité, dont l’assise n’est pas ferme : Un échafaudage instable. Être dans une position instable. ϦSpécialem. En mécanique, se dit d’un équilibre que le plus léger déplacement du corps en équilibre suffit à détruire. Ϧ2. Se dit d’un composé chimique qui se décompose facilement : Un corps, une combinaison instable. Ϧ 3. Qui ne s’établit pas à demeure dans un lieu, qui se déplace constamment : Population nomade et instable. Une main-d’oeuvre instable. Ϧ 4. Qui peut changer, varier d’un moment à l’autre : Temps instable. Situation politique instable. Ϧ5. Fig. Qui ne repose pas sur des bases solides, qui n’a pas de caractère durable : Un gouvernement instable. • SYN. : 1 bancal, boiteux, branlant, chancelant ; 3 ambulant, errant, mobile, nomade, vagabond ; 4 fluctuant, précaire, variable ; 5 ragile, précaire. — CONTR. : 1 solide, stable ; 4 fixe, immuable ; 5 durable, ferme. & adj. et n. (XVe s., Perceforest [rare av. le milieu du XIXe s. ; caractère instable, 1867, Littré]). Se dit d’une personne qui n’est pas stable psychiquement, qui manque de constance dans ses dispositions intellectuelles et affectives : Vous êtes une instable, Claire (Bernstein) ; et par extens. : Un caractère instable. Ϧ Spécialem. Se dit des enfants atteints d’instabilité. • SYN. : déséquilibré. — CONTR. : équilibré, stable. instablement [ɛ̃stabləmɑ̃] adv. (de instable ; v. 1380, Aalma). De façon instable. (Peu usité.) installage [ɛ̃stalaʒ] n. m. (de installer ; 1902, Larousse). Dans l’armée, exposition d’objets du fourniment sur le lit : Et parfois, en train de passer une revue d’installage, [le capitaine] s’arrêtait (Proust). installateur [ɛ̃stalatoer] n. m. (dér. savant de installer ; 23 avr. 1863, Journ. des débats, au sens I ; sens Il, 11 mars 1875, Journ. officiel, p. 801). I. Celui qui installe un dignitaire. (Rare.) II.Spécialiste qui assure l’installation de certains appareils : Un installateur de chauffage central. installation [ɛ̃stalasjɔ̃] n. f. (de installer ; 1349, Godefroy, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1580, R. Li. R. [XX, 82] ; sens 1, 3, début du XXe s. ; sens 1, 4, av. 1960, A. Camus ; sens II, 1, 1611, Cotgrave ; sens il, 2, 1867, Littré ; sens II, 3, 1879, Loti). I. 1. Action d’installer un dignitaire ecclésiastique, de l’établir solennellement dans sa charge : L’installation d’un évêque. Ϧ 2. Formalité qui accompagne l’entrée en service de certains fonctionnaires, et à l’accomplissement de laquelle l’exercice de la fonction est subordonné : Installation d’un magistrat. Procéder à l’installation d’un tribunal. Ϧ3. Action de s’installer en un lieu ou dans un local d’habitation : Son installation dans le Midi n’est pas définitive. Inviter des amis pour fêter son installation. Ϧ 4. Fig. État d’une personne « installée », qui jouit d’une situation matérielle stable et aisée : J’ai appris à cette époque une vérité qui m’a toujours poussé à recevoir les signes du confort ou de l’installation avec ironie (Camus). II. 1. Action d’installer, de mettre en place certains objets ou certains appareils, en vue d’un usage déterminé : L’installation de l’eau, de l’électricité, du chauffage central. L’installation du branchement est à la charge du propriétaire. Ϧ 2. Action d’installer un local d’habitation, un local industriel ou professionnel, de l’aménager en vue de sa destination : L’installation d’une salle de bains, d’un appartement. L’installation d’une boutique, d’une usine, d’une imprimerie. Il a surveillé personnellement l’installation de sa villa. Ϧ 3. Ensemble des objets, des appareils mis en place, des locaux aménagés en vue d’un certain usage : Une installation frigorifique, thermique. Une installation sanitaire défectueuse. Au lendemain de la guerre, toutes les installations portuaires de la ville étaient détruites. Sur plusieurs kilomètres, le fleuve est bordé par des installations industrielles. Le bombardement des installations au sol. • SYN. : I, 1 intronisation, investiture ; 3 emménagement, établissement. Ϧ II, 2 aménagement, décoration ; 3 équipement. downloadModeText.vue.download 113 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2665 & installations n. f. pl. (1962, Larousse). En comptabilité, ensemble organique de biens meubles et immeubles. installé, e [ɛ̃stale] adj. (part. passé de installer ; 1962, Larousse). Fam. Qui est parvenu à une situation stable, qui vit dans l’aisance, le confort : Un homme installé. Les gens installés. • SYN. : arrivé, nanti, pourvu. — CONTR. : défavorisé, démuni, raté (fam.). installer [ɛ̃stale] v. tr. (lat. médiév. installare, établir [un dignitaire ecclésiastique] dans sa fonction, proprem. « [le] mettre dans une stalle d’église », du lat. class. in-, préf. marquant le mouvement vers, et du lat. médiév. stallum, stalle, du francique *stal, état, position, étal ; milieu du XIVe s., au sens 1, 2 ; sens I, 1, XVe s., Dict. général ; sens I, 3 et 11, 2, 1873, Larousse ; sens 1, 4, 1690, Furetière ; sens II, 1, 1596, Hulsius ; sens II, 3, 1867, Littré). I. INSTALLER QUELQU’UN 1. Établir solennellement dans sa charge un dignitaire ecclésiastique : Installer un évêque, un pape. Ϧ2. Établir officiellement dans son emploi le titulaire de certaines fonctions : Installer le président d’un tribunal. Ϧ 3. Mettre quelqu’un à la place qu’il est appelé à occuper : Installer une personne âgée dans un fauteuil, un blessé sur un brancard. Ϧ 4. Établir quelqu’un dans un lieu, dans une habitation, d’une manière durable : Installer sa famille à la campagne. Être bien, mal installé. Félicité, un quart d’heure après, était installée chez elle (Flaubert). II. INSTALLER QUELQUE CHOSE 1. Mettre, disposer quelque chose à une place déterminée : Installer un fauteuil devant la fenêtre. Installer sa tente sous les arbres. Ϧ 2. Mettre en place, en faisant les travaux nécessaires, un objet ou un appareil, un ensemble d’objets ou d’appareils destinés à un usage déterminé : Installer une lampe de bureau. Faire installer une antenne de télévision, un dispositif d’alarme. Installer le chauffage central. Installer l’électricité et le gaz. Ϧ 3. Aménager un local en y disposant tout ce qui est nécessaire à l’habitation ou à une activité donnée : Installer un appartement. Installer une boutique, une usine. Installer un laboratoire, une imprimerie. • SYN. : I, 1 introniser ; 3 caser (fam.) ; 4 loger. || II, 1 dresser, monter, placer, poser ; 3 agencer, équiper. & v. intr. (1888, Esnault [installer ; en installer, 1917, Esnault]). Pop. Installer ou en installer, avoir une attitude prétentieuse, chercher à se donner de l’importance, à en faire accroire sur sa situation, ses capacités : Il ne déteste pas « installer » pour ses proches et pour la domesticité (Deval). & s’installer v. pr. (sens 1, 1690, Furetière [« se mettre... dans une position commode », 1867, Littré] ; sens 2-3, 1690, Furetière [« s’établir quelque part pour y exercer une activité », fin du XVIe s., Brantôme] ; sens 4, 1935, Mauriac ; sens 5, 1852, Baudelaire). 1. Se mettre, se placer à un endroit déterminé, en général pour un certain temps : S’installer à la terrasse d’un restaurant pour y déjeuner. Les forains s’installaient sur les remparts (France). Ϧ Fam. Se mettre, s’établir dans une position commode : S’installer dans un fauteuil. S’installer confortablement dans le coin de son compartiment. Ϧ 2. Se fixer durablement en un lieu pour y résider, y travailler : S’installer à Paris, en province, à la campagne. Ϧ3. S’établir dans un local d’habitation, un local professionnel, etc. : S’installer dans un nouvel appartement. Ses parents se sont installés chez lui l’année dernière. Une société qui s’installe dans des bureaux tout neufs. La demeure où je viens de m’installer (Vailland). Ϧ Spécialem. S’établir quelque part pour y exercer une activité : S’installer à son compte. Commerçant qui vient de s’installer. Ϧ 4. Fig. et littér. S’installer dans quelque chose, s’établir dans une situation que l’on accepte, un état d’esprit que l’on fait sien : S’installer dans la pauvreté, dans le mensonge. Pays qui s’installe dans la pénurie. Un homme souffre et subit malheurs sur malheurs. Il les supporte et s’installe dans son destin (Camus). Ϧ5. Fig. En parlant d’une chose, s’établir, s’imposer durablement : Cette idée de la mort s’installa définitivement en moi comme fait un amour (Proust). Le soir tombait, une douceur brève s’installait dans le ciel (Camus). • SYN. : 1 s’asseoir, s’établir ; 2 se carrer, s’enfoncer, se prélasser ; 3 emménager ; 4 se résigner ; 5 s’ancrer, se fixer, s’implanter. installeur, euse [ɛ̃staloer, -øz] n. (de installer ; 1918, Esnault). Pop. Personne qui « en installe », qui cherche à en imposer par une attitude prétentieuse. instamment [ɛ̃stamɑ̃] adv. (de instant 1 ; 1378, Delisle, Mandements, écrit instanment ; instamment, fin du XIVe s.). De façon instante, pressante : Et comme il la pressait instamment de faire cette démarche auprès du ministre, elle fut prise d’un peu de défiance (France). Et le sujet qui me réclame le plus instamment, sitôt après, se développe cependant à l’autre extrémité de moi-même (Gide). instance [ɛ̃stɑ̃s] n. f. (lat. instantia, imminence, proximité, application assidue, demande pressante, de instans, -antis [v. INSTANT 1] ; 1288, BEC [XXIX, 181], au sens I, 2 [avec instance, 1564, J. Thierry ; au plur., 1693, Racine] ; sens 1, 1, 1534, Rabelais [« effort », v. 1355, Bersuire] ; sens Il, 1, 1636, Monet ; sens Il, 2, v. 1361, Oresme [affaire en instance, 1893, Courteline] ; sens II, 3, 1690, Furetière [juge d’instance, 1962, Larousse — juge de première instance, 1867, Littré] ; sens II, 4, milieu du XXe s. ; sens 11, 5, 1955, Lagache). I. 1. Class. Soin empressé : Et notre plus grand soin, notre première instance | Doit être à le nourrir [l’esprit] du suc de la science (Molière). Ϧ2. Class. Action de solliciter de façon pressante ; insistance : C’est cet ami savant qui m’a fait tant d’instance | De lui donner l’honneur de votre connaissance (Molière). Ϧ Auj. En ce sens, n’est plus usité que dans la loc. avec instance et au pluriel : Demander, prier avec instance. Résister à toutes les instances. Céder aux instances de quelqu’un. Mme Scarron ne consentit pas, malgré les plus pressantes instances, à accepter l’appartement que lui offrait dans son hôtel le maréchal d’Albret (Bailly). II. 1. Dans la logique scolastique, nouvel argument allégué pour réfuter la réponse faite à une première objection : J’ai négligé de répondre au gros livre d’instances que l’auteur des cinquièmes objections [Gassendi] a produit contre mes réponses (Descartes). Ϧ2. En droit, série des actes d’une procédure ayant pour objet de saisir un tribunal d’une contestation, d’instruire la cause et d’obtenir le jugement : Introduire, engager une instance contre quelqu’un. Instance en divorce. Exploit introductif d’instance. Péremption d’instance. Ϧ Affaire en instance, affaire pendante, dont on attend la solution. Ϧ 3. Degré de juridiction : Être en première instance. Ϧ Tribunal d’instance, de grande instance, v. TRIBUNAL. Ϧ Juge d’instance, nouvelle dénomination du juge de paix. Ϧ 4. Autorité, institution, organisme qui a un pouvoir de décision : instances internationales. Les instances politiques d’un pays. Cet ordre émane des plus hautes instances de l’organisation. Ϧ 5. Dans le vocabulaire de la psychana- lyse, chacune des trois parties de l’appareil psychique (le ça, le moi, le surmoi) qui représentent les trois groupes de motivations de la personnalité. • SYN. : II, 2 procédure, procès, requête. & En instance loc. adv. (1931, Larousse). En attente : Des colis restés en instance. & En instance de loc. prép. (v. 1360, Froissart, au sens de « dans l’intention de » ; sens actuel, 1962, Larousse). Près de, sur le point de : Être en instance de départ. Conscrit qui est en instance d’incorporation. 1. instant, e [ɛ̃stɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. instans, -antis, présent, pressant, menaçant, part. prés. adjectivé de instare, se tenir sur, serrer de près, menacer vivement, être imminent, de in-, préf. marquant la localisation, et de stare, se tenir debout, se tenir ferme ; fin du XIIIe s., au sens 1 [« imminent » ; « pressant, urgent », v. 1360, Froissart] ; sens 2, av. 1559, J. Du Bellay). 1. Vx ou littér. Qui est imminent, ou pressant, urgent : Le Régent avait accoutumé de me faire part downloadModeText.vue.download 114 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2666 des choses secrètes les plus importantes qui demandaient des partis instants à prendre (Saint-Simon). L’espoir est un scepticisme : c’est douter du malheur instant (Valéry). Ϧ2. Qui presse vivement, ne laisse pas de répit : Prière, demande instante. Il ravit brusquement aux autres l’avenir, son avenir jaloux. Et qu’y a-t-il en nous de plus vivant et plus instant ? (Valéry). 2. instant [ɛ̃stɑ̃] n. m. (emploi substantivé du précéd. ; 1377, Oresme, au sens 1 [« moment qui, relativement, semble court, quelle que soit sa durée réelle », 1580, Montaigne ; ellipt. un instant, 1835, Acad.] ; sens 2, 1758, d’après Féraud, 1787 [« le moment présent », 1896, Louÿs]). 1. Moment très court, perçu comme une totalité : Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon | Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ; | Chaque instant te dévore un morceau du délice | À chaque homme accordé pour mute sa saison (Baudelaire). Je demeurai quelques instants encore à contempler le visage endormi de la vieille (Gide). Marie-Anne retrouvait tous ces ins- tants et les faisait durer dans sa mémoire (Aymé). Ne pas perdre un instant. Cessez un instant de parler ! Ϧ Par exagér. Moment qui, relativement, semble court, quelle que soit sa durée réelle : Nous ne sommes qu’un instant sur la terre (Massillon). ϦEllipt. Un instant, attendez un moment : Un instant, je viens. Ϧ2. Moment précis, situé dans le temps : Et l’instant où je parle est déjà loin de moi (Boileau). Attendre l’instant propice. Tout ce qui, l’instant d’avant, était verdure devient bleu, autour de cette rouge flamme immobile (Colette). Ϧ Spécialem. Le moment présent : Vivre dans l’instant. • SYN. : 1 minute, moment, seconde ; 2 heure, temps. & À l’instant loc. adv. (sens 1, av. 1589, J. A. de Baïf [ tout à l’instant, 1678, La Fontaine] ; sens 2, XXe s. ; sens 3, 1937, Madelin [ à l’instant que, même sens, av. 1841, Chateaubriand]). 1. Sans attendre, aussitôt : Nous montâmes à cheval à l’instant (Chateaubriand). ϦTout à l’instant (vx), à l’instant même, sur-le-champ. Ϧ2. Il y a un instant : Je sors de chez lui à l’instant. Ϧ3. À l’instant où, au moment même où. & En un instant loc. adv. (1495, Maulde La Clavière, p. 669). Rapidement, très vite. & Dans un instant loc. adv. (1694, Acad.). Sans tarder, bientôt. & À chaque instant, à tout instant loc. adv. (1580, Montaigne [ à chaque instant ; à tout instant, 1787, Féraud). Très souvent, tout le temps : À tout instant, le téléphone sonne. & D’instant en instant loc. adv. (1735, Lesage). En ne laissant que de courts intervalles, presque continuellement : La foule grossissait d’instant en instant. & Dans l’instant loc. adv. (1689, Racine). Class. A l’heure même : Si le roi, dans l’instant, pour sauver le coupable, | Ne lui donne à baiser son sceptre redoutable (Racine). & Pour l’instant loc. adv. (1839, Musset). Pour le moment. & Par instants loc. adv. (1833, V. Hugo). Par moments, de temps en temps. & De tous les instants loc. adj. (1830, Stendhal). Sans répit, incessant : Dans ces pays, l’homme doit livrer une lutte de tous les instants. & Dès l’instant que loc. conj. (1835, Acad.). Du moment que, puisque. instantané, e [ɛ̃stɑ̃tane] adj. (de instant 2, d’après momentané ; 1604, Brunot, au sens 1 [pour le verbe qui exprime l’action sans durée, début du XXe s.] ; sens 2, 1867, Littré ; sens 3, 1875, Larousse, art. photographie [XII, 112 a]). 1. Qui ne dure qu’un instant, qui est d’une durée très courte : Lueur instantanée. Que sommes-nous, sinon un équilibre instantané d’une foule d’actions cachées ? (Valéry). Ϧ Spécialem. Se dit du verbe qui exprime l’action sans durée : Ces distinctions qu’a adoptées la grammaire comparée entre verbes duratifs ou instantanés, perfectifs ou imperfectifs, inchoatifs, itératifs, terminatifs... (Vendryes). Ϧ 2. Qui se produit dans l’instant, subitement : Décision, mort instantanée. Ϧ3. Vx. Photographie instantanée, s’est dit pour INSTANTANÉ, n. m. (au sens 1). • SYN. : 1 bref ; 2 brutal, immédiat, soudain, subit. — CONTR. : 1 durable, éternel, permanent ; 2 insensible, lent, progressif. & instantané n. m. (sens 1, 1922, Larousse ; sens 2, v. 1935 ; sens 3, 1902, Larousse). 1. Prise de vue effectuée avec un temps de pose très court, et dans laquelle l’ouverture et la fermeture de l’obturateur de l’appareil sont obtenues par une seule pression sur le dispositif de déclenchement : Il avait la chance et le malheur d’être photogénique ; ses photos remplissaient la maison : comme on ne pratiquait pas l’instantané, il y avait gagné le goût des poses et des tableaux vivants ; tout lui était prétexte à suspendre ses gestes, à se figer dans une belle attitude, à se pétrifier ; il raffolait de ces courts instants d’éternité où il devenait sa propre statue (Sartre). Ϧ 2. Temps de pose qui s’échelonne entre 1 seconde et 1/1 500 de seconde : Instantané lent, rapide. Ϧ3. Cliché, image obtenus dans ces conditions : Je suis venu avec mon Kodak pour en prendre un instantané (Bourget). instantanéiser [ɛ̃stɑ̃taneize] v. tr. (dér. savant de instantané ; 1920, Proust). Rendre instantané : Par là, l’artiste donne, en l’instantanéisant, une sorte de réalité historique vécue au symbole de la fable (Proust). instantanéisme [ɛ̃stɑ̃taneism] n. m. (dér. savant de instantané ; 1955, Kemp, p. 267). Caractère de ce qui est lié à l’instant présent : Je crois même que dans le jaillissement verbal, l’instantanéisme du vocabulaire et des métaphores de Fargue... (Kemp). instantanéité [ɛ̃stɑ̃taneite] n. f. (dér. savant de instantané ; 1735, d’après Féraud, 1787). Caractère de ce qui est instantané : L’instantanéité d’une vision de rêve (Bourget). Ces modifications de la notion qu’on a d’une personne ont l’instantanéité d’une réaction chimique (Proust). instantanément [ɛ̃stɑ̃tanemɑ̃] adv. (de instantané ; 1787, Féraud). Sur-le-champ, immédiatement : Mais, devant la grille du cimetière, tout le monde, instantanément, se tut (Flaubert). Le regard de ce personnage me jeta instantanément dans un trouble inconcevable (France). Tout cela défile instantanément dans la pensée (Bertrand). • SYN. : aussitôt, d’emblée (fam.), sur l’heure, à l’instant, séance tenante, soudainement, subitement, tout de suite. instar de (à l’) [alɛ̃stardə] loc. prép. (du lat. instar, valeur, quantité, grandeur, et, comme adv., « de la valeur de, à la ressemblance de » [ad instar, mêmes sens, en bas lat. — avec la prép. ad, marquant la relation] ; 1572, A. Thierry, II, 208). À l’exemple ou à la manière de : Agir, vivre, se conduire à l’instar de quelqu’un. La Monarchie fut démolie à l’instar de la Bastille, dans la séance du soir de l’Assemblée nationale du 4 août (Chateaubriand). Le client achetait des chaussures toutes faites, dans des magasins à l’instar de Paris (France). Et l’on vit à l’instar d’un modèle courant de l’humanité qui nous est proposé depuis notre enfance (Gide). • SYN. : comme, à l’image de, à l’imitation de. • REM. On ne peut employer cette locution avec un adjectif possessif et dire : À son instar, à leur instar. instaurateur, trice [ɛ̃storatoer, -tris] n. (bas lat. instaurator, celui qui restaure, du lat. class. instauratum, supin de instaurare [v. INSTAURER] ; XIVe s. [mot rare entre la fin du XVIe s. et 1802, Flick]). Personne qui introduit, établit pour la première fois quelque chose : Les instaurateurs de la liberté. • SYN. : auteur, créateur, fondateur, père, promoteur. instauration [ɛ̃storasjɔ̃] n. f. (lat. instauratio, reconstruction, réparation, renouvel- lement, reprise, de instauratum, supin de instaurare [v. INSTAURER] ; XIVe s.). Action d’instaurer, d’établir quelque chose ; fondation, institution : Travailler à l’instauration d’un gouvernement de salut public. L’instauration des jeux Olympiques. • SYN. : création, établissement, intronisation, organisation. instaurer [ɛ̃store] v. tr. (lat. instaurare, renouveler, célébrer de nouveau, établir, dresser, faire ; v. 1355, Bersuire, au sens 1 ; sens 2, av. 1924, A. France [les ex. du mot, relativement rares aux XVIIe et XVIIIe s., redeviennent fréquents depuis 1803, downloadModeText.vue.download 115 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2667 Boiste]). 1. Fonder, établir une institution : Instaurer un régime. Mais peut-être ne fautil pas demander à la guerre — ni même à la politique — de pouvoir instaurer jamais une paix véritable ? (Valéry). Ϧ2. Introduire, établir pour la première fois : Instaurer un usage, une mode. Le latin classique fut instauré dans les écoles par les savants de la Renaissance (France). • SYN. : constituer, créer, fonder, implanter, importer, inaugurer, introniser, promouvoir. instigateur, trice [ɛ̃stigatoer, -tris] n. (lat. instigator, celui qui excite, instigateur, de instigatum, supin de instigare [v. INSTIGUER] ; 1363, Ordonnance royale). Personne qui incite, pousse à faire quelque chose (le plus souvent en mauvaise part) : L’instigateur d’un crime, d’un complot ; et par extens. : Cette Société des Nations devait être l’instigatrice d’une politique et d’une économie internationales ; aboutir à une coopération générale, organisée, qui soit enfin à l’échelle de la planète (Martin du Gard). • SYN. : fauteur, incitateur, inspirateur, promoteur, protagoniste. instigation [ɛ̃stigasjɔ̃] n. f. (lat. instigatio, action d’émouvoir, d’exciter, de instigatum, supin de instigare [v. l’art. suiv.] ; v. 1355, Bersuire). Action d’inciter quelqu’un à faire quelque chose (rare) : L’âme sent, à de certaines instigations confuses, qu’il [le Saint-Esprit] veut quelque chose qu’elle ne peut comprendre (Bossuet). Obéir à l’instigation d’un meneur. • SYN. : conseil, exhortation, impulsion, insinuation, inspiration, intuition, suggestion. & À l’instigation de, sur l’instigation de loc. prép. (1332, Dict. général [à l’instigation de ; sur l’instigation de, 1962, Larousse]). En étant poussé par : Il ne peut s’adresser aux vendeurs, qui agissaient très probablement à l’instigation de ses ennemis et qui ont disparu (Lacretelle). instiguer [ɛ̃stige] v. tr. (lat. instigare, exciter, stimuler, pousser à ; v. 1355, Bersuire). Vx. Exciter, pousser à faire quelque chose : Instiguer à la révolte. Instigué par la pauvreté de ses moyens (Pourrat). instillateur [ɛ̃stilatoer] n. m. (dér. savant de instiller ; 1902, Larousse). Tout appareil permettant de doser et d’employer par gouttes un liquide médicamenteux. instillation [ɛ̃stilasjɔ̃] n. f. (lat. instillatio, instillation, de instillatum, supin de instillare [v. INSTILLER] ; 1495, Vignay, écrit instillacion [instillation, 1549, R. Estienne], au sens 1 ; sens 2, 1931, Larousse). 1. Action de verser, de faire pénétrer goutte à goutte un liquide : Laver une plaie par instillation. Seringue à instillations. Instillations nasales, auriculaires. Avant de se mettre à table, il prenait généralement la précaution de se faire quelques instillations, afin d’atténuer la difficulté de la déglutition (Martin du Gard). Ϧ 2. Spécialem. Méthode thérapeutique qui consiste à introduire dans une cavité de l’organisme un liquide médicamenteux : Instillation vésicale. instiller [ɛ̃stile] v. tr. (lat. instillare, verser goutte à goutte dans, insinuer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de stillare, tomber/faire couler goutte à goutte, dér. de stilla, goutte, très petite quantité ; v. 1501, Jardin de Plaisance, au sens 1 ; sens 2, 1574, Huguet). 1. Verser, faire pénétrer goutte à goutte : Instiller un médicament dans l’oeil. L’animalcule doit donc instiller certain virus, qui provoque un afflux exagéré de sève (J. H. Fabre). Ϧ 2. Fig. Faire pénétrer peu à peu : Instiller le doute dans l’esprit. • SYN. : 2 infuser, inoculer, insinuer, insuffler. instinct [ɛ̃stɛ̃] n. m. (lat. instinctus, instigation, excitation, impulsion, de instinctum, supin de instinguere, pousser, exci- ter ; 1495, Vignay, écrit instincte [instinct, 1538, R. Estienne], au sens 1 ; sens 2, 1580, Montaigne [aussi chez l’homme] ; sens 3, 1968, Larousse ; sens 4, 1591, Desportes [« ... aptitude naturelle à quelque chose », 1843, Lamartine] ; sens 5, v. 1660, La Rochefoucauld). 1. Class. (déjà vx au XVIIe s.) et littér. Impulsion, stimulation qu’un être animé reçoit d’un agent extérieur : Une inspiration, un instinct venu du Saint-Esprit (Bossuet). Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré [...], juge infaillible du bien et du mal (Rousseau). Ϧ2. Tendance naturelle et innée, existant surtout chez l’animal, qui pousse les individus d’une même espèce à accomplir des actes déterminés, plus ou moins complexes, uniformes, c’est-à-dire non perfectibles, ordonnés à une fin dont le sujet n’a généralement pas conscience ; les actes ou le comportement qui en résultent : Instinct de nidification. Instinct migratoire. Instinct de mellification chez l’abeille. Averti par son instinct de sang, le rapace plane toujours en quelque coin du ciel (Pesquidoux). Ϧ Spécialem. Chez l’homme, se dit plus particulièrement des activités élémentaires automatiques liées à la vie organique, des tendances héréditaires générales ou de tendances naturelles précises : Instinct de la tétée chez le nourrisson. Instinct de conservation. Instinct grégaire. Instinct de copulation ou instinct sexuel. Instinct maternel. Ϧ3. En psychanalyse, terme désignant les forces psychiques qui agissent à l’arrière-plan du ça et correspondent aux exigences d’ordre somatique : Instincts de vie. Instincts de mort. Ϧ 4. Au sens large, chez l’homme, impulsion intérieure et personnelle, indépendante de la réflexion, de caractère souvent irrationnel ou amoral, qui détermine l’individu dans ses jugements, ses sentiments, ses actes : Tous mes instincts sont purs et me portent au bien (Lamartine). Des souvenirs le répugnaient, la bassesse des convoitises, la grossièreté des instincts (Zola). Tous les instincts de bassesse et de férocité sont à nu (Rolland). Il [Martin du Gard] n’admet pas que rien puisse arrêter l’homme sur la pente de ses instincts (Gide). Je pense que notre civilisation économique empêche les bons instincts de se développer, de prendre le pas sur les autres (Martin du Gard). Ϧ Spécialem. Penchant irraisonné, aptitude naturelle à quelque chose (vieilli) : Avoir l’instinct du rythme, de la danse. Avoir l’instinct des sciences, de la musique. Ϧ 5. Intuition qui fait deviner, pressentir certaines réalités, notamment les sentiments ou les désirs des autres, ce qu’il convient de penser ou de faire en une circonstance : Il y en a [des gens] qui, par une sorte d’instinct dont ils ignorent la cause, décident de ce qui se présente à eux et prennent toujours le bon parti (La Rochefoucauld). Mais il était trop diversement doué, trop riche de connaissances générales, et d’ailleurs trop informé des choses de la vie par une sorte d’instinct qu’il en avait, pour ne pas céder comme distraitement à ce qu’il devait être un jour (Valéry). Son instinct l’avertissait que cette chambre, désormais, serait mieux pour elle qu’un refuge : une raison de vivre (Mauriac). Son instinct maternel l’avertissait qu’il [César] était amoureux de sa fille (Aymé). • SYN. : 4 inclination, tendance ; 5 inspiration, prémonition, prescience, pressentiment. & D’instinct, par instinct loc. adv. (av. 1848, Chateaubriand [d’instinct ; par instinct, 1873, Larousse]). Par un mouvement naturel, spontané, et sans intervention de la réflexion : Employer, utiliser d’instinct les meilleurs moyens. La faiblesse et la timidité sont portées d’instinct vers le courage et la force (Chateaubriand). Toutes les créatures s’étaient mises d’instinct à soigner leurs petits (P. Hervieu). instinctif, ive [ɛ̃stɛ̃ktif, -iv] adj. (de instinct ; 1803, Maine de Biran, p. 385). Qui procède de l’instinct ou d’un instinct : Désirs instinctifs. Antipathie instinctive. Tendance instinctive. Réaction instinctive. Geste, comportement instinctif. Le duc et le général virent des faisans dans une clairière et, pris du désir instinctif et profond de tuer, regrettèrent au-dedans d’eux-mêmes de n’avoir pas de fusil (France). Je m’excuse (et je m’accuse) de rêver quelquefois que l’intelligence de l’homme, et tout ce par quoi l’homme s’écarte de la ligne animale, pourrait un jour s’affaiblir et l’humanité insensiblement revenir à un état instinctif, redescendre à l’inconstance et à la futilité du singe (Valéry). Elle m’inspirait une horreur silencieuse, un dégoût instinctif (Carco). • SYN. : inconscient, inné, involontaire, irréfléchi, machinal, naturel, spontané. — CONTR. : acquis, conscient, réfléchi, volontaire. downloadModeText.vue.download 116 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2668 & adj. et n. (1883, Renan). Qui est dominé par l’instinct, qui agit de façon impulsive et sans prendre le temps de la réflexion : L’humain mépris devrait frapper quiconque fait vagir la première concupiscence dans le cerveau ou les entrailles d’un instinctif (Maurras). Il était beaucoup moins instruit, beaucoup moins intelligent, beaucoup moins instinctif que vous, et c’est pourquoi je l’aime encore, c’est pourquoi nous l’aimons tous, bien qu’il nous ait tous fait souffrir (Duhamel). instinctivement [ɛ̃stɛ̃ktivmɑ̃] adv. (de instinctif ; 1802, Catineau). De façon instinctive : Éviter instinctivement un obstacle. Elle leva instinctivement le bras pour protéger l’enfant qu’elle tenait contre son sein (France). instinctivité [ɛ̃stɛ̃ktivite] n. f. (dér. savant de instinctif ; 1832, Balzac). Caractère d’une personne ou de ce qui est instinctif : Une instinctivité tendre et sans emploi (Goncourt). instinctuel, elle [ɛ̃stɛ̃ktɥɛl] adj. (dér. savant de instinct ; 1838, Acad). Qui relève de l’instinct : Le caractère instinctuel d’une activité élémentaire comme la tétée. Pulsions instinctuelles. instituer [ɛ̃stitɥe] v. tr. (lat. instituere, placer dans, disposer, établir, fonder, organiser, de in-, préf. marquant la localisation, et de statuere, établir, dér. de status, pose, position, état, situation, de statum, supin de stare, se tenir debout, se tenir ferme ; début du XIIIe s., au sens de « établir [quelqu’un] sur ses terres » [en parlant d’un seigneur] ; sens I, 1, v. 1268, É. Boileau ; sens I, 2, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 1, 3, 1356, Bersuire ; sens II, 1466, P. Michault ; sens III, 1762, J.-J. Rousseau). I.1.Vx. Instituer quelqu’un, l’établir officiellement dans une charge : Instituer un fonctionnaire, un juge, un évêque. Ϧ2. Instituer quelqu’un héritier, son héritier, en droit, le désigner comme héritier par testament : Celui-ci avait institué la jeune femme sa légataire universelle (Zola). Ϧ 3. Instituer quelque chose, l’établir d’une manière durable, le fonder : Instituer un tribunal. C’est Richelieu qui a institué l’Académie française. II. Class. Instituer quelqu’un, l’instruire et l’éduquer de façon convenable : Estil plus important qu’un cheval soit bien dressé qu’un enfant bien institué ? (Patru). III. Vx. Instituer un peuple, une nation, les doter d’institutions (rare) : Celui qui ose entreprendre d’instituer un peuple (Rousseau). • SYN. : I, 3 créer, ériger, fonder, instaurer, promouvoir. & s’instituer v. pr. (1587, F. de La Noue, au sens de « s’instruire » ; sens 1, 1867, Littré [s’instituer ; s’instituer comme, milieu du XXe s.] ; sens 2, av. 1784, Diderot). 1. S’instituer comme, en parlant d’une personne, se donner une fonction de sa propre autorité : Il s’est institué comme arbitre du différend. Ϧ 2. En parlant d’une chose abstraite, s’installer, s’imposer : Cette comparaison s’institua involontairement dans l’esprit du médecin (Bourget). institut [ɛ̃stity] n. m. (lat. institutum, plan établi, habitude, organisation [en matière politique, civile, morale, religieuse], principes, part. passé neutre substantivé de instituere [v. l’art. précéd.] ; fin du XVe s., au sens 1 ; sens 2, milieu du XVIe s. [var. institute, 1552, Paradin ; « congrégation de religieux... », 1690, Furetière] ; sens 3, 1765, Encyclopédie [Institut de France ou Institut, fin du XVIIIe s. — 25 oct. 1795 ou 3 brumaire an IV, Bulletin des lois, sous le nom de Institut national des sciences et des arts] ; sens 4, depuis 1797 [cf. le Bulletin des lois de cette année, qui définit l’Institut d’Égypte, créé le 3 fructidor an VI] ; sens 5, 1908, Colette [institut de beauté, 1922, Larousse]). 1. Class. Décision qui établit quelque chose ; ce qui est ainsi établi : En prononçant les mots que je vous ai dictés, | Suivant mon institut, suivant mes volontés, | Vous opérez l’effet de votre ministère [Jésus parlant de l’institution de l’eucharistie] (Corneille). Ϧ 2. Class. Règle d’un ordre religieux ; l’ordre lui-même : Je vous en parlerai peut-être quelque jour, mes Pères : et on sera surpris de voir combien vous êtes déchus du premier esprit de votre institut (Pascal). Ϧ Auj. Congrégation de religieux non clercs ou de laïques : Instituts séculiers. Ϧ3. Dénomination de certains corps constitués de gens de lettres, d’artistes, de savants. ϦInstitut de France, ou, absol., l’Institut, la réunion des cinq Académies (avec une majuscule) : Membre de l’Institut ; lieu où se réunissent les membres de cette institution : Aller à l’Institut. Ϧ4. Nom donné à certains établissements de recherche scientifique, d’enseignement, etc. : Institut océanographique. Institut national de la statistique et des études économiques. L’Institut Pasteur. L’Institut catholique de Paris. L’Institut français d’Athènes. Ϧ5. Nom adopté par divers établissements, commerciaux ou autres : Institut de coupe. Institut dentaire. ϦInstitut de beauté, établissement dans lequel on dispense des soins du visage et du corps à des fins esthétiques : Les séances qu’elle subit à son habituel institut de beauté (Lecomte). institutes [ɛ̃stityt] n. f. pl. (lat. instituta, institutions, plur. [pris pour un fém. sing. au Moyen Age] de institutum [v. l’art. précéd.] ; 1328, Douët d’Arcq, au sing. ; au plur., fin du XVe s. [aussi absol.]). Manuel méthodique de droit romain : « Institutes » de Gaius. « Institutes » de Justinien. Ϧ Absol. Les « Institutes », le recueil rédigé par ordre de Justinien. instituteur, trice [ɛ̃stitytoer, -tris] n. (lat. institutor, [celui] qui dispose, administre [et, à basse époque, « précepteur, maître »], de institutum, supin de instituere [v. INSTITUER] ; 1495, Vignay, au sens 1 [institueres, forme plus pop., 1399, Romania, XXXIII, 28] ; sens 2, 1734, d’Argenson [un premier ex. au milieu du XVe s.] ; sens 3, 13 mai 1793, Moniteur universel). 1. Class. Celui qui a institué, fondé quelque chose (au masculin) : Saint Augustin ne fut jamais ni religieux ni instituteur d’aucun ordre (Patru). L’instituteur de cet ordre, de cette cérémonie (Acad., 1694). Ϧ2. Vx. Personne chargée de l’éducation des enfants dans une famille : Ces paroles me firent frémir, car le nouvel instituteur ne pouvait être évidemment qu’un jésuite remplaçant un jésuite (Chateaubriand). Ϧ3. Spécialem. Personne qui enseigne dans une école primaire : Il donnait un intérêt, une âme, une vie aux éléments les plus arides [...], il était vraiment l’instituteur né (Zola). Le sujet de son livre [« la Maternelle »] avait été fourni à Frapié par sa femme, institutrice à Ménilmontant (L. Descaves). • SYN. : 3 maître [d’école]. institution [ɛ̃stitysjɔ̃] n. f. (lat. institutio, disposition, arrangement, instruction, édu- cation, méthode, doctrine, de institutum, supin de instituere [v. INSTITUER] ; v. 1190, Sermons de saint Bernard, écrit institucion [institution, XIVe s.], au sens I, 3 [en droit, en philosophie, 1564, Indice de la Bible] ; sens I, 1, sIIIe s., Romania [XVII, 60], écrit institucion [institution, XIVe s. ; d’institution, 1690, Bossuet ; institution canonique, 1902, Larousse — institution, même sens, 1721, Trévoux ; institution d’héritier, 1583, Ragueau] ; sens I, 2, 1662, Bossuet ; sens I, 4, 1919, Proust ; sens II, 1, milieu du XVIe s., Amyot ; sens Il, 2, 1680, Richelet). I. 1. Action d’instituer quelqu’un ou quelque chose : L’institution des jeux Floraux remonte au Moyen Âge. L’institution d’un pouvoir investi du droit de mettre tout le monde d’accord [...] semble au premier coup d’oeil un précieux bienfait (Renan). Ϧ D’institution, se dit de ce qui a été institué, fondé par l’homme : La propriété est d’institution. (V. aussi n. 3, ciaprès.) Ϧ D’institution (suivi d’un adjectif), qui a telle origine : Les évêques sont d’institution apostolique. ϦInstitution canonique, acte par lequel un supérieur ecclésiastique met un clerc en possession d’un office et de la juridiction qui y est attachée. Ϧ Institution d’héritier, action de désigner quelqu’un comme héritier, par testament ou, parfois, par contrat de mariage. Ϧ 2. Class. État dans lequel une personne ou une chose est établie ; origine, condition primitive : La grandeur et la dignité de l’homme dans sa première institution (Bossuet). C’est rappeler la poésie à son institution primitive que de la faire servir ainsi à la religion (Rollin). downloadModeText.vue.download 117 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2669 Ϧ3. Ce qui est institué : Une institution charitable. L’O. N. U. est une institution internationale. En Turquie, toutes les institutions publiques sont dues à des particuliers (Chateaubriand). Ϧ Spécialem. En droit, en philosophie, désigne ce qui est établi par les hommes (mariage, famille, association, gouvernement, Parlement, propriété, etc.), par opposition à ce qui est naturel : Institutions politiques, administratives, religieuses. Il montra la sainte institution du mariage abolie, l’amour retombé à la bestialité (Zola). Ϧ 4. Fam. et plaisamm. Habitude : Voilà une heureuse institution ! Le vol est ici une institution nationale. II. 1. Class. Action de former quelqu’un, de l’instruire, de l’éduquer ; résultat de cette action : La bonne institution sert beaucoup pour corriger les défauts de la naissance (Descartes). Ϧ 2. Établissement privé d’enseignement et d’éducation : Une institution libre, religieuse. Être à la tête d’une institution de jeunes filles. Il est à Paris, répétiteur dans une institution de la rue Saint-Jacques (France). • SYN. : I, 1 création, établissement, fondation, instauration, organisation. ϦII, 2 collège, école, institut, pension, pensionnat. & institutions n. f. pl. (1794, Brunot). Lois fondamentales qui régissent un pays ; structures politiques et sociales d’un État : Institutions démocratiques, monarchiques. Les institutions que nos ancêtres ont adoptées après six mille ans d’expérience valent mieux que les constructions d’imbéciles hâtifs et prétentieux (Maurois). Agnès demanda si l’on ne pourrait pas lutter contre les institutions sans diffamer les individus (Queneau). • SYN. : constitution, régime. institutionnalisation [ɛ̃stitysjɔnalizasjɔ̃] n. f. (de institutionnaliser ; 1956, Burdeau). Action d’institutionnaliser quelque chose ; résultat de cette action. institutionnaliser [ɛ̃stitysjɔnalize] v. tr. (dér. savant de institutionnel ; v. 1955, P. Gilbert, p. 274). Transformer en institution, revêtir du caractère d’une institution : La société [...] a même de diverses façons institutionnalisé [le langage] (H. Berr). institutionnalisme [ɛ̃stitysjɔnalism] n. m. (dér. savant de institutionnel ; 1968, Larousse). Tendance à multiplier les institutions, les organismes de contrôle, dans les domaines politiques, économiques, etc. institutionnel, elle [ɛ̃stitysjɔnɛl] adj. (de institution ; 1939, Français moderne, VIII, 95). Qui concerne les institutions de l’État : Procéder à une réforme institutionnelle. Quel est le cadre institutionnel dans lequel la présence française pourra être maintenue.. ? (R. Aron). Ce serait un marché de dupes si ces exigences devaient servir à escamoter la rénovation politique et institutionnelle dont nous avons besoin (Camus). instructeur [ɛ̃stryktoer] n. m. et adj. m. (lat. instructor, ordonnateur, de instructum, supin de instruere [v. INSTRUIRE] ; XIVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré [aussi adjectiv.] ; sens 3, 1636, Monet [adjectiv., 1835, Acad.]). 1. Personne qui instruit, qui est chargée de certaines tâches d’instruction : Pédant, qui signifiait « instructeur de la jeunesse », est devenu une injure (Voltaire). Ϧ2. Spécialem. Gradé ou officier chargé d’une mission d’instruction dans l’armée : Manuel de l’instructeur ; et adjectiv. : Capitaine instructeur. Leur bâton de sergent instructeur monarchique (Hugo). Ϧ3. Magistrat chargé d’instruire une affaire de justice : M. Popinot, l’instructeur de cette épouvantable affaire, n’avait rien pu obtenir de lui (Balzac) ; et adjectiv. : Je vous répondrai comme je le ferais au magistrat instructeur, si quelqu’un pouvait enfin s’aviser que ce tableau ait atterri dans ma chambre (Camus). Juge instructeur. instructif, ive [ɛ̃stryktif, -iv] adj. (dér. de instruire, d’après le lat. instructum, supin de instruere [v. INSTRUIRE] ; XIVe s., Godefroy). Qui instruit, apporte des connaissances, une information : Ouvrage instructif. Lecture instructive. Conversation instructive. • SYN. : culturel, didactique, documentaire, éducatif. instruction [ɛ̃stryksjɔ̃] n. f. (lat. instructio, action d’adapter, disposition, construction [et, à basse époque, « instruction », au fig.], de instructum, supin de instruere [v. INSTRUIRE] ; 1319, Isambert, au sens II, 3 [« directive donnée par le haut commandement militaire à ses subordonnés directs », 1959, Robert] ; sens I, 1, XVe s., BEC, 6e série, t. I, p. 359 [« formation dispensée dans les établissements scolaires », 1771, Brunot ; instruction publique, fin du XVIIIe s.] ; sens I, 2, 1893, Dict. général [instruction religieuse ; instruction militaire, XXe s. — instruction, même sens, 1787, Encycl. méthodique] ; sens I, 3, 1580, Montaigne ; sens I, 4, 1662, Corneille [instruction pastorale, 20 nov. 1702, Mme de Maintenon] ; sens II, 1, milieu du XVIe s., Amyot ; sens Il, 2 et 4, 1962, Larousse ; sens II, 5, 1968, Larousse ; sens III, 1636, Monet). I.1.Action d’instruire quelqu’un, de lui communiquer des connaissances et de former son esprit : L’instruction d’un enfant. Il serait fort possible que le père [...] eût confié à un précepteur particulier l’instruction de ses trois fils (Lanson). Ϧ Spécialem. Syn. vieilli d’ENSEIGNEMENT, formation dispensée dans les établissements scolaires : Instruction primaire, secondaire, professionnelle. Ϧ Instruction publique, celle qui est dispensée dans les établissements scolaires de l’État. Ϧ 2. Ensemble de connaissances relatives à un certain domaine : Instruction religieuse. Instruction civique. Ϧ Instruction militaire, ou simplem. instruction, formation donnée aux militaires, et notamment aux recrues, pour leur faire acquérir les qualités (physiques et morales) et les connaissances (théoriques et pratiques, tactiques et techniques) devant leur permettre de remplir leur mission : Période d’instruction. Instruction des recrues, des gradés. Ϧ3. Savoir acquis par l’étude, par l’enseignement reçu dans un établissement scolaire : Avoir de l’instruction, une bonne instruction. Ϧ 4. Class. Leçon, précepte qu’on donne pour instruire : Nestor lui donnait des instructions qu’il appuyait de divers exemples (Fénelon). Ϧ Instruction pastorale, lettre d’un évêque à ses diocésains pour éclairer un point de doctrine ou donner des consignes pratiques. II. 1. Vx. Action d’instruire quelqu’un de quelque chose, ou le fait d’être instruit de quelque chose : Dieu les frappe [les grands] pour nous avertir ; il ne craint pas de les sacrifier à l’instruction du reste des hommes (Bossuet). Je vous demande cela pour mon instruction (Littré). Ϧ 2. Vx. Indication de la manière dont un médicament doit être administré. Ϧ 3. Ordre de service adressé par un supérieur à ses subordonnés en vue de leur préciser la conduite à tenir en telle ou telle circonstance : Instruction préfectorale. (V. aussi INSTRUCTIONS n. f. pl., ci-après.) Ϧ Spécialem. Directive donnée par le haut commandement militaire à ses subordonnés directs : Instruction personnelle et secrète (abrév. I. P. S.). Ϧ 4. Règlement militaire ayant une portée d’ordre général ou technique : Instruction générale sur le tir de l’infanterie. Ϧ 5. Partie unitaire d’un programme de machine à traiter l’information, indiquant une opération à effectuer. III. Instruction judiciaire, ou simplem. instruction, ensemble de la procédure qui met une affaire en état d’être jugée : Juge d’instruction. Le Code de procédure pénale a remplacé, en 1958, le Code d’instruction criminelle. L’instruction du procès marcha avec une telle lenteur que sept mois déjà s’étaient écoulés depuis l’arrestation de Saccard et d’Hamelin sans que l’affaire pût être mise au rôle (Zola). • SYN. : I, 1 éducation, enseignement, formation ; 3 bagage, connaissances, culture, érudition. & instructions n. f. pl. (sens 1, fin du XVe s., Commynes [« ordres et renseignements donnés à un ambassadeur... », 1580, Montaigne] ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Indications, verbales ou écrites, données à quelqu’un pour la conduite d’une affaire ou l’exécution d’une mission : Exécuter ponctuellement les instructions reçues. Attendre de nouvelles instructions. downloadModeText.vue.download 118 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2670 ϦSpécialem. Ordres et renseignements donnés à un ambassadeur, à un envoyé quelconque : Ambassadeur muni d’instructions secrètes. Ϧ2. Ensemble de prescriptions données par le fabricant pour l’utilisation d’un appareil ou d’un produit : Lire attentivement les instructions avant de mettre en marche l’appareil. • SYN. : 1 consignes, directives, mot d’ordre, ordres, prescriptions ; 2 mode d’emploi. instruction-machine [ɛ̃stryksjɔ̃maʃin] n. f. (de instruction et de machine ; 1968, Larousse). En informatique, instruction codée en langage absolu, directement exécutable par un ordinateur. • Pl. des INSTRUCTIONS-MACHINE. instruire [ɛ̃strɥir] v. tr. (lat. instruere, assembler dans, insérer, élever, bâtir, équiper, informer, disposer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de struere, assembler, arranger, construire ; v. 1120, Psautier d’Oxford, écrit enstruire [instruire, fin du XIVe s.], au sens I, 1 [« dispenser à quelqu’un... l’enseignement relatif à une matière... », 1636, Monet — absol., 1668, La Fontaine ; instruire quelqu’un à, 1667, Racine ; instruire quelqu’un de, début du XVIIe s., Malherbe] ; sens 1, 2, fin du XIVe s., E. Deschamps [absol., 1651, Scarron] ; sens 1, 3, 1677, Bossuet ; sens II, 1, v. 1170, Livre des Rois, écrit enstruire [instruire, XVe s. ; avec un complément d’objet et une proposition complétive, 1646, Du Ryer] ; sens II, 2, 1672, Boileau ; sens III, 1549, R. Estienne [absol., 1867, Littré ; instruire le procès de quelqu’un, au fig., 1778, Diderot]). I. 1. Littér. Instruire quelqu’un,former son esprit par des leçons, des préceptes, par l’exemple : C’est ainsi que Dieu instruit les princes, non seulement par des discours et par des paroles, mais aussi par des effets et des exemples (Bossuet). Bientôt vous recevrez de ma main un prophète | Qui viendra vous instruire et souffrir avec vous (Baudelaire). Ϧ Spécialem. Dispenser à quelqu’un, notamment aux jeunes, les connaissances de base, l’enseignement relatif à une matière, à une science : Pour instruire les enfants d’une manière agréable, il leur fit cadeau d’une géographie en estampes (Flaubert). L’école n’est pas seule à instruire les jeunes. Le milieu et l’époque ont sur eux autant et plus d’influence que les éducateurs (Valéry). Instruire des recrues ; et absol. : Le talent d’instruire est de faire que le disciple se plaise à l’instruction (Rousseau). Ϧ Vx. Instruire quelqu’un à (suivi d’un infinitif), donner à quelqu’un les connaissances, la pratique pour : Je l’instruirai moi-même à venger les Troyens (Racine). ϦVx ou littér. Instruire quelqu’un de (suivi d’un infinitif), lui apprendre à : Il faut instruire ceux qui reçoivent de le faire de bon coeur (Malherbe). Chaque doctrine nous instruit d’abîmer les autres (Valéry). Ϧ 2. En parlant de choses, apporter un enseignement, servir de leçon, donner de l’expérience à : L’adversité, le malheur, les épreuves les ont instruits. Mais, si l’on continue d’agir, instruit par l’insuccès, on saura rectifier son action, et l’on finira par réussir (Lanson) ; et absol. : Le théâtre instruit mieux que ne fait un gros livre (Voltaire). Ϧ 3. Class. Instruire un animal, le soumettre au dressage : Un cheval de manège [...] le mieux instruit du monde (La Bruyère). II. 1. Instruire quelqu’un de quelque chose,lui donner connaissance de quelque chose, l’en informer : La presse a pour mission de nous instruire des événements. Nous sommes instruits de ce qui s’est passé. Quand il fut instruit de l’affaire, il ap- prouva le Tétrarque (Flaubert). ϦClass. En ce sens, s’employait (et s’emploie encore parfois littérairement) avec, outre le complément d’objet, une proposition complétive : Je puis l’instruire au moins combien sa confidence | Entre un sujet et lui doit laisser de distance (Racine). Pour les instruire que la princesse Tverskoï était l’âme du soviet (Hermant). Ϧ2. Class. Donner ses instructions, ses directives : Louis en personne, | Déjà prêt à passer, instruit, dispose, ordonne (Boileau). III. Instruire un procès, en droit, rassembler les éléments de preuve qui serviront à sa solution : Instruire une affaire, le procès de quelqu’un ; et absol. : Instruire contre quelqu’un. Ϧ Fig. Instruire le procès de quelqu’un, accumuler contre quelqu’un, dans un domaine quelconque, les preuves de sa culpabilité, les faits qui le desservent. • SYN. : I, 1 éduquer, enseigner (vx), former ; 2 avertir, dresser, façonner, forger, initier. Ϧ II, 1 annoncer, aviser, exposer, faire connaître, faire savoir, notifier, renseigner, signaler. & s’instruire v. pr. (sens 1, 1580, Montaigne [s’instruire à, av. 1924, A. France] ; sens II, av. 1696, La Bruyère). I. Développer son instruction, acquérir des connaissances, ou les connaissances propres à un domaine particulier : Laura s’instruisit bientôt elle-même (Gide). Chercher à s’instruire. S’instruire dans un art, dans une science. Ϧ Littér. S’instruire à (suivi d’un nom ou d’un infinitif), acquérir les connaissances nécessaires à, pour : Des fils de grandes familles, qui venaient s’instruire aux affaires (France). La bouche [de la vieille], plissée et rentrée, semblait tirée comme par les cordons d’une bourse d’avare, instruite à ne rien laisser échapper (Gide). II. S’instruire de quelque chose, s’informer, se renseigner sur quelque chose : S’instruire d’un fait, d’un événement, des circonstances exactes d’un accident. • SYN. : I apprendre, bûcher (fam.), chiader (arg. scol.), se cultiver, étudier, piocher (fam.), potasser (fam.), travailler. ϦII se documenter. instruit, e [ɛ̃strɥi, -it] adj. (part. passé de instruire ; 1346, Mémoires de la Société de l’histoire de Paris [XXIV, 54], dans les loc. bien, mal instruit, « bien, mal élevé » ; sens I, av. 1662, Pascal ; sens Il, 1835, Acad.). I. Qui a un ensemble de connaissances formant une solide instruction : Est-ce que tous les hommes, même instruits, créent et inventent ? (Donnay). II. Qui a fait l’objet d’une procédure judiciaire et qui est en état d’être jugé : Une affaire rapidement instruite. • SYN. : I calé (fam.), cultivé, docte, éclairé, érudit, ferré (fam.), fort, lettré, savant. instrument [ɛ̃strymɑ̃] n. m. (lat. instrumentum, mobilier, matériel, outillage, document, ornement, de instruere [v. INSTRUIRE] ; v. 1138, Gaimar, écrit estrument [instrument, v. 1298, Livre de Marco Polo], au sens 2 [instrument de musique, 1672, Sacy] ; sens 1, v. 1160, Roman de Tristan, écrit estrument [instrument, v. 1360, Froissart ; « objet considéré par rapport à sa fonction... », v. 1361, Oresme — estrument, même sens, v. 1265, J. de Meung ; instruments de bord, 1931, Larousse] ; sens 3, 1458, Mystère du Vieil Testament [complément d’instrument, 1922, Brunot, Pensée] ; sens 4, v. 1265, Livre de jostice, écrit estrument [instrument, v. 1360, Froissart] ; sens 5, 1694, Acad.). 1. Objet fabriqué servant à exécuter un travail ou une opération (généralement accompagné d’un adjectif ou d’un complément qui en précise la destination) : Instruments aratoires. Instruments de chirurgie, d’optique, de laboratoire. Instruments de mesure, de précision. Un hangar encombré d’instruments agricoles (France). À côté d’eux gisaient leurs instruments de pêche (Richepin). Ϧ Objet considéré par rapport à sa fonction ou à l’usage qui en est fait : instruments de travail. Instrument tranchant. Meurtre perpétré avec un instrument contondant. Les instruments de mort, poignards, pistolets curieux, armes à secret, étaient jetés pêle-mêle avec des instruments de vie : soupières en porcelaine, assiettes de Saxe (Balzac). Dans sa ceinture dorée, elle [la fée Udine] prit sa baguette, qui était l’instrument de sa puissance (Aymé) ; et littér. : Le même individu qui peut penser physique ou biologie avec des instruments de pensée comparables à des instruments de précision pense politique au moyen de termes impurs, de notions variables, de métaphores illusoires (Valéry). ϦInstruments de bord, appareils de contrôle du fonctionnement des divers organes d’un véhicule, groupés généralement sur un tableau placé dans le champ de vision du conducteur ou du pilote. Ϧ 2. Spécialem. Instrument de downloadModeText.vue.download 119 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2671 musique, ou simplem. instrument, toute espèce d’appareil conçu pour produire des sons musicaux : Instruments à cordes, à vent, à percussion. Instruments en cuivre, en bois. Accorder un instrument. Les instruments d’orchestre. Un ensemble d’instruments anciens. Ϧ 3. Fig. Personne ou chose par l’intermédiaire de laquelle est obtenu quelque résultat : Être l’instrument de la vengeance de quelqu’un. Quand ce grand Dieu a choisi quelqu’un pour être l’instrument de ses desseins, rien n’en arrête le cours (Bossuet). La presse doit devenir le plus admirable instrument d’instruction, lorsqu’elle ne sera plus aux mains des bandits politiques et financiers (Zola). En quelques mois, entre vos mains expertes, l’armée française se fait un instrument de puissance, de précision et de résistance incomparable (Valéry). L’État bourgeois repose sur la police et sur l’armée, parce qu’il est d’abord un instrument d’oppression (Camus). Ϧ Complément d’instrument ou de moyen, en grammaire, nom ou pronom représentant la personne ou la chose au moyen de laquelle s’accomplit l’action (introduit par de, avec, par). [Ex. : Transpercer l’adversaire DE SA LANCE. Tuer quelqu’un AVEC UNE ÉPÉE. Réussir PAR RUSE.] (V. aussi le Complément circonstanciel, à CIRCONSTANCIEL, ELLE.) Ϧ 4. En droit, forme écrite d’un acte juridique, par opposition au fond même de cet acte. Ϧ 5. En droit international, acte écrit qui termine une négociation, constate l’accord des parties contractantes et les engage pour l’avenir. • SYN. : 1 appareil, engin, outil ; 3 agent, bras, exécutant, moyen, organe. instrumentaire [ɛ̃strymɑ̃tɛr] adj. (de instrument ; 1477, Molinet, comme n. m., au sens de « instrumentiste » ; XVIe s., Godefroy, comme adj., au sens de « qui sert de moyen » ; sens actuel, 1765, Encyclopédie). Témoin instrumentaire, témoin qui assiste un officier public dans les actes pour la validité desquels la pré- sence de témoins est nécessaire. instrumental, e, aux [ɛ̃strymɑ̃tal, -o] adj. (de instrument ; v. 1361, Oresme, écrit instrumentel [instrumental, 1563, Bonivard], au sens 1 ; sens 2, fin du XIVe s. — écrit instrumental [« qui est composé d’instruments », XXe s. ; partie instrumentale, 1867, Littré] ; sens 3, 1867, Littré ; sens 4, 1873, Larousse). 1. Littér. Qui sert d’instrument, qui a le caractère d’un instrument, d’un outil : Successivement instrumentale, symbolique, oratoire, calculatrice, — agent universel, ne pourrait-on la qualifier [la main de l’homme] d’organe du possible, — comme elle est, d’autre part, l’organe de la certitude positive ? (Valéry). Ϧ 2. En musique, qui est destiné aux instruments : Musique instrumentale (par opposition à musique vocale). Concert instrumental. ϦQui est composé d’instruments : Ensemble instrumental. Ϧ Partie instrumentale, celle qui, dans une partition, se rapporte uniquement aux instruments, à l’orchestre. Ϧ 3. En grammaire, qui exprime le complément d’instrument : Une désinence instrumentale. Ϧ 4. En droit, qui sert d’instrument ou de moyen : Les pièces instrumentales d’un procès. & instrumental n. m. (1824, Mémoires et dissertations sur les antiquités nationales, VI, 53). Dans les langues à déclinaisons, cas qui exprime essentiellement le complément d’instrument : En grec, l’instrumental s’est fondu avec le datif, en latin avec l’ablatif. instrumentalisme [ɛ̃strymɑ̃talism] n. m. (dér. savant de instrument ; 1962, Larousse). En philosophie, doctrine considérant l’intelligence et les théories comme des outils, des instruments destinés à l’action : L’instrumentalisme s’apparente au pragmatisme et à l’empirisme. instrumentation [ɛ̃strymɑ̃tasjɔ̃] n. f. (de instrumenter ; 1824, Stendhal, au sens 1 ; sens 2 [de instrument], début du XXe s. [« ensemble des instruments... d’une installation de raffinage pétrolier » et « technique dont l’objet est d’étudier ces instruments », 1962, Larousse]). 1. En musique, action d’affecter à un instrument une musique ou une partie de musique donnée ; résultat de cette action : Ce motif est le principe fécondant pour l’orchestre et les voix, pour le chant et la brillante instrumentation qui l’accompagne (Balzac). Ϧ2. Ensemble des instruments qui équipent une installation : M. Rohner, qui harcelait sans relâche les ministres, pour obtenir des crédits et faire acheter les instrumentations les plus coûteuses... (Duhamel). Ϧ Spécialem. Ensemble des instruments et appareils de contrôle d’une installation de raffinage pétrolier. Ϧ Technique dont l’objet est d’étudier ces instruments. • SYN. : 1 orchestration ; 2 équipement. instrumenter [ɛ̃strymɑ̃te] v. intr. (de instrument ; 1440, Dict. général, écrit instroumenter ; instrumenter, 1611, Cotgrave). En droit, dresser une pièce authentique (procès-verbal, exploit, contrat, etc.) : Le post-scriptum ajouté, je courus chez M. Le Normant, mon libraire : je trouvai en arrivant des alguazils et un commissaire de police qui instrumentaient (Chateaubriand). La justice, en aucun pays, n’instrumente gratis (Mérimée). Il [l’huissier] était célèbre dans le canton pour les terribles raclées qu’il recevait des paysans, chaque fois qu’il se trouvait obligé d’instrumenter contre eux, loin de tout secours (Zola). & v. tr. (sens I, 1, 1962, Larousse ; sens I, 2, av. 1870, Mérimée ; sens II, 1845, Bescherelle). I.1.Doter une installation de raffinage d’appareils de contrôle automatiques : Instrumenter une colonne, un four. Ϧ2.Fam. et vx. Frapper avec un instrument quelconque : « Si je pouvais l’instrumenter à ma guise, peut-être la guérirais-je ? — Comment cela ? — En la rouant de coups. J’ai guéri de la sorte vingt paysannes » (Mérimée). II. Confier chaque partie d’une oeuvre musicale à un instrument et, par là, lui conférer une certaine couleur : Instrumenter une partition. • SYN. : II orchestrer. & s’instrumenter v. pr. (av. 1951, A. Gide). Fig. S’accorder parfaitement pour quelque chose : Des étoffes tellement molles qu’elles semblaient s’instrumenter, ainsi que mon corps, pour l’amour (Gide). instrumentiste [ɛ̃strymɑ̃tist] n. (de instrument ; 1823, Boiste, au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Musicien qui joue d’un instrument, généralement dans un ensemble instrumental : Les instrumentistes arrivent de tous les côtés pour prendre place dans la fosse d’orchestre (Claudel). Ϧ 2. Membre d’une équipe chirurgicale qui, vêtu et ganté aseptiquement, prépare et présente au chirurgien les instruments nécessaires au cours de l’intervention. instrumentum [ɛ̃strymɛ̃tɔm] n. m. (mot lat. [v. INSTRUMENT] ;1962, Larousse). Terme qui désigne, dans les recueils épigraphiques, les objets de nature diverse portant des inscriptions (lingots métalliques, briques avec estampilles, tessons céramiques, cachets, armes, etc.). • Pl. des INSTRUMENTA. insu [ɛ̃sy] n. m. (de in- et de su, n. m. ; 1538, Revue historique, I, 134 [avec un adj. possessif, av. 1696, La Bruyère]). Ne s’emploie que dans la loc. prép. à l’insu de, sans que la chose soit connue de : S’en aller à l’insu de tous. ϦPeut s’employer avec un adj. possesssif (à mon, à ton, à son, à leur... insu) : Sinon contre mon gré, du moins à mon insu (Rousseau). insubmersibilité [ɛ̃sybmɛrsibilite] n. f. (dér. savant de insubmersible ; 1867, Littré). Qualité de ce qui est insubmersible : L’insubmersibilité du liège. insubmersible [ɛ̃sybmɛrsibl] adj. (de in- et de submersible ; 1775, La Chapelle, p. 198). Qui ne peut être submergé, qui ne peut couler : Canot insubmersible. insubordination [ɛ̃sybɔrdinasjɔ̃] n. f. (de in- et de subordination ; 1773, Brunot, au sens 1 ; sens 2, 4 juin 1858, Bulletin des lois). 1. Défaut de subordination, d’obéissance : Esprit d’insubordination. En général, l’insubordination contre les règles vient d’une subordination inintelligente au réalisme, d’une incompréhension des fins de l’art (Gide). Ϧ 2. Spécialem. Infraction commise par le militaire qui refuse d’obéir et qui, hors le cas de force majeure, n’exécute pas les ordres reçus : Délit d’insubordidownloadModeText.vue.download 120 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2672 nation. Quand tout un pays mobilise, quand l’immense majorité — comme ce serait le cas — accepte l’obligation de la défense nationale, quoi de plus vain, de plus voué à l’échec qu’un acte isolé d’insubordination ? (Martin du Gard). • SYN. : 1 désobéissance, indiscipline, indocilité, insoumission, rébellion, révolte. insubordonné, e [ɛ̃sybɔrdɔne] adj. et n. (de in- et de subordonné ; 1789, Malouet). Qui a tendance à ne pas obéir ; qui a l’esprit d’insubordination : Agacée de se voir ravalée au rang de petite fille insubordonnée (Bataille). L’attitude de Jacques, en présence de témoins, a fait s’évanouir en un instant toute velléité d’indulgence ; et pour mater l’insubordonné, il affecte un complet détachement (Martin du Gard). • SYN. : désobéissant, indépendant, indiscipliné, indocile, infernal (fam.), insoumis, récalcitrant, rétif. insubstance [ɛ̃sypstɑ̃s] n. f. (de in- et de substance ; av. 1841, Chateaubriand). Absence de substance, état de ce qui est immatériel : Ma jeunesse revient à cette heure ; elle ressuscite ces jours écoulés que le temps a réduits à l’insubstance de fantômes (Chateaubriand). insubstantiel, elle [ɛ̃sypstɑ̃sjɛl] adj. (de in- et de substantiel ; 1580, Montaigne). Qui manque de substance, de consistance ; futile, léger : Il n’y a plus pour réunir les hommes gratuitement que des prétextes aussi insubstantiels que le théâtre, le sport et les fonctions sociales (Claudel). insuccès [ɛ̃syksɛ] n. m. (de in- et de succès ; 1794, Brunot). Manque de succès, de réussite, de quelqu’un ou de quelque chose : Insuccès aux élections. L’insuccès d’une tentative, d’un ouvrage, d’une pièce. Nous jouons aux raffinés, mais le nombre nous tient ; nous dédaignons le succès et l’insuccès nous tue (Daudet). • SYN. : échec, faillite, fiasco (fam.), four (fam.), revers, veste (fam.). — CONTR. : réussite, succès, triomphe, victoire. insuffisamment [ɛ̃syfizamɑ̃] adv. (de insuffisant ; 1391, Godefroy, aux sens 1-2). 1. De façon insuffisante, incomplète : Travail insuffisamment préparé. Ϧ 2. En trop petite quantité : Manger insuffisamment. insuffisance [ɛ̃syfizɑ̃s] n. f. (de insuffisant, d’après le bas lat. insufficientia, insuffisance, dér. de insufficiens, -entis [v. l’art. suiv.] ; 1337, Godefroy, au sens 3 ; sens 1, 1718, Acad. ; sens 2, 1855, Nysten). 1. Caractère ou état de ce qui n’est pas suffisant (en quantité, intensité, qualité) : L’insuffisance de la récolte de céréales. Insuffisance des ressources. L’insuffisance d’un éclairage. L’insuffisance de la qualité nuit à l’exportation de ces fabrications. Ϧ 2. En médecine, diminution qualitative ou quantitative du fonctionnement d’un organe : Insuffisance hépatique, cardiaque, rénale. Le médecin de la famille diagnostiqua une insuffisance hypophysaire (Aymé). Ϧ 3. Manque de capacité, d’aptitudes, de qualités d’une personne : Elle avait assez de passion elle-même dans son âme pour couvrir l’insuffisance de mille autres coeurs (Lamartine). Le sentiment de l’insuffisance humaine (Flaubert). Enfin, vous ayant exprimé ma gratitude et déclaré mon insuffisance... (Valéry). • SYN. : 1 carence, défaut, faiblesse, manque, pauvreté, pénurie ; 2 déficience ; 3 défaillance, impéritie, impuissance, incapacité, incompétence, nullité. — CONTR. : 1 abondance, excès, pléthore, profusion, richesse, suffisance ; 3 aptitude, capacité, compétence, qualification, supériorité. & insuffisances n. f. pl. (av. 1924, A. France). Points sur lesquels on fait preuve d’incapacité, d’inaptitude : Il rejeta sur le sort les insuffisances de sa nature (France). Quels que pussent être les défauts de ses admirables qualités, ils seraient moins dangereux que les écrasantes insuffisances du dauphin disparu (Bailly). • SYN. : carences, défauts, lacunes, manques. insuffisant, e [ɛ̃syfizɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de inet de suffisant, d’après le bas lat. insufficiens, -entis, insuffisant, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et sufficiens, -entis, suffisant, adéquat, part. prés. adjectivé de sufficere, mettre sous, suffire, de sub, sous, et facere, faire ; début du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1474, Mystère de l’Incarnation). 1. Qui ne suffit pas ; qui n’atteint pas la quantité ou le degré de qualité nécessaire : Quantité insuffisante. Nourriture insuffisante. Des salaires insuffisants. Travail insuffisant. Des connaissances insuffisantes. Ϧ2. Qui n’a pas les aptitudes, les qualités requises : Un élève insuffisant. Des chefs militaires insuffisants. Il médita rageusement sur son échec et convint qu’il s’était montré insuffisant (Aymé). • SYN. : 1 déficient, faible, insignifiant, maigre, médiocre, mesquin, pauvre ; 2 ignare, incapable, incompétent, inférieur, nul. insufflateur [ɛ̃syflatoer] n. m. (dér. savant de insuffler ; 1867, Littré, au sens 1 ; sens 2, 1891, Laboulaye). 1. Instrument avec lequel on insuffle dans les voies respiratoires (larynx, narines) de l’air ou des médicaments pulvérulents. Ϧ 2. Appareil destiné à envoyer de l’air comprimé sous la grille d’une chaudière à vapeur, dans un gazogène, etc. insufflation [ɛ̃syflasjɔ̃] n. f. (bas lat. médic. insufflatio, insufflation, de insufflatum, supin de insufflare [v. l’art. suiv.] ; v. 1398, Somme Me Gautier, écrit insufflacion [insufflation, XVIe s.], au sens de « action de souffler » [en parlant du vent, etc.] ; sens actuel, 1765, Encyclopédie [insufflation pulmonaire, pleurale, 1962, Larousse]). Action d’insuffler, d’introduire, à l’aide du souffle ou d’un appareil, un gaz, un médicament liquide ou pulvérisé, dans une cavité du corps : L’insufflation d’oxygène peut permettre de ranimer des noyés. Insufflation péritonéale. Ϧ Insufflation pulmonaire, méthode de respiration artificielle consistant à faire pénétrer de l’air ou de l’oxygène sous pression dans les poumons. ϦInsufflation pleurale, introduction d’air ou d’un autre gaz entre les deux feuillets de la plèvre afin de créer ou d’entretenir un pneumothorax artificiel. insuffler [ɛ̃syfle] v. tr. (bas lat. insufflare, souffler sur ou dans, du lat. class. in-, préf. marquant le mouvement vers, et sufflare, souffler, gonfler, attiser, de sub, sous, et flare, souffler, exhaler ; XIVe s., Du Cange, au sens 1 [rare aux XVIIe et XVIIIe s.] ; sens 2, av. 1922, Proust [aussi « communiquer à quelque chose une certaine qualité »] ; sens 3, 1835, Acad. [var. insouffler, 1819, Annales de chimie, 2e série, X, 172] ; sens 4, 1867, Littré). 1. Vx. Communiquer à l’aide du souffle (en parlant de Dieu) : Insuffler la vie. Ϧ 2. Fig. Inspirer à quelqu’un un sentiment, un état d’esprit, une détermination : Insuffler du courage à ses troupes, de l’enthousiasme à des militants. On lui insuffle [au garçon] l’orgueil de sa virilité (Beauvoir). ϦCommuniquer à quelque chose une certaine qualité : Elle insufflait à cette prose si commune une sorte de vie sentimentale et continue (Proust). Il avait une façon d’insuffler aux poèmes de Laforgue une si déchirante mélancolie que j’en éprouvais la chair de poule (Carco). Ϧ3. Faire pénétrer en soufflant : Insuffler de l’oxygène dans les poumons d’un noyé. Ϧ4. Vx. Gonfler en soufflant : Insuffler un ballon. • SYN. : 2 communiquer, infuser, inoculer, instiller ; 3 inspirer. insulaire [ɛ̃sylɛr] adj. et n. (bas lat. insularis, relatif à une île, du lat. class. insula, île, îlot [de maisons] ; 1516, Dict. général).) Qui habite une île : Population, peuplade insulaire. Les insulaires de la Corse, de la Grande-Bretagne. & adj. (sens I, 1, 1572, Amyot ; sens 1, 2, av. 1874, Michelet [« propre à la population d’une île », XXe s.] ; sens II, 1962, Larousse). I. 1. Qui se rapporte à une île : Terres insulaires. Flore, climat insulaire. Ϧ 2. Qui est propre à une île : [L’aristocratie anglaise] avait singulièrement hâte qu’une guerre brusque et violente [...] assurât à l’Angleterre le bénéfice moral de sa position insulaire (Michelet). ϦSpécialem. Propre à la population d’une île : Mentalité insulaire. II. Qui se rapporte aux îlots de Langerhans, amas de cellules glandulaires du pancréas qui sécrètent l’insuline. downloadModeText.vue.download 121 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2673 insularisme [ɛ̃sylarism] n. m. (dér. savant de insulaire ; 1962, Larousse). Tendance d’un peuple insulaire à s’enfermer dans son île et à refuser les contacts avec les autres peuples. insularité [ɛ̃sylarite] n. f. (dér. savant de insulaire ; 1838, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse ; sens 3, 1967, Revue française de sociologie). 1. État, caractère d’un territoire qui forme une ou plusieurs îles : L’insularité de la Sardaigne peut expliquer en partie la survivance de moeurs archaïques et patriarcales. Ϧ 2. Ensemble des phénomènes géographiques caractéristiques des îles : Les Corses réclament une prime d’insularité. Ϧ 3. Fig. Caractère de ce qui est isolé, de ce qui échappe aux influences extérieures : L’insularité de la conscience. insulinase [ɛ̃sylinaz] n. f. (dér. savant de insuline ; 1962, Larousse). Enzyme contenu dans le foie, inactivant l’insuline. insuline [ɛ̃sylin] n. f. (dér. savant du lat. insula, « île, îlot », par allusion aux îlots du pancréas ; 1931, Larousse). Hormone douée de propriétés hypoglycémiantes, sécrétée par les îlots de Langerhans du pancréas : L’insuline est employée dans le traitement du diabète. insulinique [ɛ̃sylinik] adj. (de insuline ; 1951, G. Palmade). Relatif à l’insuline : Traitement insulinique. insulinothérapie [ɛ̃sylinɔterapi] n. f. (de insulino-, élément tiré de insuline, et de -thérapie ; 1959, Robert). Traitement de certaines maladies, et principalement du diabète, par l’insuline. insultant, e [ɛ̃syltɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de insulter ; 1694, Bossuet, au sens 1 ; sens 2, 1730, Voltaire ; sens 3, 1760, Voltaire). 1. Qui contient ou qui constitue une insulte : Propos insultant. Un air insultant. C’est un grand vice d’être avare et de prêter à usure ; mais n’en estce pas un plus grand encore à un fils de voler son père, de lui manquer de respect, de lui faire mille insultants reproches ? (Rousseau). Ϧ 2. Qui a le caractère d’un défi et est ressenti comme une insulte : Le chef des Gaulois aperçut Mérovée dans ce repos insultant et superbe (Chateaubriand). L’insultante sécurité que lui donnent les moyens mécaniques et psychologiques de la répression en fait [de l’État] un danger mortel (Camus). Ϧ3. Vx. Qui est volontiers agressif, insolent : Un Turc devient aussi souple, s’il voit que vous ne le craignez pas, qu’il est insultant s’il s’aperçoit qu’il vous fait peur (Chateaubriand). • SYN. : 1 blessant, injurieux, offensant, outrageant. insulte [ɛ̃sylt] n. f. (déverbal de insulter ; 1380, Du Cange, écrit insult, n. m. [insulte, n. m., v. 1500, Auton], au sens de « révolte, soulèvement » [en ce sens, le mot est peutêtre directement empr. du bas lat insultus, insulte, du lat. class. insultum, supin de insilīre, v. INSULTER] ; sens I, 1, 1611, Cotgrave [comme n. m. ; comme n. f., 1678, Saint-Réal] ; [comme n. f.] p. 100 [comme Pomey] ; sens n. f.]). sens I, 2, 1675, Mme de Sévigné ; sens II, 1, 1534, Affagart, n. m. ; comme n. f., 1671, Il, 2, 1672, Molière [comme I. 1. Class. et littér. Attaque d’une place effectuée par surprise ; coup de main : Valenciennes a été prise d’insulte (Furetière, 1690). Les assiégés [...], n’ayant pas prévu cette insulte, n’avaient rien aux remparts du midi (Chateaubriand). Ϧ 2. Class. Action d’assaillir quelqu’un, agression : Vous êtes trop bonne de craindre que les loups, les cochons et les châtaignes ne m’y fassent une insulte [dans les bois] (Sévigné). II. 1. Acte ou parole qui a pour objet d’outrager, qui porte atteinte à la dignité ou à l’honneur de quelqu’un : La conviction où il [son mari] était de la rendre heureuse lui semblait [à Emma Bovary] une insulte imbécile (Flaubert). Dire des insultes. Avoir toujours l’insulte à la bouche. Ϧ 2. Littér. Une insulte à, se dit de ce qui constitue une grave atteinte à quelque chose de respectable : Une insulte au courage, au bon sens. Son attitude est une insulte à tous les morts de la guerre. • SYN. : II, 1 injure, insolence, invective, offense, outrage, sottises (fam.) ; 2 affront, atteinte, défi. • REM. Le genre d’insulte demeure incertain jusqu’à la fin du XVIIe s. L’Académie (1694) le donne encore comme masculin : Il a reçu un cruel, un étrange insulte, mais note que « plusieurs le font féminin ». Au masculin, on trouve encore l’orthographe INSULT. insulté, e [ɛ̃sylte] n. et adj. (part. passé de insulter ; 1873, Larousse). Personne qui a reçu une insulte : Réconcilier l’insulteur et l’insulté. insulter [ɛ̃sylte] v. tr. (lat. insultare, sauter sur, dans ou contre, être insolent, insulter, de insultum, supin de insilīre, bondir sur, s’élancer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de salīre, sauter ; milieu du XVe s., au sens I, 1 ; sens 1, 2, 1660, Oudin ; sens II, 1, 1611, Cotgrave [aussi « injurier »] ; sens II, 2, av. 1704, Bourdaloue). I. 1. Class. Attaquer par surprise une position, une place : Les troupes du roi insultèrent en 1677 avec tant de courage et de bonheur la contrescarpe de Valenciennes, qu’elles emportèrent la ville même (Richelet). Ϧ 2. Class. Réprimander quelqu’un, lui faire des reproches : Cela a donné occasion à votre mère [...] de m’insulter sur la paresse que j’avais depuis si longtemps à me faire des remèdes (Racine). II. 1. Attaquer quelqu’un par des paroles ou par des actes qui ont un caractère offensant : Ah ! n’insultez pas une femme qui tombe (Hugo). Ϧ Spécialem. Injurier : Insulter les passants. Ϧ 2. Littér. Braver, traiter avec insolence ce qui devrait inspirer du respect : Insulter le courage, la pauvreté. • SYN. : II, 1 injurier, offenser, outrager ; invectiver. & v. tr. ind. (1356, Bersuire, au sens de « se rire de la faiblesse, de la misère de [quelqu’un] » ; sens 1, av. 1669, Corneille ; sens 2, 1654, Cyrano de Bergerac [en parlant d’une chose, 1873, Larousse] ; sens 3, 1685, Bossuet ; sens 4, 1656, Pascal). 1. Class. Insulter à quelqu’un, offenser quelqu’un par une attitude de défi, de bravade, souvent en profitant de sa faiblesse : Elle regarda le ciel avec mépris et arrogance, comme pour insulter aux dieux (Fénelon). Ϧ2. Auj. et littér. Insulter à quelque chose, traiter avec mépris, insolence, désinvolture ce qui a droit au respect : Ces tristes sires, qui acclament ce qu’ils croient ma faute et insulteraient à ma vertu (Giraudoux). Insulter au malheur de quelqu’un ; en parlant d’une chose, constituer une provocation, un outrage pour : Le luxe insulte à la misère publique. Éperdument, les manèges tournaient à la vapeur, insultant, de leur contemporaine opulence, aux vieux chevaux de bois démodés (Ajalbert). Ϧ 3. Littér. Insulter à quelque chose, s’emporter, proférer des injures, des imprécations contre quelque chose : Les gens de ma sorte, exaspérés d’une si longue attente, insultaient depuis des semaines aux lenteurs du ciel (Duhamel). Ϧ 4. Class. Insulter contre quelqu’un, proférer des insultes contre lui, le dénigrer : Le second [médecin], arrivant ensuite, voulut le flatter, et lui dit qu’il avait encore des forces suffisantes pour arriver en sa maison, et insulta contre le premier, qui s’opposait à son avis, et forma le dessein de le perdre (Pascal). insulteur, euse [ɛ̃syltoer, -øz] n. et adj. (de insulter ; 1798, Schwan). Qui insulte : Comment se fait-il qu’avec un document aussi positif entre les mains, je n’aie pas cité mes insulteurs devant les tribunaux pour les démentir et les confondre ? (Daudet). Laurent n’était plus, ainsi que les premiers jours, l’insulteur des humbles (Duhamel) ; et littér. : D’inaltérables Dieux, sourds aux cris insulteurs (Leconte de Lisle). & insulteur n. m. (1873, Larousse). Dans la Rome antique, esclave qui accompagnait un triomphateur et qui l’accablait d’injures, afin de lui rappeler que son triomphe ne le mettait pas à l’abri des reproches publics. insupportabilité [ɛ̃sypɔrtabilite] n. f. (dér. savant de insupportable ; av. 1525, J. Lemaire de Belges). Caractère d’une chose ou d’une personne insupportable (rare) : Car personne plus que moi n’a conscience de son insupportabilité (Flaubert). downloadModeText.vue.download 122 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2674 insupportable [ɛ̃sypɔrtabl] adj. (bas lat. insupportabilis, insupportable, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et supportare, transporter en remontant, apporter [et, à basse époque, « supporter, soutenir »], de sub-, préf. marquant le mouvement de bas en haut, et de portare, porter ; 1312, Isambert, au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet). 1. Se dit de ce qu’on ne peut pas ou de ce qu’on peut difficilement supporter : La présence de mes deux soeurs me rendit le séjour de Paris moins insupportable ; mon penchant pour l’étude affaiblit encore mes dégoûts (Chateaubriand). La présence des autres me sera bientôt insupportable ; je finirai en ours, je crois (Gide). C’était un petit animal [...] qui traînait aussi après soi une odeur insupportable, tenace, fétide, une odeur ennemie (Genevoix). Des paysages si purs sont desséchants pour l’âme et leur beauté insupportable (Camus). Ϧ 2. Se dit d’une personne importune ou mal élevée, capricieuse ou de caractère difficile : L’insupportable professeur parla longtemps encore, ajoutant les inconvenances aux maladresses (France). Une femme insupportable. Un enfant insupportable. • SYN. : 1 atroce, cruel, insoutenable, intenable, intolérable, pénible ; 2 difficile, épouvantable, impossible, infernal (fam.), invivable, terrible (fam.). insupportablement [ɛ̃sypɔrtabləmɑ̃] insupportablement [ɛ̃sypɔrtabləmɑ̃] adv. (de insupportable ; 1441, Isambert). De façon insupportable : Tout à coup, et kling, et klang, un coup de sonnette vif, nerveux, insupportablement argentin, éclate (Gautier). La caractéristique d’un infirmier : n’être jamais à portée d’appel, quand on a un urgent besoin de lui, — et s’éterniser dans la chambre aux moments où sa présence est insupportablement inopportune... (Martin du Gard). insupporter [ɛ̃sypɔrte] v. tr. (de insupportable, d’après supporter ; 1870, Goncourt). Fam. Provoquer chez quelqu’un un sentiment d’agacement insupportable (le complément est presque toujours un pronom) : Oh ! ce tutoiement à ma fille m’insupporte (Bataille). Malgré tout et même en dehors de la question convenance, je crois qu’Albertine eût insupporté Maman... (Proust). • SYN. : exaspérer, excéder, horripiler (fam.), irriter. insupprimable [ɛ̃syprimabl] adj. (de in- et de supprimable ; 1903, C. Mendès, p. 194). Qui ne peut être supprimé : Que le mot soit toujours nécessité par elle [l’idée] ; il faut qu’il soit irrésistible, insupprimable... (Gide). insurgé, e [ɛ̃syrʒe] adj. et n. (part. passé de [s’]insurger, d’après l’angl. insurgent, insurgé [employé d’abord à propos des Américains qui se soulevèrent contre le gouvernement anglais pour obtenir leur indépendance], lui-même empr. du lat. insurgens, -entis, part. prés. de insurgere [v. S’INSURGER) — l’angl. insurgent avait été empr. par le franç. en 1777, d’Alembert ; 1794, Journ. de la Montagne). Qui est en révolte, en insurrection contre le pouvoir établi : La mise hors la loi des membres de la Commune insurgée (France). Elles ont pâli, merveilleuses, | Au grand soleil d’amour chargé, | Sur le bronze des mitrailleuses | À travers Paris insurgé (Rimbaud). Il éprouve de la fierté à être resté maître de son destin ; à s’être choisi sa mort : une mort qui sera, tout ensemble, un acte de foi et sa dernière protestation d’insurgé, sa dernière révolte contre l’absurdité du monde... (Martin du Gard). L’insurgé ne s’accordera aux autres que dans la mesure et pour le temps où leur égoïsme coïncidera avec le sien (Camus). • SYN. : émeutier, mutin, rebelle, révolté, révolutionnaire, séditieux. insurger (s’) [sɛ̃syrʒe] v. pr. (lat. insurgere, se lever, se mettre debout, s’élever, se dresser pour attaquer, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de surgere, dresser, se lever, de sub-, préf. marquant le mouvement de bas en haut, et de regere, guider, mener ; 1474, Bartzsch, au sens 1 [rare de 1611, Cotgrave, à 1792, Ranft] ; sens 2, 1857, Flaubert). [Conj. 1 b.] 1. Se soulever contre le gouvernement, le pouvoir établi, une autorité : Semblable à tant d’autres, vous avez cédé à l’orgueil, à l’esprit de contradiction, à la vanité de penser librement, à la tentation de vous insurger contre un ordre établi (Martin du Gard). Ϧ 2. Fig. Marquer par son attitude, ses paroles qu’on désapprouve vivement quelque chose : S’insurger contre les abus, contre les procédés arbitraires, contre l’injustice fiscale. Mais comment lui parlerais-je, alors qu’il s’insurge contre tout ce que je dis... (Gide). • SYN. : 1 contester, se mutiner, se rebeller, se révolter, se soulever ; 2 se cabrer, se dresser, regimber (fam.). — CONTR. : 1 se soumettre ; 2 admettre, approuver, soutenir. & insurger v. tr. (1475, Bartzsch, dans la loc. insurger armes, lever les armes [contre] ; dans l’emploi moderne, av. 1848, Chateaubriand). Vx. Pousser à la révolte, à l’insurrection : On ne songea point à couper les lignes télégraphiques ; passaient librement sur la route courriers, voyageurs, malles-poste, diligences, avec le drapeau tricolore qui insurgeait les villages en les traversant (Chateaubriand). insurmontable [ɛ̃syrmɔ̃tabl] adj. (de in- et de surmontable ; milieu du XVIe s. [pour un sentiment, 1680, Mme de Sévigné]). Qu’on ne peut vaincre : Obstacles, difficultés insurmontables. Barrière insurmontable. Ϧ Spécialem. Se dit d’un sentiment, d’un état de conscience qui s’impose avec force, qu’on ne peut dominer : Peur, répulsion, haine insurmontable. • SYN. : infranchissable, invincible ; incontrôlable. insurpassable [ɛ̃syrpasabl] adj. (de in- et de surpasser ; XVIe s., La Curne, puis 1867, Littré). Qu’il est impossible de surpasser : Ouvrage insurpassable. Dans les salons, il faisait sourdre, de derrière une longue et soyeuse barbe couleur de miel, un extraordinaire fantôme de voix flûtée qui nuan- çait suavement des banalités d’une fadeur insurpassable (Gide). insurrection [ɛ̃syrɛksjɔ̃] n. f. (bas lat. insurrectio, action de se lever, du lat. class. in-, préf. à valeur intensive, et du bas lat. surrectio, action de se lever, résurrection, dér. du lat. class. surgere [v. INSURGER] ; v. 1361, Oresme, au sens 1 [rare entre le XVIe s., Godefroy, et 1748, Montesquieu] ; sens 2, 1867, Littré). 1. Action de s’insurger, de se soulever contre le pouvoir établi ; mouvement qui vise à renverser le gouvernement par la force : Le recours à la force reçoit différents noms selon son origine : quand il vient du gouvernement ou des pouvoirs, on l’appelle coup d’État ; quand il vient des peuples, on l’appelle insurrection ; quand c’est un État qui l’emploie contre un autre, on l’appelle intervention (Royer-Collard). Il faut [...] guillotiner quiconque [...] fomente l’insurrection ou pactise avec l’étranger (France). Un foyer d’insurrection. insurrection armée. L’insurrection de février 1848. Ϧ2. Littér. Opposition vivement exprimée : Insurrection de l’amour-propre, de la conscience. La Réforme est, pour appeler les choses par leur nom, une insurrection de l’esprit humain contre le pouvoir absolu dans l’ordre spirituel (Guizot). • SYN. : 1 chouannerie, jacquerie, mutinerie, rébellion, révolte, révolution, sédition, soulèvement. insurrectionnel, elle [ɛ̃syrɛksjɔnɛl] adj. (de insurrection ; 1798, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1870, Zola ; sens 3, 1867, Littré ; sens 4, 1959, Robert). 1. Qui a le caractère d’une insurrection : Mouvement insurrectionnel. Ϧ2. Qui est en état d’insurrection : Les ouvriers qui allèrent rejoindre la bande insurrectionnelle de la Palud (Zola). Ϧ3. Qui tend à l’insurrection : La gauche, farouchement hostile aux gouvernements, cherchant de plus en plus à agir sur les masses pour des fins insurrectionnelles (Martin du Gard). Ϧ4. Qui est relatif à une insurrection : Les journées insurrectionnelles de juillet 1830. Ϧ Gouvernement insurrectionnel, gouvernement établi par une insurrection. • SYN. : 2 séditieux ; 3 révolutionnaire. insurrectionnellement [ɛ̃syrɛksjɔnɛlmɑ̃] adv. (de insurrectionnel ; 1867, Littré). De façon insurrectionnelle, par l’insurrection : Les sections, convoquées insurrectionnellement, avaient délibéré presque à huis clos (Lamartine). Résoudre une crise de régime insurrectionnellement. intachable [ɛ̃taʃabl] adj. (de in- et de tacher ; XXe s.). Se dit d’une surface sur downloadModeText.vue.download 123 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2675 laquelle les taches s’enlèvent facilement : Revêtement mural intachable. intact, e [ɛ̃takt] adj. (lat. intactus, non touché, sans blessure, neuf, pur, chaste, de in-, préf. à valeur négative, et de tactus, part. passé de tangere, toucher ; v. 1460, G. Chastellain, au sens 4 [en parlant d’une femme qui est encore vierge ; « indemne », début du XXe s.] ; sens 1, 1793, Lavoisien ; sens 2, av. 1945, P. Valéry ; sens 3, 1593, P. Charron ; sens 5, fin du XVIIe s., SaintSimon [un homme intact, 1812, Mozin]). 1. Qui n’a pas été touché et demeure exactement dans le même état : Retrouver un dépôt intact. Selon la direction du vent, la neige se plaquait contre une palissade ou contre un vieux mur et, derrière, nous apercevions un espace vide, encore intact (Carco). Ϧ2. Fig. Qui reste entier, n’a subi aucun changement, aucune évolution : Le mystère intime duquel l’énigme intacte se resserre (Valéry). Ϧ3. Qui n’a subi aucun dommage, aucune altération : Une mosaïque intacte. Repêcher des amphores intactes. Ϧ 4. Fam. Se dit d’une personne qui n’a subi aucune atteinte dans son corps, qui est indemne : J’étais étourdi quelque peu, mais intact (Duhamel). Ϧ Spécialem. En parlant d’une femme, qui est encore vierge : Elle sortit, au milieu de la nuit, de ce bosquet et des bras de son ami aussi intacte, aussi pure de corps et de coeur qu’elle y était entrée (Rousseau). Ϧ5. Fig. Qui n’a souffert aucune atteinte, sans tache : Une réputation, une honorabilité, une probité intacte ; et par extens. : C’est un homme intact. • SYN. : 1 complet, entier, inchangé, inentamé, vierge ; 2 total ; 3 frais, inaltéré ; 4 chaste, immaculé, pur ; 5 absolu, net, sauf. — CONTR. : 1 écorné, entamé, touché, transformé ; 3 abîmé, altéré, avarié, cassé, dégradé, détérioré, ébréché, endommagé, fêlé, fendu ; 4 blessé, contusionné ; 5 entaché, sali, souillé, terni. intaillable [ɛ̃tɑjabl] adj. (de in- et de intaillable [ɛ̃tɑjabl] adj. (de in- et de taillable ; 29 juin 1867, l’Illustration, p. 414). Qui ne peut être taillé : Diamant intaillable. intaille [ɛ̃tɑj] n. f. (de entaille, sous l’influence de l’ital. intaglio, intaille, déverbal de intagliare, entailler, intailler, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action [lat. in-, même sens], et de tagliare, tailler [de même étym. que le franç. tailler, v. ce mot] ; 1808, Brard, I, 245). Pierre dure gravée en creux : L’intaille est le contraire du camée. intaillé, e [ɛ̃tɑje] adj. (part. passé de intailler ; 15 oct. 1874, Revue des Deux Mondes, p. 892). Travaillé en creux : Une gemme intaillée. intailler [ɛ̃tɑje] v. tr. (de intaille ; av. 1889, Barbey d’Aurevilly, au sens 2 ; sens 1, fin du XIXe s., Huysmans [au part. passé dès 1874, v. l’art. précéd.]). 1. Graver en creux une pierre dure : Comme façon d’intailler la pierre et de faire valoir son eau [...], il dérive plutôt de cet incomparable joaillier, Théophile Gautier (Huysmans). Ϧ2. Marquer en creux : Cette face où les balles rayonnantes de l’espingole avaient intaillé comme un soleil de balafres (Barbey d’Aurevilly). • SYN. : 2 ciseler, graver, incruster. intangibilité [ɛ̃tɑ̃ʒibilite] n. f. (dér. savant de intangible ; 1840, Acad.). Caractère de ce qui est intangible, de ce qui ne doit subir aucune atteinte : L’intangibilité des commandements de la conscience. intangible [ɛ̃tɑ̃ʒibl] adj. (de in- et de tangible ; v. 1460, G. Chastellain, au sens 1 ; sens 2, 1922, Larousse). 1. Vx. Que l’on ne peut toucher, qui ne peut être saisi, perçu par le sens du toucher : Quelque chose de plus intangible qu’un atome d’élément (Voltaire). Ϧ 2. Fig. À quoi on ne doit pas porter atteinte, qui doit rester intact : Vérités, principes intangibles. • SYN. : 2 inviolable, sacré, saint, tabou. intarissable [ɛ̃tarisabl] adj. (de in- et de tarissable ; fin du XVIe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1872, Th. Gautier ; sens 3, 1718, Acad. ; sens 4, 1690, Furetière ; sens 5, 1677, Mme de Sévigné). 1. Qui ne peut être tari : Source intarissable. Je n’ai pas à rappeler tant d’appellations fameuses de l’un et de l’autre côté de la majestueuse Gironde, où il [le cep] ruisselle comme elle de flots inta- rissables (Pesquidoux). Ϧ 2. Dont on ne peut arrêter l’écoulement : Des larmes, des pleurs intarissables. Depuis de si longs jours prisonnier, tu t’ennuies, | Pauvre oiseau, de ne voir qu’intarissables pluies, | De filets gris rayant un ciel noir et brumeux (Gautier). Ϧ3. Par extens. Dont on ne peut épuiser les ressources : Une mine intarissable. Ϧ4. Fig. Qui ne s’épuise pas, qui fournit toujours : Imagination intarissable. Je partis l’esprit rempli des objets [...] et livré à des réflexions intarissables (Chateaubriand). Comme les flots baisant le sable | Sous la lune aux tremblants rayons, | Sa grâce [de la Femme] était intarissable | En molles ondulations (Gautier). J’avais un sujet de bavardage intarissable en lui racontant mon voyage (Constantin-Weyer). Toujours le même ciel au long des années, intarissable de force et de lumière (Camus). Ϧ5. Fig. Se dit d’une personne dont il est difficile d’arrêter les paroles : Bavard intarissable. • SYN. : 1 et 2 inépuisable ; 3 fécond, généreux ; 4 débordant, échevelé, inexhaustible (littér.). intarissablement [ɛ̃tarisabləmɑ̃] adv. (de intarissable ; 1840, Acad.). De façon intarissable : Il parle intarissablement ; la pensée d’autrui n’arrête pas un instant la sienne (Gide). intégrabilité [ɛ̃tegrabilite] n. f. (dér. savant de intégrable ; 1873, Larousse). Caractère d’une grandeur intégrable : L’intégrabilité d’une expression. intégrable [ɛ̃tegrabl] adj. (de intégrer ; 1704, Trévoux). En mathématiques, se dit d’une fonction admettant une intégrale définie dans un intervalle. intégral, e, aux [ɛ̃tegral, -o] adj. (lat. médiév. integralis, intégrant [repris, comme terme de mathématiques, par le savant Jacques Bernoulli — 1654-1705], du lat. class. integer, -gri [V. INTÈGRE] ; 1370, Oresme, au sens de « qui contribue à l’intégrité du tout » ; sens I, 1, 1640, Oudin ; sens I, 2, début du XXe s. ; sens II, 1696, G.F.A. de L’Hospital). I. 1. Qui ne fait l’objet d’aucune diminution, d’aucune restriction : Paiement, remboursement intégral. Le renouvellement intégral d’une assemblée. Édition intégrale d’un ouvrage. Ϧ 2. Fam. Qui réalise pleinement une certaine qualité, ou qui réunit sans exception un ensemble de qualités : Je suis le resquilleur intégral (Duran). II. Calcul intégral, partie du calcul infinitésimal dans laquelle on revient des différentielles aux grandeurs finies qui leur ont donné naissance. • SYN. : I, 1 complet, entier, global, total. — CONTR. : I, 1 incomplet, partiel. & intégrale n. f. (sens I, v. 1962 ; sens II, 1749, Walmesley). I. Édition complète des oeuvres d’un écrivain, d’un musicien : Enregistrer l’intégrale des sonates pour piano de Mozart. II. Fonction solution d’une différentielle ou d’une équation différentielle. intégralement [ɛ̃tegralmɑ̃] adv. (de intégral ; 1511, R. Ét. Rab. [V, 168], au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. De façon intégrale, en totalité : Dépenser intégralement un crédit. Ϧ 2. Fam. Tout à fait, absolument : Se moquer intégralement des règlements. • SYN. : 1 entièrement, globalement, « in extenso » ; 2 complètement, parfaitement, totalement. intégralité [ɛ̃tegralite] n. f. (dér. savant de intégral ; 1611, Cotgrave [très rare entre 1660, Oudin, et 1761, Turgot]). Caractère, état de ce qui est complet, entier : Les gens intègres exigent l’intégralité. Quand pourrez-vous me remettre toute la somme ? (Gide). Payer l’intégralité de ses impôts. Lire un roman dans son intégralité. • SYN. : ensemble, totalité. intégrant, e [ɛ̃tegrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. integrans, -antis, part. prés. de integrare [v. INTÉGRER] ; 1503, Chauliac, au sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Se dit des parties qui contribuent à l’intégrité d’un tout : La Corse, partie intégrante de la France. Ϧ 2. Fig. Se dit de ce qui est un accompagnement nécessaire : La vanité fait partie intégrante de la coquetterie. downloadModeText.vue.download 124 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2676 intégrateur [ɛ̃tegratoer] adj. et n. m. (dér. intégrateur [ɛ̃tegratoer] adj. et n. m. (dér. savant de intégrer ; 1888, Larousse, au sens 1 ; sens 2-3, 1962, Larousse). 1. Appareil qui totalise des indications continues. Ϧ2. Machine de calcul scientifique, de la famille des machines analogiques, adaptée à la résolution des intégrales ou des équations différentielles (intégrateur différentiel), à la mesure des moments d’inertie, des moments statiques, etc. Ϧ 3. Appareil automatique pour le tirage des épreuves photographiques. intégratif, ive [ɛ̃tegratif, -iv] adj. (dér. savant de intégrer ; 1955, Lagache). Qui tend à l’intégration. intégration [ɛ̃tegrasjɔ̃] n. f. (de intégrer ; 1700, Mémoires de l’Acad. des sciences [p. 86], au sens II [intégration, « rétablissement » — 1309, Godefroy —, était un empr. du bas lat. integratio, même sens, dér. du lat. class. integratum, supin de integrare, v. INTÉGRER] ; sens I, 1, fin du XIXe s. ; sens 1, 2, 1959, Robert [intégration raciale, 1968, Larousse] ; sens I, 3, 1956, Romeuf ; sens I, 4, 1931, Larousse [aussi « fusion d’entreprises situées à des stades différents du processus de production »] ; sens I, 5 et 7, 1962, Larousse ; sens I, 6, 1959, Robert). I. 1. Action d’intégrer, d’inclure un élément dans un ensemble, dans un tout, ou de s’y intégrer, de s’y insérer en tant qu’élément ; état de ce qui est intégré : Niveau, degré d’intégration. Les germes du monde, en perpétuelle voie d’intégration et de désagrégation... (M. Prévost). Ϧ2. Pour un groupe social, le fait de s’assimiler complètement à un milieu social ou géographique, à une communauté ethnique : L’intégration des immigrants, des Noirs aux États-Unis. Favoriser l’intégration des travailleurs étrangers à la population. ϦSpécialem. Intégration raciale, égalité de droits pour tous les citoyens d’un même pays, quelle que soit leur race. Ϧ3. Union étroite de plusieurs États du point de vue économique, politique : Intégration européenne. L’intégration économique, politique de l’Europe. Ϧ 4. En économie politique, rattachement à une même unité de production de toutes les opérations qui conduisent de l’obtention de la matière première à la fabrication du produit fini. Ϧ Par extens. Fusion d’entreprises situées à des stades différents du processus de production. (Syn. CONCENTRATION VERTICALE.) Ϧ 5. Mesure par laquelle un fonctionnaire est nommé dans un cadre parallèle au sien, et où il est statutairement possible d’accéder à des grades plus élevés. Ϧ 6. En physiologie, coordination des activités de plusieurs organes, réalisée par les centres nerveux en vue d’un fonctionnement harmonieux. Ϧ 7. Sommation des effets de nombreuses stimulations successives, aboutissant à une sensation continue ou à la perception d’un mouvement régulier malgré le caractère discontinu de l’excitation : L’illusion de continuité de l’image cinématographique est un phénomène d’intégration. II.En mathématiques, opération qui consiste à trouver l’intégrale d’une différentielle ou d’une équation différentielle. • SYN. : I, 1 amalgame, combinaison, fusion, incorporation, union ; 2 assimilation ; 3 unification. intégrationniste [ɛ̃tegrasjɔnist] adj. (de intégration ; 1962, Larousse, au sens 1 ; sens 2, 27 août 1965, le Monde). 1. Qui est relatif à une intégration politique : Tendance, orientation intégrationniste. Ϧ2. Qui est relatif à l’intégration raciale. & adj. et n. (sens 1, 1958, A. FabreLuce ; sens 2, 15 juin 1965, le Monde). 1. Qui est partisan d’une intégration politique, en particulier de l’intégration politique des États de la Communauté économique européenne. Ϧ2. Qui est partisan de l’intégration raciale. intègre [ɛ̃tɛgr] adj. (lat. integer, -gri, qui n’a reçu aucune atteinte, entier, irréprochable, de in-, préf. à valeur négative, et du radical de tangere, toucher ; 1542, Rabelais, au sens de « entier [au physique] » ; sens actuel, 1671, Pomey). Se dit d’une personne qui est d’une probité absolue, qu’on ne peut corrompre : Fonctionnaire intègre. Qu’il est doux d’être vertueux et combien la reconnaissance publique est chère au coeur du juge intègre ! (France). Le bon vieillard intègre et le sobre chameau (Prévert) ; et par extens. : Une vie intègre. • SYN. : équitable, honnête, impartial, incorruptible, juste, probe, vertueux. — CONTR. : corrompu, indélicat, injuste, malhonnête, partial, véreux. intégré, e [ɛ̃tegre] adj. (part. passé de intégrer ; 1611, Cotgrave, au sens de « rendu entier » ; sens 1, 1962, Larousse [gestion intégrée, 1970, Robert] ; sens 2, 1968, Larousse). 1. Machine de bureau intégrée, machine composée d’éléments divers ayant chacun une fonction propre, mais fonctionnant comme une machine unique sous la direction d’un programme commun : Les ordinateurs sont des machines de bureau intégrées. ϦGestion intégrée, gestion d’une entreprise dans laquelle intervient l’utilisation d’un ordinateur dans tous les domaines où cette utilisation est possible. Ϧ 2. Se dit d’un réacteur nucléaire dans lequel les échangeurs de chaleur sont à l’intérieur du caisson, le circuit de gaz primaire ne sortant en aucun cas à l’extérieur. intègrement [ɛ̃tɛgrəmɑ̃] adv. (de intègre ; 1867, Littré). De façon intègre : Gérer une affaire intègrement. intégrer [ɛ̃tegre] v. tr. (lat. integrare, réparer, remettre en état, renouveler, recréer, refaire, de integer. -gri [v. INTÈGRE] ; 1340, Godefroy, au sens de « exécuter » ; sens I, début du XXe s. ; sens Il, 1752, Courtivron, p. 184). [Conj. 5 b.] I. Faire entrer un élément (chose ou personne) dans un ensemble, dans un tout, de manière à l’y incorporer, à en faire une partie intégrante : Intégrer un nouveau chapitre dans un ouvrage, le personnel d’une petite entreprise dans une société. Intégrer les découvertes scientifiques à la pensée philosophique. Chez un grand artiste où la forme est intimement intégrée à la pensée... (Dauzat). Ainsi nous intégrons l’Atlas Hôtel à l’affaire (Salacrou). Le mensonge non seulement ne le troublait pas, mais était parfaitement intégré à ses habitudes (Aymé). Les Noirs d’Amérique, partiellement intégrés à une civilisation qui cependant les considère comme une caste inférieure (Beauvoir). II. En mathématiques, déterminer l’intégrale d’une quantité différentielle : Intégrer une fonction. • SYN. : I amalgamer, assimiler, fondre, inclure, incorporer, insérer. & v. intr. (sens 1, 1700, Mémoires de l’Acad. des sciences, p. 423 ; sens 2, début du XXe s. [« entrer, en général », 1892, Esnault]). 1. En mathématiques, procéder à une intégration : Toutes les machines étonnantes qui permettent de calculer, d’intégrer à grande vitesse, dérivent directement de l’inven- tion et de l’intention cartésienne (Valéry). Ϧ2. Arg. scol. Être admis dans une grande école : Intégrer à Polytechnique, à Normale. & s’intégrer v. pr. (1935, Acad. [en parlant d’un groupe social, 1950, Siegfried]). Entrer dans un ensemble de façon à s’y incorporer : Elle aime à s’oublier dans une contemplation si intense qu’elle s’intègre presque à ce qu’elle admire (F. Lefèvre). Elles [les cimes] s’intégraient à l’euphorie du moment (Frison-Roche). Ϧ Spécialem. En parlant d’un groupe social, s’assimiler complètement à une communauté plus vaste : Des travailleurs étrangers qui se sont bien intégrés à la population. • SYN. : s’assimiler, se fondre. intégrifolié, e [ɛ̃tegrifɔlje] adj. (de intégri-, élément tiré du lat. integer, -gri, entier [v. INTÈGRE], et de -folié, du lat. folium, feuille ; 1867, Littré). Se dit des végétaux qui ont des feuilles entières. intégriforme [ɛ̃tegrifɔrm] adj. (de intégri- [v. l’art. précéd.] et de forme ; 1867, Littré). Se dit d’un minéral qui se montre dans sa forme entière. intégrisme [ɛ̃tegrism] n. m. (de intégriste ; av. 1925, P. Gilbert [p. 275], au sens 1 ; sens 2, 1971, les Mots dans le vent). 1. Nom donné à la tendance des catholiques qui se réclament de la seule tradition, et qui, prétendant maintenir l’intégrité de la doctrine, se refusent à toute évolution. Ϧ2. Péjor. Attitude de conservatisme downloadModeText.vue.download 125 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2677 intransigeant au sein d’un mouvement, d’un parti. intégriste [ɛ̃tegrist] n. et adj. (de intègre [v. ce mot], au sens étym. de « entier » ; début du XXe s.). Partisan de l’intégrisme : Il affectait une impeccable rigueur doctrinale, des sévérités d’intégriste (Baumann). & adj. (1970, Robert). Relatif à l’intégrisme : Tendance intégriste. intégrité [ɛ̃tegrite] n. f. (lat. integritas, fait d’être intact, totalité, innocence, probité, de integer, -gri [v. INTÈGRE] ; v. 1420, Passion d’Arras, au sens I, 4, [« chasteté, honneur d’une femme », début du XIVe s.] ; sens I, 1-2, 1530, Palsgrave [entegriteiz, forme plus francisée, fin du XIIIe s.] ; sens I, 3, 1686, Bossuet ; sens II, début du XVe s., Ch. d’Orléans). I. 1. Caractère de ce qui est intact, de ce qui n’a subi aucune diminution, aucun retranchement : Intégrité d’un dépôt d’argent. Défendre l’intégrité territoriale de la nation. L’unité, l’intégrité de la forme d’une coquille m’imposent l’idée d’une idée directrice de l’exécution (Valéry). Ϧ 2. État d’une chose saine, qui n’a subi aucune altération : L’autopsie a révélé l’intégrité des organes de l’appareil digestif. Ϧ3. En parlant de choses abstraites, qui n’a subi aucune atteinte : Intégrité de l’honneur. Les Courvoisier, mieux que les Guerinantes, maintenaient, en un sens, l’intégrité de la noblesse à la fois grâce à l’étroitesse de leur esprit et à la méchanceté de leur coeur (Proust). Ϧ 4. Spécialem. État d’une fille vierge. II.Qualité d’une personne moralement intègre, incorruptible, ou de ses actes : Intégrité d’un juge, d’un tribunal. Intégrité d’un parlementaire. Intégrité des moeurs. Toute sa vie est d’une parfaite intégrité. Je songeais au sermon sur l’intégrité de la justice que mon père m’avait fait entendre dans son cabinet (Lacretelle). • SYN. : I, 3 pureté ; 4 chasteté, virginité. Ϧ II honnêteté, impartialité, incorruptibilité, justice, probité, vertu. — CONTR. : I, 2 altération, lésion ; 3 souillure, tache. Ϧ II corruption, indélicatesse, malhonnêteté. intégromètre [ɛ̃tegrɔmɛtr] n. m. (de intégro-, élément tiré de intégrale, n. f., et de -mètre, gr. metron, mesure ; 10 mars 1876, Journ. officiel, p. 1679). Instrument servant à obtenir l’aire d’une figure plane, le volume qu’engendre une courbe fermée tournant autour de son axe, le moment d’inertie de ce solide de révolution, etc. intellect [ɛ̃tɛlɛkt] n. m. (lat. intellectus, action de discerner, compréhension, intelligence, de intellectum, supin de intellegere [v. INTELLIGENT] ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 ; sens 2, 1860, Baudelaire). 1. L’entendement, faculté de penser par concepts ou idées générales : L’idée de sa supériorité commence à poindre à l’horizon de son intellect (Baudelaire). Elle exigeait du lecteur un travail souvent très sensible de l’intellect et une reprise attentive du texte : exigence dan- gereuse, presque toujours mortelle (Valéry). Ϧ2. Fam. Ensemble des facultés psychologiques : J’en ai l’intellect tout perturbé. • SYN. : 1 entendement, intelligence ; 2 esprit, tête (fam.). intellectif, ive [ɛ̃tɛlɛktif, -iv] adj. (bas lat. intellectivus, intellectif, du lat. class. intellectum, supin de intellegere [v. INTELLIGENT] ; v. 1265, Br. Latini). Vx. Relatif à l’intellect : La puissance intellective. & intellective n. f. (1370, Oresme). Vx. Faculté de comprendre. intellection [ɛ̃tɛlɛksjɔ̃] n. f. (lat. intellectio, synecdoque [et, à basse époque, « sens, signification »], de intellectum, supin de intellegere [v. INTELLIGENT] ; fin du XIIIe s., Godefroy). Opération propre de l’intellect, acte par lequel il conçoit, saisit ou forme les idées : Je remarque la différence qui est entre l’imagination et la pure intellection ou conception (Descartes). Des phénomènes dont ils [les physiciens] placent l’origine bien au-delà ou en deçà de nos sens, de notre imagination, et finalement de notre intellection elle-même (Valéry). intellectualisation [ɛ̃tɛlɛktɥalizasjɔ̃] n. f. (de intellectualiser ; 1931, Larousse). Action d’intellectualiser, ou le fait de s’intellectualiser ; son résultat : Le pas pris par le roman sur la poésie et l’essai figure seulement, et malgré les apparences, une plus grande intellectualisation de l’art (Camus). intellectualiser [ɛ̃tɛlɛktɥalize] v. tr. (dér. savant de intellectuel ; 1801, Ch. Fr. D. de Villers). Pourvoir d’un caractère intellectuel ; concevoir les choses par les seuls moyens de l’intelligence et les ramener à des éléments intellectuels : Il est certain que l’époque contemporaine et nos propres destinées nous fournissent la matière susceptible d’être intellectualisée, pour ainsi dire (Bourget). Je découvrais cette action destructrice du temps au moment même où je voulais entreprendre de rendre claires, d’intellectualiser, dans une oeuvre d’art, des réalités extratemporelles (Proust). & s’intellectualiser v. pr. (1862, Lélut, II, 28). Prendre le caractère des choses qui relèvent de l’intelligence : La beauté doit s’intellectualiser pour ainsi dire ; il en est de même de l’art (Guyau). intellectualisme [ɛ̃tɛlɛktɥalism] n. m. (dér. savant de intellectuel ; 1853, H. F. Amiel, au sens 1 [« doctrine psychologique qui considère tous les faits psychiques... comme des faits représentatifs », 1962, Larousse] ; sens 2, fin du XIXe s. ; sens 3, milieu du XXe s.). 1. Position philosophique qui affirme la prééminence et l’antériorité de l’intelligence et des phénomènes intellectuels sur l’affectivité et la volonté : L’intellectualisme de Descartes, de Leibniz, de Spinoza. Un intellectualisme assez débridé [celui de Husserl] pour généraliser le concret lui-même (Camus). Ϧ Spécialem. Doctrine psychologique qui considère tous les faits psychiques, et notamment les phénomènes affectifs, comme des faits représentatifs. Ϧ 2. Tendance d’une personne, d’un esprit à donner la primauté à l’intelligence et aux facultés intellectuelles : Les Goethe, les Byron, les Heine, qui, préoccupés d’intellectualisme, ne manquent jamais de transformer en matière artistique la chose à démontrer (Barrès). C’est à cela que nous tendons [...], à l’intellectualisme anonyme des professeurs (Bertrand). Ϧ 3. Caractère d’une oeuvre, d’un art où prédomine l’élément intellectuel : Une poésie gâtée par l’intellectualisme. intellectualiste [ɛ̃tɛlɛktɥalist] adj. et n. (de intellectualisme ; 23 sept. 1876, Revue critique, p. 203). Qui est partisan de l’intellectualisme : Un philosophe intellectualiste. Les intellectualistes. & adj. (v. 1890, Revue de philologie française, XXX, 145). Qui concerne l’intellectualisme : Doctrine, théorie, système intellectualiste. Au point de vue intellectualiste, si Dieu et l’homme ne sont pas identiques, il faut nécessairement qu’ils soient extérieurs l’un à l’autre (Boutroux). intellectualité [ɛ̃tɛlɛktɥalite] n. f. (dér. savant de intellectuel ; 1784, Gohin). Caractère d’une personne ou de ce qui est intellectuel : L’intellectualité d’Annette était une garantie (Rolland). Le duc avait tout de suite compris qu’il avait affaire à des femmes d’une intellectualité supérieure et avec lesquelles, comme il disait, il n’était pas de force (Proust). intellectuel, elle [ɛ̃tɛlɛktɥɛl] adj. (bas lat. intellectualis, intellectuel, du lat. class. intellectum, supin de intellegere [v. INTELLIGENT] ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 [« qui se rapporte à l’intellect, à l’entendement », v. 1361, Oresme] ; sens 2, 1690, Furetière [var. intellectual, v. 1460, Villon]). 1. Qui se rapporte à l’intelligence au sens large, à l’ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance (sensation, mémoire, imagination, entendement, etc.) : Phénomènes, faits intellectuels. Facultés intellectuelles. Capacités intellectuelles. Quotient intellectuel. La vue, le toucher et l’ouïe ont parfois été appelés les sens intellectuels. La médiocrité intellectuelle n’est souvent qu’une trop prompte résignation à l’ignorance (Goblot). J’admirais souvent avec quelle promptitude son esprit saisissait l’aliment intellectuel que j’approchais d’elle (Gide). Il se sentait fait exclusivement pour les audaces intellectuelles, les méditations fécondes (Aymé). ϦSpécialem. Qui se rapporte à l’intellect, à l’entendement : La pensée conceptuelle ou intellectuelle. Ϧ 2. Qui a trait à l’activité de l’esprit, où l’intelligence a une part prépondérante : downloadModeText.vue.download 126 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2678 Professions intellectuelles. Il disait les plaisirs intellectuels de la capitale (Theuriet). Je prétends que le véritable intellectuel, celui pour qui la fonction intellectuelle est une sorte de sacerdoce, doit se tenir à l’écart de toute querelle politique, à peine de déserter sa mission et de tomber au rang des prédicateurs du forum (Duhamel). Elle menait une vie plutôt intellectuelle ; elle lisait, étudiait, et pensait beaucoup (Gyp). • SYN. : 1 mental, moral, psychique, spirituel ; conceptuel ; 2 cérébral. — CONTR. : 1 corporel, matériel, psychique ; 2 manuel. & adj. et n. (1886, Bloy [les intellectuels, milieu du XIXe s., Revue de philologie française, XXX, 147]). Qui se consacre, par goût ou par profession, aux choses de l’esprit : Confédération des travailleurs intellectuels. Un intellectuel, une intellectuelle. Il n’y a que les enfants et les esprits vides de choses qui s’ennuient. L’intellectuel est toujours en activité (Renan). Il devait être instruit, intelligent ; ce n’était pas un intellectuel (Hermant). Le grand intellectuel est l’homme de la nuance, du degré, de la qualité, de la vérité en soi, de la complexité (Malraux). Les jours où Jacquemort se sentait intellectuel, il se retirait dans la bibliothèque d’Angel et lisait (Vian). ϦLes intellectuels, l’ensemble de ceux qui, dans la société, se livrent aux travaux de l’esprit (par opposition aux autres catégories sociales) : Le prolétariat russe, uni aux intellectuels, se souleva (France). intellectuellement [ɛ̃tɛlɛktɥɛlmɑ̃] adv. (de intellectuel ; 1470, Livre de la discipline d’amour divine). Du point de vue de l’intelligence : Un enfant intellectuellement retardé. intelligemment [ɛ̃tɛliʒamɑ̃] adv. (de intelligent ; 1630, Monet). De façon intelligente : Répondre intelligemment. intelligence [ɛ̃tɛliʒɑ̃s] n. f. • ÉTYM. Lat. intelligentia, var. de intellegentia, action de discerner, intelligence, entendement, de intellegens, -entis (v. l’art. suiv.) ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, aux sens I, 1-2 ; sens I, 3-4, 1636, Monet ; sens I, 5, 1541, Calvin (avoir l’intelligence de, 1559, Amyot) ; sens I, 6, 1784, Mme de Genlis ; sens II, 1, v. 1361, Oresme (les intelligences célestes, 1694, Acad.) ; sens Il, 2, 1749, Diderot (absol., av. 1848, Chateaubriand) ; sens III, 1, fin du XVe s., Commynes (être de l’intelligence de quelqu’un, 1580, Montaigne ; être de l’intelligence, 1668, La Fontaine ; être d’intelligence, 1644, Corneille ; être d’intelligence avec quelqu’un, 1643, Corneille ; signe, etc., d’intelligence, 1873, Larousse) ; sens III, 2, fin du XVe s., Commynes (en bonne/ mauvaise intelligence avec quelqu’un, 1638, Richelieu). I. Faculté et acte de comprendre. 1. Au sens large, par opposition à l’activité et à l’affectivité, ensemble des fonctions de l’esprit ayant pour objet la connaissance : Mais, en présence de cet état si angoissant d’une part, si excitant de l’autre, la question même de l’intelligence, de ses bornes, de sa préservation, de son avenir probable, se pose à elle-même et lui apparaît la question capitale du moment (Valéry). Le mot « intelligence » signifie essentiellement faculté de choisir entre plusieurs choses (Duhamel). Ces moments délicieux où l’imagination se confond tout à fait avec l’intelligence (Camus). Ϧ 2. Dans un sens restreint, par opposition à l’intuition et à la sensation, activité conceptuelle de l’esprit, par laquelle le sujet forme les idées et élabore les lois générales, s’élève à la connaissance rationnelle et discursive (on dit aussi plus précisément intelligence abstraite ou théorique, entendement, intellect) : Il suffit qu’il [le monde physique] ne puisse être considéré que sous les caractères de l’intelligence et de la raison (France). C’est à l’intelligence d’achever l’oeuvre de l’intuition (Rolland). Ϧ 3. Par opposition à l’instinct, aptitude de l’individu à réagir de façon originale à des situations, des circonstances nouvelles, à y adapter son comportement, son activité (on dit aussi intelligence pratique) : L’intelligence reste le noyau lumineux autour duquel l’instinct, même élargi et épuré en intuition, ne forme qu’une nébulosité vague (Bergson). L’intelligence de l’enfant est une intelligence essentiellement pratique. L’intelligence animale. Ϧ4.Développement variable des facultés intellectuelles, aptitude plus ou moins grande à concevoir, à comprendre : Être doué d’une intelligence moyenne, vive, exceptionnelle. Avoir de l’intelligence. Je remarque cette différence entre l’intelligence et l’esprit : que l’intelligence est, par sa nature, égoïste, tandis que l’esprit suppose l’intelligence à celui à qui il s’adresse (Gide). Ϧ 5. L’intelligence de quelque chose, l’action de comprendre, de saisir quelque chose par la pensée : Il a des vieux auteurs la pleine intelligence (Molière). Il faut dire, pour l’intelligence de ce qui va suivre, que Mme Guyon avait été mise entre les mains de M. de Meaux (Saint-Simon). Tout ce qu’un gouvernement peut commettre de fautes dès qu’il s’agit d’avoir l’intelligence des faits (Zola). ϦAvoir l’intelligence de, avoir une aptitude particulière à comprendre ou régler certaines choses (vieilli) : Avoir l’intelligence des affaires. Ϧ 6. Habileté dans la conduite d’une action, ingéniosité dans le choix des moyens : Se tirer d’affaire avec intelligence. Faire preuve d’intelligence dans l’accomplissement d’une mission. II. Être doué de la faculté de comprendre. 1. Vx. Être spirituel qui est intelligence pure : Si une horloge prouve un horloger, si un palais annonce un architecte, comment en effet l’univers ne démontre-t-il pas une intelligence suprême ? (Voltaire). Ϧ Les intelligences célestes, les anges. Ϧ 2. Être humain considéré dans ses aptitudes intellectuelles, en tant qu’être capable de comprendre, de juger et de définir son action : Faire appel aux intelligences jeunes, actives, généreuses. C’est une intelligence exceptionnelle. Le gouvernement républicain assigne aux intelligences leur rang naturel (Chateaubriand). Chacun put croire que cette belle intelligence sombrait dans la folie (Aymé). Ϧ Absol. Personne très intelligente : C’était une intelligence, ce Sigismond, élevé dans les universités allemandes, qui, outre le français, sa langue maternelle, parlait l’allemand, l’anglais, le russe (Zola). III. Rapports entre personnes qui s’entendent. 1.Class. Communication, entente plus ou moins secrète entre personnes qui n’agissent pas au grand jour : Il y a de l’intelligence entre eux (Acad., 1694). Il faut bien essayer, par quelque intelligence, | De vaincre du jaloux l’exacte vigilance (Molière). [L’Arménie] où nous avons vu les évêques et les chrétiens, accusés d’intelligence avec les Romains, s’en défendre comme d’un crime (Bossuet). ϦClass. Être de l’intelligence de quelqu’un, être de connivence avec quelqu’un, s’entendre secrètement avec lui : On peut même tuer les faux témoins et le juge, s’il est de leur intelligence (Pascal). Célie est quelque peu de notre intelligence (Molière). Ϧ Class. et absol. Être de l’intelligence, être du complot, de ce qui se prépare : Amour même, dit-on, fut de l’intelligence (La Fontaine). Quelquesuns de leurs soldats qui étaient de l’intelligence [avaient] tourné leurs armes en faveur des Fiesques (Retz). Ϧ Par extens. et class. Être d’intelligence,en parlant des sentiments, des attitudes, etc., être en accord : Vos désirs et les miens seront d’intelligence (Corneille). Que la bouche et le coeur sont peu d’intelligence ! (Racine). Ϧ Auj. En ce sens, ne s’emploie plus qu’au pluriel (v. ci-après) et dans des expressions : Être, agir d’intelligence avec quelqu’un, agir en accord secret avec lui. Ϧ Air, regard, signe d’intelligence, marque, témoignage de secrète entente, de connivence, de complicité : Elle vit l’Amour de plâtre qui lui souriait d’un air d’intelligence (Zola). Ϧ 2. Class. Bonne entente, accord de sentiments : Muse, redis-moi donc quelle ardeur de vengeance | De ces hommes sacrés rompit l’intelligence (Boileau). Nous mangeons ensemble, nous sommes dans une parfaite intelligence (Sévigné). Ϧ Auj. Vivre, être en bonne, en mauvaise intelligence avec quelqu’un, être en bons, en mauvais termes avec lui, s’entendre bien, mal avec lui : J’espère que cette bonne intelligence entre les ambassadeurs et les cardinaux aura le meilleur effet ; du moins n’aurais-je rien à me reprocher si des passions ou des intérêts venaient à tromper mes espérances (Chateaubriand). Il vivait en bonne intelligence downloadModeText.vue.download 127 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2679 avec son beau-père, qui était un homme excellent (France). • SYN. : I, 1 esprit, pensée ; 2 conception, entendement, intellect ; 3 ingéniosité ; 4 clairvoyance, discernement, jugement, lucidité, pénétration, perspicacité, sagacité ; 5 compréhension, intellection ; 6 adresse, doigté, maestria, maîtrise, virtuosité. Ϧ II, 2 esprit ; aigle (fam.), cerveau, crack (fam.), tête. & intelligences n. f. pl. (fin du XVe s., Commynes). Relations, communications secrètes, complicités : Être accusé d’intelligences avec l’ennemi. Elle n’en prenait pas moins ses informations, ayant des intelligences dans les principales banques (Mauriac). intelligent, e [ɛ̃tɛliʒɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. intelligens, -entis, var. de intellegens, -entis, éclairé, judicieux, connaisseur, part. prés. adjectivé de intellegere, discerner, comprendre, apprécier, de inter, entre, et de legere, recueillir, lire ; 1488, Mer des histoires, au sens 1 [pour des animaux, 1867, Littré] ; sens 2, 1611, Cotgrave ; sens 3, fin du XVIe s., Sully ; sens 4, 1830, Balzac ; sens 5, XXe s.). 1. Qui est doué d’intelligence, de la faculté de comprendre et de connaître, de saisir les rapports entre les choses et d’adapter son comportement aux situations : L’homme est un être intelligent. Les sages, en contemplant la nature, admettent un pouvoir intelligent et suprême (Voltaire) ; et par extens. : Ce jeune garçon de qui la vie intelligente s’était si singulièrement retirée (Nerval). Ϧ Se dit aussi des animaux, dans la mesure où leur comportement paraît adapté à une situation : Les dauphins sont des animaux particulièrement intelligents. Ϧ2. Qui comprend facilement et rapidement, qui possède à un degré éminent les qualités nécessaires à l’activité de l’esprit : Un élève intelligent, remarquablement intelligent, peu intelligent. Intelligente, instruite et active, Mme Déglise s’était montrée non seulement une maîtresse de maison accomplie, mais une précieuse auxiliaire (Theuriet). Jamais homme [ne fut] plus intelligent [que Sainte-Beuve] ; je veux dire plus prompt à se déprendre de ses idées pour entrer dans celles des autres (Brunetière). Je hais les gens intel- ligents (Maurois). Ϧ3. Spécialem. Qui fait preuve d’habileté, de savoir-faire, de jugement, dans le domaine qui lui est propre : Être secondé par un auxiliaire intelligent. Bonaparte [...] est grand pour avoir créé [...] une administration forte, active, intelligente (Chateaubriand). Ϧ 4. Se dit de ce qui, chez une personne ou dans ses actions, dénote l’intelligence : Regard, visage intelligent. Une remarque intelligente. Une oeuvre intelligente. Il la trouva gentille avec son nez fin, ses yeux intelligents et sa bouche moqueuse (France). Ϧ5. Ironiq. Stupide : C’est intelligent, des plaisanteries pareilles ! • SYN. : 1 pensant, raisonnable ; 2 brillant, clairvoyant, doué, génial, perspicace, sagace ; 3 capable, compétent, entendu, expérimenté, fort, habile ; 4 astucieux, éveillé, pertinent, pétillant, profond. — CONTR. : 2 âne, bête, borné, bouché (fam.), crétin, idiot, imbécile, inintelligent, obtus, sot, stupide ; 4 abruti, niais, vide. intelligentsia ou intelligentzia [ɛ̃tɛligɛntsja ou ɛ̃tɛliʒɛ̃sja] n. f. (mot russe, empr. du lat. intelligentia [v. INTELLIGENCE] ; début du XXe s., au sens 1 ; sens 2, 1930, Maurois). 1. Dans la Russie tsariste, au XIXe s., classe des intellectuels réformateurs. Ϧ2. Ensemble des intellectuels d’un pays : Dans la mesure où l’intelligentzia n’a pu ramener le peuple à elle, elle s’est sentie seule à nouveau devant l’autocratie (Camus). intelligibilité [ɛ̃tɛliʒibilite] n. f. (dér. savant de intelligible ; 1713, Fénelon, au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Caractère, état de ce qui est intelligible : Cette intelligibilité des perceptions immédiates (Sully Prudhomme). Ϧ2. Degré de compréhension d’un message verbal : Les parasites ont beaucoup perturbé l’intelligibilité de son message téléphonique. intelligible [ɛ̃tɛliʒibl] adj. (lat. intelligibilis, var. de intellegibilis, qu’on peut comprendre, dér. de intellegere [v. INTELLIGENT] ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 [monde intelligible, 1674, d’après A. La-lande, 1947] ; sens 2, 1552, Rabelais [sans aucun doute plus anc., v. la date du dér. intelligiblement] ; sens 3, 1538, R. Estienne). 1. En philosophie, qui ne peut être connu que par l’intelligence, qui ne relève que de l’entendement (par opposition à sensible) : Réalités intelligibles. ϦMonde intelligible, chez Platon, le monde des Idées, dont les choses sensibles ne sont que le reflet. Ϧ2. Qui peut être compris, dont le sens peut être saisi aisément : Un discours, un propos intelligible. S’exprimer d’une manière intelligible. Je sais combien ce terme est obscur et rend mal ma pensée. Mais peut-être deviendrat-il plus intelligible par la suite de mon récit (France). Ϧ3. Se dit de ce qui peut être entendu, distinctement perçu par le sens de l’ouïe : Parler à haute et intelligible voix. Prononcer des paroles peu intelligibles. • SYN. : 2 accessible, clair, compréhensible, facile, limpide, lumineux, simple ; 3 compréhensible. — CONTR. : 2 abscons, cabalistique, fumeux, hermétique, incompréhensible, inintelligible, insaisissable, obscur, sibyllin ; 3 confus. intelligiblement [ɛ̃tɛliʒibləmɑ̃] adv. (de intelligible ; 1521, P. Fabri). De façon intelligible : Parler intelligiblement. intempérance [ɛ̃tɑ̃perɑ̃s] n. f. (lat. intemperantia, intempérie [de l’air], défaut de modération, excès, de intemperans, -antis [v. l’art. suiv.] ; 1370, Oresme, au sens 1 [au plur., av. 1806, Collin d’Harleville] ; sens 2, 1647, Vaugelas ; sens 3, 1553, Bible Gérard). 1. Littér. Manque de retenue, de modération dans un domaine quelconque : Intempérance de jugement. Ne croyez pas que l’homme ne soit emporté que par l’intempérance des sens ; l’intempérance de l’esprit n’est pas moins flatteuse (Bossuet). Ϧ Au plur., excès, actes qui vont contre la modération, la mesure : Là sont vos idées sociales, vos désirs excessifs, vos intempérances, vos joies qui tuent (Balzac). Ϧ 2. Spécialem. et littér. Liberté excessive dans les propos, les écrits : Intempérance de plume (Saint-Évremond). Mais son intempérance de langage m’a délié, et puisqu’il s’est permis de me juger, il m’a rendu la liberté d’user du même droit à son égard (Chateaubriand). Ϧ3. Absol. Manque de sobriété dans le manger ou le boire : Elle vint à lui et, redressant le litre vide, commença de lui reprocher son intempérance (Aymé). • SYN. : 2 licence, outrance ; 3 gloutonnerie, goinfrerie, gourmandise, ivrognerie. — CONTR. : 1 circonspection, modération, retenue ; 2 discrétion, réserve ; 3 ascétisme, sobriété, tempérance. intempérant, e [ɛ̃tɑ̃perɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. intemperans, -antis, immodéré, désor- donné, incontinent, dissolu, de in-, préf. à valeur négative, et de temperans, -antis, retenu, modéré, part. prés. adjectivé de temperare, combiner dans de justes proportions, être modéré, maîtriser, de tempus, -poris, moment, instant, temps, époque favorable, occasion ; milieu du XVIe s., Amyot, au sens 1 ; sens 2, 1580, Montaigne ; sens 3, av. 1892, Renan). 1. Littér. Qui manque de mesure, de retenue dans son comportement, ses réactions, qui ne se contient pas : Il [le duc de Bourgogne] était né intempérant, colère, violent, orgueilleux, méprisant, fastueux, dissipé (Duclos). Ϧ 2. Qui manque de sobriété dans le manger et dans le boire : Un homme intempérant. Ϧ 3. Littér. Se dit des actions qui sont dépourvues de modération, qui ont un caractère excessif : Voilà ce qu’oublie un certain déisme, avec ses habitudes d’affirmation intempérante (Renan). Cette diligence intempérante était sévèrement jugée (Duhamel). • SYN. : 1 excessif ; 2 goinfre, gourmand, ivrogne ; 3 abusif, effréné, immodéré, outré. — CONTR. : 2 sobre, tempérant ; 3 discret, mesuré, modéré, retenu. intempéré, e [ɛ̃tɑ̃pere] adj. (lat. intemperatus, immodéré, excessif, de in-, préf. à valeur négative, et de temperatus, bien disposé, modéré, mesuré, part. passé adjectivé de temperare [v. l’art. précéd.] ; 1534, Rabelais, au sens de « humide, froid »[en parlant de l’air] ; sens moderne, 1560, Huguet). Vx. Dépourvu de tempérance. intempérie [ɛ̃tɑ̃peri] n. f. (lat. intemperies, état déréglé, excessif de quelque chose, et, au fig., « caprices, humeur mal downloadModeText.vue.download 128 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2680 équilibrée », de in-, préf. à valeur négative, et de temperies, mélange, juste proportion, équilibre, dér. de temperare [v. INTEMPÉRANT] ; 1534, Rabelais, au sens 1 ; sens 2, 1669, Bossuet). 1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Manque de régularité, d’équilibre, dérèglement d’ordre matériel (en parlant soit des conditions atmosphériques, soit de l’organisme) : On souffre beaucoup de l’intempérie de l’air (Acad., 1694). Ce qui marque une intempérie dans le parenchyme splénique, c’est-à-dire la rate (Molière). [Auj., ne s’emploie plus qu’au plur., en parlant du temps, v. ci-après.] Ϧ 2. Class. et littér. Dérèglement, désordre moral : Qu’est-ce donc qui les a poussés ? Quelle force, quel transport, quelle intempérie a causé ces agitations et ces violences ? (Bossuet). Il faut croire que mon père, prévoyant les intempéries de mon existence, m’a bâti à chaux et à sable (Augier). & intempéries n. f. pl. (1794, H. B. de Saussure). Rigueurs du climat : [Les hommes], sans cesse exposés au soleil, à la pluie, au vent, à toutes les intempéries des saisons, labourent la terre (Lamennais). Braver les intempéries. intempestif, ive [ɛ̃tɑ̃pɛstif, -iv] adj. (lat. intempestivus, hors de saison, déplacé, inopportun, de in-, préf. à valeur négative, et de tempestivus, qui arrive à propos, approprié, dér. de tempus [v. INTEMPÉRANT] ; 1474, G. Chastellain). Qui est fait à contretemps, se produit mal à propos, ou apparaît comme inconvenant : Démarche, repartie, question intempestive. Arrivée intempestive. Une joie, une gaieté intempestive. Mais rien n’est davantage à craindre en l’occurrence, hélas, qu’un zèle intempestif (Gide). M. Herriot a parlé dans une heure qui n’est plus la sienne et sur un sujet qu’on peut estimer intempestif (Camus). • SYN. : déplacé, importun, indiscret, inopportun, malvenu. — CONTR. : convenable, opportun, à propos. intempestivement [ɛ̃tɑ̃pɛstivmɑ̃] adv. (de intempestif ; 1555, Vide, p. 313). De façon intempestive : Je vous demande pardon d’avoir interrompu si intempestivement vos songeries (Daudet). intempestivité [ɛ̃tɑ̃pɛstivite] n. f. (dér. savant de intempestif ; 1838, Acad.). Caractère de ce qui est intempestif (rare) : L’intempestivité d’une intervention. intemporalité [ɛ̃tɑ̃pɔralite] n. f. (dér. savant de intemporel ; 1962, Larousse). Caractère de ce qui est intemporel. intemporel, elle [ɛ̃tɑ̃pɔrɛl] adj. (de inet de temporel, ou du lat. impér. intemporalis, éternel, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et temporalis, qui ne dure qu’un temps, temporaire, dér. de tempus, -poris [v. INTEMPÉRANT]( fin du XIXe s., au sens 1 [aussi « qui ne varie pas en fonction du temps... »] ; sens 2, 1941, E. Jaloux). 1. Qui est indépendant du temps ; qui ne se situe pas dans la durée ou qui n’est pas conçu par rapport à la durée : Peut-être notre vrai moi [...], dans un acte intemporel, veut-il être bon ou méchant (Fouillée). Le temps nous est nécessaire pour nous permettre de constituer notre existence intemporelle (Lavelle). Ainsi une dimension intemporelle se trouve ici dissoute dans le devenir d’une thématique. Par là, cette oeuvre est jusque dans ses couches les plus structurées un poème (Sarraute). ϦPar extens. Qui ne varie pas en fonction du temps, qui est immuable : La vérité est intemporelle. Ϧ 2. Qui ne semble pas appartenir à la réalité temporelle, qui est immatériel. & intemporel n. m. (1884, Revue de philologie française, XXX, 148). L’intemporel, le domaine des choses intemporelles : C’est l’idée de temps qui commence à donner son caractère particulier à cet instinct du devoir où Kant ne voyait que la manifestation de l’intemporel (Guyau). intenable [ɛ̃tənabl] adj. (de in- et de tenable ; 1627, Rohan, au sens 1 ; sens 2-3, 1902, Larousse ; sens 4, 1959, Robert). 1. Qui ne peut être tenu, conservé, défendu militairement : Une place forte, une position intenable. Ϧ 2. Où l’on ne peut se maintenir (au pr. et au fig.) : Françoise trouvait, pour servir sa volonté permanente de rendre la maison intenable à tout domestique, des ruses si savantes et si impitoyables... (Proust). Son but avoué est de rendre à l’homme de son temps la situation intenable (Camus). Ϧ 3. Qui n’est pas supportable : Odeur, chaleur intenable. Ϧ4. Fam. Qui ne tient pas en place, dont on ne peut se rendre maître : Un enfant, un élève intenable. • SYN. : 2 impossible, infernal (fam.), invivable ; 3 insupportable, intolérable ; 4 désobéissant, diable (fam.), dur, épouvantable, indiscipliné, indocile, indomptable, terrible (fam.). intendance [ɛ̃tɑ̃dɑ̃s] n. f. (de intendant ; 1543, Isambert, au sens de « le fait de diriger » ; sens 1, 1636, Monet [« fonction de l’officier qui... était le représentant du pouvoir royal dans une généralité », 1690, Furetière] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1817, d’après Larousse, 1962 [« bureaux de ce service », 1902, Larousse ; « ensemble de ce que fournit l’intendance », milieu du XXe s.] ; sens 4, milieu du XXe s. ; sens 5, 1671, Pomey). 1. Vx. Fonction, charge, administration d’un intendant sous l’An- cien Régime : Intendance des finances, du commerce. Ϧ Spécialem. Fonction de l’officier qui, aux XVIIe et XVIIIe s., était le représentant du pouvoir royal dans une généralité. Ϧ 2. Division territoriale qui était confiée à un intendant de province : L’intendance de Limousin. (Syn. GÉNÉRALITÉ.) Ϧ3. Intendance militaire, ou simplem. intendance, service chargé de pourvoir aux besoins des militaires (solde, alimentation, habillement) et à l’administration de l’armée. ϦBureaux de ce service : Se rendre à l’intendance. Ϧ Ensemble de ce que fournit l’intendance : Une armée est en difficulté quand l’intendance ne suit pas. Ϧ 4. Intendance universitaire, corps de fonctionnaires chargés de l’administration financière des lycées et collèges, et de pourvoir aux besoins matériels de ces établissements. Ϧ 5. Gestion d’une propriété importante pour le compte d’autrui, des biens, des affaires d’un particulier : Avoir l’intendance d’un domaine. intendant [ɛ̃tɑ̃dɑ̃] n. m. (de l’anc. mot [super]intendent, chef [XVe s.], commis supérieur [milieu du XVIe s.], lat. médiév. superintendens, -entis, mêmes sens, part. prés. substantivé du bas lat. superintendere, surveiller, du lat. class. super-, préf. à valeur superlative, et intendere, étendre, tendre vers, tourner, diriger [ses yeux, son attention, etc.], de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de tendere, tendre, étendre, se diriger ; milieu du XVIe s., au sens 2 ; sens 1, 1677, Miege [intendant des finances, 1690, Furetière intendant de (la) marine, 1680, Richelet] sens 3, début du XIXe s. ; sens 4, 1945, d’après Larousse, 1962 ; sens 5, 1668, Molière). 1. Sous l’Ancien Régime, titre de fonctionnaires chargés d’un service d’administration publique : Il [Lenôtre] était intendant des bâtiments, et logeait aux Tuileries ; il avait soin du jardin, qui est de lui, et du palais (SaintSimon). ϦIntendant des finances, à partir du XVIe s., officier chargé d’ordonnancer les dépenses, sous la direction du surintendant. Ϧ Intendant de marine, aux XVIIe et XVIIIe s., officier chargé de l’administration de la marine et des constructions navales dans les ports. Ϧ 2. Intendant de province, intendant de police, justice et finances, ou simplem. intendant, aux XVIIe et XVIIIe s., officier qui, dans le cadre d’une généralité des finances, était l’agent tout-puissant du pouvoir royal : Les intendants furent supprimés par la Constituante en 1789. Ϧ3. Intendant militaire, titre donné aux fonctionnaires du service de l’intendance militaire : Intendant militaire adjoint. Intendant général. Ϧ 4. Intendant universitaire, fonctionnaire chargé de l’administration financière et de la surveillance du service matériel d’un établissement d’enseignement. Ϧ5. Personne qui gère les biens, les affaires d’un particulier, dirige et administre une grande maison ou une propriété importante pour le compte de son propriétaire : L’intendant d’un château, d’un domaine rural. • SYN. : 4 économe ; 5 régisseur. intendante [ɛ̃tɑ̃dɑ̃t] n. f. (fém. du précéd. ; 1680, Richelet, au sens 1 ; sens 2, 1752, Trévoux ; sens 3, 1959, Robert [aussi « fonctionnaire femme chargée de l’intendance d’un établissement d’enseignement »]). 1. Sous l’Ancien Régime. femme d’un intendant. Ϧ 2. Supérieure de certains coudownloadModeText.vue.download 129 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2681 vents de femmes. Ϧ3. Femme chargée de l’intendance d’une maison. Ϧ Spécialem. Fonctionnaire femme chargée de l’intendance d’un établissement d’enseignement. intense [ɛ̃tɑ̃s] adj. (bas lat. intensus, intense, violent, attentif, var. du lat. class. intentus, part. passé de intendere [v. INTENDANT] ; v. 1265, J. de Meung, au sens de « extraordinaire » [en parlant d’une qualité] ; sens 1, 1752, Trévoux [pour une couleur, 1783, Buffon] ; sens 2, 1892, Zola ; sens 3, 1962, Larousse). 1. Qui agit avec force, dont l’action est ressentie très fortement : Froid, chaleur, douleur, bruit intense. Une satisfaction intense. Tes sens magnifiés vivront d’intenses fièvres (Samain). Elle [la neige] éclairait, de son intense et froide réverbération, jusqu’aux coins les plus sombres (Carco). Ϧ Spécialem. Se dit d’une couleur dont le ton est très vif : Un bleu intense. Ϧ 2. Très important, qui dépasse la mesure ou le degré habituels : Circulation, activité, animation intense. Ϧ 3. Voyelle, syllabe intense, en linguistique, voyelle, syllabe qui supporte l’accent d’intensité. • SYN. : 1 excessif, extrême, forcené, insupportable, vif, violent ; 2 dense, frénétique, infernal (fam.). intensément [ɛ̃tɑ̃semɑ̃] adv. (de intense ; intensément [ɛ̃tɑ̃semɑ̃] adv. (de intense ; fin du XIVe s., écrit intensement ; intensément, 1925, A. Gide [le mot ne semble pas être attesté entre la fin du Moyen Age et l’époque contemporaine]). De façon intense : Une minute, ses yeux de visionnaire lucide fixèrent intensément un point éloigné (Martin du Gard). Ma surprise dut se peindre si intensément sur mon visage que la « petite Rouge » (comme tu disais) suspendit brusquement son interrogatoire (Vailland). intensif, ive [ɛ̃tɑ̃sif, -iv] adj. (de intense ; XIVe s., Gordon, au sens de « qui dépasse la mesure » ; 1700, Fénelon, au sens de « qui a la plénitude de l’être » ; sens 1, XXe s. [culture intensive, 1867, Littré] ; sens 2, 1889, Bergson ; sens 3, 1845, Bescherelle). 1. Se dit d’une activité qui est portée à un haut degré d’efficacité ou de rendement par un effort intense et continu, et par l’emploi de moyens considérables : Soumettre des athlètes à une préparation intensive. Propagande intensive. Ce machinisme intensif [des États-Unis] fait penser à l’industrie prodigieuse des hommes de la préhistoire (Cendrars). Ϧ Culture intensive, système de culture qui, par la mise en oeuvre de fonds, de moyens et d’un matériel importants, vise à obtenir d’un sol le rendement et le revenu brut le plus élevés possible : Son domaine exigeait la grande culture, le système intensif (Flaubert). Saccard procédait par coups de fièvre, appliquant au terrain financier la méthode de la culture intensive (Zola). Ϧ2. Se dit d’une grandeur qui peut croître ou décroître, mais n’est pas mesurable directement : La force d’une sensation, d’une émotion, est une grandeur intensive. Ϧ3. En linguistique, se dit d’un élément ou d’un terme qui exprime avec une force particulièrement grande la notion contenue dans la racine : Préfixe, suffixe, mode intensif. Dérivé, composé intensif. & intensif n. m. (1959, Robert [l’intensif, début du XXe s.]). Un intensif, en linguistique, un dérivé ou un composé intensif : « Ultra-confidentiel » est un intensif formé avec le préfixe « ultra- ». ϦL’intensif, modalité grammaticale qui exprime l’intensité : Il y a en sémitique une étonnante variété de moyens pour exprimer par exemple le causatif, le conatif, l’intensif, le désidératif, le putatif, le jussif (Vendryes). intensification [ɛ̃tɑ̃sifikasjɔ̃] n. f. (de intensifier ; 1923, A. Gide). Action d’inten- sifier, ou le fait de s’intensifier : Le ministre a déclaré qu’il fallait poursuivre l’intensification de la production. L’intensification de l’agitation sociale inquiète le gouvernement. • SYN. : accroissement, aggravation, amplification, augmentation, extension. intensifier [ɛ̃tɑ̃sifje] v. tr. (de intensi-, élément tiré de intense, et de -fier, du lat. facere, faire ; 4 avr. 1868, l’Opinion nationale). Rendre plus intense, plus soutenu : Intensifier la propagande, l’effort de guerre. • SYN. : accentuer, accroître, amplifier, augmenter. & s’intensifier v. pr. (1932, Bergson). Devenir plus intense : L’activité des transports aériens s’intensifie chaque année. • SYN. : s’amplifier, augmenter, croître, se développer, grossir. intensimètre [ɛ̃tɑ̃simɛtr] n. m. (de intensi[té] et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1968, Larousse). En physique nucléaire, dosimètre permettant de mesurer l’intensité d’une radiation. intensité [ɛ̃tɑ̃site] n. f. (dér. savant de intense ; 1740, Demours, au sens 1 [intensité d’un son, 1835, Acad. ; intensité d’un courant électrique, d’une force, 1888, Larousse ; intensité d’une encre, 1968, Larousse ; accent d’intensité, 1893, Dict. général] ; sens 2, 1770, Buffon). 1. Degré plus ou moins grand d’énergie, de force, de puissance, d’activité de certains phénomènes : L’intensité du froid, d’un bruit. Intensité lumineuse. Mais pour ce feu oblong dont l’intensité ira s’augmentant, au point qu’il deviendra un jour l’unique lumière (Apollinaire). Ϧ Intensité d’un son, qualité du son qui nous fait distinguer un son fort d’un son faible : L’intensité d’un son dépend de l’amplitude des vibrations sonores. Ϧ Intensité d’un courant électrique, quantité d’électricité que débite un courant continu pendant l’unité de temps. Ϧ Intensité d’une force, en physique, action plus ou moins grande que cette force exerce ; mesure de cette action. ϦIntensité d’une encre, pouvoir colorant d’une encre d’imprimerie, qui est fonction de la nature et de la concentration des pigments. ϦAccent d’intensité, en phonétique, articulation d’un phonème ou d’un groupe de phonèmes plus forte que celle des phonèmes ou groupes de phonèmes avoisinants : Accent d’intensité fort, faible. Ϧ 2. Caractère de ce qui atteint un haut degré d’énergie, de force, d’activité : Ce qui me paraît donc avant tout marquer d’une manière inoubliable la musique de ce maître, c’est l’intensité nerveuse, la violence dans la passion et dans la volonté (Baudelaire). J’ai remarqué [...] que tous deux se regardaient avec intensité (Camus). Une attention captivée par l’intensité du silence (Queneau). • SYN. : 1 acuité, force, puissance, violence. intensivement [ɛ̃tɑ̃sivmɑ̃] adv. (de intensif ; v. 1380, Conty, au sens de « avec intensité » ; sens actuel, fin du XVIe s.). De façon intensive : Préparer intensivement les athlètes des jeux Olympiques. intenter [ɛ̃tɑ̃te] v. tr. (lat. intentare, tendre ou diriger contre [au pr. et au fig.], fréquentatif de intendere [v. INTENDANT] ; fin du XIIIe s., Godefroy). Engager contre quelqu’un une action judiciaire : Intenter une action en justice. Intenter un procès à quelqu’un, contre quelqu’un. Une autre [...] parlait d’intenter un procès au préfet de police (Zola). intention [ɛ̃tɑ̃sjɔ̃] n. f. (lat. intentio, tension, application, volonté, intensité, de intentum, supin de intendere [v. INTENDANT] ; 1119, Godefroy, écrit entencion [intention, fin du XIIe s.], au sens II, 1 [avoir l’intention de, 1845, Mérimée ; sans intention, 1810, Code pénal ; avec intention, procès d’intention, XXe s. ; l’enfer est pavé de bonnes intentions, 1867, Littré — l’enfer est plein de bonnes intentions, même sens, 1690, Furetière] ; sens I, v. 1560, Paré [aussi première et seconde intention] ; sens II, 2, 1119, Godefroy, écrit entencion [intention, fin du XIIe s. ; direction d’intention, 1657, Pascal — aussi péjor.] ; sens II, 3-4, 1119, Godefroy, écrit entencion [intention, fin du XIIe s.] ; sens II, 5, 1936, Capitant ; sens III, 1, 1873, Larousse [aussi intention objective] ; sens III, 2, milieu du XXe s.). I. En chirurgie, action de tendre. Ϧ Réunion par première intention, réunion par accolement des lèvres d’une plaie non septique ou d’une incision chirurgicale. Ϧ Réunion par seconde intention, réunion plus tardive, notamment après suppuration. II. 1. Disposition d’esprit, souvent implicite, par laquelle on tend plus ou moins fermement vers quelque fin : Agir dans une intention de conciliation. De bonnes, de mauvaises intentions. Supposer à quelqu’un des intentions perfides. Je fis part à la voisine de mon intention (Gide). downloadModeText.vue.download 130 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2682 Qu’il s’agisse d’une chose perçue, d’un événement historique ou d’une doctrine, comprendre, c’est ressaisir l’intention totale (Merleau-Ponty). Zazie tremble de désir et d’anxiété, car elle n’est pas du tout sûre que le type ait vraiment des intentions malhonnêtes (Queneau). Ϧ Avoir l’intention de (suivi de l’infinitif), se proposer de : J’ai l’intention de prolonger d’une semaine mon séjour ici. Ϧ Sans intention, involontairement. Ϧ Avec intention, de propos délibéré, à dessein. Ϧ Procès d’intention, accusation fondée non pas sur les actes que quelqu’un a accomplis, mais sur ceux qu’on lui prête, injustement peut-être, l’intention d’accomplir : Voulez-vous tirer argument de bruits incontrôlables pour nous faire un procès d’intention ? (Gracq). Ϧ L’enfer est pavé de bonnes intentions (prov.), les bonnes intentions ne coûtent rien et peuvent aboutir aux pires résultats. Ϧ 2. En morale, fin que l’on se propose en agissant, et plus précisément volonté d’obéir à la règle, d’agir conformément à la règle, qui donne à l’acte sa valeur morale : Juger quelqu’un non sur ses actes, mais sur ses intentions. ϦDirection d’intention, attitude mentale par laquelle on rapporte ses actions, ses vues à une fin déterminée, qui en constitue la moralité ; péjor., tentative hypocrite pour justifier un acte coupable par les conséquences bonnes qu’il a pu comporter : Pratiquer la direction d’intention. Ϧ 3. Volonté arrêtée et mûrement délibérée : Les intentions du testateur. Il est toujours difficile de faire une bonne loi, qui réponde aux intentions des législateurs (France). Ϧ 4. La fin même que l’on se propose en agissant : Les résultats vont à l’encontre de ses intentions. Un esprit les eût recherchés avec quelque intention (Valéry). Ϧ5. Intention délictueuse, en droit, détermination consciente et voulue d’accomplir un acte délictueux. III. 1. Dans le vocabulaire de la scolastique, acte de la pensée qui s’applique à un objet ( intention formelle). Ϧ L’objet même auquel la pensée s’applique (intention objective). Ϧ2.Dans le vocabulaire de la phénoménologie, acte de la conscience qui se crée en donnant un sens à l’objet auquel elle s’applique. • SYN. : II, 1 arrière-pensée, calcul, dessein, mobile, pensée, plan, projet, propos ; 3 décision, désir, résolution, volonté, vouloir ; 4 but, objectif, visées, vues. & À cette intention loc. adv. (av. 1890, Maupassant). À dessein, pour cela : Il l’enveloppa dans une serviette emportée à cette intention, et rentra chez lui (Maupassant). & À l’intention de loc. prép. (milieu du XVe s., Quinze Joyes de mariage,écrit à l’entencion de ; à l’intention de, 1671, Mme de Sévigné [« pour le profit spirituel de », 1690, Furetière]). 1. Pour le profit de, en l’honneur de, pour : Donner une fête à l’intention des touristes. Écrire un ouvrage à l’intention des enfants. Ϧ2. Spécialem. Pour le profit spirituel de : Faire dire une messe à l’intention d’un défunt. intentionnalité [ɛ̃tɑ̃sjɔnalite] n. f. (dér. savant de intentionnel ; 1877, Littré, au sens 1 [en psychologie, 1962, Larousse] ; sens 2, 1931, Husserl). 1. Caractère intentionnel. Ϧ Spécialem. En psychologie, caractère d’un acte ou d’un état de conscience adapté à une intention. Ϧ 2. Dans le vocabulaire de la phénoménologie, caractère de la conscience de tendre vers un objet et de lui donner un sens. intentionné, e [ɛ̃tɑ̃sjɔne] adj. (de intention ; 1567, Papiers de Granvelle [II, 211], dans la loc. intentionné de, qui a le dessein de ; bien, mal intentionné, 1626, Richelieu). Bien, mal intentionné, qui a de bonnes, de mauvaises intentions : Malheureusement, certaines personnes, bien ou mal intentionnées, lui parlèrent de moi d’une façon qui dut lui laisser croire qu’elles le faisaient à ma prière (Proust). • REM. Mal intentionné s’écrit aussi en un seul mot : MALINTENTIONNÉ (1651, Retz). intentionnel, elle [ɛ̃tɑ̃sjɔnɛl] adj. (de intention ; v. 1380, Aalma, écrit intencionnal [intentionnel, 1487, Garbin], au sens de « qu’on a en vue » [terme de scolastique] ; sens 1, 1798, Acad. ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, milieu du XXe s.). 1. Qui est fait avec intention, à dessein : Une erreur intentionnelle. Au ton intentionnel qu’il eut pour répéter cette affirmation... (P. Hervieu). Ϧ2. Espèces intentionnelles (ou impresses), dans la scolastique, images qui émanent des corps et frappent les sens, par opposition à celles que l’esprit tire ensuite des sens et rend intelligibles. Ϧ 3. Dans le vocabulaire de la phénoménologie, qui présente une intentionnalité. • SYN. : 1 conscient, délibéré, prémédité, réfléchi, volontaire, voulu. — CONTR. : 1 automatique, inconscient, instinctif, involontaire, machinal. intentionnellement [ɛ̃tɑ̃sjɔnɛlmɑ̃] adv. (de intentionnel ; milieu du XVIe s., puis 1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Volontairement : Omettre un nom intentionnellement. Ϧ 2. En intention (rare) : Coupable intentionnellement. • SYN. : 1 délibérément, à dessein, à bon escient, exprès, de propos délibéré, sciemment. intentionner [ɛ̃tɑ̃sjɔne] v. tr. (de intention ; 1589, Variétés historiques et littéraires [VII, 266], au sens de « diriger [quelqu’un ou quelque chose] par l’intention » ; sens actuel, milieu du XXe s.). Dans le vocabulaire de la phénoménologie, tendre vers tel objet par la pensée. 1. inter [ɛ̃tɛr] n. m. (abrév. de interurbain ; 1959, Robert). Téléphone interurbain : J’ai eu beaucoup de mal à obtenir l’inter. 2. inter [ɛ̃tɛr] n. m. (abrév. de intérieur, n. m. ; 1924, Montherlant). Dans une équipe de football, joueur de la ligne d’attaque placé entre l’ailier et le centre : Inter droit. Inter gauche. • REM. On dit aussi INTÉRIEUR. 3. inter- [ɛ̃tɛr], élément tiré du lat. inter – prép. signif. « entre, parmi, pendant » et marquant aussi la relation, l’échange, la réciprocité –, et qui entre, comme préfixe, dans la composition de nombreux mots. interaction [ɛ̃tɛraksjɔ̃] n. f. (de inter- 3 et de action ; 1876, Revue scientifique [p. 50], au sens 1 ; sens 2, 1931, Larousse ; sens 3, 1968, Larousse). 1. Action réciproque de deux ou plusieurs phénomènes : La courbe de Planck représente l’interaction de la matière et de la lumière (Boll). Ϧ2. Spécialem. Influence réciproque de deux éléments d’un avion : Interaction aile-fuselage. Ϧ3. En physique nucléaire, phénomène par lequel des actions s’exercent entre deux ou plusieurs corpuscules. interallié, e [ɛ̃tɛralje] adj. (de inter- 3 et de allié ; 1915, Lyautey). Qui est commun aux alliés d’une coalition : Nous nous sommes rencontrés au Cercle interallié (M. Prévost). Le Conseil interallié semblait décidé, ces jours-ci, à étendre au front italien les pouvoirs de Foch (Martin du Gard). • REM. Ce terme fut surtout usité au cours de la Première Guerre mondiale. interaméricain, e [ɛ̃tɛramerikɛ̃, -ɛn] adj. (de inter- 3 et de américain ; 25 juin 1966, le Monde). Qui est commun à l’ensemble des États du continent américain. interandin, e [ɛ̃tɛrɑ̃dɛ̃, -ɛn] adj. (de inter3 et de Andes, n. géogr. ; 1931, Larousse). Relatif aux régions intérieures des Andes : Plateaux interandins. interarabe [ɛ̃tɛrarab] adj. (de inter- 3 et de arabe ; 24 juill. 1966, le Monde). Qui est commun à l’ensemble des pays arabes. interarmées [ɛ̃tɛrarme] adj. invar. (de inter- 3 et du plur. de armée ; 1931, Larousse). Qui est commun à plusieurs armées (de terre, de mer, de l’air) : Commandement interarmées. interarmes [ɛ̃tɛrarm] adj. invar. (de inter- 3 et de arme ; 1931, Larousse). Qui est commun à plusieurs armes (infanterie, arme blindée, etc.) d’une même armée : Centre d’instruction interarmes. interars [ɛ̃tɛrars] n. m. (de inter- 3 et de ars ; 1867, Littré). Partie du corps du cheval située entre les deux ars et qui est la continuation du poitrail. interastral, e, aux [ɛ̃tɛrastral, -o] adj. (de inter- 3 et de astral ; 1934, Quillet). Qui se trouve ou se produit entre plusieurs astres : Espace interastral. Phénomène interastral. downloadModeText.vue.download 131 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2683 interatomique [ɛ̃tɛratɔmik] adj. (de inter- 3 et de atomique ; 1873, Nysten [art. pore]). Qui est situé entre les atomes : Espaces interatomiques. interattraction [ɛ̃tɛratraksjɔ̃] n. f. (de inter- 3 et de attraction ; 1962, Larousse). Attraction que des individus exercent les uns sur les autres, et qui les pousse à se grouper. interauriculaire [ɛ̃tɛrorikylɛr] adj. (de inter- 3 et de auriculaire ; 1967, d’Allaines). Cloison interauriculaire, cloison qui sépare les deux oreillettes du coeur. intercalaire [ɛ̃tɛrkalɛr] adj. (lat. intercalaris ou -rius, intercalé, intercalaire, de intercalare [v. INTERCALER] ; 1352, Bersuire, au sens 1 [jour intercalaire ; mois intercalaire, 1867, Littré ; année intercalaire, 1838, Acad. — an intercalare, même sens, 1552, Rabelais ; en pathologie, 1845, Bescherelle] ; sens 2, 1660, Oudin ; sens 3, 1959, Robert ; sens 4, 1962, Larousse ; sens 5, 1902, Larousse). 1. Se dit de diverses choses que l’on intercale. Ϧ Jour intercalaire, dans le calendrier grégorien, jour que l’on ajoute au mois de février dans les années bissextiles. Ϧ Mois intercalaire, mois que les Grecs ajoutaient à certaines années lunaires pour assurer la concordance avec l’année solaire. Ϧ Par extens. Année intercalaire, année à laquelle était ajouté le mois intercalaire. ϦJour, période intercalaire, dans certaines maladies (malaria, fièvre ondulante), jour, période d’accalmie entre deux périodes aiguës. Ϧ2. Vers intercalaires, vers que l’on répète plusieurs fois, comme un refrain, dans les poèmes faits pour être chantés. Ϧ3. Se dit de ce qui est ajouté à l’intérieur d’un livre, d’un livret, d’un fascicule, d’un journal : Feuille, feuillet, livret intercalaire. Ϧ4. Proposition intercalaire, en grammaire, syn. de proposition INCISE. Ϧ 5. En botanique, se dit de la croissance d’un végétal lorsqu’elle se produit non pas au sommet, mais dans les organes déjà formés. & n. m. (sens 1, milieu du XXe s. ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Livret ou feuillet intercalaire. Ϧ 2. Fiche d’un format particulier ou d’une couleur particulière, qui sépare des groupes de fiches ou de cartes perforées à l’intérieur d’un même fichier. intercalation [ɛ̃tɛrkalasjɔ̃] n. f. (lat. intercalatio, intercalation, de intercalatum, supin de intercalare [v. INTERCALER] ; XVe s., Godefroy, au sens 1 [« action d’insérer dans un écrit », 1812, Mozin] ; sens 2, 1902, Larousse). 1. Action d’intercaler ; résultat de cette action : L’intercalation d’un nombre dans une addition. L’intercalation d’un mot, d’une phrase dans un texte. L’intercalation d’un jour dans le mois de février d’une année bissextile. L’intercalation d’un son à l’intérieur d’un mot s’appelle « épenthèse ». Ϧ2. Dans l’imprimerie, mot, signe, lettre d’un caractère autre que celui qui est employé dans la composition d’un ouvrage. intercalé, e [ɛ̃tɛrkale] adj. (part. passé de intercaler ; 1957, Robert, art. incise). Proposition intercalée, syn. de proposition INCISE. intercaler [ɛ̃tɛrkale] v. tr. (lat. intercalare, intercaler, proprem. « publier entre », de inter, entre, et de calare, appeler, convoquer ; 1520, Vaganay, au sens 1 [« ajouter un jour au mois de février. » ; « introduire dans une série ou dans un ensemble déjà constitués », 1611, Cotgrave] ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Introduire dans une série ou dans un ensemble déjà constitué. ϦSpécialem. Ajouter un jour au mois de février, tous les quatre ans, pour faire concorder l’année civile avec l’année solaire. Ϧ 2. Introduire une chose entre deux autres : Intercaler un mot, une phrase dans un texte. Intercaler une citation, un exemple. • SYN. : 1 enclaver, incorporer ; 2 enchâsser, insérer, interpoler. & s’intercaler v. pr. (1867, Littré). Se placer entre deux personnes, deux choses : Une pièce mécanique qui vient s’intercaler entre deux autres. • SYN. : s’interposer. intercéder [ɛ̃tɛrsede] v. intr. (lat. intercedere, venir ou aller entre, intervenir, s’interposer ; 1345, Godefroy). [Conj. 5 b.] S’entremettre en faveur de quelqu’un pour lui obtenir quelque avantage : On expie pour les autres, on se charge de leurs fautes, on leur offre ses mérites, on intercède pour le monde auprès de Dieu (Rolland). Intercéder en faveur d’un condamné. • SYN. : S’employer, s’entremettre, parler pour. intercellulaire [ɛ̃tɛrselylɛr] adj. (de inter- 3 et de cellule ; 1845, Bescherelle). Qui se trouve entre des cellules animales ou végétales. intercepter [ɛ̃tɛrsɛpte] v. tr. (de intercepter [ɛ̃tɛrsɛpte] v. tr. (de intercept[ion] ; 1528, Papiers de Granvelle [1, 340], au sens 1 ; sens 2, 1606, Crespin ; sens 3, 1770, Raynal ; sens 4, XXe s. ; sens 5, 1959, Robert). 1. Prendre au passage en détournant de sa destination première : Au temps où Jérôme vivait encore à Paris, il avait donné à son concierge [...] l’ordre d’intercepter son courrier (Martin du Gard). Ϧ2. Arrêter dans son cours, dans sa marche : Les nuages interceptent les rayons du soleil. Ϧ 3. En termes militaires, empêcher un bâtiment, un appareil d’atteindre son but : Intercepter des bombardiers ennemis. Ϧ4. Dans les sports d’équipe, s’emparer du ballon au cours d’une passe entre deux adversaires. Ϧ 5. Prendre connaissance au passage de quelque chose qui ne nous est pas destiné : Intercepter un message transmis par radio. • SYN. : 1 arrêter, capter, s’emparer de ; 2 cacher, interrompre, masquer, occulter, offusquer (vx), tamiser, voiler. intercepteur [ɛ̃tɛrsɛptoer] n. m. (de intercepter ; 1757, Genet, au sens de « celui qui intercepte quelque chose » ; sens actuel, 1962, Larousse). Avion de chasse très rapide, spécialement conçu pour arrêter les incursions d’appareils ennemis. interception [ɛ̃tɛrsɛpsjɔ̃] n. f. (lat. interceptio, soustraction, vol, de interceptum, supin de intercipere, intercepter, enlever, soustraire, de inter, entre, et de capere, prendre, saisir ; XVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, v. 1560, Paré ; sens 3, 1959, Robert). 1. Action d’intercepter une chose, de l’arrêter en l’empêchant d’atteindre sa destination : L’interception d’une lettre, du courrier. Interception du ballon au cours d’une passe, au football. Ϧ 2. Action d’arrêter dans sa marche ou dans sa course : L’interception des rayons du soleil par les nuages. Ϧ3. Action de prendre connaissance de quelque chose qui ne nous est pas destiné : Interception d’un message transmis par radio. intercesseur [ɛ̃tɛrsesoer] n. m. (lat. intercessor, celui qui s’interpose, s’entremet, de intercessum, supin de intercedere [v. INTERCÉDER] début du XIVe s., Gilles li Muisis, au sens 1 [entrecessor, forme plus pop., v. 1212, Angier] ; sens 2, 1721, Trévoux). 1. Littér. Personne qui intercède en faveur d’une personne : Être, se faire l’intercesseur de quelqu’un. Les saints sont nos intercesseurs auprès de Dieu (Bourdaloue). Ϧ 2. Autref. Évêque qu’on chargeait de l’administration d’un diocèse pendant la vacance du siège. • SYN. : 1 avocat, défenseur. intercession [ɛ̃tɛrsesjɔ̃] n. f. (lat. intercessio, intervention, médiation, entre- mise, de intercessum, supin de intercedere [v. INTERCÉDER] ; v. 1220, Coincy). Action d’intercéder auprès de quelqu’un, en faveur de quelqu’un : Saint Nicolas montrait aux habitants les enfants tirés du saloir et contait le grand miracle que Dieu avait fait par son intercession (France). Obtenir quelque chose par l’intercession de quelqu’un. interchangeabilité [ɛ̃tɛrʃɑ̃ʒabilite] n. f. (dér. savant de interchangeable ; 1931, Larousse [pour un gaz, 1962, Larousse]). Caractère de ce qui est interchangeable : L’interchangeabilité des pièces fabriquées en série. ϦSpécialem. Propriété d’un gaz qui peut être substitué à un autre dans des conditions d’utilisation analogues. interchangeable [ɛ̃tɛrʃɑ̃ʒabl] adj. (angl. interchangeable, échangeable, se succédant alternativement [milieu du XVe s.], dér. de to interchange, changer mutuellement, échanger, de inter- [lat. inter, V. INTER- 3] et de to change, changer [empr. du franç. changer] ; 18 mars 1870, la Liberté). Se dit des choses ou des personnes que l’on peut mettre à downloadModeText.vue.download 132 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2684 la place les unes des autres : Il n’est pas certain que, pour créer une oeuvre littéraire, l’imagination et la sensibilité ne soient pas des qualités interchangeables (Proust). À ce niveau machinal, en effet, les hommes se ressemblent et on s’explique ainsi ce curieux univers où tous les personnages paraissent interchangeables (Camus). interchanger [ɛ̃tɛrʃɑ̃ʒe] v. tr. (de interchang[eable], d’après changer ; 1919, Proust). Substituer une personne, une chose à une autre : [...] Qui n’a remarqué combien les couples les plus normaux finissent par se ressembler, quelquefois même par interchanger leurs qualités ? (Proust). intercinèse [ɛ̃tɛrsinɛz] n. f. (de inter- 3 et de -cinèse, gr. kimêsis, mouvement, de kineîn, remuer, agiter ; 1953, Larousse). Etat de repos du noyau entre deux divisions cellulaires. interclasse [ɛ̃tɛrklas] n. m. (de inter- 3 et de classe ; milieu du XXe s.). Court intervalle qui sépare deux heures de classe. interclassement [ɛ̃tɛrklasmɑ̃] n. m. (de interclasser ; 1962, Larousse). Opération effectuée par une interclasseuse. interclasser [ɛ̃tɛrklase] v. tr. (de inter- 3 et de classer ; 1962, Larousse). Traiter deux séries de cartes perforées à l’interclasseuse. interclasseuse [ɛ̃tɛrklasøz] n. f. (de interclasser ; 1962, Larousse). Machine à cartes perforées qui permet la fusion de deux groupes de cartes préalablement classées dans le même ordre. interclubs [ɛ̃tɛrkloeb] adj. invar. (de inter- 3 et de club 1 ; 1889, Bonnaffé). Se dit d’une compétition où sont opposées les équipes de plusieurs clubs : La Coupe d’Europe des clubs est une compétition de football interclubs. intercolonial, e, aux [ɛ̃tɛrkɔlɔnjal, -o] adj. (de inter- 3 et de colonial ; 1er nov. 1871, la Patrie). Vx. Qui a lieu de colonie à colonie : Commerce intercolonial. intercommunal, e, aux [ɛ̃tɛrkɔmynal, -o] adj. (de inter- 3 et de communal ; 1890, Grande Encyclopédie, art. commune). Qui concerne plusieurs communes : Syndicat intercommunal. intercommunication [ɛ̃tɛrkɔmynikasjɔ̃] n. f. (de inter- 3 et de communication ; 1867, Littré, au sens 1 ; sens 2, 1888, Larousse ; sens 3, milieu du XXe s.). 1. Communication réciproque entre des personnes ou des choses. Ϧ 2. Liaison d’alarme entre la voiture d’un train et la locomotive. Ϧ 3. Communication établie entre plusieurs interlocuteurs. intercompréhension [ɛ̃tɛrkɔ̃preɑ̃sjɔ̃] n. f. (de inter- 3 et de compréhension ; XXe s.). Capacité, pour des sujets parlants, de comprendre des énoncés émis par d’autres sujets parlants appartenant à une même communauté : Jules Ronjat, pour délimiter le franco-provençal et le provençal, a mis en valeur le facteur d’intercompréhension : s’entend-on facilement entre voisins ? les parlers appartiennent au même groupe (Dauzat). interconfessionnalisme [ɛ̃tɛrkɔ̃fɛsjɔnalism] n. m. (dér. savant de interconfessionnel ; 1902, Larousse). Essai d’accord entre divers groupes religieux. interconfessionnel, elle [ɛ̃tɛrkɔ̃fɛsjɔnɛl] adj. (de inter- 3 et de confessionnel ; 1902, Larousse, au sens 1 ; sens 2, 5 janv. 1969, le Monde). 1. Relatif à l’interconfessionnalisme. Ϧ 2. Qui est commun à plusieurs confessions, à plusieurs groupes religieux : Église, école interconfessionnelle. interconnecter [ɛ̃tɛrkɔnɛkte] v. tr. (de inter- 3 et de connecter ; 1962, Larousse). Mettre en relation deux ou plusieurs centres de production ou de consommation d’électricité, afin de permettre les échanges d’énergie d’un centre à un autre. interconnexion [ɛ̃tɛrkɔnɛksjɔ̃] n. f. (de inter- 3 et de connexion ; v. 1930). Action d’interconnecter. interconscient, e [ɛ̃tɛrkɔ̃sjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de inter- 3 et de conscient ; av. 1945, P. Valéry). Situé dans une zone qui échappe à la conscience : Là, sur le papier même, je ne sais quelle scintillation de derniers astres tremblait infiniment pure dans le même vide interconscient où, comme une matière de nouvelle espèce, distribuée en amas, en traînées, en systèmes, coexistait la Parole ! (Valéry). interconsonantique [ɛ̃tɛrkɔ̃sɔnɑ̃tik] adj. (de inter- 3 et de consonne ; 1962, Larousse). Se dit d’un élément phonique placé entre deux consonnes. intercontinental, e, aux [ɛ̃tɛrkɔ̃tinɑ̃tal, -o] adj. (de inter- 3 et de continental ; 1867, Littré, au sens 2 [« qui peut aller d’un continent à l’autre », milieu du XXe s.] ; sens 1, 1878, Larousse). 1. Qui est situé entre plusieurs continents : Gouffres intercontinentaux. Ϧ 2. Qui va d’un continent à l’autre : Des masses intercontinentales d’air froid, d’air chaud. ϦQui peut aller d’un continent à l’autre : Une fusée intercontinentale. intercostal, e, aux [ɛ̃tɛrkɔstal, -o] adj. (de inter- 3 et du lat. costa, côte ; 1536, G. Chrestien). Qui est entre les côtes : Ils soignèrent Chamborlan, le bedeau, pour ses douleurs intercostales (Flaubert). Muscles, nerfs intercostaux. Névralgie intercostale. intercotidal, e, aux [ɛ̃tɛrkɔtidal, -o] adj. (de inter- 3 et de cotidal ; fin du XIXe s.). Ligne intercotidale, ligne joignant, sur une carte, les points où la marée se produit en même temps. Ϧ Zone intercotidale, zone comprise entre les limites extrêmes du balancement des marées. (On dit aussi ZONE INTERTIDALE.) intercourse [ɛ̃tɛrkurs] n. f. (mot angl. signif. proprem. « relations commerciales », lui-même empr. du franç. entre-cours [v. ce mot] ; 1867, Littré, au sens de « ensemble des communications commerciales entre deux pays » ; sens actuel, 1895, Bonnaffé). Droit de libre pratique dans certains ports, que deux nations s’accordent réciproquement. intercurrent, e [ɛ̃tɛrkyrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. intercurrens, -entis, part. prés. de intercurrere, courir dans l’intervalle, s’interposer, de inter, entre, et de currere, courir ; 1741, Col de Vilars [en parlant d’une maladie ; au sens général, 1867, Littré]). Qui vient s’insérer dans le déroulement d’une action ou la durée d’un état : Pour moi, j’acceptai cette solution avec l’espoir secret que, le moment venu de faire ce fameux voyage, mille raisons intercurrentes nous le rendraient impossible (Duhamel). Ϧ Spécialem. Se dit d’une maladie qui survient pendant la durée d’une autre. interdentaire [ɛ̃tɛrdɑ̃tɛr] adj. (de inter3 et de dentaire ; 1877, Littré). Situé entre les dents : Espace interdentaire. interdental, e, aux [ɛ̃tɛrdɑ̃tal, -o] adj. (de inter- 3 et de dental ; 1931, Larousse). En phonétique, se dit d’une consonne spirante dont l’articulation est produite en plaçant la pointe de la langue derrière l’espace formé par les deux rangées de dents faiblement écartées (par ex., en allem., t et d). interdépartemental, e, aux [ɛ̃tɛrdepartəmɑ̃tal, -o] adj. (de inter- 3 et de départemental ; 21 oct. 1871, Journ. officiel, p. 4087). Relatif, commun à plusieurs départements : Taxes interdépartementales. Syndicats interdépartementaux. interdépendance [ɛ̃tɛrdepɑ̃dɑ̃s] n. f. (de inter- 3 et de dépendance ; 1867, Littré, au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Dépendance réciproque : À force de tirer des fils d’un point à un autre, d’établir des rapports, des interdépendances, des relations, le moindre acheminement de l’esprit dans cette toile ébranle tant de considérants qu’il reste en suspens, immobile (Gide). Au système colonial, on a prétendu, parfois, substituer l’interdépendance de la métropole et des anciennes colonies. Ϧ 2. En philosophie, lien organique entre les divers phénomènes naturels : Cause et effet ne sont que des moments de l’interdépendance universelle (Lefebvre). interdépendant, e [ɛ̃tɛrdepɑ̃dɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de inter- 3 et de dépendant ; 1935, Acad.). Se dit de choses qui sont dans un rapport de dépendance mutuelle : Phénomènes interdépendants. Les sciences ne sont pas seulement interdépendantes, elles sont suspendues à la métaphysique (L. Daudet). downloadModeText.vue.download 133 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2685 interdiction [ɛ̃tɛrdiksjɔ̃] n. f. (lat. interdictio, interdiction, défense, de interdictum, supin de interdicere [v. INTERDIRE] ; 1410, Isambert, écrit interdition [interdiction, 1461, Bartzsch], au sens 1 [tir d’interdiction, 1931, Larousse] ; sens 2, 1690, Furetière [interdiction légale, 1845, Bescherelle ; interdiction judiciaire ou civile, 1902, Larousse — interdiction, même sens, 1690, Furetière ; interdiction de séjour, 1873, Larousse]). 1. Action d’interdire quelque chose : Interdiction du port d’arme, de stationner. Frapper d’interdiction la consommation des boissons alcoolisées. Lever une interdiction. Interdiction d’un film, d’un journal. ϦSpécialem. Tir d’interdiction, tir par lequel on essaie d’empêcher l’ennemi d’atteindre certains endroits : Déclencher, essuyer, soutenir un violent tir d’interdiction. Ϧ 2. Spécialem. Défense perpétuelle ou temporaire faite à quelqu’un de remplir ses fonctions : L’interdiction d’un prêtre, d’un fonctionnaire. Le peuple a vu la fuite du Roi et son arrestation [...]. Il verrait progressivement son interdiction, sa déposition, l’élection de son fils à la couronne (Laclos). Ϧ Interdiction légale, privation de l’exercice des droits civils, qui constitue une peine accessoire à toute peine afflictive ou infamante. Ϧ Interdiction judiciaire ou civile, ou simplem. interdiction, décision de justice par laquelle une personne majeure était privée de la disposition de ses biens : Demander l’interdiction de quelqu’un. Être frappé d’interdiction. (On dit auj. MISE EN TUTELLE.) Ϧ Interdiction de séjour, peine par laquelle on interdit à un condamné l’accès de certaines localités. • SYN. : 1 défense, prohibition ; 2 dégradation, déposition, destitution, suspension. — CONTR. : 1 autorisation, permission ; 2 réhabilitation, réintégration. interdigital, e, aux [ɛ̃tɛrdiʒital, -o] adj. (de inter- 3 et de digital ; 1867, Littré). Qui est placé entre les doigts : Espace interdigital. interdiocésain, e [ɛ̃tɛrdjɔsezɛ̃, -ɛn] adj. (de inter- 3 et de diocésain ; 19 avr. 1966, le Monde). Qui concerne plusieurs diocèses : Un séminaire interdiocésain. interdire [ɛ̃tɛrdir] v. tr. (lat. interdicere, interdire, de inter, entre, et de dicere, dire ; v. 1250, Espinas [III, 148], au sens 1 [entredire, forme francisée, v. 1190, Garnier de PontSainteMaxence] ; sens 2, XIVe s., Nature à l’alchimie ; sens 3, 1580, Montaigne ; sens 4, 1458, Mystère du Vieil Testament ; sens 5, 1660, Retz [interdire un prêtre, 1657, Pascal ; interdire une église, fin du XIVe s.] ; sens 6, 1690, Furetière ; sens 7, 1662, Corneille). [Conj. 68, sauf à la 2e pers. du plur. de l’indic. et de l’impér. : vous interdisez, interdisez.] 1. Empêcher formellement quelque chose par une mesure réglementaire ou légale : Interdire une manifestation. Il est interdit de fumer. Interdire une organisation, un journal. Les lois de la nature permettent ce qu’interdisent les lois des hommes et de Dieu (Gide). Ϧ 2. Défendre impérativement la pratique, l’usage de quelque chose : Le médecin lui a interdit tout aliment sucré à cause de son diabète. Je vous interdis de me parler ainsi. Que sert d’interdire ce qu’on ne peut pas empêcher ? (Gide). Ϧ3. Avec un sujet désignant une chose, rendre formellement impossible : Je disparais complètement, autant que peut le faire un homme à qui ses principes interdisent le suicide (Mauriac). Ϧ 4. Class. Interdire quelqu’un de quelque chose, le tenir éloigné de : Les Dieux de ce haut rang te voulaient interdire (Racine). Ϧ5. Priver quelqu’un momentanément ou définitivement du droit d’exercer ses fonctions : Interdire un officier ministériel. ϦInterdire un prêtre, lui défendre la célébration du culte et l’administration des sacrements. ϦPar anal. Interdire une église, y défendre la célébration du culte. Ϧ 6. Priver juridiquement quelqu’un de la libre disposition de ses biens, de sa personne, de certains droits déterminés : Interdire un homme atteint de folie. Son père, qui n’a plus que cet enfant-là et qui le fait interdire, m’écrivait ces jours-ci (H. Bazin). Ϧ7. Fig. Frapper quelqu’un d’un trouble tel qu’il ne sait que dire ni que faire (rare, sauf au part. passé) : La peur l’a tout interdit. • SYN. : 1 défendre, prohiber ; 2 proscrire ; 3 condamner, exclure ; 5 casser, déposer, destituer, révoquer, suspendre ; 7 confondre, interloquer (fam.), méduser (fam.), paralyser, pétrifier, saisir, sidérer (fam.). — CONTR. : 1 autoriser, permettre ; 2 approuver, conseiller, ordonner, prescrire ; 3 admettre, enjoindre, recommander, tolérer. & s’interdire v. pr. [de] (sens 1, av. 1714, Fénelon ; sens 2, 1661, Molière). 1. S’imposer l’obligation de ne pas faire une action : S’interdire de fumer. Ϧ 2. Class. Se troubler : Achevez de lire : | Votre âme pour ce mot ne doit pas s’interdire (Molière). interdisciplinaire [ɛ̃tɛrdisiplinɛr] adj. (de inter- 3 et de discipline ; av. 1959, P. Gilbert, p. 277). Qui se rapporte à plusieurs disciplines, à plusieurs sciences : Des recherches interdisciplinaires. 1. interdit, e [ɛ̃terdi, -it] adj. (part. passé de interdire [v. ce mot] ; XIIIe s., Godefroy, comme n. m., écrit enterdit, au sens de « excommunié » ; v. 1450, Godefroy, écrit interdit, comme adj., au sens de « honni » ; sens 1, 1556, Bonivard [écrit interdict ; interdit, 1625, Stoer] ; sens 2, 1640, Oudin [entredict, même sens, v. 1570, Carloix]). 1. Se dit d’une chose ou d’une personne qui est frappée d’une interdiction quelconque : Entrée, circulation interdite. Stationnement interdit. Personne interdite de séjour. C’était un prêtre interdit que mon père avait rencontré en 1848 dans les clubs (France). Ϧ2. Se dit d’une personne qui est comme paralysée par une émotion forte : Et comme si tout en elle avait chaviré soudain, elle demeura quelques secondes immobile, interdite, retenant avec effort ses larmes (Martin du Gard). Rose, interdite, considérait, dans le cercle d’une lumière étroite, cette ombre qui parlait (Mauriac). • SYN. : 2 ahuri (fam.), confondu, désem- paré, ébahi, interloqué (fam.), médusé (fam.), pantois, perdu, pétrifié, sidéré (fam.), stupéfait. & interdit n. m. (1625, Stoer). Toute personne frappée d’une interdiction par décision judiciaire : Un interdit de séjour. Les interdits sont assimilés aux mineurs. 2. interdit [ɛ̃terdi] n. m. (lat. interdictum, interdiction, défense, part. passé neutre substantivé de interdicere [v. INTERDIRE] ; V. 1213, Fet des Romains, écrit entredit, au sens de « déchéance de ses fonctions » [en parlant d’un druide] ; écrit interdite [n. m.], au sens 1, début du XVe s. [interdit, 1530, Palsgrave] ; sens 2, 5 sept. 1660, Racine ; sens 3, 1861, Sainte-Beuve [interdit, « interdiction » — terme juridique —, v. 1460, Bartzsch] ; sens 4, XXe s.). 1. Sentence par laquelle on défend à un clerc l’exercice de ses fonctions. Ϧ 2. Décision par laquelle on défend l’exercice du culte dans un endroit déterminé : L’interdit frappant une église. Ϧ 3. Condamnation absolue qui met une personne à l’écart d’un groupe : Jeter l’interdit sur quelqu’un. Ϧ 4. Ce qui est interdit par la religion, la morale, les conventions sociales : Par sa conduite, elle brave tous les interdits. • SYN. : 2 exclusive, index, quarantaine. intéressant, e [ɛ̃terɛsɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de intéresser ; 1718, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1765, Encyclopédie [péjor., av. 1902, Zola] ; sens 3, 1765, Encyclopédie ; sens 4, 1873, Larousse [état intéressant ; position intéressante, 1878, Acad.] ; sens 5, av. 1922, Proust). 1. Qui est digne d’attention, captive l’esprit : Un livre, un film intéressant. Une discussion intéressante. Son histoire, quoique très intéressante encore, n’a plus qu’une importance secondaire au point de vue général (Renan). Ϧ2. Se dit d’une personne qui plaît, captive par sa personnalité, sa culture, son esprit : Romancier intéressant. Conférencier intéressant. C’est un convive très intéressant. Ϧ Péjor. Chercher à se rendre intéressant, et, substantiv., faire l’intéressant, son intéressant (fam.), essayer de se faire remarquer : Elle devait exagérer un peu son désespoir pour se rendre intéressante (Zola). Elle adore faire son intéressante (Bataille). Ϧ3. Digne d’exciter la sympathie ou l’intérêt : Une famille intéressante, un cas intéressant. Ϧ 4. Fam. Une position intéressante, un état intéressant, état de grossesse : Le mari est malade et la femme dans un état intéressant. La concierge dit même que ce matin elle a senti les douleurs et qu’elle est alitée (France). Ϧ 5. Fam. Qui présente un avantage downloadModeText.vue.download 134 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2686 matériel : Prix intéressant. Des conditions intéressantes. Placer de l’argent à un taux intéressant. Car « les montagnes », disait la fille de Françoise en donnant à « intéressant » un sens nouveau et affreux, ce n’est guère intéressant (Proust). • SYN. : 1 attachant, captivant, passionnant, piquant, prenant ; 2 brillant, cultivé, éminent, remarquable, spirituel ; 5 avantageux, fructueux, lucratif (fam.), payant (fam.), rémunérateur, rentable. — CONTR. : 1 ennuyeux, fastidieux, inintéressant, quelconque ; 2 banal, inintelligent, insignifiant, lassant, mauvais, stupide. intéressé, e [ɛ̃terɛse] adj. (part. passé de intéresser ; fin du XIVe s., E. Deschamps, avec un sens peu clair [à propos des serviteurs des vieilles gens] ; 1549, R. Estienne, au sens de « infirme [en parlant d’une personnel » ; sens 1, 1636, Corneille [partie intéressée, « partie lésée » — terme de droit —, 1549, R. Estienne] ; sens 2, 1690, Furetière [« qui bénéficie de l’intéressement », 1867, Littré] ; sens 3, 1867, Littré ; sens 4, av. 1648, Voiture ; sens 5, 1665, Racine). 1. Qui est concerné par quelque chose : Les parties, les personnes intéressées. Rien ne presse car ma vie n’est pas intéressée au résultat (Valéry). Ϧ2. Qui a intérêt à quelque chose, en tire un avantage : Il est intéressé à la bonne marche de l’affaire. Ϧ Spécialem. Qui bénéficie de l’intéressement. Ϧ3. Qui a l’esprit retenu, captivé par quelque chose digne d’attention, d’intérêt ; qui dénote cette attitude : L’on rencontrait parfois le journaliste Rambert, l’air tranquille et intéressé (Camus). Ϧ 4. Qui n’a en vue que son intérêt personnel : Une personne avide et intéressée. Des amis intéressés. Un homme intéressé dont il ne faut attendre ni dévouement ni générosité. Vous me croyez intéressée, rien ne vous enlèvera cette idée de la tête (Mauriac). Ϧ 5. Se dit d’une chose qui est inspirée par la recherche de l’intérêt personnel : Générosité, ambition intéressée. Je condamne le mensonge lorsqu’il nuit à autrui ou qu’il profite à celui qui le commet. En revanche, quand il n’est ni préjudiciable, ni intéressé... (Porto-Riche). • SYN. : 3 passionné, pris ; 4 avare, cupide, égoïste, insatiable. — CONTR. : 4 altruistes désintéressé. & n. (1634, Kuhn, au sens de « associé » ; sens actuel, 1690, Furetière). Personne concernée ou mise en cause : La salle se remplit lentement d’intéressés et de curieux (France). Véritable nid à procès, ils [des passages du Journal des Goncourt] étaient de nature à provoquer la colère des intéressés ou bien de leur famille (L. Descaves). intéressement [ɛ̃terɛsmɑ̃] n. m. (de intéresser ; 1464, Bartzsch, au sens de « occupation qu’on a entreprise » ; sens actuel, 16 juin 1954, le Monde). Système par lequel on intéresse les salariés à la bonne marche de l’entreprise en les faisant participer aux bénéfices. intéresser [ɛ̃terɛse] v. tr. (du lat. interesse, être dans l’intervalle, être séparé, différer, participer, et, impersonnellement, « être de l’intérêt de, importer », de inter, entre, et esse, être ; 1356, Isambert, au sens I, 2 ; sens I, 1, 1647, Corneille [« avoir de l’importance pour quelque chose », 1738, Voltaire] ; sens I, 3, v. 1560, Paré ; sens I, 4, 1666, Racine ; sens I, 5, 1762, Acad. ; sens I, 6, 1675, Kuhn ; sens II, 1, 1666, Molière ; sens II, 2, 1690, Furetière ; sens II, 3, 1588, Montaigne ; sens II, 4, 1580, Montaigne). I. 1. En parlant de choses, être de quelque intérêt pour quelqu’un, avoir rapport à une personne : Mesure qui intéresse les agriculteurs. Ordonnance qui n’intéresse que les riverains. Ϧ Avoir de l’importance pour quelque chose, concerner quelque chose : Tout cela intéresse notre réputation, notre santé. Ϧ 2. Class. Faire tort à, porter atteinte à : Heureux qui se laisse aller à la tendresse de ses sentiments, sans intéresser sa vertu par les dernières complaisances (Saint-Évremond). Ϧ 3. Spécialem. En termes de médecine, atteindre, endommager : Coup d’épée qui intéresse le poumon. Ϧ 4. Vx. Mêler quelqu’un à une action en cours, l’impliquer dans : Intéresser quelqu’un à un complot. Dans vos secrets discours étais-je intéressée ? (Racine). Ϧ 5. Intéresser le jeu, le rendre plus attachant par la perspective du gain. Ϧ 6. Assurer à quelqu’un une part dans les profits, les bénéfices d’une affaire : Il aurait fallu que M. Blaise fît un sort à ce gendre pauvre, l’intéressât dans la maison (France). Intéresser un employé aux bénéfices. Intéresser quelqu’un dans une entreprise. II. 1. En parlant d’une personne, exciter la bienveillance, la sympathie : Héros malheureux qui intéresse et plaît. Intéresser le public à un accusé. Ϧ2. Spécialem. Tenir à coeur, toucher personnellement : Ses soucis intéressent toute sa famille. Je vais bazarder cette affaire, j’ai mes raisons. Après, je serai tranquille et je pourrai penser aux choses qui m’intéressent (Duhamel). Ϧ 3. Retenir l’attention d’une personne en excitant sa curiosité, en captivant son esprit ou son coeur : Conférence qui intéresse l’auditoire. Découverte qui intéresse le monde scientifique. Énigme qui intéresse le lecteur. Enfant que tout intéresse. Il faut de plus grands efforts de talent pour intéresser en restant dans l’ordre, que pour plaire en passant toute mesure ; il est moins facile de régler le coeur que de le troubler (Chateaubriand). Gervaise lentement promenait son regard [...], intéressée par la maison. (Zola). Il est parvenu à intéresser à votre cas quelqu’un de très bien placé (Aymé). Ϧ 4. Amener quelqu’un à prendre intérêt, goût à quelque chose : Intéresser un enfant à la lecture, à ses études, aux sports. Intéresser quelqu’un à un projet. Il n’est pas un grand homme celui qui n’intéresse pas la nature entière à sa cause, à son oeuvre (Rolland). • SYN. : I,1 concerner, regarder, toucher. Ϧ II, 1 attacher, attendrir, émouvoir, gagner ; 2 affecter, importer ; 3 captiver, intriguer, passionner. — CONTR. : II, 1 déplaire, exaspérer, irriter ; 3 assommer (fam.), barber (pop.), embêter (fam.), ennuyer, lasser, rebuter ; 4 dégoûter, détourner. & s’intéresser v. pr. (sens 1, v. 1660, d’après Richelet, 1680 [s’intéresser de, av. 1654, Guez de Balzac — ... dans, 1635, Corneille] ; sens 2, 1636, Corneille [s’intéresser pour et .. contre]). 1. Porter intérêt à quelqu’un, à quelque chose, être attiré par une personne ou par une chose : S’intéresser à une famille pauvre et méritante. S’intéresser à la situation politique, économique. Mais Zidore ne se pressait pas. Il s’intéressait aux toits voisins, à une grosse fumée qui montait au fond de Paris du côté de Grenelle (Zola). Je m’intéresse de moins en moins à moi-même, et de plus en plus à mon oeuvre et à mes pensées (Gide). Ϧ Class. S’intéresser de ou dans, porter un vif intérêt à : Il n’y eut celui qui ne s’intéressât de leurs maux (Vaugelas). Tout le monde s’intéresse dans cette grande affaire [le procès de Fouquet]. On ne parle d’autre chose (Sévigné). Ϧ 2. Class. S’intéresser pour ou contre, prendre délibérément parti pour ou contre, se passionner pour ou contre quelqu’un, quelque chose : Contre mon propre amour mon honneur s’intéresse (Corneille). • SYN. : 1 se passionner, se préoccuper, se soucier, suivre. intérêt [ɛ̃terɛ] n. m. (du lat. interest, il importe, il est de l’intérêt de, 3e pers. du sing. de l’indic. prés. de interesse [v. l’art. précéd.] ; 1290, Godefroy, écrit interest [intérêt, XVIe s.], au sens de « dommage, préjudice » ; sens I, 1, milieu du XVe s. [avoir intérêt à, début du XVIe s. — ... de, av. 1679, Retz ; avoir intérêt en, 1636, Corneille ; prendre l’intérêt de, 1657, Pascal] ; sens I, 2, 1588, Montaigne ; sens I, 3, 1690, Furetière [« bénéfice qu’on retire de l’argent qu’on prête », 1501, G. Cohen — d’abord au plur., 1462, Bartzsch ; intérêt simple, 1867, Littré ; intérêt composé, 1845, Bescherelle] ; sens I, 4, 1668, Molière ; sens II, 1, 1629, Corneille [prendre intérêt dans quelqu’un, 1640, Corneille — ... en..., 1650, Corneille] ; sens II, 2, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ; sens II, 3, 1740, Acad. ; sens II, 4, 1580, Montaigne). I. 1. Ce qui importe, est avantageux à quelqu’un ou à quelque chose : Intérêt public, national, commun. Agir, parler dans l’intérêt de quelqu’un. Les bourgeois prêchaient le dogme des intérêts matériels, et le peuple semblait content (Flaubert). Il entendait juger le cas en toute objectivité, sans obéir à d’autres considérations que l’intérêt du parti (Aymé). Ϧ Avoir intérêt à, avoir intérêt de (class.), avoir avantage à, trouver son compte à : Vous avez intérêt downloadModeText.vue.download 135 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2687 à vous taire. Il n’a pas comme nous l’intérêt d’être injuste (La Fontaine). Ϧ Class. Avoir intérêt en, trouver avantage à, dans : [le Roi] a trop d’intérêt lui-même en ma personne, | Et ma tête en tombant ferait choir sa couronne (Corneille). Ϧ Class. Prendre l’intérêt de, prendre la défense, le parti de : Quelques-uns ont pris l’intérêt de Narcisse (Racine). Ϧ 2. Absol. Attachement exclusif à ce qui est avantageux pour soi ; amour exclusif de soi, égoïsme : Les vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer (La Rochefoucauld). Ϧ3.Part, somme d’argent qu’une personne a dans une affaire (généralement au plur.) : Avoir des intérêts dans les Charbonnages de France. Dès la seconde page qui signalait comme une honte la prépondérance des intérêts pécuniaires, le banquier fit la grimace. Puis, abordant les réformes, Frédéric demandait la liberté du commerce (Flaubert). Ϧ Bénéfice que l’on retire de l’argent qu’on prête : Prêter sans intérêt. Demander un intérêt de 3 %. ϦIntérêt simple, intérêt perçu sur le capital primitif non accru de ses intérêts. Ϧ Intérêt composé, intérêt perçu sur un capital formé du capital primitif accru de ses intérêts accumulés jusqu’à l’époque de l’échéance. Ϧ 4. Class. Question qui concerne ou préoccupe quelqu’un : Or çà, intérêt de belle-mère à part, que te semble à toi de cette personne ? (Molière). II.1.Attention bienveillante que l’on porte à quelqu’un et à tout ce qui le concerne : Témoignage d’intérêt. Porter intérêt à la santé de quelqu’un. Virginie étala devant le père beaucoup d’intérêt pour le fils (France). Ϧ Class. Prendre intérêt dans, en quelqu’un, éprouver de la sympathie pour quelqu’un : Vous daignez en moi prendre quelque intérêt (Corneille). Ϧ2. Sentiment de la personne dont l’attention a été attirée par quelque chose qui captive l’esprit ou le coeur : Lire, écouter avec intérêt. Le centre d’intérêt d’une question. Denis s’appliquait à ne pas écouter, tout en donnant les signes de l’attention et de l’intérêt (Mauriac). Ϧ 3. Qualité d’une chose qui retient l’attention, attache l’esprit, le coeur : Un roman, un récit plein d’intérêt. Ϧ 4. Importance donnée à quelque chose : Ceci n’a pour nous aucun intérêt. Ce qui sépare l’homme de la vérité, c’est l’intérêt que chacun met à sa passion (Sainte-Beuve). • SYN. : I, 1 avantage, cause, profit. ϦII, 1 bienveillance, sollicitude, sympathie ; 2 attention, curiosité, passion ; 3 charme, originalité ; 4 poids, portée, utilité. — CONTR. : II, 1 désintérêt, détachement ; 2 indifférence ; 3 banalité, insignifiance, platitude ; 4 frivolité, futilité, inutilité, vanité. & intérêts n. m. pl. (1580, Montaigne [v. aussi ci-dessus, § I, n. 3] ; dommages et intérêts, 1549, R. Estienne — dommagesintérêts, 1811, Mozin). Ensemble des avantages qui importent à quelqu’un : Servir les intérêts de quelqu’un. L’habile homme est celui qui entend ses intérêts (La Bruyère). ϦDommages et intérêts ou dommages-intérêts, v. DOMMAGE. interethnique [ɛ̃tɛrɛtnik] adj. (de inter3 et de ethnique ; milieu du XXe s.). Relatif aux échanges entre ethnies différentes. interfécond, e [ɛ̃tɛrfekɔ̃, -ɔ̃d] adj. (de inter- 3 et de fécond ; XXe s.). Se dit de deux espèces différentes dont le croisement est fécond. interfécondation [ɛ̃tɛrfekɔ̃dasjɔ̃] n. f. (de inter- 3 et de fécondation ; XXe s.). En botanique, fécondation croisée. interfécondité [ɛ̃tɛrfekɔ̃dite] n. f. (de interfécond ; XXe s.). Caractère de deux espèces interfécondes. interfédéral, e, aux [ɛ̃tɛrfederal, -o] adj. (de inter- 3 et de fédéral ; 18 mars 1966, le Monde). Relatif à plusieurs fédérations. interférence [ɛ̃tɛrferɑ̃s] n. f. (angl. interference, intervention, interposition, interférence [en optique], dér. de to interfere [v. INTERFÉRER] ; fin du XVIIIe s., au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. En physique, phénomène produit par la superposition de deux ou de plusieurs ondes : Interférences lumineuses, sonores. Ϧ2. Fig. Conjonction de deux séries de phénomènes : L’interférence des faits politiques et des faits économiques. • SYN. : 2 interaction. interférent, e [ɛ̃tɛrferɑ̃, -ɑ̃t] adj. (francisation, d’après interférence, de l’angl. interfering, intervenant, s’interposant, part. prés. adjectivé de to interfere [v. l’art. suiv.] ; début du XIXe s.). En physique, qui est caractérisé par le phénomène de l’interférence : Rayons interférents. Ondes interférentes. interférer [ɛ̃tɛrfere] v. intr. (francisation de l’angl. [to] interfere, s’interposer, s’entrechoquer, composé savant du lat. inter [v. INTER- 3], et ferre, porter, ou ferire, frapper ; 1842, Mozin, au sens 1 ; sens 2, déc. 1958, Études). [Conj. 5 b.] 1. Produire des interférences : Ondes qui interfèrent. Ϧ 2. Fig. Avoir, par sa présence, une action sur : La majorité des hommes essaient de prendre conscience des grands événements qui interfèrent avec leur vie privée (Vailland). & v. tr. (av. 1922, Proust). Produire une interférence avec : Je la voyais aux différentes années de ma vie, occupant par rapport à moi des positions différentes qui me faisaient sentir la beauté des espaces interférées (Proust). Des ondes [...] qui allaient interférer les circonstances issues du crime de la Pochalle (L. Daudet). & s’interférer v. pr. (av. 1922, Proust). Se mettre en interférence mutuelle (peu usité) : Nos désirs vont s’interférant et, dans la confusion de l’existence, il est rare qu’un bonheur vienne justement se poser sur le désir qui l’avait réclamé (Proust). • SYN. : se conjuguer, s’entremêler, s’interpénétrer, se superposer. interféromètre [ɛ̃tɛrferɔmɛtr] n. m. (de interféro-, élément tiré de interférence, et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1948, Larousse). Appareil mesurant la distance des franges d’interférences lumineuses. interférométrie [ɛ̃tɛrferɔmetri] n. f. (de interféromètre ; milieu du XXe s.). Technique de la mesure des franges d’interférences lumineuses. interféron [ɛ̃tɛrferɔ̃] n. m. (de interfér[er] ; 1957, P. Gilbert, Substance protéique qui apparaît cellules au cours des infections qui s’oppose au développement de très divers. p. 278). dans les virales et virus interfoliacé, e [ɛ̃tɛrfɔljase] adj. (de inter- 3 et de foliacé ; 1867, Littré). Se dit des fleurs qui naissent entre chaque couple de feuilles opposées. (On dit aussi INTERFOLIAIRE.) interfoliage [ɛ̃tɛrfɔljaʒ] n. m. (de interfolier ; 1873, Larousse). Action d’interfolier un livre. interfoliaire [ɛ̃tɛrfɔljɛr] adj. (de inter3 et de foliaire ; 1902, Larousse). Syn. de INTERFOLIACÉ. interfolier [ɛ̃tɛrfɔlje] v. tr. (de inter- 3 et du lat. folium, feuille ; fin du XVIIIe s.). Intercaler des feuillets blancs entre les pages d’un livre : Les notes abondantes déjà consignées par lui dans des exemplaires interfoliés de la biographie Michaud (France). interglaciaire [ɛ̃tɛrglasjɛr] adj. (de inter3 et de glaciaire ; mars 1875, Revue britannique, p. 55). Qui est compris entre deux périodes glaciaires : On appelle périodes interglaciaires les périodes de l’ère quaternaire pendant lesquelles le réchauffement du climat a provoqué un retrait notable des glaciers. intergroupe [ɛ̃tɛrgrup] n. m. (de inter3 et de groupe ; milieu du XXe s.). Groupe parlementaire composé de députés ou de sénateurs appartenant à différents groupes politiques, et constitué pour l’étude d’un problème particulier. intérieur, e [ɛ̃terjoer] adj. (lat. interior, plus en dedans, plus personnel, plus intime ; 1403, Internele Consolacion, écrit interior [intérieur, 1556, Bonivard], au sens 6 [vie intérieure, 1704, Trévoux ; l’homme intérieur, 1535, Olivétan] ; sens 1, 1530, Lefèvre d’Étaples, écrit interior [intérieur, 1535, Olivétan ; pour un pays, 1867, Littré ; mer intérieure, 1691, Ozanam] ; sens 2, 1873, Larousse ; sens 3, 1810, Code pénal ; sens 4, 1839, Balzac ; sens 5, av. 1841, downloadModeText.vue.download 136 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2688 Chateaubriand). 1. Qui est situé au-dedans de l’espace déterminé par les limites extérieures d’une chose, d’un être : La fenêtre de mon donjon s’ouvrait sur la cour intérieure (Chateaubriand). Bissectrice intérieure à un angle. ϦSpécialem. Se dit d’une région qui est située dans des zones non attenantes à la frontière ou à la mer : Régions intérieures de la France. Ϧ Mer intérieure, vaste étendue d’eau salée complètement enfermée dans les terres : La mer Caspienne est une mer intérieure. Ϧ 2. Qui est tourné vers le dedans : La paroi intérieure. Un mur intérieur. Ϧ3. Qui se fait au-dedans de quelque chose, qui concerne la partie située au-dedans : Effraction extérieure et intérieure. Ϧ Conduite intérieure, v. CONDUITE. Ϧ4. Qui se fait au sein d’une société, d’une collectivité, etc. ; qui la concerne relativement aux rapports de ses divers membres entre eux : La paix intérieure d’une famille. Les problèmes intérieurs d’un parti, d’un État. Politique intérieure. Ϧ5. Qui se fait dans l’espace compris entre les frontières d’un pays : Commerce intérieur. Ϧ 6. Fig. Qui est au-dedans de nous, qui concerne notre nature psychique, morale : Rêve intérieur. Équilibre intérieur. Le songe intérieur qu’ils n’achèvent jamais (Leconte de Lisle). Tous sentaient le déchirement intérieur, la blessure dont ils ne parlaient pas et qui allait en s’agrandissant (Zola). Mais, au contraire, le monde intérieur est toujours menacé d’une confusion de sensations obscures, de souvenirs, de tensions, de paroles virtuelles, où ce que nous désirons observer et saisir altère, déprave en quelque sorte l’observation elle-même (Valéry). Cette longue conversation intérieure qu’il soutenait avec une ombre (Camus). Ϧ Vie intérieure, tout ce qui constitue la vie secrète de l’esprit, du coeur d’une personne : Il avait bien trop de vie intérieure pour penser une seconde à un accident personnel (Saint-Exupéry). ϦL’homme intérieur, l’homme considéré uniquement du point de vue intellectuel et moral. Ϧ For intérieur, v. FOR. • SYN. : 1 interne ; 6 intime, profond, psychique, spirituel. — CONTR. : 1 et 2 extérieur ; 6 corporel, matériel, physique. • REM. Intérieur étant un comparatif, plus, moins, très intérieur ont été jugés incorrects par certains grammairiens, mais se trouvent chez de bons auteurs. & intérieur n. m. (XIVe s., au plur., écrit interiores, au sens de « coeur et foie [d’un oiseau] » ; au sing., écrit intérieur, au sens 5, 1587, Cholières [ intérieur de l’âme ; intérieur, 1656, Corneille] ; sens 1, 1671, Pomey ; sens 2, 1835, Acad. [aussi « le pays lui-même » ; ministère de l’Intérieur, 1812, Mozin — l’Intérieur, même sens, 1842, Mozin] ; sens 3, 1779, Mme de Genlis [femme, homme d’intérieur, 1902, Larousse ; tableau d’intérieur, 1867, Littré — intérieur, même sens, 1828, Mozin ; photographie, scène d’intérieur, XXe s. ; au cinéma, 1929, J. Giraud] ; sens 4, 1784, Mme de Genlis ; sens 6, début du XXe s.). 1. Espace déterminé par les limites extérieures d’une chose, d’un être : L’intérieur d’une caisse. La peau de ce fruit est gâtée, mais l’intérieur est bon. L’intérieur de la Terre. Dans l’intérieur du collège, j’étais persécuté par mon compagnon (Vigny). Le loup lui frottait [à Julien] l’intérieur des mains avec les poils de son museau (Flaubert). Ϧ2. Spécialem. Partie centrale d’un pays, par opposition aux frontières et aux côtes : Envoyer des prisonniers dans l’intérieur. Ϧ Absol. Le pays lui-même (par opposition à l’étranger) : Les produits qui se consomment à l’intérieur. ϦMinistère de l’Intérieur, ou, elliptiq., l’Intérieur, ministère chargé de l’administration générale du pays. Ϧ 3. Habitation dans laquelle vit une personne ; son appartement : Une étroite pièce [...] ayant la propreté et le calme profond d’un intérieur de province (Zola). Avoir un intérieur modeste. Tenue d’intérieur. ϦFemme d’intérieur, femme qui sait tenir sa maison : Mme Bergeret était une femme d’intérieur. Elle avait l’âme domestique (France). Ϧ Homme d’intérieur, celui qui n’aime pas à sortir et se plaît chez lui parmi les siens. Ϧ Tableau, photographie d’intérieur, et, absol., intérieur, tableau, photographie représentant l’intérieur d’une pièce, d’un édifice. ϦScène d’intérieur, scène groupant des personnages qui évoluent dans une maison, un édifice ; spécialem., scène de la vie familiale. Ϧ Les intérieurs, au cinéma, les scènes qui sont censées se dérouler à l’intérieur d’un local : Les intérieurs sont généralement tournés en studio. Ϧ 4. Fig. Le sein d’une collectivité, d’un groupe : L’intérieur d’une famille, d’une communauté. Ϧ 5. Fig. et vx. Ce qui se passe en nous-mêmes, la part de notre vie psychique, spirituelle qui reste secrète, ne s’extériorise pas : J’ai dévoilé mon intérieur, tel que tu l’as vu toi-même, Ô Être éternel (Rousseau). Devant cette amitié si exigeante qui toujours avançait, pénétrait, elle reculait timidement pour garder un peu d’intérieur (Michelet). Ϧ 6. Dans certains jeux d’équipe, joueur qui se trouve entre l’ailier et le centre : Les intérieurs sont appelés couramment inters. • SYN. : 1 dedans ; 3 chez-soi, foyer, home ; 4 giron, sein ; 5 âme, coeur. — CONTR. : 1 extérieur ; bord, contour, dos, surface. & À l’intérieur loc. adv. (1897, Bloy). Dans la partie constituée par le dedans. & À l’intérieur de loc. prép. (XXe s.). Au-dedans de. intérieurement [ɛ̃terjoermɑ̃] adv. (de intérieur, adj. ; v. 1460, G. Chastellain, écrit interiorement [intérieurement, 1564, J. Thierry], au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet). 1. En ce qui concerne l’intérieur : Fruit gâté intérieurement. Ϧ2. Au-dedans de soimême, dans le secret du coeur : Vivez cent ans, et moquez-vous intérieurement des médecins et du reste du monde (Voltaire). • SYN. : 2 in petto, intimement. — CONTR. : 1 extérieurement ; 2 ouvertement, publiquement. intérim [ɛ̃terim] n. m. (mot lat. signif. « pendant ce temps, provisoirement » ; 1412, N. de Baye [II, 90], au sens 1 ; sens 2, 1835, Acad.). 1. Période pendant laquelle une fonction laissée vacante par une personne est exercée provisoirement par quelqu’un d’autre : Pendant l’intérim, dans l’intérim, il a été remplacé par un auxiliaire. Un intérim d’un mois. Ϧ2. Charge qu’on exerce pendant cette période : Assurer un intérim. & Par intérim loc. adv. (1690, Furetière). À titre provisoire pendant l’absence du titulaire : Exercer une charge par intérim. intérimaire [ɛ̃terimɛr] adj. (de intérim ; 1796, le Néologiste françois, au sens 2 ; sens 1, 1959, Robert ; sens 3, 1867, Littré). 1. Qu’on exerce par intérim : Emploi intérimaire. Ϧ 2. Se dit de quelqu’un qui assure un intérim, qui exerce une charge par intérim : Instituteur, facteur intérimaire. Ministre intérimaire. Ϧ3. Qui n’existe que par intérim, à titre temporaire : Commission intérimaire. • SYN. : 1 temporaire, transitoire ; 2 provisoire, remplaçant, suppléant. — CONTR. : 2 titulaire. & n. (1867, Littré). Personne exerçant une fonction par intérim. interindividuel, elle [ɛ̃tɛrɛ̃dividɥɛl] adj. (de inter- 3 et de individu, d’après individuel ; 1962, Larousse). Qui concerne les rapports entre plusieurs individus : Psychologie interindividuelle. interinfluence [ɛ̃tɛrɛ̃flyɑ̃s] n. f. (de inter- 3 et de influence ; début du XXe s.). Influence réciproque : Dans cet Éther que l’on devine tout sillonné, tout frissonnant de radiations et d’interinfluences gravi-tiques dont nous ignorons tout (Martin du Gard). intériorisation [ɛ̃terjɔrizasjɔ̃] n. f. (de intérioriser ; milieu du XXe s.). Action d’intérioriser. intérioriser [ɛ̃terjɔrize] v. tr. (de intérieur, d’après extérioriser ; 1921, A. Artaud). Garder intérieurement, éviter d’extérioriser : Intérioriser des sentiments. intériorité [ɛ̃terjɔrite] n. f. (dér. savant de intérieur ; début du XVIe s., au sens de « intérieur [d’un corps, etc.] » ; sens actuel, 1606, Crespin). Caractère de ce qui est intérieur : Intériorité des sentiments. interjectif, ive [ɛ̃tɛrʒɛktif, -iv] adj. (bas lat. interjectivus, intercalé [du lat. class. interjectum, supin de interjicere, v. l’art. suiv.], ou dér. franç. de interject[ion] ; XVIIIe s., Brunot [locution interjective, 1867, Littré]). Qui concerne l’interjection, qui exprime l’interjection : Forme, tournure interjective. ϦLocution interjective, locution, groupe de mots jouant le rôle d’une interjection. downloadModeText.vue.download 137 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2689 interjection [ɛ̃tɛrʒɛksjɔ̃] n. f. (lat. interjectio, intercalation, insertion, parenthèse, interjection, de interjectum, supin de interjicere, placer entre, interposer, de inter, entre, et de jacere, jeter ; fin du XIIIe s., Macé de la Charité, au sens I [sous la forme lat. interjectio, v. 1119, Ph. de Thaon] ; sens II [sous l’influence de la loc. interjeter appel], 1690, Furetière). I.Mot invariable, qu’on peut employer isolément et qui exprime, d’une manière énergique et concise, un sentiment soudain, une réaction ou une émotion vive : Ah ! Hélas !, Chut ! sont des interjections. Des mots comme « attention ? » ou des propositions comme « va donc ! » peuvent être employés comme interjections. Interjection d’angoisse, de douleur, de joie. (V. art. spécial.) II. En procédure, action d’interjeter : Il y a eu interjection d’appel. GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE L’INTERJECTION Quintilien connaissait l’interjection (interjectio). Donat (IVe s.) en fit la huitième partie du discours en la substituant à l’article dans la liste empruntée à Denis de Thrace. La définition que nous en donnerons, pour être fidèle à cette origine, devra la distinguer des autres « parties du discours » de cette liste, variables (nom, pronom, verbe, participe) et invariables (adverbe, conjonction, préposition), par des critères grammaticaux. TRAITS FORMELS INTERNES Il n’y a pas de limite nette entre les interjections et les bruits naturels par lesquels nous exprimons nos sentiments : rires, soupirs, sifflements, claquements de langue, toussotements, etc. Ces bruits sont universels et ne s’intègrent pas forcément au système phonologique d’une langue. Pourtant chaque langue, en les écrivant à sa manière, leur confère une existence linguistique. Si les flottements de l’orthographe donnent parfois l’illusion d’une certaine liberté (hum !, hem !, hm !), ces latitudes ont une limite : on écrit aïe ou ahi une interjection de douleur pour laquelle *aille ou *aye sont inusités. Certaines suites explosives de consonnes n’existent que dans l’interjection, comme pf !, exprimant le dédain, cht !, commandant le silence. L’impression de « bruit » est rendue par le groupement de consonnes sans voyelle de support : Brrr ! (où le triple r note une vibration bilabiale qui n’est pas un phonème français), Tt, tt ! critique Alice (Colette, Gigi). Serge Karcevski remarque, dans une Introduction à l’étude de l’interjection (Cahiers F. de Saussure, 1941), que le français, alors qu’il ignore les triphtongues, en prononce une dans miaou. Mais ces anomalies phonétiques concernent moins l’interjection en soi que l’onomatopée, à laquelle les interjections des exemples précédents doivent leur structure phonique. Le statut phonologique de l’onomatopée sera étudié ailleurs, car toute interjection n’est pas onomatopée, et toute onomatopée n’est pas interjection (ex. : tic-tac, tinter). L’intonation est un trait plus spécifique : l’interjection porte généralement un accent, comparable à celui d’une phrase complète. Toute la gamme des sons vocaliques fournit des interjections (comme ah !, eh !, hi !, oh !, euh !, ouh !), qui semblent n’être qu’un prétexte à modulations de hauteur et d’intensité, et dont le sens varie à l’extrême selon ce facteur prosodique (ah ! ou oh ! exprimant la joie, la surprise, la déception, la douleur, la colère, etc.). Le rôle de l’intonation reste prépondérant quand l’interjection est une séquence de phonèmes dénuée de sens ou pourvue, dans d’autres emplois, d’un sens propre qui, ici, n’est plus pertinent : Allons donc !, Mon Dieu !, Ah bon !, Par exemple ! Dans ces cas, « l’orchestration est tout, les sons presque rien » (Ch. Bally, Linguistique générale et linguistique française, § 40). La répétition d’un monosyllabe peut être le moyen d’en moduler l’intonation : Oh oh !, Bon bon !, Oh là là !, Ah ah ah ah ! Un caractère morphologique reconnu de toute date est l’invariabilité, qui touche même les noms et adjectifs promus interjections. Ceux-ci ne connaissent alors qu’un genre (Bon !, Tout beau !) ; les noms ne donnent plus prise aux variations d’article : on dit La barbe ! mais non *Une barbe ! La variation en nombre est quelquefois maintenue pour renforcer l’intensité : Tonnerre !/Mille tonnerres !, Diable !/Par tous les diables ! Une tendance à l’invariabilité en personne est constatée pour le verbe : on dit Gare ! et l’on ne dit pas *Garez ! ; on dit Allez ! laisse-moi passer (Chabrol) ; voyons n’implique aucune référence à une ou plusieurs personnes ; cependant, l’opposition singulier/pluriel est maintenue avec tenir dans certaines valeurs (Tiens !/ Tenez !) et avec dire (Dis !/Dites [donc] !), tout comme on conserve la variation personnelle dans des locutions adverbiales figées telles que à mon (ton, etc.) insu. TRAITS FORMELS EXTERNES C’est par la distribution que l’interjection se distingue le mieux des autres mots invariables — en même temps que des mots variables : elle échappe à l’enchaînement syntaxique, où chaque autre mot reçoit son rôle (fonctions de verbe, de sujet, d’épithète, etc.). Elle se caractérise par une totale autonomie, à laquelle elle doit d’ailleurs son nom (« ce qui est jeté entre ») et qu’on met en évidence par l’épreuve de soustraction ; il ne manque rien à la phrase suivante si l’on retranche le mot fichtre : Croyez-vous que nous sommes ici pour plumer les canards, fichtre ? (Flaubert). L’autonomie est manifestée par une double pause, qu’on observe dans l’exemple précédent et dans le suivant : Eh bien ! il insisterait ! na ! puisque c’était comme cela (Jean de Tinan). Lorsque ces pauses manquent, comme dans Je n’en sais fichtre rien ! Où diable as-tu mis les pinces ?, on a affaire à des unités lexicales complexes où l’interjection n’est analysable qu’en diachronie et n’a plus sa fonction spécifique : fichtre renforce la négation en portant sur rien, diable l’interrogation en portant sur où. Ce caractère d’indépendance n’est pas infirmé par les phrases où une interjection est substantivée comme tout mot ou tout groupe de mots peut l’être : Sonnerai-je pour qu’on se hâte et qu’on s’effare, avec des bruits de mules claquantes dans l’escalier, des « Mon Dieu ? » et des « Cela devait arriver » ? (Colette). Le mot ou groupe de mots est alors employé materialiter, c’est-à-dire comme signifiant pur, sans référence à son signifié : Mon Dieu ne fonctionne plus comme interjection. Le cas n’est pas différent dans des phrases comme : Toto a dit flûte à sa mère. Tout d’un coup, j’ai entendu : Boum ! L’interjection flûte ! joue après a dit le rôle que pourrait jouer une phrase indépendante comme Tu m’ennuies ! ; elle n’est pas un complément d’objet, non plus que cette phrase qui est un propos rapporté au « discours direct » en asyndète, et serait complément d’objet si on la transposait au discours indirect (qu’elle l’ennuyait). Flûte est employé materialiter, ainsi que boum dans le dernier exemple. L’autonomie de l’interjection faisait dire à Jules César Scaliger (1540) qu’elle est la plus parfaite des parties du discours, puisqu’elle peut constituer une oraison pleine (integra oratio) à elle seule (J.-Cl. Chevalier, la Notion de complément chez les grammairiens, 1968). L’autonomie syntaxique et ses marques intonationnelles et graphiques se redownloadModeText.vue.download 138 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2690 trouvent pourtant dans les « mots en apostrophe », qui sont aussi des termes hors phrase : Pierre, tu as froid, Viens, non enfant, Toi, tu n’auras rien. Mais l’« apostrophe » est une fonction qu’assument librement et momentanément les noms et les pronoms sans échapper pour autant aux variations en genre et en nombre (mon fils, ma fille ; mes enfants ; vous), alors que l’interjection est une partie du discours invariable, affectée organiquement à une fonction précise. La même chose peut être dite à propos des « mots-phrases », noms, adjectifs ou adverbes employés comme prédicats sans verbe dans la phrase « affective » : Erreur !, La pluie !, Un lapin !, Fameux !, Doucement ! Ces mots prennent par ellipse (v. ce mot, art. spécial) une fonction facultative et momentanée, qui n’altère pas leurs caractères morphologiques (variation en genre et en nombre, actualisation et détermination). VALEURS FONCTIONNELLES L’interjection pourrait-elle donc être définie par une fonction spécifique ? Il faudrait pour cela qu’on parvînt à reconnaître dans tous ses emplois une valeur unique, clairement identifiable. L’inventaire et l’analyse sémantique de ces emplois y font ordinairement distinguer des variétés que nous grouperons sous les chefs suivants : valeur modale, onomatopées de sens dictal, valeur « phatique » ?, autres valeurs ? I. VALEUR MODALE Jean Gerson écrivait au début du XVe s. : « Nous congnoissons ces passions, mouvemens, ou affections es petis enffans, voire es bestes mues, par voix ou sons que il monstrent par dehors, lesquelles voix nous disons en gramaire interjections. » Arnauld et Lancelot, en 1660, trouvaient aux interjections et aux conjonctions ce point commun qu’elles « ne signifient rien hors de nous ». En effet, les premières n’expriment que « les mouvements de notre âme », les secondes « l’opération même de notre esprit, qui joint ou disjoint les choses ». Pour s’en tenir aux interjections, on peut admettre qu’une grande partie d’entre elles ne sortent pas du plan « locutoire » de Damourette et Pichon (Des mots à la pensée, § 50), c’est-à-dire du plan du locuteur ; elles n’incorporent pas au message le monde extérieur, dont le plan est « délocutoire ». Ces auteurs citent le président De Brosses (XVIIIe s.), qui donnait, lui aussi, à l’interjection une priorité entre les classes du discours, la priorité d’apparition : « L’enfant commence par elles à montrer qu’il est tout à la fois capable de sentir et de parler » ; le président accordait aux animaux un langage « tout interjectif ». Pour Beauzée (Encyclopédie), le coeur, comme l’esprit, a son langage, dont le vocabulaire, très court, « se réduit aux seules interjections », lesquelles seraient « peut-être la première voix articulée dont les hommes se soient servis ». Personne ne connaît la genèse historique du langage. Son développement chez l’enfant est, au contraire, observable, et l’on peut dire que le premier langage proprement dit naît par imitation, essais, aide, répétitions, corrections en fonction des résultats (feed-back). L’hypothèse de Beauzée a le défaut d’oublier l’action. Certes, les états affectifs, liés aux états physiologiques, commandent les premiers cris, mais très vite ceux-ci sont appels, et l’on peut dire avec Heidegger que « nommer », c’est d’abord « appeler ». Quant au langage des animaux, instinct héréditaire contrôlé par l’apprentissage, il est aussi souvent un adjuvant de l’action qu’un mode d’expression des sentiments, les deux n’étant parfois guère séparables : un chien joyeux aboie pour demander une caresse, un chien furieux pour éloigner un étranger. Il est donc difficile de séparer la fonction affective de l’interjection (comme dans hélas !) de sa fonction volitive (comme dans ouste !), que rien n’en distingue par la forme. Elles ont pour caractère commun ce que Damourette et Pichon appellent leur « factivosité », c’est-à-dire leur valeur prédicative, et le fait que cette prédication affecte un modus pur, exclamatif ou injonctif (v. MODALITÉ, art. spécial), dont le dictum est représenté par le contexte ou la situation. Quand un homme s’écrie La barbe ! ou À la bonne heure !, il exprime dans le premier cas une contrariété, dans le second une satisfaction qui n’ont aucun rapport avec les choses désignées ordinairement par les noms barbe et heure ; ces interjections ne font rien connaître de l’événement extérieur qui les a motivées. C’est aussi vrai pour les interjections tirées d’un verbe, comme allez !, voyons !, tiens !, qui, dans l’emploi interjectif, sont dépouillées de leur contenu notionnel ordinaire : Allez, reste ici !, Voyons, ne regarde pas !, Tiens ! j’ai perdu mon portefeuille ! Cette oblitération du sens objectif originel distingue encore les interjections des mots en apostrophe, qui désignent l’allocutaire, et des mots-phrases, qui sont des éléments du dictum prononcés avec une intonation modale (Un lapin !). II. ONOMATOPÉES DE SENS DICTAL Bien différent à première vue est le rôle des interjections qui puisent leur matière phonique dans l’onomatopée ; elles sont par essence descriptives, et font donc connaître le dictum, non le modus : Il ne prononça pas de discours, mais ses clefs, frinc ! frinc ! frinc ! parlèrent pour lui d’une façon si terrible, frinc ! frinc ! frinc ! si menaçante, que toutes les têtes se cachèrent sous les couvercles des pupitres (A. Daudet). Je ne sais pas, mais je me figure qu’une fois que tu seras rentré, je vais en entendre de drôles... pif, paf ! taratata poum ! ... les meubles qu’on renverse (Meilhac et Halévy). Toutes les interjections onomatopéiques ne sont pas dictales. Certaines imitent un cri ou un bruit humain qui marque seulement un modus ; par exemple, hum ! figure une toux simulée par refus d’assentiment ; une expression naturelle du mépris est un bruit d’explosion labiale écrit ordinairement peuh !, ou pf !, ou bof ! dans l’usage familier moderne. On peut parler dans ces cas d’onomatopées modales. L’onomatopée dictale substitue aux mots arbitraires de la langue les signifiants motivés de phonèmes ou de séquences phonématiques évoquant plus ou moins bien l’objet ou le phénomène décrit. En adoptant le statut d’interjection, elle évite l’affaiblissement, l’occultation du sens que subissent les onomatopées intégrées au système grammatical de la flexion (tinter, tinteront, etc.) et de la syntaxe. Mais elle rend de ce fait à l’expression du phénomène une puissance prédicative que marquent l’intonation et le point d’exclamation ; elle suscite, en évoquant le bruit, l’émotion que le bruit a fait naître. Elle associe donc une valeur modale à la valeur dictale, et l’on peut raisonnablement intégrer cette seconde catégorie d’interjections à la première, dont elle diffère surtout par sa liberté de création. Celleci est totale, et Damourette et Pichon n’ont pas tort de dire que l’interjection de ce type « se recrée chaque fois qu’on l’emploie », donc « reste toujours jeune » (§ 746). III. VALEUR ! PHATIQUE ! ? Ch. Bally (Linguistique générale et linguistique française, § 40), ayant distingué les interjections « modales » et les interjections « dictales », comme il vient d’être fait, groupe le reliquat sous un troisième chef, qu’il appelle « signaux » et qu’il définit par la fonction « déictique », mais dont l’unité apparaît plus claire dans les deux exemples qu’il donne : Pst !, Holà ! = « C’est à vous que je m’adresse » On pourrait songer à joindre à ces deux exemples des mots comme allô !, hé !, eh bien !, servant à établir ou à contrôler le downloadModeText.vue.download 139 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2691 contact entre locuteur et allocutaire. Ce serait faire crédit à la thèse d’une « fonction phatique » du langage, définie par R. Jakobson (v. FONCTION, art. spécial), et dont relèveraient aussi bien les « mots en apostrophe ». Mais on prendra garde qu’à côté des mots auxiliaires de la parole il existe des mots auxiliaires de l’action d’un type assez semblable, comme bonjour !, adieu !, merci !, s’il vous plaît !, pardon !, oh hisse !, stop ! Est-ce une autre fonction fondamentale du langage, ou n’a-t-on pas là différents « usages » ressortissant à la même fonction, qu’on ne saurait alors appeler « phatique » ? Ces interjections sont des signaux comparables aux trois coups marquant le début d’un spectacle, aux sonneries du téléphone, aux lampes colorées des tableaux de bord marquant le fonctionnement du moteur, du circuit d’huile, des phares de route, etc. Alors que les signaux mécaniques ou électriques ont une valeur informationnelle parfaitement définie dans un champ codique très restreint, lesdites interjections sont souvent susceptibles d’interprétations variées, que nuance le ton. Mais on peut en dire, comme on peut le dire des autres signaux, qu’apportant une information propre elles sont prédicatives ; elles sont substituées par convention à des phrases affirmatives (« le vous adresse la parole »), interrogatives (« M’entendez-vous ? ») ou volitives (« Parlez-moi ») qui ressortissent aux « modalités » ordinaires. Le point d’exclamation marque souvent dans de tels cas un renforcement de l’intensité sonore visant une meilleure réception, mais il est justifié de toute manière par le besoin de détacher ces adjuvants prédicatifs de l’action, qui sont interjections par le sens et le sont aussi par la forme, étant invariables, autonomes et spécifiques. IV.AUTRES VALEURS ? Damourette et Pichon (§ 747) jugent légitime d’incorporer à la catégorie des « factifs nominaux » (ou interjections) les refrains de chanson : Il était une bergère Et ron ron ron petit patapon Il était une bergère Qui gardait ses moutons ron ron ... Ils en distinguent huit familles, et les illustrent d’exemples d’autant plus savoureux qu’ils relèvent plus ou moins purement de l’esthétique du langage — stylistique, poétique ou « sémiotique » — ayant une valeur connotative, non dénotative, comme Charles prononcé après Tu parles, ou bouffi après Tu l’as dit. On peut tenir ces séquences de phonèmes pour des bruits musicaux incorporés à la phrase par le procédé onomatopéique, et leur reconnaître le statut des interjections, avec une valeur modale affective qu’elles empruntent à la chanson originelle et transportent parfois dans d’autres contextes : Demain, je pars en colonie, tra la laire ! La connotation fait aussi la force des jurons grossiers comme merde (et sa réplique rituelle mange), foutre (édulcoré en fichtre par croisement avec fiche, doublet euphémique de foutre comme infinitif), et des jurons blasphématoires plus ou moins camouflés par crainte des châtiments du Ciel ou de l’Église : pardi (par Dieu), morbleu (mort Dieu), corbleu (corps Dieu), jarnibleu (je renie Dieu), palsambleu (par le sang Dieu), ventrebleu (ventre Dieu), vertubleu (vertu Dieu), sapredieu (sacré Dieu), sacristi, cristi, sapristi, saprelotte, saperlotte, saperlipopette, sapristoche, nom de Dieu (d’un petit bonhomme, d’un chien, d’une pipe, etc.) ; tredame (Notre-Dame) ; diable, diantre, etc. Damourette et Pichon (§ 751) comptent encore dans les factifs nominaux les notes de musique : do, ré, mi, etc. Ce sont plutôt des noms, dénotant des choses, tout comme les noms de nombres cardinaux, dont ces auteurs ne parlent pas dans ce chapitre ; les noms de notes admettent, comme les noms de nombres, des fonctions non autonomes : Do est suivi de ré , comme trois est suivi de quatre. Le point d’exclamation ne serait pas pertinent dans la notation d’une mélodie. En définitive, l’interjection apparaît comme un mot créé à l’imitation d’un bruit naturel, ou emprunté à une autre classe de mots avec une modification sémantique notable, pour être affecté spécifiquement à la communication d’un sentiment ou d’un désir dont l’objet n’est connu que par la situation ou le contexte. COMPLÉMENTS DE L’INTERJECTION Indépendante par essence, l’interjection peut avoir des compléments sous sa dépendance, introduits le plus souvent par à, pour ou de : Gare à toi ! Zut pour celui qui lira ! Merci (à vous) de/pour votre visite ! Fi de l’entresol noir et même du sombre premier étage ! (Verlaine). Quelques interjections peuvent être renforcées selon la règle récursive : I 4 I (+ de + I) Ex. : Zut de zut de zut... ! Vive, ancien subjonctif devenu invariable, est « transitif direct », c’est-à-dire exige un complément : Vive le sport ! Vive nos élus ! Chiche ! peut recevoir dans l’usage familier une subordonnée conjonctive : Chiche que j’écris au président ! RÉPERTOIRE MODERNE Voici une liste des principales interjections et locutions interjectives employées en français moderne : acré ! (vulg.) fi ! ouf ! adieu ! flûte ! ouiche ! ah (bon) ! (ma) foi ! ouste ! ah çà ! foin de... ! parbleu ! ahi/aïe ! gare ! pardi ! à la bonne heure ! hardi ! pardon ! allez ! hé ! par exemple ! allons ! hein ! peste ! au revoir ! hélas ! peuh ! (ah) bah ! hep ! pf ! baste ! hihi ! plaît-il ? bon ! ho ! pouah ! bon Dieu ! holà ! pst ! bonjour ! hop ! quoi ! bonsoir ! hourra ! salut ! bonté divine ! hum ! sans blague ! bravo ! là ! sapristi ! brr ! malheur ! s’il te/vous plaît ! chiche ! merci ! st ! chut ! merde ! (vulg.) stop ! (juste) ciel ! mince ! (vulg.) tant mieux/pis ! comment ! miséricorde ! tiens/tenez ! crac ! mon oeil ! (mille) tonnerre(s) ! dame ! motus ! tout beau ! diable ! na ! tout doux ! (mon) Dieu ! nom de ... ! tu parles ! dis/dites (donc) ! ô apostrophe va (donc) ! eh ! oh ! vive... ! eh bien ! ohé ! voyons ! euh ! ouais ! zut ! RÉPERTOIRE ANCIEN L’interjection existait en latin comme en français moderne, mais avec un répertoire en grande partie différent : « hélas ! » se disait heu !, eheu !, « allons », age (impér. du v. agere) ; papae, emprunté au grec, exprimait l’admiration ; euge, grec aussi, exprimait l’idée que rend en fran- çais bravo, emprunté à l’italien. Mais le latin connaissait a ou ah, o ou oh, polysémiques comme en français moderne. On rencontre en ancien français quelques-unes des interjections modernes : a, hé, o dès la Vie de saint Alexis, ba dans Courtois d’Arras, fi dans la Chastelaine de Vergi, etc. D’autres naissent et s’acheminent de siècle en siècle vers leur statut moderne : — Aïe est considéré par certains étymologistes comme une onomatopée (cri de douleur, même sens que ohi, attesté en 1155), apparue en 1473 selon Wartburg ; d’autres y voient un ancien impératif du downloadModeText.vue.download 140 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2692 verbe aidier, ou le nom tiré de ce verbe et signifiant « aide » : Cevalche, rei ! Bosuign avum d’aïe (la Chanson de Roland, 1619). En effet, l’emploi de ce nom comme motphrase est relevé dans des textes anciens : Veés ichi le gent haïe Li chevalier Mahom, aïe ! (Jean Bodel, XIIe s.). Mais dans ces emplois aïe ! signifie « À l’aide ! » Un mot écrit ahi, unissant probablement ah et hi, exprime l’indignation dans la Chanson de Roland : Ahi ! culvert, malvais hom de put aire (763). Damourette et Pichon ont raison de penser que l’interjection aïe, prononcée en deux syllabes, puis en une seule (d’où la graphie aye, attestée), résulte du croisement de aïe et ahi. —Dame, comme interjection, apparaît au XIVe s. et disparaît, puis se retrouve chez Molière en 1665 ; il renforce l’affirmation, comme hercle ! (« par Hercule ») chez Plaute, invoquant aussi (sans blasphème) la garantie d’un être surnaturel, qui peut être Dieu (Damedieu, de Domine Deus, « seigneur Dieu », se rencontre couramment en ancien français) ou la Vierge (tredame, abrév. de par Notre-Dame, est attesté en 1690). — Hélas se rencontre sous la forme suivante dans la bouche de Bramimonde, épouse du roi Marsile : E ! lasse, que nen ai un hume ki m’ociet ! [Ah ! malheureuse, qui n’ai pas un homme pour me tuer !] (la Chanson de Roland, 2723). L’adjectif las, dans cet emploi exclamatif, se relève déjà quatre fois, seul ou précédé de a, dans la Vie de saint Alexis (107, 394, 441, 616) ; il se retrouve, invariable, au XVIe s. : Mignonne, elle a dessus la place Las ! las ! ses beautés laissé choir ! (Ronsard). L’Académie dira en 1694 : « Il commence à vieillir ». Il n’est conservé aujourd’hui que régionalement : Las moi ! Mon doux Jésus ! s’exclama la mère (L. Pergaud, la Guerre des boutons). Il est difficile de dater la soudure des éléments e(h) et las. Elle semble accomplie, mais alterne avec halas, chez Joinville : Chascuns crioit helas ! et li marinier et li autre batoient lour paumes [...]. Et maintenant qu’il l’ost getée, il s’escria et dist : « Halas ? nous sommes à terre. » Au XVe s., Antoine de La Sale écrit encore indifféremment Helasse moy dolente et Helas ! moy dolente (Jehan de Saintré). — Merci est originellement un nom féminin signifiant « récompense » (lat. mercedem, « salaire », d’où « prix ») et, par suite, « faveur » et « grâce ». Employé comme mot-phrase en ancien français, il implorait miséricorde : Mercit, mercit, mercit, saintismes hom ! (Vie de saint Alexis, 72). Le sens moderne (« remerciement ») apparaît après grant (granz) dès le XIIe s. : « Granz merciz, sire » dïent li losengier (le Couronnement de Louis, 111). L’orthographe grammercy atteste la soudure chez La Fontaine (Fables, VI, XIV). Le plus souvent, il avait en construction absolue la valeur d’un complément de phrase (« par la grâce de... »), comme s’il remontait à un ablatif latin : « Oncles », fait-il, « estes sains et haitiez ? » — « Oie », fait-il, « la merci Deu del ciel » (le Couronnement de Louis, 1158). « Ne vos faldrons por tot l’or de cest mont ». Respont Guillelmes : « Vostre merci, baron » (ibid., 2125). Un tour concurrent, Dieu merci, conservé jusqu’à nos jours, était dans la Chanson de Roland : Cist premier colp est nostre, Deu mercit ! (1259). Toutes ces formules semblent avoir donné par convergence merci tout seul, exprimant le remerciement, qui n’a pas été relevé avant le XIVe s. Les dictionnaires ne signaleront longtemps que les locutions composées : merci n’apparaîtra dans le Dictionnaire de l’Académie qu’en 1835, avec la mention « style familier ». L’ancienne langue possédait quelques interjections aujourd’hui disparues, telles que : — Avoy, d’origine incertaine (a[h] + voi, de voir ou impér. d’avoier, « se mettre en route » ?), exprimant avec force la surprise, l’affirmation ou la volonté : Avoi, beau frere Hugelin, Veus me tu dunc issi guerpir ? (Gormont et Isembart, XIIe s.). — Çamon, de çà (ecce hac) + mon, « exactement, simplement » (munde), renforçant dès le XIIe s. une affirmation ; Molière le met encore dans la bouche de Mme Jourdain : Çamon vrayment ? Il y a fort à gagner à fréquenter vos nobles ! (III, III). Au Moyen Age, cette locution se présentait souvent sous la forme c’est mon : Ce est sa fille, par foi, ce est mon [C’est sa fille, par ma foi, c’est elle assurément] (Joinville). — Chaele(s), chaiele(s), kiele(s), d’origine incertaine, nuançant de bienveillance l’exhortation : Tenés, kieles ! si les gardés (Courtois d’Arras). — Dehait, dehé, dehet, dahé, etc. (Dé, « Dieu » + hét, « haine »), formule d’imprécation née par apocope de Dehait ait, « qu’il ait la haine de Dieu » : Dist Oliver : « Dehait ait li plus lenz ! » (la Chanson de Roland, 1938). Dahait, fet il, qui el [autre chose] vos quiert (Yvain, 5749). Ce mot n’a aucune parenté avec la locution de hait, « avec ardeur », contenant le nom hait, « joie, entrain », d’origine germanique, et qu’on lit encore chez Rabelais : Je boiray, par Dieu ! et à toy et à ton cheval, et de hayt ! (Gargantua, 39). — Diva (impér. de dire et d’aller ?), accompagnant une question ou un souhait, comme « dis donc » : Diva ! cil Deux qui fist le mont, Il vus donst voire repentance ! (Béroul, Tristan). Il faut sans doute en voir des formes raccourcies dans les anciens dia, dea et da : Nennil dya ! dist il, j’auray mieux (Charles d’Orléans). Voire dea (Montaigne, III, V). Nenny da, c’est quelqu’autre (Molière, l’Estourdy). Oui-da, Labriche, tu m’as reconnu ? (G. Sand, François le Champi). Il y en a eu par la ville plus d’un qui m’a fait la cour, da (Balzac, Un ménage de garçon). — Guai ou wai (qu’on rapproche de l’allem. wai et du danois ve, mais qui se retrouve en roumain, en albanais, en serbe et ailleurs), exprimant autrefois la douleur : Wai a vos, riche gent, qui aveiz vostre solais ! (saint Bernard, XIIe s.). L’interjection gué (gai), ô gué, qui se rencontre en français classique et moderne dans des refrains de chansons, continuet-elle le wai ancien sous sa forme romanisée ? Est-elle une déformation de Dieu downloadModeText.vue.download 141 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2693 comme dans morgué ? Du moins doit- elle tout son sens à l’adjectif gai (gotique *gâheis, « impétueux ») : J’aime mieux ma mie, oh gay ! (Molière. le Misanthrope). Gué, gué, dessur le gué (les Compagnons de la Marjolaine). — Haro, harou, hareu, hari, variantes d’un cri usité pour exciter les chiens de chasse, continuant un mot francique *hara de même sens (cf. angl. here, « ici ») ; un verbe harer en était dérivé, qui a donné harasser (XVIe s.) et hare à li (= lui), d’où hallali (XVIIIe s.), cri des veneurs. — Hu(i) [conservé dans hue !], interjection rencontrée du XIIe au XVIIe s., peutêtre dérivée du verbe hu(i)er, à moins que ce ne soit l’inverse ; l’un ou l’autre est né par onomatopée, probablement dès le gallo-roman (*hūcare ?). L’étude faite plus haut des fonctions de l’interjection explique assez pourquoi il n’est pas d’espèce de mots plus en butte aux variations de forme et aux altérations de sens par analogie, contamination, influences esthétiques et sociales. interjeter [ɛ̃tɛrʒəte] v. tr. (de inter- 3 et de jeter, sur le modèle du lat. interjicere [v. l’art. précéd.] ; XVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, av. 1935, P. Bourget [« échanger — des paroles — », début du XVe s., A. Chartier ; « introduire sous forme de proposition interjetées », 1873, Larousse]). [Conj. 4 a.] 1. Introduire un appel, pour demander révision d’une décision de justice : Protestant contre son jugement, j’interjetai appel (Gide). Ϧ2. Lancer vivement un propos au milieu d’une conversation : « Le concierge m’a chargé d’en prévenir monsieur le comte », interjeta le chauffeur (Bourget). interlignage [ɛ̃tɛrliɲaʒ] n. m. (de interligner ; 1873, Larousse). Action ou manière d’interligner : C’était beaucoup à cause de l’insupportable quadrillage du dernier cahier (on n’en trouvait point d’autres) qui m’imposait un interlignage trop rapproché (Gide). interligne [ɛ̃tɛrliɲ] n. m. (de inter- 3 et de ligne ; 1612, Béroalde de Verville, au sens 2 [sans aucun doute plus anc., v. la date du dér. interligner] ; sens 1, 20 juill. 1740, Voltaire [« espace entre deux lignes de la portée musicale », 1867, Littré]). 1. Espace qu’on laisse entre deux lignes écrites ou imprimées : Interligne simple, double. Écrire dans l’interligne. ϦSpécialem. Espace entre deux lignes de la portée musicale : La portée doit comprendre cinq lignes et quatre interlignes. Ϧ2. Ce que l’on ajoute dans l’espace compris entre les lignes. & n. f. (1765, Encyclopédie). Dans l’imprimerie, lame de métal dont on se sert pour séparer les lignes de composition. interligner [ɛ̃tɛrliɲe] v. tr. (de interligne ; 1579, Huguet, au sens 1 [absol., 1873, Larousse ; entreligner, même sens — début du XIVe s. —, était un dér. de entre- et de ligne] ; sens 2, 1800, Boiste). 1. Introduire dans un interligne : Interligner un mot dans un acte. ϦAbsol. Écrire dans les interlignes. Ϧ 2. Dans l’imprimerie, séparer les lignes de composition par une ou plusieurs lames appelées « interlignes ». interlinéaire [ɛ̃tɛrlineɛr] adj. (lat. médiév. interlinearis, interlinéaire, du lat. class. inter, entre, et linea, fil de lin, ligne, trait, dér. de linum, lin ; 1382, Ph. de Maizières, au sens 1 [entrelineaire, forme plus francisée, 1314, Mondeville] ; sens 2, av. 1780, Condillac). 1. Qui est écrit dans l’interligne, dans les interlignes : Notes, remarques interlinéaires. Mot interlinéaire. Ϧ2. Spécialem. Se dit d’une édition dans laquelle la traduction est donnée dans l’interligne. interlinéation [ɛ̃tɛrlineasjɔ̃] n. f. (de inter- 3 et du lat. lineatio, ligne, de lineatum, supin de lineare, aligner, dér. de linea [v. l’art. précéd.] ; 1765, Encyclopédie). Ce qui est écrit entre les lignes. interlingual, e, aux [ɛ̃tɛrlɛ̃gwal, -o] adj. (de inter- 3 et de lingual, pris au sens de « qui a rapport à une langue, système de signes » ; milieu du XXe s.). Se dit, en linguistique, d’une opération qui traduit des signes d’une langue par des signes d’une autre langue. • CONTR. : intralingual. interlinguistique [ɛ̃tɛrlɛ̃gɥistik] n. f. (de inter- 3 et de linguistique ; milieu du XXe s.). Ensemble des recherches tendant à créer, étudier et promouvoir des langues artificielles à vocation internationale. interlock [ɛ̃tɛrlɔk] n. m. (mot angl., déverbal de to interlock, communiquer avec, couler l’un dans l’autre ; milieu du XXe s., aux sens 1-2). 1. Métier circulaire destiné à tricoter les tissus à mailles. Ϧ2. Tissu ou vêtement tricoté avec cette machine. interlocuteur, trice [ɛ̃tɛrlɔkytoer, -tris] n. (lat. du XVe s. interlocutor, interlocuteur, du lat. class. interlocutum, supin de interloqui [V. INTERLOQUER], qui fut utilisé au IVe s. pour traduire le gr. dialegesthai, converser ; v. 1530, C. Marot, au sens 1 ; sens 2, 1835, Acad. ; sens 3, milieu du. XXe s.). 1. Personnage qu’un écrivain introduit dans un dialogue : Dans les oeuvres de Platon, Alcibiade est souvent présenté comme l’interlocuteur de Socrate. Ϧ2. Toute personne qui converse avec une autre : Cette réponse [...] fit sur mon interlocutrice le plus déplorable effet (France). Elle fixait ses interlocuteurs, de l’air de leur dire : « Je ne crois pas un mot de ce que vous racontez » (Vailland). Ϧ3. Personne d’opinion ou de parti contraire avec laquelle on peut être amené à engager des discussions ou des pourparlers : Interlocuteur acceptable, valable, qualifié. interlocution [ɛ̃tɛrlɔkysjɔ̃] n. f. (lat. interlocutio, action d’interrompre en parlant, interpellation, de interlocutum, supin de interloqui [V. INTERLOQUER] ; 1546, Vaganay, au sens de « interruption faite dans une conversation par quelqu’un qui objecte quelque chose » ; sens 1, 1685, La Fontaine ; sens 2, 1611, Cotgrave). 1. Ensemble des propos qu’échangent les interlocuteurs dans les dialogues. (Peu usité.) Ϧ2. Vx. En termes de droit, décision par laquelle on prononce un jugement dit « interlocutoire ». interlocutoire [ɛ̃tɛrlɔkytwar] adj. et n. m. (lat. médiév. interlocutorius, interlocutoire, du lat. class. interlocutum, supin de interloqui [V. INTERLOQUER] ; v. 1283, Beaumanoir [comme n. m., 1380, Comptes municipaux de Tours, II, 331]). Se dit d’une décision judiciaire qui, avant de statuer sur le fond, ordonne des mesures propres à préparer la solution de l’affaire : Arrêt interlocutoire. Un interlocutoire. & adj. (1867, Littré). Se dit de la mesure qui est ordonnée par la même décision : Enquête interlocutoire. interlope [ɛ̃tɛrlɔp] adj. (angl. interloper, intrus, marchand qui vient trafiquer en fraude dans les pays de la concession d’une compagnie de commerce ou dans les colonies d’une autre nation que la sienne, néerl. interlooper, même sens, du préf. inter-, entre [lat. inter, v. INTER3], et de loopen, courir ; 1688, Miege, écrit interloppe [interlopre, 1723, Savary des Bruslons ; interlope, 1740, Acad.], au sens [substantiv., 1736, Aubin, écrit interlopre ; interlope, 1740, Acad.] ; sens 2, 1770, Raynal ; sens 3, 1841, Balzac [comme n. m., au sens de « auteur qui commet des fraudes en écrivant », 11 avr. 1772, Voltaire]). 1. Vx. Se disait d’un navire qui pratiquait un commerce en fraude : Un navire interlope ; et substantiv. : Un interlope. Ϧ2. Qui se fait en fraude : Commerce interlope. Ϧ 3. Qui fait naître des soupçons sur son honnêteté ou sa respectabilité : Elle ne peut fréquenter les filles ni les déclassées du monde interlope (Daudet). Il savait que Frauttenbach avait longtemps vécu dans la pègre berlinoise et qu’il avait conservé, dans ce milieu interlope, des relations dont il avait déjà tiré profit pour la cause (Martin du Gard). Nous déménageâmes et allâmes fixer nos pénates dans un hôtel interlope des environs de la Bastille (Cendrars). • SYN. : 3 douteux, équivoque, louche. suspect. — CONTR. : 3 digne, honnête, respectable. interloquer [ɛ̃tɛrlɔke] v. tr. (lat. interloqui, couper la parole à quelqu’un, interrompre ; XVe s., Godefroy, comme v. intr., au sens de « interrompre [la procédure d’une affaire] par une sentence interlocutoire » ; downloadModeText.vue.download 142 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2694 sens I, 1, 1690, Furetière ; sens I, 2, 1680, Richelet ; sens II, 1798, Acad. [« placer un propos entre d’autres et interrompre le discours de quelqu’un », 1549, R. Estienne]). I. 1. Soumettre à une décision interlocutoire : Interloquer une affaire, un procès. Ϧ2. Interloquer un plaignant, prononcer contre lui un jugement interlocutoire. II. Mettre dans l’embarras par un brusque effet de surprise, rendre tout interdit (surtout au part. passé) : Mme Michaud, que l’abbé Brossette avait interloquée, livra [...] un secret (Balzac). Léonhard, interloqué, jeta sur lui un regard inquiet (Rolland). Le gamin, interloqué, cesse de pleurer. Il regarde son père. Il aurait aimé être pris sur les genoux, câliné (Martin du Gard). • SYN. : II confondre, déconcerter, décontenancer, démonter, désarçonner (fam.), méduser (fam.), sidérer (fam.), stupéfier. interlude [ɛ̃tɛrlyd] n. m. (angl. interlude, intermède [au théâtre, en musique], du bas lat. interludere, jouer ou badiner par intervalles, du lat. class. inter, entre, et ludere, jouer, dér. de ludus, jeu ; 1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2-4, 1873, Larousse). 1. Fragment musical qui sert de transition entre deux actes ou deux scènes d’une oeuvre théâtrale, chantée ou non. Ϧ2. À l’orgue, brève improvisation entre deux versets d’hymne, de psaume ou de choral. Ϧ3. Nom donné parfois au divertissement d’une fugue. Ϧ4. Divertissement dramatique,. musical ou filmé, entre deux parties d’un spectacle ou d’une émission de télévision : Les pièces d’Ursus étaient des interludes (Hugo). • SYN. : 4 intermède. intermariage [ɛ̃tɛrmarjaʒ] n. m. (de inter- 3 et de mariage ; 1839, Boiste). Mariage entre personnes de la même famille. 1. intermède [ɛ̃tɛrmɛd] n. m. (ital. intermedio, intermède, de l’adj. lat. intermedius, interposé, intercalé, de inter, entre, et de medius, qui est au milieu ; 1559, M. de SaintGelais, écrit intermedie [intermède, 1597, Revue du seizième siècle, XV, 162], au sens 1 [« ballet-divertissement qui suspend ou ralentit l’action... », 1673, Molière] ; sens 2, 1765, Encyclopédie ; sens 3, 1931, Larousse ; sens 4, 1682, La Fontaine). 1. Divertissement accessoire (choeur, ballet, danse, ouvrage dramatique ou musical), qu’on donnait autrefois entre les diverses parties d’un spectacle, et surtout entre les actes d’une pièce de théâtre : Intermède musical, chanté. ϦSpécialem. Ballet-divertissement qui suspend ou ralentit l’action d’une oeuvre dramatique, sans rompre l’unité de style : Les intermèdes des comédies-ballets de Molière. Ϧ 2. Ancien nom des petits opéras. Ϧ 3. En musique instrumentale, syn. de INTERLUDE. Ϧ4. Événement qui interrompt provisoirement la continuité de quelque chose, ou laps de temps qui sépare deux choses de même nature : Cet intermède occupa l’attente, qui fut longue (G. Lenotre). Le vieillard qui a une forte foi religieuse n’a qu’à attendre avec patience la fin de son intermède terrestre, en continuant de suivre rigoureusement les règles de sa religion (qu’est-ce que cinquante ans de menues contraintes, contre une éternité de paradis !) [Montherlant]. Intermède de calme entre deux époques tourmentées. 2. intermède [ɛ̃tɛrmɛd] n. m. (du lat. intermedius [v. l’art. précéd.] ; 1702 [d’après Trévoux, 1721], au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. Vx. Ce qui est placé entre deux choses et permet à l’une d’agir sur l’autre, intermédiaire : C’est par l’intermède de l’eau que s’opèrent également les concrétions secondaires et les pétrifications vitreuses et calcaires (Buffon). Ϧ 2. En pharmacie, élément d’une formule désignant la substance propre à unir deux ou plusieurs substances médicamenteuses qui ne formeraient pas sans elle un mélange homogène. intermédiaire [ɛ̃tɛrmedjɛr] adj. (dér. savant du lat. intermedius [v. INTERMÈDE 1] ; Ordonnance de 1667, citée dans Bornier, 1678 [rayons intermédiaires, 1953, Larousse]). Qui est entre deux termes et forme transition de l’un à l’autre ; qui occupe une position moyenne, représente un état moyen : Corps, espace intermédiaire. Un état intermédiaire entre le despotisme et l’anarchie. L’indigo est la couleur intermédiaire entre le bleu et le violet. Une solution intermédiaire. Il existe une série de phonèmes intermédiaires aux occlusives et aux spirantes (Vendryes). Ϧ Rayons intermédiaires, radiations électromagnétiques qui forment la liaison entre la limite de l’ultraviolet et les rayons X les plus mous. • SYN. : moyen. & n. (sens 1, janv. 1781, Necker [« médiateur, médiatrice », 1873, Larousse] ; sens 2, av. 1850, Balzac ; sens 3, 1893, Dict. général). 1. Personne qui intervient entre deux autres, qui ne sont pas en contact direct, pour leur servir de lien ou les mettre en rapport : Ne pas avoir besoin d’intermédiaire pour dire ce qu’on a à dire. Ϧ Spécialem. Médiateur, médiatrice : Marie, simple créature auprès de Dieu, mais haussée jusqu’à lui, devenait ainsi [...] l’intermédiaire de toute grâce (Zola). Ϧ2. Toute personne qui, dans le circuit économique, intervient entre le producteur et le consommateur. Ϧ3. Toute personne qui intervient pour faire conclure une affaire commerciale (représentant, commissionnaire, courtier, etc.). & n. m. (sens 1, v. 1770, J.-J. Rousseau ; sens 2, 1835, Acad.). 1. Ce qui, placé entre deux choses, leur sert de lien ou de transition : Passer brusquement d’un sujet à un autre, sans intermédiaire. Ϧ2. Action de s’entremettre, ou le fait de servir de moyen (surtout dans la loc. par l’intermédiaire de [v. ci-après]). & Par l’intermédiaire de loc. prép. (1833, Michelet). Par l’entremise de quelqu’un, par le moyen de quelque chose : Après ce que vous venez de me dire, je ne puis plus communiquer avec vous que par l’intermédiaire de deux de mes amis (France). Agir par l’intermédiaire d’un homme de paille. Une réaction chimique qui s’effectue par l’intermédiaire d’un catalyseur. intermédine [ɛ̃tɛrmedin] n. f. (de [lobe] interméd[iaire] — v. ci-dessus ; 1941, P. Rey). Hormone hypophysaire, sécrétée par le lobe intermédiaire de l’hypophyse, qui a la propriété de dilater les mélanophores chez certains animaux, d’accroître la pigmentation mélanique chez l’homme. intermenstruel, elle [ɛ̃tɛrmɑ̃stryɛl] adj. (de inter- 3 et de menstruel ; 1873, Larousse). Qui se rapporte au temps compris entre les menstrues, et plus précisément au milieu du cycle menstruel. intermétallique [ɛ̃tɛrmetalik] adj. (de inter- 3 et de métallique ; 1962, Larousse). Se dit de la surface séparant deux métaux accolés par soudure, laminage, dépôt électrolytique, etc. intermezzo [ɛ̃tɛrmɛdzo] n. m. (mot ital., var. de intermedio [v. INTERMÈDE] ; 1873, d’après Larchey, 1878). Mot italien signif. « intermède », utilisé comme titre d’oeuvres musicales par quelques compositeurs (Schumann, Brahms). interminable [ɛ̃tɛrminabl] adj. (bas lat. interminabilis, interminable, du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et du bas lat. terminabilis, qu’on peut limiter, du lat. class. terminare, borner, dér. de terminus, limite ; v. 1361, Oresme). Qui ne saurait être terminé : Une oeuvre interminable. Des querelles ecclésiastiques qu’on croyait interminables (Voltaire). ϦPar exagér. Qui ne semble pas devoir finir, qui est très long (dans l’espace ou dans le temps) : Julien parcourut de cette manière une plaine interminable, puis des monticules de sable (Flaubert). Vous connaissez le sable uni, le sable droit des interminables plages de l’Océan (Maupassant). Dix interminables minutes s’écoulèrent dans un absolu silence (Martin du Gard). C’était, en vérité, une lettre interminable [...], avec d’étonnantes parenthèses (Duhamel). Parfois, un embouteillage bloquait l’interminable file (Aymé). • SYN. : démesuré, énorme, gigantesque, illimité, immense, incommensurable, infini. interminablement [ɛ̃tɛrminabləmɑ̃] adv. (de interminable ; 1842, Mozin). De façon interminable : Mme d’Avancelles, par malice, retint le baron près d’elle, s’attardant, au pas, dans une grande avenue interminablement droite et longue downloadModeText.vue.download 143 sur 1066 GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE 2695 (Maupassant). On peut interminablement discuter (Gide). interministériel, elle [ɛ̃tɛrministerjɛl] adj. (de inter- 3 et de ministériel ; 1907, Bulletin de la Société d’agriculture [XIX, 10], aux sens 1-2). 1. Qui concerne plusieurs ministres, mais non l’ensemble des ministres d’un gouvernement : Arrêté interministériel. Ϧ2. Qui réunit plusieurs ministres ou les représentants de plusieurs ministères : Réunion, conférence interministérielle. intermission [ɛ̃tɛrmisjɔ̃] n. f. (lat. intermissio, discontinuité, interruption, suspension, relâche, de intermissum, supin de intermittere, laisser au milieu, dans l’intervalle, interrompre, de inter, entre, et de mittere, envoyer, laisser aller ; 1377, Delisle, Mandements [p. 816], au sens de « intervention » ; sens 1, 1413, Ordonnance royale ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Vx. Action de s’interrompre ou d’interrompre quelque chose. Ϧ2. En médecine, période qui sépare deux accès de certaines affections : Fièvre qui dure trente heures sans intermission. • SYN. : 2 relâche, rémission, répit. intermittence [ɛ̃tɛrmitɑ̃s] n. f. (de intermittent ; 1660, Oudin, au sens de « intervalle » ; sens 1, 1812, Mozin [intermittence du pouls, 1721, Trévoux] ; sens 2, 1787, Féraud ; sens 3, 1842, Balzac). 1. Caractère de ce qui est intermittent : L’intermittence de certaines sources. L’intermittence de la production, inhérente au régime capitaliste, causait de tels chômages (France). ϦIntermittence du pouls, irrégularité du pouls. Ϧ2. Période d’arrêt momentané qui sépare deux accès dans certaines affections, notamment les fièvres infectieuses. Ϧ 3. Fig. Caractère de ce qui procède par accès : Bien peu [de renoncements] sont absolus, au moins d’une façon continue, dans cette âme humaine dont une des lois [...] est l’intermittence (Proust). • SYN. : 1 discontinuité, irrégularité ; 2 arrêt, intermission, interruption, relâche, rémission. & Par intermittence loc. adv. (début du XXe s.). Par moments, d’une façon discontinue : Un élève qui travaille par intermittence. • SYN. : irrégulièrement, par accès, par intervalles. — CONTR. : régulièrement. intermittent, e [ɛ̃tɛrmitɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. intermittens, -entis, part. prés. de intermittere [V. INTERMISSION] ; milieu du XVIe s. [fièvre intermittente ; fontaine, source intermittente, 1757, Encyclopédie ; pouls intermittent, 1690, Furetière]). Qui est coupé d’interruptions, qui s’arrête et reprend par intervalles : Un élève dont le travail n’est qu’intermittent. Pas une feuille qui bouge, | Pas un seul oiseau chantant, | Au bord de l’horizon rouge | Un éclair intermittent (Gautier). Ϧ Fontaine, source intermittente, source qui coule et cesse de couler alternativement, le plus souvent dans des temps à peu près réguliers. ϦFièvre intermittente, fièvre paludéenne, dont les accès se produisent périodiquement. ϦPouls intermittent, pouls dont les pulsations se produisent à des intervalles inégaux. • SYN. : discontinu, irrégulier, périodique. — CONTR. : continu, permanent, régulier. intermodulation [ɛ̃tɛrmɔdylasjɔ̃] intermodulation [ɛ̃tɛrmɔdylasjɔ̃] n. f. (de inter- 3 et de modulation ; 1948, Larousse, aux sens 1-2). 1. Production, dans un circuit électrique, de fréquences correspondant aux sommes et aux différences des ondes fondamentales et des harmoniques de deux ou de plusieurs fréquences transmises à ce circuit. Ϧ 2. En radiotechnique, phénomène en vertu duquel une émission faible ou lointaine est modulée par une puissante émission locale. (Syn. TRANSMODULATION.) intermoléculaire [ɛ̃tɛrmɔlekylɛr] adj. (de inter- 3 et de moléculaire ; v. 1942). Qui est situé, se produit entre les molécules : L’activité intermoléculaire de la matière (Maeterlinck). intermondes [ɛ̃tɛrmɔ̃d] n. m. pl. (lat. intermundia, n. neutre plur., espaces entre les mondes, de inter, entre, et de mundus, le monde, l’univers ; 1641, La Mothe Le Vayer [entremonde, forme francisée, milieu du XVIe s., Amyot]). Espaces vides et paisibles, situés entre les mondes, et où les philosophes épicuriens situaient la demeure des dieux. intermusculaire [ɛ̃tɛrmyskylɛr] adj. (de inter- 3 et de musculaire ; 1765, Encyclopédie). Qui est situé entre les muscles : Tissu intermusculaire. internat [ɛ̃tɛrna] n. m. (de interne ; 1829, Boiste, au sens 1 [« établissement scolaire... » et « régime de cet établissement » ; « situation d’élève interne », 1867, Littré ; maître d’internat, XXe s.] ; sens 2, 1845, Bescherelle [« période pendant laquelle les internes sont en fonction », 1867, Littré ; « le corps des internes », 1902, Larousse] ; sens 3, 1888, Larousse). 1. Situation d’élève interne : Bourse d’internat, d’externat ou de demi-pension. ϦÉtablissement scolaire ou division d’un établissement scolaire où l’on reçoit des internes : Un internat de jeunes filles. Lycée avec internat, sans internat. Ϧ Régime de cet établissement : L’internat ne réussit pas à tous les élèves. ϦMaître d’internat, dans les lycées et collèges, surveillant chargé du maintien de la discipline dans les études et dortoirs réservés aux pensionnaires. Ϧ2. Fonctions d’interne en médecine dans les hôpitaux : Concourir pour l’internat des hôpitaux. Ϧ Période pendant laquelle les internes sont en fonction. ϦLe corps des internes : L’internat de Paris. Ϧ3. Concours annuel permettant d’accéder aux fonctions d’interne des hôpi- taux : Préparer l’internat. • SYN. : 1 pension ; pensionnat. international, e, aux [ɛ̃tɛrnasjɔnal, -o] adj. (de inter- 3 et de national ; 1801, Fr. Mackenzie, au sens 1 [« qui concerne les relations des nations entre elles » ; « qui se fait entre deux ou plusieurs nations », 1836, Acad.] ; sens 2, 1873, Larousse [port, territoire international, 1959, Robert] ; sens 3, 1871, Lockroy). 1. Qui se fait entre deux ou plusieurs nations : Commerce international. Relations internationales. Ϧ Spécialem. Qui concerne les relations des nations entre elles : Politique internationale. Droit international. Organismes internationaux. Conférence internationale. Ϧ2. Qui concerne plusieurs nations : Jouir d’une renommée internationale. Que veuxtu que je te dise, mon cas est international (Giraudoux). ϦPort, territoire international, soumis à l’administration d’une autorité internationale. Ϧ3. Qui intéresse des personnes, des groupes de personnes appartenant à diverses nations : La solidarité internationale des travailleurs. Course internationale. Jeux internationaux. • SYN. : 2 mondial, universel. & n. et adj. (XXe s. [athlète de classe internationale, milieu du xx’ s.]). Sportif, sportive qui a représenté ou va représenter son pays dans des compétitions internationales : Un international de football. ϦPar extens. Athlète de classe internationale, athlète digne de prendre part à des compétitions internationales. & international n. m. (8 sept. 1871, Flaubert). Vx. Nom des partisans de l’Internationale dans le dernier quart du XIXe s. : Il sera divisé par les internationaux, les jésuites de l’avenir (Flaubert). En devenant révolutionnaire, il devint forcément international (France). & internati