*Titre : *Grand Larousse de la langue française en sept

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*Titre : *Grand Larousse de la langue française en sept
*Titre : *Grand Larousse de la langue française en sept volumes. Tome
quatrième, Ind-Ny / [sous la direction de Louis Guilbert, René Lagane,
Georges Niobey]
*Auteur : *Larousse
*Éditeur : *Librairie Larousse (Paris)
*Date d'édition : *1975
*Contributeur : *Guilbert, Louis (1912-1977). Directeur de publication
*Contributeur : *Lagane, René. Directeur de publication
*Contributeur : *Niobey, Georges. Directeur de publication
*Sujet : *Français (langue) -- Dictionnaires
*Type : *monographie imprimée
*Langue : * Français
*Format : *1 vol. (paginé 2621-3697) ; 27 cm
*Format : *application/pdf
*Droits : *domaine public
*Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200535k </ark:/12148/bpt6k1200535k>
*Identifiant : *ISBN 2030007404
*Source : *Larousse, 2012-144943
*Relation : *Notice d'ensemble :
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34294780h
*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb345742880
*Provenance : *bnf.fr
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ind
indatable [ɛ̃databl] adj. (de in- et de
datable ; 1970, Robert). Qui ne peut pas
être daté : Des ruines indatables.
inde [ɛ̃d] n. m. (lat. indicum, indigo, neutre
substantivé de l’adj. Indicus, Indien, de
India, l’Inde, dér. de Indi, Indorum, n. m.
plur., « les Indiens » [l’indigo étant considéré comme originaire de l’Inde] ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 [« couleur... extraite de la guède », 1701, Liger] ;
sens 2, 1600, O. de Serres). 1. Couleur bleue
tirée de l’indigo, et, par extens., couleur
bleue extraite de la guède : Une robe de
taffetas couleur inde. Ϧ 2. Anc. nom de
l’INDIGO.
indébrouillable [ɛ̃debrujabl] adj. (de
in- et de débrouiller ; 1764, Voltaire). Que
l’on ne peut pas débrouiller (au pr. et au
fig.) : Écheveau indébrouillable. Affaire,
question indébrouillable.
indécachetable [ɛ̃dekaʃtabl] adj. (de
in- et de décacheter ; 1845, Bescherelle). Que
l’on ne peut pas décacheter, qui est très
difficile à décacheter (rare) : Un paquet
indécachetable.
indécelable [ɛ̃deslabl] adj. (de in- et de
décelable ; 1943, Sartre). Qui ne peut être
décelé : Des traces indécelables à l’oeil nu.
• SYN. : imperceptible, invisible. — CONTR. :
décelable, perceptible, visible.
indécemment [ɛ̃desamɑ̃] adv. (de
indécent ; 1537, Saliat, écrit indécentement
[indécemment, 1580, Montaigne], au sens
1 ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. De façon
contraire à la bienséance : Louvois fut
accusé de s’être réjoui indécemment de la
mort de Turenne (Voltaire). Ϧ 2. De façon
contraire aux bonnes moeurs, à la pudeur :
Être vêtu indécemment.
indécence [ɛ̃desɑ̃s] n. f. (lat. indecentia,
inconvenance, de indecens, -entis [v. l’art.
suiv.] ; 1568, L. Le Roy, au sens 3 ; sens 1,
1690, Furetière ; sens 2, 1666, Molière).
1. Caractère de ce qui est contraire aux
règles de la bienséance : J’ajoute qu’il y
aurait une espèce d’indécence à introduire
dans une fête que je veux bien donner chez
Mme Verdurin une personne que j’ai retranchée à bon escient de ma familiarité, une
pécore sans naissance, sans loyauté, sans
esprit (Proust). Il est permis de penser qu’il
y a quelque indécence à célébrer ainsi une
découverte [la bombe atomique] qui se met
d’abord au service de la plus formidable rage
de destruction dont l’homme ait fait preuve
depuis des siècles (Camus). Ϧ 2. Caractère
de ce qui est contraire aux bonnes moeurs,
à la morale : L’indécence des propos, des
manières. Des images confuses se formaient
au-dedans de lui, qu’il suivait jusqu’à un
certain degré d’indécence, et il les chassait
(Mauriac). Ϧ 3. Action, propos, chose
contraires à la décence ou aux bienséances :
Dire, commettre une indécence.
•SYN. : 1 impolitesse, inconvenance,
incorrection ; 2 grivoiserie, immodestie,
impudeur, impudicité, polissonnerie ;
3 grossièreté, impertinence, incongruité,
obscénité.
indécent, e [ɛ̃desɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. indecens, -entis, inconvenant [en parlant de
personnes ou de choses], de in-, préf. à
valeur négative, et de decens, -entis, convenable, bienséant, part. prés. adjectivé du v.
impers. decere, être convenable ; XIVe s.,
Dict. général, au sens 2 ; sens 1, av. 1681,
Patru ; sens 3, 1618, Cabinet satyrique).
1. Qui est contraire à la décence ; qui manifeste un manque de retenue, de respect de
la bienséance et des convenances morales
et sociales : Faire un étalage indécent de
sa fortune. Il est indécent de répondre sur
ce ton à un homme de son âge. Ϧ 2. Class.
Qui ne convient pas, qui n’est pas approprié à son objet : Toutes ces expressions qui
le rapportent [Dieu] à quelque temps, qui
le fixent à un certain lieu, sont impropres
et indécentes (Fénelon). Ϧ 3. Qui blesse la
pudeur par manque de convenance aux
bonnes moeurs : Cette robe, songeait Denis,
serait indécente, comme toutes les robes de
bal (Mauriac). C’était une grande fille à la
chevelure d’un blond pervers, et qui avait
une façon indécente de rire dans le nez des
hommes (Aymé). Propos indécents.
• SYN. : 1 choquant, déplacé, impoli, incongru, inconvenant, incorrect, malséant ;
3 déshonnête, égrillard, grivois, immodeste,
impudique, licencieux, obscène, osé.
indéchiffrable [ɛ̃deʃifrabl] adj. (de in- et
de déchiffrable ; v. 1673, Retz, au sens 1 ;
sens 2, 1690, Furetière [aussi « très difficile à
lire » ; en parlant d’un morceau de musique,
1873, Larousse] ; sens 3, 1690, Furetière).
1. Se dit d’un texte chiffré que l’on ne
peut pas traduire en clair : Message indéchiffrable. Ϧ2. Dont on ne parvient pas
à découvrir le sens : Inscription indéchiffrable. Écriture inconnue, indéchiffrable.
Ϧ Par extens. Très difficile à lire : Manuscrit
indéchiffrable. Ϧ Se dit d’un morceau de
musique impossible ou très difficile à exécuter : Un air indéchiffrable. Ϧ 3. Fig. Très
difficile à comprendre, à pénétrer, à expliquer : Je me suis attaché à vous, Marie. Et
pourtant vous m’êtes une énigme, vous êtes
indéchiffrable (Martin du Gard). Orsenna
nous voit et nous entend, ajouta-t-il en
relevant sur moi un regard indéchiffrable
(Gracq). Dans cet univers indéchiffrable et
limité, le destin de l’homme prend désormais son sens (Camus).
• SYN. : 2 illisible ; 3 énigmatique, incompréhensible, inexplicable, inextricable,
mystérieux, sibyllin.
indéchirable [ɛ̃deʃirabl] adj. (de in- et de
déchirer ; 1845, Bescherelle). Qui ne se laisse
pas déchirer : Cet unique objet de literie,
indéchirable, formé d’une couverture piquée
entre deux toiles, lui répugnait (H. Bazin).
• SYN. : solide. — CONTR. : fragile
indécis, e [ɛ̃desi, -iz] adj. (bas lat.
indecīsus, indécis, du lat. class. in-, préf. à
valeur négative, et decīsus, part. passé de
decīdere, couper, retrancher, décider, régler,
de de-, préf. marquant la séparation, et de
caedere, frapper, abattre, briser, fendre ;
1466, Bartzsch, au sens 1 [« non jugé — en
parlant d’un procès » ; « dont l’issue est
encore incertaine », 1756, Voltaire] ; sens
2, 1753, Buffon). 1. Se dit de ce qui n’est
pas décidé, tranché : La question du financement de l’opération est restée indécise.
Ϧ Dont l’issue est encore incertaine :
Bataille indécise. Ϧ2. Se dit de ce que l’on
ne peut pas déterminer, distinguer nettement ; mal défini : J’appliquais à son visage
rendu indécis par le crépuscule le masque de
mes rêves les plus passionnés (Proust). De
loin en loin, le blafard éclairage des réverbères ponctuait l’ombre d’une flamme indécise (Carco). Parvenu sur la rive, il regardait
au loin la ligne indécise de la mer (Camus).
• SYN. : 1 ambigu, douteux, équivoque, flottant, incertain, indéterminé ; 2 confus, flou,
imprécis, indéterminable, indiscernable,
indistinct, trouble, vague.
& adj. et n. (1798, Acad., comme adj. ; av.
1747, Vauvenargues, comme n.). Se dit
d’une personne qui ne parvient pas à se
décider, qui n’a pas encore pris un parti :
C’est un esprit indécis. Il paraissait indécis
sur le choix des moyens. S’efforcer de rallier
à soi les indécis.
•SYN. : hésitant, irrésolu, ondoyant,
velléitaire.
indécision [ɛ̃desizjɔ̃] n. f. (de indécis,
d’après décision ; 1611, Cotgrave, au sens
2 ; sens 1, 1867, Littré). 1. État, caractère de
ce qui est indécis, mal déterminé, vague :
L’indécision d’un contour, d’un sourire.
La mer semble partout entourée par les
bleuâtres montagnes, semble fermée comme
un lac ; elle est très diaphane, à cette heure
nocturne, la mer sans navires, très vaporeuse et spectrale dans des indécisions grises
(Loti). Ϧ2. Manque, absence de décision ;
caractère, état d’une personne indécise :
Il resta plusieurs jours dans l’indécision.
Son indécision lui a fait manquer plusieurs
bonnes occasions.
• SYN. : 1 flou, imprécision ; 2 doute, embarras, hésitation, incertitude, indétermination, irrésolution, perplexité.
indéclinabilité [ɛ̃deklinabilite] n. f. (dér.
savant de indéclinable ; av. 1714, Fénelon,
au sens 1 ; sens 2, 1765, Encyclopédie).
1. Class. Caractère de ce qui ne peut être
évité : Donnez aux contreremontrants
l’indéclinabilité ou irrésistibilité, ils n’en
demandent jamais davantage (Fénelon).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Ϧ 2. Caractère des mots qui ne se déclinent
pas, bien qu’ils appartiennent à une catégorie de mots déclinables.
indéclinable [ɛ̃deklinabl] adj. (lat.
impér. indeclinabilis, qui ne dévie pas, et,
à basse époque, dans la langue des grammairiens, « indéclinable », du lat. class.
in-, préf. à valeur négative, et du bas lat.
grammatical declinabilis, déclinable, dér.
du lat. class. declinare, détourner, incliner,
infléchir, changer les mots au moyen de
flexions, de de-, préf. à valeur intensive,
et du v. archaïque clinare, incliner, faire
pencher ; v. 1380, Aalma, au sens 2 [pour
un mot qui garde la même forme à tous les
cas, 1867, Littré] ; sens 1, XVe s., Godefroy).
1. Class. Qui ne peut être évité : Le plaisir
indélibéré produira dans l’homme un bon
vouloir d’une manière invincible, indéclinable et toute-puissante (Fénelon). Ϧ2. Se
dit, en grammaire, de mots qui ne reçoivent
pas les signes du genre, du nombre ni de la
personne : L’adverbe est indéclinable. ϦSe
dit d’un mot qui garde la même forme à
tous les cas, bien qu’appartenant à une
catégorie de mots déclinables.
& n. m. (1838, Acad.). Mot indéclinable.
indécollable [ɛ̃dekɔlabl] adj. (de inet de décoller ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). Qui ne se laisse pas, ou qui
se laisse difficilement décoller.
indécomposable [ɛ̃dekɔ̃pozabl] adj. (de
in- et de décomposer ; 1738, Voltaire, au
sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Qui ne
peut être décomposé : Les corps simples sont
indécomposables. Ϧ 2. Fig. Qui ne peut être
divisé en éléments séparés, qu’on ne peut
analyser : Un ensemble indécomposable.
• SYN. : 2 inanalysable.
indéconcertable [ɛ̃dekɔ̃sɛrtabl] adj.
(de in- et de déconcerter ; 1884, A. Daudet).
Qui ne se laisse pas déconcerter (rare) :
Cet horrible passé, confessé par elle chaque
fois avec la même indéconcertable franchise
(Daudet).
indécousable [ɛ̃dekuzabl] adj. (de in- et
de découdre ; 1873, Larousse). Qui ne peut
être décousu : Une couture indécousable.
indécrassable [ɛ̃dekrasabl] adj. (de in- et
de décrasser ; milieu du XXe s., aux sens 1-2).
1. Qu’on ne peut décrasser, rendre propre.
Ϧ2. Fig. et fam. Indécrottable.
indécrochable [ɛ̃dekrɔʃabl] adj. (de inet de décrocher ; milieu du XXe s., aux sens
1-2). 1. Qu’on ne peut décrocher. Ϧ2. Fig. et
fam. Impossible ou très difficile à obtenir :
Un titre indécrochable.
indécrottable [ɛ̃dekrɔtabl] adj. (de inet de décrotter ; 1611, Cotgrave, au sens 1 ;
sens 2, av. 1654, Guez de Balzac). 1. Qui ne
peut être décrotté, nettoyé : Des chaussures
indécrottables. Ϧ 2. Fig. et fam. Se dit d’une
personne qu’on ne peut améliorer, corri-
ger de ses défauts, de ses insuffisances, de
son ignorance, etc. : Un animal fangeux
et indécrottable, avec un moral de maître
d’école et un physique de tambour-major
(Gautier). Son camarade de lit, un butor
indécrottable (Hermant). J’ai bien peur que
vous ne restiez pour la vie et pour l’éternité
l’individu indécrottable que vous avez toujours été (Aymé).
• SYN. : 1 indécrassable (fam.) ; 2 impénitent,
incorrigible, incurable, invétéré.
indédoublable [ɛ̃dedublabl] adj. (de inet de dédoubler ; 1863, Presse scientifique
des Deux Mondes [t. II, p. 170], au sens
général de « qui ne peut être dédoublé » ;
en chimie, 1962, Larousse). En chimie, qui
ne peut être dédoublé : Un polypeptide
indédoublable.
indéfectibilité [ɛ̃defɛktibilite] n. f.
(dér. savant de indéfectible ; 1677, Mme de
Sévigné [indéfectibilité de l’Église, 1743,
Trévoux]). Caractère de ce qui est indéfectible, éternel : L’indéfectibilité d’un sentiment. ϦIndéfectibilité de l’Église, privilège
attribué à l’Église de durer jusqu’à la fin
du monde.
indéfectible [ɛ̃defɛktibl] adj. (de inet du moyen franç. défectible, sujet à
défaillance [XVIe s.], bas lat. defectibilis,
même sens, de defectum, supin du lat.
class. deficere, se séparer de, casser, faire
faute, abandonner, de de-, préf. marquant
la séparation, la cessation, et de facere,
faire ; 1501, F. Le Roy, au sens 1 [en théologie, 1835, Acad.] ; sens 2, 1957, Robert).
1. Littér. Qui ne peut cesser d’être, qui dure
éternellement : La matière est indéfectible.
Cette beauté indéfectible et consommée
(Huysmans). Véronique, en effet, se dérobe
aux griefs ; sur son indéfectible onction
souriante tout glisse, sarcasme, moquerie... (Gide). J’eus la certitude que l’amour
est, par son essence, unique, constant,
indéfectible (Chardonne). ϦSpécialem.
En théologie, se dit de l’Église, qui doit
durer jusqu’à la fin du monde. Ϧ 2. Qui ne
peut faire défaut, manquer : Une mémoire
indéfectible.
• SYN. : 1 éternel, immarcescible (littér.),
immuable, impérissable, indestructible ; 2
solide, sûr. — CONTR. : 1 éphémère, fragile,
précaire ; 2 mauvais.
indéfectiblement [ɛ̃defɛktibləmɑ̃] adv.
indéfectiblement [ɛ̃defɛktibləmɑ̃] adv.
(de indéfectible ; 1873, Larousse). De façon
indéfectible : Être indéfectiblement dévoué
à quelqu’un. Le pape est venu enseigner
indéfectiblement la vérité (Veuillot).
indéfendable [ɛ̃defɑ̃dabl] adj. (de in- et
de défendable ; 1663, Molière, au sens 2 ;
sens 1, 1893, Dict. général ; sens 3, 1897,
Bloy). 1. Qui ne peut être défendu militairement : Une position, une place indéfendable. Ϧ 2. Qui ne peut être valablement
soutenu, justifié (avec un terme abstrait) :
C’est un mot étymologiquement indéfendable (M. Prévost). Cette doctrine, qui
n’était pas indéfendable, faisait de jour en
jour du chemin dans les esprits (Duhamel).
Ϧ3. Se dit d’une personne dont on ne peut
prendre la défense, sa conduite, ses actes
étant manifestement condamnables ou
critiquables : À ce point de vue, l’indéfendable Clotilde eût été réprouvée par les
moralistes économes (Bloy). Je suis indéfendable, balbutia-t-il. Je ne me défendrai
pas (Mauriac).
• SYN. : 2 insoutenable.
indéfendu, e [ɛ̃defɑ̃dy] adj. (de in- et
de défendu, part. passé de défendre ; 1667,
Corneille). Vx. Qui est sans défense :
[Attila] ravageait les peuples indéfendus
(Corneille).
indéfini, e [ɛ̃defini] adj. (lat. impér.
indefinitus, indéfini, vague, de in-, préf.
à valeur négative, et du lat. class. definitus,
précis, déterminé, part. passé adjectivé de
definire, délimiter, de de-, préf. à valeur
intensive, et de finire, limiter, borner, achever, dér. de finis, limite, terme ; XIVe s., puis
1545, Bonivard, au sens I, 1 ; sens I, 2, av.
1794, Condorcet [par opposition à infini,
1641, Descartes] ; sens I, 3, 1817, Gérardin
de Mirecourt [tige indéfinie, 1855, Nysten ;
inflorescence indéfinie, 1845, Bescherelle] ;
sens II, 1, 1873, Larousse ; sens II, 2,
1867, Littré [proposition indéfinie, 1752,
Trévoux ; jugement indéfini, XXe s.] ; sens
II, 3, 1607, Maupas [aussi article indéfini
et pronom indéfini ; adjectif indéfini, 1873,
Larousse ; passé indéfini, 1803, Boiste ; prétérit indéfini, 1548, Sébillet]).
I. QUI N’EST PAS FINI. 1. Qui n’est pas limité, délimité, ou ne peut l’être : Je serais
demeuré un temps indéfini à l’écouter et
à la regarder (Maupassant). Ϧ 2. En philosophie, par opposition à fini, se dit de
ce qui, étant rationnellement fini, peut
cependant devenir plus grand que toute
quantité donnée : Des progrès indéfinis.
Le nombre des individus d’une espèce
est indéfini. Ϧ Spécialem. Chez Descartes, par opposition à infini, se dit de
ce à quoi l’on ne peut assigner une fin
sous un rapport donné : Pour les choses
où sous quelque considération seulement
je ne vois point de fin, comme l’étendue
des espaces imaginaires, la multitude des
nombres, la divisibilité des parties de la
quantité [...], je les appelle indéfinies, et
non pas infinies, parce que de toutes parts
elles ne sont pas sans fin ni sans limites
(Descartes). Ϧ 3. En botanique, se dit des
pièces florales dont le nombre n’est pas
constant : Étamines indéfinies. Ϧ Tige
indéfinie, tige dont le bourgeon terminal
s’allonge de manière indéfinie. Ϧ Inflorescence indéfinie, celle qui ne comporte
pas de fleur terminale et où l’axe peut
croître indéfiniment : La grappe est une
inflorescence indéfinie.
II. QUI N’EST PAS DÉFINI. 1. Que l’on ne
peut définir, qui demeure vague, indédownloadModeText.vue.download 11 sur 1066
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terminé : Un trouble indéfini. Portant
sa pierre à l’oeuvre indéfinie et sombre |
Qu’avec le genre humain fait la création !
(Hugo). Maintenant, il se levait, mais
dans un tel accablement moral, en proie
à un mal indéfini, si têtu, si envahissant
qu’il vivait ses journées étendu sur une
chaise longue, devant un grand feu de
bois (Zola). Le rêve, comme chaque matin, s’achevait en raisonnements indéfinis, qui ressemblaient parfois à d’ingénus
plaidoyers (Duhamel). Ϧ 2. En logique,
qui n’est pas défini, déterminé dans sa
compréhension : Terme indéfini. Ϧ Proposition indéfinie, proposition générale
qui convient à tous les êtres d’une même
espèce. ϦJugement indéfini ou limitatif,
jugement affirmatif dont le prédicat est
un terme négatif. Ϧ 3. En linguistique,
se dit d’un terme qui exprime une idée
générale sans l’appliquer à un objet
déterminé. (On dit aussi, substantiv.,
un INDÉFINI.) ϦArticle indéfini, celui
qui présente l’être ou l’objet que le nom
désigne avec une individualisation indéterminée (ex. :UN arbre, DES gens). [V.
ARTICLE.] ϦAdjectif indéfini, celui qui
indique une indétermination (comme
aucun, quelque, plusieurs, etc.). Ϧ Pronom indéfini, nominal qui présente une
personne ou une chose avec indétermination (comme on, quiconque, chose,
rien, etc.). [V. art. spécial ci-après.]
Ϧ Passé ou prétérit indéfini, anc. nom du
PASSÉ COMPOSÉ.
• SYN. I, 1 illimité, indéterminé, infini.
Ϧ II, 1 confus, imprécis, incertain, indécis, indéfinissable, trouble. — CONTR. :
I, 1 délimité, limité ; 2 fini. ϦII, 1 défini,
déterminé, distinct, net, précis.
& indéfini n. m. (1641, Descartes).
L’indéfini, ce qui n’est pas défini : Le
décor mouvant, élastique de l’indéfini
(Baudelaire).
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
LES MOTS INDÉFINIS
On appelle « indéfinis » un certain
nombre de pronoms et d’adjectifs que
l’on rapproche moins par l’identification
d’un trait commun que par l’absence de
certains traits plus aisément reconnaissables : ils ne sont pas « qualificatifs », ni
« personnels », ni « possessifs », ni « démonstratifs », etc. De ce fait, le mot « indéfinis » terminait la liste des pronoms et
celle des adjectifs dans la Nomenclature
de 1910, reconduite en 1949 : Ferdinand
Brunot, qui rédigea l’arrêté, formulait
d’ailleurs mainte réserve : selon lui, l’un et
l’autre pouvaient être dits « réciproques »
ou « distributifs », plusieurs « numéral ».
Henri Yvon, dans un projet de réforme
de la nomenclature (le Français moderne,
juill. 1956 et avr. 1958), proposait d’appeler « quantitatifs » les adjectifs indéfinis, et « nominaux » les pronoms. Une
grammaire hardiment novatrice, celle
de Charles Bruneau et Marcel Heulluy
(1937), éliminait sans autre forme de procès de la classe des indéfinis les mots on,
même et autre, qu’elle joignait aux « personnels », différents, divers, plusieurs,
quelques, quelques-uns, chaque, chacun,
tout, qu’elle joignait aux « numéraux », et
quiconque, qui que, quel que et quelque...
que, qu’elle joignait aux « relatifs ». Il ne
manquait à ces réformateurs que de s’accorder entre eux.
DÉFINITION FORMELLE
Les pronoms indéfinis sont substituables
aux autres classes de pronoms et aux
noms propres ; comparer :
Ils sont venus. / Tous sont venus.
Jean a parlé. / Quelqu’un a parlé.
Cette équivalence formelle justifie seulement l’appellation de « pronoms ».
Les adjectifs indéfinis précèdent généralement le nom ou le pronom, soit à la
place de l’article, soit avant l’article, soit
après l’article :
certains arbres, tous les arbres,
les mêmes arbres ;
mais quelques-uns peuvent suivre le nom
ou le pronom :
un arbre quelconque,
les arbres mêmes, nous tous.
La place de ces adjectifs n’est donc pas un
critère d’unité.
Il arrive qu’un mot indéfini soit employé
comme adverbe, et devienne de ce fait
invariable :
Rapporter les emballages, même
déchirés.
Elle a quelque cinquante ans.
Ils sont tout émus.
Mais cette possibilité n’existe que pour
même, quelque et tout.
Ce n’est donc pas du côté de la « distribution » qu’on peut trouver le point commun définissant les mots « indéfinis ».
DÉFINITION FONCTIONNELLE
Serait-ce du côté de la fonction ?
La réponse est à chercher dans le plan
des signifiés, en liaison avec le signifié
du nom (v. ce mot, art. spécial) ou du
pronom, lequel s’identifie par beaucoup
de traits à la notion d’« ensemble » des
mathématiciens.
L’idée d’« ensemble » suppose des élé-
ments x (x1, x2, x3, etc.) en nombre variable, réunis et définis par une propriété
constante p, qui peut être une qualité
(tout élément x de l’ensemble des chevaux
est défini par la somme des caractères
permanents de l’espèce « cheval ») ou une
relation (tout élément x de l’ensemble des
Parisiens est défini par le fait d’habiter
Paris).
Le contenu sémantique qualitatif du nom,
et celui des adjectifs qualificatifs épithètes, est un composant de la constante
p. Or, les mots indéfinis ne visent jamais
l’indication d’une « qualité », qu’ils soient
pronoms (tout, quelqu’un) ou adjectifs
(d’autres/ quelques chevaux) ; s’ils ont un
emploi qualificatif, ils cessent d’être indéfinis (un livre très quelconque, des bruits
divers), ou, du moins, ne le sont pas par
là (« Jeanne et moi, nous avons la même
robe » : la ressemblance qualitative de
deux robes est suggérée par l’expression
d’une identité substantielle).
Les adjectifs possessifs et démonstratifs
expriment une « relation » entre l’élément
désigné et certains points d’ancrage personnels ou spatiaux de la situation : tes
chevaux (= les chevaux qui sont à toi),
ces chevaux (= les chevaux qui sont ici) ;
cette relation est encore partie intégrante
de la constante p. Au contraire, les indéfinis n’expriment aucune référence à la
situation.
Les adjectifs numéraux expriment la
quantité, qui ne fait pas partie de la
constante : la dualité exprimée dans un
groupe nominal comme deux chevaux est
une propriété de l’ensemble des chevaux
désignés, et non de chaque élément de cet
ensemble ; elle concerne la substance x,
non la constante p. Or, il semble bien que
la fonction des mots indéfinis concerne
également la substance, non la constante,
mais concerne-t-elle la « quantité » de
cette substance ? Certains linguistes l’ont
pensé, et ont groupé les indéfinis avec
les numéraux dans une classe unique de
« quantificateurs ». Cette thèse n’est guère
soutenable pour les indéfinis autre et
même, comme l’a montré Michel Arrivé
dans le Français moderne (avr. 1965). Elle
s’applique mieux à des mots comme nul,
quelques, maint(s), tous. On remarquera
pourtant une différence entre l’indication du nombre par un adjectif numéral comme trente et son indication par
l’adjectif indéfini tous : la première est
absolue, la seconde relative aux limites du
référentiel, c’est-à-dire, ici, de l’ensemble
considéré ; trente élèves a le même sens
quelle que soit l’unité de groupement
scolaire où ces deux mots sont prononcés, mais tous les élèves peut signifier
trente dans une classe, cinq cents dans
une école, trois mille dans un lycée, etc. ;
de même les autres donne une indication
numérique dans un référentiel connu à
condition qu’un premier sous-ensemble
d’éléments, résumable par les uns, ait été
désigné.
L’indication de nombre donnée par les
indéfinis adjectifs ou articles n’est qu’un
effet résultant de leur valeur propre.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2564
Même si l’on désigne trente pages en
disant toutes les pages, l’expression du
nombre n’est pas la fonction essentielle
de l’adjectif tout, qui peut exprimer la
totalité dans l’unité même : toute la page.
L’« indéfini » doit s’opposer au « défini »
dans le domaine des pronoms et des
adjectifs comme dans le domaine de l’article, où l’opposition est transcendante au
nombre :
un cheval/le cheval ; des chevaux/
les chevaux.
Comme le sens des articles, le sens
des adjectifs et des pronoms indéfinis
s’éclaire par le recours à la notion d’identité — que nous sentons intuitivement
dans la conception de notre moi, et que
nous transportons dans chaque objet
conçu comme une substance.
Les mots indéfinis sont des instruments
de saisie des éléments d’un ensemble fondés sur les rapports qu’ils entretiennent
entre eux dans la substance ; un, quelque,
certain, tel, même, autre expriment des
libertés ou des restrictions concernant
l’identité sans référence à aucun élément
de détermination extérieur à l’ensemble ;
chaque, tout, signifiant la saisie distributive ou globale de tous les éléments d’un
ensemble, aboutissent à une détermination de fait, en contradiction avec le
terme « indéfini », mais cette détermination n’est pas leur fait ; un groupe nominal comme tous mes enfants comporte :
— une détermination externe exprimée
par mes, qui rattache l’ensemble à une
constante notoire ;
—une détermination interne exprimée
par tous, qui précise dans le cadre de
l’ensemble et sans en sortir la quantité
d’éléments concernés.
Il n’est pas exclu que la suggestion du
nombre prenne la première importance,
et c’est pourquoi tels adjectifs indéfinis
ne s’emploient pratiquement qu’au pluriel
(quelques, différents), quoiqu’il n’en ait
pas toujours été de même. Le caractère
imprécis du nombre ainsi exprimé explique pourquoi ces mots restent classés
dans les « indéfinis » au lieu d’être rattachés au système des nombres, où la fonction légitimerait leur intégration (le mot
plusieurs, de valeur absolue constante,
est d’une réelle utilité en mathématiques,
si le mot maint, de sens trop relatif, n’y a
aucun emploi).
Un certain nombre de mots indéfinis ont
reçu des fonctions particulières qui leur
ont fait attribuer des désignations différentes : interrogatifs (qui, que), relatifs
(qui, quiconque, lequel), concessifs (quel
que). C’est alors la modalité, ou la fonction syntaxique, ou la « circonstance »
qui prend l’importance première. Le pronom on, de par sa distribution, est souvent intégré aux pronoms « personnels ».
LE PRONOM « UN »
L’emploi de un comme article (Il porte
un chapeau) et son emploi comme adjectif numéral (Il n’a qu’un costume) sont
étudiés ailleurs. On considère ce mot
comme un pronom indéfini dans les emplois suivants.
• 1° Au singulier, précédé facultativement de l’article défini élidé (l’), il est
normalement suivi d’un complément
qui délimite le référentiel, c’est-à-dire
l’ensemble de référence, animé ou non :
(l’)un de mes livres, (l’)une de nous.
Il n’est pas possible de dire : *les deux
(trois, etc.) de nous. En revanche, si l’ensemble de référence est représenté par
en (Donne-m’en un), l’emploi de l’article
devient impossible (*Donne-m’en l’un),
et un doit être tenu pour un pronom
numéral.
La langue littéraire emploie (l’)un(e) sans
complément si le contexte supplée le
référentiel :
Les orchidées tourmentées se
penchent anxieusement vers Honoré ;
une a l’air méchant
(M. Proust).
L’emploi de l’article est toujours facultatif, sauf dans la locution de deux choses
l’une ; comme devant on, l’article a souvent pour fonction d’éviter un hiatus : si
l’un (mais : quand un).
•2° Au singulier, sans article et sans
antécédent, suivi d’une proposition relative déterminative, un (une) signifie dans
la langue familière « un homme » (« une
femme ») :
Elle soupirait comme une qui a du
chagrin
(E. Pérochon).
• 3° Au pluriel, précédé obligatoirement
de l’article défini, un(e)s s’emploie seulement en corrélation avec le pronom
autres (v. ci-après).
HISTORIQUE
On rencontre en ancien français comme
aujourd’hui le pronom un ou une sans
article et suivi d’un complément :
une des tors (Villehardouin, § 174),
une des lor (ibid., § 179).
Le complément n’était pas nécessaire
quand le contexte offrait l’antécédent :
Et dont[= alors] firent armerles galies
totes : li dux de Venise et li marchis de
Monferrat entrerent en une ..
(ibid., § 145).
L’article défini s’employait devant un
comme aujourd’hui :
De cels fu li uns Odes li Champenois
[l’un de ceux-ci était Eudes le Champenois] (ibid., § 114).
Il s’employa même jusqu’au XVIe s. devant
un suivi d’un nom :
de l’une mer à l’altre mer (Wace).
L’un membre sera perclus, l’autre en
vigueur (Montaigne).
Ce mariage paradoxal du défini à l’indéfini a sa clef dans un usage du latin
vulgaire, où ille placé après un nom de
nombre avait la valeur référentielle d’un
complément comme illorum, illarum ;
comparer :
illi duo : « ces deux-là »,
duo illi : « deux de ceux-là ».
La seconde construction, conservée en
roumain, où unul signifie « un d’eux »,
a été inversée en gallo-roman (comme
l’atteste le latin médiéval), et l’on explique
ainsi des constructions courantes comme :
Des doze pers li dis en sunt ocis (la
Chanson de Roland).
Sept somiers [= chevaux de charge]
avoec moi menrai, les deus [= deux
d’entre eux] cargiés d’or et d’argent
(Floire et Blancheflor, XIIe s.).
Le tour se rencontre encore au XVIIe s. :
Des trois les deux sont morts
(Corneille).
Il se maintient dans l’expression des fractions (les deux tiers) et dans le groupe l’un,
l’une, dont il accuse le caractère « indéfini » dans la mesure où il continue à exprimer le rapport de l’élément à l’ensemble
référentiel, à la différence d’un numéral
pur.
L’emploi de un pour quelqu’un devant
une proposition relative appartenait,
dans l’ancienne langue, au français commun, et Pascal écrivait encore :
Ma fantaisie me fait haïr un qui
soufle en mangeant.
Cependant, Corneille, quand il corri-
gea ses propres oeuvres, remplaça systématiquement un par quelqu’un dans cet
emploi.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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« AUTRE », « AUTRUI », « DIFFÉRENTS »,
« DIVERS »
Autre exprime l’altérité substantielle de
deux éléments d’un ensemble :
Ta cravate est tachée, mets-en une
autre.
L’altérité peut glisser de la substance à ses
caractères, et autre devient un adjectif
qualificatif :
Tâche de mettre une robe autre que
la sienne.
Je me sens tout autre.
En revanche, les adjectifs différents et
divers, qui expriment normalement des
différences de qualité (deux enfants très
différents), en sont venus (le second dès le
latin) à exprimer la différence d’identité
et ont été construits comme l’article :
Différentes personnes ont été
consultées.
J’ai agi pour diverses raisons.
Comme adjectif indéfini, autre précède le nom et doit être précédé d’un
actualisateur :
un autre nom, les autres rayons,
mon autre robe, certains autres
employés.
L’article indéfini des est remplacé par de :
d’autres employés.
Il peut se rapporter dans les mêmes
conditions à certains pronoms :
les autres miennes ;
mais le plus souvent il est postposé aux
pronoms en construction directe ou
indirecte :
Personne (d’)autre. Quoi d’autre ?
Il s’ajoute directement aux formes toniques plurielles du pronom personnel
pour souligner l’identité par contraste :
nous autres ; vous autres Anglais ; et
familièrement : elles autres.
Autre adjectif placé après le nom prend la
valeur qualificative .
Mon Dieu, Madame : j’ai des idées
autres (Brieux).
Il peut cependant être postposé au sens
indéfini, surtout s’il doit recevoir un
complément de comparaison :
Il s’était refusé à verser les deux cents
francs de la pension entre des mains
autres que celles de son père (Zola).
Comme pronom indéfini, autre est également précédé d’un actualisateur ; alors
• 1° Sans antécédent, il désigne des
personnes :
Il n’est pas plus bête qu’un autre
(P. Mille).
Tu en aimes un autre ? (A. Daudet).
Nul autre ne le sait.
D’autres vont maintenant passer où
nous passâmes (Hugo).
Il prend avec l’article défini une valeur
d’imprécision désinvolte dans la locution
comme dit l’autre ; il devient nettement
insolent quand il désigne une personne
qu’on pourrait nommer.
La langue littéraire emploie dans un sens
général autrui, surtout dans les fonctions
de complément :
Respectez autrui.
Le bien d’ autrui.
La fonction sujet n’est pas sans exemple :
Autrui nous est indifférent (Proust).
La langue commune use d’un neutre correspondant, autre chose :
Cherche autre chose de moins
dangereux.
• 2° Avec antécédent, il désigne des personnes ou des choses :
Prenez mon crayon, j’en ai un autre.
Appelez Paul et les trois autres.
L’article manque dans quelques
locutions :
de façon (manière) ou d’autre ; de
temps à autre ;
Je lui ai dit, entre autres... ;
Les voyageurs pour Saint-Mihiel,
Verdun et autres (Courteline).
Autre est souvent employé en corrélation
avec l’un. Ils sont ordinairement pronoms et désignent deux ou plus de deux
parties d’un même ensemble :
L’une parlait, l’autre écoutait.
Les uns bavardaient, d’autres
lisaient, d’autres jouaient.
Ils peuvent être coordonnés par et, ou,
ni :
Les uns et les autres écoutaient.
Dans ce cas, l’un peut adopter la nature
adjective de l’autre :
Ni l’un ni l’autre escadron (Michelet).
Des phrases comme :
L’un déteste l’autre,
L’un a dit du mal de l’autre
peuvent exprimer une relation à sens
unique ou réciproque ; mais le caractère
indéfini des deux pronoms permet de
leur faire exprimer la réciprocité en les
rapprochant dans une phrase à sujet pluriel indépendamment exprimé :
Ils se détestent l’un l’autre.
Ils ont dit du mal l’un de l’autre.
Qui veut les séparer doit d’abord leur
ôter le goût l’un de l’autre (Zola).
HISTORIQUE
• Le latin classique exprimait l’altérité
par
— alter si le référentiel ne comptait que
deux éléments ;
—alius s’il comptait plus de deux
éléments.
Le latin impérial généralisa alter aux dépens d’alius, qui n’est conservé en ancien
français qu’au neutre sous la forme el
(issu d’alid, doublet peu classique d’aliud,
ou encore d’*ale, analogique de tale
d’après alis/talis) :
Que fereient-il et ? (la Chanson de
Roland, 1185).
Les mots comme aussi (alsi), autant (altant), dont le premier élément continuait
ali-, sont doublés en ancien français par
des mots remontant à alter : autresi,
autretant.
• Alter pouvait joindre à sa valeur indéfinie le sens numéral de « second », que
conserve altre en ancien français :
La premere est des Canelius les laiz,
L’altre est de Turcs et la terce de Pers
[Le premier corps de bataille est de laids
Chananéens, Le second de Turcs et le
troisième de Persans] (la Chanson de
Roland, 3238 et 3240).
Cet emploi sera éliminé dans la langue
savante par segons (XIIe s.) et dans la
langue populaire par deusième (XIVe s.).
• Une confusion est souvent faite, dans
bien des langues, sur le sens des mots
signifiant « autre » : ils en viennent à
marquer non plus l’altérité d’un sous-ensemble dans un référentiel commun (des
pommes et d’autres fruits, des oranges),
mais l’altérité d’un ensemble relativement à un autre (des pommes et d’autres
oranges) ; cet emploi, normal en grec ancien, s’observe en danois, en espagnol, en
provençal, en bas latin ; on en relève de
nombreux exemples en ancien français :
Ja le ferrai do pié com un autre mastin [Je le frapperai du pied comme
un chien] (Renaut de Montauban).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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• Autre pouvait être pronom ou adjectif
sans actualisateur :
Hom ki traïst altre nen est dreiz
qu’il s’en vant [L’homme qui trahit
un autre, il n’est pas juste qu’il s’en
vante] (la Chanson de Roland, 3974).
Adonc issi l’empereres [...] fors de la
cité par autres portes [L’empereur
sortit de la cité par une autre porte]
(Villehardouin, § 177).
De même qu’en latin alterum était masculin ou neutre, la forme du masculin
singulier fonctionnait en ancien français comme un neutre, signifiant « autre
chose » :
N’en voil or plus traitier
D’altre voil cumencier
(Ph. de Thaon).
• Autrui était à autre sans article ce que
celui était à cil et à cel, un datif devenu
un cas régime renforcé (v. ATTRIBUTION,
art. spécial) ; le datif ayant exprimé en
bas latin la possession, autrui présente en
ancien français la fonction possessive :
J’ai vescu de l’ autrui chatel [= du
bien d’autrui] (Rutebeuf).
Montaigne use encore du nom l’autruy
pour « le bien d’autrui » :
On nous duict à nous servir plus de
l’autruy que du nostre
(Essais, III, XII).
Mais, à son époque, la conscience de la
valeur casuelle était dès longtemps effacée, au point que G. Gougenheim relève
déjà chez d’Aubigné un emploi d’autruy
comme sujet :
La gloire qu’autruy donne est par
autruy ravie..
•L’emploi d’autre sans article se rencontre jusque chez Molière :
Je viens ici pour autre sujet
(le Mariage forcé).
Mais l’édition de 1697 corrigeait le texte
en un autre.
L’emploi de l’article défini a toujours été
possible, comme devant un (v. plus haut)
et par héritage du même tour latin : li
autre remonte au gallo-roman ille alter,
issu, par permutation, de alter ille, remplaçant en bas latin alter illorum, « un
autre de ceux-là ». Originellement, l’article du groupe l’autre marque donc seulement la détermination de l’ensemble
référentiel, mais comme l’élément se
trouvait aussi déterminé par l’élimination du sous-ensemble précédemment
désigné (élément ou groupe d’éléments),
cet article d’origine très particulière se
confondait avec tout article défini, et justifiait le recours à l’article un(s) quand il y
avait lieu de marquer l’indétermination :
Et ne tarda guaires aprés que s’en
ala uns autres halz hom de l’ost [de
l’armée] (Villehardouin, § 109).
• L’emploi de autre après nous, vous a un
ancêtre ou un modèle latin :
At nos hinc alii sitientes ibimus Afros
(Virgile, Églogue I, 65).
De là en provençal nautre, vautre, en espagnol nosotros, vosotros.
• En latin, alter (comme alius) répété
s’opposait à lui-même :
Alter ridet, alter flet [L’un rit, l’autre
pleure].
Alter alteri auxilium fert [Ils se
portent secours l’un à l’autre].
Cet usage se perpétue dans des constructions (imitées du latin) comme :
Autre est promettre, autre est donner
(Dict. de l’Acad., 1932).
Mais en bas latin apparaît l’opposition
unus/alter (Grégoire de Tours), continuée
par li uns/li altre(s) en ancien français :
Et quant il i vinrent, i troverent II
voies, l’une boine, et l’autre male
(Istoire d’outre mer).
La réciprocité n’est pas encore explicitement marquée dans des phrases comme :
Li uns l’autre preudomme claime
(le Vair Palefroi),
mais toute ambiguïté est écartée quand le
verbe est au pluriel :
Li uns vers l’autre a esperon
Par le gré brochent a bandon (le
Roman de Thèbes).
La construction en apposition du français
moderne est rare avant le XIVe s. (J. Stéfanini, la Voix pronominale en ancien et en
moyen français).
• L’emploi de divers comme adjectif indéfini remonte au bas latin : per diversas
regiones (Lactance, début du IVe s.) ; différents a suivi le modèle.
« MÊME »
Autre a pour contraire même, qui ex-
prime l’unité d’identité :
• 1° Précédé de l’article, même est adjectif s’il est suivi d’un nom ; il marque
qu’un seul élément ou groupe d’éléments
(exprimé par le nom) est le terme d’une
relation qui a pour source plusieurs éléments ou groupes d’éléments distincts,
ou inversement ; c’est la valeur du latin
idem et de l’anglais same :
Jeanne et Paul ont le même père.
Les mêmes tarifs sont appliqués aux
hommes et aux femmes.
L’une des deux sources peut être présentée comme l’étalon d’un jugement de
comparaison (v. ce mot, art. spécial) :
Tu as les mêmes goûts que moi.
En l’absence de nom, le groupe article + même
devient pronom :
Notre goût est le même.
Il est neutre dans l’expression : Cela revient au même.
• 2° Placé après le nom (ou le pronom),
même est toujours adjectif ; il souligne
par redondance l’identité dans des conditions où elle pourrait être mise en doute ;
c’est la valeur du latin ipse et de l’anglais
himself :
Le Président même assistera à
l’inauguration.
Ce sont ses paroles mêmes.
Lui-même vous répondra.
Il est souvent associé à un pronom personnel pour représenter le sujet de la
phrase ou reprendre un pronom de sens
réfléchi :
Je voudrais être enfin moi-même.
Connais-toi toi-même.
Employé après un nom de qualité attribut, il marque que le sujet incarne au
mieux cette qualité :
Mon père était la bonté même.
• 3° Même peut être un adverbe, invariable. Il marque alors qu’une condition
particulière n’infirme pas la validité
d’une relation générale énoncée dans la
phrase :
Même prévenus, ses auditeurs se
laissent duper.
Il refusera, même si vous offrez le
double.
Il chasse même quand c’est interdit.
Dans ces exemples, même est placé devant le membre de phrase exprimant la
condition spécifiée, mais son sens porte
sur l’assertion totale de la phrase : il renforce non plus l’identité d’un des termes
de la relation, mais tout l’énoncé, et, de
ce fait, sa place est assez libre ; il peut être
rapproché du verbe :
Ses auditeurs se laissent même duper
quand ils sont prévenus.
Il a même chassé quand c’était
interdit.
La différence entre même adjectif et
même adverbe apparaît dans des phrases
comme les suivantes :
1. Il est arrivé le dimanche même.
2. Il travaille même le dimanche.
La première phrase fait porter l’affirmation sur l’identité du jour désigné : « il
est arrivé le dimanche (et non pas un
autre jour) ». La deuxième la fait porter
sur l’action principale (travaille) dont la
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2567
réalité, normale les autres jours, n’est pas
infirmée le dimanche :
3. Je parlerai au commissaire même
(à personne d’autre).
4. Je parlerai même au commissaire (à tout le monde, y compris le
commissaire).
Mais l’emploi adverbial de même ne s’explique génétiquement que par l’existence
d’un grand nombre de cas où l’identité
d’un objet ou d’une personne est une
condition qui pourrait infirmer l’assertion totale : il y a alors intersection entre
les deux valeurs, et il en résulte une incertitude orthographique :
Les savants même(s) peuvent se
tromper.
Le problème ne se pose plus si même précède le nom : Même les savants.
HISTORIQUE
Le latin classique exprimait par deux
mots différents, idem et ipse, les idées
que le français moderne distingue par
la construction d’un seul mot, même,
et qu’on appellera pour la commodité « identité » (idem homo, « le même
homme ») et « ipséité » (homo ipse,
« l’homme même »).
Au lieu de dire :
Il habite la même maison que
j’habite,
on peut dire :
Il habite cette maison même que
j’habite.
L’identité de la maison désignée est
exprimée par le démonstratif cette, et
même souligne l’unité de cette identité ;
le tour est expressif et exempt de toute
ambiguïté. Or, ce tour était répandu en
latin familier, où l’on remplaçait volontiers idem par hic/iste/ille + ipse ; Cicéron
lui-même écrivait dans le Pro Roscio : ista
ipsa[= eadem] lege quae..., « par la même
loi qui... » ; en roman ipse, précédé ou non
d’un démonstratif, élimina idem, comme
dans cette phrase de la pieuse dame Éthérie racontant son pèlerinage vers la fin du
IVe s. (ErnoutThomas, § 216) :
Non ipsa parte exire habebamus qua
intraveramus [Nous ne devions pas
sortir du même côté que celui par
lequel nous étions entrés] (Peregrinatio Aetheriae).
Dans d’autres contextes, la valeur d’ipséité soulignait une précision de nombre ou
de date en glissant vers le sens qu’exprime
en français moderne un adverbe comme
« exactement » :
Trigenta dies erant ipsi [Il y a exactement trente jours] (Cicéron, Lettres).
Nunc ipsum [en ce moment même]
(ibid.).
Ipse est conservé sous la forme eps dans
le vieux texte de la Passion (Xe s.) ; il y
exprime l’ipséité dans :
Tu eps l’as dit, respon Jesus.
Mais ailleurs les conditions sont remplies
pour qu’affleure l’idée d’identité unique :
Lo nostrae seindra en eps cel di
Veduz furae veiades cinc
[Notre seigneur dans ce même jour a
été vu cinq fois].
Et ailleurs, l’emploi moderne adverbial
est en germe :
Chi eps los morz fai se revivre
[Qui fait revivre même les morts].
Par la suite, ipse n’apparaîtra que sous la
forme es, ou is (de *ipsī), conservée dans
la locution en es le pas, « sur-le-champ »
(dans le même pas), devenue isnellepas
par contamination avec isnel, « rapide »,
et dans les adverbes nees (neis), « pas
même » (nec ipsum), ades, « à l’instant
même ». C’est un pronom-adjectif composé d’ipse qui a donné même.
Par une redondance que réprouvait Donat, ipse était employé après les pronoms
personnels déjà renforcés du suffixe
-met : egomet ipse ; une mauvaise coupe
rattacha met au pronom de droite, qui
devint *metipse, postulé par le provençal
medeis ; le renforcement par un suffixe
superlatif aboutit à *metipsĭmus, postulé
par l’italien, par l’espagnol, et par l’ancien français meesmes (meïsmes).
Meïsmes, placé après le nom ou le pronom, exprimait ordinairement l’ipséité :
Chi respondrat a mei, quant jo
methesme le fis
(Psautier de Cambridge, XIIe s.).
A grant duel met la sue carn medisme
[Elle fait grandement souffrir sa
chair même] (Vie de saint Alexis).
Et li rois il meismes les prend a
redresser (Berthe au grand pied).
Mais certains contextes favorisent
l’identité :
et content ces novelles meïsmes [ces
mêmes nouvelles] (Villehardouin).
Placé avant le déterminant, il admet souvent les deux interprétations :
Cumandad que il a sa mort fust enseveli en meïme le sepulcre ou li bons
huem fud ensevelis (le Livre des Rois).
De meïsme t’espée t’irai je honte faire
(Élie de Saint-Gille).
Plus rarement, même était enclavé entre
le déterminant et le nom, sans grande différence de sens :
La royne se velt ocirre [veut se tuer],
Et de cele meime espee
(Tristan, XIIe s.).
En somme, la correspondance précise
du français moderne entre le sens et la
construction de même n’était pas établie.
Elle ne l’était pas encore tout à fait au
XVIIe s. :
A voir ainsi traité Et la même inno-
cence et la même bonté !
(Molière, Sganarelle).
Et sans être rivaux, nous aimons en
lieu même
(Corneille, la Place Royale).
Des expressions comme en meïme le sepulcre ont donné naissance à la locution
invariable à même, que blâmait Thomas
Corneille, mais que la langue moderne
n’a pas perdue :
En buvant largement à même le
grand fleuve
(E. Rostand).
La locution être à même de + infinitif date
du XIIIe s.
Certains noms exprimant des notions
massières concrètes ou abstraites ont
été longtemps réfractaires à l’article (v.
ce mot, art. spécial) ; même employé
avec ces noms les précédait sans article :
meïsme terre [la même terre], meïsme
desdeing [le même dédain] ; il en était de
même devant les pluriels et après les prépositions. Cet usage s’observe encore au
XVIIe s. :
Car toute nuit je fais mesme exercice
(Desportes),
et sporadiquement dans toute la littérature, principalement quand le groupe
nominal n’exprime qu’une qualité :
des manteaux de même couleur.
Dès l’origine, l’emploi de même au sens
d’ipse après le nom a tendu à se confondre
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2568
avec l’adverbe, ce que rend manifeste soit
la présence d’un -s adverbial :
Je t’enseignerai bien autre hui [un
autre jour],
Autre, non pas, mais ce meismes (le
Roman de la Rose),soit l’absence d’un
-s désinentiel :
Nuncerent vos cez paroles meïsme [Ils
vous adressèrent ces paroles mêmes]
(la Chanson de Roland, 204).
Au XVIIe s., l’adverbe prenait encore l’-s :
Mesmes quand la mer est calme, à
peine y peut-on travailler (Vaugelas).
Et Vaugelas proposait qu’on distinguât
l’adverbe par la présence ou l’absence d’-s
selon qu’il suivait un nom singulier ou
pluriel, donnant pour exemple :
Les choses même que je vous ai dites me
justifient assez,
et la chose mêmes que je vous ai dite, etc.
Thomas Corneille rejeta mêmes adverbe ;
l’Académie déconseilla de le placer après
le nom comme Vaugelas l’avait fait dans
ces exemples, où il se confond avec
l’adjectif.
« QUI », « QUEL », « OÙ », etc.
Qui répété a la valeur indéfinie dans des
textes comme :
Qui casse le museau ; qui, son rival
éborgne... (M. Régnier, Satire X).
Les mots interrogatifs qui, quoi, lequel
(pronoms), quel (adjectif), où (adverbe)
prennent une valeur indéfinie dans deux
sortes d’emploi :
•1° Précédés d’un verbe exprimant
l’indétermination :
Je ne sais qui/quoi/lequel/quel/où ; on
ne sait qui/ quoi/lequel/quel/où ; Dieu
sait qui/quoi/lequel/quel/ où, etc.
Tu es l’égal de n’importe qui (Gyp).
Ce mariage, c’était un point de
départ vers elle ne savait quelle vie
(Mauriac).
D’autres mots interrogatifs reçoivent des
emplois analogues :
Il viendra je ne sais quand.
Elle dépense Dieu sait combien.
Ils vivent on ne sait comment ;
• 2° Suivis d’une proposition relative au
subjonctif introduite par que, ils expriment l’indétermination « concessive » :
Qui que tu voies ; quoi que tu fasses ;
quel que tu sois ; où que tu ailles, etc.
Lequel des deux qui vienne, qu’il
vienne seul (Rousseau).
Après quel, le verbe de la relative est toujours attributif :
Quel qu’il puisse être/paraître.
Les séquences qui que ce soit, quoi que ce
soit, où que ce soit ont été grammaticalisées en pronoms et adverbes indéfinis :
Ne dis rien à qui que ce soit.
On reconnaît une valeur indéfinie voisine dans le pronom quiconque et l’adjectif quelconque, dont les constructions
sont très différentes.
Quiconque est normalement sujet d’une
proposition relative à l’indicatif sans
antécédent :
Arrêtez quiconque passera.
La langue moderne admet aussi son emploi comme pronom indéfini substituable
à quelqu’un :
Défense absolue de parler à quiconque (A. Daudet).
Quelconque est l’adjectif correspondant ;
il se place après le nom :
Montez dans un wagon quelconque.
On a vu plus haut qu’il peut avoir le sens
et les constructions d’un adjectif qualificatif ; une valeur dépréciative s’attache
souvent à la position de quelconque entre
l’article et le nom :
Il a été attaqué par de quelconques
voyous (Malraux).
HISTORIQUE
L’emploi indéfini de qui répété est ancien :
Chascuns a point [a éperonné] qui
cheval qui destrier (le Couronnement
de Louis, 1504).
Il a pu naître d’un emploi adverbial de
que... que :
Il furent bien quinze mil, que petit
que grant (Villehardouin),
remontant au latin qua.. qua (Plaute,
Cicéron) :
Qua dominus, qua advocati, sibilis
conscissi (sunt) [Tant le maître des
jeux que ses acolytes ont été sifflés]
(Cicéron, lettre à Atticus).
Que... que disparaîtra après le XVIe s.,
mais qui.. qui se maintiendra en français
littéraire.
Les séquences grammaticalisées comme
(je) ne sais qui/quoi/ quel sont naturelles
et d’ailleurs anciennes en français, sans
qu’on soit obligé d’invoquer le modèle
latin nescio quis.
Les propositions relatives indéfinies
existaient au Moyen Âge (v. CONCESSION, art. spécial) ; le jeu des deux
pronoms y était plus libre et plus varié
qu’aujourd’hui, puisqu’on rencontre qui
qui, que que, liquels que, combien que,
com(ment) que, quant que. La nuance
concessive semble absente quand le
mode est l’indicatif, comme il arrive
dans les vieux textes :
Cui que il vuelt maintenir et aidier,
Nuls nel porra honir ne vergoignier
(le Couronnement de Louis, 577-8).
La valeur indéfinie qui subsiste est donc
attachée à la répétition du relatif, repris
sous une forme généralement indifférenciée (que), mais qui peut être qui (sujet ou
cas régime pour cui) :
Chi chi se doilet, a nostr’os est il goie
[Qui que ce soit qui s’en attriste,
pour nous il y a de la joie] (Vie de
saint Alexis, 503).
Damourette et Pichon ont interprété le
premier pronom comme un interrogatif
(parce qu’il peut être comment, combien
et quel, mais non comme ni dont), et le second comme la conjonction que, béquille
du subjonctif : quoi que vous mangiez
s’expliquerait par une « interrogation non
résolue » : que vous mangiez... quoi ?
En fait, comme et dont étaient aussi bien
interrogatifs que relatifs en ancien français, et on lit dans le Roman de Thèbes (v.
2118) : Com loing que la riviere seit...
Mais l’hypothèse de Damourette et Pichon est démentie par deux faits :
— Qui en seconde place n’est pas sans
exemple (v. plus haut) ;
— La béquille du subjonctif n’apparaît
qu’au XIIIe s., c’est-à-dire bien après la
construction qui que, présente dès les
premiers textes.
La meilleure interprétation est celle qui
donne le premier pronom pour un indéfini en construction absolue, le second
pour un relatif de fonction indifférenciée
dans la quasi-totalité des cas — la marque
de fonction syntaxique étant portée par
l’indéfini et le rôle de ligature étant assumé par le relatif seul.
C’est l’avis de G. Moignet qui, dans son
Essai sur le mode subjonctif (1959), rapproche pertinemment ces relatives à pronom complexe de relatives à antécédent
substantif indéterminé, comme :
Ja mes ne serai conneüz [reconnu]
en leu ou aie esté veüz (le Roman de
Renart).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2569
L’indicatif est préféré au subjonctif quand
l’indétermination fait place à la totalité :
Sempre fist bien ou que il pod (Vie de
saint Léger, 40).
Ce mode est normal après quant que
(de quantum quod) :
Je vos otri quanque m’avez ci quis
[Je vous octroie tout ce que vous
m’avez demandé ici] (la Chanson de
Roland, 3202).
Est-il légitime de parler, pour l’ancien
français, d’une série de mots indéfinis
qui, que, quoi (pronoms), quel (adjectif),
où (adverbe), etc., ou doit-on penser que,
dès cette époque, l’unité morphologique
qui que, quoi que, etc., était réalisée ?
Elle l’était depuis le latin si l’on en croit
L. Foulet (Romania, 1918), qui voit dans
quiqui, quique, queque l’aboutissement
des pronoms latins concessifs quisquis,
quidquid, etc. Des inscriptions attestent
la confusion en latin vulgaire de quisquis
et quisque (« chaque ») :
Quisque Manes inquetaberit habebit
illas iratas
[Quiconque troublera les Mânes
s’attirera leur colère] (Pouzzoles).
Que cette filiation soit exacte ou non,
on ne peut manquer d’apercevoir une
différence catégorique entre le pronom
latin exprimant l’indétermination par la
répétition de quis ou quid et le pronom
français dont le second élément, invariable, tend à s’identifier à la conjonction
polyvalente que (cf. De Boer, Revue de
linguistique romane, 1928 ; Weerenbeck,
Romania, 1936). Ce que à effet concessif a
pu s’employer par analogie après où, com,
combien et après quel, dont il est séparé
dans les plus vieux textes :
Ainz le desir mout a savoir,
Quel duel que je en doie avoir (Chrétien de Troyes, Yvain).
Molière écrit encore en quel lieu que
ce soit, et le tour se conservera dans la
langue littéraire.
Certaines créations analogiques, ainsi
que la graphie séparée, ordinairement
observée au Moyen Age, de qui que, quoi
que, légitiment amplement la conception
d’une valeur indéfinie des pronoms qui et
quoi, sous-jacente à leurs emplois interrogatifs et relatifs (v. INTERROGATIF, RELATIF, art. spéciaux), remontant à l’indoeuropéen, et restée pure dans les relatives
indéfinies.
L’indétermination pouvait être soulignée par l’emploi de mots comme onques
(onkes), « jamais », dont la valeur était
celle de l’anglais ever dans la série whoever (quiconque), wherever (où que ce
soit), etc. :
Cui qu’il onkes en attaingnoit
Trestut le cors li purfendoit (Brut).
On rencontre anciennement les séquences ki ki unques, qui unques, qui
qu’onques ; la dernière, grammaticalisée,
sera écrite quiconque sous l’influence du
pronom concessif latin quicumque (qui
ne peut être un étymon phonétique) :
Quiconques trouveroit Phelippe
d’Artevelle, on li donroit dis frans
(Froissart).
Avec assez de vraisemblance, Nyrop
(G. H. L. F., § 449) voit dans quiconque
un mot savant altéré par l’étymologie
populaire, puis rapproché de son modèle
ancien. La séparation même (ou tmèse)
des éléments avait des modèles en latin :
cui pol cumque occasio est (Plaute), qui
le cumque manent casus (Virgile). Le cas
de quelconque, qui rejoint formellement
qualiscumque, est analogue :
An quel leu que il onques aut
[En quelque lieu qu’il aille jamais]
(Yvain, 5803).
Quel c’onques voie que je tiegne
(Perceval, 7016).
La soudure morphologique des éléments
autorise la répétition de que dans ce dernier exemple, et l’autorisera encore au
XVIe s. :
Il n’y a nul conseil ne parlement ny
assemblée, quel-conque qu’elle soit,
qui n’ait son président (Calvin).
Les graphies kékonk (Baïf), queconque
(Rabelais) attestent une prononciation
invariable, conforme à l’invariabilité originelle de quel (lat. qualis) en genre. Dans
les graphies quelzconques et quelleconque
admises par Palsgrave, il faut voir des
réfections savantes sans existence orale.
Le mot, à cette époque, était adjectif ou
pronom.
L’emploi comme adjectif indéfini pur
et simple, non suivi d’un verbe, peut
résulter d’une ellipse, ou plutôt de l’imitation d’une construction semblable de
qualiscumque :
Sin qualemcumque locum sequimur...
[Mais si nous cherchons le premier
endroit venu] (Cicéron).
La même construction était admise en
latin pour quicumque employé comme
adjectif ; de là, sans doute, des phrases
telles que :
Depuis ce temps caphart quiconques
n’est auzé entrer en mes terres
(Rabelais).
Cet emploi, plutôt qu’une ellipse, serait
finalement à l’origine de l’emploi de quiconque comme pronom indéfini sans
verbe (v. plus haut) qui apparaît (très
rarement) au XVIIe s. :
Une envie de railler de toutes choses
et de quiconque (Bourdaloue).
FAMILLE DE « QUELQUE »
• Quelque, adjectif, suffit à l’actualisation du nom, auquel il donne un sens
indéterminé.
Au singulier, il est propre à la langue littéraire, et fait porter l’indétermination :
—soit sur l’identité si la substance
est « nombrière » (V. ARTICLE, art.
spécial) :
Il s’en approcha, avec l’espoir
que cette cabane était habitée
par quelque pieux anachorète
(A. France) ;
— soit sur la quantité si la substance est
« massière » (ibid.) :
Il s’est comporté avec quelque
courage !
La langue commune ne connaît cet emploi que dans la locution quelque temps.
Mais, au pluriel, quelques est d’un usage
courant ; il précède les noms de substances nombrières, et fait porter l’indétermination sur l’identité tout en exprimant le petit nombre :
Quelques voyous font irruption dans
la chambre de la reine (J. Delteil).
La valeur numérale subsiste seule :
—si quelques accompagne un nom
déterminé :
Je n’ai pas pu placer mes quelques
mots d’italien ;
— s’il est intégré à une indication de
nombre :
J’ai soixante et quelques (mille)
francs.
J’ai soixante (mille) francs et
quelques.
De ces emplois est à rapprocher l’emploi
adverbial de quelque, invariable, dans la
langue littéraire au sens d’« environ » :
Elle a quelque trente ans,
et dans la locution quelque peu.
Que l’indétermination porte sur l’identité ou sur le nombre, quelque laisse
entendre que la prise en compte de l’une
ou de l’autre est sans importance — d’où,
selon Damourette et Pichon (§ 2810), la
nuance de petite quantité.
La même nuance s’observe dans les emplois littéraires concessifs de quelque en
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2570
liaison avec qui ou que suivi du subjonctif
(V. CONCESSION, art. spécial) :
À quelque page que vous ouvriez le
livre.
Quelques efforts que vous fassiez.
Quelque nombreux qu’ ils soient.
Quelque adjectif et adverbe est à distinguer de quel attribut + que, suivi d’un
verbe attributif au subjonctif (v. plus
haut) :
Quels que soient les humains, il faut
vivre avec eux (Gresset).
Toute faute, quelle qu’ elle soit, peut
être rachetée.
• Quelqu’un, au singulier, employé
sans antécédent, est masculin et signifie
« une personne quelconque (homme ou
femme) » :
Je suis amoureux de quelqu’un
(S. Guitry).
Il a pris par litote une valeur emphatique
en fonction d’attribut :
C’était quelqu’un, Adrien Bertrand
(Fr. Carco).
L’usage littéraire admet quelqu’un ou
quelqu’une au singulier représentant un
antécédent animé ou inanimé exprimé
par un complément (quelqu’un de nous
trois, quelqu’une de ses fantaisies) ou par
en (Donnez-m’en quelqu’une).
Au pluriel, quelques-uns se rencontre
sans antécédent au sens de « quelques
hommes » :
Quelques-uns préfèrent Corneille à
Racine.
Mais, dans l’usage normal, quelques-uns
et quelques-unes représentent des noms
de personnes ou de choses présents dans
le contexte ; une valeur numérale (« un
petit nombre ») s’associe à la valeur indéfinie et la domine :
J’ai des pastilles pour la toux, en
veux-tu quelques-unes ?
Au singulier comme au pluriel, quelqu’un
admet une épithète indirecte (v. ÉPITHÈTE, art. spécial) :
Je connais quelqu’un de haut placé.
J’en ai quelques-unes de neuves.
La construction directe est cependant
permise dans quelqu’un (d’)autre.
•Quelque chose n’a jamais d’antécédent ; pendant neutre de quelqu’un, il signifie « une chose quelconque » ; comme
quelqu’un, il reçoit en position d’attribut, dans l’usage familier, une valeur
emphatique :
Pour la faire changer d’avis, c’est
quelque chose !
L’épithète est indirecte, et au masculin :
quelque chose de beau.
Quelque chose d’autre est le plus souvent
remplacé par autre chose :
Il faut que ce quelque chose soit autre
chose qu’une chose renouvelée des
Grecs (Musset, Lettres de Dupuis et
Cotonet).
HISTORIQUE
Quelque est issu de quel.. que.
Le rapprochement était normal dans les
phrases où quel était attribut :
queus [= quelle] qu’ele soit (Chr. de
Troyes, Cligès).
quel que il l’ait (Chr. de Troyes, Erec).
D’où une hésitation entre quel part qu’ il
alt et quel que part il alt ou, avec répétition de que, quelque part qu’ il alt.
En quel que liu que jes [je les] trouvaisse (Chr. de Troyes, Perceval).
De quelque terre que il fussent (Villehardouin, § 205).
La formule était généralisée à la
Renaissance.
La conception de l’élément séparé que
comme un pronom relatif restait si nette
à l’époque classique qu’on pouvait lui
faire exprimer la fonction grammaticale
en employant à cette place qui, dont, où :
Quelque indignation dont leur coeur
soit rempli
[c’est-à-dire : « De quelque indignation
que... »] (La Fontaine).
De là l’emploi de quelque adjectif
fini sans que, soit par ellipse du
la proposition, soit sur le modèle
lisque, forme rare de qualiscumque
était construit de même en latin :
indéreste de
de quaqui
Et cil se lieve a quel que peine
[Et celui-ci se lève, avec quelque peine
que ce soit] (Perceval).
Employé devant un adjectif, quelque
devint un adverbe (quelque riches qu’ils
soient) dont l’invariabilité en nombre
fut érigée en règle par Vaugelas (II, 56),
qu’approuva l’Académie (Observations) ;
l’invariabilité en genre était originelle.
Baïf écrivait kéke la prononciation invariable de son temps, et Restaut, en 1730,
recommanda de prononcer kèk.
Vaugelas donnait aussi le mot pour adverbe, et invariable, devant un nom de
nombre (quelque cinq cens hommes) ;
avant lui, il pouvait prendre l’-s adverbial.
Quelqu’un, composé de quelque et un,
n’apparaît qu’au XIVe s., et prend la
place de aucun, de plus en plus réservé
aux contextes négatifs (v. plus loin) ; au
XVIe s., il était prononcé kékun (Baïf).
L’homologue neutre de aucun (aliquem
unum) était en ancien français auque(s)
[de aliquid + s adverbial], vite adverbialisé, et dont l’emploi ne dépassa pas le
XIVe s. Son principal concurrent avait été
rien(s), qui, comme aucun, fut progressivement réservé aux contextes négatifs (v.
plus loin). On usait aussi de chose sans
article :
Comment celui [à celui-ci] envoierai
Chose de quoi puist avoir aise ?
(le Vair Palefroi).
Chose fut également limité aux contextes
négatifs, où on le rencontre encore au
XVIIe s. :
Chose ne leur parut à tous plus salutaire (La Fontaine, Fables, II, II).
La séquence quelque chose était préférée
en contexte positif ; au XVIe s., elle constituait un véritable pronom, admettant une
épithète directe au féminin (accordée
avec chose) :
S’il n’y avoit quelque chose mauvaise
dedans (Du Vair),
mais une épithète directe au masculin,
comme un pronom neutre :
Quelque chose de bon (Du Bellay,
Lettres).
Au début du XVIIe s., le féminin prédomine encore :
Je vous voulois tantôt proposer
quelque chose ;
Mais il n’est plus besoin que je vous
la propose,
Car elle est impossible (Corneille, le
Menteur).
Vaugelas admettait selon les constructions le neutre et le féminin, en laissant
décider l’« oreille ». Th. Corneille exigera
le neutre, approuvé par l’Académie.
« CERTAIN », « TEL »
Certain et tel peuvent être adjectifs. Employés dans des conditions formelles souvent identiques à quelque, ils expriment
des nuances différentes de la désignation
des éléments ; comparer :
1. Jacques demanda quelques livres,
2. Jacques demanda certains livres ;
3. Jacques demanda tels livres.
En 1, l’identité des livres est donnée pour
totalement indifférente (ad libitum) ; le
narrateur l’ignore ou la juge sans importance pour son propos.
En 2, il est suggéré que les livres ne sont
pas n’importe lesquels : la liste des titres
accompagnait la demande de Jacques ; le
narrateur la connaît peut-être, mais elle
alourdirait sans utilité son propos.
En 3, il est spécifié que l’identité des livres
doit jouer un rôle essentiel dans le récit,
mais cette indication générale suffit, sans
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2571
rattachement plus précis au réel évoqué ;
comparer :
Il m’a convoqué pour tel jour à telle
heure ;
Il m’a convoqué pour mardi à seize
heures.
Certain, dans la langue commune d’aujourd’hui, s’emploie :
— sans article au pluriel seulement ;
—avec l’article indéfini seulement au
singulier ; il prend alors une valeur atténuative (une certaine hardiesse), qui peut
être ironique (un certain âge), ou se charger de nuances qualitatives (« Un certain
sourire », de Fr. Sagan) ; employé paradoxalement devant un nom propre, il
souligne, ou suggère intentionnellement,
l’obscurité (un certain Bonaparte).
La place avant le nom distingue nettement tous ces emplois de la valeur qualificative (« sûr », « tenu pour vrai »),
qui exige la postposition : une nouvelle
certaine.
Tel s’emploie aux deux nombres ; associé à l’article indéfini, il prend la valeur
quantitative ou comparative : une telle
hardiesse, une hardiesse telle.
Certain et tel peuvent être pronoms.
Le premier est alors au pluriel, généralement au masculin :
Certains ont tous les talents
(Jouhandeau).
Je ne puis partager l’indignation de
certains (Gide).
Selon le contexte, certains représente
un antécédent ou signifie « certains
hommes ». M. Grevisse a relevé quelques
emplois du féminin :
Mariette ne conserve pas tout, comme
certaines (Hervé Bazin).
Tel pronom sans article est littéraire, il se
conserve dans les proverbes :
Tel est pris qui croyait prendre.
La langue commune emploie Un tel :
monsieur Un tel, madame Une telle. Mais
l’usage parlé le remplace de plus en plus
par X (Y, Z), symboles algébriques de
même valeur (les lettres a, b, c, etc., répondraient plutôt à la valeur de certains).
HISTORIQUE
Certain vient du bas latin *certanus,
dérivé de l’adjectif certus (anc. franç.
cert), « décidé », « sûr », généralement
qualificatif, mais dont quelques emplois
très classiques faisaient le concurrent de
quidam : certo die [à un jour fixé] ; certi
homines [certains hommes] (Cicéron).
C’est probablement dans la langue juridique que certain a développé son emploi
« indéfini » :
S’il laisse et testament a une certaine
personne dix livres (Ph. de Beaumanoir, XIIIe s.)
Au XVIIe s., il était adjectif indéfini au
singulier comme au pluriel : certain
renard gascon (La Fontaine). La règle
moderne le plaçant avant ou après le nom
selon son sens n’était pas rigoureusement
appliquée :
Vous savez, Iris, de certaine science
(La Fontaine).
Au pluriel, il pouvait être précédé de l’article sous la forme de, tour conservé dans
la langue littéraire :
De certains rires sonnent bête,
comme une pièce sonne faux
(Goncourt).
Tel, du latin talis, opposait primitivement
surtout une forme en -s (tels, d’où tieus,
refait en tels), sujet singulier ou régime
pluriel, à une forme sans -s (tel, de talem
et de *tali), régime singulier ou sujet pluriel ; un datif telui, analogique de celui,
est rarement attesté. Des formes féminines tele, teles, analogiques des adjectifs biformes, s’observent dès le XIIe s.
Des composés itel, autel (ali + talem),
autretel, de sens comparatif, avaient disparu au XVIe s. (quoique mentionnés par
Palsgrave).
« ON »
Le pronom on a le statut distributionnel
des pronoms personnels sujets : il peut
occuper la place du pronom il : il vient/
on vient.
Il est remplacé facultativement par l’on
dans la langue littéraire après et, ou, où,
qui, que, quoi, si, lorsque, et dans d’autres
cas où aucune raison d’« euphonie » ne
peut jouer :
Si l’on veut ; ce que l’on veut.
L’on comprend que lorsqu’il se tait,
c’est pour penser (Gide).
Sa fonction propre est d’exprimer la personne générale :
Ce qu’on aime dans un livre, c’est ce
qu’on y trouve se rapportant à soi
(Gyp).
On lui fait aussi désigner une ou plusieurs
personnes dont on ne peut ou ne veut pas
préciser l’identité :
Je suis sûr qu’on a marché dans
l’escalier (Maupassant).
Dans tous ces cas, il compte pour l’accord comme un masculin singulier : Ces
jours-là, on est désoeuvré ; à moins que
le jugement énoncé ne concerne que les
femmes :
Quand on est jalouse, on ne raisonne
pas.
Dans les textes suivants, il remplace
je et vous en évitant par délicatesse ou
par dignité la désignation directe de la
personne :
On vous épousera, toute fière que l’
on est (Marivaux).
Eh bien ! petite, est-on toujours
fâchée ? (Maupassant).
Dans ce cas, on le voit, les adjectifs ou
participes sont accordés selon le sens.
Dans la langue parlée, pour une simple
raison d’économie morphologique, on
remplace nous :
« On s’en va ensemble ? » demanda le
forgeron, tout fier de son nouvel ami
(H. Bordeaux).
Le verbe est toujours au singulier, mais
attributs ou participes sont accordés
comme avec nous :
Jeanne et moi, on est cousines.
Aux fonctions autres que sujet, le rôle de
on est joué par nous ou par vous, ou par se
et soi dans l’emploi réfléchi :
La liberté nous est nécessaire à tous.
Quand on se plaint de tout, il ne vous
arrive rien de bon (J. Chardonne).
HISTORIQUE
On, pronom indéfini, vient du latin
hŏmo, nom commun ; son vocalisme
s’explique par l’absence d’accent dans
la fonction pronominale préverbale ; la
forme accentuée uem se relève d’ailleurs
souvent à côté de on. Quand le cas régime
ome (hominem), nom commun, a reçu
définitivement l’h de son étymon latin
évident, on, pronom indéfini, l’a définitivement abandonné.
Comme substantif, on pouvait être précédé de l’article défini, qui l’actualisait
sans lui donner obligatoirement un sens
particulier :
Andromacha apelot [appelait] l’om
La femme Hector [d’Hector] par son
dreit non (Benoît de Sainte-Maure).
Cet emploi de l’article résolut longtemps
(facultativement) le problème de l’hiatus dans les séquences comme dira l’on
(Montaigne), où le t ne fut introduit dans
la graphie qu’au XVIIe s. (V. EUPHONIE,
art. spécial).
Vaugelas a consacré à définir les conditions d’emploi et d’exclusion de l’on plusieurs remarques se terminant par des
réserves prudentes : « ce n’est pas une
faute que d’y manquer », « il n’y aura pas
grand mal » ; l’Académie rejeta carrédownloadModeText.vue.download 20 sur 1066
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2572
ment l’on du début des phrases et déclara
« affecté » l’emploi systématique de si l’on
pour si on.
Une forme (l’)en alternait en ancien français avec (l’)on :
Mout deit l’en bien sofrir d’Amor (le
Roman d’Eneas).
Elle est expliquée :
— soit par la délabialisation de la voyelle
[ɔ̃] dans l’emploi proclitique, comme chalongier a donné chalengier ;
— soit par une simplification dialectale
de la diphtongue [yɛ̃] en [ɛ̃], d’où [ɑ̃].
Chez Molière, où elle apparaît une fois,
cette forme n’est plus qu’un dialectalisme
de la servante Martine :
Hélas, l’an dit bien vrai (les Femmes
savantes, II, V).
L’emploi de homo comme pronom indéfini, qu’ignorait le latin classique, se
retrouve au Moyen Âge en provençal, en
italien, en espagnol et en portugais ; il ne
s’est conservé qu’en français et en catalan. Certains estiment que les langues
romanes l’ont emprunté au français, où
il serait un calque du mot germanique
man, qui était à la fois un nom et un pronom respectivement comme Mann et
comme man en allemand moderne.
On se plaît à rapprocher une phrase des
Serments de Strasbourg (842) :
Si cum om per dreit son fradra salvar
dift [Comme on doit en toute justice
aider son frère],
de la version germanique du même
serment :
Sôsô man mit rehtû sinan bruodher
scal.
Peut-être le superstrat francique a-t-il
joué un rôle important dans la conservation de on, mais l’emploi d’homo comme
pronom semble attesté en latin dès le IVe s.
dans la Peregrinatio Aetheriae et dans un
sermon de saint Augustin (354-430).
On ou l’on restera longtemps à la limite
entre nom et pronom ; comparer :
Sainz Boneface que l’um [l’on] martir
apelet (Vie de saint Alexis, 566).
Hum qui la vait repairier ne s’en puet
[Homme qui va là ne peut en revenir] (la Chanson de Roland, 293).
Les emplois figurés de on pour je ou
toi (vous) dans la langue littéraire s’expliquent par la métaphore ; on en rencontre à toute époque. L’emploi populaire
de on pour nous pose plus de questions.
L’usage généralisé qu’en fait le canadien
parlé atteste son existence au moins dès
le début du XVIIe s. Un passage du Miracle de Notre-Dame le montre vivant au
XIVe s. (G. Moignet, le Pronom personnel
français, 1965) :
La ou on le visitera
Moy et vous, chascune sepmaine.
Dans plusieurs dialectes, le sujet on peut
être suivi de la première personne du
pluriel :
On aurions tort (Mystère du Vieil
Testament, XVe s.).
« PERSONNE », « RIEN », « AUCUN », « NUL »,
etc.
• Les pronoms personne et rien, toujours
au singulier, expriment l’idée de « personne » et de « chose » avec la quantité
zéro :
— Soit avant ou après ne + verbe :
Personne/Rien ne manque.
Je ne vois personne/rien.
Je n’ai vu personne/ Je n’ai rien vu.
Leur épithète est construite indirectement et au masculin :
Je ne connais personne/rien de plus
beau.
La préposition est facultative avec autre :
personne/rien (d’)autre ;
— Soit en l’absence de verbe, sans ne :
« Qui manque-t-il ? — Personne. »
« Que manque-t-il ? — Rien. »
Rien sans ne se rencontre aussi dans certaines phrases positives après pour, sans
et de :
Nous avons fait tout cela pour rien.
La guerre nous a laissés sans rien.
Il épouse une fille de rien.
Personne peut être suivi d’un nom ou
pronom définissant le référentiel : personne de/d’entre nous ; après rien, le
pronom jouant ce rôle ne peut être que
neutre : rien de tout cela.
Les deux mots sont compatibles avec certains adverbes « négatifs » comme plus,
jamais, mais non avec pas et point (v.
NÉGATION, art. spécial).
Les deux mots se rencontrent au sens
positif de « quelqu’un », « quelque chose »
en français littéraire dans des contextes
interrogatifs ou dubitatifs :
Est-il personne qui danse mieux ?
Si vous connaissez rien de meilleur,
dites-le-moi.
Après la conjonction de sens négatif
sans que, la substitution de quelqu’un ou
quelque chose est plus ou moins licite :
Venez sans que personne/quelqu’un
vous voie.
Venez sans qu’il soupçonne rien/
quelque chose.
Personne peut être un nom, de genre
féminin, variable en nombre, et de sens
positif :
Deux personnes sont venues.
Rien peut être un nom, de genre masculin, variable en nombre et signifiant « une
très petite chose » :
les Petits Riens, de Mozart.
Rien du tout, désignant une personne
ou une chose de très peu de valeur, peut
recevoir le genre féminin :
Je n’ai pas voulu avoir l’air d’une rien
du tout (S. Guitry).
• Aucun est le plus souvent adjectif et exprime la quantité zéro pour le nom, qu’il
précède à l’exclusion de tout article ; il est
précédé ou suivi de ne dans les mêmes
conditions que personne et rien :
Je ne lis aucun roman.
Aucun roman ne m’intéresse.
Aucune difficulté pour sortir.
Il n’est mis au pluriel que devant un nom
sans singulier :
Vous n’aurez aucuns frais.
Il peut être pronom, avec antécédent :
J’ai là trois cents romans, (dont)
aucun ne m’intéresse.
Quand l’antécédent est en, l’épithète peut
être directe ou indirecte :
Je n’en ai aucun (de) bon.
Aucun pronom se présente au pluriel sous
la forme d’aucuns signifiant « quelques
personnes », conservée en français littéraire ou populaire :
Et d’aucuns ne peuvent s’empêcher de
s’écrier... (H. Barbusse).
Aucun a le sens positif dans les mêmes
contextes que personne et rien :
Je doute qu’aucun/un de vous
réussisse.
• Nul appartient à la langue littéraire,
où il exprime très fortement la négation.
Comme adjectif indéfini, il s’emploie de
la même manière qu’aucun :
Je n’ai nulle envie de le lire.
Mais il ne prend jamais le sens positif.
Comme pronom, il peut avoir un antécédent ou prendre le sens de personne (en
fonction de sujet seulement) :
Nul ne peut se vanter de se passer des
hommes (Sully Prudhomme).
• On peut classer avec les mots négatifs
la locution grand-chose, qui ne s’emploie
que dans un contexte négatif en fonction
autre que sujet :
Je ne lui reproche pas grand-chose.
Elle ne fait pas grand-chose de bon.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2573
HISTORIQUE
Nemo et nihil n’ont pas de descendants
français.
C’est seulement vers 1400 que le nom personne (lat. persona, « personnage ») est
devenu pronom indéfini. Le sens général
de « personne humaine » était exprimé
jusque-là non seulement, au cas sujet, par
on, mais aussi par creature, par âme, qui
s’est cantonné dans les contextes négatifs
et interrogatifs :
« À qui avez-vous parlé ? — À âme »
(Maupas ; exemple supprimé de sa
grammaire en 1638),
et par cors d’ome, que le même sort
attendait :
Corps d’homme n’étoit avec moi
(Scarron).
Au XVIIe s., on discutait sur le genre de
personne pronom ; Vaugelas conseillait :
Je ne vois personne si heureux que
lui,
mais Je ne vois personne si heureuse
qu’elle.
Thomas Corneille et l’Académie exigèrent, dans le second cas, l’emploi d’un
mot qui fît de personne un nom (aucune
personne, point de personne).
L’histoire de rien et de ses concurrents a
été faite par Robert Martin en 1966. Le
mot remonte au latin rĕm (« chose ») et,
précédé ou non de l’article (féminin), présenta le sens positif de « chose » pendant
toute la période de l’ancien français :
Donc li remembret de son seignour
celeste
Que plus at chier que lote rien terrestre (Vie de saint Alexis).
Par verté vous di une rien
(Continuation de Perceval, XIIIe s.).
Il désignait aussi les femmes, avec une
nuance affective qui n’excluait pas le
respect :
Ala s’en la seintisme rien (Adgar,
Légendes de Marie, XIIe s.).
Mais son sens général le fil cantonner
dans certains contextes particulièrement
négatifs :
Ge ne vi rien (la Mort le Roi Artu,
XIIIe s.),
et interrogatifs :
Veïstes vos ore ici riens de cest appareill ? (ibid.).
L’imprégnation de valeur négative se
manifestera par l’incompatibilité avec
d’autres mots négatifs :
— Au XIVe s., R. Martin a relevé plus souvent la séquence nulle rien (42 fois) que
nulle chose (39) ; au XVe s., nulle chose
l’emporte à 22 contre 7 ;
— Jusqu’au XVIIe s., l’association avec pas
n’inverse pas le sens de rien :
Ne m’en puez pas rien retenir
(Eneas).
On ne veut pas rien faire ici qui vous
déplaise (Racine, les Plaideurs).
Mais Martine se verra semoncée par les
« femmes savantes » pour l’avoir employé
(acte II, sc. VI) :
De pas mis avec rien tu fais la
récidive
Et c’est, comme on t’a dit, trop d’une
négative.
Le tour ce n’est pas rien signifiant « c’est
quelque chose » est mentionné par Oudin
(1632), qui le condamne.
Le plus sérieux concurrent de rien
comme pronom négatif était neient
(noient, nient, noiant), conservé sous
la forme, d’ailleurs ancienne, néant, et
qu’on explique par ne gentem, « pas de
gens » (avec un glissement des personnes
aux choses inverse de celui qu’on observe
pour rien). Incluant étymologiquement la
négation, neient, à la différence de rien,
pouvait être employé sans ne :
Por noient demandast on home plus
richement vestu (Villehardouin,
§ 185).
Mais la négation se rencontre par redondance dès les plus anciens textes ; les deux
tours se côtoient dans le vers suivant :
Noient dient, car noient n’ont (Raoul
de Houdenc).
Après le Moyen Âge, néant est devenu un
nom.
Un autre concurrent, giens (de genus,
« genre, espèce ») fut réduit comme rien
aux contextes négatifs, mais disparut au
XVe s.
L’adjectif négatif latin était nullus, qui
s’est conservé : masc. nus, nul, nul, nus,
datif nului ; fém. nule, nules, dat. nuli. Le
datif, employé comme régime renforcé,
se rencontre jusqu’au XVIe s.
Nulluy hayr, nul diffamer
(O. Maillart, XVe s.).
Sans parler a nulluy ni nul a elle
(Marguerite de Navarre).
Nul s’emploie souvent sans ne au XVIe s. et
encore au XVIIe :
Nulle prison m’a reçu (Montaigne).
Il faut voir là une imitation du latin.
En fait, dès l’ancien français, la négation ne s’était imposée, au point que nul
prenait en l’absence de ne la valeur positive justifiée pour personne et rien par
l’étymologie :
Mais comment osa nus ce dire ?
À l’époque moderne, nul s’est vu relégué
dans l’usage littéraire. Il avait dès l’ancien
français de nombreux concurrents : neul,
niul (de nec ullum), neun (de non unum),
necun, negun (de neque unum), nesun,
nisun (de ne ipsum unum). Un seul a survécu, éliminant jusqu’à nul : aucun, essentiellement positif par son origine (*alicunu, de aliquem [quelqu’un] + unum).
Comme nul, aucun se déclinait et avait
un datif (rare), alcunui ; il s’employait au
pluriel et pouvait en ce cas, dans son sens
positif originel, être précédé de l’article :
Les aucuns sont mors et roidis
(Villon).
Cette séquence se trouve encore chez La
Fontaine, ainsi que le pluriel sans article :
Plusieurs avoient la tête trop menue,
Aucuns trop grosse, aucuns même
cornue (Fables, VI, VI).
Les deux tours ont disparu devant d’aucuns, qui pouvait alors être adjectif :
Ce que d’ aucuns maris souffrent
paisiblement (Molière).
« PLUSIEURS », « MAINT(S) »
On a vu plus haut que certains adjectifs
ou pronoms indiquant le nombre ont été
classés dans les indéfinis ; outre quelques,
étudié plus haut, ce sont essentiellement
en français moderne :
— plusieurs, qui peut être adjectif ou pronom, et indique un nombre supérieur à
un, pratiquement un petit nombre :
Avez-vous un ou plusieurs enfants ?
Plusieurs, mécontents, ont voté contre
le bureau ;
— maint(s), du registre littéraire, seulement adjectif, qui indique un grand
nombre, au singulier ou au pluriel sans
distinction de sens :
Il revint nous voir mainte(s) fois.
HISTORIQUE
Complures, en latin classique, exprimait
comme adjectif ou pronom l’idée d’un
bon nombre. Le latin vulgaire employa
au même sens le simple plures, comparatif de multi, qui prit par redondance
une seconde marque de comparatif :
pluriores, d’où *plusiores par croisement
avec plus ; la forme pluisors, issue de là,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2574
reprit au XIIe s. la terminaison -ieur des
comparatifs comme antérieur, inférieur.
Précédé de l’article en ancien français,
plusieurs était pronom et signifiait « la
plupart » :
De ses barons tout li pluisor
Se baptierent a cel jor
(Floire et Blancheflor).
Maints peut remonter phonétiquement
à magnos (K. Togeby, Festschrift Harri
Meier, 1971) ; maint et mainte(s) auraient été refaits sur ce pluriel. Beaucoup
d’autres étymologies ont été proposées
(cf. C. A. Robson, Revue de linguistique
romane, juill.-déc. 1968) pour expliquer
la relation apparente avec le gallois cy
maint, « autant » (base celtique *manti ?)
et avec l’allemand manch, l’anglais many,
le danois maengde, le suédois mängd
signifiant « quantité » (base germanique
*manigitho ?).
L’explication de maints par magnos suppose un glissement sémantique de la
grandeur au nombre ; or, ce glissement
s’est produit pour tant, du latin tanti, « si
grands », substitué en latin vulgaire à tot,
« si nombreux » :
Tanz bons vassals veez gesir par tere !
(la Chanson de Roland, 1694).
Même glissement pour quanti : tantes et
quantes fois ; et pour aliquanti, « assez
grands », devenu alquant :
Alquant i vont, alquant se font porter (Vie de saint Alexis).
Li auquant dient qu’ele est fuie fors
de la terre, et li auquant dient que li
quens Garins de Biaucaire l’a faite
mordrir (Aucassin et Nicolette).
Le glissement se produit pour l’adjectif grands lui-même dans ce passage de
Villehardouin :
Endroit avoit l’empereres Alexis
atorné granz genz qui saldroient par
trois portes fors (§ 177).
Le fait que maint puisse exprimer la pluralité au singulier comme au pluriel a un
précédent en latin, où les poètes remplaçaient multi milites par multus miles ; le
pluriel multi a d’ailleurs fourni au français un adjectif concurrent de maints :
Par multes terres fait querre sun
amfant (Vie de saint Alexis).
Molt (mout) avait pour antonyme poi,
« peu » (lat. pauci) ; tous les deux seront éliminés comme adjectifs par les
adverbes correspondants : mout/peu de
chevaliers.
« TOUT »
Tout exprime la totalité aussi bien dans
le nombre que dans l’unité ; les différences de sens ressortent du contexte
sémantique ou sont marquées par la
construction.
I. ADJECTIF.
Devant un nom au pluriel, il s’agit nor-
malement du nombre ; tous ou toutes est
suivi d’un déterminant : tous les pays
/ tous mes costumes ; celui-ci manque
dans quelques locutions : à tous égards, à
toutes fins utiles.
Devant un nom au singulier de sens
nombrable, tout peut désigner encore la
totalité des éléments d’un ensemble ; il
précède alors directement le nom :
Tout pays a un gouvernement.
Tout costume se compose de deux
pièces.
Que le sens du nom au singulier soit
nombrable ou continu, tout exprime la
totalité dans l’unité s’il est suivi d’un
déterminant :
Tout le pays est en émoi.
Tout le beurre est à jeter.
Tout mon costume est taché de boue.
II. PRONOM.
Au singulier, tout est un pronom neutre :
Tout est raté. Elle s’occupe de tout.
Au pluriel, tous et toutes désignent la
totalité des éléments nommés par un
antécédent :
Regardez ces bêtes : toutes sont
malades.
Il peut être employé absolument :
N’espérez pas l’approbation de tous.
Dans ce sens, il est ordinairement remplacé par tout le monde.
III. ADVERBE.
La nature adverbiale de tout ne fait pas de
doute quand il renforce un adverbe ou un
groupe nominal de sens adverbial : tout
simplement, tout à l’heure, tout à fait,
tout de suite, tout de même ; ni devant un
gérondif : tout en rêvant.
Elle pose un problème lorsque tout précède un adjectif ou un participe comme
dans la phrase suivante :
Mon costume est tout taché de boue.
On peut estimer que tout, dans cette
phrase, délimite la portion de l’ensemble
désigné par costume, à laquelle s’applique
la qualité dénotée par le participe ; cette
phrase ne diffère que par la place de tout
de la phrase donnée plus haut, où tout
adjectif précédait mon costume.
Une équivalence du même ordre apparaît
dans les deux phrases suivantes :
a) Toutes ces bombes sont
désamorcées ;
b) Ces bombes sont toutes
désamorcées.
Mais, dans la phrase b, toutes exprime
manifestement le nombre de bombes désamorcées, tandis que tout devant taché
en vient à exprimer un degré de la qualité
que dénote le participe ; dans de tels emplois tout, adjectif éloigné du nom, prend
une valeur d’adverbe de quantité. La règle
est de le laisser invariable quand il a cette
fonction devant un adjectif ou participe
au masculin ; on distingue ainsi :
Mes costumes sont tous tachés (adjectif, « sans exception ») ;
Mes costumes sont tout tachés
(adverbe, « tout à fait »).
Devant un adjectif ou un participe féminin, on accorde tout si l’adjectif ou le participe commence par une consonne ou
par un h aspiré :
deux robes toutes tachées, la chienne
toute haletante.
Mais la règle veut qu’on ne l’accorde pas
devant un adjectif ou un participe commençant par une voyelle ou un h muet :
une robe tout abîmée, des herbes tout
humides.
L’observation de cette règle illogique est
sans importance, puisque l’accord de tout
en fait un adjectif se rapportant au nom
sans grande modification de sens :
Ma robe est toute abîmée ; une robe
toute abîmée.
La même latitude peut être laissée quand
tout est suivi d’un groupe nominal à valeur adjective :
une tenture tout / toute de travers,
ou d’un nom sans article dans des expressions comme :
elle est tout / toute oreilles.
Pratiquement, la règle d’invariabilité est
abondamment violée dans le meilleur
usage moderne (M. Grevisse, dans le
Bon Usage, cite des infractions de Duhamel, Huysmans, André Thé-rive, Proust,
Maurois, entre bien d’autres).
IV. NOM.
Tout précédé de l’article est un nom :
Ces trois romans font un tout.
Vendez-moi le tout.
V. HISTORIQUE
Le latin classique distinguait par l’opposition omnis/tōtus la totalité dans le
nombre ou dans le continu. Mais, dans
certaines expressions, le latin parlé
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remplaçait omnis par totus : totis horis
(Plaute), totis noctibus (Cicéron).
Totus élimina omnis, au moins en Gaule ;
un redoublement expressif le transforma
en tōttus (attesté), à partir duquel s’explique la déclinaison ancienne : masc.
sing. toz, tot, masc. plur. tuit, toz, fém.
sing. tote, fém. plur. totes ; le cas sujet
pluriel tuit remonte à tutti, forme attestée
au glossaire de Cassel, où l’o de tottī s’est
fermé en u sous l’influence de l’i final.
Des formes renforcées trestoz, etc., se
rencontrent jusqu’au XVIe s.
Dès l’origine, tout est pronom aussi bien
qu’adjectif :
Quant Carles veit que tuz li sunt
faillid (la Chanson de Roland, 3815).
Vint as Franceis, tut lur a acontet
(ibid., 1038).
Adjectif, il se construisait de deux façons :
•1° Le plus souvent, il précédait (quelquefois, il suivait) un groupe nominal
déterminant + nom :
tut l’aveir de Rume [toutes les
richesses de Rome] (la Chanson de
Roland, 639), tuit si per [tous ses
pairs] (ibid., 306), a tute vostre vie
[pour toute votre vie] (ibid., 212),
tute la noit [toute la nuit] (ibid.,
2644).
Puis monta sa mesniee lote (Erec).
Si baron tuit s’esmerveillierent
(Roman de Rou).
Dans ces différents cas, tout pourrait
être inexprimé : le nom avec son déterminant définit un ensemble aux limites
claires ; tout ne fait qu’insister sur une
détermination achevée, et c’est pourquoi
il ne s’insère pas entre le déterminant et
le nom (G. de Poerck et M. Van Hoorenbeeck, les Congrès de l’université de Liège,
vol. 36, 1966).
•2° Il pouvait aussi tenir lieu de déterminant, marquant alors au pluriel une
totalité très générale :
sur tuz homes, tuz dis, tuz temps,
tutes teres ;
il le pourra encore au XVIe s. :
Que non seulement il nous face cette
grace, mais à tous peuples et nations
de la terre (Calvin).
La langue moderne conserve un bon
nombre de locutions ainsi construites :
de toutes manières, à toutes fins utiles, à
tous égards, en tous points.
Au singulier, son sens était ambigu ; ou
bien il marquait comme totus la totalité
dans le continu : tute jur [toute une journée], tute noit [toute la nuit] ; ou bien il
était au pluriel tuit ce qu’en latin omnis
était à omnes, une simple variante morphologique, comme dans ces vers de la
Chanson de Roland :
Dist al paien : « Deus tut mal le
consente ! »
[Il dit au païen : « Que Dieu t’octroie tous
les maux ! »] (1632).
Mult est pesmes Rollant,
Ki tute gent [toute nation] voelt faire
recreant [soumise] (392-3).
C’est avec raison que l’arrêté ministériel
du 26 février 1901 permettra d’écrire
sans différence de sens :
de toute (ou toutes) manière(s), en
tout (ou tous) point(s), à tout (ou
tous) peuple(s) et toute (ou toutes)
nation(s), etc.
Le glissement de l’emploi adjectival à
l’emploi adverbial s’observe dès la Chanson de Roland, où tout devant un adjectif
s’accorde le plus souvent avec le nom (set
anz tuz pleins, lor espees tutes nues), mais
reste une fois invariable :
Rollant s’en turnet, par le camp vait
tut suls (2184),
comme il l’est devant un adverbe :
tut premereins, tut issi.
Ces diverses particularités, à part la posposition de tout, subsisteront au XVIIe s.,
et particulièrement l’accord de tout de-
vant un adjectif ou participe féminin et
pluriel quelle que soit sa lettre initiale :
Que les mauvais désirs demeurent
tous puissants (Corneille).
Toute innocente et chaste qu’elle est
(Balzac).
Vaugelas accepta l’accord au féminin
(elles sont toutes étonnées), mais le refusa au masculin : ils sont tout rompus. Il
n’osait aller plus loin contre l’usage pour
marquer une nuance plus souvent illusoire que réelle.
L’usage oral permettait cependant
d’étendre l’invariabilité devant les mots
à initiale vocalique, où l’élision confondait tout et toute(s) ; l’Académie s’en avisa
et donna à la règle sa forme définitive.
Quelques raffinements ultérieurs — trop
subtils pour l’usage courant — ont été
rendus caducs par l’arrêté du 26 février
1901, qui autorise tout Rome ou toute
Rome, Je suis tout à vous ou Je suis toute
à vous.
« CHACUN », « CHAQUE »
Chacun, pronom, ne s’emploie qu’au
singulier ; il a la valeur du symbole de
« quantification universelle » écrit ! en
logique fonctionnelle : il marque que le
fait énoncé concerne individuellement
tout élément d’un ensemble défini par
ailleurs :
Il a acheté une maison à chacun de
ses enfants.
Chaque est l’adjectif correspondant, qui
n’a pas non plus de pluriel :
Le candidat a écrit à chaque électeur.
Chacun et chaque sont quelquefois appelés « distributifs » parce qu’ils suggèrent
l’idée de « un par un » :
« Présente le plat à chaque invité. »
Aussi sont-ils employés dans la langue familière après la préposition entre, qui implique la conception de deux éléments :
Entre chacune de ses phrases
(Th. Gautier).
Entre chaque tilleul (Diderot).
Chaque étant adjectif, c’est un abus,
condamné par Littré, mais très répandu
dans l’usage courant, de l’employer absolument dans les précisions distributives
comme :
Ces romans valent quatre francs
chaque.
Trois secteurs, trois jours dans
chaque (M. Genevoix).
Dans tous ces cas, chacun peut être employé sans affectation.
HISTORIQUE
Trois mots signifiaient « chacun » et
« chaque » en ancien français :
1° Cescun, dérivé de *cesque, venu du
latin quisque (chacun, chaque) après dissimilation du qu initial en c, comme dans
cinq, de quinque ;
2° Chaun (Serments de Strasbourg : in
cadhuna cosa), remontant à (unum) cata
unum [(un) par un], expression du sabir
méditerranéen calquée sur le grec hena
kat’hena ;
3° Chascun ou chescun, résultant du croisement des deux premiers, et, comme
eux, pronom ou adjectif :
Chascuns portout [portait] une
branche d’olive (la Chanson de
Roland, 303).
Kar chascun jur de mort s’abandunet
(ibid., 390).
Chasque, fait dès le XIIe s. sur chascun
d’après le modèle quelque/quelqu’un, ne
deviendra usuel qu’au XVe s.
L’expression un chacun, peut-être dialectale et sans doute conservée depuis l’oridownloadModeText.vue.download 24 sur 1066
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2576
gine, se rencontre jusqu’au XVIIe s. dans
l’usage littéraire :
Hautement d’un chacun elle blâme la
vie (Tartufe).
La ressemblance sémantique de tout et
de chacun a fait créer jadis la locution
redondante tout chacun :
Dont le discours parfait à tout chacun fait croire... (Malherbe),
et tout un chacun, que conservent la
langue juridique et la langue populaire :
T’es bousculé et pigné par tout un
chacun et tu gênes tout un chacun
(H. Barbusse).
indéfiniment [ɛ̃definimɑ̃] adv. (de
indéfini ; 1501, R. Et. Rab. [V, 166], écrit
indefinemment [indéfiniment, 1568, R. Et.
Rab., II, 181], aux sens I, 1-2 ; sens I, 3, 1873,
Larousse ; sens II, 1607, Maupas).
I.1.Sans limite définie dans l’espace :
Une plaine qui s’étend indéfiniment à
l’horizon. Ϧ 2. Sans limite définie dans
le temps : Ajourner quelque chose indéfiniment. Des collignons [= des cochers]
qui [...] vous roulent indéfiniment dans
des chemins impossibles en clignant de
l’oeil (France). Rose et Denis n’entendirent
plus que des hoquets et ce mot répété indéfiniment d’un ton presque tendre, pressé,
suppliant, persuasif (Mauriac). Ϧ 3. Sans
limite définie en quantité : On ne peut
laisser se multiplier indéfiniment les
foyers de pollution.
II. En grammaire, avec une valeur
d’indétermination : Terme employé
indéfiniment.
• SYN. : I, 1 à l’infini ; 2 continuellement,
éternellement, perpétuellement, sans fin.
indéfiniser (s’) [sɛ̃definize] v. pr. (de
indéfini ; fin du XIXe s.). Littér. Prendre
un caractère indéfini, vague, indistinct :
Ouvrez, les gens, je suis la pluie, | je suis la
veuve en robe grise | dont la trame s’indéfinise, | dans un brouillard couleur de suie
(Verhaeren).
indéfinissable [ɛ̃definisabl] adj. (de
in- et de définissable ; 1731, Voltaire, au
sens 1 ; sens 2, 1770, Raynal ; sens 3, av.
1857, Musset). 1. Que l’on ne peut définir : Qu’est-ce que la réalité ? se demande
le philosophe, et qu’est-ce que la liberté ? Il
se met dans l’état d’ignorer l’origine à la
fois métaphorique, sociale, statistique de
ces noms, dont le glissement vers des sens
indéfinissables va lui permettre de faire
produire à son esprit les combinaisons les
plus profondes et les plus délicates (Valéry).
Ϧ 2. Que l’on ne peut décrire, expliquer ou
exprimer avec précision, dont on ignore
la signification exacte : Le mal du pays,
ce regret indéfinissable de la patrie (Staël).
« Cette pauvre Nanon ! » Son exclamation
[au père Grandet] était toujours suivie d’un
regard indéfinissable que lui jetait la vieille
servante (Balzac). Une couleur indéfinissable (Hugo). Ϧ 3. Se dit d’une personne
dont la nature, le caractère véritable est
difficile à pénétrer ou à définir : Je connais
ces êtres charmants et indéfinissables [les
femmes] (Musset). Un homme indéfinissable ; et par extens. : Ce coeur même qui est
le mien me restera à jamais indéfinissable
(Camus).
• SYN. : 2 confus, indescriptible, indéterminable, indicible, ineffable, inexprimable,
vague ; 3 fuyant, impénétrable, inexplicable,
insaisissable, mystérieux, secret.
& n. m. (XXe s.). L’indéfinissable, ce qui est
indéfinissable : Quand on est dans l’indéfinissable, les mots reçoivent trop leur lumière
du présent (Estaunié).
indéfinissablement [ɛ̃definisabləmɑ̃]
adv. (de indéfinissable ; 1925, A. Gide). De
façon indéfinissable, vague, confuse.
indéfinité [ɛ̃definite] n. f. (dér. savant de
indéfini ; 1823, Boiste). Caractère de ce qui
est indefini (peu usité) : Du bout de la main
gauche jusqu’à cette indéfinité au loin de
la main droite (Claudel).
indéfinitude [ɛ̃definityd] n. f. (dér. savant
de indéfini ; milieu du XXe s.). En philosophie, caractère de ce qui est indéfini.
indéformabilité [ɛ̃defɔrmabilite]
n. f. (dér. savant de indéformable ;
1948, Larousse). Caractère de ce qui est
indéformable.
indéformable [ɛ̃defɔrmabl] adj. (de in- et
indéformable [ɛ̃defɔrmabl] adj. (de in- et
de déformer ; 6 févr. 1875, le Temps [rame
indéformable, 1962, Larousse]). Qui ne peut
être déformé : Un chapeau indéformable.
ϦSpécialem. Rame indéformable, rame
de chemin de fer qui conserve toujours
la même composition en wagons ou en
voitures, généralement pour assurer un
service de navette.
indéfrichable [ɛ̃defriʃabl] adj. (de in- et
de défricher ; 1779, Restif de La Bretonne).
Qui ne peut être défriché : Un terrain
rocailleux, indéfrichable.
indéfriché, e [ɛ̃defriʃe] adj. (de in- et
de défriché, part. passé de défricher ; 1840,
Acad.). Qui n’a pas encore été défriché :
Plusieurs hectares indéfrichés.
• SYN. : en friche, incultivé, vague, vierge.
— CONTR. : cultivé, défriché.
indéfrisable [ɛ̃defrizabl] adj. (de in- et
de défriser ; 1845, Bescherelle [au fig., av.
1885, V. Hugo]). Qui ne peut être défrisé :
Une mise en plis indéfrisable. Le bélier le
plus bouc, le plus indéfrisable (Giraudoux) ;
et au fig. : Une grande dame sèche, maigre,
laide, coquette, laquelle avait quelque chose
d’indéfinissable dans le regard et d’indéfrisable dans le tour (Hugo).
& n. f. (1931, Larousse). Ondulation, frisure
durable des cheveux, obtenue par la réaction chimique d’un liquide sur les mèches
roulées en papillotes : Faire une indéfrisable
à chaud.
• SYN. : permanente.
indégonflable [ɛ̃degɔ̃flabl] adj. (de in- et
de dégonfler ; 1871, Almanach Didot-Bottin,
p. 1047). Qui ne peut se dégonfler.
indéhiscence [ɛ̃deisɑ̃s] n. f. (de indéhiscent ; 1808, Boiste). En botanique, caractère
de ce qui est indéhiscent.
indéhiscent, e [ɛ̃deisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de inet de déhiscent ; 1808, Boiste). Se dit, en
botanique, d’un fruit qui ne s’ouvre pas
spontanément : Les baies, les drupes, sont
des fruits indéhiscents.
indélébile [ɛ̃delebil] adj. (lat. indelebilis,
ineffaçable, de in-, préf. à valeur négative,
et de delebilis, qu’on peut détruire, dér. de
delere, effacer, détruire, anéantir ; début
du XVIe s., au sens 2 ; sens 1, 1541, Calvin
[pour de l’encre, 1835, Acad. — indeleble,
forme plus pop., 1551, Pontus de Tyard]).
1. Que l’on ne peut pas effacer : Une encre
indélébile. Figurez-vous un long bâtiment
tout en rez-de-chaussée, sans fenêtre,
éclairé seulement d’en haut par un vitrage
au plafond et parfumé d’une odeur indélébile, le collodion et l’éther, car il avait servi
autrefois aux préparations photographiques
(Daudet). Ϧ 2. Fig. Qu’il est impossible de
faire disparaître : Une habitude indélébile.
Une fois marqués, une fois immatriculés, les
espions et les condamnés ont pris, comme
les diacres, un caractère indélébile (Balzac).
• SYN. : 1 inaltérable, ineffaçable ; 2 éternel, immortel, immuable, impérissable,
indestructible.
indélébilement [ɛ̃delebilmɑ̃] adv. (de
indélébile [v. ce mot] ; 1775, Turgot [indeleblement, forme plus pop., 1551, Pontus de
Tyard]). De façon indélébile : Les tatouages
sont indélébilement marqués dans la peau.
indélébilité [ɛ̃delebilite] n. f. (dér. savant
de indélébile ; v. 1780 [d’après Féraud, 1787],
au sens de « indissolubilité [du mariage] » ;
sens actuel, 1803, Boiste). Caractère de ce
qui est indélébile.
indélibéré, e [ɛ̃delibere] adj. (de in- et
de délibéré, d’après le bas lat. indeliberatus,
indélibéré, du lat. class. in-, préf. à valeur
négative, et deliberatus, tranché, décidé,
part. passé adjectivé de deliberare, faire une
pesée dans sa pensée, réfléchir mûrement,
décider, de de-, préf. à valeur intensive, et de
libra, livre [poids], balance ; 1677, Bossuet).
Class. Qui n’est pas réfléchi, voulu, prémédité : Le changement le plus essentiel que
le péché ait fait dans notre âme, c’est qu’un
attrait indélibéré du plaisir sensible prévient
tous les actes de nos volontés (Bossuet).
indélicat, e [ɛ̃delika, -at] adj. (de in- et de
délicat ; 1787, Féraud, au sens 1 [pour ce qui
manifeste un manque de délicatesse, 1803,
Mme de Staël] ; sens 2, 1957, Robert [pour ce
qui témoigne un manque d’honnêteté, av.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2577
1924, A. France]). 1. Se dit de quelqu’un qui
manque de délicatesse dans les sentiments,
les procédés, les manières : Ces plaisanteries sont d’un homme indélicat. ϦSe dit
de ce qui manifeste un manque de délicatesse : Un procédé indélicat. Une démarche
indélicate. Ϧ 2. Se dit de quelqu’un dont la
conduite est plus ou moins malhonnête :
Il s’est montré indélicat en affaires. Ϧ Se
dit de ce qui témoigne un manque d’honnêteté : Commettre un geste indélicat. Qui
vous répondra de la probité de ce Samuel
Ewart ? S’il gardait tout pour lui, ce serait
bien indélicat de sa part, mais bien déplaisant pour vous (France).
• SYN. : 1 fourbe, fruste, grossier, muf le
(fam.), rustre ; 2 déloyal, goujat, malhonnête, véreux.
indélicatement [ɛ̃delikatmɑ̃] adv. (de
indélicat ; 1843, Landais). De façon indélicate : Mais tout cela ne faisait que rendre
plus nécessaire de parler enfin sérieusement
à Albertine afin de ne pas agir indélicatement (Proust).
indélicatesse [ɛ̃delikatɛs] n. f. (de indélicat, d’après délicatesse ; 1807, Mme de Staël,
au sens 1 [« acte, procédé indélicat », 1867,
Littré] ; sens 2, 1922, Larousse [aussi « acte
malhonnête »]). 1. Absence de délicatesse
morale voisine de la goujaterie : Faire
preuve d’indélicatesse. ϦActe, procédé
indélicat : Une telle insistance est une indélicatesse. Ϧ 2. Malhonnêteté : On l’a mis à
la porte lorsqu’on s’est aperçu de son indélicatesse. Ϧ Acte malhonnête : De ce fait,
il apparaissait que Maurice vivait dans le
désordre, faisait des dettes, était sur le point
de commettre des indélicatesses (France).
• SYN. : 1 grossièreté, impolitesse, muflerie
(fam.) ; crasse (fam.), entourloupette (fam.),
impertinence, vacherie (pop.) ; 2 malhonnêteté ; escroquerie, filouterie, friponnerie.
indélivrable [ɛ̃delivrabl] adj. (de in- et
de délivrer ; av. 1890, Maupassant, aux sens
1-2). 1. Qui ne peut être rendu libre : Un prisonnier indélivrable. Ϧ2. Qui ne peut être
débarrassé de quelque chose d’obsédant :
Captive indélivrable des ironies rongeuses
(Maupassant).
indémaillable [ɛ̃demajabl] adj. (de in- et
de démailler ; 1948, Larousse, au sens 1 ;
sens 2, 1962, Larousse). 1. Qui est tissé de
telle sorte que les mailles ne filent pas si
l’une d’entre elles se défait : Des bas indémaillables. Ϧ2. Se dit du métier chaîne sur
lequel se fabrique le tissu de cette sorte.
& n. m. (1957, Robert). Tissu ainsi obtenu :
Du linge en indémaillable.
indémêlable [ɛ̃demɛlabl] adj. (de in- et
de démêler ; av. 1848, Chateaubriand, au
sens 1 ; sens 2, 1888, A. Daudet). 1. Dont
les divers éléments ne peuvent être démêlés, isolés (au pr. et au fig.) : Des écheveaux
embrouillés et indémêlables. La tête remplie
de rêves obscurs, indémêlables reflets de la
boue maternelle (Chateaubriand). Ϧ 2. Fig.
Dont la complexité ne peut être analysée
en des éléments nettement distincts : Une
impression indémêlable de logique et d’incohérence (Bourget).
• SYN. : 1 indébrouillable, inextricable ;
2 confus, inanalysable, indécomposable.
indemne [ɛ̃dɛmn] adj. (lat. indemnis, qui
n’a pas éprouvé de dommage, de in-, préf.
à valeur négative, et de damnum, détriment, tort, préjudice ; 1384, Runkewitz,
écrit indampne [indemne, début du XVIe s.],
au sens de « exempt de toute redevance » ;
sens 1, 1549, R. Estienne ; sens 2, XVe s.,
Godefroy [écrit indamne — indemne, 1867,
Littré ; « dont l’intégrité morale n’est pas
atteinte », milieu du XXe s.] ; sens 3, 1885,
Zola). 1. Vx. En droit, qui n’a pas subi de
dommage ou qui est dédommagé. Ϧ2. Qui
n’a pas éprouvé de dommage physique : Je
me suis tiré indemne de l’accrochage et j’ai
tapé dur (Aymé). Ϧ Dont l’intégrité morale
n’est pas atteinte : Sortir indemne d’une
vilaine affaire. Ϧ 3. Qui n’est pas atteint
par une contagion : Richard trouvait qu’il
ne fallait rien pousser au noir et que la
contagion d’ailleurs n’était pas prouvée
puisque les parents de ses malades étaient
encore indemnes (Camus). Ϧ Fig. Qui n’est
pas influencé par un mouvement d’opinion : Le travail n’avait repris nulle part.
Au contraire, la grève s’était aggravée [...] ;
à Saint-Thomas, jusque-là indemne, des
hommes manquaient (Zola).
• SYN. : 2 sain et sauf.
indemnisable [ɛ̃dɛmnizabl] adj.
(de indemniser ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). Qui peut ou doit être
indemnisé : Un propriétaire exproprié
par l’État est indemnisable. Des réfugiés
indemnisables.
indemnisation [ɛ̃dɛmnizasjɔ̃] n. f. (de
indemniser ; 1754, Formey, I, 253). Action
d’indemniser ; paiement d’une indemnité :
L’indemnisation des dommages corporels.
Avoir droit à une maigre indemnisation.
indemniser [ɛ̃dɛmnize] v. tr. (de indemne,
d’après le lat. indemnis [v. INDEMNE] ; 1465,
Bartzsch). Donner à quelqu’un une compensation financière des torts, des pertes,
des frais qu’il a subis : Indemniser des
sinistrés. Un rapport destiné à édifier sur
la valeur de l’immeuble le conseil nommé
par l’administration de la Ville, à l’effet
d’indemniser les propriétaires expropriés
(France).
• SYN. : dédommager, désintéresser.
& s’indemniser v. pr. (1678, La Fontaine).
Par iron. Se donner à soi-même un dédommagement : C’étaient [le Chat et le Renard]
deux vrais tartufs, deux archipatelins, |
Deux francs patte-pelus, qui, des frais du
voyage, | Croquant mainte volaille, escroquant maint fromage, | S’indemnisaient
à qui mieux mieux (La Fontaine). Je crois
que je vivrai triple pour m’indemniser de
mon horrible jeunesse et de ces vingt ans
de travail, où il n’y a eu que vous pour me
faire accepter la vie (Balzac).
indemnitaire [ɛ̃dɛmnitɛr] n. (de
indemnit[é] ; 1832, Raymond, au sens
1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. En termes de
droit, personne à qui une indemnité
est due. Ϧ 2. Spécialem. S’est dit, sous la
Restauration, des émigrés qui touchèrent
une indemnité pour leurs biens confisqués
sous la Révolution.
& adj. (31 juill. 1874, Gazette des tribunaux,
p. 728). Qui a le caractère d’une indemnité :
Une somme, une allocation indemnitaire.
indemnité [ɛ̃dɛmnite] n. f. (bas lat.
indemnitas, préservation de tout dommage,
salut, sûreté, indemnité, de indemnis [v.
INDEMNE] ; 1278, Godefroy, écrit endempnitat, au sens de « compensation » ; 1367, Dict.
général, écrit indemnité, au sens de « droit
qu’ on paie au seigneur féodal quand un fief
tombe en main-morte » ; sens 1, 1549, R.
Estienne [indemnité de guerre, 1957, Robert
— indemnité, même sens, 1878, Larousse ;
indemnité journalière, 1962, Larousse] ;
sens 2, 1867, Littré [indemnité de résidence,
1957, Robert] ; sens 3, av. 1850, Balzac
[indemnité parlementaire, 1907, Larousse
— indemnité, même sens, 1893, Dict.
général ; indemnité, « traitement annuel
des membres du Directoire et de ceux du
Corps législatif », 1795, d’après Larousse,
1873]). 1. En droit, somme d’argent accordée à quelqu’un en réparation d’un dommage subi : Accorder une indemnité aux
personnes spoliées. Recevoir une indemnité
d’expropriation. Les projets de ton père,
continua Mme de Malivert, tiennent à cette
loi d’indemnité dont on nous parle depuis
trois ans (Stendhal). Ϧ Indemnité de guerre,
indemnité imposée par le vainqueur au
vaincu pour le dédommagement des frais
et des préjudices causés par les hostilités.
ϦIndemnité journalière, en termes de
législation sociale, allocation versée pour
chaque journée de repos consécutive à un
accident du travail, à une maladie ou à la
maternité. Ϧ 2. Somme d’argent accordée
aux salariés en compensation de charges
particulières : Une indemnité de transport, de travail insalubre. Ϧ Indemnité
de résidence, supplément alloué aux
fonctionnaires qui ne sont pas logés par
l’Administration ou par les collectivités
locales, variable selon le traitement et
les zones de salaires. Ϧ 3. Rémunération
découlant d’un travail supplémentaire ou
temporaire : Nous donnons à chaque médecin une indemnité de trois mille francs par
an pour s’occuper de nos pauvres (Balzac).
Ϧ Indemnité parlementaire, émoluments
des membres du Parlement.
•SYN. 1 compensation, dédommagement, dommages-intérêts, réparation ;
2 allocation.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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indémontable [ɛ̃demɔ̃tabl] adj. (de in- et
de démontable ; début du XXe s., au sens 2 ;
sens 1, 1948, Larousse). 1. Qui ne peut être
démonté ou séparé d’un ensemble complexe : Une serrure rouillée qui est indémontable. Ϧ Dont on ne peut défaire toutes les
parties : Un jouet indémontable. Ϧ 2. Qui
ne peut être démonté, renversé de sa monture : Moins jeune que le roi Melchior, le roi
Gaspard n’était pas, comme lui, un archer
émérite et un écuyer indémontable (H. de
Régnier).
indémontrable [ɛ̃demɔ̃trabl] adj. (lat.
impér. indemonstrabilis, qui ne peut être
démontré, du lat. class. in-, préf. à valeur
négative, et du lat. impér. demonstrabilis,
qui peut être démontré, dér. du lat. class.
demonstrare, faire voir, désigner, expo-
ser, de de-, préf. à valeur intensive, et de
monstrare, faire connaître, désigner, avertir ; 1726, Dictionnaire néologique [un premier ex. à la fin du XVIe s.]). Qui ne peut
être démontré par un raisonnement ; qui
est posé comme postulat : Il posa d’abord
l’excellence « a priori » d’Odette [...]. La
révélation de ses vertus indémontrables, et
dont la notion ne pouvait dériver de l’expérience... (Proust).
•SYN. : improuvable, invérifiable.
— CONTR. : démontrable, prouvable,
vérifiable.
indémontré, e [ɛ̃demɔ̃tre] adj. (de in- et
de démontré, part. passé de démontrer, ou
du bas lat. indemonstratus, non démontré,
du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et
demonstratus, part. passé de demonstrare
[v. l’art. précéd.] ; 1845, Bescherelle). Qui
n’a pas encore été démontré : Une hypothèse
indémontrée.
indéniable [ɛ̃denjabl] adj. (de in- et de
dénier ; 1789, ZFSL, XXXV, 138). Que
l’on ne peut dénier ; qui est d’une certitude absolue, incontestable : Une preuve
indéniable. Sa guérison du moins était là,
indéniable, démontrable, miraculeuse assurément (Gide). C’est indéniable, concéda
Antoine. Père a trouvé dans sa foi un appui
sans pareil (Martin du Gard). Cela prouve
que, dans un monde où tout peut se nier, il
y a des forces indéniables et que, sur cette
terre où rien n’est assuré, nous avons nos
certitudes (Camus).
• SYN. : authentique, certain, évident, flagrant, formel, incontestable, indiscutable,
indubitable, irréfutable, manifeste.
indéniablement [ɛ̃denjabləmɑ̃] adv.
(de indéniable ; av. 1914, Péguy). De façon
indéniable : Il est indéniablement guéri.
• SYN. : incontestablement, indiscutablement, indubitablement, irréfutablement,
manifestement.
indénombrable [ɛ̃denɔ̃brabl] adj. (de inet de dénombrable ; XXe s.). Que l’on ne peut
dénombrer : Mussolini accumulait sur les
bords de la mer Rouge un matériel énorme,
indénombrable (Bernanos). La main [...]
procure à nos besoins, offre à nos idées une
collection d’instruments et de moyens indénombrables (Valéry).
• SYN. illimité, incalculable, incommensurable, infini, innombrable. — CONTR. :
borné, limité, modeste.
indentation [ɛ̃dɑ̃tasjɔ̃] n. f. (de in- et de
dent ; 1867, Littré). Échancrure qui semble
faite par un coup de dent : Les indentations
du littoral breton.
1. indenté, e [ɛ̃dɑ̃te] adj. (de in- et de
denté ; 1867, Littré). Feuille indentée, en
botanique, celle qui n’est pas dentelée.
2. indenté, e [ɛ̃dɑ̃te] adj. (de indentation ; milieu du XXe s.). Côte indentée, littoral découpé, présentant des échancrures
profondes.
indépassable [ɛ̃depasabl] adj. (de in- et
de dépasser ; 1886, Bloy). Qu’on ne peut
dépasser : Un coureur indépassable. Un
crédit budgétaire indépassable.
indépendamment [ɛ̃depɑ̃damɑ̃] adv.
(de indépendant ; 1630, Monet). Class. De
manière indépendante : La postérité de
Jacob [...] jouit indépendamment et paisiblement de la terre qui lui avait été assignée
(Bossuet).
& Indépendamment de loc. prép. (sens 1,
1675, Bossuet ; sens 2, av. 1778, Voltaire).
1. Abstraction faite de, mis à part : Cette
énorme et dangereuse puissance de la maison d’Orléans qui, indépendamment de
tant d’amitiés et de clientèles, par l’argent
seul [...] restait une royauté (Michelet).
Ϧ 2. Fam. En plus de, sans parler de :
Indépendamment du confort, le voyage en
avion offre l’avantage de la rapidité.
indépendance [ɛ̃depɑ̃dɑ̃s] n. f. (de indépendant ; 1630, Revue de philologie française [XLIII, 128], au sens I, 1 ; sens I, 2,
av. 1850, Balzac ; sens I, 3, 1669, Bossuet ;
sens I, 4-5, 1807, Mme de Staël ; sens II, 1,
1663, Corneille ; sens II, 2, 1690, Bossuet ;
sens II, 3, 1873, Larousse ; sens III, 1,
1630, Monet [en logique moderne, 1968,
Larousse] ; sens III, 2, av. 1922, Proust
[indépendance de charge, 1968, Larousse]).
I. 1. État de quelqu’un qui n’est lié à
personne ou à rien et dont la capacité
d’action est autonome : Celui qui règne
dans les cieux et de qui relèvent tous les
empires, à qui seul appartient la gloire, la
majesté et l’indépendance (Bossuet). Demain [...], il [l’auteur] sortira de cette foule
pour rentrer dans sa solitude, solitude
profonde [...] où il est seul avec sa pensée,
son indépendance et sa volonté (Hugo).
Ϧ Spécialem. État de quelqu’un qui subvient seul à ses besoins matériels : Indépendance financière. Son salaire lui assure une totale indépendance. Ϧ 2. Vx. Au
jeu de boston, action de faire seul un certain nombre de levées : Comment perdu ?
Eh oui, mon indépendance en coeur, cette
allumette de Desroches me fait toujours
perdre (Balzac). Ϧ 3. Caractère d’une personne qui ne supporte aucune contrainte
venant d’autrui : Faire preuve d’indépendance. Un esprit d’indépendance. Toutefois, dans ma première ardeur pour la
chasse, il entrait un fond d’indépendance ;
franchir les fossés, arpenter les champs,
les marais, les bruyères, me trouver avec
un fusil dans un lieu désert, ayant puissance et solitude, c’était ma façon d’être
naturelle (Chateaubriand). Ϧ 4. Attitude d’une personne qui ne se laisse pas
influencer et qui porte un jugement en
toute impartialité : L’indépendance d’un
critique. Ϧ5. Position de celui qui ne se
plie pas aux usages, aux règles établies,
au conformisme en art : L’indépendance
d’un peintre se heurte d’abord à l’incompréhension du public.
II. 1. État d’un pouvoir qui n’est pas soumis à un autre pouvoir : L’indépendance
du pouvoir judiciaire envers l’exécutif.
Ϧ 2. Autonomie politique, souveraineté
nationale : Un pays colonisé qui a conquis
son indépendance. Naguère encore, elle
[l’Angleterre] proclamait l’indépendance
des colonies espagnoles, en même temps
qu’elle refusait de reconnaître celle de la
Grèce... (Chateaubriand). Il [Gobseck]
n’était étranger à aucun des événements
de la guerre de l’indépendance américaine (Balzac). Ϧ3.Situation d’une
nation dont les décisions ne sont pas
influencées par des contraintes venant
de l’extérieur : L’intégration européenne
obligerait chaque nation participante à
renoncer à son indépendance politique et
économique.
III. 1. Absence de rapports entre plusieurs choses : L’indépendance de deux
phénomènes l’un par rapport à l’autre. Et
il se peut qu’une indépendance suffisante
s’observe entre ces métiers exercés par le
même... (Valéry). Ϧ En logique moderne,
caractère d’un système axiomatique
où chaque axiome n’est pas susceptible
d’être déduit des autres. Ϧ 2. Mise en
jeu d’un élément après l’avoir désolidarisé d’un autre : Mais la parfaite indépendance des muscles du visage, à laquelle
M. de Norpois était arrivé, lui permettait d’écouter sans avoir l’air d’entendre
(Proust). ϦIndépendance de charge, en
physique nucléaire, propriété des forces
nucléaires qui s’exercent indépendamment des charges électriques portées par
les particules en interaction.
• SYN. : I, 3 individualisme, indocilité,
liberté ; 4 non-conformisme. Ϧ II, 1 autonomie. — CONTR. : I, 1 assujettissement,
chaîne, dépendance, esclavage, lien, servitude ; 3 docilité, soumission ; 4 conformisme. Ϧ II, 1 dépendance, subordination.
indépendant, ante [ɛ̃depɑ̃dɑ̃, -ɑ̃t] adj.
(de in- et de dépendant ; 1584, Vaganay,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2579
au sens I, 1 [« se dit de la situation... »,
fin du XVIIe s., Saint-Simon] ; sens I, 2,
av. 1622, François de Sales [« qui est fait
librement... », 1807, Mme de Staël] ; sens I,
3, début du XIXe s., Mme de Staël ; sens II, 1,
1640, Corneille ; sens II, 2, 1651, Corneille ;
sens III, 1, 1636, Monet [pour une chambre,
1957, Robert ; proposition indépendante, ou
une indépendante, début du XXe s.] ; sens III,
2, 1636, Monet ; sens III, 3, 1968, Larousse).
I. 1. Se dit d’une personne qui n’est subordonnée à aucune autre et qui agit en toute
liberté : En se mariant à son gré, il sacrifiait l’avenir incertain d’un artiste indépendant aux devoirs coutumiers de la vie
conjugale (L. Descaves). Ϧ Spécialem. Se
dit d’une personne qui est en mesure de
subvenir seule à ses besoins. Ϧ Se dit de
la situation dans laquelle se trouve cette
personne : Mener une vie indépendante.
Exercer une profession indépendante.
Ϧ 2. Se dit d’une personne qui se refuse à
toute contrainte : Un enfant indépendant.
Un esprit indépendant. Un caractère
indépendant. Ϧ Qui est fait librement,
souverainement : Un choix indépendant,
une décision indépendante. Ϧ 3. Se dit de
ce qui est élaboré par un esprit agissant
en toute liberté : Les professeurs de notre
Université, qui enseignent la philosophie
indépendante et le spiritualisme chrétien
(France).
II. 1. Se dit d’une communauté ou d’un
pouvoir qui ne sont soumis à aucune
autorité extérieure : En France, l’Église
est indépendante de l’État. Ϧ 2. Qui jouit
de l’autonomie politique : Une nation
indépendante.
III. 1. Qui n’a aucun rapport avec autre
chose : Ces deux questions sont indépendantes l’une de l’autre. Ϧ Spécialem. Se
dit d’une pièce qui ne fait pas partie d’un
appartement ou qui en fait partie mais
qui en a été séparée par une cloison et
par une entrée distincte. Ϧ Proposition
indépendante, ou, substantiv., une indépendante, en grammaire, proposition
qui ne dépend d’aucune autre et dont
aucune ne dépend. Ϧ 2. Qui n’existe pas,
ne se réalise pas ou ne varie pas en fonction de quelque chose : Ô règle infaillible
descendue du ciel, toujours indépendante
des lieux, des temps, des nations, des intérêts (Massillon). Vous êtes à cette époque
de l’existence où l’on se choisit dans ses
rêves un avenir indépendant du présent
(Hugo). Ce plaisir du lecteur est entièrement indépendant du mal que nous avons
pris à lui faire un livre (Valéry). Ϧ 3. En
mathématiques, se dit d’une famille de
vecteurs qui ne sont liés par aucune relation linéaire homogène, et des vecteurs
qui composent cette famille.
• SYN. : I,1 libéré, libre ; 2 indocile, insoumis,
rétif. Ϧ II, 2 autonome, souverain. Ϧ III, 1
dissocié, distinct, séparé. — CONTR. : I, 1
assujetti, enchaîné, lié ; 2 docile, moutonnier, obéissant. Ϧ II, 1 inféodé, soumis,
subordonné ; 2 asservi, colonisé, sujet.
& adj. et n. m. (sens 1, 1872, Claretie,
[comme adj. ; 1792, Frey, comme n. m.,
pour désigner les membres d’une des factions de l’Assemblée] ; sens 2, 1884, d’après
Larousse, 1907). 1. Se dit des membres de
divers partis politiques de droite : C’est
en vain que tu dissimules les véritables
opinions sous les épithètes usurpées de
républicain indépendant (Larbaud). Les
indépendants se recrutent surtout dans la
bourgeoisie. Ϧ2. Se dit d’un artiste opposé
à l’art officiel, académique : La Société
des artistes indépendants. Le Salon des
indépendants.
& n. (1871, Zola). Personne qui aime l’indépendance : Cet enfant est un indépendant.
& indépendants n. m. pl. (adaptation de
l’angl. Independents, même sens, probablem. empr. du franç. indépendant ; 1669,
Bossuet). Secte politique et religieuse
anglaise, aux XVIe et XVIIe s.
indépendantisme [ɛ̃depɑ̃dɑ̃tism] n. m.
(de indépendant ; 1682, Bossuet, au sens 1 ;
sens 2, 1970, Robert [« revendication d’indépendances », av. 1778, J.-J. Rousseau]).
1. Au XVIIe s., position politique et religieuse des indépendants d’Angleterre :
La grâce de l’élection qu’on nous allègue
ne remédie point aux schismes, aux translations du ministère et à toutes les révolutions séditieuses qu’on peut attendre
de l’indépendantisme (Fénelon). Ϧ 2. Au
Canada, doctrine politique qui consiste à
revendiquer l’indépendance politique de
la province du Québec.
indépendantiste [ɛ̃depɑ̃dɑ̃tist] n. (de
indépendantisme ; 2 juin 1968, le Monde).
Partisan de l’indépendantisme, au Québec.
indéracinable [ɛ̃derasinabl] adj. (de inet de déraciner ; 1782, Mercier, au sens 1 ;
sens 2, av. 1896, Goncourt ; sens 3, 1862,
Fromentin). 1. Qu’on ne peut déraciner
(rare) : Un arbre indéracinable. Ϧ2. Fig.
et fam. Qu’on ne peut faire partir : Deux ou
trois ivrognes indéracinables (Goncourt).
Ϧ 3. Fig. Qu’on ne peut faire disparaître du
coeur ou de l’esprit : Un mot de Delozière
m’a ôté une anxiété sourde que je croyais
indéracinable (Chardonne). Tous les principes indéracinables et entêtés auxquels ses
épaules touchaient (Proust).
• SYN. : 3 indestructible, inextirpable,
tenace.
indéraciné, e [ɛ̃derasine] adj. (de in- et
de déraciné, part. passé de déraciner ; 1867,
Littré). Qui demeure enraciné : Des préjugés indéracinés.
indéréglable [ɛ̃dereglabl] adj. (de inet de dérégler ; 1922, Larousse). Dont le
réglage ne se dérange pas : Une horloge
électronique est indéréglable.
indescriptibilité [ɛ̃dɛskriptibilite] n. f.
(dér. savant de indescriptible ; 1970, Robert).
Littér. Caractère de ce qui est indescriptible : L’indescriptibilité des ravages de la
guerre atomique.
indescriptible [ɛ̃dɛskriptibl] adj. (de
in- et du lat. descriptum, supin de descri-
bere, transcrire, dessiner, exposer, déterminer, de de-, préf. à valeur intensive, et
de scribere, tracer, écrire, inscrire ; 1789,
d’après Mercier, 1801, au sens 1 ; sens 2,
1873, Larousse). 1. Se dit de choses qu’il
est impossible de décrire, en raison de
leur complexité : Un désordre indescriptible. Les choses, sans compter les hommes,
qui pourrissaient là [dans la cour d’une
auberge], qui s’y rouillaient, qui y moisissaient, étaient indescriptibles (Hugo).
Ϧ 2. Dont le degré, l’intensité dépassent
l’expression, très grand : Une joie indescriptible. Ne flattez pas le culte d’adjectifs
tels que indescriptible, inénarrable, rutilant,
incomparable, colossal, qui mentent sans
vergogne aux substantifs qu’ils défigurent
(Lautréamont).
• SYN. 1 indicible, inénarrable, inexprimable ; 2 délirant, démesuré, extraordinaire, ineffable, inimaginable, inouï,
insensé.
indescriptiblement [ɛ̃dɛskriptibləmɑ̃]
adv. (de indescriptible ; 1840, Acad.). D’une
manière indescriptible : Une foule indescriptiblement délirante.
indésirable [ɛ̃dezirabl] adj. et n. (de in- et
de désirable ; 1801, Mercier). Qui n’est pas
souhaité : Une présence indésirable. Des
complications indésirables.
& adj. et n. (francisation de l’angl. undesirable, peu désirable, peu souhaitable, et
[depuis le début du XXe s.] « indésirable », de
un-, préf. à valeur négative, et de desirable,
désirable, empr. du franç. désirable ; 1922,
Larousse — surtout pour une personne
expulsée du territoire national... [comme
n., 191 1, Bonnaffé — d’abord undesirable,
1905, Bonnaffé]). Se dit d’une personne
tenue à l’écart par un groupe, une communauté, ou une personne : Il paraît que
certains de ses amis lui ont fait sentir qu’il
était indésirable (Mauriac). Je ne tiens pourtant pas à ce qu’il me prenne pour un toqué
et un indésirable (Romains). Ϧ Spécialem.
Se dit d’une personne expulsée du territoire
national ou refoulée à la frontière.
indésiré, e [ɛ̃dezire] adj. (de in- et de
désiré ; début du XXe s.). Qui n’a pas été
désiré : Elle se persuada que cette soeur
indésirée lui serait une ennemie (Tinayre).
indestructibilité [ɛ̃dɛstryktibilite]
n. f. (dér. savant de indestructible ;
avr. 1737, Mémoires de Trévoux [p. 700],
au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Caractère de
ce qui est matériellement indestructible :
L’indestructibilité de la matière. Un caractère d’indestructibilité était écrit dans les
lignes droites (Gautier). Ϧ 2. Fig. À quoi on
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ne peut mettre fin : L’indestructibilité de
leur amitié.
indestructible [ɛ̃dɛstryktibl] adj. (de
in- et de destructible ; début du XVIIIe s.
[d’après Trévoux, 1771], au sens 1 [« qui
ne paraît pas pouvoir être détruit », 1770,
Raynal] ; sens 2, 1769, Voltaire). 1. Qui ne
peut pas être détruit : La matière est indestructible. ϦQui ne paraît pas pouvoir être
détruit : Des monuments indestructibles. De
ces meubles indestructibles, proscrits partout, mais placés là comme le sont les débris
de la civilisation aux incurables (Balzac).
Ϧ2. Fig. Que rien ne peut effacer, abolir :
Il y a des liaisons soi-disant indestructibles
dans lesquelles elle [l’absence] fait d’irrémédiables avaries (Fromentin).
• SYN. : 1 impérissable, inaltérable ; éternel, immortel ; 2 immuable, indéfectible,
indissoluble.
indestructiblement [ɛ̃dɛstryktibləmɑ̃]
adv. (de indestructible ; 1867, Littré). De
façon indestructible, de manière à durer
éternellement : Quoi qu’il en soit, la légende
est indestructiblement établie ; elle a fourni
à Milton l’une de ses plus épiques descriptions (Baudelaire).
indéterminable [ɛ̃determinabl] adj.
(de in- et de déterminer, ou du bas lat.
indeterminabilis, infini, du lat. class. in-,
préf. à valeur négative, et du bas lat. determinabilis, qu’on peut déterminer, dér.
du lat. class. determinare, borner, régler,
fixer, de de- [préf. à valeur intensive] et de
terminare, mêmes sens, dér. de terminus,
borne, limite ; 1470, Livre de la discipline
d’amour divine, au sens 1 [rare av. le milieu
du XVIIIe s.] ; sens 2, 1867, Littré). 1. Dont
la forme, les dimensions ne peuvent être
précisées exactement, ou que le calcul ne
permet pas de déterminer : La silhouette
des hautes montagnes, qui se dessinaient
comme au pinceau par une ligne indéterminable (Fromentin). Ϧ 2. Qu’on ne peut
définir, préciser : Un [élément] indéterminable qui crée en nous la responsabilité
(Bourget). Une odeur indéterminable.
• SYN. : 1 confus, f lou, imprécis, incalculable, indéterminé ; 2 indéfinissable, vague.
indétermination [ɛ̃detɛrminasjɔ̃] n.
f. (de in- et de détermination ; début du
XVIIe s., au sens I, 1 ; sens I, 2, fin du XVIIe s.,
Mme de Sévigné ; sens II, 1, av. 1784, Diderot ;
sens II, 2, 1962, Larousse [« absence des
conditions qui créent l’interdépendance
des phénomènes et la causalité », 1867,
Littré] ; sens II, 3, 1867. Littré ; sens II, 4,
1922, Brunot, Pensée).
I.1.État d’une personne qui hésite,
qui ne parvient pas à se déterminer :
Être, demeurer dans l’indétermination.
Ϧ2. Caractère hésitant, manque d’esprit
de décision : Faire preuve d’indétermination dans des situations critiques.
II. 1. Caractère de ce qui n’est pas déterminé, délimité, connu avec précision :
L’indétermination d’une frontière. L’indétermination du sens d’un texte. Ϧ 2. En
logique, caractère de ce qui n’est pas
dépendant d’un autre phénomène : Affirmer l’indétermination d’un phénomène,
c’est supposer qu’il est indépendant de
tout autre phénomène capable de le déterminer (Bachelard). Ϧ Absence des conditions qui créent l’interdépendance des
phénomènes et la causalité : La pensée
cesserait avec l’indétermination (Valéry).
Ϧ 3. Indétermination d’un problème, en
algèbre, caractère d’un problème où le
nombre des inconnues est supérieur à celui des équations destinées à les résoudre.
Ϧ 4. En grammaire, caractère d’un terme
dont la notion n’est pas rapportée à des
circonstances précises.
• SYN. : I, 1 doute, incertitude, perplexité ;
2 hésitation, indécision, irrésolution. Ϧ II,
1 imprécision, obscurité, vague.
indéterminé, e [ɛ̃detɛrmine] adj. (de
in- et de déterminé, ou du bas lat. indeterminatus, infini, du lat. class. in-, préf. à valeur
négative, et determinatus, part. passé de
determinare [v. INDÉTERMINABLE] ; 1370,
Oresme, au sens II, 1 [« qui n’est pas fixé,
défini avec exactitude » ; « qui n’est pas
situé dans l’espace, dans le temps », 1690,
Furetière ; « dont les limites ne sont pas
précises », 1801, Chateaubriand] ; sens I, 1-2,
1690, Furetière [« qui ne s’arrête pas sur un
objet précis », av. 1850, Balzac] ; sens II, 2,
1957, Robert ; sens II, 3, 1867, Littré [aussi
quantités indéterminées] ; sens II, 4, 1765,
Encyclopédie [art. gouverner]).
I. 1. Vx. Qui n’a pas encore pris de décision : « Prendrez-vous une charge à la
cour, à l’armée ? | — Mon âme dans ce
choix est indéterminée » (Regnard).
Ϧ 2. Vx. Qui ne parvient pas à se décider ; irrésolu : Il ne parle pas ici de la prudence de ces pénitents indéterminés qui se
demandent sans cesse s’ils peuvent, s’ils
ne peuvent pas (Fléchier). Ϧ Littér. Qui
ne s’arrête pas sur un objet précis : Une
figure vulgairement belle et qui exprimait
une tristesse plus chagrine que mélancolique, une rêverie plus indéterminée que
pensive (Balzac).
II. 1. Qui n’est pas défini dans l’espace,
précisé dans le temps : Quelque part, près
de nous, dans une direction indéterminée,
un tambour battait (Maupassant). Une
date indéterminée. Ϧ Dont les limites
ne sont pas précises : La lune brillait au
milieu d’un azur sans tache, et sa lumière
gris de perle descendait sur la cime indéterminée des forêts (Chateaubriand). Une
question qu’il n’est pas possible de trancher sans sortir du domaine circonscrit
de l’histoire pour entrer dans les régions
indéterminées de la philosophie (France).
Ϧ Qui n’est pas fixé, défini avec exactitude : Un mot dont le sens est indéterminé. La valeur de l’idée est indéterminée ;
elle varie avec les personnes et les époques
(Valéry). Ϧ 2. En termes de logique, qui
échappe fondamentalement au déterminisme : En microphysique, les incertitudes de prévision quant à la position et à
la quantité de mouvement des particules
n’entraînent pas nécessairement qu’elles
soient indéterminées. Ϧ3. Problème indéterminé, en mathématiques, problème
dans lequel le nombre d’inconnues est
supérieur à celui des équations et qui
admet ainsi une infinité de solutions.
Ϧ Quantités indéterminées, quantités que
l’on fait entrer dans un calcul sans leur
assigner d’abord une valeur déterminée.
Ϧ 4. En grammaire, se dit d’un terme
dont la notion exprimée n’est pas rapportée à des circonstances définies.
• SYN. : I, 1 hésitant ; 2 incertain, indécis,
perplexe. ϦII, 1 imprécis, indéfini ; confus,
flottant, fluctuant, indéfinissable, indéterminable, vague.
& indéterminé n. m. (1865, Cl. Bernard
[« ce qui est vague », 1861, Sainte-Beuve]).
Ce qui n’est pas déterminé, fixé, dans le
temps ou dans l’espace : L’avenir, l’indéterminé, ce que le destin n’avait pas encore
écrit, où le passé, le fixé n’avaient pas de
part (Arnoux). Ϧ Fig. Ce qui est flou dans
l’esprit, dans les idées : Il se plaisait, avec
les romantiques, dans le vague et l’indéterminé (France).
indéterminisme [ɛ̃detɛrminism]
n. m. (de in- et de déterminisme ; 1865,
Cl. Bernard, au sens 2 ; sens 1, 1877, Littré
[en logique, 1957, Robert]). 1. Doctrine philosophique selon laquelle le libre arbitre
existe soit chez l’homme, soit chez Dieu.
ϦEn logique, doctrine selon laquelle le
déterminisme ne se réalise pas universellement dans la nature : L’indéterminisme fondamental de Heisenberg en microphysique
s’oppose au déterminisme de Paul Langevin,
L. de Broglie et Einstein. Ϧ2. Caractère de
ce qui échappe ou est censé échapper au
déterminisme : L’indéterminisme d’actes
humains, de faits naturels.
indéterministe [ɛ̃detɛrminist] adj. et
n. (de in- et de déterministe ; 10 avr. 1873,
Journ. officiel, p. 2536). Qui est partisan
de l’indéterminisme, en philosophie ou en
sciences : Les philosophes indéterministes.
& adj. (1922, Larousse). Relatif à l’indéterminisme : La théorie indéterministe de
Heisenberg.
• CONTR. : déterministe.
indéveloppable [ɛ̃devlopabl] adj. (de
in- et de développable ; 1873, Larousse). En
termes de mathématiques, non développable : Une surface indéveloppable.
indevinable [ɛ̃dəvinabl] adj. (de in- et
de deviner ; 1588, Montaigne, écrit indivinable ; indevinable, av. 1778, Voltaire). Qu’il
n’est pas possible de deviner : Dix années
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indevinables (Musset). Nature mouvante,
détraquée, indevinable (Goncourt).
indévissable [ɛ̃devisabl] adj. (de in- et
de dévisser ; 1898, Huysmans). Que l’on
ne peut dévisser : [Les pièces] étaient verrouillées, scellées par d’indévissables écrous
(Huysmans).
indévot, e [ɛ̃devo, -ɔt] adj. et n. (bas
lat. indevotus, qui contrevient à la loi,
irréligieux, du lat. class. in-, préf. à valeur
négative, et devotus, dévoué, zélé [« pieux »,
à basse époque], part. passé adjectivé de
devovere, dédier, consacrer, maudire, ensorceler, de de-, préf. à valeur intensive, et de
vovere, faire un voeu, vouer, désirer, souhaiter ; v. 1420, Gerson [comme n., 1694,
Boileau]). Vx. Qui manifeste de l’indifférence envers Dieu et les pratiques du culte :
Le plus grand déplaisir qui puisse m’arriver
au monde, c’est s’il me revenait que vous
êtes un indévot (Racine). Elle s’en retourne,
dégoûtée et indévote (Flaubert).
& adj. (1835, Acad.). Vx. Qui témoigne de
cette attitude : Une boutade indévote. Et
votre plume ardente, anarchique, indévote
(Hugo).
indévotement [ɛ̃devɔtmɑ̃] adv. (de indévot ; 1470, Livre de la discipline d’amour
divine). De façon indévote : Parler indévotement des choses de la religion.
indévotion [ɛ̃devosjɔ̃] n. f. (bas lat. indevotio, manque de respect, mépris, irréligion, de indevotus [v. INDÉVOT] ; 1479,
Ximenes). Vx. Indifférence envers Dieu
et les pratiques du culte : Le relâchement
et l’indévotion des peuples (Bourdaloue).
index [ɛ̃dɛks] n. m. (lat. index, -dicis, qui
indique, révélateur, dénonciateur, index
[doigt], catalogue, liste, inscription, dér. de
indicere, déclarer officiellement ou publiquement, notifier, imposer, prescrire, de
in-, préf. marquant l’aboutissement d’une
action, et de dicere, dire ; 1503, Chauliac,
au sens I, 1 ; sens I, 2, 1690, Furetière [en
horlogerie, 1962, Larousse] ; sens II, 1, 1690,
Furetière [« table alphabétique, lexique des
mots d’une langue, d’un écrivain, d’une
oeuvre », 1957, Robert] ; sens II, 2, 1690,
Furetière [aussi Indice ; index expurgatoire,
1867, Littré — d’abord indice expurgatoire,
fin du XVIe s. ; congrégation de l’Index, 1690,
Furetière, art. congrégation] ; sens II, 3, av.
1834, Béranger ; sens II, 4, 1902, Larousse ;
sens III, 1, 1922, Larousse [index épidémique ; index de mortalité, 1957, Robert] ;
sens III, 2, 1926, Ch. Gide).
I. 1. Le doigt de la main le plus proche
du pouce, qui sert à montrer : Pointer
l’index vers quelqu’un ou quelque chose.
Saisir un objet entre le pouce et l’index.
Pour lui faire injure, ils lui montraient le
poing en passant le pouce entre l’index et
le doigt du milieu (France). Il s’arrêtait
dans sa marche pour soulever du bout de
l’index le menton d’Arnica, comme on
fait aux poupons que l’on veut amener à
sourire (Gide). Ϧ 2. En mécanique, petite
aiguille ou objet mobile assujettis à parcourir des divisions et à fournir ainsi des
indications : En notant chaque position
successive de l’index sur la graduation
on obtient une courbe. Ϧ En horlogerie,
petite aiguille faisant souvent corps avec
un disque ou un petit cadran.
II. 1. Table alphabétique située à la fin
d’un ouvrage et comprenant les noms
cités, les sujets traités avec l’indication
des passages où ils se trouvent : L’index
des noms propres. L’index des exemples
dans une grammaire. Ϧ Spécialem. Table
alphabétique, lexique des mots d’une
langue, d’un écrivain, d’une oeuvre :
L’index de la langue d’Apollinaire. L’index du vocabulaire des « Fleurs du mal ».
Ϧ 2. L’index, ou (vx) l’indice (avec une
majuscule), catalogue des livres dont
l’autorité pontificale interdit la lecture
aux fidèles : Mettre un livre à l’index.
L’index est au nombre de ces usages qui
restent comme des témoins des anciens
temps (Chateaubriand). L’inquisition,
qui [...] tient encore dans la bibliothèque
Vaticane les manuscrits de Galilée clos et
scellés sous le scellé de l’index ! (Hugo).
Ϧ Index expurgatoire, catalogue des
livres dont la publication et la vente sont
interdites jusqu’à ce qu’ils aient été corrigés. Ϧ Congrégation de l’index, congrégation romaine créée en 1571 et qui était
chargée de l’examen des livres, tâche
reprise en 1917 par le Saint-Office et supprimée définitivement en 1966. Ϧ 3. Fig.
Mettre à l’index une personne, une chose,
l’exclure, la signaler comme dangereuse :
Les groupements de toutes nuances nous
mirent à l’index ; tout le monde nous
lâcha (Cendrars). Ϧ 4. Spécialem. Décision de la chambre syndicale typographique interdisant à ses adhérents de
travailler dans une maison dont le patron
contrevenait aux règlements acceptés
contractuellement.
III. 1. Index épidémique, index de mortalité, etc., rapport entre le nombre des cas
d’une maladie épidémique, ou le nombre
de décès, et le nombre des habitants de la
région. Ϧ 2. En économie politique, syn.
de INDICE.
• SYN. : II, 3 boycotter, condamner, désavouer, interdire, proscrire.
• REM. Au sens II, 2, la forme indice,
vieillie, est le mot italien indice, index.
Au sens III, 2, index est un mot anglais
(index number).
indexation [ɛ̃dɛksasjɔ̃] n. f. (de indexer ;
1948, Larousse). Action d’indexer :
L’indexation d’un emprunt sur le prix de
l’or.
indexer [ɛ̃dɛkse] v. tr. (de index ; 1948,
Larousse, au sens 1 ; sens 2, milieu du
XXe s.). 1. Lier les variations d’un salaire,
d’un prix, d’une valeur aux variations d’un
élément pris comme référence, comme
indice : Indexer les loyers sur le coût de la
vie. Ϧ2. Au Canada, inscrire sur une liste,
un registre constituant un index.
indianisation [ɛ̃djanizasjɔ̃] n. f. (de
indianiser ; 1942, Auboyer). Action d’indianiser ; son résultat : L’indianisation du
monde asiatique.
indianiser [ɛ̃djanize] v. tr. (dér. savant de
indien ; 1942, Auboyer). Donner un caractère indien à une civilisation : Le bouddhisme a contribué à indianiser la péninsule
indochinoise et l’Insulinde.
indianisme [ɛ̃djanism] n. m. (dér. savant
de indien ; 1867, Littré, au sens 2 ; sens 1,
1873, Larousse). 1. Idiotisme propre aux
langues de l’Inde. Ϧ 2. Science des langues
et des civilisations de l’Inde.
indianiste [ɛ̃djanist] n. (dér. savant de
indien ; 1862, Renan). Savant spécialisé
dans l’étude des langues et des civilisations de l’Inde : Il était fils du célèbre
Amédée Baudouin, indianiste insigne et l’un
des patriarches de la philologie moderne
(Duhamel).
indianologie [ɛ̃djanɔlɔʒi] n. f. (de
indiano-, élément tiré de indien, et de
-logie, du gr. logos, discours, science ;
1902, Larousse). Science dont l’objet est
les Indiens d’Amérique.
indic [ɛ̃dik] n. m. (abrév. de indicateur ;
1894, Esnault). Arg. Personnage intro-
duit dans un milieu pour jouer le rôle de
délateur.
indical, e, aux [ɛ̃dikal, -o] adj. (de indice ;
1962, Larousse). En anthropologie, relatif
à un indice : Valeur indicale.
indican [ɛ̃dikɑ̃] n. m. (du lat. indicum,
indigo [v. INDIGO] ; 1873, Larousse). Indican
végétal, en chimie, glucoside qui constitue
la substance mère de l’indigo.
indicanurie [ɛ̃dikanyri] n. f. (de indican
et de -urie, du gr. oureîn, uriner, dér. de
oûron, urine ; 1907, Larousse). Présence
d’indican dans l’urine.
indicateur, trice [ɛ̃dikatoer, -tris] adj.
(dér. savant de indiquer ; v. 1490, G. Tardif,
comme n. m., au sens de « celui qui dénonce
un coupable » ; comme adj., au sens 1, 1829,
Boiste [le doigt indicateur ; poteau indicateur, 1873, Larousse] ; sens 2, 1962, Larousse
[plante indicatrice, tableau indicateur de
vitesse]). 1. Qui indique, fait connaître.
ϦVx. Le doigt indicateur, l’index : Dressant
le doigt indicateur de sa main gauche
(France). ϦPoteau indicateur, poteau muni
d’une plaque sur laquelle sont mentionnés des renseignements routiers : Il s’était
relevé, se tenait raide et le bras tendu, tel un
poteau indicateur (H. Bazin). Ϧ 2. Qui sert
d’indication. ϦPlante indicatrice, plante
dont la présence dans certaines stations
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permet d’en déduire que d’autres espèces
peuvent y prospérer. Ϧ Tableau indicateur
de vitesse, signal indiquant au mécanicien
d’une locomotive la vitesse à respecter au
passage d’un point singulier.
& indicateur n. m. (sens I, 1, 1748, Esnault ;
sens I, 2, 1779, Buffon ; sens II, 1, 1792,
l’Indicateur ; sens II, 2, 1873, Larousse
[indicateur d’altitude, 1957, Robert ; indicateur dynamométrique, 1902, Larousse ;
indicateur de niveau, indicateur téléphonique, 1888, Larousse ; indicateur de
position d’aiguille, .. de virage,.. de vitesse,
1931, Larousse ; indicateur de vide, 1902,
Larousse ; indicateur visuel d’accord, 1962,
Larousse] ; sens II, 3, fin du XIXe s. [indicateur de changement de direction, indicateur
de fusion, 1962, Larousse ; indicateur de
pente et de rampe, indicateur de marée
[« poteau... »], 1902, Larousse] ; sens II, 4,
1922, Larousse [indicateur coloré, 1931,
Larousse ; indicateur radio-actif, radioindicateur, 1962, Larousse] ; sens II, 5, 1968,
Larousse [aussi indicateurs d’alerte] ; sens
II, 6, v. 1960).
I. 1. Personne à la solde de la police pour
lui indiquer, lui dénoncer des malfaiteurs
ou des suspects : Or, Barattan, le gargotier de la Jonchère était un indicateur de
la sûreté (France). Je dois t’avertir que
le « barriochino », le quartier chinois,
quoi, est plein d’indicateurs (Mac Orlan).
Ϧ2. Petit oiseau d’Afrique tropicale, au
plumage brunâtre et blanc, qui, croit-on,
attire par ses cris l’attention de l’homme
et de certains animaux sur les nids
d’abeilles sauvages, afin de profiter du
miel et des larves restant après la récolte.
II. 1. Livre, brochure contenant certains
renseignements : Il se plongeait dans le
plus enivrant des romans d’amour, l’indicateur des chemins de fer, qui lui apprenait le moyen de la rejoindre l’après-midi,
le soir, ce matin même (Proust). Un indicateur des rues de Paris. Ϧ 2. Appareil ou
instrument destiné à fournir les mesures
nécessaires à la conduite d’une machine,
d’un appareil, ou à en contrôler le fonctionnement : Indicateur de pression, de niveau d’huile. ϦIndicateur d’altitude, syn.
de ALTIMÈTRE. ϦIndicateur dynamométrique, en thermodynamique, appareil
permettant de mesurer le travail du fluide
évoluant dans le cylindre d’une machine.
ϦIndicateur de niveau d’une chaudière,
appareil permettant de connaître le
niveau de remplissage d’une chaudière.
ϦIndicateur de position d’aiguille, signal
relié aux lames d’un aiguillage et destiné
à renseigner l’aiguilleur sur la direction
que prendront les convois dans la position qu’elles occupent. Ϧ Indicateur téléphonique, appareil servant à indiquer à
un poste téléphonique quel est celui de
ses correspondants qui l’a appelé. Ϧ Indicateur de vide, manomètre indiquant
le vide au condenseur. Ϧ Indicateur de
virage, instrument permettant au pilote
de contrôler l’inclinaison latérale de
son avion. Ϧ Indicateur visuel d’accord,
signal lumineux permettant d’accorder avec exactitude un poste récepteur
sur un poste émetteur. Ϧ Indicateur de
vitesse, instrument qui indique au pilote
la vitesse relative de son avion par rap-
port à l’air ambiant. Ϧ 3. Dispositif donnant une indication, un renseignement.
Ϧ Indicateur de changement de direction,
clignotant lumineux d’une automobile,
actionné par le conducteur pour indiquer
un changement de direction. Ϧ Indicateur de pente et de rampe, poteau placé le
long d’une voie ferrée, portant des indications chiffrées sur l’inclinaison de la
voie et sur le rayon des courbes. Ϧ Indicateur de marée, syn. de MARÉOGRAPHE ;
poteau servant à indiquer, dans les ports,
la hauteur de la marée. Ϧ Indicateur de
fusion, dispositif d’un coupe-circuit à
fusible indiquant que le fusible a fondu.
Ϧ4.Procédé permettant d’obtenir un
renseignement par un processus quelconque. Ϧ Indicateur coloré, en chimie,
substance organique dont la couleur et
la constitution varient en fonction du
milieu plus ou moins acide ou basique
dans lequel elle est placée. Ϧ Indicateur
radio-actif, ou radio-indicateur, isotope
radio-actif d’un élément chimique naturel auquel il est mélangé afin que celui-ci
puisse être détecté au cours de ses transformations. Ϧ 5. Indicateur avancé, donnée chiffrée d’un secteur de l’économie,
servant de repère pour l’observation de
l’évolution dans d’autres secteurs. Ϧ Indicateurs d’alerte, grandeurs économiques
choisies à l’avance afin que, lorsqu’elles
seront atteintes, les responsables de l’économie soient alertés. Ϧ6. En psychologie
sociale, indice qui permet, dans l’analyse
du contenu, de classer chaque unité dans
une catégorie particulière.
• SYN. : I, 1 dénonciateur, donneur (pop.),
mouchard (pop.) ; II, 1, guide.
& indicatrice n. f. (1962, Larousse).
Indicatrice d’émission, en optique, surface
obtenue lorsqu’on porte, sur chaque normale à la surface d’une source lumineuse et
vers l’extérieur, un segment proportionnel
à la luminance de cette source.
indicatif, ive [ɛ̃dikatif, -iv] adj. (bas lat.
indicativus, qui indique, indicatif [en parlant d’un mode du verbe], de indicatum,
supin du lat. class. indicare [v. INDIQUER] ;
v. 1361, Oresme [colonne indicative des
marées, 1701, Furetière]). Qui sert à indiquer, qui donne une indication sur : Un
signe indicatif du paludisme. Fournir un
état indicatif de tout le mobilier. C’est assez
indicatif des moyens mis à ma disposition (Aymé). Ϧ À titre indicatif, v. TITRE.
ϦColonne indicative des marées, syn. de
INDICATEUR DE MARÉE.
& indicatif adj. et n. m. (XIVe s.,
Orthographia gallica [comme n. m. ; mode
indicatif, 1671, Pomey — d’abord mode
indicative, v. 1590, Godefroy]). Mode indicatif, ou indicatif n. m., mode du fait objectif, certain et réel : L’indicatif présente les
faits sans aucune interprétation subjective,
à l’opposé du subjonctif. (V. art. spécial).
& n. m. (sens 1, 1873, d’après Littré, 1877 ;
sens 2, 1948, Larousse). 1. Indicatif d’appel, signal distinctif servant à désigner
un bureau télégraphique ou une station
radio-électrique, un navire, un avion.
Ϧ2. Musique ou bruitage qui indique le
commencement d’une émission régulière
de radio ou de télévision.
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
L’INDICATIF
DÉFINITION DISTRIBUTIONNELLE
Si l’on définit le mode (v. ce mot, art. spécial) comme un ensemble de tiroirs verbaux capables de figurer dans un certain
contexte syntaxique, on peut définir l’indicatif comme l’ensemble des tiroirs pouvant
figurer en proposition indépendante avec un
sujet sans être précédés de que ; exemple :
Tu vas trop vite.
INVENTAIRE DES FORMES
L’indicatif comporte dix tiroirs, appelés
traditionnellement « temps », soit, pour le
verbe chanter :
TEMPS SIMPLES TEMPS COMPOSÉS
Présent : je chante Passé composé : j’ai
chanté
Imparfait : je chantais Plus-que-parfait :
j’avais chanté
Passé simple : je chantai Passé antérieur :
j’eus chanté
Futur : je chanterai Futur antérieur : j’aurai chanté
Conditionnel : Conditionnel passé : j’aurais chanté je chanterais
L’opportunité de rattacher le conditionnel
à l’indicatif a été discutée à l’article spécial
CONDITIONNEL. Il remplit la condition
posée ci-dessus, puisqu’on dit très bien :
Tu irais trop vite.
Partout où l’indicatif est licite, le conditionnel l’est aussi ; exemples :
Je suis sûr que tu viendras/viendrais.
Quand il est venu/serait venu...
Au contraire, le conditionnel ne peut remplacer l’impératif dans Va moins vite !
ni le subjonctif dans
Je regrette que tu ailles si vite.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2583
L’étude particulière des temps de l’indicatif et de leurs emplois est faite dans
ce dictionnaire aux articles spéciaux
PRÉSENT, IMPARFAIT, FUTUR, PASSÉ,
CONDITIONNEL.
DÉFINITION PAR LA VALEUR TEMPORELLE
Un point commun de tous les « temps »
constituant l’indicatif est qu’ils peuvent
figurer dans des contextes syntaxiquement identiques en s’opposant entre
eux par la seule valeur temporelle ou
aspectuelle :
À six heures, il faisait jour/ avait fait
jour/ a fait jour/ fera jour, etc.
De ce point de vue, le conditionnel est
encore à ranger sous le chef de l’indicatif,
puisqu’il doit être substitué au futur après
un verbe principal à un temps passé :
Il affirme qu’il viendra.
Il affirma qu’il viendrait.
Même si on le tient dans de tels emplois
pour une variante du futur en distribution complémentaire, cette variation participe à l’opposition purement temporelle
qui commande la substitution (affirme/
affirma). Refuser d’inclure le tiroir
« conditionnel » et son « passé » composé
dans le mode « indicatif » obligerait à en
exclure aussi le futur et son temps composé, le futur antérieur, ce qui donne à
réfléchir. « Pitié pour l’indicatif ! » écrivait G. Moignet en réponse à une pareille
proposition d’Henri Yvon (le Français
moderne, juill. 1957).
On sait que le conditionnel, dans certains contextes, entre en opposition avec
d’autres temps de l’indicatif (et de l’indicatif seulement) pour exprimer le caractère fictif de l’action :
Avec cette voiture, tu iras trop vite.
Avec cette voiture, tu irais trop vite.
Le fait que cette opposition est d’une nature non temporelle, mais dite « modale »
faute d’un terme moins ambigu, a motivé
longtemps et motivé encore dans l’usage
scolaire la conception d’un « mode
conditionnel » autonome. Mais refuser
pour cette raison d’inclure le conditionnel (présent et passé) dans l’indicatif
obligerait à en exclure aussi l’imparfait et
le plus-que-parfait, qui prennent le sens
irréel après si en abandonnant leur valeur
temporelle (si tu allais moins vite). Ce qui
donne encore à réfléchir.
Une unité de valeur temporelle apparaît d’ailleurs si l’on compare tous ces
emplois à ceux des autres « modes » :
tous les « temps » de l’indicatif situent
l’action que dénote le verbe sur la ligne
du temps par rapport à l’instant présent
ou à un moment défini dans le passé ou
l’avenir. Ainsi le verbe dans Paul viendra
situe l’action dans l’avenir, alors que le
subjonctif vienne ou l’infinitif venir ne
peuvent la situer que par rapport à un
autre verbe, qui devra être à l’indicatif :
Je souhaite qu’il vienne.
Il a promis de venir.
Toute référence temporelle passe par un
indicatif. L’impératif, il est vrai, situe
l’action dans l’avenir, mais à la manière
dont un nom comme « Halte ! » ou « Repos ! » la situe quand il exprime un ordre :
le temps (futur) va de soi, et aucune opposition temporelle n’est exprimable.
On peut, en somme, appeler l’indicatif
le mode de l’actualisation (v. ce mot, art.
spécial) dans le temps.
Gustave Guillaume a construit sur ces
considérations toute sa doctrine du système verbal français, exposée dans Temps
et verbe (1929). L’indicatif y est donné
comme la forme achevée de l’idée verbale, l’aboutissement de l’opération qui
conduit du concept de l’action à sa représentation particulière (Guillaume appelle
« chronogénèse » cette élaboration de
l’image-temps).
La plupart des grammairiens modernes
admettent semblablement que l’infinitif et l’indicatif sont les pôles abstrait et
concret de la représentation verbale. Au
IIe s. av. J.-C., Denys de Thrace appelait la
première « flexion » (enclisis) aparemphatos, c’est-à-dire « qui ne définit pas clairement », et la seconde horistikê, « qui sert
à délimiter, à définir », termes calqués par
les Latins sous les formes infinitivus et
finitivus (Diomède, d’après Donat, IVe s.).
Les grammairiens modernes perpétuent
ou retrouvent ce nom de l’indicatif quand
ils l’appellent « mode fini », même s’ils
n’adoptent pas le schéma guillaumien de
la « chronogénèse » (par exemple Holger
Sten, les Temps du verbe fini [indicatif] en
français moderne, 1952).
VALEUR MODALE
Diomède dit que le terme finitivus n’était
pas le seul dont usaient ses confrères
pour dénommer l’indicatif :
A quibusdam indicativus appellatur,
quo indicamus ; ab aliis pronuntiativus, quo pronuntiamus.
Les termes indicativus et pronuntiativus
sont fonctionnels : ce mode nous sert à
« déclarer » (sens que recouvrent à peu
près les verbes indicare et pronuntiare).
Sans doute doit-on les rattacher à la notion logique d’affirmation ou d’assertion,
qui date des Grecs. L’indicatif serait le
mode du jugement assertif :
Le sang circule.
Socrate est mortel.
Cette conception a probablement assuré
la fortune du terme indicativus, usité à
l’exclusion des autres par les « modistes »
du Moyen Age pour désigner le premier
des cinq moeufs (forme ancienne du mot
issu de modos) distingués par Donat pour
le latin, conformément au modèle grec.
Dans l’usage français, indicatif (emprunté
vers 1500) sera sans concurrent. Damourette et Pichon, qui désignent par moeufs
les deux modes qu’ils reconnaissent à la
conjugaison française, n’ont pas fabriqué de terme nouveau pour dénommer
l’indicatif, dont ils font le « mode du jugement », opposé au subjonctif, mode du
non-jugement.
Ce qu’on entend par « jugement » ou par
« assertion » paraît devoir être analysé
comme une prédication affirmative positive (Le sang coule) ou négative (Le sang
ne coule pas) ; or, une valeur « modale »
faisant l’unité de l’indicatif ne semble
pouvoir être attachée ni à la fonction
affirmative, ni à la fonction prédicative.
La modalité interrogative, qui est exclusive de l’assertion, s’exprime normalement à l’indicatif :
Où as-tu mis la clef ?
Le sang circule-t-il ?
La modalité volitive ne l’exclut pas :
Un seul Dieu tu adoreras.
Même dans une phrase comme Le sang
circule, la modalité affirmative est implicite : sa marque orale est phrastique (V.
INTONATION, art. spécial), elle n’est pas le
fait de l’indicatif.
La prédication est opérée au niveau de la
phrase. Elle peut être affirmative, interrogative ou volitive (voire exclamative). Si
l’on ne considère que la prédication affirmative, il apparaît effectivement qu’elle
réclame l’indicatif, mais ce mode est
employé aussi bien dans des membres de
phrase subordonnés sur lesquels ne porte
aucunement la prédication :
Le livre que tu m’as donné (thème)
est intéressant. (prédicat)
D’autres linguistes (Kalepky, Hjelmslev,
Guillaume, selon K. Togeby, Structure
immanente de la langue française), préoccupés encore d’opposer les emplois de
l’indicatif à ceux du subjonctif, donnent
le premier pour le « mode de l’action
réelle », le second marquant l’action
« virtuelle ». Cette valeur modale paraît
impliquée par la conception de l’indicatif comme le mode de l’« actualisation
achevée » (v. plus haut). Encore faut-il
s’entendre sur la valeur qu’on donne au
mot français « réel » ou au mot anglais
« actual », d’où dérive actualisation. Ces
termes n’impliquent aucun jugement de
« vérité » ou d’« existence » ontologique,
mais seulement la meilleure intégration
possible de l’action dénotée au temps vécu
par les partenaires de la communication.
Cette valeur n’est pas liée à une vertu du
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2584
mode indicatif concevable par un acte
de foi ou une révélation, elle résulte tout
simplement du grand nombre (dix) des
temps constituant ce mode, alors que les
autres ne disposent au maximum, dans
l’usage courant que d’un temps simple et
d’un temps composé (aller/être allé ; que
j’aille/que je sois allé).
Une action réelle peut être exprimée au
subjonctif :
Je regrette que tu sois parti.
Que cela soit vrai, je l’ai appris hier.
Une action donnée pour non réelle peut
être exprimée à l’indicatif :
Pierre n’est pas parti.
Dans une phrase comme :
Si tu étais ici, tu te reposerais,
deux actions fictives sont exprimées
par les temps de l’indicatif (imparfait
et conditionnel) qui les situent dans le
présent.
L’affirmation de réalité est pourtant une
valeur modale que l’indicatif, de par
sa référence au temps absolu, assume
implicitement en proposition autonome
(V. MODALITÉ, art. spécial) :
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’oût, foi d’animal
(La Fontaine, Fables, I, I),
et même dans certains contextes en opposition avec le subjonctif (v. ce mot, art.
spécial) ; comparer :
Elle refuse de croire que son fils est
mort.
Elle refuse de croire que son fils soit
mort.
L’INDICATIF « MODE NON MARQUÉ » ?
La fréquence de l’indicatif, très supérieure à celle des autres modes, l’a fait
considérer quelquefois comme le « mode
non marqué » du verbe (R. Jakobson), par
l’application d’un principe de la théorie de l’information (v. ce mot, art. spécial) ; on lui trouve de ce fait une valeur
stylistique nulle, alors que le subjonctif,
beaucoup moins employé, est recherché
dans une langue relevée pour sa connotation littéraire. On n’oubliera cependant pas que les deux modes sont le plus
souvent incommutables : leur fréquence
ne se compte pas dans le même référentiel. Selon toute évidence, le mode le plus
marqué est celui qui comporte le plus
de variations temporelles (ou autres) ; le
signifié d’une forme d’indicatif contient
des éléments lexicaux qui se retrouvent
dans le subjonctif, et quelque chose de
plus : l’actualisation temporelle. Un autre
mode est moins marqué que ces deux-là :
l’infinitif, invariable en personne, que
l’on peut donc substituer par économie à
l’un et à l’autre dans la génération transformationnelle des phrases.
Dès le XVIe s., Jules-César Scaliger, considérant que le verbe se définit par l’indication du temps, jugeait essentielle la
distinction des « temps », et superflue
celle des « modes », dont un seul, l’indicatif, donnait le reflet véritable de la réalité, les autres n’étant que ses substituts
commodes :
Modus autem non fuit necessarius :
unus enim tantum exigitur ob veritatem, ut dicebamus, Indicativus ;
caeteri autem ob commoditatem
potius.
J.-C. Chevalier, qui cite ce texte (la Notion
de complément chez les grammairiens,
1968), regrette que les raisons de cette
« commodité » ne soient pas données. On
était encore loin d’une théorie des transformations. Aujourd’hui, la grammaire
générative tient l’indicatif pour le mode
qui conserve le plus complètement possible les éléments temporels associés aux
éléments sémantiques dans la structure
profonde de la phrase ; l’emploi des autres
modes en efface plus ou moins selon les
besoins de la communication.
indication [ɛ̃dikasjɔ̃] n. f. (lat. indicatio,
indication de prix, taxe, mise à prix, de indicatum, supin de indicare [V. INDIQUER] ;
1333, Bibliothèque de la faculté des lettres
de l’Université de Paris [VII, 169], au sens
1 [aussi « résultat de cette action »] ; sens
2, 1690, Furetière [aussi « signe révélant
un état morbide, symptôme » ; indication
de paiement, 1867, Littré] ; sens 3, 1886,
Zola [« notes fragmentaires ou inachevées
d’un écrivain », XXe s.] ; sens 4, 19 oct.
1834, Sainte-Beuve [indication thérapeutique, 1902, Larousse — indication, même
sens, v. 1560, Paré ; « cas où l’emploi d’un
médicament est opportun », milieu du
XXe s.]). 1. Action d’indiquer : Une bonne
indication des dangers de la route suffit souvent à limiter les accidents. Le feu
vert est l’indication de voie libre. Ϧ Le
résultat de cette action, renseignement :
Immédiatement appréhendés sur les indications de Gérane, le nommé Cheune, René
[...], et les filles Cheune [...] ont commencé
par nier les faits (H. Bazin). Une édition
sans indication de lieu ni de date. Ϧ 2. Ce
qui indique, révèle quelque chose : Son
embarras est une indication suffisante de
sa faute. Elle jouait ce morceau de Chopin
avec une sensibilité qui était sûrement une
indication quant au tempérament dramatique (Aymé). Ϧ Indication de paiement,
en droit, mention d’un ou de plusieurs
paiements partiels émanant du créancier
et portée sur le titre de créance ou sur un
double, et qui fait preuve pour le débiteur,
même si elle n’est ni signée ni datée par le
créancier : Un peu plus tard, il avait trouvé
chez elle une « indication » du mont-depiété qui prouvait qu’elle avait engagé
deux bracelets (Camus). ϦSpécialem. et
vx. Signe révélant un état morbide, symptôme. Ϧ3. Esquisse, ébauche d’un dessin
ou d’une peinture (souvent au plur.) : Mais
ce qui, surtout, rendait ce tableau terrible,
c’était l’étude nouvelle de la lumière [...],
les pavés saignaient, les passants n’étaient
plus que des indications (Zola). ϦNotes
fragmentaires ou inachevées d’un écrivain
(souvent au plur.) : Nous ne possédons de
cette oeuvre en projet qu’un titre et quelques
indications de plan. Ϧ 4. Ce qu’il est indiqué, recommandé de faire ; conseil que
l’on suggère, directive discrète (souvent au
plur.) : J’ai suivi vos indications et m’en suis
bien trouvé. ϦIndication thérapeutique,
ou simplem. indication, opportunité d’un
traitement ou d’un médicament déterminé
par les symptômes ou l’évolution d’une
maladie (par opposition à contre-indication) : L’indication d’un antibiotique, dans
son cas, est indiscutable. ϦCas où l’emploi
d’un médicament est opportun (souvent
au plur.).
• SYN. : 2 critère, indice, marque, preuve,
signe ; 3 schéma, trait ; annotations ; 4 avis,
recommandation, suggestion, tuyau (fam.) ;
prescription.
indicatrice n. f. V. INDICATEUR.
indice [ɛ̃dis] n. m. (lat. indicium, indication, révélation, dénonciation, preuve,
signe, de index, -dicis [v. INDEX] ; 1306,
Ch. V. Langlois [p. 175], au sens I, 1 ; sens I,
2, 1493, Mer des histoires [II, 21] ; sens I, 3,
1488, Vaganay ; sens I, 4, v. 1650, Vaugelas ;
sens II, 1, 1873, Larousse [indice de classe,
1962, Larousse] ; sens II, 2, 1867, Littré
[indice de réfraction ; en pétrochimie, 1948,
Larousse ; en anthropologie, 1877, Littré ;
en zootechnie, 1931, Larousse] ; sens II, 3,
1948, Larousse [aussi indice du coût de la
vie ; indice des prix, 1919, Truchy ; nombreindice, 1926, Ch. Gide] ; sens II, 4, 1956,
Romeuf [indice composé, conceptuel, de
dépendance, de quantité, 1962, Larousse ;
indice pondéré, 1948, Larousse]).
I. 1. Class. Révélation, dénonciation : Mes
esclaves en sont ; apprends de leurs indices
| L’auteur de l’attentat, et l’ordre, et les
complices (Corneille). Ϧ Syn. anc. de INDEX (au sens II, 2). Ϧ 2. Signe qui indique,
qui met sur la voie de la découverte d’une
chose, d’un état existant réellement : L’abbé demeura impassible, mais son attitude
calme était l’indice des émotions les plus
violentes (Balzac). Ϧ3. En médecine, ce
qui fait soupçonner un état pathologique
sans présenter la netteté d’un symptôme :
Néanmoins, la nature avait assez d’énergie en elle [la comtesse de Restaud] pour
que ces indices de folie n’altérassent pas
sa beauté (Balzac). Ϧ 4. En droit, fait qui
permet l’établissement d’une preuve par
induction : Tous les indices concordent
pour établir sa culpabilité. Le portier de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2585
l’hôtel, interrogé, ne put fournir aucun
indice (France).
II. 1. En mathématiques, signe distinctif
dont on affecte une lettre lorsqu’on veut
qu’elle représente plusieurs grandeurs
analogues et distinctes : Les accents, les
chiffres, les lettres peuvent être des indices,
comme « a’ » (« a » prime), « a1 » (« a » indice un), « an » (« a » indice « n »). Ϧ Indice
de classe, en linguistique, suffixe servant,
dans certaines langues africaines, à répartir les mots en classes, selon la nature
des êtres ou des objets. Ϧ 2. Nombre exprimant un rapport entre deux quantités
et permettant d’en suivre les variations.
Ϧ En pétrochimie, relation, exprimée en
pourcentage, entre un composant et le
produit global (essence, gas-oil, huile) :
Indice d’octane, indice de cétane, indice
d’iode. ϦEn anthropologie, rapport centésimal entre deux dimensions du corps
humain déterminées par les techniques
anthropométriques : L’indice céphalique
horizontal met en rapport la plus grande
largeur et la plus grande longueur de la
boîte crânienne, et permet de classer les
crânes en dolichocéphales, mésocéphales
et brachycéphales. ϦEn zootechnie, rapport des valeurs de différentes mensurations corporelles servant à la comparaison des animaux ou à la classification des
races. Ϧ Indice de réfraction, en optique,
rapport du sinus de l’angle d’incidence
au sinus de l’angle de réfraction. Ϧ 3. En
économie politique, nombre qui synthétise les relations de plusieurs phénomènes entre eux : Un tableau des indices
de production des grandes puissances.
L’indice masque souvent la complexité des
faits réels. ϦIndice des prix, ou nombreindice, nombre qui indique le rapport
entre le prix moyen unitaire d’un produit
à un moment donné et son prix à une
date prise comme base (exprimé par le
nombre 100). Ϧ Indice du coût de la vie,
nombre qui indique l’effet des variations
des prix sur les dépenses d’une famille.
Ϧ 4. En statistique, rapport entre les
deux états d’une grandeur, permettant
d’exprimer les phénomènes économiques
ou sociaux en valeur relative : Les indices
permettent de suivre la production industrielle d’un pays dans le temps ou de la
comparer à celle d’un autre pays. Ϧ Indice
composé, indice groupant en un seul des
indices de caractères différents se rapportant à un phénomène unique. Ϧ Indice
conceptuel, indice correspondant à une
vue de l’esprit, comme l’indice du niveau
général des prix. ϦIndice de dépendance,
indice qui permet de comparer le sens ou
le signe des variations des phénomènes
indépendamment de leurs grandeurs.
Ϧ Indice pondéré, indice où les indices
particuliers de chaque espèce n’entrent
pas pour parties égales dans son calcul,
mais sont affectés d’un coefficient proportionnel à leur importance dans l’ensemble : Indice pondéré des prix de détail.
Ϧ Indice de quantité, indice montrant
les changements en quantité des biens
ou services produits, indépendamment
des variations de prix ou des variations
monétaires.
• SYN. : I, 2 annonce, critère, marque, présage, preuve ; 3 trace ; 4 charge, indication,
présomption, renseignement, témoignage.
& indices n. m. pl. (milieu du XVIIIe s.,
Buffon). En géologie, manifestations à
la surface du sol de la présence d’hydrocarbures ou de minerais : Toute la partie
du Mont-Jura qui [...] offre en plusieurs
endroits des indices certains de mines de
fer (Buffon).
indiciaire [ɛ̃disjɛr] adj. (de indice ; fin du
XCe S., Molinet, comme n. m., au sens de
« chroniqueur » ; début du XVIe s., comme
adj., au sens de « indicatif » et dans la loc.
doy indiciaire, « index » ; sens actuel, 1936,
Capitant [impôt indiciaire ; « qui concerne
un indice », 1962, Larousse]). Qui concerne
un indice : Un classement indiciaire.
L’objectif de la grève était le relèvement
indiciaire du barème des salaires. Ϧ Impôt
indiciaire, impôt direct dont l’assiette est
déterminée selon des indices extérieurs
de richesse.
indicible [ɛ̃disibl] adj. (lat. médiév. indicibilis, indicible, du lat. class. in-, préf.
à valeur négative, et du bas lat. dicibilis,
qu’on peut dire, dér. du lat. class. dicere,
dire ; XIVe s., écrit indisible ; indicible, 1470,
Livre de la discipline d’amour divine). Qui
dépasse toute expression par son intensité :
Je voyais avec un plaisir indicible le retour
de la saison des tempêtes (Chateaubriand).
Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
(Verlaine). Chaque fois que je reprends ce
livre [« la Porte étroite »] c’est avec une émotion indicible ! (Gide). Avec une expression
poignante de stupeur et d’indicible effroi
(Genevoix).
• SYN. : extraordinaire, indescriptible, ineffable, inexprimable, insensé.
& n. m. (v. 1530, C. Marot). L’indicible, ce
qui est indicible : Ce mystère s’évanouit
forcément à l’heure de l’exécution puisqu’il
est l’indicible (Lemaitre).
indiciblement [ɛ̃disibləmɑ̃] adv. (de
indicible ; 1528, R. Ét. Rab., II, 182). De
façon indicible (rare) : Être indiciblement
ému.
indiction [ɛ̃diksjɔ̃] n. f. (lat. indictio, taxe
extraordinaire, déclaration [de guerre], et,
à basse époque, « espace de quinze ans »,
dér. de indicere [v. INDEX] ; v. 1119, Ph. de
Thaon, au sens 2 ; sens 1, 1690, Furetière
[« convocation d’un synode ou d’un
concile », v. 1536, M. Du Bellay ; « prescription légale pour un jour déterminé », fin
du XVIe s., A. d’Aubigné]). 1. Convocation
à jour fixe de certaines assemblées.
Ϧ Spécialem. Convocation d’un synode ou
d’un concile : De l’indiction à l’ouverture
du concile, il s’est écoulé cent trente jours.
Ϧ Vx. Prescription légale pour un jour
déterminé : Indiction d’un jeûne. Ϧ2. Dans
l’Antiquité, période de quinze ans dont le
budget était fixé à l’avance. Ϧ Par extens.
Période de quinze ans.
indien, enne [ɛ̃djɛ̃, -ɛn] adj. et n. (bas
lat. Indianus, qui séjourne dans l’Inde, du
lat. class. India, l’Inde, dér. du n. m. plur.
Indi, les Indiens ; XVIe s., au sens 1 [v. l’art.
suiv.] ; sens 2, av. 1553, Rabelais [réserve
indienne, 1957, Robert]). 1. Relatif à l’Inde
ou à ses habitants ; habitant ou originaire
de ce pays : La République indienne. Les
Indiens ne sont pas tous de religion hindoue. Ϧ 2. Relatif aux populations indigènes d’Amérique, en raison de l’ancienne
appellation d’Indes occidentales (les navigateurs du XVe s. s’étant crus arrivés aux
Indes) ; descendant de ces populations :
Un Indien, une Indienne. Les Indiens, ou
Peaux-Rouges. Ϧ Une réserve indienne, aux
États-Unis, territoire réservé en principe
aux indigènes. Ϧ En file indienne, v. FILE.
• REM. Au sens 1, pour éviter la confusion avec le sens 2, on a employé HINDOU
comme synonyme d’INDIEN. Hindou
n’est plus guère utilisé que dans le sens
religieux.
Indienne [ɛ̃djɛn] n. f. (abrév. de toile
indienne [1359, Gay], l’indienne ayant
d’abord été fabriquée en Inde ; 1632,
Peiresc). Étoffe de coton fabriquée primitivement aux Indes, puis, par la suite, étoffe
similaire de coton : Elle était sobrement
vêtue d’une petite robe d’indienne à grands
carreaux, très simple (Gide).
indifféremment [ɛ̃diferamɑ̃] adv. (de
indifférent ; 1314, Mondeville, au sens 1 ;
sens 2, 1688, Miege). 1. Sans faire de différence : Rendre service à tous indifféremment. Les Turcs appellent indifféremment
les chrétiens infidèles et chiens (Voltaire).
Ϧ 2. Class. et littér. Avec indifférence, sans
intérêt : Ils viennent entendre indifféremment la parole de Dieu (Bourdaloue). L’un
des jeunes gens reçut le coup d’oeil jeté très
indifféremment par l’inconnue (Balzac). Il
se laisse indifféremment agoniser (Villiers
de L’Isle-Adam).
• SYN. : 1 indistinctement.
indifférence [ɛ̃diferɑ̃s] n. f. (lat. impér.
indifferentia, synonymie, du lat. class.
indifferens, -entis [v. INDIFFÉRENT] ; 1377,
Oresme, au sens 1 ; sens 2, v. 1629, Corneille
[absol., 1647, Descartes ; indifférence religieuse, 1867, Littré ; indifférence en matière
de religion, 1817, Lamennais — indifférence,
même sens, av. 1704, Bourdaloue ; d’abord
indifférence de la religion, av. 1662, Pascal ;
liberté d’indifférence, 1738, Voltaire] ; sens
3, 1690, Furetière [« état d’une personne qui
n’est pas sensible à l’amour qu’on lui porte »,
1636, Corneille]). 1. État de ce qui est indifférent, inerte : L’indifférence de la matière
au repos et au mouvement. Ϧ 2. État d’une
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2586
personne qui n’accorde pas d’attention à
quelque chose ou à quelqu’un ; absence
d’intérêt pour quelque chose : Elle se grattait souvent, n’importe où, avec indifférence
du public, par une sorte de manie qui touchait au tic (Maupassant). Un événement
qui se produit dans l’indifférence générale.
ϦAbsol. État d’un être qui ne s’intéresse
à rien ni à personne. Ϧ Indifférence religieuse ou en matière de religion, ou simplem. indifférence, état ou système d’une
personne qui ne s’attache à aucune religion,
les met toutes sur le même plan : Il est d’une
indifférence profonde en matière religieuse ;
il n’est pas prêtre ; il a même songé à quitter
la pourpre et à se marier (Chateaubriand).
ϦLiberté d’indifférence, en philosophie,
liberté conçue comme l’équilibre absolu
entre deux mobiles opposés : La liberté
d’indifférence se ramène à l’irrésolution,
ainsi que l’a remarqué Descartes. Ϧ 3. État
d’une personne qui marque peu d’intérêt
pour autrui, qui est peu sensible, froide :
Elle [l’absence] accumule des mondes
d’indifférence sur des promesses de souvenirs éternels (Fromentin). Ϧ Spécialem.
État d’une personne qui n’est pas sensible à
l’amour qu’on lui porte ; absence d’amour :
Ces expressions de regret qu’on réserve
d’ordinaire aux indifférents persuaderaient
mieux Gilberte de mon indifférence, me
semblait-il, que ne ferait le ton d’indifférence qu’on affecte seulement envers celle
qu’on aime (Proust).
• SYN. : 2 dédain, désaffection, désintéressement, désintérêt, détachement,
insouciance ; 3 égoïsme, froideur, incompréhension, insensibilité.
indifférenciation [ɛ̃diferɑ̃sjasjɔ̃] n. f.
(de indifférencié ; milieu du XXe s.). État de
ce qui est indifférencié.
indifférencié, e [ɛ̃diferɑ̃sje] adj. (de
in- et de différencié, part. passé de différencier ; 1908, Larousse). Qui ne présente
pas de caractéristiques suffisantes pour
être différencié : Une masse protoplasmique
indifférenciée (Bergson). Le genre inanimé
ou neutre, qui s’appliquait aux objets indifférenciés, aurait pu étendre son domaine à
tous les êtres et objets asexués (Dauzat).
indifférent, e [ɛ̃diferɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.
indifferens, -entis, ni bon ni mauvais, ni
longue ni brève [pour une syllabe], qui ne
se préoccupe pas de, de in-, préf. à valeur
négative, et de differens, -entis, part. prés.
de differre, être différent, de dis-, préf. marquant la séparation, la distinction, et de
ferre, porter ; XVe s., Perceforest, au sens de
« indécis » ; sens I, 1, 1641, Descartes ; sens
I, 2, 1580, Montaigne [sans aucun doute
bien plus anc., v. la date du dér. indifféremment] ; sens I, 3, 1671, Pomey [absol., 1632,
Corneille ; état indifférent, 1957, Robert] ;
sens I, 4, 1529, Bonivard ; sens II, 1, av.
1693, Bussy-Rabutin [comme n., 1675, La
Fontaine ; pour une personne pour qui on
n’éprouve aucun sentiment amoureux,
1677, Racine — comme n., 1661, Molière] ;
sens II, 2, 1674, Racine [en matière de religion, 1830, Balzac — comme n., 1704,
Trévoux ; absol., 1835, Acad. — comme
n., 1694, Acad.] ; sens II, 3, 1689, Mme de
Sévigné [« qui est insensible en amour... »,
1643, Rotrou] ; sens II, 4, 1669, Racine).
I. 1. Se dit d’une chose qui ne se porte pas
d’un côté plutôt que d’un autre : La matière est d’elle-même indifférente au repos
et au mouvement. Ϧ Équilibre indifférent,
v. ÉQUILIBRE. Ϧ 2. Qui n’a en soi aucune
raison pour incliner quelqu’un à en faire
le choix : Cette route ou l’autre m’est indifférente. Ϧ 3. Qui ne provoque aucun élan
affectif, qui ne touche pas, dont on ne se
préoccupe pas : Les malheurs des autres
nous sont indifférents à moins qu’ils ne
nous fassent plaisir (Renard). Cela lui
est complètement indifférent. Il ne m’est
pas indifférent que tu réagisses ou non.
Ϧ Absol. Qui est peu susceptible de passionner ou même d’intéresser : Après
deux ou trois phrases gauches sur des sujets indifférents, il se jeta dans la conversation qui lui tenait à coeur (Rolland).
Ϧ État indifférent, en psychologie, état où
le sujet ne présente aucune trace d’affectivité. Ϧ 4. Au sens moral, qui ne penche
ni vers le bien ni vers le mal : Conduite
indifférente.
II. 1. Se dit d’une personne pour qui
l’on n’éprouve aucun intérêt ou aucun
sentiment : On la tenait à l’écart comme
inférieure et indifférente (Zola). Loin
de le trouver indifférent, je le trouve au
contraire très intéressant. Ϧ Spécialem.
Se dit d’une personne pour qui l’on
n’éprouve aucun sentiment amoureux : Il
ne l’aime plus, elle lui est devenue indifférente. Ϧ 2. Qui ne porte aucun intérêt à
quelque chose : Indifférent aux malheurs
d’autrui. La politique le laisse indifférent.
Ϧ Spécialem. En matière de religion, se
dit d’une personne qui n’a pas de préférence pour une confession : On n’est
pas persécuteur quand on est indifférent
(Chateaubriand). Un jésuite érudit et militant, et qui était très estimé dans notre
ville, même parmi ceux qui sont indifférents en matière de religion (Camus).
Ϧ Absol. Qui ne s’intéresse à rien, que
rien ne touche. Ϧ 3. Qui ne porte aucun
intérêt, qui n’éprouve aucun sentiment
pour quelqu’un : Un fils ingrat [...] c’est
un coupable car il n’a pas le droit d’être
indifférent pour sa mère (Maupassant).
Ϧ Spécialem. Qui est insensible en amour
ou à l’amour de quelqu’un. Ϧ 4. Qui laisse
deviner de l’indifférence, le manque
d’intérêt pour quelque chose ou pour
quelqu’un, l’absence de sentiment pour
une personne : L’expression indifférente,
obtuse de son visage (Gide).
• SYN. : I, 3 égal ; banal, insignifiant, quelconque. ϦII, 1 anodin, falot, inintéressant,
terne ; 2 désintéressé, détaché, étranger,
imperméable, inattentif, insoucieux, sourd ;
agnostique, athée, incrédule, sceptique ;
apathique, blasé, flegmatique, impassible ;
3 égoïste, froid, inhumain, insensible, sanscoeur, sec ; cruel (vx), inaccessible.
& n. (1669, La Fontaine). Personne indifférente d’une manière ou d’une autre : Il y
a un mystère du prêtre aux yeux de l’indifférent en matière de religion (Valéry). C’est
un indifférent : il ne s’intéresse à rien, ne se
passionne pour rien.
indifférentisme [ɛ̃diferɑ̃tism] n. m.
(de indifférentiste, celui qui accepte tous
les dogmes religieux [1721, Trévoux], dér.
de indifférent ; 1750, Ritter, les Quatre
Dictionnaires [en religion ; en politique,
1869, Amigues]). Volonté systématique de
ne pas se prononcer en religion ou en politique : Faire profession d’indifférentisme.
indifférer [ɛ̃difere] v. tr. (de indifférent, pris à tort pour un part. prés. ; 1888,
Villatte). [Conj. 5 b.] Fam. N’inspirer aucun
sentiment, aucun intérêt ; laisser insensible : Ces changements perpétuels énervent
le pays ou l’indiffèrent (Donnay). Autant
ces choses-là m’indiffèrent, autant je suis
avec passion la guerre balkanique (Proust).
Je n’aimais pas l’amour, je n’en avais pas
besoin, je me suffisais, mon corps m’indifférait (Montherlant).
indigénat [ɛ̃diʒena] n. m. (de indigène ;
1699, Dalairac [II, 14], au sens 3 ; sens 1, 1867,
Littré ; sens 2, 1888, Larousse). 1. Qualité,
état d’indigène. (Rare.) Ϧ 2. Régime
administratif particulier appliqué dans
une colonie à la population autochtone.
Ϧ 3. Autref. En Pologne, droit de citoyen.
indigence [ɛ̃diʒɑ̃s] n. f. (lat. indigentia,
le besoin, exigence, de indigens, -entis
[v. INDIGENT] ; v. 1265, J. de Meung, au
sens 2 ; sens 1, 1541, Sources du droit du
canton de Genève [II, 384] ; sens 3, av. 1794,
Chénier ; sens 4, 1675, Bossuet). 1. Class.
État de ce qui est dépourvu de quelque
chose : Venir en visite amoureuse avec
[...] un habit qui souffre une indigence de
rubans (Molière). Ϧ 2. Manque des choses
indispensables à la vie : Supporter l’indigence. Échapper à l’indigence. Sortir de
l’indigence. Ϧ3. L’ensemble des indigents :
Secourir, respecter l’indigence. Ϧ 4. Fig. État
de privation : Une grande indigence de pensée. Une grande indigence intellectuelle.
• SYN. : 2 dénuement, détresse, misère,
pauvreté ; 4 carence, défaut, déficience,
faiblesse, pénurie. — CONTR. : 2 abondance,
aisance, fortune, luxe, opulence, prospérité,
richesse ; 4 orgie, profusion.
indigène [ɛ̃diʒɛn] n. (lat. indigena, indigène [adj. et n.], du lat. archaïque indu,
dans, et de genere, forme anc. de gignere,
engendrer ; 1743, E. F. Geoffroy [v. aussi ciaprès ; par opposition aux nouveaux venus
d’origine européenne, 1931, Larousse]).
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2587
Personne qui est née et dont les ascendants
ont vécu depuis une époque reculée dans
le pays où elle vit. ϦSpécialem. Personne
faisant partie d’une population qui était
implantée dans un pays antérieurement à
la colonisation.
• SYN. : aborigène, autochtone, natif, naturel. — CONTR. : allogène, étranger, immigré ;
colon.
& adj. (sens 1, 1532, Rabelais [dans le jargon latinisant de l’écolier limousin], puis
1756, Voltaire [« qui est originaire du pays
où on le trouve », 1771, Trévoux, art. exotique] ; sens 2, 1893, Dict. général [« qui
est peuplé par des indigènes », 1903, Loti ;
troupes indigènes, 1902, Larousse] ; sens
3, 1828, A. F. Villemain ; sens 4, début du
XXe s.). 1. Qui est originaire du pays où il
vit : Un agriculteur indigène. ϦQui est
originaire du pays où on le trouve : Arbre,
plante, végétation indigène. Ϧ 2. Qui est
composé d’indigènes d’un pays, généralement d’un pays colonisé : Population,
prolétariat, féodalité indigène. Ϧ Qui est
peuplé par les indigènes : La maison que
j’habite dans la ville indigène n’a pas de
fenêtre sur le dehors (Tharaud). ϦTroupes
indigènes, nom donné jusqu’à la Seconde
Guerre mondiale aux troupes recrutées
parmi les autochtones des territoires français d’outre-mer. Ϧ 3. Qui appartient à une
population indigène : Littérature, coutume,
religion, tradition indigène. Ϧ 4. Service des
Affaires indigènes, organisation militaire
française qui était chargée, en Afrique du
Nord avant l’indépendance, de l’administration et de la sécurité des territoires qui
lui étaient confiés.
• SYN. : 1 autochtone.
indigent, e [ɛ̃diʒɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (lat.
indigens, -entis, qui est dans le besoin,
part. prés. adjectivé de indigere, manquer
de, avoir besoin de, du lat. archaïque indu,
dans, et du lat. class. egere, manquer de,
être privé de ; v. 1265, J. de Meung). Se dit
d’une personne qui manque des choses les
plus nécessaires : Un vieillard indigent. Je
célèbre les offices, je visite les malades et
les indigents, je confesse mes paroissiens et
mes paroissiennes (France).
• SYN. : gueux (fam.), malheureux, nécessiteux, pauvre. — CONTR. : aisé, cossu, fortuné, huppé (fam.), opulent, riche.
& adj. (sens 1, av. 1553, Rabelais ; sens 2,
1858, Fromentin). 1. Qui donne l’impression d’une nette insuffisance : Une pensée indigente. Une langue aussi indigente
et aussi rude que notre ancien gaulois
(Voltaire). Ϧ2. Qui manque de force :
Une ampoule électrique, fixée au plafond,
répandait dans cette cellule une lumière
indigente et chagrine (Duhamel).
• SYN. : 1 déficient, élémentaire, primitif,
rudimentaire ; 2 faible.
indigeste [ɛ̃diʒɛst] adj. (lat. indigestus,
confus, sans ordre, non digéré, de in-,
préf. à valeur négative, et de digestus, part.
passé de digerere, diviser, mettre en ordre,
de dis-, préf. marquant la séparation, la
distinction, et de gerere, porter ; v. 1270,
Mahieu le Vilain, au sens 1 ; sens 2, 1588,
Montaigne ; sens 3, v. 1501, Jardin de plaisance). 1. Vx. Qui n’est pas digéré : Il rend
les viandes crues et indigestes (Acad., 1694).
Ϧ2. Difficile à digérer : Une nourriture
indigeste. Ϧ 3. Fig. Difficile à assimiler
intellectuellement : Il a assez de méchants
amis qui l’accablent sous le poids de lourdes
et indigestes louanges (Zola). Un ouvrage,
un article, une pensée indigeste.
• SYN. : 2 lourd (fam.) ; 3 confus, épais,
pesant, touffu. — CONTR. : 2 digeste, digestible, léger ; 3 clair, limpide, lumineux.
indigestible [ɛ̃diʒɛstibl] adj. (bas lat.
indigestibilis, indigeste, du lat. class. in-,
préf. à valeur négative, et du bas lat. digestibilis, digestible, de digestum, supin du
lat. class. digerere [v. l’art, précéd.] ; fin du
XIVe s., au sens 1 ; sens 2, milieu du XIXe s.,
Baudelaire). 1. Qu’on ne peut pas digérer
(rare) : L’oiseau avale la graine qui est indigestible (Maeterlinck). Ϧ2. Fig. Qu’on ne
peut assimiler : Sans ce second élément,
qui est comme du divin gâteau, le premier
élément serait indigestible, inappréciable,
non adapté et non approprié à la nature
humaine (Baudelaire).
• SYN. : 1 et 2 indigeste.
indigestion [ɛ̃diʒɛstjɔ̃] n. f. (bas lat.
indigestio, indigestion, du lat. class. indigestus [v. INDIGESTE] ; XIIIe s., Simples
médecines, au sens de « trouble constant
de la digestion » ; sens 1, v. 1690, Fénelon ;
sens 2, 1686, Mme de Sévigné). 1. Trouble
momentané des fonctions digestives, pouvant provoquer une indisposition ou un
vomissement : C’est une simple indigestion
que m’ont donnée ces pommes de terre pas
assez cuites ; ce n’est rien (Proust). Ϧ 2. Fig.
et fam. État d’une personne qui ne peut plus
supporter quelque chose parce qu’elle en
a trop entendu, lu, subi : Des salons [...] où
je vais régulièrement chercher des indigestions d’harmonie, que ma femme nomme
des concerts (Balzac). Une indigestion de
lecture.
indigestionner [ɛ̃diʒɛstjɔne] v. tr. (de
indigestion ; 1873, Goncourt). Provoquer
une indigestion (au pr. et au fig.) [rare] :
Un rien les indigestionne (Goncourt). Il
était un peu dans la situation délicieuse
de l’enfant prodigue, indigestionné de veau
gras (Daudet).
indignation [ɛ̃diɲasjɔ̃] n. f. (lat. indignatio, indignation, de indignatum, supin de
indignari [V. INDIGNER] ; V. 1120, Psautier
d’Oxford, écrit indignatiun ; indignation,
XIIIe s., Tailliar). Sentiment de colère ou de
révolte que peut provoquer quelqu’un ou
quelque chose : Et, pour me faire entendre,
à défaut du génie, | J’en aurai le courage
et l’indignation ! (Musset). Une grande
indignation me soulève d’abord (Gide).
L’incarcération de cet innocent [...] me
soulève d’indignation et de dégoût (Aymé).
Causer l’indignation de quelqu’un.
indigne [ɛ̃diɲ] adj. (lat. indignus, qui
ne mérite pas, qu’on ne mérite pas, qui ne
convient pas, de in-, préf. à valeur négative,
et de dignus, digne de, méritant ; fin du
XIIIe s., Dialogues de saint Grégoire, écrit
endigne, au sens de « qui n’est pas digne
de [quelqu’un] » ; écrit indigne, au sens
2, 1580, Montaigne [en termes de droit,
1690, Furetière ; pour une chose, 1588,
Montaigne] ; sens 1, 1631, Corneille ; sens
3, 1636, Corneille [pour une chose, av. 1662,
Pascal] ; sens 4, 1665, Molière [pour une
chose, 1580, Montaigne — « absurde »,
XVe s.]). 1. Class. En bonne part, qui ne
mérite pas de subir quelque chose de
fâcheux : Indigne également de vivre et de
mourir (Corneille). Ϧ2. Auj. En mauvaise
part, se dit d’une personne qui ne mérite
pas quelque chose, qui n’en est pas digne :
Il est indigne de pardon, de considération.
Ne vous faites pas des amis indignes de
vous. Un écrit par lequel il se reconnaissait
indigne de régner (Voltaire). ϦSpécialem.
En termes de droit, se dit d’une personne
exclue d’une succession par la loi. Ϧ Vx. se
dit d’une chose qui ne mérite pas qu’on lui
accorde quelque chose : Une faute indigne
de pardon. Une affaire sans intérêt, indigne
d’attention. Ϧ 3. Se dit d’une personne qui
n’a pas le mérite, la valeur d’une autre personne : Indigne de ses parents, de sa race, de
ses ancêtres. ϦSe dit d’une chose qui n’est
pas en rapport avec la valeur de quelqu’un,
qui n’est pas à sa hauteur : Toute profession
lucrative me semblait servile et indigne de
moi (Renan). Ϧ 4. Absol. Se dit d’une personne qui manque de la dignité attendue
ou requise et qui ne mérite que le mépris :
[Béatrix :] Nous serions bien malheureuses
et surtout bien indignes si nous cédions à
toutes les passions que nous inspirons
(Balzac). Un père, une mère indigne. Un
homme indigne. Ϧ Se dit d’une chose qui
témoigne de ce caractère : Aussi, voulant
cacher cette émotion indigne, tâchait-il d’affecter le mépris de la souffrance (Zola). Une
conduite, une action indigne. Des moyens
indignes.
• SYN. : 4 abject, coupable, infâme, monstrueux, vil ; avilissant, condamnable, dégradant, déshonorant, ignoble, inavouable,
infamant, révoltant, scandaleux.
& n. (sens 1, 1688, Bossuet ; sens 2, 1804,
Code civil). 1. Class. Personne indigne :
Je ne sais si un bienfait qui tombe sur un
ingrat, et ainsi sur un indigne, ne change
pas de nom, et s’il méritait plus de reconnaissance (La Bruyère). Ϧ 2. Spécialem. En
termes juridiques, personne exclue d’une
succession par la loi : Les enfants d’un
indigne.
indigné, e [ɛ̃diɲe] adj. (part. passé de
indigner ; v. 1330, Roman de Renart le
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Contrefait, au sens 1 ; sens 2, av. 1890,
Maupassant). 1. Qui ressent de l’indignation : Un homme indigné d’une pareille
conduite. Ϧ 2. Qui manifeste l’indignation de quelqu’un : Un regard indigné. Et
il rentra dans sa maison où retentissait la
voix indignée de sa femme (Maupassant).
• SYN. : 1 révolté, scandalisé ; 2 outré.
indignement [ɛ̃diɲmɑ̃] adv. (de indigne ;
fin du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire).
D’une manière indigne : Se conduire
indignement.
indigner [ɛ̃diɲe] v. tr. (lat. indignari,
s’indigner, regarder comme indigne, de
indignus [V. INDIGNE] ; 1366, Du Cange,
au sens de « braver » ; sens actuel, 1611,
Cotgrave [dès le début du XIVe s., au part.
passé, V. INDIGNÉ]). Remplir d’indignation,
provoquer la colère, la révolte de : Les proscriptions prolongées indignent les nations,
ou elles les corrompent (Constant). Ϧ Être
indigné, éprouver de la colère, de la révolte :
Je suis indigné par une pareille cruauté. Je
suis indigné que vous ayez agi ainsi.
• SYN. : exaspérer, révolter, scandaliser.
& s’indigner v. pr. (v. 1355, Bersuire).
Éprouver de l’indignation : S’indigner d’un
événement. S’indigner contre l’injustice. Je
crois apercevoir dans nos lois des cruautés
[...] dont nos arrière-neveux s’indigneront
(France). À mesure qu’il m’enlevait toute
raison de m’indigner, je me sentais désemparé (Gide).
• SYN. crier contre, fulminer, gronder, pester
(fam.), tonner, vitupérer.
indignité [ɛ̃diɲite] n. f. (lat. indignitas,
indignité [de quelqu’un ou de quelque
chose], outrage, conduite indigne, de
indignus [v. INDIGNE] ; début du XVe s., au
sens 2 ; sens 1, 1683, Bossuet ; sens 3, 1530,
Palsgrave ; sens 4, v. 1570, Carloix ; sens 5,
1636, Monet [aussi « exclusion d’un héritier ayant commis une faute grave contre
le défunt » ; « refus du droit électoral à certaines personnes », 1819, d’après Larousse,
1873 ; indignité nationale, fin 1944]).
1. Caractère d’une personne indigne,
méprisable : Chez moi, l’humiliation venait
de l’idée que je me faisais de l’indignité de
ma mère (Maurois). Une jeune fille irréprochable, menacée dans son affection et
dans son avenir par l’indignité d’un frère
ainé (Aymé). Ϧ2. Caractère de ce qui est
indigne, bas, vil : L’indignité de sa conduite.
Ϧ 3. Action méprisable ou odieuse commise par quelqu’un : Commettre des indignités. Qu’ils gémissent de mes indignités
(Rousseau). Il n’ignorait pas son indignité,
son péché chronique d’adultère (Zola).
Ϧ4. Class. Mauvais traitement que l’on
fait subir à quelqu’un qui ne le mérite
pas : J’ose dire pourtant que je n’ai mérité
| Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité
(Racine). Ϧ 5. Auj. Privation de certains
droits civils ou civiques. ϦSpécialem.
Refus du droit électoral à certaines personnes. Ϧ Exclusion d’un héritier ayant
commis une faute grave contre le défunt.
Ϧ Indignité nationale, peine sanctionnant
les faits de collaboration avec l’ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale.
• SYN. 1 abjection, avilissement, déchéance,
déshonneur ; 2 bassesse, ignominie, infamie ; 3 crime, faute, turpitude, vilenie.
indigo [ɛ̃digo] n. m. (du portug. indico,
indigo [peut-être, pour la forme indigo,
par l’intermédiaire du néerl. indigo, luimême empr. du portug.], lat. indicum,
indigo, neutre substantivé de l’adj. Indicus,
Indien [l’indigo ayant d’abord été importé
de l’Inde], dér. de India, l’Inde, du n. m.
plur. Indi, les Indiens [v. aussi INDE] ;
1544, Fonteneau, écrit indico [indigo,
1598, Lodewijcksz], au sens 1 ; sens 2,
1902, Larousse [couleur indigo ; indigo,
même sens, 1835, Acad.] ; sens 3, 1604, Fr.
Martin). 1. Matière colorante d’un beau
bleu, extraite de l’indigotier ou fabriquée
par synthèse. Ϧ2. Couleur indigo, ou
simplem. indigo, couleur bleu foncé : À
quelques centaines de mètres, une barque
blanche, incroyablement lumineuse, glissait
sur l’indigo de la mer (Martin du Gard).
Ϧ 3. La plante qui fournit l’indigo.
& adj. invar. (1873, Larousse). : Un reflet
indigo. Des lumières indigo.
• REM. Le mot indigo en tant que nom
peut recevoir la marque du pluriel. Employé comme adjectif, il reste invariable.
indigoterie [ɛ̃digɔtri] n. f. (de indigo ;
1658, C. de Rochefort, au sens 2 ; sens 1,
1873, Larousse). 1. Terre où l’on cultive
l’indigo. Ϧ 2. Atelier, usine où l’on fabrique
l’indigo.
indigotier [ɛ̃digɔtje] n. m. (de indigo ;
1718, Histoire de l’Acad. des sciences, au
sens 1 ; sens 2, 1722, Labat ; sens 3, 1765,
Encyclopédie). 1. Plante vivace des pays tropicaux, dont les feuilles fournissent l’indigo. Ϧ2. Fabricant d’indigo. Ϧ 3. Ouvrier
qui travaille à la fabrication de l’indigo.
indigotine [ɛ̃digɔtin] n. f. (de indigo ;
1843, Landais). Principale matière colorante de l’indigo.
indique [ɛ̃dik] adj. (lat. Indicus, Indien,
de India, l’Inde, dér. du n. m. plur. Indi,
les Indiens ; av. 1525, J. Lemaire de Belges).
Syn. anc. de INDIEN : Elle efface les lys et les
perles indiques (Rostand).
indiqué, e [ɛ̃dike] adj. (part. passé de
indiquer ; 1873, Larousse). Qui convient
parfaitement : Dans une pareille situation,
c’est le remède indiqué, tout indiqué. Il est
très indiqué de réfléchir avant d’agir.
• SYN. : conseillé, préconisé, recommandé.
indiquer [ɛ̃dike] v. tr. (lat. indicare,
dénoncer, révéler, évaluer, mentionner, dér.
de index, -dicis [v. INDEX] ; début du XVIe s.,
au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière [« faire
connaître quelque chose de secret », 1611,
Cotgrave] ; sens 3-4, 1690, Furetière ; sens
5, 1867, Littré [au part. passé ; à l’infin.,
1893, Dict. général] ; sens 6, 1688, Miege ;
sens 7, 1835, Acad. [indiquer que, 1874,
V. Hugo] ; sens 8, 1835, Acad.). 1. Montrer
d’une manière précise par un geste, un
repère, un signal, etc. : Il ne s’était pas
figuré l’horizon de la sorte, lorsque le vieux
Bonnemort le lui avait indiqué du geste
au fond des ténèbres (Zola). Quand il te
plaira de me revoir, demande aux passants
la maison de Laeta Acilia ; tous les citoyens
le l’indiqueront sans peine (France). Un
panneau qui indique la direction à prendre.
Les aiguilles de la montre indiquent trois
heures. Ϧ 2. Porter à la connaissance de
quelqu’un en lui fournissant les renseignements qui situent exactement la personne
ou la chose dont il s’enquiert : Indiquer un
garage, un hôtel. Indiquer à quelqu’un un
bon dentiste. ϦSpécialem. et class. Faire
connaître quelque chose de secret, dénoncer : Vindex indiqua la conspiration faite en
faveur de Tarquin (Montesquieu). Ϧ 3. En
parlant d’une chose, fournir les renseignements nécessaires pour situer quelque
chose : Carte qui n’indique pas cette localité.
Ϧ4. Faire connaître exactement : Indiquer
tous les sens d’un mot. Indiquer un mode
d’emploi. Ϧ5. Déterminer exactement et
faire connaître avec précision un lieu, une
date, une heure, en vue d’une rencontre :
Nous nous retrouverons à l’endroit qui nous
a été indiqué. Il n’est pas possible de vous
indiquer l’heure de la réunion. Ϧ 6. Vx.
Assigner pour un temps déterminé : [Il]
avait indiqué un parlement au jeudi saint
(Voltaire). Ϧ7. Avec un sujet désignant des
choses, être l’indice de : Des signes avantcoureurs qui indiquent l’approche de la
crise économique. ϦIndiquer que, montrer clairement que : Cela indique qu’il est
menteur. Ϧ 8. En termes de beaux-arts et de
littérature, marquer sans trop d’insistance,
esquisser légèrement : On doit se contenter
d’indiquer les derniers plans. Indiquer le
caractère d’un personnage.
•SYN. : 1 désigner, donner, marquer,
signaler ; 3 mentionner, porter, signaler ;
4 apprendre, énoncer, enseigner, énumérer,
fournir ; 5 dire, fixer, préciser, spécifier ;
7 annoncer, déceler, démontrer, dénoncer,
dénoter, manifester, prouver, refléter, révéler, signifier, témoigner de, trahir ; 8 crayonner, ébaucher, figurer, tracer.
indirect, e [ɛ̃dirɛkt] adj. (lat. indirectus, indirect, détourné, de in-, préf. à
valeur négative, et de directus, qui est en
ligne droite ou à angle droit, et, au fig.,
« droit, sans détour », part. passé adjectivé
de dirigere, aligner, disposer ; 1531, Revue
historique [t. I, p. 127], au sens 3 [un premier ex. au début du XVe s.] ; sens 1, 1867,
Littré [éclairage indirect, 1957, Robert ;
tir indirect, 1931, Larousse] ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 4, milieu du XXe s. ; sens
5, 1867, Littré). 1. Qui ne conduit pas au
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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but directement ; qui fait des détours :
Chemin, itinéraire indirect. ϦÉclairage
indirect, procédé d’éclairage dans lequel
les rayons partant de la source lumineuse n’atteignent pas directement l’objet
à éclairer. Ϧ Tir indirect, tir dans lequel
l’objectif est invisible. Ϧ 2. Fig. Qui n’est
pas exprimé directement, franchement :
Je connais trop bien Amélie pour n’avoir
pas su voir tout ce qu’il entrait de reproche
indirect dans sa conduite (Gide). Il était
si joyeux de sa rencontre, il ressentait un
tel besoin d’en parler, même de façon indirecte, qu’il raconta son équipée à Robinson
(Radiguet). Ϧ 3. Qui ne s’exerce pas directement ; qui agit par intermédiaire : Rôle,
influence indirects. Effet, conséquence
indirects. Ϧ Complément d’objet indirect,
v. COMPLÉMENT. ϦInterrogation indirecte, v. INTERROGATION. Ϧ Discours, style
indirect, v. DISCOURS. Ϧ Impôts indirects,
contributions indirectes, v. IMPÔT, CONTRIBUTION. Ϧ4. Salaire indirect, ensemble
d’avantages que la société ou une entreprise
accorde à tous les salariés ou à une partie
d’entre eux, sans que ces avantages soient
en rapport direct avec le travail fourni.
Ϧ 5. Ligne indirecte, en termes de droit,
ligne collatérale de parenté.
• SYN. : 1 détourné ; 2 caché, latent, oblique,
voilé ; 3 médiat. — CONTR. : 1 direct ; 2 catégorique, franc, net ; 3 immédiat.
indirectement [ɛ̃dirɛktəmɑ̃] adv. (de
indirect ; 1507, Dict. général). De façon
indirecte : S’adresser indirectement à
quelqu’un.
indirigeable [ɛ̃diriʒabl] adj. (de in- et de
dirigeable ; 1789, Proschwitz [p. 337], au
sens 1 ; sens 2, av. 1935, P. Bourget). 1. Qui
ne peut être dirigé : On n’aura pas résolu
le problème de la navigation aérienne, pas
plus qu’on ne l’aura résolu à l’aide des aérostats, qui sont essentiellement indirigeables
(De Fresnes). Ϧ 2. Qu’on ne peut contrôler : Le désir, chez moi, avait été une force
indirigeable (Bourget).
indiscernabilité [ɛ̃disɛrnabilite] n. f.
(dér. savant de indiscernable ; oct. 1737,
Voltaire). Caractère de ce qui ne peut être
discerné.
indiscernable [ɛ̃disɛrnabl] adj. (de in- et
indiscernable [ɛ̃disɛrnabl] adj. (de in- et
de discernable ; 1582, d’Agneaux, au sens 1 ;
sens 2, 1873, Larousse). 1. Qu’on ne peut pas
discerner, distinguer nettement de quelque
chose d’autre : Ils [les anges] ensemencèrent
soudain l’infini de leur présence, comme
les étoiles brillent dans l’indiscernable
éther (Balzac). Un sommet indiscernable
dans le brouillard. Des nuances de couleur
indiscernables. Ϧ2. Fig. Se dit d’une chose
dont on a du mal à reconnaître la nature et
l’existence : Qu’on décide clairement s’il faut
encore ajouter à la peine des hommes pour
des fins indiscernables (Camus). Et l’oeil
de Landin, d’un bleu trouble, noyé d’une
larme éternelle, exprimait des sentiments
indiscernables (Mauriac).
• SYN. 1 imperceptible, indécis, indéterminable, invisible ; 2 confus, indéfini,
indéfinissable, indéterminé, insaisissable,
mystérieux, vague.
& n. m. (sens 1, fin du XIXe s. ; sens 2, 1867,
Littré). 1. État de ce qui est indiscernable :
Ils avaient hâte de sortir du trouble, de l’indiscernable (Barrès). Ϧ 2. En philosophie,
ce qui est indiscernable : Leibniz a énoncé
le principe des indiscernables.
indisciplinable [ɛ̃disiplinabl] adj. (de
in- et de disciplinable ; 1530, Laigue).
Qu’on ne peut pas discipliner : Jamais
les bourgeois n’avaient eu tant à souffrir
des insolences de la jeunesse indisciplinable (Mérimée). Esprits indisciplinables.
Cheveux indisciplinables.
indiscipline [ɛ̃disiplin] n. f. (de in- et de
discipline ; 1501, F. Le Roy). Manque de
discipline, disposition d’esprit contraire
à la discipline : Un acte d’indiscipline.
Faire preuve d’indiscipline. Indiscipline
intellectuelle.
• SYN. contestation, désobéissance,
dissipation, indocilité, insoumission,
insubordination.
indiscipliné, e [ɛ̃disipline] adj. (de inet de discipliné ; v. 1361, Oresme [cheveux
indisciplinés, 1957, Robert]). Rebelle à toute
discipline : Un enfant, un soldat indiscipliné. ϦPlaisamm. Cheveux indisciplinés, cheveux qu’il est difficile de coiffer
convenablement.
• SYN. : désobéissant, diable (fam.), indocile, infernal (fam.), insubordonné, rétif,
terrible (fam.). — CONTR. : discipliné, docile,
obéissant, sage.
indiscontinu, e [ɛ̃diskɔ̃tiny] adj. (de
in- et de discontinu ; 1890, A. Daudet).
Qui ne connaît pas d’interruption : Des
Espazettes compta six et n’attrapa rien
qu’un gros rhume sous la pluie à torrents
et indiscontinue (Daudet).
• SYN. : continu, continuel, incessant,
ininterrompu. — CONTR. : discontinu,
intermittent.
indiscontinûment [ɛ̃diskɔ̃tinymɑ̃]
adv. (de indiscontinu ; av. 1951, A. Gide).
De façon indiscontinue : J’accusai le temps
(il pleuvait indiscontinûment cette année)
[Gide].
indiscret, ète [ɛ̃diskrɛ, -ɛt] adj. (lat.
indiscretus, non séparé, indistinct [et, à
basse époque, « indiscret »], de in-, préf.
à valeur négative, et de discretus, part.
passé de discernere, séparer, distinguer ;
v. 1360, Froissart, au sens de « intempestif,
inopportun » [en parlant d’événements] ;
sens 1 et 3, v. 1380, Aalma ; sens 2, 1587,
Satires françaises du XVIe siècle [II, 171] ;
sens 4, 1580, Montaigne ; sens 5, av. 1613,
M. Régnier ; sens 6, v. 1534, Bonaventure
Des Périers ; sens 7, 1782, Mme de Genlis).
1. Class. et littér. Qui agit sans discernement, sans réflexion : Cet âge, ordinairement indiscret, n’est pas capable de bons
conseils (Bossuet). D’autres femmes viendront, baigneuses indiscrètes, | Troubler le
flot sacré qu’ont touché les pieds nus (Hugo).
Ϧ 2. Qui manque de réserve dans ses rapports avec d’autres personnes : Cet homme
est indiscret et s’insinue chez les gens malgré
eux. Ϧ 3. Class. Se dit de ce qui est hors de
saison, déplacé : Et, follement pompeux,
dans sa verve indiscrète, | Au milieu d’une
églogue entonne la trompette (Boileau).
Ϧ 4. Class. et littér. Qui est sans retenue :
Pour venger je ne sais quels prophètes, |
Dont elle avait puni les fureurs indiscrètes
(Racine). La tenue splendide et indiscrète
d’une femme en tenue de bal (Fromentin).
Ϧ 5. Qui est incapable de garder un secret,
de tenir caché ce qu’il faut taire : Un
confident, un confesseur indiscret. Ϧ 6. Se
dit de ce qui révèle ce qu’on devrait cacher :
Une affirmation, un bavardage indiscrets.
Ϧ 7. Qui manifeste une curiosité déplacée :
Serait-il indiscret de vous demander les raisons de cette bizarrerie ? (Balzac).
• SYN. : 2 collant (fam.), curieux ; 5 bavard,
cancanier ; 6 déplacé, impertinent,
inconvenant.
& n. (début du XVIe s., au sens de « ignorant,
sot » ; sens 1, 1608, M. Régnier ; sens 2,
1690, Furetière). 1. Personne indiscrète,
qui manque de réserve ou qui a une curiosité déplacée : Ici, nous sommes à l’abri des
indiscrets. Ϧ 2. Personne qui ne sait pas
garder un secret.
• SYN. : 1 casse-pieds (fam.), enquiquineur
(pop.), fâcheux, gêneur, importun, raseur
(fam.) ; 2 bavard, cancanier, commère
(fam.).
indiscrètement [ɛ̃diskrɛtmɑ̃] adv. (de
indiscret ; 1370, Oresme, au sens 1 ; sens
2 [« sans réserve ni retenue »], milieu du
XVIe s., Amyot). 1. Class. Sans discernement, sans réflexion : Ceux qui font profession de sagesse n’estiment pas comme
ils doivent les biens que les Dieux nous
ont faits, et en parlent indiscrètement
(Malherbe). Ϧ2. D’une manière indiscrète ; sans réserve, sans retenue : Prendre
connaissance indiscrètement d’une lettre.
Dumouriez s’emporta fort d’être indiscrètement deviné (Michelet).
indiscrétion [ɛ̃diskresjɔ̃] n. f. (bas lat.
indiscretio, indiscrétion, du lat. class.
indiscretus [v. INDISCRET] ; fin du XIIe s.,
Dialogues de saint Grégoire, au sens
1 ; sens 2 et 5, 1588, Montaigne ; sens 3,
1569, Godefroy, VIII, 388 ; sens 4, fin
du XVIIe s., Saint-Simon ; sens 6, 1587,
Cholières ; sens 7, 1694, Acad.). 1. Class.
Manque de jugement, de discernement :
Car, lâchant le bâton en desserrant les
dents, | Elle [la tortue] tombe, elle crève
aux pieds des regardants. | Son indiscrétion de sa perte fut cause (La Fontaine).
Ϧ 2. Class. Manque de mesure, exagération
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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dans certaines attitudes ou certaines opinions : Ducharmel passait sa vie [...] dans
une pénitence dure jusqu’à l’indiscrétion
(Saint-Simon). Ϧ 3. Manque de réserve, de
retenue qu’imposent les relations sociales :
À cause de son indiscrétion, il ne mérite
pas votre confiance. Il a eu l’indiscrétion
de me questionner sur cette affaire. Ϧ Sans
indiscrétion, s’il n’y a pas d’indiscrétion à
demander cela : Sans indiscrétion, combien
avez-vous payé ce meuble ? Ϧ 4. Caractère
de ce qui est indiscret, déplacé, malséant :
L’indiscrétion de ses visites me scandalisait.
Ϧ 5. Action, parole indiscrète : J’ai désiré
la possession d’une mare soustraite aux
indiscrétions des passants (J. H. Fabre).
Ϧ 6. Spécialem. Défaut d’une personne qui
ne sait pas garder un secret : Un homme
connu pour son indiscrétion. Ϧ7. Action
ou parole par laquelle on révèle un secret
qu’on aurait dû tenir caché : Le complot a
été connu par une indiscrétion.
• SYN. : 3 curiosité ; 4 importunité, incongruité, intempestivité ; 7 cancan, commérage
(fam.), fuite, racontar (fam.). — CONTR. :
3 réserve, retenue ; 4 discrétion ; 6 silence.
indiscutable [ɛ̃diskytabl] adj. (de in- et
de discutable ; 1836, Raymond, au sens 1 ;
sens 2, 1879, Loti). 1. Qui ne peut pas être
discuté ; dont la vérité ne fait aucun doute :
De nouveaux règlements sont intervenus,
présentant l’avantage indiscutable de la
simplification (France). Un fait indiscutable. Une preuve indiscutable de la culpabilité de quelqu’un. Un succès indiscutable.
Ϧ2. Dont l’authenticité ne peut être mise
en doute : Un document indiscutable.
Les expressions peuvent varier [dans les
Évangiles], le message reste unique, indiscutable, comme la parole même de Dieu
(Daniel-Rops).
• SYN. : 1 certain, formel, inattaquable,
incontestable, indéniable, indubitable,
irrécusable, irréfragable, irréfutable, manifeste, positif ; 2 authentique, vrai. — CONTR.
1 contestable, discutable, douteux, hypothétique, incertain, problématique ; 2 apocryphe, faux, imaginaire, inauthentique.
indiscutablement [ɛ̃diskytabləmɑ̃] adv.
(de indiscutable ; 14 juill. 1876, Gazette des
tribunaux, p. 687). De façon indiscutable :
L’accusé est indiscutablement coupable.
indiscuté, e [ɛ̃diskyte] adj. (de in- et
de discuté, part. passé de discuter ; 1845,
Bescherelle, au sens 1 ; sens 2, 1898, Loti).
1. Vx. Qui n’a pas été soumis à discussion.
Ϧ 2. Qui n’est pas mis en discussion ou en
doute : La basilique triomphait, indiscutée,
reconnue et admirée pour être l’église la plus
grande et la plus opulente du monde (Zola).
Une valeur, une supériorité indiscutée. Un
dirigeant, un chef indiscuté.
• SYN. : 2 incontesté, manifeste, reconnu.
indispensabilité [ɛ̃dispɑ̃sabilite] n. f.
(dér. savant de indispensable ; 1819, Boiste).
Caractère, état de ce qui est indispensable :
Nous le guérirons tous les ans, cela prouvera
la nécessité du traitement annuel, l’indispensabilité du retour (Maupassant).
indispensable [ɛ̃dispɑ̃sabl] adj. (de inet de dispenser ; fin du XVIe s., au sens 1
[pour une chose à laquelle on ne peut se
soustraire, 1671, Pomey] ; sens 2, 29 mai
1754, Voltaire). 1. Class. Se dit de ce qui a
un caractère obligatoire : Je sais les droits
d’un père, et connais ceux d’un roi ; | Je sais
de ses devoirs l’indispensable loi (Corneille).
Ϧ Auj. Se dit d’une chose à laquelle on ne
peut se soustraire : Une visite indispensable.
Ϧ 2. Se dit d’une chose ou d’une personne
dont on ne peut pas se passer : Outil, livre
indispensable. Connaissances indispensables. Elle résista longtemps à donner sa
signature, indispensable aux termes de nos
lois pour valider la vente des biens (Balzac).
Landin, qui se savait indispensable, marchait pourtant derrière eux, humble et
craintif (Mauriac).
• SYN. : 1 inévitable, obligatoire ; 2 essentiel,
nécessaire, vital. — CONTR. : 2 facultatif,
inutile, superflu.
& n. (1829, Boiste, au sens de « sigisbée » ;
« personne ou chose indispensable »,
1867, Littré [faire l’indispensable, XXe s.
— jouer à l’indispensable, même sens,
1893, Courteline]). Personne ou chose
indispensable. ϦFaire l’indispensable,
agir de manière à laisser croire que l’on
est indispensable.
& n. m. (1862, V. Hugo). L’indispensable,
ce dont on ne peut se passer.
indispensablement [ɛ̃dispɑ̃sabləmɑ̃]
adv. (de indispensable ; début du XVIIe s.).
Class. D’une manière nécessaire : Tous les
hommes doivent savoir qu’ils sont indispensablement obligés d’aimer Dieu (Fénelon).
indisponibilité [ɛ̃dispɔnibilite] n. f. (dér.
savant de indisponible ; 1827, Acad.). État
de celui ou de ce qui est indisponible :
L’indisponibilité d’une voiture pendant la
réparation.
indisponible [ɛ̃dispɔnibl] adj. (de in- et
de disponible ; 1752, Trévoux [biens indis-
ponibles ; pour une personne ou une chose
dont on ne peut disposer, 1877, Littré]). Se
dit d’une chose ou d’une personne dont on
ne peut pas disposer : De l’argent indisponible. Le coeur indisponible qui seul aurait
pu savoir le prix du bonheur (Proust).
[Jacques] était là, à trois pas d’elle, mais
indisponible, possédé par d’autres, étranger (Martin du Gard). Ϧ Spécialem. Biens
indisponibles, partie d’une succession dont
on ne peut pas disposer.
& adj. et n. m. (28 sept. 1876, Journ. des
débats [p. 2]). Se dit de militaires dont on
ne peut pas disposer, qu’on ne peut pas
utiliser.
indispos [ɛ̃dispo] adj. m. (de in- et de
dispos ; 1544, Scève). Qui n’est pas dispos
(rare) : Se sentir indispos.
indisposé, e [ɛ̃dispoze] adj. (lat. indispositus, mal ordonné, confus [et, à basse
époque, « indisposé », au fig.], de in-, préf.
à valeur négative, et de dispositus, bien
ordonné, part. passé adjectivé de disponere,
distribuer, arranger, régler ; v. 1400, Gerson,
au sens de « corrompu par le mal » [en parlant de l’âme] ; sens 1, milieu du XVe s. ; sens
2, 1891, Huysmans ; sens 3, 1675, Brunot).
1. Se dit d’une personne légèrement souffrante : Indisposé, il n’a pu aller hier à son
travail. Ϧ2. Spécialem. Se dit d’une femme
pendant la période des menstrues : Elle
était à ce moment indisposée et son imagination était toujours plus sensible dans ces
moments-là (Montherlant). Ϧ 3. Fig. Qui
n’est pas dans des dispositions favorables
à quelqu’un : Je l’ai trouvé indisposé contre
moi, hostile.
• SYN. : 1 fatigué, incommodé, mal fichu
(fam.), patraque (fam.), souffrant ; 3 mal
disposé, mal intentionné, malveillant.
— CONTR. : 1 dispos, gaillard, vaillant,
vigoureux ; 3 amical, bienveillant, bon,
gentil.
indisposer [ɛ̃dispoze] v. tr. (de indisposé, d’après disposer ; v. 1700 [d’après
Trévoux, 1721], au sens 3 ; sens 1, 1828,
Mozin ; sens 2, av. 1714, Fénelon). 1. Altérer
légèrement la santé : Un mets, une chaleur
qui indispose. Le vin prolongeait l’existence,
n’indisposait pas, ne soûlait pas (Zola).
Ϧ2. Class. Mettre dans des conditions
défavorables à quelque chose : Ne vous
engouez point de certaines conversations
de politique ou de joli badinage, qui vous
dissipent, qui vous indisposent au recueillement et à l’oraison (Fénelon). Ϧ3. Fig.
Mettre dans des dispositions hostiles ou
défavorables à quelqu’un : Ce discours singulier [...] m’avait apitoyé et indisposé tout
à la fois (Lacretelle). Sa tactique avait été
de ne pas déposer de conclusions pour ne
pas indisposer le jury (Camus).
• SYN. : 1 fatiguer, gêner, incommoder ;
3 déplaire, fâcher, froisser, hérisser, se
mettre à dos, piquer, vexer.
indisposition [ɛ̃dispozisjɔ̃] n. f. (de indisposé, d’après disposition ; 1459, Lettres de
Louis XI [I, 108], dans la loc. indisposition
du temps, « mauvais temps » ; sens 1, fin
du XVe s., Commynes ; sens 2, début du
XXe s. ; sens 3, 1721, Trévoux). 1. Légère
altération de la santé : La sensibilité nerveuse est une cause active des indispositions. Ϧ2. Spécialem. État d’une femme
indisposée. Ϧ 3. Fig. et vx. Disposition
peu favorable envers quelqu’un : Ce qui
m’avait déjà annoncé leur indisposition à
mon égard (Staal).
• SYN. : 1 fatigue, incommodité, malaise,
trouble.
indisputable [ɛ̃dispytabl] adj. (bas lat.
indisputabilis, incontestable, du lat. class.
in-, préf. à valeur négative, et disputabilis,
qui est susceptible d’une discussion, dér. de
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2591
disputare, mettre au net un compte, examiner, exposer, discuter ; 1688, Miege). Vx.
Qu’on ne peut contester : Je [Newton] ne me
sers du mot d’attraction que pour exprimer
un effet que j’ai découvert dans la nature,
effet certain et indisputable d’un principe
inconnu, inhérent à la matière (Voltaire).
Enfin nous-mêmes, malgré nos prospérités réelles et indisputables, bien que nous
puissions nous montrer avec éclat sur un
champ de bataille si nous y sommes appelés,
sommes-nous tout à fait prêts à y paraître ?
(Chateaubriand).
indissociable [ɛ̃disɔsjabl] adj. (bas lat.
indissociabilis, inséparable, du lat. class.
in-, préf. à valeur négative, et dissociabilis,
qui sépare, incompatible, dér. de dissociare,
séparer, désunir ; 1542, Huguet, au sens
de « indissoluble » ; sens 1-2 [de in- et de
dissociable], 1962, Larousse). 1. Que l’on ne
peut pas dissocier d’autre chose : Un élément indissociable d’un ensemble. Ϧ 2. Que
l’on ne peut pas diviser en parties : Un tout
indissociable.
• SYN. : 1 inséparable ; 2 indivisible.
indissolubilité [ɛ̃disɔlybilite] n. f. (dér.
savant de indissoluble ; 1609, Brunot).
Caractère de ce qui ne peut être dissous,
défait : L’indissolubilité du Beau, du Vrai,
du Bien (Baudelaire). Une mauvaise union
prend, dans l’apparat matrimonial, un
caractère d’indissolubilité (H. Bazin).
indissoluble [ɛ̃disɔlybl] adj. (lat. indissolubilis, indissoluble, indestructible, impérissable, de in-, préf. à valeur négative, et
de dissolubilis, séparable, divisible, dér. de
dissolvere, séparer, désunir, détruire ; 1495,
Vignay, au sens 2 ; sens 1, fin du XVIe s.,
Palissy ; sens 3, milieu du XVIe s.). 1. Vx. Qui
ne peut être dissous : L’or est indissoluble
dans l’acide sulfurique (Littré). Ϧ 2. Fig.
Qui ne peut être défait, désuni : Il y avait
en cet homme plusieurs hommes qui eussent
fait de belles et grandes choses s’ils n’avaient
été contraints, par une union intolérable et
indissoluble, de s’entre-dévorer (France).
Attachement indissoluble. Ϧ 3. Fig. et
vx. Que l’on ne peut résoudre, éclaircir,
comprendre : Une énigme indissoluble
(Bossuet).
• SYN. : 2 immuable, indéfectible, indestructible, infrangible. — CONTR. : 2 éphémère,
fragile, fugitif, précaire.
indissolublement [ɛ̃disɔlybləmɑ̃] adv.
(de indissoluble ; 1471, Lettres de Louis XI
[IV, 355]). Selon des liens qu’on ne peut
rompre : Le cercle de métal qui se resserre en
se refroidissant épouse indissolublement le
bois, la première roue est ferrée (Martin du
Gard) ; et au fig. : Mais toujours la pensée
de l’absente était indissolublement mêlée
aux actes les plus simples de la vie de Swann
(Proust). Des problèmes indissolublement
liés.
indistinct, e [ɛ̃distɛ̃, -ɛ̃kt] adj. (lat.
indistinctus, confus, obscur, de in-, préf.
à valeur négative, et de distinctus, varié,
séparé, nuancé, part. passé adjectivé de
distinguere, séparer, diviser, différencier ;
1549, R. Estienne, au sens 1 [sans aucun
doute plus anc., v. la date du dér. indistinctement] ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Que
l’on a du mal à distinguer : Un ordre partait du porte-voix, un beuglement sourd et
indistinct (Zola). On nous promène dans
la forêt durant deux heures le long d’un
très petit sentier presque indistinct (Gide).
Ϧ2. Fig. Qui n’est pas bien défini, qui est
confus : Ivre [...] d’un indistinct mélange
d’enthousiasme, d’abnégation, de vertu,
j’en appelais à Dieu (Gide).
• SYN. : 1 confus, imperceptible, indéfini,
indiscernable, invisible ; 2 indécis, indéfinissable, indéterminable, obscur, trouble,
vague.
indistinctement [ɛ̃distɛ̃ktəmɑ̃] adv.
(de indistinct ; 1495, Vignay, au sens 1 ;
sens 2, 1580, Montaigne). 1. D’une façon
indistincte : Ils [un cristal, une fleur] nous
sont des objets [...] plus intelligibles à la vue
[...] que tous les autres que nous voyons
indistinctement (Valéry). Ϧ 2. Sans faire
de distinction : Frapper indistinctement
le coupable et l’innocent. L’hommage que
nous rendons indistinctement aux grands
nous avilit (Rousseau).
• SYN. : 1 confusément, vaguement ; 2 indifféremment. — CONTR. : 1 clairement,
distinctement.
indistinction [ɛ̃distɛ̃ksjɔ̃] n. f. (de
indistinct, d’après distinction ; 1767, J.-J.
Rousseau). État de ce qui est indistinct : A
un dieu seulement est réservée l’ineffable
indistinction de son acte et de sa pensée
(Valéry).
indium [ɛ̃djɔm] n. m. (mot du lat. scientif. moderne, créé en 1863 sur indi[go] — à
cause de la raie indigo que le métal donne
au spectroscope — par les découvreurs
du corps, les chimistes allemands Reich
et Richter ; 1867, Littré). Métal rare qui
présente des analogies avec l’aluminium.
individu [ɛ̃dividy] n. m. (lat. scolast. individuum, ce qui est indivisible, d’où « ce qui
est particulier » et « tout être particulier »
[« atome », en lat. class.], neutre substantivé
de l’adj. du lat. class. individuus, indivisible,
inséparable, de in-, préf. à valeur négative,
et de dividuus, divisible, divisé, dér. de dividere, diviser, partager ; milieu du XIIIe s., au
sens I, 2 ; sens I, 1, 1550, Meigret ; sens I, 3,
milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens I, 4, 1684,
La Fontaine ; sens I, 5, XIVe s., Lanfranc
[« la personne », v. 1770, J.-J. Rousseau ;
« ce qui constitue la personne physique de
quelqu’un », av. 1654, Guez de Balzac] ; sens
I, 6, 1829, Boiste ; sens I, 7, 1867, Littré ; sens
II, 1, 1957, Robert ; sens II, 2, 1791, G. de
Mirabeau).
I. 1. En philosophie, être concret, donné
dans l’expérience, ayant une unité propre
et des caractères distinctifs permanents.
Ϧ 2. Dans un classement hiérarchique
par genres et par espèces, chaque unité
indépendante et particulière qui entre
dans l’extension d’une espèce : Il n’existe
réellement dans la nature que des individus, et les genres, les ordres et les classes
n’existent que dans notre imagination
(Buffon). Ϧ 3. En biologie, spécimen
vivant d’une espèce, être organisé qui
ne saurait être divisé sans être détruit :
Les individus apprivoisés d’une espèce
sauvage. Ϧ 4. Chaque être de l’espèce
humaine : Les jeunes individus et les individus âgés. Quand on se penche sur les
problèmes humains, le rôle de l’individu
devient primordial (Lecomte du Nouÿ).
Ϧ 5. En psychologie, l’être humain en
tant que possédant une unité et une identité biologiques, et un ensemble de caractères propres qui le distinguent des autres.
Ϧ Par extens. Dans le langage courant, la
personne : Sous ce déguisement, ce maquillage, il donne l’illusion de ne plus être
le même individu. Ϧ Fam. Ce qui constitue la personne physique de quelqu’un, et
plus particulièrement son corps (toujours
accompagné d’un adj. possessif) : Avoir
soin de son individu. Recevoir un coup
de pied dans une partie charnue de son
individu. Ϧ 6. Être humain indéterminé,
personne quelconque que l’on ne connaît
pas ou que l’on ne veut pas nommer (généralement avec une nuance dépréciative
plus ou moins marquée) : Il lui advint de
rencontrer, en promenade, quelques individus de ces pays détestés (Rolland). Dans
la rue déserte, un individu vint à passer
(Queneau). Un triste individu. Ϧ 7. En
physique, élément indivisible : La question s’est posée de savoir s’il est possible
de considérer les corpuscules comme des
individus physiques parfaitement définis
et localisés dans l’espace (L. de Broglie).
II. 1. Chacune des unités dont l’ensemble
forme une société ou une colonie : Les
individus d’une fourmilière, d’une colonie de madrépores. Ϧ 2. L’être humain
considéré par rapport à la société ou à
une collectivité : Les masses sont tout aujourd’hui, les individus sont peu de chose
(Staël). Enfin, la question si difficile et si
controversée des rapports entre l’individu
et l’État se pose : l’État, c’est-à-dire l’organisation de plus en plus précise, étroite,
exacte, qui prend à l’individu toute la portion qu’il veut de sa liberté de son travail,
de son temps, de ses forces et, en somme,
de sa vie, pour lui donner... Mais quoi lui
donner ? (Valéry). Aussi longtemps que les
hommes vivront en société, je pense que
les individus ne pourront pas, à leur gré, se
prétendre libérés de leurs obligations envers cette société qui les protège, et dont ils
profitent (Martin du Gard). Ce qui fait la
grandeur d’une civilisation, c’est la volondownloadModeText.vue.download 40 sur 1066
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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té que manifeste la collectivité de respecter
au moins et peut-être même de favoriser le
libre travail des élites, c’est-à-dire des individus (Duhamel). L’affirmation impliquée
dans tout acte de révolte s’étend à quelque
chose qui déborde l’individu dans la mesure où elle le tire de sa solitude supposée
(Camus).
• SYN. : I, 2 échantillon, spécimen ; 4 créature, être, homme, humain ; 5 personnage,
personne ; 6 citoyen (fam.), énergumène,
gars (fam.), moineau (fam.), oiseau (fam.),
olibrius (fam.), particulier (POP.), quidam,
type (pop.), zèbre (pop.), zigoto (pop.), zigue
(pop.).
individualisation [ɛ̃dividɥalizasjɔ̃] n.
f. (de individualiser ; 1803, Boiste, au sens
1 [« état, caractère de ce qui est individualisé », 1863, Presse scientifique des Deux
Mondes, t. I, p. 458] ; sens 2, 1898, Saleilles
[individualisation des peines]). 1. Action
de donner ou le fait de prendre les caractères spécifiques d’un individu : C’est en
italique commun, donc avant l’individualisation de la langue latine (Dauzat). ϦÉtat,
caractère de ce qui est individualisé :
L’individualisation d’une espèce animale.
Ϧ2. Action de rendre individuel quelque
chose, de l’attribuer ou de l’adapter à un
individu : L’individualisation des primes
d’assurance automobile en fonction du comportement des conducteurs. Ϧ Spécialem.
Individualisation des peines, système de
répression qui vise à faire varier, pour
chaque délit, la peine d’après le caractère
du délinquant.
individualisé, e [ɛ̃dividɥalize] adj. (part.
individualisé, e [ɛ̃dividɥalize] adj. (part.
passé de individualiser). Qui possède les
caractères propres d’un individu ; qui est
distinct des autres êtres de la même espèce :
Un groupe fortement individualisé.
individualiser [ɛ̃dividɥalize] v. tr. (dér.
savant de individuel ; 1738, d’Olivet au part.
passé, au sens 1 [à propos d’un nom précédé
de l’article défini ; à l’infin., 1765, Diderot ;
absol., 17 janv. 1889, J. Renard] ; sens 2, 1957,
Robert ; sens 3, 1803, Boiste [« distinguer,
reconnaître en tant qu’individu », av. 1922,
Proust]). 1. Rendre individuel, distinct des
autres êtres, par des caractères propres ;
constituer l’individualité de : Les caractères qui individualisent les êtres (Diderot) ;
et absol. : Un détail qui individualise.
Ϧ2. Adapter à chaque individu en particulier : Individualiser les peines. Ϧ3. Vx.
Considérer, présenter quelque chose individuellement, isolément : Lorsque l’homme
découvre des idées nouvelles, il ne fait autre
chose que discerner, voir à part, individualiser ce qui auparavant était absorbé dans
la vision uniforme du tout (Lamennais).
Ϧ Spécialem. Distinguer, reconnaître
en tant qu’individu (rare) : Mais, à vrai
dire, je les voyais depuis si peu d’instants,
et sans oser les regarder fixement, que je
n’avais encore individualisé aucune d’elles...
(Proust).
• SYN. : 1 caractériser, différencier, distinguer, particulariser.
& s’individualiser v. pr. (1867, Littré). Se
distinguer nettement par des caractères
propres : Tout ce qui est français tend à
s’individualiser. Tout ce qui est allemand,
à dominer et à se soumettre (Gide).
individualisme [ɛ̃dividɥalism] n. m.
(dér. savant de individuel ; 9 sept. 1826,
le Globe [IV, 61], au sens 2 ; sens 1, 1829,
Lamennais ; sens 3, 1904, Revue de métaphysique [p. 1108] ; sens 4, 1833, Balzac ;
sens 5, 1839, Balzac). 1. Au sens large,
toute doctrine ou tendance qui affirme
la prééminence de l’individu et voit en
lui la valeur suprême. Ϧ 2. Spécialem. En
morale et en politique, théorie qui fait prévaloir les droits de l’individu sur ceux de
la société, et qui estime, en particulier, que
l’état et les institutions sociales doivent
avoir pour fin le bien des individus.
Ϧ 3. En sociologie, doctrine qui cherche
à expliquer les événements historiques
et les phénomènes sociaux par l’action
consciente des individus. Ϧ4. Tendance
à s’affirmer indépendamment des autres :
Faire preuve d’individualisme. Son profond individualisme le pousse à s’isoler.
Ϧ 5. Péjor. Tendance à l’égoïsme.
• SYN. : 4 indépendance, non-conformisme.
individualiste [ɛ̃dividɥalist] adj. (de
individualisme ; 1845, Bescherelle). Qui est
conforme à l’individualisme ; qui affirme
la prééminence de l’individu sur le groupe,
la collectivité : Une morale individualiste.
Des positions individualistes. Voyez cette
religion individualtste, et finalement anarchiste, qu’est le protestantisme (Martin du
Gard).
& adj. et n. (sens 1, 1836, Raymond ; sens
2, 1936, Martin du Gard ; sens 3, 1962,
Larousse). 1. Qui est partisan de l’individualisme, en morale, en politique, etc.
Ϧ2. Qui tient à s’affirmer indépendamment des autres : L’on peut aller beaucoup
plus loin, mais avec le commun, qu’on n’eût
fait seul, individualiste, même partant
beaucoup plus tôt et marchant d’un pied
plus léger (Gide). Ϧ 3. Péjor. Qui ramène
tout à soi : Je suis une orgueilleuse, une
individualiste très peu capable de sacrifices (Bazin).
• SYN. : 2 indépendant, non-conformiste ;
3 égoïste, égotiste.
individualité [ɛ̃dividɥalite] n. f. (dér.
savant de individuel ; 1760, Ch. Bonnet,
au sens 2 ; sens 1, 1873, Larousse ; sens 3,
1762, Diderot ; sens 4, 1760, Ch. Bonnet
[« tout être humain, tout individu », 1830,
Fr. M. Ch. Fourier] ; sens 5, 1831, Balzac).
1. Caractère de ce qui est individuel,
de ce qui existe en tant qu’individu :
L’individualité des espèces animales.
Individualité biologique, psychologique.
Ϧ2. Ensemble des caractères propres à un
individu et par lesquels il se distingue des
autres : Une individualité composite. Il ne
croit pas que son individualité, comme on
dit maintenant en assez mauvais style, vaille
la peine d’être autrement étudiée (Hugo).
Nous voulons être Français, avec tous les
traits d’une individualité régionale qui nous
est chère (Clemenceau). Ϧ3. Caractère
original propre à une personne ou à une
chose : Aujourd’hui règne plus que jamais
le fanatisme de l’individualité (Balzac). Il
reste toujours en dehors [...] cette chose qui
s’appelle l’individualité du talent, du génie
(Sainte-Beuve). Ϧ 4. Tout ce qui existe à
l’état d’individu distinct des autres :
L’être vivant forme un organisme et une
individualité (C. Bernard). ϦSpécialem.
Tout être humain, tout individu : Là, du
moins, les plages ne sont pas souillées par
des individualités aussi fétides (Flaubert).
Ϧ 5. Personne qui se distingue nettement
des autres par un certain nombre de traits
marquants, originaux (vieilli ; on dit plutôt
PERSONNALITÉ auj.) : Je n’accepte que les
individualités vraiment individuelles et nettement accusées (Zola). Certains croient
que l’histoire est dominée par quelques
individualités remarquables qu’on appelle
les grands hommes.
• SYN. : 4 originalité, particularité.
individuation [ɛ̃dividɥasjɔ̃] n. f. (dér.
savant de individu ; 1551, D. Sauvage [principe d’individuation, 1902, La rousse]).
Dans la scolastique, réalisation de l’espèce
dans un être individuel. ϦPrincipe d’individuation, principe qui fait qu’un individu
diffère de tous les autres de la même espèce,
c’est-à-dire possède une détermination
dans le temps et dans l’espace.
individuel, elle [ɛ̃dividɥɛl] adj. (de individu ; 1490, Vaganay, écrit individual [individuel, v. 1560, Paré], au sens 3 ; sens 1, 1755,
J.-J. Rousseau ; sens 2, 1690, Furetière ; sens
4, 1867, Littré ; sens 5, 1873, Larousse ; sens
6, 1764, J.-J. Rousseau). 1. Qui a le caractère d’un individu, qui constitue un individu : Être individuel. Éléments individuels
d’un genre. Il y a, je le sens, un âge auquel
l’homme individuel voudrait s’arrêter ; tu
chercheras l’âge auquel tu désirerais que ton
espèce se fût arrêtée (Rousseau). Ϧ 2. Qui
appartient à l’individu : Caractères individuels d’un être. Propriétés, qualités individuelles. Ϧ 3. Qui est propre à un individu
donné et le caractérise par rapport aux
autres individus de la même espèce : Cette
ville possède un charme pour ainsi dire individuel (Staël). Ϧ 4. Qui ne concerne qu’un
seul individu, qu’une seule personne : Fiche
individuelle. Convocation individuelle.
Réquisition individuelle. Ϧ5. Qui est le fait
d’une seule personne : Action, réclamation,
intervention individuelle. L’activité individuelle gagne au spectacle de l’activité de
l’ensemble (J. H. Fabre). Ϧ 6. Qui est propre
à un individu d’un groupe, d’une collectivité pris isolément : Propriété individuelle.
Liberté individuelle. Que signifie le voeu
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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de pauvreté individuelle si l’on s’agrège à
une collectivité puissante ? (Mauriac). Il n’y
avait pas alors de destins individuels, mais
une histoire collective, qui était la peste et
des sentiments partagés par tous (Camus).
• SYN. : 1 particuliers ; 2 personnel ; 3 caractéristique, propre ; 6 privé. — CONTR. :
1 général, universel ; 2 générique ; 4 et 5 collectif, commun.
& n. (v. 1935). Athlète, sportif n’appartenant à aucun club, à aucune équipe.
& individuel n. m. (1802, Chateaubriand).
Ce qui est propre à l’individu ou à un
individu : Transportez le raisonnement
de l’individuel au collectif, de l’homme au
peuple (Chateaubriand). Dans cette étrange
période de l’amour, l’individuel prend
quelque chose de [...] profond (Proust). La
folie est l’autodéification d’un individuel
dans lequel ne se reconnaît aucun collectif
(Queneau).
individuellement [ɛ̃dividɥɛlmɑ̃] adv.
(de individuel ; 1551, R. Ét. Rab. [II, 182],
au sens de « à ne regarder que l’individu » ; sens 1, 1805, Senancour ; sens 2,
1835, Acad. ; sens 3, 1867, Littré). 1. En tant
qu’individu : Tout ce qui est se compose de
choses ou d’êtres individuellement distincts
(Lamennais). Ϧ2. Chacun en particulier :
Les membres de l’assemblée se sentent individuellement responsables de l’application
d’une décision. Ϧ 3. Un à un, séparément :
On est prié de se présenter individuellement
au contrôle.
• SYN. : 2 personnellement. — CONTR. : 1 en
bloc, en choeur, ensemble ; 2 collectivement.
indivis, e [ɛ̃divi, -iz] adj. (lat. indivisus,
non partagé, indivis, de in-, préf. à valeur
négative, et de divisus, partagé, séparé, part.
passé adjectivé de dividere, diviser ; XIVe s.,
dans la loc. par indivis [v. ci-dessous] ;
comme adj., au sens 2, 1526, Mémoires et
documents.. de la Suisse romande [I, 27,
344], écrit indevis [indivis, 1835, Acad.] ;
sens 1, v. 1562, Bonivard [écrit indivis ; au
fig., av. 1841, Chateaubriand]). 1. Se dit, en
termes de droit, d’une chose qui n’a pas été
partagée, qui est possédée à la fois par plusieurs personnes : Il faudrait se dispenser
de faire l’inventaire de toute la fortune qui
aujourd’hui se trouve indivise entre vous et
monsieur votre père (Balzac). Bien, patri-
moine, fonds indivis. Succession indivise ;
et au fig. : Encore une fois, la royauté n’est
point une propriété privée, c’est un bien
commun, indivis, et des tiers sont engagés
dans la fortune du trône (Chateaubriand).
Et sans cesse je reconnais tout ce que je dois
à ceux de mon pays, de ma race [...], ce que
je dois aussi à cet héritage indivis qui ne
tient compte ni des races, ni des patries
(Gide). Ϧ 2. Qui possède conjointement
une propriété indivise : Propriétaires, héritiers indivis.
& Par indivis loc. adv. (1347, Runkewitz).
Sans qu’il y ait eu division, en restant dans
l’indivision : Posséder un bien, une propriété par indivis.
indivisaire [ɛ̃divizɛr] n. (de indivis ; 1957,
Robert). Personne qui possède quelque
chose dans l’indivision avec d’autres.
indivisé, e [ɛ̃divize] adj. (de in- et de
divisé, part. passé de diviser : v. 1361,
Oresme). Vx. Qui n’a pas subi de division :
Les éléments sont des corps divisibles mais
indivisés (Voltaire).
indivisément [ɛ̃divizemɑ̃] adv. (de indivis ; 1551, R. Ét. Rab. [II, 182], écrit indivisement ; 1556, Papiers de Granvelle [IV,
596], écrit indiviseement ; indivisément,
1791, Moniteur universel [VII, 590]). En
termes de droit, sans qu’il y ait eu division
de biens communs : Deux frères qui possèdent indivisément une propriété.
• SYN. : par indivis.
indivisibilité [ɛ̃divizibilite] n. f. (dér.
savant de indivisible [indivisibleté, forme
plus pop., v. 1380, Aalma] ; début du XVIe s.,
au sens de « indissolubilité du mariage » ;
sens actuel, 1691, Brunot). Caractère, nature
de ce qui est indivisible, de ce qui ne peut
être séparé en parties : Unité, indivisibilité
de la République, liberté, égalité, fraternité
ou la mort (Goncourt). On a longtemps cru
à l’indivisibilité de l’atome.
indivisible [ɛ̃divizibl] adj. (bas lat.
indivisibilis, indivisible, du lat. class. in-,
préf. à valeur négative, et du bas lat. divisibilis, divisible, de divisum, supin du lat.
class. dividere, diviser, partager ; 1314,
Mondeville, au sens 1 [obligation indivisible, 1804, Code civil] ; sens 2, v. 1790, G. de
Mirabeau). 1. Qui ne peut pas être divisé
en parties : Le fédéralisme était vaincu : la
République une, indivisible, vaincrait tous
ses ennemis (France). Ϧ Obligation indivisible, en droit, obligation qui ne peut pas
être exécutée partiellement, et à laquelle
chacun des obligés est tenu pour le tout.
Ϧ2. Fig. Que l’on ne peut pas désunir,
séparer de : Elle est indivisible de la nation
qu’elle reflète exactement (Valéry).
• SYN. : 1 un ; 2 indissociable, inséparable.
indivisiblement [ɛ̃divizibləmɑ̃] adv.
(de indivisible ; 1470, Livre de la discipline
d’amour divine). De manière indivisible.
indivision [ɛ̃divizjɔ̃] n. f. (de indivis,
d’après division ; XVe s., au sens philosophique de « absence de division » ; sens
1, 1765, Encyclopédie ; sens 2, 1804, Code
civil). 1. État d’une propriété, d’un bien
indivis qui n’ont pas été partagés : Le
partage d’un bien met fin à l’indivision.
Ϧ2. Situation juridique de personnes possédant un bien indivis : Rester dans l’indivision. L’indivision des clôtures mitoyennes
est perpétuelle et dite « indivision forcée ».
• SYN. : 1 communauté.
in-dix-huit [indizɥit] adj. invar. (de in
2 et de dix-huit ; 1765, Encyclopédie). Se
dit du format d’un livre où chaque feuille
d’impression forme 18 feuillets, soit 36
pages : On n’imagine pas combien il est
difficile aux gens du monde de se procurer
un petit volume, in-dix-huit jésus, de trois
francs cinquante (France).
& n. m. invar. (1765, Encyclopédie). Format,
volume in-dix-huit : Un in-dix-huit.
• REM. On écrit aussi, par abrév., IN-18.
indo- [ɛ̃do], élément tiré du lat. Indus, de
l’Inde, et qui entre, comme préfixe, dans la
formation de quelques mots, où il signifie
Inde, Indien (des Indes orientales).
indo-afghan, e [ɛ̃doafgɑ̃, -an] adj. et n.
(de indo- et de afghan ; 1962, Larousse). Se
dit d’une race humaine proche de la race
sud-orientale, et de ses représentants.
indo-aryen, enne [ɛ̃doarjɛ̃, -ɛn] adj.
et n. m. (de indo- et de aryen ; v. 1934). Se
dit des langues indo-européennes actuellement parlées dans l’Inde.
indochinois, e [ɛ̃doʃinwa, -az] adj. et n.
(de indo- et de chinois ; 1845, Bescherelle
[aussi « habitant ou originaire de ce pays »]).
Relatif à l’Indochine et à ses habitants ;
habitant ou originaire de ce pays.
indocile [ɛ̃dɔsil] adj. et n. (lat. indocilis,
qu’on ne peut instruire, rebelle à, ignorant, de in-, préf. à valeur négative, et de
docilis, disposé à s’instruire, qui apprend
aisément, docile, dér. de docere. enseigner,
instruire ; av. 1502, O. de Saint-Gelais,
écrit indocille [indocile, 1538, R. Estienne],
au sens 1 ; sens 2, av. 1613, M. Régnier ;
sens 3, 1598, G. Bouchet). 1. Class. Qui
ne se laisse pas instruire : Un esprit indocile. Ô cervelle indocile, | Faut-il qu’avec
les soins qu’on prend incessamment | On
ne le puisse apprendre à parler congrument ? (Molière). Ϧ2. Class. Indocile à,
qui résiste à, qui ne se laisse pas persuader
par : Indocile à la flatterie, il en craignait
jusqu’à l’apparence (Bossuet). Ϧ 3. Qui
n’est pas docile et refuse de se laisser
diriger ou conduire : Enfant, génération
indocile. Un cheval indocile. Un peuple
indocile d’ouvriers (Duhamel). Dutheil,
l’air extasié, tournait autour de la jeune
femme [...], pour remettre en place un pli
de dentelle, corriger une boucle indocile
(Zola).
• SYN. : 3 désobéissant, difficile, dissipé, dur,
indiscipliné, infernal (fam.), insubordonné,
rebelle, récalcitrant, réfractaire, rétif, terrible (fam.).
indocilité [ɛ̃dɔsilite] n. f. (lat. impér.
indocilitas, incapacité d’être instruit, du
lat. class. indocilis [v. l’art. précéd.] ; début
du XVIIe s., Montlyard, au sens de « fait de
ne pouvoir être instruit » ; 1669, Bossuet,
au sens de « fait d’être difficile à gouverner,
d’être indiscipliné »). Caractère de celui ou
de ce qui est difficile à instruire, à diriger,
à conduire : Et, même en classe, le visage
d’un garçon tel que Montclar trahissait
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2594
parfois un sentiment pire que l’indocilité
(Lacretelle). L’indocilité d’un cheval.
• SYN. : désobéissance, dissipation, indiscipline, insubordination, rébellion.
— CONTR. : docilité, obéissance, sagesse,
soumission, souplesse.
indo-européen, enne [ɛ̃doørɔpeɛ̃,
-ɛn] adj. (de indo- et de européen ; 1845,
Bescherelle). Qui appartient à un groupe
de langues auxquelles on attribue une origine commune et qui ont été parlées dès
une époque ancienne à la fois en Europe
et en Asie.
& adj. et n. (1873, pour l’adj., et 1902, pour
le n., Larousse). Qui a parlé ou parle une
des langues de ce groupe sans que cela
implique l’appartenance à une même race :
Populations indo-européennes.
& indo-européen n. m. (1922, Larousse
[indo-européen occidental, 1962, Larousse]).
Ensemble des traits anciens communs à
toutes les langues indo-européennes ou à
quelques-unes d’entre elles : La déclinaison en indo-européen. ϦIndo-européen
occidental, traits communs aux langues
celtiques et italiques.
indo-gangétique [ɛ̃dogɑ̃ʒetik] adj.
(de indo-, élément tiré du nom du fleuve
Indus, et de gangétique, du fleuve Gange ;
XXe s.). Qui est relatif à la fois à l’Indus et au
Gange : La plaine indo-gangétique.
indogermanique [ɛ̃doʒɛrmanik] adj.
et n. m. (de indo- et de germanique ; av.
1854, Nerval). Nom donné par certains
philologues allemands aux langues
indo-européennes.
indo-iranien, enne [ɛ̃doiranjɛ̃, -ɛn]
adj. et n. m. (de indo- et de iranien ; 1902,
Larousse [art. indo-européen]). Se dit de
l’ensemble formé par les langues indoaryennes et iraniennes. (Syn. ARYEN.)
indole [ɛ̃dɔl] n. m. (de ind[igo] et du
suff. scientif. -ol, du lat. oleum, huile ;
1873, Larousse, écrit indol ; indole, 1888,
Larousse). En chimie, composé obtenu
par distillation de l’indigo blanc sur de
la poudre de zinc et qui existe dans certaines essences de fleurs, dans le goudron
de houille et parmi les produits de décomposition des matières albuminoïdes.
indolemment [ɛ̃dɔlamɑ̃] adv. (de indolent ; 1717, Massillon). Avec indolence : Le
croisement des jambes découvrait jusqu’à
la cheville son pied, qu’il balançait indolemment (Martin du Gard).
indolence [ɛ̃dɔlɑ̃s] n. f. (lat. indolentia,
absence de toute douleur, insensibilité, de
in-, préf. à valeur négative, et de dolere,
souffrir, s’affliger ; XIVe s., Romania [XIV,
458], au sens de « vie facile, agréable » ; sens
1, 1580, Montaigne ; sens 2, 1834, Landais ;
sens 3, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 4,
1671, Boileau). 1. Class. Absence de douleur : L’indolence est le souhait de ceux que
la goutte, la gravelle, la pierre [...] mettent
une fois le mois à la torture (Malherbe).
Ϧ2. Auj. En termes de médecine, caractère
d’une lésion qui ne cause pas de douleur :
L’indolence d’une tumeur. Ϧ 3. Class. et fig.
Insensibilité morale : Un motif impie de
tranquillité et d’indolence dans les crimes
(Massillon). Ϧ4. Caractère de celui qui
cherche à s’épargner tout effort, qui agit
avec mollesse : Mais Clarisse s’occupait de
son dîner, et l’on sentait en elle l’indolence
d’une personne absorbée dont les mains
sont lentes, le regard errant, parce que la
volonté absente est accaparée par quelque
combat intérieur (Daudet). D’ailleurs ma
grande indolence, accommodée aux molles
habitudes de ma petite ville de province, me
détournait de faire un éclat (Aymé).
• SYN. : 4 apathie, atonie, indifférence, inertie, langueur, mollesse, nonchalance, nonchaloir (vx ou poétiq.). — CONTR. : 4 allant
(fam.), ardeur, diligence, entrain, pétulance,
vivacité, zèle.
indolent, e [ɛ̃dɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. (bas lat. indolens, -entis, qui ne souffre pas, du lat. class.
in-, préf. à valeur négative, et dolens, -entis,
qui cause de la douleur, part. prés. adjectivé
de dolere, souffrir, s’affliger ; v. 1590, Sully,
au sens 1 ; sens 2, 1671, Boileau [en parlant
d’une chose qui se déplace avec lenteur, av.
1695, La Fontaine ; « qui porte la marque
de l’indolence », 1738, Piron] ; sens 3, 1762,
Acad.). 1. Class. Qui est insensible à tout
ce qui pourrait faire impression sur lui ;
qui n’est touché par rien : On n’a aucune
prise sur les caractères indolents (Fénelon).
Ϧ 2. Qui évite de se donner de la peine en
faisant des efforts, qui agit, se meut avec
mollesse : Enfant, écolier, animal indolent.
Les groupes indolents | S’en allaient en causant à voix basse, à pas lents (Lamartine).
Ϧ Littér. Se dit d’une chose qui se déplace
avec une lenteur évoquant la paresse : On
voyait [...] çà et là, dans les lointains, d’indolentes nappes de brouillard qui remontaient les rampes, telles des fumées (Carco).
ϦQui porte la marque de l’indolence : Une
vie, une démarche indolente. Un geste indolent. Et pourtant, la veille, à l’arrivée, je
m’étais senti repris par le charme indolent
de la vie de bains de mer (Proust). Ϧ 3. En
médecine, qui ne fait pas souffrir : Une
plaie, une tumeur indolente.
• SYN. : 2 amorphe (fam.), apathique, atone,
avachi (fam.), engourdi, languissant, mollasse, mollasson, mou, nonchalant, paresseux. — CONTR. : 2 actif, ardent, diligent,
dynamique, empressé, entreprenant, expéditif, rapide, vif, zélé.
& n. (1688, La Fontaine). Personne indolente : Que j’aime voir, chère indolente,
de ton corps si beau [...] miroiter la peau
(Baudelaire).
indolore [ɛ̃dɔlɔr] adj. (bas lat. indolorius,
non douloureux, du lat. class. in-, préf. à
valeur négative, et dolor, douleur, de dolere,
souffrir, s’affliger ; milieu du XIXe s.). Qui
ne cause aucune douleur : Une opération
indolore.
indomptable [ɛ̃dɔ̃tabl] adj. (de in- et
de domptable ; 1420, Dict. général, au
sens 2 ; sens 1, 1677, Racine ; sens 3, 1588,
Montaigne). 1. Se dit d’un animal que l’on
ne peut dompter, réduire à l’obéissance :
Un cheval indomptable. Un aigle adulte est
non seulement indocile, mais indomptable
(Buffon). Ϧ 2. Littér. Se dit d’une personne
que l’on ne peut soumettre, qui refuse toute
domination, toute autorité : Un peuple, une
race indomptable. Ϧ 3. Fig. Dont on ne peut
venir à bout : Courage, fierté indomptable.
Une ardeur indomptable. Cette idée qu’ils
appartiennent à la plus belle race du monde
[...] leur inspire un noble orgueil, un courage
indomptable et la haine du genre humain
(France).
• SYN. : 1 inapprivoisable ; 3 farouche,
inflexible, invincible, irréductible.
indomptablement [ɛ̃dɔ̃tabləmɑ̃] adv.
(de indomptable ; 1839, Boiste). De façon
indomptable : Un peuple qui aspire indomptablement à sa liberté.
• SYN. : farouchement.
indompté, e [ɛ̃dɔ̃te] adj. (de in- et de
dompté, part. passé de dompter ; av. 1525,
J. Lemaire de Belges, au sens 1 ; sens 2, 1672,
Boileau ; sens 3, 1651, Corneille). 1. Se dit
d’un animal qui n’a pas été dompté, qui
est encore fougueux, emporté : Cheval
indompté. Ϧ 2. Qui n’a pas été soumis :
Peuple indompté. Nation indomptée ; et
par extens. : Il fut saisi par de telles appréhensions en pensant aux violences de ce
caractère indompté qu’il revint sur ses pas
(Balzac). Ϧ 3. Fig. Qui n’a pas de bornes :
Un désir, un courage, un orgueil indompté.
• SYN. : 1 farouche, sauvage. — CONTR. :
1 apprivoisé, docile, familier.
indonésien, enne [ɛ̃dɔnezjɛ̃, -ɛn] adj. et
n. (de Indonésie, n. géogr. ; 1888, Larousse).
Relatif à l’Indonésie ; habitant ou originaire de cette région : Temples indonésiens.
Populations indonésiennes. Un Indonésien,
une Indonésienne.
& adj. et n. m. (sens 1, 1931, Larousse ; sens
2, 1962, Larousse). 1. Se dit d’un groupe de
langues appartenant à la famille malayopolynésienne. Ϧ2. Se dit de la langue officielle de la république d’Indonésie.
indophénol [ɛ̃dofenɔl] n. m. (de indo-,
élément tiré de indigo, et de phénol ; 1888,
Larousse). Nom générique de matières
colorantes bleues obtenues en faisant agir
un phénate alcalin sur une amine.
indosable [ɛ̃dozabl] adj. (de in- et de
dosable ; XXe s.). Qu’on ne peut doser.
indosé [ɛ̃doze] n. m. (de in- et de dosé,
part. passé de doser ; 1922, Larousse).
Ensemble des substances qui, dans une
analyse chimique, échappent au dosage.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2595
indou, e adj. et n., indouisme n. m.
V. HINDOU, E, ET HINDOUISME.
in-douze [induz] adj. invar. (de in 2 et de
douze ; 1666, Roman bourgeois). Se dit du
format d’un livre où chaque feuille d’impression, présentant quatre plis (dont un
roulé), forme 12 feuillets, soit 24 pages :
Format, volume, édition in-douze.
& n. m. invar. (1666, Roman bourgeois).
Format, volume in-douze : Un in-douze.
• REM. On écrit aussi, par abrév., IN-12.
indri ou indris [ɛ̃dri] n. m. (exclamation
malgache, prise à tort pour le nom de l’animal ; 1782, Sonnerat, écrit indri ; indris,
1902, Larousse). Genre de lémuriens arboricoles et végétariens, vivant à Madagascar.
indu, e [ɛ̃dy] adj. (de in- et de dû, part.
passé de devoir ; v. 1361, Oresme, au sens
1 [heure indue, milieu du XVIe s., Amyot] ;
sens 2, 1867, Littré). 1. Qui est contraire
à la règle, à la raison, à la justice : Le
remords empoisonnait parfois ce loisir
indu et achevait de me réveiller (Duhamel).
Réclamation, protestation indue. Ϧ Heure
indue, heure à laquelle il ne convient pas
de faire quelque chose : Quelques discussions animèrent la soirée et la prolongèrent
jusqu’à une heure indue (Balzac). Je courus
à l’ascenseur, malgré l’heure indue, sonner le lift qui faisait fonction de veilleur de
nuit (Proust). Rentrer à des heures indues.
Ϧ 2. Qui n’est pas dû (peu usité) : Somme
indue.
& indu n. m. (1867, Littré). Ce qui n’est pas
dû ; somme payée à quelqu’un qui n’était
pas créancier : Réclamer la restitution de
l’indu. Action en répétition de l’indu.
indubitable [ɛ̃dybitabl] adj. (lat. indubitabilis, certain, indubitable, de in-, préf. à
valeur négative, et de dubitabilis, douteux,
dér. de dubitare, hésiter, douter, de dubius,
indécis ; 1511, Huguet, au sens de « qui ne
doute pas » ; sens 1, av. 1549, Marguerite
de Navarre ; sens 2, 1538, R. Estienne [sans
aucun doute plus anc., v. la date du dér.
indubitablement] ; sens 3, 1541, Calvin
[en logique, 1637, Descartes ; il est indubitable que, av. 1662, Pascal]). 1. Class. Qui
ne peut manquer d’arriver ou de produire
son effet ; inévitable : Je n’ai plus à craindre
que les pâtés, qui sont presque indubitables
avec une encre de cette épaisseur (Mme de
Grignan). Ϧ 2. Se dit d’un fait, d’une réalité
dont l’existence ne fait aucun doute : Si
je flétrissais volontiers les calomniateurs,
je refusais de confondre avec eux celui [...]
qui ne répète que ce qui est public et indubitable (Alain). Ϧ 3. Dont la vérité ne peut
être mise en doute : Preuve indubitable.
Opinions, jugements indubitables. Les histoires de Lisbeth étaient jalonnées de détails
indubitables, qui ne permettaient pas de
suspecter sa bonne foi (Martin du Gard).
ϦSpécialem. En logique, dont l’évidence
permet de sortir du doute méthodique.
ϦIl est indubitable que, il est absolument
certain que.
• SYN. : 2 authentique, certain, évident,
manifeste, réel, sûr, tangible, véritable, vrai ;
3 incontestable, indéniable, indiscutable,
irrécusable, irréfragable, irréfutable.
indubitablement [ɛ̃dybitabləmɑ̃] adv.
(de indubitable ; 1490, G. Tardif). De façon
indubitable, évidente : Don Garcia [...]
s’élança [...], espérant retrouver cette épée
qui aurait indubitablement fait reconnaître
le coupable (Mérimée). Il [F. Jammes] n’admettait pour sincère et pour naturel que ce
qui ressemblait à lui-même, et que dans un
domaine où il demeurait indubitablement
supérieur (Gide).
• SYN. : assurément, indéniablement, indiscutablement, manifestement, réellement,
sans aucun doute, sûrement, véritablement,
vraiment.
inductance [ɛ̃dyktɑ̃s] n. f. (de induct[ion] ;
1907, Larousse [inductance mutuelle, 1957,
Robert ; inductance de protection, 1962,
Larousse]). Inductance propre d’un circuit
(dite autref. coefficient de self-induction),
pour un circuit fermé, quotient du flux
d’induction créé par le courant qui traverse ce circuit, par l’intensité du courant : L’inductance s’évalue en henrys.
Ϧ Inductance mutuelle, quotient du flux
d’induction que le courant d’un circuit
détermine dans un autre circuit, par
l’intensité du courant dans le premier circuit. Ϧ Inductance de protection, bobine
d’inductance disposée dans un circuit alimenté en courant alternatif, pour limiter
l’intensité du courant.
inducteur, trice [ɛ̃dyktoer, -tris] adj.
(de induct[ion] ; 1624, Nostredame, comme
n. m., au sens de « celui qui induit à faire
quelque chose » ; comme adj., au sens I,
1873, Larousse ; sens II, 1867, Littré).
I.En logique, qui induit, sert de point
de départ à une généralisation nommée
induction : Propositions inductrices.
II. En électricité, qui provoque le phénomène d’induction : Champ magnétique
inducteur. Ϧ Circuit inducteur, circuit qui
produit le flux d’induction. Ϧ Courant
inducteur, courant qui agit sur un circuit voisin fermé et y produit un courant
induit.
& inducteur n. m. (sens I, 1, milieu du
XXe s. ; sens I, 2, 1962, Larousse ; sens II,
1873, Larousse).
I.1.En psychologie, terme qui sert
de point de départ à une association
d’idées. Ϧ2.En linguistique, élément
directeur d’une analogie, d’une dissimilation : La forme « nous trouvons » est
un inducteur dans l’analogie « je treuve/
nous trouvons », devenus « je trouve/nous
trouvons ».
II.Aimant ou électro-aimant destiné à
fournir le champ magnétique créateur
de l’induction, en particulier dans une
machine électrique : Inducteur fixe. Inducteur mobile.
inductif, ive [ɛ̃dyktif, -iv] adj. (bas lat.
inductivus, hypothétique [« qui pousse à
quelque chose, qui produit quelque chose »,
dans la langue scolast.], de inductum, supin
du lat. class. inducere [v. INDUIRE] ; fin du
XIVe s., Godefroy, aux sens du lat. scolast. ;
sens I, 1, 1648, Bulletin du bibliophile belge
[2e série, I, 217] ; sens I, 2, 1951, Lalande ;
sens II [de induct (ion) ou de l’angl. to
induct, var. de to induce, « transmettre
l’électricité par induction », lui-même empr.
du lat. inducere], 1832, Annales de chimie, 2e
série, L, 6 [circuit inductif, 1931, Larousse]).
I. 1. En logique, qui procède par induction : Méthode inductive. Les sciences
de la nature sont des sciences inductives.
Ϧ 2. Qui résulte d’une induction : Vérité
inductive.
II. En électricité, qui est relatif à l’induction. Ϧ Circuit inductif, circuit dans
lequel peuvent se produire des phénomènes d’induction électromagnétique ;
circuit possédant une induction propre ;
dans la pratique industrielle, circuit dans
lequel le courant alternatif est déphasé
par induction par rapport à la différence
de potentiel agissante.
induction [ɛ̃dyksjɔ̃] n. f. (lat. inductio,
action d’amener, d’introduire, de déployer,
couche, enduit, de inductum, supin de
inducere [v. INDUIRE] ; 1290, Drouart, au
sens I, 1 ; sens I, 2, v. 1361, Oresme [induction formelle, complète, amplifiante, 1947,
Lalande ; induction totalisante, 1962,
Larousse ; induction mathématique, 1931,
Larousse] ; sens I, 3, 1749, Diderot ; sens I, 4,
av. 1681, Patru ; sens II, 1, 1845, Bescherelle
[induction électromagnétique, auto-induction, self-induction, 1888, Larousse — art.
self-induction ; induction propre, machine
d’induction, 1902, Larousse ; moteur à
induction, 1962, Larousse] ; sens II, 2, début
du XXe s. ; sens II, 3, 1962, Larousse).
I. 1. Vx. Action d’amener quelqu’un à
quelque chose, à faire ou à penser quelque
chose : Par l’induction de son conseil, elle
jugea que... (Maucroix). Ϧ 2. En logique,
opération intellectuelle par laquelle on
passe de données particulières (faits ou
propositions) à une proposition générale
qui en rend compte. Ϧ Induction formelle, complète ou totalisante, raisonnement fondé sur l’énumération complète
des espèces d’un genre, et qui, après avoir
constaté la présence d’une propriété dans
chacune d’elles, affirme cette propriété
du genre tout entier. Ϧ Induction amplifiante, ou simplem. induction, opération
par laquelle on passe de l’observation
d’un fait ou d’un certain nombre de faits
à l’énoncé de la loi qui régit tous les faits
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2596
du même ordre : Francis Bacon a vu dans
l’induction le procédé essentiel de la méthode expérimentale. Ϧ Induction mathématique, autre nom du raisonnement par
récurrence. Ϧ 3. Action de conjecturer
quelque chose, de tirer une conséquence
de données qui la rendent vraisemblable :
Il ne peut juger des choses qu’il ne voit
pas que par induction sur celles qu’il voit
(Rousseau). Ϧ 4. Conclusion ou conséquence tirée par la méthode inductive
ou par conjecture : Il lui serait libre de
tirer de leurs paroles telle induction qu’il
lui plairait (Bossuet). L’incapacité de son
esprit, peu propre à remonter la chaîne
des inductions par lesquelles un homme
arrive aux causes... (Balzac).
II. 1. Induction magnétique, grandeur
caractérisant la densité du flux magnétique traversant une substance ou un
espace magnétique perméable, soumis à
l’action d’un champ magnétique inducteur. ϦInduction électromagnétique,
production de courant électrique dans
un circuit par variation du flux d’induction magnétique embrassé par ce circuit.
ϦAuto-induction, ou self-induction, ou
induction propre, induction d’un circuit
sur lui-même quand on fait varier l’intensité du courant qui le traverse. Ϧ Machine d’induction, générateur de courants électriques produits par induction.
ϦMoteur à induction, moteur électrique
à courant alternatif sans collecteur, dont
une partie seulement, rotor ou stator, est
reliée au réseau, l’autre partie travaillant
par induction. Ϧ2. En biologie, processus qui commande l’orientation de la
différenciation des cellules de l’embryon
et contrôle la constitution des formes de
celui-ci. Ϧ3.Induction psychomotrice,
phénomène par lequel un sujet est amené
à esquisser un mouvement qu’il perçoit
ou se représente.
inductivement [ɛ̃dyktivmɑ̃] adv. (de
inductif ; 1491, Godefroy). Par induction.
inductivité [ɛ̃dyktivite] n. f. (dér. savant
de inductif ; 1902, Larousse). Nom donné
parfois à l’inductance mutuelle.
inductomètre [ɛ̃dyktɔmɛtr] n. m.
(de inducto-, élément tiré de induction,
et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1888,
Larousse). Appareil destiné à mesurer les
courants induits.
induire [ɛ̃dɥir] v. tr. (réfection de enduire
[v. ce mot] — au sens anc. de « amener l’esprit à » [XIIe s.] —, d’après le lat. inducere,
conduire dans, vers ou contre, faire avancer, de in-, préf. marquant le mouvement
vers, et de ducere, attirer, conduire ; XIIIe s.,
au sens I, 1 [induire quelqu’un en tentation, 1535, Olivétan ; induire quelqu’un en
erreur, av. 1662, Pascal] ; sens I, 2, v. 1361,
Oresme [absol., 1867, Littré] ; sens I, 3, 1697,
Bossuet ; sens II, 1, 1902, Larousse ; sens
II, 2, 1751, Dict. universel d’agriculture
[induire sa gorge ; induire, même sens, 1529,
Bonivard]). [Conj. 64.]
I. 1. Class. et littér. Induire quelqu’un à
(suivi d’un nom ou d’un infinitif), amener quelqu’un à quelque chose, à faire ou
à admettre quelque chose : Je suis induit à
ce sentiment par le merveilleux succès de
certaines gens (La Bruyère). C’est au chemin du Ciel qu’il prétend vous conduire,
| Et mon fils à l’aimer vous devrait tous
induire (Molière). Cette absurde paresse
qui m’induisit à retourner aux mêmes
lieux, parce que cela coûtait moins d’effort
(Gide). Il est induit à s’écarter insensiblement de son modèle, dont il refuse le vrai
visage, qui lui propose seulement le chaos,
le désordre instantané des choses observables (Valéry). Je connais ces détours par
lesquels on induit un vieil homme aux
vices les plus honteux (Aymé). ϦAuj. et
péjor. Induire quelqu’un en tentation, le
pousser à commettre un acte coupable
ou répréhensible : Le diable, ce soir-là,
avait pris la face ronde et les traits indécis du jeune sacristain pour mieux faire
induire le révérend père en tentation et
lui faire commettre un épouvantable péché de gourmandise (Daudet). Ϧ Induire
quelqu’un en erreur, l’amener à se tromper : Cependant, induite en erreur par
l’exemple d’Anne, et attribuant à l’amour
un air d’urbanité... (Radiguet). Ϧ 2. En logique, établir par induction : Aristote, observateur exact, induit scrupuleusement
ses principes des faits qu’il constate (Cousin). ϦAbsol. Raisonner par induction.
Ϧ 3. Établir par voie de conséquence,
inférer : De ce que la Constitution devait
être présentée à l’acceptation du peuple,
ils induisaient que toute mesure politique
ou judiciaire était dans le même cas (Michelet). Les médecins et apothicaires de
l’enfer, lui trouvant la langue blanche, en
induisirent qu’il souffrait d’une faiblesse
d’estomac (France).
II. 1. En électricité, produire les effets de
l’induction. (Rare.) Ϧ 2. Induire sa gorge,
ou, absol. et vx, induire, en fauconnerie,
en parlant d’un oiseau, digérer la viande
qu’il a prise.
induit, e [ɛ̃dɥi, -it] adj. (part. passé de
induire ; 1867, Littré, aux sens I et II, 2 ;
sens II, 1, 1873, Larousse ; sens II, 3, 1962,
Larousse).
I. En logique, qui a été établi par induction : Proposition induite.
II. 1. Se dit du courant ou de la force
électromotrice créés par induction électromagnétique. Ϧ 2. Vx. Qui sert à provoquer un phénomène d’induction :
Fil induit. Ϧ 3. Radioactivité induite,
radioactivité temporaire, communiquée
aux corps environnants par l’émanation
gazeuse d’un élément radio-actif.
& induit n. m. (sens I, 1, 1957, Robert ;
sens I, 2, 1962, Larousse ; sens II, 1, 1907,
Larousse ; sens II, 2, 1888, Larousse).
I.1.En psychologie, terme final d’une
association d’idées. Ϧ 2. En linguistique,
élément subissant, dans une analogie ou
une dissimilation, l’influence de l’élément inducteur.
II. 1. Circuit dans lequel passe un courant induit. Ϧ 2. Organe d’une machine
électrique dans lequel on produit par
induction une force électromotrice pouvant donner naissance à des courants
électriques.
indulgemment [ɛ̃dylʒamɑ̃] adv. (de
indulgent ; v. 1587, Du Vair). Vx. Avec indulgence : Il [le concile de Trente] les avertit
que, s’ils agissent trop indulgemment avec
les pécheurs [...], ils se rendent participants
des crimes des autres (Bossuet).
indulgence [ɛ̃dylʒɑ̃s] n. f. (lat. indulgentia, douceur, bienveillance, complaisance, et, à basse époque, « remise d’une
peine, d’un tribut », de indulgens, -entis
[v. INDULGENT] ; V. 1190, Sermons de saint
Bernard, au sens 2 [indulgence plénière,
1636, Monet ; indulgence partielle, 1845,
Bescherelle] ; sens 1, 1611, Cotgrave ; sens
3, fin du XIIIe s.). 1. Facilité à excuser ou à
pardonner les fautes : Je sais quelque chose
de peut-être plus beau que l’innocence, c’est
l’indulgence (Hugo). Ma mère, tout en gardant au capitaine une indulgence de soeur,
l’invitait parfois à moins caresser les flacons
d’eau-de-vie (France). Ϧ 2. Dans l’église
catholique, rémission totale (indulgence
plénière) ou partielle (indulgence partielle)
de la peine temporelle due aux péchés pardonnés. Ϧ 3. Acte par lequel est accordée
cette rémission : Le trafic et la querelle des
indulgences ont préludé au schisme luthérien, et le soulagement qu’il apportait, on
en a fait des « indulgences » (Gide).
• SYN. : 1 bienveillance, clémence, compréhension, mansuétude, patience, tolérance.
— CONTR. : 1 dureté, exigence, intolérance,
rigidité, rigueur, sectarisme, sévérité.
indulgencier [ɛ̃dylʒɑ̃sje] v. tr. (de
indulgence ; 1833, P. Borel d’Hauterive).
Attacher une indulgence à un objet de
piété : Indulgencier un chapelet.
indulgent, e [ɛ̃dylʒɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (lat.
indulgens, -entis, bon, complaisant, bienveillant, part. prés. adjectivé de indulgere,
être bienveillant, accorder, s’abandonner à ;
v. 1530, C. Marot, au sens 1 [les indulgents,
1794, Brunot] ; sens 2, 1723, J.-B. Rousseau).
1. Qui pardonne aisément les fautes
d’autrui, qui est opposé à la sévérité, à la
rigueur : Un maître indulgent. Des parents
indulgents. Je viens à vous, Seigneur, confessant que vous êtes | Bon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant ! (Hugo). Plus
indulgente à elle-même que je n’étais pour
elle (Proust). ϦLes indulgents, nom donné
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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par les Montagnards aux dantonistes, qui
voulaient mettre fin à la Terreur. Ϧ2. Littér.
Qui s’abandonne, se laisse aller facilement
à : Il l’est sûrement assez [intelligent] pour
être indulgent à ce genre de plaisir (Gracq).
• SYN. : 1 accommodant, bienveillant, bon,
clément, compréhensif, conciliant, coulant
(fam.), humain, miséricordieux, pitoyable,
tolérant. — CONTR. : 1 dur, impitoyable,
implacable, inexorable, inflexible, inhumain, intransigeant, rancunier.
& adj. (1736, Voltaire). Qui marque
l’indulgence : Regard indulgent. Morale
indulgente.
induline [ɛ̃dylin] n. f. (de ind[igo] et de
[an]iline ; 1888, Larousse). Matière colorante bleue, dérivée de l’aniline : L’induline
est appelée aussi « bleu Coupier ».
indult [ɛ̃dylt] n. m. (bas lat. indultum
ou indultus, concession, permission, de
indultum, supin du lat. class. indulgere
[V. INDULGENT] ; v. 1460, G. Chastellain,
écrit indoulte [indult, 1498, Isambert], au
sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1583,
Ragueau). 1. Privilège accordé par le pape
et conférant des pouvoirs par exemption.
Ϧ 2. Droit accordé par le pape à des princes
séculiers de nommer à certains bénéfices.
Ϧ 3. Indult du parlement, indult qui obligeait tous les collateurs de bénéfices de
France à accorder, une fois dans leur vie,
un bénéfice à un officier du parlement.
indument [ɛ̃dymɑ̃] n. m. (lat. impér.
indumentum, vêtement, et, à basse époque,
« enveloppe », du lat. class. induere, mettre
sur quelqu’un ou à quelqu’un, revêtir, couvrir ; 1878, Larousse). En botanique, pilosité
fournie qui recouvre les végétaux.
indûment [ɛ̃dymɑ̃] adv. (de indu ; début
du XIVe s.). D’une manière indue : Détenir
indûment une somme d’argent.
• SYN. : à tort, illégalement, illégitimement,
injustement, irrégulièrement. — CONTR. : à
bon droit, à juste titre, légalement, légitimement, régulièrement.
indupliqué, e [ɛ̃dyplike] adj. (de in- et
indupliqué, e [ɛ̃dyplike] adj. (de in- et
du lat. duplicatum, supin de duplicare, doubler, dér. de duplex, -plicis, double ; 1902,
Larousse). Se dit, en botanique, des pétales
ou des sépales en préfloraison valvaire qui
se replient en dedans. (On dit aussi INDUPLICATIF, IVE [1867, Littré].)
induration [ɛ̃dyrasjɔ̃] n. f. (bas lat. induratio, endurcissement, de induratum, supin
du lat. class. indurare [v. INDURER] ; v. 1330,
Digulleville, au sens moral de « endurcissement » ; sens 1, 1495, Gordon, écrit induracion [induration, v. 1560, Paré] ; sens 2,
1867, Littré). 1. Durcissement anormal d’un
tissu organique : Au milieu de son épuisement sénile [...], la lente induration du
cerveau ne devait pas être complète encore
(Zola). Une tumeur qui se révèle par un
commencement d’induration. Ϧ 2. La partie durcie elle-même : Le durillon est une
induration cutanée.
induré, e [ɛ̃dyre] adj. (part. passé de
indurer ; 1466, P. Michault, au sens fig. de
« fortifié dans le coeur » [en parlant d’un
sentiment] ; sens actuel, 1867, Littré). Se dit
d’un tissu organique qui est devenu anormalement dur : Tumeur indurée. Furoncle
induré.
indurer [ɛ̃dyre] v. tr. (lat. indurare, durcir,
rendre dur, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de durare, durcir,
dér. de durus, dur ; 1855, Nysten [un premier ex., au part. passé, dans un sens fig.,
dès le XVe s., v. l’art. précéd.]). En termes de
pathologie, rendre anormalement dur : Une
inflammation qui indure un tissu.
& s’indurer v. pr. (1867, Littré). Devenir
anormalement dur : Des tissus qui s’indurent par sclérose.
industrialisation [ɛ̃dystrijalizasjɔ̃] n. f.
(de industrialiser ; 1907, Larousse, au sens
1 ; sens 2, 1935, Siegfried). 1. Application
des procédés de l’industrie à une activité
quelconque : Industrialisation de l’agriculture. Ϧ 2. Développement de l’industrie
dans une région, un pays : Aujourd’hui
on pourrait voir dans l’industrialisation
forcenée de cet immense pays agricole [la
Russie], tentée en trente ans, le plus furieux
effort d’occidentalisation qu’il ait connu
depuis Pierre le Grand (Malraux).
• SYN. : 1 mécanisation.
industrialisé, e [ɛ̃dystrijalize] adj. (part.
industrialisé, e [ɛ̃dystrijalize] adj. (part.
passé de industrialiser ; XXe s., aux sens 1-2).
1. Qui a pris le caractère industriel : Une
production industrialisée. Ϧ2. Qui a beaucoup d’établissements industriels : Han
Kéou, la ville la plus industrialisée de toute
la Chine (Malraux).
industrialiser [ɛ̃dystrijalize] v. tr. (dér.
savant de industriel ; 1836, Balzac, au
sens 2 ; sens 1, 1842, Mozin). 1. Donner
le caractère industriel à quelque chose :
Industrialiser l’agriculture. Industrialiser la
fabrication d’un objet. Ϧ 2. Doter d’industries nombreuses : Industrialiser un pays,
une région, une ville.
& s’industrialiser v. pr. (1845, Bescherelle,
au sens de « se livrer à l’industrialisme » ;
sens 1, av. 1865, Proudhon ; sens 2, 1935,
Siegfried). 1. Prendre un caractère industriel : La guerre, en un mot, s’industrialise
de plus en plus : comment ne compteraitelle pas avec l’industrie, dont elle ne saurait seulement se distinguer ? (Proudhon).
Ϧ2. Se donner un caractère industriel, une
économie où l’industrie tient une place
importante : Des pays neufs qui cherchent
à s’industrialiser rapidement.
industrialisme [ɛ̃dystrijalism] n. m.
(dér. savant de industriel ; 1823, H. de
Saint-Simon, au sens 1 ; sens 2, 1838, Acad. ;
sens 3, av. 1880, Flaubert). 1. Système dans
lequel l’industrie est considérée comme
le domaine le plus important de l’économie : Le socialisme dit scientifique [...],
une pensée née dans les premiers temps
de l’industrialisme moderne (Camus).
Ϧ 2. Prédominance sociale des industriels. Ϧ 3. Tendance à introduire partout
l’industrie : L’industrialisme a développé
le laid (Flaubert).
industrialiste [ɛ̃dystrijalist] adj. (de
industrialisme ; 1838, Acad.). Relatif à
l’industrialisme : Économie industrialiste.
& adj. et n. (1842, Mozin). Partisan de
l’industrialisme.
industrie [ɛ̃dystri] n. f. (lat. industria,
application, activité, assiduité, de industrius, actif, laborieux, zélé ; 1356, Bersuire,
au sens de « moyen ingénieux » ; sens I,
1, v. 1375, Oresme [aussi « toute espèce
d’activité manuelle tendant à produire
quelque chose » ; « activité quelconque
qu’on exerce pour vivre », 1690, Furetière] ;
sens I, 2-3, v. 1460, G. Chastellain [cheva-
lier d’industrie, fin du XVIIe s. — d’abord
chevalier de l’industrie, 1633, La Geneste,
dans la trad. d’un roman esp. où des chenapans groupés en association avaient pris
Industria, « l’Habileté », comme patronne
et s’en déclaraient les chevaliers] ; sens II,
1, 1735, Brunot ; sens II, 2, 1771, Brunot
[« ensemble des inventions de l’esprit en
machines utiles, relativement aux arts et
aux métiers », 1765, Encyclopédie] ; sens
II, 3, av. 1865, Proudhon [industrie clef,
1948, Larousse ; industrie lourde, début
du XXe s.] ; sens II, 4, 1957, Robert [chef
d’industrie, 1869, Blanqui]).
I. 1. Class. et littér. Habileté que l’on met
à faire quelque chose : Quelque industrie
qui paraisse dans ce que font les animaux
(Bossuet). Ϧ Toute espèce d’activité manuelle tendant à produire quelque chose :
On trouvera peut-être assez ridicule la
prétention de douter si une roue, un vase,
une étoffe, une table sont dus à l’industrie de quelqu’un (Valéry). Ϧ Spécialem.
Activité quelconque que l’on exerce pour
vivre : Une industrie bizarre, celle des vendeurs d’eau à la mesure et au verre (Nerval). Ϧ 2. Littér. Ingéniosité dans le choix
des moyens en vue d’une fin déterminée :
C’est ainsi qu’une more eut l’industrie
de devenir reine chrétienne (Gautier).
Et je vois qu’il faudra que je remédie par
industrie et ruse à ce grand mal (France).
Il partit, décidant qu’il obtiendrait par
industrie ce qu’il ne pouvait obtenir par la
force et la persuasion (Aymé). Ϧ 3. Vx et
péjor. Habileté peu scrupuleuse, recours
à des expédients : Quelques sous que lui
gagne une horrible industrie (Baudelaire).
Ϧ Auj. Chevalier d’industrie, personne
vivant d’expédients, escroc : Nous le trouvâmes environné de tous ces défenseurs du
trône et de l’autel qui battaient les pavés
de Piccadilly, d’une foule d’espions et de
chevaliers d’industrie échappés de Paris
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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sous divers noms et divers déguisements,
et d’une nuée d’aventuriers belges, allemands, irlandais, vendeurs de contre-révolution (Chateaubriand).
II. 1. Vx. Au sens large, toute activité productrice de richesse : L’industrie agricole.
Ϧ2. Auj. Ensemble des activités écono-
miques ayant pour objet la production
de richesses par la transformation des
matières premières et l’utilisation des
sources d’énergie : Le niveau de civilisation d’un pays s’apprécie ordinairement
par rapport au développement de son
industrie. Cela tombe sous le sens que
l’industrie, faisant irruption dans l’art,
en devient la plus mortelle ennemie, et
que la confusion des fonctions empêche
qu’aucune soit bien remplie (Baudelaire). M. Achille [...] faisait de l’industrie comme les vieux Anglais font du golf,
avec dévotion (Maurois). Ϧ 3. Une des
branches de ces activités économiques :
Le droit au travail est le droit qu’a chaque
citoyen, de quelque métier ou profession
qu’il soit, d’être toujours occupé dans son
industrie (Proudhon). Sur la plate-forme
arrière de ce chef-d’oeuvre de l’industrie automobile française contemporaine
(Queneau). Ϧ Industrie clef, industrie très
importante dont dépendent beaucoup
d’activités économiques. ϦL’industrie
lourde, l’ensemble des industries ayant
pour fin la transformation des matières
premières : L’industrie légère transforme
les produits de l’industrie lourde en produits semi-finis ou fabriqués. Ϧ 4. Établissement industriel : Il dirigeait une petite
industrie dans le Morbihan. Ϧ Chef d’industrie, personne dirigeant un établissement industriel.
industriel, elle [ɛ̃dystrijɛl] adj. (de
industrie ; 1770, Galiani, au sens 4 [centre
industriel, 1867, Littré] ; sens 1, 1802, Flick
[aussi « qui appartient à l’industrie » ; « dont
l’activité se développe dans le domaine de
l’industrie », 1957, Robert ; « qui s’adonne
à l’industrie, qui en vit », 1817, H. de SaintSimon] ; sens 2, 1803, Boiste [quantité
industrielle, 1948, Larousse — fruits industriaux, « fruits de la terre dont la production
demande des soins incessants », terme de
coutume, 1471, Ordonnance royale] ; sens
3, 1931, Larousse). 1. Relatif à l’industrie
(activité économique) : Fasse le ciel que
ces intérêts industriels, dans lesquels nous
devons trouver une prospérité d’un genre
nouveau, ne trompent personne, qu’ils
soient aussi féconds, aussi civilisateurs que
ces intérêts moraux d’où sortit l’ancienne
société (Chateaubriand). Chaque nation est
en lutte industrielle avec les autres nations
(France). ϦQui appartient à l’industrie ou
à une industrie : École industrielle. Ϧ Dont
l’activité se développe dans le domaine de
l’industrie : Chimie, banque industrielle.
Ϧ Qui s’adonne à l’industrie, qui en vit :
Travailleur industriel. Ϧ 2. Qui provient
de l’industrie : Les richesses industrielles
d’un pays. Produit industriel. ϦFig. et fam.
Quantité industrielle, grande quantité.
Ϧ 3. Qui est destiné à l’industrie : Plantes
industrielles. Ϧ 4. Qui est pourvu d’une
importante industrie : Une fois qu’on a
connu les faubourgs industriels, on se sent
à jamais souillé, je crois, et responsable de
leur existence (Camus). Zone, ville industrielle. Pays industriel. ϦCentre industriel,
lieu, agglomération où règne une grande
activité industrielle.
& industriel n. m. (1819, H. de SaintSimon). Personne qui dirige ou possède
une industrie ou un établissement industriel : Le père, industriel et financier, fit une
scandaleuse fortune dans la spéculation et
les accaparements (France). Les industriels
de l’acier, du textile.
industriellement [ɛ̃dystrijɛlmɑ̃] adv.
(de industriel ; 1838, Acad., au sens 1 ; sens
2, 1950, Siegfried). 1. Par les méthodes de
l’industrie : La fabrication des vêtements
se fait désormais industriellement. Ϧ2. Du
point de vue de l’industrie : Un pays industriellement retardataire.
industrieusement [ɛ̃dystrijøzmɑ̃]
adv. (de industrieux ; milieu du XVe s., au
sens 1 ; sens 2, 1685, Bossuet). 1. Vx et littér. De façon industrieuse, habile : Il ne
s’agit pas de tailler industrieusement des
figures portatives, mais de s’associer humblement à la peinture et à l’arçhitecture et
de servir leurs intentions (Baudelaire) ; et
class. : Les fausses couleurs, quelque industrieusement qu’on les applique, ne tiennent
pas (Bossuet). Ϧ 2. Littér. Avec activité :
Conduire industrieusement une affaire.
industrieux, euse [ɛ̃dystrijø, -øz] adj.
(bas lat. industriosus, actif, industrieux,
du lat. class. industria [v. INDUSTRIE] ;
milieu du XVe s., au sens 1 [industrieux
à, 1552, Paradin] ; sens 2, 1572, J. Peletier
du Mans). 1. Qui fait preuve de beaucoup
d’adresse, d’habileté : Des mains industrieuses. Ϧ Class. Industrieux à, habile à :
Industrieux à se cacher dans les actions
éclatantes, il en renvoyait la gloire au
ministre (Bossuet). Ϧ 2. Qui est très actif :
Le Marseillais, industrieux et vif, toujours
affairé, toujours en mouvement, courait
l’île du matin au soir (Daudet). Même il
[l’arbre] reçoit les coups de l’homme industrieux (Moréas). Les bêtes industrieuses
avaient ourdi non pas des toiles éparses,
mais un feutrage continu que le brouillard
alourdissait (Duhamel).
• SYN. : 1 adroit, astucieux (fam.),
débrouillard (fam.), habile, ingénieux ;
2 affairé, dynamique, entreprenant,
laborieux.
induvie [ɛ̃dyvi] n. f. (lat. induviae, n. f.
pl., « vêtement », de induere, mettre sur
quelqu’un ou à quelqu’un, revêtir, couvrir ; 1827, Acad.). Organe de dissémination du fruit, provenant du périanthe de
la fleur, telles les aigrettes des akènes des
composées.
induvié, e [ɛ̃dyvje] adj. (de induvie ; 1873,
Larousse). Se dit d’un fruit enveloppé dans
une induvie.
inébranlable [inebrɑ̃labl] adj. (de in- et
de ébranlable ; av. 1622, François de Sales,
au sens 3 ; sens 1, 1680, Richelet ; sens 2,
1677, Mme de Sévigné ; sens 4, 1685, Bossuet
[« qu’on ne peut faire changer », 1672, Th.
Corneille]). 1. Qui ne peut être ébranlé
d’aucune façon, qui est d’une solidité à
toute épreuve : Roc inébranlable. Maison,
mur inébranlable ; et par extens. : Pierrotin
prétendait que les voyageurs s’en trouvaient
beaucoup mieux, car ils formaient alors
une masse compacte, inébranlable (Balzac).
Ϧ2. Fig. Qui est certain, solidement fondé :
Seule cette fameuse proposition « Je pense,
donc je suis », lui semble une vérité inébranlable, qu’il faut prendre pour premier
principe (Valéry). Ϧ3. Se dit d’une personne que rien ne peut abattre, décourager : Demeurer inébranlable dans les plus
grands revers ; et par extens. : Caractère,
courage inébranlable. Ϧ 4. Qui est ferme,
constant dans ses idées, ses desseins, ses
sentiments : Être inébranlable sur certaines
questions. Inébranlable dans ses amitiés, et
incapable de manquer aux devoirs humains
(Bossuet). ϦPar extens. Qu’on ne peut faire
changer : Amitié inébranlable. Résolution
inébranlable. Je déclare que j’aurais maudit
le ciel et l’existence si je n’avais rencontré
l’affection profonde, dévouée, tendre, inébranlable de mon amant (Maupassant). La
chose pouvait être ; il n’y fallait qu’une foi
inébranlable (Alain).
• SYN. : 1 résistant, solide, tenace ; 2 inattaquable, incontestable, indéniable,
indiscutable, irréfragable, irréfutable ;
3 ferme, impassible, impavide, impertur-
bable, stoïque ; 4 déterminé, inflexible,
intransigeant, irréductible ; immuable,
impérissable, inaltérable, indéfectible,
indestructible.
inébranlablement [inebrɑ̃labləmɑ̃] adv.
(de inébranlable ; 1718, Acad.). De façon
inébranlable : Un ami inébranlablement
fidèle.
inébranlé, e [inebrɑ̃le] adj. (de in- et de
ébranlé part. passé de ébranler ; début du
XVIIe s., Malherbe [mot rare entre 1647,
Vaugelas, et 1840, Acad.]). Qui n’est pas
ébranlé (au pr. et au fig.) : Par-delà les verdeurs des zones maternelles | Où vous poussez d’un jet vos troncs inébranlés (Leconte
de Lisle). En dépit des oppositions, des critiques, il a fait preuve d’une détermination
inébranlée.
inéchangeable [ineʃɑ̃ʒabl] adj. (de
in- et de échangeable ; 1845, Bescherelle).
Qui ne peut être échangé : Un article
inéchangeable.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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inéclairci, e [ineklɛrsi] adj. (de in- et
de éclairci, part. passé de éclaircir ; 1867,
Littré). Qui n’a pas été éclairci, élucidé :
Un point d’histoire inéclairci.
inéclos, e [ineklo, -oz] adj. (de in- et de
éclos ; av. 1951, A. Gide). Littér. Qui n’est pas
éclos ; qui ne s’est pas développé, épanoui :
Rebutée par le positif, son âme inéclose et
froissée essayait de la poésie (Gide).
& inéclos n. m. (28 juill. 1929, A. Gide).
Littér. L’inéclos, ce qui, chez quelqu’un,
est demeuré à l’état de virtualité : Mais
l’âme vraiment aimante ne peut s’y laisser
prendre ; elle sait que l’inéclos, l’irrévélé
d’un être peut rester beaucoup plus important que ce qu’il est parvenu [...] à amener
au jour (Gide).
inéconomique [inekɔnɔmik] adj. (de
in- et de économique ; 1838, Acad.). Qui
n’est pas économique : Organisation
inéconomique.
inécoutable [inekutabl] adj. (de inet de écouter ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). Qui ne mérite pas d’être
écouté : Une musique, une émission
inécoutable.
inécouté, e [inekute] adj. (de in- et
de écouté, part. passé de écouter ; 1845,
Bescherelle). Qui n’est pas écouté, à quoi ou
à qui l’on ne prête aucune attention : Une
symphonie s’organise en moi des sensations
inécoutées (Gide).
I. N. E. D. (1945, date de la création de
cet institut), sigle de INSTITUT NATIONAL
D’ÉTUDES DÉMOGRAPHIQUES.
inédit, e [inedi, -it] adj. (lat. ineditus,
qui n’a pas été publié, de in-, préf. à valeur
négative, et de editus, part. passé de edere,
faire sortir, mettre au jour, divulguer, produire ; 1801, Mercier, au sens 1 ; sens 2, 1852,
Lachâtre ; sens 3, 1846, Balzac). 1. Qui n’a
pas encore été publié : Une oeuvre inédite.
Correspondance inédite. Oxford sur qui j’ai
fait des vers absolument inédits en France,
et que voici, parce qu’ils expriment un mien
« état d’âme » assez récent (Verlaine). Il
promit à la revue un chapitre inédit de son
grand livre sur la régénération de l’humanité par la race noire (France). Ϧ2. Dont
les oeuvres n’ont pas été publiées : Le café
[...] est l’asile des oisifs et des hommes de
lettres sans gloire, des auteurs inédits et
des vieux ratés (Larguier). Ϧ 3. Que l’on
n’a jamais vu ou remarqué ; entièrement
nouveau : Spectacle inédit. Personne ne me
résistera ; j’aurai mille scélératesses charmantes et inédites (Gautier). D’un accord
tacite, Lisbeth et Jacques évitaient les gestes
inédits (Martin du Gard). Un vestiaire de
douze costumes de lumière dont les tons
inédits allaient révolutionner la mode de
l’arène (Peyré). Procédé, système inédit.
• SYN. : 3 neuf, nouveau, original, révolutionnaire. — CONTR. : 1 et 2 édité, imprimé,
publié ; 3 banal, classique, commun, connu,
habituel, quelconque, traditionnel, usuel.
& inédit n. m. (sens 1, début du XXe s. ;
sens 2, 1862, V. Hugo). 1. OEuvre, partie
d’une oeuvre ou ensemble d’oeuvres qui
n’ont pas encore été publiées : Préparer la
publication des inédits d’un écrivain. On
peut penser que l’inédit de Vauvenargues
est à l’heure actuelle à peu près épuisé
(Lanson). Ϧ 2. L’inédit, ce qui est entièrement nouveau, ou le caractère nouveau
de quelque chose : Mais notre nouveauté,
à nous, consiste dans l’inédit des questions
elles-mêmes, et non point des solutions ;
dans les énoncés et non dans les réponses
(Valéry).
inéditable [ineditabl] adj. (de in- et de
éditer ; 1875, d’après Littré, 1877). Qui ne
peut être édité : Un roman inéditable.
inéducable [inedykabl] adj. (de in- et de
éducable ; av. 1922, Proust, au sens 2 ; sens
1, 1931, Larousse). 1. Que l’on ne peut éduquer ; qui est très difficile à éduquer : D’où
l’impossibilité de le récompenser jamais ;
inéducable, on ne l’eût tenu que par la faim,
et encore... (Gide). Ϧ 2. Fig. Que l’on ne peut
corriger, amender : Ce bavardage servile [...]
fait favorablement impression à un visiteur,
mais [...] recouvre souvent une inéducable
nullité (Proust).
• SYN. : 2 incorrigible, indécrottable (fam.).
inéducation [inedykasjɔ̃] n. f. (de inet de éducation ; 1801, Mercier). Absence
d’éducation.
inéduqué, e [inedyke] adj. (de in- et de
éduqué ; XXe s.). Qui n’est pas éduqué, qui
manque d’éducation.
• SYN. : fruste, grossier, rustique, rustre. —
CONTR. : bien élevé, courtois, galant, raffiné.
ineffabilité [inɛfabilite] n. f. (bas lat.
ineffabilitas, nature ineffable, du lat. class.
ineffabilis [v. l’art. suiv.] ; 1577, P. de La
Coste). Caractère de ce qui est ineffable
(peu usité) : Les mystiques, ces profonds
égoïstes. Ils en perdent la parole — ineffabilité (Valéry).
ineffable [inɛfabl] adj. (lat. ineffabilis,
qu’on ne peut exprimer, de in-, préf. à valeur
négative, et de effabilis, qui peut se dire, se
décrire, dér. de effari, raconter, annoncer,
de ex-, préf. à valeur intensive, et de fari,
parler, dire, prédire ; v. 1460, G. Chastellain,
au sens 1 [en parlant de Dieu et des mystères
de la religion ; « qui ne peut être exprimé
par des mots... », 1495, Vignay — mot sans
aucun doute plus anc., v. la date du dér.
ineffablement] ; sens 2, av. 1850, Balzac).
1. Qui ne peut être exprimé par des mots,
en raison de sa nature, de son intensité :
Rêver ce rêve, là était le grand bonheur ineffable (Zola). Ceux qui ne jouaient d’aucun
instrument ont pris rang dans les choeurs et,
bientôt, nous avons tous éprouvé une ineffable allégresse (Duhamel). ϦSpécialem. Se
dit de Dieu et des mystères de la religion :
L’Être ineffable. Une révélation ineffable
(Claudel). Mon âme, penche-toi sur ce
mystère ineffable (Gide). Ϧ 2. Fam. Qu’on
ne peut décrire, du fait de son caractère
extravagant, ridicule : Les gilets ineffables
de ce seigneur (Balzac).
• SYN. : 1 extraordinaire, inconcevable,
incroyable, indicible, inexprimable, inimaginable, inouï ; 2 impayable (fam.),
inénarrable.
& n. m. (1769, Brunot). L’ineffable, ce qui
est ineffable : Vous dire tout cela, ce serait
vous exprimer l’ineffable (Hugo).
ineffablement [inɛfabləmɑ̃] adv. (de
ineffable ; 1320, Roman de Fauvel). De
façon ineffable : L’air était léger ; le ciel,
ineffablement pur (Gide).
ineffaçable [inɛfasabl] adj. (de in- et de
effaçable ; 1523, Mortières, écrit ineffassable
[ineffaçable, 1545, Salel], au sens 2 ; sens 1,
1564, J. Thierry). 1. Qui ne peut être effacé :
Couleur ineffaçable. Ϧ2. Fig. Que l’on ne
peut faire disparaître, qui est à jamais marqué dans la mémoire, le sentiment : Une
impression de tristesse ineffaçable blessa
donc mon âme dès l’enfance (Vigny). Cette
nuit laissa des traces ineffaçables dans le
coeur de ce pauvre jeune homme (Balzac).
•SYN. : 1 inaltérable, indélébile ;
2 immuable, impérissable, indéfectible,
indestructible, vivace.
ineffaçablement [inɛfasabləmɑ̃] adv.
(de ineffaçable ; 1675, Bouhours, puis 1836,
Acad.). De façon ineffaçable : Souvenir ineffaçablement gravé dans la mémoire.
ineffacé, e [inɛfase] adj. (de in- et de
effacé ; 1838, Acad.). Qui n’est pas effacé.
ineffectif, ive [inɛfɛktif, -iv] adj. (de
in- et de effectif 1 ; 1697, Rancé, puis 1765,
Encyclopédie). Qui n’est pas effectif, qui
n’est pas accompagné d’effet : Des volontés
ineffectives.
ineffectué, e [inɛfɛktɥe] adj. (de in- et
de effectué, part. passé de effectuer ; 1867,
Littré). Qui n’a pas été effectué.
inefficace [inɛfikas] adj. (lat. inefficax,
sans action, sans effet utile, de in-, préf.
à valeur négative, et de efficax, agissant,
qui produit de l’effet, dér. de efficere,
achever, produire, réaliser, de ex-, préf.
à valeur intensive, et de facere, faire ;
v. 1380, Conty, au sens 1 ; sens 2, av. 1935,
P. Bourget). 1. Qui n’est pas efficace, qui
ne produit pas l’effet que l’on souhaitait :
Traitement médical, remède inefficace. Une
loi inefficace. Il [Lénine] combat à la fois le
réformisme, coupable de détendre la force
révolutionnaire, et le terrorisme, attitude
exemplaire et inefficace (Camus). Ϧ 2. Se
dit d’une personne qui ne sait pas agir utilement : Un collaborateur inefficace. Lettré
inefficace, soudain jeté en plein tourbillon
d’une affolante activité ! (Bourget).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2600
• SYN. : 1 anodin, infructueux, inopérant, inutile, stérile, vain ; 2 impuissant,
incapable.
inefficacement [inɛfikasmɑ̃] adv. (de
inefficace ; av. 1778, Voltaire). De façon
inefficace : Une ville inefficacement
protégée.
inefficacité [inɛfikasite] n. f. (de inefficace, d’après efficacité ; 1694, Acad.).
Caractère de ce qui est inefficace,
manque d’efficacité : Inefficacité d’un
remède. L’inefficacité d’un homme, d’un
gouvernement.
• SYN. : impuissance, incapacité, inutilité,
stérilité, vanité.
inégal, e, aux [inegal, -o] adj. (réfection,
d’après égal, du moyen franç. inequal, inégal [1370, Oresme], lat. inaequalis, raboteux, dissemblable, de in-, préf. à valeur
négative, et de aequalis, égal, dér. de aequus,
plat, uni, égal ; 1538, R. Estienne, écrit inegual [inégal, 1560, Bible Rebul], au sens I,
1 [sans aucun doute plus anc., v. la date du
dér. inégalement] ; sens I, 2, fin du XVIe s.,
Brantôme ; sens I, 3, 1580, Montaigne ; sens
II, 1, 1538, R. Estienne ; sens II, 2, 1552,
R. Estienne ; sens II, 3, 1609, M. Régnier ;
sens II, 4, 1559, Amyot ; sens II, 5, 1662,
Corneille).
I. QUI N’EST PAS ÉGAL PAR RAPPORT
À QUELQUE CHOSE OU À QUELQU’UN
D’AUTRE. 1. Se dit de ce qui n’est pas égal
en dimension, en force, en poids, en durée, en importance, en qualité, etc. : On
voit de grands pans de muraille inégaux
qui allongent les uns par-dessus les autres
leurs sommets ébréchés (Flaubert). Un
fléau se compose de deux bâtons de longueur inégale, liés l’un au bout de l’autre
avec des courroies (France). Côtés, poids
inégaux. Durée inégale. Talents inégaux.
Des oranges de grosseur inégale. Deux
personnes de situation, de richesse inégale.
Ϧ2. Se dit de personnes qui n’ont pas les
mêmes aptitudes physiques, morales ou
intellectuelles, ou qui n’ont pas les mêmes
droits ou le même niveau social : Un affrontement entre lutteurs ou adversaires
inégaux. Les hommes, égaux en droit, sont
inégaux en fait. Ϧ3. Se dit de ce qui favorise l’un aux dépens de l’autre, par suite
de l’inégalité de ses éléments, de ses composants : La répartition inégale des biens,
des richesses. Une lutte inégale.
II. QUI N’EST PAS ÉGAL À LUI-MÊME
DANS D’AUTRES CIRCONSTANCES OU DANS
D’AUTRES POINTS. 1. Qui n’est pas uni :
Et, à mesure qu’on avançait, la galerie
devenait plus étroite, plus basse, inégale
de toit, forçant les échines à se plier sans
cesse (Zola). Un sol, un terrain inégal.
Ϧ2. Dont le rythme n’est pas régulier :
La fauve girafe au galop inégal (Hugo).
Respiration inégale. Pouls inégal. Ϧ3. Se
dit d’une oeuvre dont la qualité n’est pas
constante, ou d’une personne dont les
productions, le travail sont de qualité
variable : Un film, un roman inégal. Style
inégal. Inspiration inégale. Il pardonne à
l’un d’être inégal, à l’autre d’être un peu
brouillon, parce qu’il trouve en eux les ressorts qui font les hommes supérieurs (Lanson). Bien qu’inégal dans son travail, il tenait la tête de la classe (France). Ϧ 4. Fig.
Qui n’est pas égal à soi-même, constant ;
qui change rapidement de façon d’être :
Mon humeur était impétueuse, mon caractère inégal [...]. Tour à tour bruyant et
joyeux, silencieux et triste, je rassemblais
autour de moi mes jeunes compagnons
(Chateaubriand). Ϧ 5. Class. Se dit de ce
qui témoigne d’un caractère changeant,
capricieux : Puis-je me plaindre à vous
d’un retour inégal | Qui tient moins d’un
ami qu’il ne fait d’un rival ? (Corneille).
• SYN. : I, 1 différent, dissemblable ; 3 disproportionné, inéquitable, injuste. Ϧ II, 1
accidenté, biscornu (fam.), bosselé, raboteux, rugueux ; 2 haché, irrégulier, saccadé ;
3 irrégulier ; 4 capricieux, changeant, fantaisiste, fantasque, instable, ondoyant,
versatile.
inégalable [inegalabl] adj. (de inet de égalable ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). Qui ne peut être égalé :
Hanté par l’inégalable splendeur de cette
cathédrale (Huysmans). Soirs fugitifs d’Alger, qu’ont-ils donc d’inégalable pour délier
tant de choses en moi ? (Camus). Adresse,
habileté, violence inégalable.
• SYN. : incomparable, indicible, inouï, sans
pareil, unique.
inégalablement [inegalabləmɑ̃] adv. (de
inégalable ; fin du XIXe s., Huysmans). De
façon inégalable (rare) : Le parti catholique
est inégalablement hostile à la science et
bouché à l’art (Huysmans).
inégalé, e [inegale] adj. (de in- et de égalé,
part. passé de égaler ; 1845, J.-B. Richard
de Radonvilliers). Qui n’a pas d’égal, qui
est supérieur à tout ce qui existe dans le
même genre : Une série de siècles consacrés à l’accumulation d’une masse inégalée
de richesses et d’expériences (Gracq). Un
charme inégalé.
• SYN. : hors de pair, sans pareil, unique.
inégalement [inegalmɑ̃] adv. (de inégal ;
1484, Chuquet, écrit inegualement ; inégalement, 1534, Vaganay). De façon inégale : La
faculté d’abstraire et de comprendre l’abstraction se développe tard et inégalement
chez les hommes (France). Des arbres qui
ont grandi inégalement. Des biens inégalement répartis.
• SYN. : différemment, diversement, inéquitablement, irrégulièrement.
inégalité [inegalite] n. f. (réfection,
d’après égalité, de l’anc. franç. inequalité,
inégalité [1290, Drouart], lat. inaequalitas,
inégalité, diversité, variété, de inaequalis
[v. INÉGAL] ; 1538, R. Estienne, écrit inegualité [inégalité, milieu du XVIe s., Amyot],
au sens I, 1 [« situation des personnes dont
les conditions de vie, le sort sont inégaux »,
milieu du XVIe s., Amyot] ; sens I, 2, 1867,
Littré ; sens II, 1, 1559, Amyot [au plur.,
1749, Buffon] ; sens II, 2, 1660, Oudin [en
astronomie, 1691, Ozanam] ; sens II, 3, 1694,
Acad. [au plur., 1738, Ch. Rollin] ; sens II,
4, 1636, Corneille).
I. 1. Caractère, état de choses ou de personnes qui ne sont pas égales entre elles :
L’inégalité des hauteurs, des dimensions,
des poids de deux objets. Sans y avoir
beaucoup réfléchi, elle acceptait l’inégali-
té des conditions comme une conséquence
inévitable de l’inégalité des natures (Martin du Gard). En prison, où les nécessités
d’une vie commune et élémentaire effacent les inégalités sociales, les affinités s’affirment peut-être plus librement (Aymé).
Ϧ Spécialem. et absol. Situation des personnes dont les conditions de vie, le sort
sont inégaux : Ces élections sont, une fois
de plus, un lent, tranquille et formidable
mouvement contre l’inégalité et pour la
justice (Alain). Ϧ 2. En mathématiques,
expression où l’on compare deux quantités inégales.
II. 1. Caractère de ce qui n’est pas uni :
L’inégalité d’un terrain. Ϧ Au plur. Parties d’une surface qui présentent des reliefs, des creux : Les inégalités du sol, d’un
mur. Ϧ 2. Absence de régularité dans le
rythme, le cours : L’inégalité du pouls, de
la démarche. Inégalité d’humeur. L’inégalité du débit d’un fleuve. Mais, la paix
conquise, la lutte recommença de plus
belle entre les deux rivaux, cette fois avec
des inégalités de fortune, le grand modiste
ayant vu revenir toute sa clientèle, et le
pauvre Tom attendant en vain le retour
de la sienne (Daudet). Ϧ En astronomie,
terme périodique qui vient s’ajouter à la
partie principale de certaines données,
comme la longitude, l’ascension droite,
etc., d’un corps céleste : Le mouvement
apparent du Soleil se compose d’un déplacement angulaire uniforme, affecté d’une
inégalité importante. Ϧ 3. Qualité inégale d’une oeuvre, du talent d’un auteur :
Un critique qui regrette l’inégalité d’une
comédie. ϦAu plur. Imperfections qui
témoignent de ce défaut : Les inégalités
qui gâtent un livre. Ϧ 4. Class. Manque
de constance dans le caractère, les sentiments ; versatilité : Que dites-vous, ma
soeur ? Comment ? courir au change ! |
Cette inégalité me semble trop étrange
(Molière).
• SYN. : I,1 différence, disparité, dissemblance, diversité ; 2 inéquation. ϦII, 1
acci- dent, aspérité, dénivellation, rugosité ; 2 arythmie, changement, fluctuation,
irrégularité, oscillation, saute, variation.
inélastique [inelastik] adj. (de in- et de
élastique ; 1738, Voltaire). Qui n’est pas
élastique.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2601
inélégamment [inelegamɑ̃] adv. (de
inélégant ; 1546, R. Ét. Rab., II, 182). Sans
élégance : Se débarrasser de quelqu’un
inélégamment.
inélégance [inelegɑ̃s] n. f. (de inélégant,
d’après élégance ; 1523, Lefèvre d’Étaples,
au sens 1 ; sens 2, av. 1803, Laharpe).
1. Manque d’élégance ; caractère de ce
qui est contraire à l’élégance esthétique ou
morale : Le galbe mal ébauché de sa taille,
l’inélégance de sa beauté (Chateaubriand).
Ce qui me dégoûte en toi, c’est ton manque
de goût, c’est le mauvais ton de les idées,
l’inélégance de tes doctrines (France).
Il n’avait pas l’inélégance d’être cancre
(Hermant). Ϧ 2. Acte, propos témoignant
de ce caractère : Il semblait se reprocher
comme une inélégance la manière dont
ces jeunes filles avaient été tenues à l’écart
(Lecomte).
• SYN. : 2 désinvolture, impolitesse, incorrection, muflerie (fam.).
inélégant, e [inelegɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. inelegans, -antis, qui est sans distinction, sans
goût, sans finesse, de in-, préf. à valeur
négative, et de elegans, -anis, distingué,
de bon goût, dér. de eligere, enlever, choisir, de ex-, préf. marquant le mouvement
de l’intérieur vers l’extérieur, et de legere,
recueillir, choisir, lire ; av. 1520, Seyssel,
au sens 1 ; sens 2, 1957, Robert). 1. Qui
est dépourvu d’élégance : Mise, personne
inélégante. Son physique même, ramassé
et inélégant, ne lui déplaisait pas (Aymé).
Ϧ2. Fig. Qui est dépourvu de délicatesse
morale : Il serait inélégant d’insister. Une
action, une démarche inélégante.
• SYN. : 1 disgracieux, lourd, vilain ; 2 cavalier, choquant, déplacé, désinvolte, discourtois, grossier, incorrect, indécent, indiscret.
inéligibilité [ineliʒibilite] n. f. (dér. savant
de inéligible ; 1791, Ranft [un premier ex.
au début du XVIe s.]). État ou condition de
celui qui n’a pas le droit d’être élu : Une
condamnation privative des droits politiques entraîne l’inéligibilité.
inéligible [ineliʒibl] adj. (de in- et de éligible ; 1752, Trévoux). Qui n’est pas éligible,
qui n’a pas le droit d’être élu : En vertu
des statuts de cette association, le président
sortant est inéligible.
inéluctabilité [inelyktabilite] n. f. (dér.
savant de inéluctable ; 1962, Larousse).
Caractère de ce qui est inéluctable, qui ne
peut être évité ou empêché : L’inéluctabilité
de la mort.
inéluctable [inelyktabl] adj. (lat. ineluctabilis, insurmontable, inévitable, de in-,
préf. à valeur négative, et de eluctabilis,
qu’on peut surmonter, dér. de eluctari,
sortir avec effort, surmonter en luttant,
de ex-, préf. marquant le mouvement de
l’intérieur vers l’extérieur, et de luctari,
lutter ; av. 1502, O. de Saint-Gelais, puis
1790, C. Desmoulins). Contre quoi on ne
peut lutter ; qui ne peut être évité ou empêché : Nécessité, destin, changement, réforme
inéluctable. Les coups du sort sont inéluctables ; nul ne saurait éviter sa destinée
(France). Dans cette progression inéluctable
des êtres vers le mieux (Martin du Gard).
• SYN. : fatal, immanquable, implacable,
inévitable, irrésistible.
& n. m. (1906, Loti). L’inéluctable, ce qui ne
peut être évité : Ce masque que l’inéluctable
scellait déjà de son poids (Margueritte).
inéluctablement [inelyktabləmɑ̃] adv.
(de inéluctable ; 15 déc. 1876, Revue des
Deux Mondes, p. 879). De façon inéluctable : Cette vie dont toutes les étapes sont
d’avance prévues et vers laquelle l’achemine
inéluctablement chaque journée (Beauvoir).
• SYN. : fatalement, forcément, immanquablement, inévitablement, infailliblement,
nécessairement.
inéludable [inelydabl] adj. (de in- et
de éludable, qui peut être éludé [1849,
Bescherelle], dér. de éluder ; 1860, d’après
Littré, 1877). Qui ne peut être éludé (rare) :
Une question inéludable.
inemployable [inɑ̃plwajabl] adj. (de
in- et de employable ; 1845, J.-B. Richard
de Radonvilliers, puis 1932, Acad.). Qui
ne peut être employé : Un matériau
inemployable.
• SYN. : inutilisable. — CONTR. : Utilisable.
inemployé, e [inɑ̃plwaje] adj. (de inet de employé, part. passé de employer ;
1845, Bescherelle). Qui n’est pas employé :
Ressource inemployée. Le bien-être résultant, pour nous, beaucoup moins de notre
bonne santé que de l’excédent inemployé de
nos forces... (Proust). Leur vigueur inemployée retombe en nervosité (Beauvoir).
Et les bourreaux partis, les Français sont
restés avec leur haine en partie inemployée
(Camus).
• SYN. : inutilisé. — CONTR. : employé,
utilisé.
inénarrable [inenarabl] adj. (lat. inenarrabilis, qu’on ne peut raconter, indicible,
de in-, préf. à valeur négative, et de enarrabilis, qu’on peut exprimer, décrire, dér.
de enarrare, dire explicitement, rapporter
avec détails, de ex-, préf. à valeur intensive,
et de narrare, raconter ; 1482, Flameng,
au sens 1 ; sens 2, 1957, Robert). 1. Qui ne
peut être raconté ou décrit (vieilli) : Mon
extase fit éclore en moi des songes inénarrables (Balzac). Ϧ 2. Qui est d’un comique
extraordinaire, difficile à rendre : Quelle
aventure burlesque ! C’est inénarrable ! Un
personnage inénarrable.
• SYN. : 2 impayable (fam.), ineffable (fam.).
inénarrablement [inenarabləmɑ̃] adv.
(de inénarrable ; XVIe s., La Curne, puis
1867, Littré). De façon inénarrable. (Rare.)
inengendré, e [inɑ̃ʒɑ̃dre] adj. (de in- et
de engendré, part. passé de engendrer 1 ;
av. 1778, Voltaire). Qui n’a pas été engendré (rare) : Dieu tout-puissant, inengendré,
inaccessible (Voltaire).
inentamable [inɑ̃tamabl] adj. (de inet de entamer ; XXe s.). Qui ne peut être
entamé (rare) : Je n’essayais pas de vous
convaincre, toi et les enfants [...], vous formiez un bloc inentamable (Mauriac).
inentamé, e [inɑ̃tame] adj. (de in- et
de entamé, part. passé de entamer ; 1907,
Larousse). Non entamé : En gardant à sa
femme une estime inentamée (Bourget).
La neige continue à tomber si bien que la
différence de niveau devient imperceptible
avec les régions avoisinantes, la continuité
se trouvant alors rétablie, et toute la surface égale de nouveau intacte, inentamée
(Robbe-Grillet).
inentendable [inɑ̃tɑ̃dabl] adj. (de in- et
de entendre ; 1881, A. Daudet). Dont on
ne peut supporter l’audition (rare) : Le
rideau se baissait à ce moment sur une scène
patriotique, le lion de Belfort, énorme en
carton-pâte, entouré de soldats dans des
poses triomphantes sur des remparts croulés, les képis au bout des fusils, suivant la
mesure d’une inentendable « Marseillaise »
(Daudet). Un vieux disque inentendable.
inentendu, e [inɑ̃tɑ̃dy] adj. (de in- et
de entendu, part. passé de entendre ; av.
1794, Chénier). Qui n’est pas, n’a pas été
entendu (rare) : Le jeune enfant [Hylas] de
loin croit entendre la voix [d’Hercule], |
Et du fond des roseaux, pour adoucir sa
peine, | Lui répond d’une voix inentendue
et vaine (Chénier). Des propos jusqu’alors
inentendus.
inenvisageable [inɑ̃vizaʒabl] adj. (de
in- et de envisageable ; 1948, A. Roussin).
Qu’on ne peut pas envisager : Au stade où
nous en sommes, une modification du projet
est inenvisageable.
inéprouvé, e [inepruve] adj. (de in- et
de éprouvé ; 1830, Stendhal, au sens 1 ; sens
2, 1867, Littré). 1. Qui n’a pas encore été
ressenti : Mais je ne pourrai le faire que
dans une atmosphère inconnue, inéprouvée
(Gide). Ϧ2. Qui n’a pas été mis à l’épreuve
(rare) : Un coureur encore inéprouvé.
inepte [inɛpt] adj. (lat. ineptus, qui
n’est pas approprié, déplacé, maladroit,
gauche, impertinent [pour les personnes
et les choses], de in-, préf. à valeur négative, et de aptus, attaché, joint, approprié,
part. passé adjectivé de l’anc. v. apere, lier,
attacher ; v. 1460, G. Chastellain, au sens 1
[un premier ex. à la fin du XIVe s.] ; sens 2,
v. 1534, B. Des Périers [pour ce qui témoigne
de ce défaut, 1873, Larousse] ; sens 3, 1641,
Descartes ; sens 4, 1495, Vignay). 1. Class.
Qui n’a pas les aptitudes requises pour
quelque chose : Gens ineptes en affaires
d’État (Saint-Simon). Ϧ 2. Qui fait preuve
d’une incapacité totale dans certains
domaines, ou d’une grande sottise dans
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2602
tous les domaines : Un narrateur inepte.
Et tout s’avère alors si piteux et si vain [...]
que le dégoût me prend d’être ce pitre inepte
(Samain). Ϧ Se dit de ce qui témoigne de ce
défaut : Un air, un visage inepte. Ϧ 3. Se dit
de ce qui est absurde, dépourvu de sens :
Il étudiait la philosophie à Christiania,
et, gagné aux idées de Schopenhauer, de
Hartmann, trouvait l’existence sombre,
inepte, chaotique (Daudet). Ϧ 4. Se dit de
choses qui laissent deviner l’incapacité ou
la sottise de leur auteur : Conduite, façon
d’agir inepte. Histoire inepte. Mise à part la
joie des sens, les amusements de ce peuple
sont ineptes (Camus).
• SYN. : 2 balourd, borné, crétin, idiot, incapable, inintelligent, sot ; bêta (fam.), bête,
niais ; 3 absurde, incohérent, stupide.
ineptie [inɛpsi] n. f. (lat. ineptia [surtout employé au plur.], sottise, niaiserie,
impertinence, de ineptus [v. INEPTE] ;
1546, Palmerin d’Olive, au sens de « maladresse » ; sens 1, 1626, Hardy ; sens 2, milieu
du XVIe s.). 1. Caractère de celui ou de ce qui
est inepte, stupide ou niais : Les sots vont
loin quelquefois, surtout quand le fanatisme
se joint à l’ineptie, et à l’ineptie l’esprit de
vengeance (Voltaire). Je ne lui pardonnerai
jamais l’ineptie de son calcul (Baudelaire).
Ϧ 2. Action, parole ou écrit stupide : Cette
démarche est une ineptie. Son amour-propre
de Française, de Parisienne, souffrait de
ces inepties sortant de la bouche de compatriotes (Goncourt). La littérature enfantine
française ne présentait alors guère que des
inepties (Gide).
• SYN. : 1 bêtise, inintelligence, sottise, stupidité ; 2 ânerie (fam.), imbécillité, insanité,
niaiserie.
inépuisable [inepɥizabl] adj. (de in- et
de épuisable ; v. 1460, G. Chastellain, au
sens 1 [« dont le contenu est si grand qu’il
semble ne devoir jamais être épuisé », 1678,
Bossuet ; « dont les ressources sont illimitées », 1580, Montaigne] ; sens 2, 1580,
Montaigne ; sens 3, v. 1770, J.-J. Rousseau).
1. Qu’on ne peut épuiser, qui ne se tarit
pas : Une source inépuisable. ϦDont le
contenu est si grand qu’il semble ne devoir
jamais être épuisé : J’ai dépensé sans regarder tant que j’ai été riche ; je croyais le trésor
inépuisable (Chateaubriand). Ϧ Fig. Dont
les ressources sont illimitées : La chère
retraite [...] leur semblait inépuisable en
éclats de gaieté et en silences frissonnants
(Zola). Je crois bien que nous parlions de la
couleur des yeux de Suzanne. C’est un sujet
inépuisable (France). Au centre de notre
oeuvre, fût-elle noire, rayonne un soleil
inépuisable, le même qui crie aujourd’hui
à travers la plaine et les collines (Camus).
Ϧ2. Fig. Dont on ne peut venir à bout, dont
la manifestation est sans cesse renouvelée :
Patience, bienveillance, amour inépuisable.
Ϧ3. Se dit d’une personne qui ne s’arrête
jamais de parler : Il est inépuisable dans
ce domaine. C’est un bavard inépuisable.
• SYN. : 1 intarissable ; 2 indéfectible,
infini, inexhaustible (littér.), inlassable ;
3 intarissable.
inépuisablement [inepɥizabləmɑ̃]
adv. (de inépuisable ; 1691, Bossuet, puis
1840, Acad.). De façon inépuisable : Il
était inépuisablement documenté sur tous
les sujets où s’accrochaient nos passions
d’alors (Gide). Je ne veux pas dire du mal
des Américains, Monsieur, continua-t-il,
il paraît qu’ils sont inépuisablement généreux... (Proust).
inépuisé, e [inepɥize] adj. (de in- et de
épuisé ; 1840, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1850,
Baudelaire). 1. Qui n’est pas encore épuisé :
Des gisements inépuisés. Des trésors inépuisés. Ϧ 2. Sans cesse renouvelé : Et des raffinements toujours inépuisés (Baudelaire).
inépuré, e [inepɥre] adj. (de in- et
de épuré, part. passé de épurer ; 1873,
Larousse). Non épuré : Une huile inépurée.
inéquation [inekwasjɔ̃] n. f. (de in- et
de équation ; 1804, Brunot). En mathématiques, inégalité entre deux expressions
algébriques comportant des variables, et
qui n’est satisfaite que pour certaines de
ces variables : Résoudre une inéquation.
inéquitable [inekitabl] adj. (de in- et de
équitable ; XVIIIe s., aux sens 1-2). 1. Qui
n’est pas conforme à l’équité : Répartition
inéquitable des impôts. Partage inéquitable. Ϧ 2. Qui ne respecte pas les règles de
l’équité : La nature, la grande mère aveugle,
est inéquitable, féroce (Maupassant).
• SYN. : 1 inégal, injuste ; 2 inique.
inéquitablement [inekitabləmɑ̃]
adv. (de inéquitable ; 1867, Littré). De
façon inéquitable : Des tâches réparties
inéquitablement.
inéquivalve [inekɥivalv] adj. (de in- et
de équivalve ; 1867, Littré). Se dit des mollusques dont les deux valves sont différentes de forme et de dimensions.
inéraillable [inerajabl] adj. (de in- et
de érailler ; 1873, Larousse). Qui ne peut
s’érailler : Une étoffe inéraillable.
inerme [inɛrm] adj. (lat. inermis, non
armé, inoffensif, faible, de in-, préf. à valeur
négative, et du n. neutre plur. arma, armes ;
1547, A. Du Moulin, au sens de « sans
défense » ; 1793, Brunot, au sens de « sans
armes » ; sens 1, 1798, L. C. M. Richard ;
sens 2, 1902, Larousse). 1. En botanique,
dépourvu d’épines et d’aiguillons :
Végétaux inermes. Ϧ 2. Ténia inerme, ténia
dépourvu de crochets.
inerrance [inɛrɑ̃s] n. f. (de in- et de errer ;
1907, Larousse). Faculté accordée par Dieu
aux auteurs de la Bible de ne pas enseigner
d’erreurs doctrinales ou morales, malgré
les imperfections propres à chacun.
inertance [inɛrtɑ̃s] n. f. (de inerte ;
1962, Larousse). En acoustique, quantité
qui, multipliée par la pulsation, donne le
degré de réactance acoustique d’un milieu.
inerte [inɛrt] adj. (lat. iners, inertis, étranger à tout art, inactif, mou, fade, de in-, préf.
à valeur négative, et de ars, artis, talent,
habileté, science ; 1509, Godefroy, écrit
inherte, au sens de « qui n’a pas d’activité » ;
1534, Rabelais, écrit inert, au sens de « ignorant » [« maladroit », 1596, Hulsius] ; écrit
inerte, au sens 3, 1783, d’après Féraud, 1787 ;
sens 1, 1798, Acad. ; sens 2, 1962, Larousse ;
sens 4, 1835, Acad.). 1. Qui n’a pas d’activité
ou de mouvement propre : Matière, masse,
corps inerte. Ϧ 2. Papier ou carton inerte,
papier ou carton qui présente un bon à-plat
et reste insensible dans une large mesure
aux variations d’humidité de l’air ambiant.
Ϧ3. Qui est sans mouvement, sans expression, qui semble mort : On la ramassait
tantôt dans sa cuisine, tantôt dans sa cour,
tantôt dans les chemins des environs, et il
fallait la rapporter chez elle, inerte comme
un cadavre (Maupassant). Elle tourna
vers lui un visage inerte, de grands yeux
doux et imbéciles (Aymé). Ϧ4. Fig. Qui est
privé de force vitale, d’énergie : Pendant
quinze années, elle demeura ainsi fermée
et inerte (Maupassant). Notre amour sans
doute était toujours là, mais, simplement,
il était inutilisable, lourd à porter, inerte en
nous, stérile comme le crime ou la condamnation (Camus).
• SYN. : 1 inanimé ; 3 éteint, figé, immobile,
inexpressif ; 4 apathique, atone, engourdi,
paralysé, passif. — CONTR. : 1 animé, vivant ;
3 agité, expressif, mobile, remuant ; 4 actif,
ardent, dynamique, énergique, entreprenant, vivace.
inertement [inɛrtəmɑ̃] adv. (de inerte ;
1584, R. Ét. Rab. [V, 167], au sens de « maladroitement » ; sens actuel, 1852, Leconte
de Lisle). De façon inerte (peu usité) : Les
gorges, les vallons, les forêts et les rocs |
Dorment, inertement sous leur blême suaire
(Leconte de Lisle).
inertie [inɛrsi] n. f. (lat. inertia, ignorance
de tout art, incapacité, inaction, indolence,
de iners, inertis[v. INERTE] ; v. 1370, Oresme,
au sens 3 [rare av. le milieu du XIXe s. ;
inertie utérine, 1873, Larousse] ; sens 1,
milieu du XVIIe s. [force d’inertie, 1732,
Richelet ; moment d’inertie, 1783, Encycl.
méthodique ; armement par inertie, 1931,
Larousse ; inertie électromagnétique, 1888,
Larousse] ; sens 2, 1962, Larousse ; sens 4,
début du XVIIIe s. ; sens 5, 1829, Boiste).
1. En mécanique et en physique, propriété
de la matière qui fait que les corps ne
peuvent modifier par eux-mêmes leur état
de repos ou de mouvement. ϦForce d’inertie, résistance que les corps opposent au
mouvement. ϦMoment d’inertie, produit
de la masse d’un point matériel par le carré
de sa distance à un axe. Ϧ Armement par
inertie, principe utilisé pour le fonctionnement des fusées-détonateurs. Ϧ Inertie
électromagnétique, propriété conférée à
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2603
un circuit par les phénomènes d’induction
qui s’opposent aux variations du courant,
comme la masse matérielle s’oppose aux
variations de vitesse. Ϧ 2. En papeterie,
propriété d’un carton ou d’un papier de
présenter une surface bien à plat. Ϧ 3. En
physiologie et en pathologie, atonie complète du système nerveux et des muscles.
ϦInertie utérine, contraction insuffisante
de l’utérus pendant ou après l’accouchement. Ϧ4. Fig. Manque de vie, d’énergie ou
d’activité : L’inertie de la volonté, de l’esprit.
Olivier, qui s’était engagé à m’écrire, tint sa
promesse aussi loyalement que son incurable inertie le lui permettait (Fromentin).
L’inertie expressive des figures, la raideur
un peu gauche des scènes [...], c’est ce que
j’appelle le préraphaélisme (France). Des
années passèrent et il supportait le désoeuvrement de son intelligence et l’inertie de
son coeur (L. Descaves). Ϧ5. Résistance
passive qui consiste à ne pas se soumettre
à la volonté d’autrui ou à une contrainte
physique ou morale : Opposer la force
d’inertie. Résister à la violence par l’inertie.
• SYN. : 4 apathie, engourdissement, flemme
(fam.), immobilisme, indolence, léthargie,
nonchalance, paresse, passivité. — CONTR. :
4 activité, allant, ardeur, dynamisme,
énergie, entrain, impétuosité, pétulance,
vivacité.
inescomptable [inɛskɔ̃tabl] adj. (de
in- et de escomptable ; 1845, J.-B. Richard
de Radonvilliers). Qui ne peut être
escompté : Un effet de commerce, un billet
inescomptable.
inésite [inezit] n. f. (mot créé par le géologue français Stanislas Meunier [18431925] ; 1902, Larousse). Silicate naturel de
manganèse et de calcium hydraté. (Syn.
RHODOTILITE.)
inespérable [inɛsperabl] adj. (de in- et
de espérer ; 1571, M. de La Porte). Class. et
littér. Qu’on ne peut espérer, ou qu’on ne
pouvait plus espérer : Dans cette angoisse,
une fortune inespérable les vint trouver
(Saint-Simon). Tout bonheur régulier m’est
devenu impossible, inespérable (SainteBeuve). C’était trop beau, inespérable cette
victoire mystique, où la ferveur spirituelle
tienne en respect la brutalité... (Gide).
inespéré, e [inɛspere] adj. (de in- et
de espéré, part. passé de espérer ; 1466,
P. Michault, au sens 2 ; sens 1, 1544, Scève
[« qui dépasse toutes les espérances », 1688,
Bossuet]). 1. Qui n’était pas espéré ; dont
l’heureuse issue n’était pas escomptée :
Résultat, mariage inespéré. Le physicien
[...] vient de trouver une occasion inespérée
de découverte (H. Poincaré). Ϧ Qui dépasse
toutes les espérances : Cette fête a eu un
succès inespéré. Ϧ 2. Vx. Se disait aussi d’un
événement malheureux auquel on ne s’attendait pas : D’où s’ensuit la ruine infaillible
et inespérée de tout l’édifice (Descartes).
• SYN. : 1 imprévisible, imprévu, inattendu,
inopiné ; extraordinaire, incroyable, inouï.
inespérément [inɛsperemɑ̃] adv. (de
inespéré ; début du XVIe s., écrit inesperéement ; inespérément, milieu du XVIe s.,
Amyot). Littér. De façon inespérée : Tout
me paraît inespérément bon, après le demijeûne de Nice (Gide).
inespoir [inɛspwar] n. m. (de in- et de
espoir ; av. 1951, A. Gide). Littér. Fait de ne
pas espérer quelque chose : Votre croyance
en la survivance des âmes est nourrie du
besoin de cette quiétude et de l’inespoir de
la pouvoir goûter durant la vie (Gide).
inessentiel, elle [inesɑ̃sjɛl] adj. (de inet de essentiel ; 1943, Sartre). En termes de
philosophie, qui ne concerne pas l’essence
des êtres ou des choses.
inessif [inesif] n. m. (du lat. inesse, être
dans, de in-, préf. marquant la localisation,
et de esse, être ; 1962, Larousse). Cas utilisé
dans certaines langues pour indiquer ce
qui est placé ou a lieu à l’intérieur d’un
lieu considéré.
inesthétique [inɛstetik] adj. (de in- et
de esthétique ; 1931, Larousse, au sens 1
[« qui rend laid », 1957, Robert] ; sens 2,
1957, Robert). 1. Qui est contraire à l’esthétique : Certaines constructions modernes
sont inesthétiques. Ϧ Qui rend laid : Une
verrue inesthétique dépare son visage.
Ϧ 2. En philosophie, se dit des sens qui ne
joueraient aucun rôle dans l’appréciation
de la beauté.
inestimable [inɛstimabl] adj. (lat. inaestimabilis, qu’on ne saurait évaluer, inappréciable, sans valeur, de in-, préf. à valeur
négative, et de aestimabilis, qu’on peut évaluer, qui a de la valeur, dér. de aestimare,
évaluer, estimer ; v. 1398, le Ménagier de
Paris, au sens 3 ; sens 1, milieu du XVIe s.,
Amyot ; sens 2, 1580, Montaigne). 1. Dont
on ne peut faire l’estimation : Des dégâts
inestimables. Ϧ 2. Dont on ne peut apprécier la valeur, la richesse : Sous leurs pelisses
de soirée garnies de fourrures, de plumes
ou de dentelles inestimables (Maupassant).
Aussi affranchies soient-elles, les femmes
seront toujours convaincues qu’elles portent
sur elles un trésor inestimable, convoité
par tous les mâles de la création (Aymé).
Ϧ 3. Qu’on ne saurait trop estimer, précieux : Chance inestimable. Un auxiliaire
inestimable.
• SYN. : 1 incalculable ; 2 considérable,
inappréciable.
inétendu, e [inetɑ̃dy] adj. (de in- et de
étendu ; 1765, Encyclopédie). Littér. Qui n’a
pas d’étendue : Une chose extérieure à nous
et inétendue (Sully Prudhomme). Une de
ces impressions qui sont peut-être pourtant
les seules purement musicales, inétendues,
entièrement originales, irréductibles à tout
autre ordre d’impressions (Proust).
inétreignable [inetrɛɲabl] adj. (de inet de étreindre ; 1951, A. Gide). Qu’on ne
peut étreindre, saisir (peu usité) : Et dans
mes rêves, elle m’apparaissait constamment
comme une figure inétreignable, insaisissable (Gide).
inévitabilité [inevitabilite] n. f.
(dér. savant de inévitable ; v. 1720,
Boulainvilliers, puis 1802, Flick). Caractère
inévitable d’un événement : L’inévitabilité
de la mort nous fait une loi de la subir avec
résignation (Bescherelle). La perspective
d’une apocalypse atomique impose l’inévitabilité de la paix.
inévitable [inevitabl] adj. (lat. inevitabilis, inévitable, de in-, préf. à valeur négative,
et de evitabilis, qu’on peut éviter, dér. de
evitare, éviter, fuir, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de vitare, se garder de, éviter ; 1377, Oresme, au sens 1 ; sens 2, 1834,
Balzac). 1. Qu’on ne peut éviter, qui doit
se produire fatalement : Partout le combat
entre le pauvre et le riche est établi, partout
il est inévitable (Balzac). Il est inévitable
que le citoyen soit gouverné plus qu’il n’est
nécessaire (Alain). Il croit inévitable la
révolution et ne sait comment on pourra
s’y opposer (Gide). Ϧ 2. Plaisamm. Qu’on
rencontre nécessairement : Un inévitable
habitué des réceptions officielles. Il est là
avec son inévitable compagnon de route.
• SYN. : 1 fatal, fatidique, immanquable,
inéluctable. — CONTR. : 1 éventuel, évitable,
incertain, possible, problématique.
& n. m. (début du XXe s.). L’inévitable, ce
qu’on ne peut éviter : Il aurait aimé être
seul, pouvoir réfléchir, lutter contre la
dépression, se ressaisir, se préparer stoïquement à l’inévitable (Martin du Gard).
inévitablement [inevitabləmɑ̃]
adv. (de inévitable ; XVe s., Godefroy).
Nécessairement : Une fracture de la jambe
entraîne inévitablement le repos.
• SYN. : fatalement, forcément, immanquablement, inéluctablement, infailliblement,
obligatoirement.
inexact, e [inɛgzakt ou inɛgza, -akt] adj.
(de in- et de exact ; 1689, Ritter, les Quatre
Dictionnaires, au sens 1 [pour une personne, 1957, Robert] ; sens 2, av. 1924, A.
France ; sens 3, 1867, Littré). 1. Se dit de ce
qui n’est pas conforme à la vérité des faits :
Renseignements inexacts. Données, indica-
tions inexactes. Une description inexacte.
Ϧ Se dit d’une personne qui ne respecte pas
la vérité : Un narrateur inexact. Ϧ2. Qui
n’est pas exact, qui ne peut atteindre à
l’exactitude scientifique : Les sciences
morales et politiques sont inexactes et
pleines d’incertitude (France). Ϧ3. Qui
n’est pas ponctuel : Un employé inexact.
• SYN. : 2 erroné, faux, inauthentique, incorrect, mensonger.
inexactement [inɛgzaktəmɑ̃] adv.
(de inexact ; fin du XVIIIe s.). De façon
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2604
inexacte : Les événements ont été rapportés
inexactement.
inexactitude [inɛgzaktityd] n. f. (de
inexact, d’après exactitude, 1689, Ritter,
les Quatre Dictionnaires, au sens 1 [« détail
contraire à la vérité », 1835, Acad.] ; sens
2, 1867, Littré). 1. Caractère de ce qui est
inexact, erroné ou faux : L’inexactitude
d’un renseignement. Inexactitude d’une
nouvelle. ϦDétail contraire à la vérité :
Rapport qui fourmille d’inexactitudes.
Ϧ2. Défaut de celui qui n’est pas ponctuel : Il a été congédié en raison de son
inexactitude.
• SYN. : 1 fausseté ; contre-vérité, erreur,
faute, mensonge. — CONTR. : 1 authenticité,
exactitude, fidélité, vérité ; 2 ponctualité.
inexaucé, e [inɛgzose] adj. (de in- et
de exaucé, part. passé de exaucer ; 1845,
Bescherelle). Qui n’a pas été exaucé : Car
entre leurs feuillets sommeille le parfum |
De rêves confiés et d’intimes détresses, | De
voeux inexaucés (H. de Régnier).
inexcitabilité [inɛksitabilite] n. f. (dér.
savant de inexcitable ; 1877, Littré). En
physiologie, caractère ou état de ce qui
est inexcitable : L’inexcitabilité d’un tissu,
d’un organe.
inexcitable [inɛksitabl] adj. (de inet de excitable ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. En physiologie, qu’on ne peut exciter :
Un tissu mort est inexcitable au courant
électrique. Ϧ2. Qu’on ne peut faire sortir
de l’apathie : Un public inexcitable.
inexcusable [inɛkskyzabl] adj. (lat.
inexcusabilis, qu’on ne peut excuser, de in-,
préf. à valeur négative, et de excusabilis,
excusable, pardonnable, dér. de excusare,
justifier, disculper, de ex-, préf. marquant
l’exclusion, et de causa, cause ; 1474, Mystère
de l’Incarnation, au sens 1 ; sens 2, 1588,
Montaigne). 1. Se dit d’une personne à qui
on ne peut trouver d’excuse : Il est inexcusable d’avoir commis cette impolitesse.
Marot et Rabelais sont inexcusables d’avoir
semé l’ordure dans leurs écrits : tous deux
avaient assez de génie et de naturel pour
pouvoir s’en passer, même à l’égard de ceux
qui cherchent moins à admirer qu’à rire
dans un auteur (La Bruyère). Ϧ2. Se dit de
ce qui ne peut être excusé : Une faute, une
négligence inexcusable. Dévier du sentiment
de l’honneur est, pour la femme mariée, un
crime inexcusable (Balzac).
• SYN. : 1 impardonnable ; 2 injustifiable.
inexcusablement [inɛkskyzabləmɑ̃]
adv. (de inexcusable ; 25 mai 1690, Bayle).
D’une manière inexcusable : Il a été inexcusablement négligent.
inexécutable [inɛgzekytabl] adj. (de
in- et de exécutable ; 1579, Chronique
bordeloise, puis 1695, Brunot, au sens 1 ;
sens 2, v. 1770, J.-J. Rousseau). 1. Qu’on
ne peut mettre à exécution, réaliser :
Projet, programme, ordre inexécutable.
Ϧ2. Spécialem. Se dit de ce qu’il est impossible d’exécuter, d’interpréter : Une partition inexécutable.
• SYN. : 1 impossible, impraticable, infaisable, irréalisable. — CONTR. : 1 exécutable,
faisable, réalisable.
inexécuté, e [inɛgzekyte] adj. (de in- et
de exécuté, part. passé de exécuter ; 1484,
Procès-verbaux des séances du Conseil de
régence du roi Charles VIII [p. 193], écrit
inexequté ; inexécuté, 1611, Cotgrave).
Qui n’a pas été exécuté : Des projets, des
travaux, des consignes inexécutés. Le tas
sans cesse accru d’un chiffonnier de la dette,
billets impayés, traités inexécutés, reconnaissances restées vaines, engagements non
tenus (Zola).
inexécution [inɛgzekysjɔ̃] n. f. (de in- et
de exécution ; fin du XVIe s., A. d’Aubigné,
au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Défaut
d’exécution ; caractère de ce qui n’est pas
exécuté : L’inexécution de travaux. Ϧ2. En
termes de droit, fait de ne pas remplir une
obligation à laquelle on est tenu par contrat
ou par décision de justice : L’inexécution
d’un contrat peut donner lieu à des dommages-intérêts. L’inexécution, par l’Administration, des décisions des tribunaux
administratifs ou judiciaires est une faute.
inexécutoire [inɛgzekytwar] adj. (de
in- et de exécutoire ; 17 janv. 1875, Gazette
des tribunaux, p. 54). En termes de droit,
non exécutoire : Une décision inexécutoire.
inexercé, e [inɛgzɛrse] adj. (de in- et de
exercé ; 1798, Acad., aux sens 1-2 ; sens 3,
milieu du XXe s.). 1. Qui n’a pas été formé
par des exercices : Des soldats braves, mais
inexercés. Ϧ2. Non exercé, pas habitué :
Cette polyphonie, qui paraît discordante
et confuse, d’abord, aux oreilles inexercées
(Rolland). Ϧ 3. Dont on n’a pas fait usage :
Un droit inexercé.
inexhaustible [inɛgzostibl] adj. (angl.
inexhaustible, inépuisable, de in-, préf. à
valeur négative [lat. in-, même sens], et de
exhaustible, qui peut être épuisé, dér. de to
exhaust, épuiser, du lat. exhaustum, supin
de exhaurire, épuiser, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de haurire, puiser un liquide,
tirer, retirer ; av. 1922, Proust [un premier
ex. — empr. direct du lat. exhaustum — en
1514, Huguet]). Littér. Qu’il est impossible
d’épuiser : Fécondité inexhaustible. Alors,
sous ce visage rosissant, je sentais se réserver
comme un gouffre l’inexhaustible espace
des soirs où je n’avais pas connu Albertine
(Proust).
• SYN. : inépuisable, infini, intarissable.
inexigibilité [inɛgziʒibilite] n. f.
(dér. savant de inexigible ; 1839, Boiste).
Caractère de ce qui n’est pas exigible :
L’inexigibilité d’une dette.
inexigible [inɛgziʒibl] adj. (de in- et de
exigible ; av. 1781, Turgot, aux sens 1-2).
1. Qui ne peut être exigé : Conditions inexigibles. Ϧ 2. En droit, dont on ne peut exiger
l’exécution : Dette, créance inexigible.
inexistant, e [inɛgzistɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de
in- et de existant ; 1823, Boiste, au sens 1 ;
sens 2, 1934, Jouhandeau). 1. Qui n’existe
pas : Difficultés inexistantes. Loin du temps,
de l’espace, un homme est égaré | [...], les
deux yeux révulsés, | Et les mains en avant
pour tâter le décor | — D’ailleurs inexistant
(Queneau). Ϧ 2. Par exagér. et fam. Qui n’a
pas de valeur, d’importance ; qui est inefficace : Un ouvrage dont les mérites sont
inexistants. Un collaborateur inexistant.
Un appui inexistant.
• SYN. : 1 chimérique, fictif, imaginaire,
immatériel, irréel ; 2 déplorable, insignifiant, négligent, nul, piètre.
inexistence [inɛgzistɑ̃s] n. f. (de in- et
de existence ; début du XVIIe s., au sens 2
[« absence d’importance, nullité », 1962,
Larousse] ; sens 1, 1867, Littré). 1. État de
ce qui est dépourvu d’existence : Le néant
est la seule chose dont l’inexistence soit
absolument certaine (Maeterlinck). Ϧ 2. En
termes de droit, qualité d’un acte qui n’a
pas reçu d’existence en raison de l’absence d’un élément essentiel constitutif :
L’inexistence d’un acte en regard du droit.
ϦPar exagér. et fam. Absence d’importance, nullité : L’inexistence d’un travail,
d’une aide. L’inexistence de la direction de
cette société est flagrante.
inexorabilité [inɛgzɔrabilite] n. f. (bas
lat. inexorabilitas, caractère inexorable,
du lat. class. inexorabilis [v. l’art. suiv.] ;
1663, Brunot). Littér. État ou caractère de
ce qui est inexorable : L’inexorabilité du
sort. L’inexorabilité des lois de la nature
(Rolland).
• SYN. : cruauté, dureté, implacabilité, inclémence, rigueur, sévérité.
inexorable [inɛgzɔrabl] adj. (lat. inexorabilis, qu’on ne peut fléchir, implacable
[en parlant de personnes et de choses], de
in-, préf. à valeur négative, et de exorabilis,
qu’on peut fléchir, dér. de exorare, chercher à fléchir [quelqu’un], obtenir par des
prières, de ex-, préf. à valeur intensive, et
de orare, prier, implorer ; av. 1520, Seyssel,
au sens 3 ; sens 1, milieu du XVIe s., Amyot
[inexorable à, « impitoyable pour », 1544,
Scève ; « se dit de ce qui témoigne de ces
dispositions », v. 1570, Carloix] ; sens 2,
1636, Corneille). 1. Se dit d’une personne
qui ne se laisse pas fléchir par la supplication : Un juge inexorable. ϦSe dit de ce qui
témoigne de ces dispositions : Caractère
inexorable. Volonté inexorable. Ϧ 2. Dont
on ne peut tempérer la rigueur : Sévérité
inexorable. Une des formes de ce patriotisme est la haine inexorable pour tout ce
qui est étranger (Stendhal). Ϧ3. À quoi
l’on ne peut se soustraire : Elle avait sur
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2605
les écrivains des idées d’un autre âge, bien
loin de soupçonner l’inexorable rigueur
des méthodes scientifiques auxquelles ils
soumettent à présent leur génie (Aymé).
•SYN. : 1 impitoyable, implacable,
inflexible, intraitable ; inhumain, insensible ; 2 cruel, draconien ; 3 fatal, inéluctable. — CONTR. : 1 clément, indulgent ;
bienveillant, doux, humain.
inexorablement [inɛgzɔrabləmɑ̃]
adv. (de inexorable ; 27 mai 1661, Racine,
au sens 1 ; sens 2, 1913, Suarès). 1. D’une
manière inexorable, impitoyable : Châtier
inexorablement les coupables. Ϧ2. Sans
qu’on puisse s’y opposer, s’y soustraire :
Le cyclone a balayé inexorablement les
plantations. Inexorablement, chaque jour
est un pas vers la mort.
inexpérience [inɛksperjɑ̃s] n. f. (bas
lat. inexperientia, inexpérience, du bas
lat. inexperiens, -entis, inexpérimenté,
du lat. class. in-, préf. à valeur négative, et
experiens, -entis, part. prés. de experiri.
éprouver, tenter de réaliser ; 1460, Dict.
général, au sens 1 [rare av. 1762, Acad.] ;
sens 2, av. 1869, Sainte-Beuve). 1. Manque
d’expérience : L’inexpérience de la jeunesse. Commettre des fautes par inexpérience. On tend aujourd’hui à faire naître
l’art de l’inexpérience et à partir non de la
règle apprise mais de la fantaisie (Lhote).
Ϧ 2. Faute ou erreur due au manque
d’expérience : Il y a dans tout noviciat des
gaucheries et des inexpériences inévitables
(Sainte-Beuve).
• SYN. : 1 ignorance, impéritie, incompétence, méconnaissance ; 2 gaucherie, impair
(fam.), maladresse, sottise.
inexpérimenté, e [inɛksperimɑ̃te] adj.
(de in- et de expérimenté ; 1495, Vignay, au
sens 1 [rare av. 1664, Perrot d’Ablancourt ;
« qui témoigne d’un manque d’expérience »,
1585, Du Fail] ; sens 2, 1580, Montaigne).
1. Se dit d’une personne qui n’a pas acquis
de l’expérience, de la pratique : Soldat,
jeune homme inexpérimenté. Grimpeur
doué, mais inexpérimenté. Ϧ Se dit de ce
qui témoigne d’un manque d’expérience :
Gestes inexpérimentés. Mains inexpérimentées. Ϧ 2. Dont on n’a pas encore
fait l’expérience : Procédé de fabrication
inexpérimenté.
•SYN. : 1 inexercé, novice, profane ;
gauche, inexpert, inhabile, maladroit ; 2
inédit, neuf, nouveau, original, révolutionnaire. — CONTR. : 1 entraîné, exercé,
expérimenté ; expert, habile ; 2 commun,
habituel, ordinaire.
inexpert, e [inɛkspɛr, -ɛrt] adj. (lat. inexpertus, inexpérimenté, novice, de in-, préf.
à valeur négative, et de expertus, qui a fait
ses preuves, aguerri, part. passé adjectivé
de experiri, éprouver, tenter de réaliser ;
v. 1460, G. Chastellain, au sens de « qui
manque d’expérience » ; sens actuel, 1587,
F. de La Noue). Qui est dépourvu d’habileté, de savoir-faire : De là peut être son
humeur contre sa fille inexperte (Peyré).
• SYN. : inexercé, inexpérimenté, novice,
profane. — CONTR. : entraîné, exercé, expérimenté, expert.
inexpiable [inɛkspjabl] adj. (lat. inexpiabilis, inexpiable, de in-, préf. à valeur
négative, et de expiare, expier, purifier par
des expiations, de ex-, préf. à valeur intensive, et de piare, apaiser par des sacrifices,
expier, dér. de pius, pieux, sacré ; fin du
XVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, début du
XXe s. [guerre inexpiable, 1902, Larousse]).
1. Qui ne peut être expié, pour quoi il n’y a
pas de châtiment assez grand : Commettre
un forfait inexpiable. Il pensait à Rose avec
une rancune infinie. Elle l’avait abandonné.
C’était inexcusable, inexpiable (Mauriac).
En 1936, un général rebelle (Franco) [...]
a fait triompher une cause injuste après
d’inexpiables massacres, et commencé
dès lors une atroce répression qui a duré
dix années et qui n’est pas encore terminée (Camus). Ϧ 2. Dans lequel on ne fait
pas grâce, sans merci : Lutte inexpiable.
Ϧ Spécialem. Guerre inexpiable, nom parfois donné à la révolte des mercenaires de
Carthage.
inexpié, e [inɛkspje] adj. (de in- et de
expié, part. passé de expier ; 1867, Littré).
Qui n’a pas été expié : Leurs attentats bénis,
heureux, inexpiés (Hugo).
inexplicable [inɛksplikabl] adj. (lat. inexplicabilis, qu’on ne peut dénouer, inextricable, inexplicable, de in-, préf. à valeur
négative, et de explicabilis, qu’on peut
débrouiller, expliquer, dér. de explicare,
déployer, débrouiller, développer, de ex-,
préf. marquant l’exclusion, la négation, et
de plicare, plier, replier ; 1486, Godefroy, au
sens 1 [« qui n’a pas de justification selon la
raison », 1665, Molière] ; sens 2, av. 1778,
Voltaire). 1. Que l’on ne peut expliquer,
dont on ne peut pas connaître les causes
exactes : Un accident d’avion inexplicable.
ϦQui n’a pas de justification selon la raison : Cet immense coassement me portait
sur les nerfs et remplissait mon imagination
d’alarmes inexplicables (Sand). Ϧ2. Dont
la conduite n’est pas rationnellement motivée : Un homme inexplicable. Les femmes
sont pour l’ordinaire inexplicables (Staël).
• SYN. : 1 étrange, incompréhensible, obscur ; injustifiable ; 2 déconcertant, énigmatique, insaisissable, insondable, mystérieux.
— CONTR. : 1 explicable ; intelligible,
justifiable.
& n. m. (1873, Larousse). L’inexplicable, ce
que l’on ne peut pas expliquer : La raison
n’explique pas l’inexplicable, elle le conçoit
(Cousin).
inexplicablement [inɛksplikabləmɑ̃]
adv. (de inexplicable ; XVIe s.). De façon
inexplicable : L’inculpé a inexplicablement
refusé de répondre aux questions du juge.
inexpliqué, e [inɛksplike] adj. (de in- et
de expliqué, part. passé de expliquer ; fin
du XVIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré).
1. Dont la nature ou les causes n’ont pas été
expliquées : Fait, phénomène inexpliqué.
Des sentiments confus, inexpliqués envahissaient l’âme de cet honnête et simple
vieillard (France). Ϧ2. Dont on n’a pas
élucidé le sens : Un texte inexpliqué.
& inexpliqué n. m. (1862, Renan).
L’inexpliqué, ce qui n’est pas expliqué : Tout
l’inexpliqué qui les entoure (Maeterlinck).
inexploitable [inɛksplwatabl] adj. (de
in- et de exploitable ; 1867, Littré). Qu’il
n’est pas possible d’exploiter : Gisement,
mine inexploitable.
inexploitation [inɛksplwatasjɔ̃] n. f. (de
in- et de exploitation ; 23 nov. 1876, Journ.
officiel, p. 8578). Le fait de ne pas mettre
en valeur quelque chose, de ne pas en tirer
parti : Un pays ne peut admettre l’inexploitation de ses richesses.
inexploité, e [inɛksplwate] adj. (de in- et
de exploité ; 1842, Balzac, au sens 1 ; sens
2, XXe s.). 1. Qui n’est pas exploité, qui n’a
pas encore été mis à profit en l’utilisant, en
le faisant produire : Des ressources minérales inexploitées. Ϧ 2. Fig. Qui a échappé à
l’attention, aux investigations : Un domaine
de la recherche linguistique inexploité.
inexplorable [inɛksplɔrabl] adj. (de in- et
de explorer ; 1867, Littré). Que l’on ne peut
pas explorer ; très difficile à explorer : Un
gouffre inexplorable.
inexploré, e [inɛksplɔre] adj. (lat. inexploratus, non essayé, inconnu, inexploré [de
in-, préf. à valeur négative, et de exploratus,
sûr, assuré, part. passé adjectivé de explorare, examiner, vérifier, explorer], ou composé franç. de in- et de exploré, part. passé
de explorer ; av. 1841, Chateaubriand, au
sens 1 [au fig., 1957, Robert] ; sens 2, 1886,
Maupassant). 1. Qui n’a pas été exploré :
Pays inexploré. ϦFig. Dans lequel on n’a
pas fait de recherches : Les domaines inexplorés de certaines sciences. Ϧ 2. Dont on
n’a pas tiré toutes les satisfactions possibles : Joies inexplorées.
• SYN. : 1 inconnu ; inexploité.
& inexploré n. m. (av. 1890, Maupassant).
L’inexploré, ce qui n’a pas été exploré : Il
y a dans tout de l’inexploré (Maupassant).
inexplosible [inɛksplozibl] adj. (de inet de explosible ; début du XIXe s.). Qui ne
peut pas faire explosion : Un autoclave
inexplosible.
inexplosif, ive [inɛksplozif, -iv] adj. (de
in- et de explosif ; 1962, Larousse). Qui
n’explose pas : Un mélange inexplosif.
inexposable [inɛkspozabl] adj. (de inet de exposer ; 1873, Larousse). En termes
de philosophie, qui ne peut être exposé,
défini : Selon Kant, les idées esthétiques
sont inexposables.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2606
inexposé, e [inɛkspɔze] adj. (de in- et
de exposé, part. passé de exposer ; 1873,
Larousse). Non exposé : On peut déceler
dans ce discours des réticences inexposées.
inexpressible [inɛksprɛsibl] n. m.
(angl. inexpressibles, culottes, pantalon,
plur. substantivé de l’adj. inexpressible, qui
ne peut être exprimé par des mots, de in-,
préf. à valeur négative [lat. in-, même sens],
et de expressible, exprimable, dér. de to
express, exprimer, réfection [d’après le lat.
expressum, supin de exprimere, exprimer, v.
EXPRIMER] de l’anc. franç. espresser, exprimer, déclarer [XIIe s.], lui-même composé
de es-, préf. marquant le mouvement de
l’intérieur vers l’extérieur [lat. ex-, même
sens], et de presser ; av. 1778, J.-J. Rousseau,
puis 1867, Delvau). Vx. Euphémisme anglais
pour « culotte », « pantalon » : Au boulevard les candélabres | Portent au haut de
leurs fûts glabres | Des inexpressibles à gaz
(Banville).
inexpressif, ive [inɛksprɛsif, -iv] adj. (de
in- et de expressif ; 1782, Mercier, au sens 1 ;
sens 2, 1860, Goncourt). 1. Qui n’exprime
pas bien ce que l’on veut dire : Mot, style
inexpressif. Ϧ2. Dépourvu d’expression,
qui ne reflète pas ou qui reflète mal un
sentiment quelconque : Les traits de son
visage étaient réguliers, assez beaux, mais
parfaitement inexpressifs (Gide). Elle fixait
sur lui un regard tendu et inexpressif où se
lisait seulement la volonté de ne pas faiblir,
de ne pas détourner les yeux (Martin du
Gard).
• SYN. : 1 fade, froid, terne, vague ; 2 atone,
éteint, figé, inerte. — CONTR. : 1 coloré, pittoresque ; 2 expressif, mobile, vivant.
inexpression [ineksprɛsjɔ̃] n. f. (de in- et
de expression ; 1865, Goncourt). Absence
d’expression : Au volant, sa figure était
étrange d’inexpression (Mauriac).
inexpressivité [inɛksprɛsivite] n. f. (de
inexpressif, d’après expressivité ; 1919, A.
Gide). Caractère de ce qui est inexpressif : L’expression indifférente, obtuse de
son visage, ou plutôt son inexpressivité
absolue glaçait jusqu’à sa source de bon
vouloir (Gide).
inexprimable [inɛksprimabl] adj. (de
in- et de exprimer ; XVe s., au sens 1 ; sens
2, v. 1570, Carloix). 1. Qu’on ne peut pas
exprimer, ou qu’il est difficile d’exprimer :
Il y eut un moment d’inexprimable silence
où l’on eût entendu voler la mort (Hugo).
Aux diverses heures du jour et de la nuit,
la grande forêt a des joies et des menaces
inexprimables (Taine). Ϧ 2. Dont l’intensité dépasse toute expression : Après avoir
envoyé cette dernière lettre [...], je tombai
dans un abattement inexprimable (Balzac).
Je quitte la France dans un état d’angoisse
inexprimable (Gide).
• SYN. : 1 indescriptible, indicible, ineffable,
inénarrable ; 2 extraordinaire, inconcevable, incroyable, inimaginable, inouï.
& n. m. (1859, Baudelaire). L’inexprimable,
ce qu’il est impossible d’exprimer :
L’inexprimable n’existe pas (Baudelaire).
inexprimablement [inɛksprimabləmɑ̃]
adv. (de inexprimable ; 1867, Littré). De
façon inexprimable : Cette pénétration des
ténèbres est inexprimablement sinistre dans
un enfant (Hugo).
inexprimé, e [inɛksprime] adj. (de in- et
de exprimé, part. passé de exprimer ; 1845,
J.-B. Richard de Radonvilliers, au sens 1 ;
sens 2, 1876, A. Daudet). 1. Qui n’a pas été
exprimé : [L’Église] a créé, pour aborder
un ordre d’idées inexprimées jusqu’alors,
des vocables grandiloques (Huysmans).
Ϧ 2. Qu’on n’ose pas exprimer : Des rancoeurs inexprimées. Ces maris trompés [...]
qui peuvent reconnaître la date de leur
infortune à toutes les manifestations d’un
remords inexprimé (Daudet).
• SYN. : 2 latent, sous-entendu, tacite.
inexpugnabilité [inɛkspyɲabilite] n. f.
(dér. savant de inexpugnable ; 28 févr. 1875,
Gazette des tribunaux, p. 207). Caractère de
ce qui est inexpugnable : L’inexpugnabilité
d’une forteresse.
inexpugnable [inɛkspyɲabl] adj. (lat.
inexpugnabilis, imprenable, invincible,
impénétrable, de in-, préf. à valeur négative, et de expugnabilis, qu’on peut prendre
d’assaut, dér. de expugnare, prendre d’assaut, vaincre, de ex-, préf. marquant l’achèvement, et de pugnare, combattre, lutter,
dér. de pugnus, poing ; 1352, Bersuire, au
sens 1 ; sens 2, milieu du XVIe s., Amyot).
1. Dont il est impossible de s’emparer par
la force : À une époque où le pouvoir de
l’artillerie était à sa naissance, la position
du Plessis [...] pouvait alors être regardée
comme inexpugnable (Balzac). Ϧ2. Fig.
Qu’on ne peut vaincre ; qui résiste à tous les
assauts : Elle y demeurera [la poésie] vivace
et inexpugnable (Maeterlinck). Grâce à la
triple entente, l’Angleterre avait pu rendre
inexpugnable sa toute-puissance sur les
mers du globe (Martin du Gard).
• SYN. : 1 imbattable, imprenable ;
2 indomptable, invincible.
inextensibilité [inɛkstɑ̃sibilite] n. f. (dér.
savant de inextensible ; 1867, Littré). État
d’un corps inextensible : L’inextensibilité
d’un métal.
inextensible [inɛkstɑ̃sibl] adj. (de in- et
de extensible ; 1777, Buffon). Se dit d’un
corps qui ne peut être étendu ni allongé :
Un fil inextensible.
inextensif, ive [inɛkstɑ̃sif, -iv] adj. (de
in- et de extensif ; 1889, Bergson). Qui n’a
pas de dimension spatiale : Une quantité
inextensive.
in extenso [inɛkstɛ̃so] loc. adv. ou adj.
(loc. du lat. moderne [signif. proprem.
« dans toute son étendue »] formée des
mots du lat. class. in, en, dans, et extenso,
ablatif de extensum, neutre substantivé
de extensus, part. passé de extendere,
étendre, de ex-, préf. à valeur intensive, et
de tendere, étendre, déployer ; 1842, Mozin
[compte rendu in extenso, 1893, Dict. général]). Tout au long, tout en entier : Publier
« in extenso » un discours. ϦUn compte
rendu « in extenso », compte rendu sténographique de débats parlementaires (par
opposition au compte rendu analytique).
• SYN. : complètement, entièrement, intégralement, totalement.
inexterminable [inɛkstɛrminabl] adj.
(de in- et de exterminer ; 1873, Larousse).
Qui ne peut être exterminé : Race
inexterminable.
inextinguible [inɛkstɛ̃gɥibl ou
inɛkstɛ̃gibl] adj. (bas lat. inexstinguibilis,
inextinguible, ineffaçable, du lat. class.
in-, préf. à valeur négative, et du bas lat.
exstinguibilis, qui doit s’éteindre, dér. du
lat. class. exstinguere, éteindre, faire disparaître ; 1403, Internele Consolacion, au
sens 1 ; sens 2-3, 1534, Rabelais). 1. Qu’il
est impossible d’éteindre : Le bruit du flot
confondu avec un pétillement d’étincelles
donnait l’expression d’un incendie inextinguible, renaissant de tous les efforts qu’on
faisait pour l’éteindre (Daudet). Sans cesse
se rallumaient les brasiers ; les brûlots au
calcium étaient inextinguibles (Malraux).
Ϧ 2. Qu’il est impossible d’étouffer, d’arrêter : La lecture de cet article soulevait à
chaque mot, dans la salle, d’inextinguibles
fous rires coupés de cris d’indignation
(Daudet). C’est pourtant en la voyant ainsi
que je sentis que je l’aimais d’un inextinguible amour (France). Ϧ 3. Fig. Qu’il est
difficile d’assouvir : La soif de jouissance
était inextinguible (Cendrars).
• SYN. : 2 éternel, impérissable, indestructible ; 3 inapaisable, inassouvissable,
insatiable. — CONTR. : 1 extinguible ;
2 éphémère, fragile, précaire ; 3 apaisable,
assouvissable.
inextirpable [inɛkstirpabl] adj. (lat.
inexstirpabilis, qu’on ne peut arracher,
de in-, préf. à valeur négative, et de exstirpare, déraciner, arracher, détruire, de
ex-, préf. marquant le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, et de stirps, stirpis,
souche, racine ; début du XVIe s., puis 1779,
Linguet, aux sens 1-2). 1. Qu’on ne peut
arracher avec les racines. (Rare.) ϦQue
l’on ne peut enlever radicalement : Tumeur
inextirpable. Ϧ2. Fig. Que l’on ne peut faire
disparaître entièrement, complètement :
Une erreur, un vice inextirpable.
• SYN. : 2 coriace (fam.), indéracinable,
tenace.
in extremis [inɛkstremis] loc. adv. (loc.
du lat. moderne formée des mots du lat.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2607
class. in, en, dans, et extremis, ablatif de
extrema, les choses dernières, la mort,
neutre plur. substantivé de l’adj. extremus,
extrême, dernier ; début du XVIIIe s., au sens
1 ; sens 2, 1847, Balzac). 1. À la dernière
limite, à l’article de la mort : Tester « in
extremis ». Baptiser quelqu’un « in extremis ». Ϧ2. Au tout dernier moment, de justesse : Monter dans le train « in extremis ».
Éviter un accident « in extremis ».
inextricabilité [inɛkstrikabilite]
n. f. (dér. savant de inextricable ; 1832,
Raymond). État de ce qui est inextricable :
L’inextricabilité d’une affaire criminelle.
inextricable [inɛkstrikabl] adj. (lat.
inextricabilis, d’où on ne peut se tirer,
incurable, indescriptible, de in-, préf. à
valeur négative, et de extricare, débarrasser,
défricher, débrouiller ; 1361, Oresme, puis
1501, Jardin de Plaisance, au sens 1 ; sens
2, 1580, Montaigne ; sens 3, av. 1502, O. de
Saint-Gelais). 1. Qu’on ne peut démêler ;
dont on ne peut reconnaître les éléments :
Enchevêtrements, enlacements inextricables. Tout autour de la plage montaient
de hautes roches escarpées, des maquis
inextricables d’arbustes verts, d’un vert
sombre, sans saison (Daudet). Ϧ2. Dont
les éléments sont si enchevêtrés qu’il est
difficile de s’orienter, de retrouver son chemin : Ces aventuriers, perdus vers le soir
dans les forêts inextricables, regardés entre
deux branches par des larves (Hugo). Je me
plongeais dans l’inextricable réseau de rues
étroites et poudreuses (Nerval). Ϧ 3. Fig.
Très embrouillé, qu’il est très difficile de
démêler, de mettre en ordre, de clarifier :
Affaire inextricable. Complications inextricables. La plus effroyable imprévoyance, la
mobilisation et la concentration faites d’un
seul coup pour gagner du temps, aboutissant
à un gâchis inextricable (Zola).
• SYN. : 1 touffu ;2 dédaléen.
inextricablement [inɛkstrikabləmɑ̃]
adv. (de inextricable ; 1827, Acad.). De façon
inextricable : Les grands arbres aux larges
feuilles [...] enlacent inextricablement leurs
troncs et leurs branches (Gautier).
infaillibiliste [ɛ̃fajibilist] n. m. (de
infaillibil[ité] ; 1873, Larousse). Vx. Partisan
de la thèse de l’infaillibilité du pape.
infaillibilité [ɛ̃fajibilite] n. f. (dér. savant
de infaillible ; 1573, RHL [XXXII, 88], au
sens 1 [« caractère de ce qui ne peut manquer d’être efficace », 1748, Montesquieu] ;
sens 2, av. 1662, Pascal [« privilège par
lequel l’Église ne peut se tromper en matière
de foi », 1688, Bossuet ; « caractère d’une
action humaine qui ne peut être entachée
d’erreur », 1893, Dict. général]). 1. Vx.
Qualité de ce qui est infaillible, qui ne
peut manquer de se produire : Infaillibilité
d’un succès. Ϧ Auj. Caractère de ce qui ne
peut manquer de réussir, d’être efficace :
L’infaillibilité d’un remède, d’une méthode.
Ϧ 2. Qualité d’une personne qui n’est pas
sujette à l’erreur ; impossibilité de se tromper : La connaissance de tout ce qui était
vêtements, manière de les porter [...], et qu’il
possédait jusque dans ses moindres détails
avec une infaillibilité orgueilleuse (Proust).
Sa voix brusque et bredouillante, qui trahissait à la fois la timidité de l’homme et
l’infaillibilité du chef (France). Ϧ Spécialem.
Privilège par lequel l’Église et le pape ne
peuvent enseigner officiellement l’er-
reur en matière de dogme et de morale.
Ϧ Caractère d’une action humaine qui ne
peut être entachée d’erreur : Infaillibilité
d’un jugement.
infaillible [ɛ̃fajibl] adj. (francisation,
d’après faillible [v. ce mot], du bas lat. infallibilis, infaillible [VIIe s.], du lat. class. in-, préf.
à valeur négative, et fallere, tromper, manquer à sa parole, faire défaut, commettre
une faute ; XIVe s., Nature à l’alchimie, au
sens de « inaltérable » [en parlant d’une
matière] ; v. 1460, G. Chastellain, au sens
de « qui ne peut faire défaut » [en parlant
de Dieu] ; sens 1, 1580, Montaigne [« dont
le succès est assuré », 1669, Molière] ; sens
2, av. 1662, Pascal ; sens 3, 1669, Bossuet).
1. Vx. Qui ne peut manquer de se produire :
Ô doux rêve, promis à l’infaillible oubli
(Leconte de Lisle). ϦAuj. Dont le succès est
assuré : Un remède, un procédé infaillible.
Ceux-ci [les romantiques] ont cru que les
effets d’art les plus infaillibles étaient dans
le laid moral (Michelet). Ϧ 2. Qui ne peut
induire en erreur : Le luxe général est la
marque infaillible d’un empire puissant
et respecté (Voltaire). Ϧ3. Qui ne peut se
tromper : Et je ne crois pas qu’ils [le Juge
et le Prince] aient eu jamais la volonté
d’être injustes : hélas, tout au contraire ils
se croyaient justes et infaillibles (Alain).
• SYN. : 2 assuré, certain, évident, manifeste, sûr.
infailliblement [ɛ̃fajibləmɑ̃] adv. (de
infaillible ; milieu du XVe s., J. Joret, au
sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. De façon
infaillible, immanquablement : Dans sa
pensée, l’idée des voleurs était infailliblement associée à celle des bois, n’eussent-ils
qu’un arpent d’étendue (Sand). Ϧ 2. Sans
possibilité d’erreur : Les astrologues prétendent prédire infailliblement l’avenir.
• SYN. : 1 fatalement, forcément, inéluctablement, inévitablement, nécessairement,
obligatoirement ; 2 à coup sûr, certainement.
infaisable [ɛ̃fəzabl] adj. (de in- et de faisable ; début du XVIIe s., au sens 1 ; sens
2, av. 1854, Nerval). 1. Qu’on ne peut pas
faire : Rentrer chez elle à pied n’était pas
infaisable : la joie de toucher au but l’empêchait de sentir tout le poids de sa fatigue
(Martin du Gard). Ϧ2. Qui ne peut se faire,
se réaliser : Et alors la vagabonde qu’elle est
le jette dans les théories impossibles, dans
les rêves infaisables (Nerval).
• SYN. : 1 impossible, impraticable ; 2 inexécutable, irréalisable.
infalsifiable [ɛ̃falsifjabl] adj. (de in- et
de falsifiable ; 1867, Littré). Qui ne peut
être falsifié (rare) : Un récit infalsifiable.
infamant, e [ɛ̃famɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de l’anc. v. infamer, déshonorer [XIIIe s.,
Sept Sages de Rome], lat. infamare, faire
une mauvaise réputation à, décrier, blâmer, accuser, de infamis [v. INFÂME] ;
1557, Lespinasse, au sens 1 ; sens 2, 1680,
Richelet). 1. Qui déshonore quelqu’un ;
qui nuit à sa réputation : Madame, après
une accusation aussi infamante, il convient
d’en dire plus (Pagnol). C’est parce qu’ils
impliquent le sacrifice d’une situation plus
ou moins flatteuse à une douceur purement
intime que, généralement, les mariages
infamants sont les plus estimables de tous
(Proust). Des propos infamants tenus sur
une personne. Ϧ 2. Peine infamante, en
droit, peine qui entraîne de plein droit
certaines incapacités et déchéances : Des
juges militaires, contraints ou trompés par
leurs chefs hiérarchiques, ont condamné un
innocent à une peine infamante et cruelle
(France). [V. aussi AFFLICTIF.]
• SYN. : 1 avilissant, dégradant, déshonorant, flétrissant, honteux, ignominieux.
infâme [ɛ̃fɑm] adj. (lat. infamis, mal famé,
décrié, de in-, préf. à valeur privative, et de
fama, bruit colporté, renommée, réputation ; 1348, Varin, au sens I, 1 [« flétri par
la loi » ; « flétri par l’opinion publique », fin
du XIVe s., E. Deschamps] ; sens I, 2, milieu
du XVe s. [maison infâme, 1873, Larousse
— lieu infâme, même sens, 1690, Furetière] ;
sens II, 1, av. 1549, Marguerite de Navarre ;
sens II, 2, 1886, Bloy).
I. 1. Class. Déshonoré, déconsidéré : Mais
qui peut vivre infâme est indigne du jour
(Corneille). Ϧ Flétri par l’opinion publique : La condition des comédiens était
infâme chez les Romains, et honorable
chez les Grecs (La Bruyère). Ϧ 2. Qui avilit ou qui déshonore quelqu’un : Complaisance infâme. Ce mensonge infâme et qui
m’indignait servait de paravent à une plus
infâme vérité (Balzac). J’ai toujours tremblé devant les hommes [...], leurs préjugés
infâmes (Maupassant). Ϧ Maison infâme,
lieu de débauche, de prostitution : Cette
maison infâme, toute résonnante encore
des fureurs lascives de sa triste épouse
(Aymé).
II. 1. Qui provoque le dégoût, sale, répugnant : Taudis infâme. Loques infâmes.
Il crachait encore à plusieurs reprises [...]
pour bien laver d’un infâme contact sa
langue et son palais (Ch.-L. Philippe). Des
abricots cadavéreux, d’un jaune infâme
de sorcière (Zola). Ϧ 2. Que l’on ne peut
supporter, qui blesse la sensibilité : Une
infâme odeur de putréfaction.
• SYN. : I, 2 avilissant, dégradant, déshonorant, flétrissant, honteux, ignominieux,
indigne, infamant. Ϧ II, 1 abject, ignoble,
immonde, sordide ; 2 atroce, horrible, infect.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2608
& n. (1458, Mystère du Vieil Testament).
Personne indigne, vile : Réduit au triste
choix ou de trahir ma flamme, | Ou de vivre
en infâme (Corneille).
& n. m. (28 nov. 1762, Voltaire). Chez
Voltaire et les encyclopédistes, la superstition et l’intolérance : Malgré eux, ils [les
encyclopédistes] ont encore laissé assez de
grandeur à l’infâme (Chateaubriand).
infâmement [ɛ̃fɑməmɑ̃] adv. (de infâme ;
XVe s., Du Cange). Class. De façon déshonorante : Il n’y a point d’exemple que jamais
gens de cheval ait [sic] plus infâmement
abandonné son devoir (Chapelain).
infamie [ɛ̃fami] n. f. (lat. infamia, mauvaise renommée, déshonneur, honte, de
infamis [v. INFÂME] ; XIIIe s., au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1549, R. Estienne ; sens I, 3, 1580,
Montaigne ; sens I, 4, 1647, Corneille ; sens
1, 5, v. 1355, Bersuire [« oeuvre littéraire
ou partie d’une oeuvre littéraire de peu de
valeur... », 1694, Bossuet] ; sens II, 1, fin du
XVIe s., Brantôme ; sens II, 2, XXe s.).
I.1.Class. Flétrissure morale infligée
à quelqu’un : Et j’aime mieux voir mort
que couvert d’infamie | Ce que vient de
m’ôter une main ennemie (Corneille).
Ϧ2. Spécialem. et vx. Déchéance que la
loi infligeait aux personnes condamnées
à certaines peines : Ils y sont reconnaissables à la roue ou rouelle de drap qu’ils
portent sur leurs vêtements, en signe
d’infamie (France). Les censeurs romains
notaient d’infamie les citoyens de mau-
vaises moeurs. Ϧ 3. État, condition d’une
personne. flétrie par la loi ou avilie moralement : Mourir dans l’infamie. Ϧ Banc
d’infamie, banc des accusés : Il me prédit
que je finirai au banc d’infamie (Aymé).
Ϧ4. Caractère d’une personne ou d’une
action infâme : L’infamie d’un traître.
L’infamie d’un crime. Ϧ 5. Action vile,
honteuse : Commettre, subir une infamie.
ϦSpécialem. et vx. OEuvre littéraire ou
partie d’une oeuvre littéraire de peu de
valeur ou méprisable : Et ce sont ces plates
infamies qu’on a jouées pendant plus d’un
siècle alternativement avec « le Misanthrope » (Voltaire).
II. 1. Fam. Chose infâme, sale, répugnante, qui choque ou qui est désagréable : Vous voulez aller perdre votre
santé dans les infamies de Paris, comme
tant d’ouvriers qui finissent par aller
mourir à l’hôpital (Balzac). Ça pue ici [...].
C’est une infamie (Bataille). Ϧ 2. Chose
qui choque par sa laideur : Il n’y a que
ces affreuses lunettes [...]. Pourquoi donc
portez-vous des infamies pareilles ?
(Pailleron).
• SYN. : I, 4 abjection, déshonneur, flétrissure, honte, ignominie, opprobre, turpitude ;
5 bassesse, vilenie. ϦII, 1 abomination ;
2 horreur.
& infamies n. f. pl. (1690, Furetière).
Paroles injurieuses susceptibles de nuire
à la réputation de quelqu’un : Dire de
quelqu’un cent infamies.
infant, e [ɛ̃fɑ̃, -ɑ̃t] n. (esp. infante, infant,
lat. infans, -antis, qui ne parle pas, enfantin,
et comme n., « jeune enfant » [v. ENFANT] ;
1407, Lannoy, au sens 1 ; sens 2, XVIe s.).
1. Titre donné aux enfants puînés des rois
d’Espagne et de Portugal, et, par extens., de
quelques grands seigneurs d’Espagne et du
Portugal. Ϧ2. Vx et fam. Femme aimée :
Il faudra bien enfin s’adoucir, mon infante
(Hugo).
infanterie [ɛ̃fɑ̃tri] n. f. (anc. ital. infanteria, infanterie [fin du XIVe s. — mot devenu,
par aphérèse, fanteria, au début du XVIe s.],
de infante, fantassin, proprem. « enfant »
[lat. infans, -antis, v. l’art. précéd.] ; milieu
du XVIe s., Ronsard [enfanterie, forme plus
francisée, début du XVIe s. ; infanterie de
marine, 1774, d’après Larousse, 1873 ; infanterie coloniale, 1902, Larousse ; infanterie
portée, motorisée, 1948, Larousse]). Vx.
Ensemble des gens de guerre se déplaçant
et combattant à pied : L’infanterie, arme
roturière, s’opposait à la cavalerie, arme
noble. Ϧ Auj. Ensemble des troupes combattant à pied et qui assurent la conquête
et l’occupation du terrain : Je fis occuper
la montagne par des détachements d’infanterie et placer des cavaliers pour en surveiller les abords (France). L’infanterie a
été surnommée la « reine des batailles ».
ϦInfanterie de marine, infanterie coloniale,
corps d’infanterie des troupes coloniales
ou d’outre-mer. ϦInfanterie portée, motorisée, infanterie disposant de moyens de
transport pour effectuer rapidement ses
déplacements.
1. infanticide [ɛ̃fɑ̃tisid] adj. et n. (bas lat.
infanticida, personne qui tue son enfant,
du lat. class. infans, -antis [v. INFANT], et
caedere, frapper, tuer ; av. 1553, Rabelais,
comme adj. ; comme n., 1721, Trévoux).
Personne qui tue volontairement un
enfant, généralement un nouveau-né : Mère
infanticide. Condamner une infanticide à
dix ans de prison.
2. infanticide [ɛ̃fɑ̃tisid] n. m. (bas lat.
infanticidium, meurtre d’un enfant, du lat.
class. infans, -antis, et caedere [v. l’art. précéd.] ; 1611, Cotgrave, au sens de « meurtre
d’un enfant » ; « meurtre d’un nouveau-né »,
1835, Acad.). Meurtre d’un enfant, généralement d’un nouveau-né : Les Anciens
admettaient l’infanticide (Chateaubriand).
infantile [ɛ̃fɑ̃til] adj. (bas lat. infantilis,
d’enfant, enfantin, du lat. class. infans,
-antis [v. INFANT] ; 1563, Bonivard, au sens
de « enfantin » [enfantil, forme plus francisée, v. 1190, Sermons de saint Bernard] ;
sens 1, 15 mars 1870, Revue des Deux
Mondes, p. 367 ; sens 2, 1902, Larousse ;
sens 3, 1891, Huysmans). 1. Relatif à l’enfant
en bas âge : Maladie infantile. Un homme
spécialisé dans son métier est séparé du
stade infantile par des années d’apprentissage (Beauvoir). Ϧ 2. Spécialem. Qui a gardé
à l’âge adulte certains caractères physiologiques et psychologiques d’un enfant en bas
âge. Ϧ 3. Péjor. Propre à la personne dont
le développement intellectuel et affectif est
comparable à celui d’un enfant : Un comportement infantile. Il est à la fois infantile
et vieux avec sa mèche à la Girardin sur le
front (Huysmans).
• SYN. 3 enfant, enfantin, gamin, gosse
(fam.), puéril.
& n. (1952, Porot). Personne atteinte
d’infantilisme.
infantilisme [ɛ̃fɑ̃tilism] n. m. (de infantile ; 1902, Larousse). Anomalie consistant
dans la persistance ou la réapparition anormale de certains caractères de l’enfance à
l’âge adulte : L’infantilisme résulte souvent
de tares héréditaires.
infarctus [ɛ̃farktys] n. m. (mot du lat.
scientif. moderne, qui représente une transcription incorrecte du lat. class. infartus,
part. passé de infarcire, var. de infercire,
bourrer, fourrer dans, de in-, préf. marquant
l’aboutissement d’une action, et de farcire,
farcir [v. FARCIR] ; 1867, Littré). Toute lésion
viscérale, d’aspect généralement nécrotique, provoquée par un trouble circulatoire et qui s’accompagne le plus souvent
d’une infiltration sanguine : Infarctus
pulmonaire. Ϧ Infarctus du myocarde, ou
simplem. infarctus, occlusion coronarienne
aiguë, qui provoque une irrigation insuffisante du muscle cardiaque.
infatigabilité [ɛ̃fatigabilite] n. f. (dér.
savant de infatigable ; av. 1660, Scarron).
Qualité d’une personne ou d’une chose
infatigable : L’infatigabilité des cordes de
la voix (Michelet).
infatigable [ɛ̃fatigabl] adj. (lat. infatigabilis, infatigable, de in-, préf. à valeur négative, et de fatigare, épuiser, harasser ; 1488,
Vaganay, au sens 1 ; sens 2, 1532, Rabelais ;
sens 3, 1690, Furetière). 1. Qui n’est jamais
ou difficilement atteint par la fatigue : Un
bavard infatigable. Je foule, infatigable, les
sentiers de ma sainte montagne (Barrès).
Ϧ2. Propre à quelqu’un qui ne connaît pas
la fatigue : Des jambes infatigables. Une
ardeur infatigable. Ϧ3. Se dit d’une chose
dont la puissance de travail, le rendement
ne faiblissent pas à l’usage : [Le chalutier]
travaille la mer, infatigable, la voile gonflée
(Maupassant).
• SYN. : 1 inlassable ; 2 endurant, puissant,
résistant, robuste, vigoureux. — CONTR. :
1 déficient, délicat, fragile ; 2 faible.
infatigablement [ɛ̃fatigabləmɑ̃] adv. (de
infatigable ; 1495, Vignay). De façon infatigable : Répéter infatigablement les mêmes
explications. Elle lisait infatigablement
d’une voix égale et claire (L. Descaves).
• SYN. : inlassablement.
infatuation [ɛ̃fatɥasjɔ̃] n. f. (de infatuer ;
début du XVIIe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1848,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2609
Chateaubriand). 1. Class. Sentiment d’une
personne infatuée d’une autre : Dubois
n’oublia rien pour confirmer Canillac dans
son infatuation pour Stairs (Saint-Simon).
Ϧ2. Attitude d’une personne qui est exagérément contente d’elle-même : À la vue
de mes parchemins, il ne tiendrait qu’à moi,
si j’héritais de l’infatuation de mon père et
de mon frère, de me croire cadet des ducs de
Bretagne (Chateaubriand). Nous causâmes
aussi de l’univers, de sa création et de sa
future destruction ; de la grande idée du
siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes
de l’infatuation humaine (Baudelaire).
La certitude religieuse donne à ce robuste
esprit [P. Claudel] une infatuation déplorable (Gide).
• SYN. : 2 fatuité, orgueil, outrecuidance,
prétention, suffisance, superbe, vanité.
infatué, e [ɛ̃fatɥe] adj. (part. passé de
infatuer ; 1488, Vaganay, au sens de « rempli d’une passion ridicule [pour] » ; sens 1,
1529, Lassere ; sens 2, av. 1696, La Bruyère ;
sens 3, 1834, Sainte-Beuve). 1. Class. et
littér. Qui a un engouement, une grande
passion pour quelqu’un ou pour quelque
chose : Il ne vous connaît plus ; et comment
vous connaîtrait-il puisque, infatué de sa
nouvelle grandeur, il ne se connaît plus luimême (Bourdaloue). Origet [le docteur],
infatué de je ne sais quelle doctrine, voyait
une altération dans les tumeurs, tandis qu’il
ne devait s’occuper que du pylore (Balzac).
Sous Louis XIV, les Français avaient plus
de droit que nous n’avons d’être infatués de
la France (Gide). Ϧ 2. Qui a une opinion
trop avantageuse de soi. Ϧ 3. Qui dénote
de l’infatuation : Un air infatué.
• SYN. : 2 fat, orgueilleux, outrecuidant,
prétentieux, puant (fam.), vain, vaniteux ;
3 fier, hautain, suffisant. — CONTR. :
2 humble, modeste ; 3 discret, effacé.
infatuer [ɛ̃fatɥe] v. tr. (lat. infatuare,
rendre sot, déraisonnable, de in-, préf.
marquant l’aboutissement d’une action, et
de fatuus, insensé, extravagant ; v. 1380,
Aalma, au sens de « rendre inepte » ; sens 1,
1530, Palsgrave ; sens 2, av. 1696, La Bruyère
[au passif ; à l’actif, 10 sept. 1922, A. Gide]).
1. Class. et littér. Rendre ridiculement passionné de quelqu’un ou de quelque chose :
Un fourbe qui avait su infatuer son maître
au point de pouvoir tout entreprendre
(Saint-Simon). Infatué de son rêve fatigant,
il voudra en infatuer et en fatiguer les autres
(Baudelaire). Ϧ 2. Rendre excessivement
content de soi (surtout au passif) : Être
infatué de sa personne. La communion les
[trois artistes convertis] infatue (Gide).
& s’infatuer v. pr. (sens 1, 1530, Palsgrave ; sens 2, XXe s.). 1. Vx et littér. Être
pris d’un engouement pour quelqu’un ou
pour quelque chose : On a vu des familles
royales tomber dans d’irréparables erreurs
en s’infatuant d’une fausse idée de leur
nature (Chateaubriand). Lady Stanhope,
qui vivait dans le pays des Druses, et qui
s’était infatuée de leurs idées (Nerval).
Ϧ 2. Absol. Avoir une trop bonne opinion
de soi : Une époque où l’art, n’ayant plus
place, ne pouvant prendre part active et
trouver son motif dans la vie, s’isole orgueilleusement, s’infatue et méprise ce qui n’a
pas su le priser (Gide).
infécond, e [ɛ̃fekɔ̃, -ɔ̃d] adj. (lat. infecundus, infécond, stérile, de in-, préf. à valeur
négative, et de fecundus, fécond, fertile,
riche, fertilisant ; v. 1450, Gréban, au sens
3 ; sens 1-2, v. 1560, Paré). 1. Qui n’est pas
fécond, qui est impropre à la reproduction : Une femelle inféconde. Épouse inféconde ; et par extens. : Un oeuf infécond.
Une graine inféconde. Ϧ 2. Qui donne peu
de récoltes : Les deux paysans besognaient
dur sur la terre inféconde pour élever tous
leurs petits (Maupassant). Ϧ 3. Fig. Qui ne
produit rien ; qui ne donne aucun résultat : Auteur infécond. Pensée inféconde.
Recherche inféconde. La civilisation est
montée à son plus haut point, mais civilisation matérielle, inféconde, qui ne peut
rien produire, car on ne saurait donner la
vie que par les routes du ciel : les chemins
de fer nous conduiront seulement avec plus
de rapidité à l’abîme (Chateaubriand). Par
une innovation qui, peut-être, ne demeurera
pas inféconde (Barrès). On se tue parce que
la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, voilà
une vérité sans doute — inféconde cependant parce qu’elle est truisme (Camus).
• SYN. : 1 bréhaigne (vx), stérile ; 2 aride,
improductif, infertile, maigre, pauvre ; 3
stérile, vain. — CONTR. : 1 fécond, prolifique ; 2 fertile, généreux, gros, productif ;
3 créateur, inventif, prometteur.
infécondité [ɛ̃fekɔ̃dite] n. f. (lat. infecunditas, infécondité, stérilité, de infecundus [v. l’art. précéd.] ; v. 1378, J. Le Fèvre).
Caractère d’un être ou d’une chose inféconds : L’infécondité d’un animal, d’une
plante. L’infécondité d’un écrivain, d’une
idée.
• SYN. : infertilité, stérilité.
infect, e [ɛ̃fɛkt] adj. (lat. infectus, part.
passé de inficere, imprégner, recouvrir,
infecter, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de facere, faire ; v. 1361,
Oresme, au sens de « perverti » [en parlant du goût] ; 1363, Isambert, au sens de
« empesté, plein de miasmes » [en parlant
de l’air] ; sens 1, 1552, R. Estienne ; sens 2,
fin du XVe s., Molinet [« très mauvais », 1850,
Flaubert] ; sens 3, 1458, Mystère du Vieil
Testament). 1. Qui exhale des émanations
très désagréables, puantes, écoeurantes :
Une odeur infecte d’essence, de drap roussi,
emplit ses narines, sa gorge (Martin du
Gard). Une odeur infecte d’oeuf pourri, de
charogne. Ϧ 2. Fam. Qui inspire le dégoût
par sa saleté : Taudis infect. Ϧ Très mauvais : L’on respirait une infecte odeur de
cuisine (Carco). Nourriture infecte. Temps
infect. Ϧ3. Fig. Qui inspire un profond
dégoût moral : Ouvrage infect. Un acte
infect. Pensez que le bon docteur Cottard,
qui ne dit jamais de mal de personne,
déclare lui-même qu’elle est infecte (Proust).
• SYN. : 1 fétide, nauséabond, pestilentiel,
putride ; 2 abject, immonde, répugnant ;
abominable, horrible ; 3 ignoble, infâme.
infectant, e [ɛ̃fɛktɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de infecter ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). Qui produit l’infection :
Un microbe infectant.
infecter [ɛ̃fɛkte] v. tr. (de infect ; 1416,
Isambert, au sens de « corrompre, empoisonner [l’air, une rivière] » ; sens I, 1, 1530,
Palsgrave [aussi « incommoder en exhalant
une mauvaise odeur »] ; sens I, 2, av. 1880,
Flaubert [absol., 1845, Bescherelle] ; sens II,
1, v. 1530, C. Marot [« rendre corrompu ou
malsain », 1677, Racine] ; sens II, 2, 1431,
Isambert).
I.1.Imprégner d’émanations puantes,
malsaines : Usines qui infectent toute une
région. Ϧ Spécialem. Incommoder en exhalant une mauvaise odeur : Cet homme
nous infecte avec son haleine. Ϧ 2. Vx.
Exhaler une mauvaise odeur : Un ouvrier champêtre qui infectait l’eau-de-vie
(Flaubert). Ϧ Absol. Sentir très mauvais
(rare) : Fi ! la sale guenille ! Elle infecte
(Curel). Un marais qui infecte.
II. 1. Contaminer par des germes infectieux : Une plaie infectée par la gangrène.
Les vêtements infectés des victimes de la
variole (Lévi-Strauss). Ϧ Rendre corrompu ou malsain : La chaleur infecte
les eaux stagnantes. Ϧ 2. Fig. et littér.
Souiller ou corrompre moralement : Les
désirs de plaire infectent toutes ses actions
(Massillon).
• SYN. : I, 1 empester, empoisonner,
empuantir ; 2 puer ; cocoter (pop.), cogner
(pop.). Ϧ II, 1 contagionner, polluer, souiller ; 2 contaminer, gangrener, gâter, pourrir.
• REM. Le verbe infecter est parfois
confondu avec infester.
& s’infecter v. pr. (milieu du XVIe s.,
Ronsard). Être atteint par l’infection : Un
doigt, une plaie qui s’infecte.
infectieux, euse [ɛ̃fɛksjø, -øz] adj. (de
infect[ion] ; 1838, Acad., aux sens 1-2 [a
remplacé infectueux, « corrompu, infecté »
— fin du XIVe s. —, dér. de infecter]). 1. Qui
produit ou qui communique l’infection :
Germe infectieux. Ϧ 2. Qui s’accompagne
d’infection, ou qui résulte d’une infection :
Maladie infectieuse.
• SYN. : 1 pathogène.
infection [ɛ̃fɛksjɔ̃] n. f. (bas lat. infectio, action de teindre, teinture, et, au fig.,
« opprobre, déshonneur », de infectum,
supin du lat. class. inficere [v. INFECT] ;
XIIIe s., Hystore Job, au plur., au sens de
« sentiments impurs, pensées impures » ;
au sing., au sens II, 1, 1314, Mondeville ;
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sens I, 1, v. 1695, Fénelon [« pourriture, en
général », 1636, Monet] ; sens I, 2, 1465,
Medium Aevum [II, 33] ; sens I, 3, 1857,
Baudelaire ; sens II, 2, 1484, Ordonnance
royale ; sens II, 3, 1829, Boiste).
I.1.Action d’infecter ; état résultant
de cette action : L’infection d’un marécage. Ϧ 2. Odeur puante et malsaine : Il
répand la puanteur et l’infection (Massillon). Dans sa boîte mince, un géromé
anisé répandait une infection telle, que
des mouches étaient tombées autour de
la boîte (Zola). L’infection qui monte du
marais. Ϧ 3. Ce qui exhale une grande
puanteur ou provoque un grand dégoût :
Et pourtant vous serez semblable à cette
ordure, | À cette horrible infection, | Étoile
de mes yeux, soleil de ma nature, | Vous,
mon ange et ma passion (Baudelaire).
II. 1. Pénétration et développement
dans l’organisme de germes pathogènes :
Transmettre l’infection. Foyer d’infection. Ϧ 2. Ensemble des troubles qui en
résultent : Infection purulente, puerpérale. Ϧ3. Fig. Corruption morale contagieuse : Les éléments impurs qui de toutes
parts s’amassaient à Rome, comme en un
égout, avaient formé là un foyer d’infection (Renan).
• SYN. : I, 2 puanteur, pestilence.
infectum [ɛ̃fɛktɔm] n. m. (neutre du lat.
infectus, non fait, non réalisé, de in-, préf.
à valeur négative, et de factus, part. passé
de facere, faire ; 1962, Larousse). En linguistique, système de formes dérivées du
présent et donnant l’action comme non
achevée. (Contr. PERFECTUM.)
infélicité [ɛ̃felisite] n. f. (lat. infelicitas, malheur, infortune, de infelix, -licis,
malheureux, funeste, de in-, préf. à valeur
négative, et de felix, -licis, fécond, fertile, heureux ; 1376, Godefroy, au sens 1
[« manque de succès », début du XVIIe s.,
Malherbe] ; sens 2, 1600, O. de Serres).
1. Class. et littér. Manque de bonheur : Ils
[Rodrigue et Chimène] tombent dans l’infélicité par cette faiblesse humaine dont nous
sommes capables comme eux (Corneille).
ϦClass. Manque de succès : Aimez même
l’infélicité de votre bienfait (Malherbe).
Ϧ2. Class. Manque de qualités favorables :
Il se sent gêné par l’infélicité de son naturel
(Saint-Évremond).
inféodation [ɛ̃feɔdasjɔ̃] n. f. (de inféoder ; 1467, Bartzsch, au sens 1 [var. infeudacion, 1393, Douët d’Arcq] ; sens 2, 1701,
Furetière ; sens 3, 1870, G. Du-chêne).
1. Contrat par lequel un seigneur donnait
en fief une terre à quelqu’un. Ϧ 2. Acte par
lequel on unissait un bien ou un droit à un
fief. Ϧ 3. Fig. Action de se soumettre, de
s’attacher étroitement : On m’a bien souvent reproché, depuis lors, je ne sais quelle
inféodation à la pensée anglo-saxonne
(Lévi-Strauss).
• SYN. : 3 asservissement, obédience, soumission, sujétion.
inféoder [ɛ̃feɔde] v. tr. (lat. médiév.
infeodare, inféoder, du lat. class. in-, préf.
marquant l’aboutissement d’une action,
et du lat. médiév. feodum, fief [une des
formes lat. correspondant au franç. fief, v.
ce mot] ; 1411, Coutumes d’Anjou, au part.
passé, écrit infeudé [inféodé, XVIe s.], au sens
de « dû pour la possession d’un fief » ; à
l’infin., au sens 1, 1680, Richelet [pour une
dîme, XVIe s., Loisel] ; sens 2, 1867, Littré).
1. Donner une terre pour qu’elle soit tenue
en fief : Les ducs de Bretagne, successeurs
d’Alain, inféodèrent ces domaines à des chevaliers bretons (Chateaubriand). Ϧ Inféoder
une dîme, confier à quelqu’un la perception
d’une dîme. Ϧ 2. Soumettre, attacher une
personne par des liens d’étroite dépendance (surtout au passif) : Il se laissa effleurer par le regret de n’être pas inféodé à un
parti réactionnaire (Aymé). Être inféodé à
un chef, à une société financière.
& s’inféoder v. pr. (1840, Acad.). S’attacher
par un lien d’étroite dépendance :
S’inféoder à un parti. Tâchant chaque fois
de se rendre aimable, serviable, s’inféodant,
comme eût dit Homais (Flaubert).
• SYN. : s’asservir, s’enchaîner, servir, se soumettre, suivre.
infère [ɛ̃fɛr] adj. (lat. inferus, qui est audessous, inférieur ; v. 1770, J.-J. Rousseau).
En botanique, se dit d’un ovaire qui est
situé au-dessous des points d’intersection
des sépales, pétales et étamines.
inférence [ɛ̃ferɑ̃s] n. f. (de inférer ; 1606,
Crespin). Opération logique par laquelle on
passe d’une proposition tenue pour vraie
à une autre proposition : La déduction est
une inférence.
inférer [ɛ̃fere] v. tr. (adaptation du lat.
inferre, porter ou jeter dans, vers, sur,
contre, mettre en avant un raisonnement,
une conclusion ; v. 1340, J. Le Fèvre, au sens
de « introduire, faire naître [une inimitié, de
la violence dans les rapports entre deux per-
sonnes, une fraude dans une affaire, etc.] » ;
sens actuel, v. 1450, Gréban). [Conj. 5 b.]
Tirer une conséquence d’un fait ou d’un
principe.
• SYN. : conclure, déduire, induire.
inférieur, e [ɛ̃ferjoer] adj. (lat. inferior,
-oris, plus bas, plus faible, inférieur, compar. de inferus [v. INFÈRE] ; milieu du XVe s.,
J. de Bueil, écrit inferiore [inférieur, 1536,
G. Chrestien], au sens 1 [pour la partie d’un
fleuve située vers son embouchure, 1867,
Littré] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1546,
Rabelais ; sens 4, av. 1772, Duclos ; sens 5,
1482, Godefroy [X, 727 b], écrit inferieux
— inférieur, fin du XVe s. ; sens 6, 1867,
Littré ; sens 7, 1562, Du Pinet). 1. Situé en
bas, plus bas, au-dessous (par opposition
à supérieur) : La partie inférieure du corps.
La mâchoire inférieure. Dans sa partie inférieure, l’escalier est obscur, même au fort
de la belle saison (Duhamel). Ϧ Spécialem.
Se dit de la partie d’un fleuve située vers
son embouchure : La Loire inférieure.
ϦAdjoint à un nom de fleuve, a servi à
désigner certains départements. (V. Rem.)
Ϧ2. Inférieur à, qui est moindre en quantité, en importance (par opposition à supérieur) : La récolte a été inférieure à celle
des années précédentes. Attaquer l’ennemi
avec des forces inférieures en nombre et en
matériel. Ϧ 3. Inférieur à, qui a une valeur
moins grande que : Un ouvrage inférieur
au précédent. Ils étaient humiliés de se voir
inférieurs à un plus jeune et me prenaient en
haine (Vigny) ; et absol. : Des marchandises
de qualité inférieure. Ϧ 4. Inférieur à, qui
ne correspond pas à la valeur d’une chose
ou d’une personne : Un emploi inférieur à
ses qualités professionnelles. Il n’a pas été
inférieur à ce qu’on pouvait attendre de lui ;
et absol. : Jouer un rôle inférieur. Ϧ 5. Dans
une hiérarchie, qui est moindre par le rang
ou la dignité : Les formes inférieures de
l’activité humaine. Ϧ 6. Se dit d’espèces
animales ou végétales peu évoluées, dont
les organes sont rudimentaires. ϦSinges
inférieurs, singes à queue qui présentent un
degré d’évolution moindre que les singes
anthropoïdes. Ϧ 7. Se dit d’une planète
qui est plus rapprochée du Soleil que la
Terre : Mercure et Vénus sont des planètes
inférieures.
• SYN. : 3 médiocre ; 5 mineur, secondaire.
• REM. 1. Le terme inférieur en référence
au département traversé par le cours
inférieur d’un fleuve, ayant été considéré
comme dépréciatif, a été remplacé par
ceux de maritime, atlantique ; on dit : la
Seine-Maritime, la CharenteMaritime, la
Loire-Atlantique.
2. L’adjectif inférieur comportant une
idée de comparaison, il n’est pas d’usage
de l’employer au comparatif ; cependant,
on peut dire au superlatif : Il est très inférieur à son frère.
& n. (1683, Fléchier). Personne moindre en
rang ou en dignité : Il ne veut pas converser
avec ses inférieurs.
• SYN. : sous-ordre, subalterne, subordonné.
inférieurement [ɛ̃ferjoermɑ̃] adv. (de
inférieur ; 1584, R. Ét. Rab. [V, 167], au sens
2 ; sens 1, 1802, Annales du Muséum national d’histoire naturelle [I, 132]). 1. Dans
une partie inférieure : Le reflet de ses bottes
sur le trottoir mouillé, qui semblait un lac,
le prolongeait inférieurement (France).
On appelle terrains anciens ceux qui sont
situés inférieurement aux autres. Ϧ 2. Fig.
Moins bien : Les deux peintres ont traité le
même sujet, mais l’un bien inférieurement
à l’autre.
infériorisation [ɛ̃ferjɔrizasjɔ̃] n. f.
(de inférioriser ; 1968, Larousse). Le fait
d’inférioriser.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2611
inférioriser [ɛ̃ferjɔrize] v. tr. (de inférieur, d’après le lat. inferior [v. INFÉRIEUR] ;
1878, Vallès, au sens 2 ; sens 1, 1919, Hamp).
1. Rendre inférieur. (Rare.) Ϧ2. Donner à
quelqu’un un sentiment d’infériorité.
infériorité [ɛ̃ferjɔrite] n. f. (de inférieur,
d’après le lat. inferior [v. INFÉRIEUR] ; 1580,
Montaigne, au sens 2 [en grammaire, 1863,
Littré, art. comparatif] ; sens 1, 1867, Littré ;
sens 3, av. 1922, Proust). 1. Situation inférieure, plus basse (rare) : Une infériorité de
niveau. Ϧ 2. Fig. Caractère d’une personne
ou d’une chose inférieure à une autre : Il
se sentait en état d’infériorité sans avoir
précisément peur (Aymé). Conscient de son
infériorité sociale, il n’osait lever les yeux
sur elle (Queneau). Infériorité en forces
et en matériel. Infériorité intellectuelle,
sociale. ϦSpécialem. Comparatif ou super-
latif d’infériorité, en grammaire, forme de
comparatif ou de superlatif par laquelle on
exprime le degré inférieur. Ϧ3. Impression
d’être inférieur à la normale ou à un idéal
désiré : Complexe, sentiment d’infériorité.
• SYN. : 2 faiblesse, handicap.
infermentescible [ɛ̃fɛrmɑ̃tesibl] adj.
(de in- et de fermentescible ; 1867, Littré).
Qui n’est pas susceptible de fermenter : On
a rendu cette substance infermentescible.
• SYN. : imputrescible, pasteurisé, stérilisé.
infernal, e, aux [ɛ̃fɛrnal, -o] adj. (bas
lat. infernalis, de l’enfer, infernal, du lat.
class. infernus, d’en bas, d’une région inférieure, des enfers [et, comme n. m. dans la
langue ecclés. de basse époque, « l’Enfer »],
dér. de infer, forme archaïque de inferus [v.
INFÈRE] ; v. 1130, Eneas, au sens 1 [pierre
infernale, 1690, Furetière] ; sens 2, 1667,
Boileau [machine infernale, 1704, Trévoux] ;
sens 3, av. 1799, Marmontel [cycle infernal,
1957, Robert] ; sens 4, 1867, Littré [« difficile
à supporter », 1680, Mme de Sévigné]). 1. Qui
appartient aux enfers : Abîmes, démons,
esprits infernaux. Puissances infernales.
ϦSpécialem. et vx. Pierre infernale, crayon
de nitrate d’argent employé pour les cautérisations, et ainsi nommé à cause de
la sensation de brûlure qu’il provoque.
Ϧ 2. Digne de l’enfer par l’horreur que
cela inspire : Les scènes infernales tracées
dans la chambre funéraire de Corneto
représentent les monstres de l’ignorance
et de la peur (France). Ce monde infernal
où des hommes sont encore tués, menacés,
déportés, où la guerre se prépare (Camus).
Cruauté, ruse infernale. Ϧ Machine infernale, engin muni d’un dispositif devant
déclencher une explosion meurtrière :
Cadoudal prépara contre Bonaparte la
machine infernale de la rue Saint-Nicaise.
Ϧ 3. Qui a quelque chose de furieux, de
désordonné : Bruit, tapage, rythme infernal. Et sur le jeune comte Angus il s’abattit
| D’un tel air infernal que le pauvre petit |
Tourna bride, jeta sa lance et prit la fuite
(Hugo). Ϧ Cycle infernal, cycle qu’on ne
peut interrompre. Ϧ4. Semblable aux êtres
infernaux, aux démons : Mais infernale ou
pas, toute créature avec laquelle on commet
le péché est inspirée par le démon (Aymé).
ϦPar exagér. et fam. Difficile à supporter :
Enfant infernal. Temps infernal. Travail
infernal.
• SYN. : 2 démoniaque, diabolique, méphistophélique, satanique ; 3 démentiel ; endia-
blé, forcené ; 4 démoniaque ; insupportable,
terrible.
inférovarié, e [ɛ̃ferɔvarje] adj. (comp.
savant de infère et de ovaire [v. ces mots] ;
1845, Bescherelle). Se dit de végétaux dans
lesquels l’ovaire est infère.
infertile [ɛ̃fɛrtil] adj. (bas lat. infertilis,
infertile, stérile, du lat. class. in-, préf. à
valeur négative, et fertilis, fertile, productif, dér. de ferre, porter ; 1434, Archives de
Bretagne [VII, 79], au sens 1 ; sens 2, 1580,
Montaigne). 1. Se dit du sol qui n’est pas
fertile, qui produit peu : La maison était
isolée dans cette commune, située, comme
on sait, au milieu de la plaine infertile
(Balzac). Ϧ 2. Fig. Qui ne produit rien ou
pas beaucoup : Imagination, écrivain infertile. La ville de Sancerre, riche d’un illustre
passé, veuve de sa puissance militaire, est en
quelque sorte vouée à un avenir infertile, car
le mouvement commercial appartient à la
rive droite de la Loire (Balzac). Ô follement
que je m’offrais | Cette infertile jouissance
(Valéry).
• SYN. : 1 aride, désertique, improductif,
ingrat, maigre, pauvre ; 2 infécond, stérile,
vain.
infertilité [ɛ̃fɛrtilite] n. f. (bas lat. infertilitas, stérilité, de infertilis [v. l’art. précéd.] ;
1546, Isambert). État, nature de ce qui est
infertile : L’infertilité des sables.
• SYN. : infécondité. — CONTR. fécondité,
fertilité.
infestation [ɛ̃fɛstasjɔ̃] n. f. (bas lat.
infestatio, vexation, de infestatum, supin
du lat. class. infestare [v. INFESTER] ; milieu
du XIVe s., au sens de « action de tourmenter,
d’ennuyer » ; milieu du XVIe s., aux sens
de « action de ravager, dégât causé » ; sens
1, 1682, Bossuet ; sens 2, 1922, Larousse).
1. Vx. Action d’infester ; résultat de cette
action : Ses prêtres [de saint Augustin]
offrirent le saint sacrifice de la messe dans
une maison pour la délivrer de l’infestation des malins esprits (Bossuet). Ϧ2. En
médecine, état d’un organisme envahi par
un parasite non microbien (ver, champignon) : L’infestation s’oppose à l’infection
par des microbes.
infester [ɛ̃fɛste] v. tr. (lat. infestare, harceler, ravager, de infestus, dirigé contre,
ennemi, hostile ; 1390, Du Cange, au sens
de « importuner [quelqu’un] en le pres-
sant [de faire quelque chose] » ; v. 1460,
G. Chastellain, au sens de « ennuyer, importuner » ; sens 1, 1552, R. Estienne ; sens
2, 1690, Furetière ; sens 3, 1962, Larousse
[« infecter, atteindre — en parlant d’une
maladie — », 1570, Satires françaises du
XVIe siècle, I, 130]). 1. Ravager un pays par
des actes de violence fréquents ou continuels : Une troupe d’une cinquantaine
de voleurs qui infestaient les chemins
(Chateaubriand). Des brigands de tout poil
recommençaient d’infester le pays (Gide).
Ϧ 2. Abonder de façon à rendre un lieu
malsain ou inhabitable : Un fleuve infesté de
crocodiles. Les moustiques infestent souvent
les contrées marécageuses. Ϧ 3. Spécialem.
En médecine, en parlant de parasites non
microbiens, pénétrer dans un organisme
et l’envahir complètement.
• SYN. : 1 dévaster, écumer, harceler, piller,
saccager ; 2 envahir.
infeutrable [ɛ̃føtrabl] adj. (de in- et de
feutrer ; XXe s.). Se dit d’un textile qui, par
suite d’un traitement spécial, ne feutre pas
ou feutre peu : Un tricot garanti infeutrable.
infibulation [ɛ̃fibylasjɔ̃] n. f. (du lat.
infibulatum, supin de infibulare [v. l’art.
suiv.] ; 1578, L. Joubert). Opération ayant
pour but d’empêcher le coït et consistant
à faire passer un anneau à travers le prépuce chez l’homme, à travers les grandes
lèvres chez la femme : L’infibulation a été
pratiquée dans l’Antiquité et chez certaines
peuplades sauvages.
infibuler [ɛ̃fibyle] v. tr. (lat. infibulare,
attacher avec une agrafe, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de
fibulare, attacher, agrafer, dér. de fibula,
ce qui sert à fixer, appareil d’infibulation ; 1798, Acad.). Soumettre quelqu’un
à l’infibulation.
infidèle [ɛ̃fidɛl] adj. (lat. infidelis, peu sûr,
inconstant, changeant [et, dans la langue
ecclés. de basse époque, « mécréant »], de
in-, préf. à valeur négative, et de fidelis, en
qui on peut avoir confiance, dér. de fides,
foi, confiance, loyauté ; XIIe s., au sens II ;
sens I, 1, 1488, Vaganay [« peu honnête, peu
scrupuleux », 1867, Littré] ; sens I, 2, 1685,
Bossuet [« qui n’est pas fidèle en amour... »,
1667, Racine] ; sens I, 3, 1488, Vaganay ; sens
I, 4, 1651, Corneille).
I. 1. Vx. Qui manque à ses devoirs envers
quelqu’un : Sujets infidèles à leur roi. Serviteur infidèle à ses maîtres. Ϧ Vx. Qui
trahit la confiance de quelqu’un ; peu
honnête, peu scrupuleux : Caissier infidèle. Dépositaire, gérant infidèle. Ϧ 2. Qui
n’est pas constant dans ses sentiments :
Ami, camarade infidèle. Ϧ Spécialem.
Qui n’est pas fidèle en amour ou dans
le mariage : Elle était trop gentille pour
lui faire de la peine et suffisamment infidèle pour se satisfaire ailleurs (Queneau).
Amant infidèle. Ϧ 3. Qui ne respecte pas
quelque chose qui engage ; qui manque à
un engagement : Infidèle aux promesses
faites. Infidèle aux dernières volontés de
quelqu’un. Religieuse infidèle à ses voeux.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2612
Ϧ4. Qui manque à l’exactitude ou à la
vérité ; qui reproduit en trahissant, en
déformant : Récit, narrateur infidèle.
Mémoire, souvenir infidèle. Traduction,
interprète infidèle.
II. Qui ne professe pas la foi religieuse
considérée comme vraie : Le saint homme
résolut de visiter sans retard ses enfants
infidèles afin de les ramener à la foi
(France). Populations infidèles.
• SYN. : I, 2 inconstant ; léger, volage ;
3 parjure ; 4 erroné, inexact, mensonger.
ϦII mécréant, païen. — CONTR. : I, 2
constant ; fidèle ; 4 correct, exact.
& n. (sens I, 1, 1662, Corneille ; sens I, 2,
1873, Larousse ; sens II, v. 1330, Roman de
Renart le Contrefait).
I. 1. Personne qui n’est pas fidèle en
amour (peu usité) : C’est une rude épreuve
que fait subir à son infidèle la femme
jalouse (Dumas). Ϧ2.Belles infidèles,
nom donné au XVIIe s. à des traductions
inexactes, mais élégantes.
II. Les infidèles, ceux qui ne croient pas
au Dieu considéré comme vrai : Combattre les infidèles.
infidèlement [ɛ̃fidɛlmɑ̃] adv. (de infidèle ; av. 1464, J. Chartier). De façon
infidèle : Rapporter infidèlement une
conversation.
infidélité [ɛ̃fidelite] n. f. (lat. infidelitas,
infidélité [ɛ̃fidelite] n. f. (lat. infidelitas,
infidélité, de infidelis [v. INFIDÈLE] ; 1492,
Sept Sages de Rome, au sens I, 1 ; sens I, 2,
1770, Raynal ; sens I, 3, 1665, Molière ; sens
I, 4, 1652, Mme de Sévigné ; sens I, 5, 1655,
Bossuet [« détail inexact », 1867, Littré] ;
sens II, av. 1662, Pascal).
I. 1. Vx. Caractère d’une personne infidèle, qui manque à ses devoirs envers
quelqu’un : L’infidélité d’un sujet à son
roi, d’un serviteur à son maître. Ϧ 2. Vx.
Manque de probité : L’infidélité d’un
caissier, d’un domestique. Ϧ 3. Manque
de fidélité en amour, dans le mariage :
L’infidélité d’un époux, d’un amant. Paul,
ayant appris l’infidélité de Leila, en devint
fou de douleur (France). Cybèle transforme Atys en un jeune pin, non pour se
venger de son infidélité, mais pour le posséder et en être possédée à jamais (Mauriac). Ϧ 4. Manque de respect, de fidélité à quelque engagement : L’infidélité
à la parole donnée, aux promesses faites.
Ϧ5. Manque d’exactitude : Infidélité d’un
récit, d’une traduction, d’un souvenir.
ϦDétail inexact : Il y a beaucoup d’infidélités dans cette traduction.
II. État de ceux qui n’appartiennent pas à
une religion considérée comme la vraie.
ϦVx. Caractère des infidèles au sens
religieux du terme (peu usité) : Tous les
peuples étaient dans l’infidélité (Pascal).
• SYN. I, 1 déloyauté, félonie, perfidie,
trahison ; 2 indélicatesse, malhonnêteté ;
3 inconstance, légèreté ; 5 inexactitude ;
erreur, faute. — CONTR. : I, 1 loyauté ;
2 droiture, honnêteté, probité ; 5 exactitude. Ϧ II foi.
& infidélités n. f. pl. (v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure [plaisamm., 1957, Robert]).
Actes d’infidélité : Jadis le comte n’avait
pas hésité à faire à sa femme de petites
infidélités (Radiguet). Ϧ Plaisamm. Faire
des infidélités à un commerçant attitré, se
servir chez un autre.
infiltrat [ɛ̃filtra] n. m. (de infiltrer ; 1962,
Larousse). En radiologie, opacité pulmonaire homogène, circonscrite et peu
étendue : L’infiltrat précoce prélude à la
tuberculose pulmonaire.
infiltration [ɛ̃filtrasjɔ̃] n. f. (de infiltrer ; 1503, Chauliac, au sens 2 ; sens 1,
1762, Acad. [absol., 1873, Larousse] ; sens
3, 1931, Mac Orlan ; sens 4, 1885, Renan).
1. Action par laquelle un liquide pénètre
lentement dans un corps à travers ses
interstices : Son herbe fine et jolie était
arrosée par des infiltrations qui ruisselaient entre les fentes des rochers (Balzac).
ϦAbsol. Pénétration de l’eau à travers une
paroi : Infiltration dans un barrage, un toit
en terrasse. Ϧ2. En médecine, pénétration
diffuse d’un liquide ou de cellules dans un
tissu : L’infiltration peut être pathologique,
ou pratiquée à des fins thérapeutiques.
Ϧ3. Action par laquelle de petits groupes
d’hommes pénètrent selon un plan établi
dans un pays. Ϧ Spécialem. En temps de
guerre, pénétration de soldats à travers
les lignes ennemies. Ϧ En temps de paix,
introduction d’agents de renseignements
dans les services ou organismes dont une
autre nation veut pénétrer les secrets.
Ϧ4. Fig. Pénétration lente et subreptice :
L’infiltration des idées subversives.
• SYN. : 2 épanchement.
infiltrer (s’) [sɛ̃filtre] v. pr. (de in- et
de filtrer ; 1503, Chauliac, au sens 2 ; sens
1, 1762, Acad. ; sens 3, 1863, Baudelaire ;
sens 4, 1931, Mac Orlan ; sens 5, av. 1848,
Chateaubriand). 1. Pénétrer peu à peu, en
passant, comme à travers un filtre, par les
pores d’un corps : L’eau s’infiltre dans le
bois le plus dur. Ϧ2. En médecine, s’épancher dans un tissu organique : Le sang, en
s’infiltrant à travers le tissu cellulaire souscutané, forme une ecchymose. Ϧ3. Pénétrer
peu à peu à travers les interstices : Comme
si elle [la neige] avait profité de ce moment
d’inattention pour s’installer en dominatrice, pour s’infiltrer jusqu’entre les fentes
des persiennes, sous les tuiles (Carco).
Le vent, qui s’infiltrait en filets d’air par
les portes battantes de l’entrée, circulait
librement parmi les auditeurs (Camus).
Ϧ4. Pénétrer furtivement par petits
groupes ou isolément dans un endroit, et,
spécialem., passer à travers un dispositif
militaire : Nous venions d’apprendre que
des groupes de manifestants s’infiltraient
par les vignes dans la vieille ville (Vailland).
Ϧ5. Fig. S’introduire furtivement : On
ne peut savoir ce que c’est que la passion
infiltrée avec la mélodie dans le sein d’un
homme (Chateaubriand). Aujourd’hui,
l’esprit voltairien, sceptique et railleur, s’est
infiltré jusqu’au paysan breton (Nerval).
• SYN. : 3 se couler, se glisser, s’insérer, s’insinuer ; 4 se faufiler.
• REM. Au XVIIIe et au XIXe s., certains
auteurs ont employé ce verbe à la forme
transitive au sens de « pénétrer peu à peu,
comme à travers un filtre » (1779, H. B. de
Saussure [en médecine, 1867, Littré]), et
au sens fig. de « faire pénétrer lentement »
(1863, Th. Gautier).
infime [ɛ̃fim] adj. (lat. infimus, le plus
bas, le dernier, superl. de inferus, qui est
au-dessous, inférieur ; XIVe s., Nature à
l’alchimie, au sens 1 [« du niveau social le
plus bas », v. 1460, G. Chastellain] ; sens 2,
1877, Littré, art. linguistiquement ; sens 3,
début du XXe s.). 1. Vx. Qui est le plus bas,
qui est au dernier degré dans une série, un
classement : Situation infime. Un niveau
infime. ϦLittér. Du niveau social le plus
bas : Je contemplais la cataracte que révélèrent au vieux monde, non d’infimes voyageurs de mon espèce, mais des missionnaires
(Chateaubriand). Ϧ 2. Qui est très petit par
les dimensions, la valeur : Une quantité
infime de ce poison suffit pour provoquer
la mort d’un homme. Le regard pesant du
vieux sauvage a vu briller au coin supérieur d’une vitre un infime reflet rougeâtre
(Pergaud). À partir du moment où le plus
infime espoir devint possible pour la population, le règne effectif de la peste fut terminé (Camus). Ϧ 3. Qui n’a pas beaucoup
d’importance : Un détail, une chose infime.
• SYN. : 2 dérisoire, insignifiant, minuscule,
négligeable ; 3 léger, minime.
infimité [ɛ̃fimite] n. f. (bas lat. infimitas, basse condition [du lat. class. infimus,
v. l’art. précéd.], ou dér. savant du franç.
infime ; fin du XVIIe s., Saint-Simon, au sens
1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Vx. Condition
d’une personne qui occupe le rang le plus
bas : Fleury avait passé sa vie d’abord dans
l’infimité, après à se pousser et à faire sa
cour à tout le monde (Saint-Simon). Ce
sentiment de mon infimité, de mon néant
(Flaubert). Ϧ 2. Caractère de ce qui est
infime par les dimensions, la valeur, l’importance (rare) : La médiocrité, l’infimité
visible du chiffre de l’indemnité (Littré).
in fine [infine] loc. adv. (loc. du lat.
moderne signif. proprem. « à la fin », et
formée des mots du lat. class. in, en, dans,
et fine, ablatif de finis, limite, borne, fin ;
1902, Larousse). Dans la partie finale, dans
les dernières lignes.
infini, e [ɛ̃fini] adj. (lat. infinitus, sans fin,
indéterminé, de in-, préf. à valeur négative,
et de finitus, part. passé de finire, limiter,
borner [au pr. et au fig.], achever, dér. de finis
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2613
[v. l’art. précéd.] ; XIIIe s., Godefroy, écrit
infinit [infini, XIVe s.], au sens 5 [ensemble
infini, 1962, Larousse] ; sens 1 et 4, v. 1361,
Oresme ; sens 2, 1580, Montaigne ; sens 3, v.
1361, Oresme [aussi « qui n’a pas, n’aura pas
de fin »] ; sens 6, 1552, R. Estienne). 1. Qui
est sans limitation possible : Mon entendement borné ne conçoit rien sans bornes :
tout ce qu’on appelle « infini » m’échappe
(Rousseau). Ϧ2. Spécialem. En parlant
de Dieu, sans limite concevable dans son
être, dans ses attributs : La puissance infinie de Dieu. Donc je ne suis pas un être
nécessaire. Je ne suis pas aussi éternel ni
infini ; mais je vois bien qu’il y a dans la
nature un être nécessaire, éternel et infini
(Pascal). Ϧ3. Qui est sans limites dans le
temps ; qui n’a ni commencement ni fin :
Pas de commencement initial ; ce serait un
commencement sans cause. La nature ne
peut qu’être une chaîne infinie de causes et
d’effets (Cresson). Ϧ Spécialem. Qui n’a pas,
n’aura pas de fin : Un supplice infini et éternel (Bossuet). Un avenir infini de progrès.
Ϧ 4. Qui est sans limites dans l’espace : [Le
vide] est homogène, immense, infini dans
tous les sens (Cresson). L’univers est infini.
Ϧ5. En mathématiques, qui est plus grand
en quantité, en nombre que toute quantité finie imaginable : La suite des nombres
entiers est infinie. ϦEnsemble infini, dont
les éléments ne sont pas en nombre fini.
Ϧ 6. Pour exprimer le superlatif, qui est
très considérable par le nombre, la durée,
l’intensité, la valeur : Une plaine infinie
s’étend sous mes yeux. Ces entassements
infinis de blocs de trois et quatre mille pieds
cubes (Michelet). L’étoffe de son pantalon ne
se reconnaissait plus sous le nombre infini
des raccommodages et des pièces (Balzac).
Ayant refusé obstinément que maman restât avec elle, elle mit, toute seule, un temps
infini à sa toilette (Proust). Un nombre
infini de manifestants. Richesses, prétentions, complications infinies.
• SYN. : 3 éternel, perpétuel ; 4 illimité,
immense.
• REM. Au sens 6, infini peut admettre un
degré de comparaison : La distance infiniment plus infinie des esprits à la charité
(Pascal).
& infini n. m. (sens 1, v. 1361, Oresme
[« tout ce qui transcende l’entendement
humain », 1641, Descartes] ; sens 2, v. 1361,
Oresme ; sens 3, av. 1662, Pascal [aussi en
mathématiques ; en photographie, XXe s.] ;
sens 4, 1690, Furetière ; sens 5, 1807, Mme
de Staël [un infini de, av. 1945, P. Valéry]).
1. Ce qui est sans limites, sans bornes, et,
spécialem., Dieu, la notion de divinité, tout
ce qui transcende l’entendement humain :
Mon entendement, qui est fini, ne peut
comprendre l’infini (Descartes). Asseyezvous sur le tronc de l’arbre abattu au fond
des bois : si dans l’oubli profond de vousmême, dans votre immobilité, dans votre
silence vous ne trouvez pas l’infini, il est
inutile de vous égarer aux rivages du Gange
(Chateaubriand). Notre pâle raison nous
cache l’infini (Rimbaud). Ϧ 2. Ce à quoi on
ne peut attribuer aucune limite de quelque
ordre qu’elle soit : Toutes choses sont sorties du néant et portées jusqu’à l’infini [...].
Manque d’avoir contemplé ces infinis, les
hommes seront portés témérairement à la
recherche de la nature, comme s’ils avaient
quelque proportion avec elle (Pascal). Tout
cerveau bien conformé porte en lui deux
infinis, le ciel et l’enfer, et dans toute image
de l’un de ces infinis, il reconnaît subitement
la moitié de lui-même (Baudelaire). Ϧ3. Ce
qui est plus grand que toute autre quantité : L’unité jointe à l’infini ne l’augmente
en rien (Pascal). ϦEn mathématiques,
quantité variable susceptible de devenir
aussi grande que l’on veut. ϦEn photographie, zone comprenant tous les objets
qui donnent une image suffisamment nette
dans le plan focal : L’infini commence à
quelques mètres de l’objectif. Ϧ4. Caractère
de ce qui paraît infini, sans bornes, dans
quelque ordre que ce soit : L’infini des
cieux. Qu’importe l’éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l’infini
de la jouissance (Baudelaire). Ϧ 5. Absol.
Espace, grandeur, quantité, intensité qui
paraît sans limites : [Celui] Qui voit tant
de milliers de mondes et d’étoiles | Naître,
vivre et mourir dans l’infini sans voiles
(Banville). Ϧ Un infini de (suivi d’un nom
au plur.), une suite sans fin de : Le regard
prolongé engendre un infini de difficultés,
et cette génération d’obstacles imaginaires
[...] est proportionnelle à l’intelligence et aux
connaissances que l’on a (Valéry).
& À l’infini loc. adv. (sens 1, 1641,
Descartes ; sens 2, 1640, Oudin ; sens
3, 1680, Mme de Sévigné ; sens 4, 1626,
Hardy). 1. Sans fin : Tout ce qui est étendu
est divisible à l’infini, donc décomposable
(Cresson). Ϧ 2. Aussi loin que l’on peut
voir ou imaginer : Et la terre plate à l’infini, comme avant Galilée (Apollinaire).
Ϧ 3. Pendant un temps qui paraît sans
limites, sans qu’on entrevoie une fin : Un
discours qui s’éternise, s’étend à l’infini.
Ϧ 4. Beaucoup, d’un grand nombre de
manières : Des possibilités variables à
l’infini.
infiniment [ɛ̃finimɑ̃] adv. (de infini ; fin
du XIVe s. [écrit infinitment ; infiniement,
1418, BEC, LXXXV, 301 ; infiniment, fin
du XVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1719, d’après
Richelet, 1732 [art. infinitaire] ; sens 3, 1580,
Montaigne). 1. Sans limites : Dieu étant
infiniment puissant, est, par conséquent,
infiniment libre (Fléchier). Ϧ 2. Quantité
infiniment grande, se dit, en mathématiques, d’une quantité variable qui peut
devenir, en valeur absolue, plus grande
que tout nombre positif, si grand soit-il.
Ϧ3. Par exagér. Extrêmement : Il y avait
dans l’Empire infiniment plus de malheureux que d’heureux (France). Je regrette [...],
je regrette même infiniment, mais il fallait
avoir la panne ailleurs (Saint-Exupéry).
infinité [ɛ̃finite] n. f. (lat. infinitas,
immensité, étendue infinie, de in-, préf.
à valeur négative, et de finis [v. IN FINE] ;
v. 1212, Anger, au sens 3 [des infinités, 1671,
Mme de Sévigné] ; sens 1, 1538, R. Estienne
[« caractère de ce qui est infini dans son
être, ses attributs », 1541, Calvin] ; sens 2,
1655, Pascal). 1. Qualité de ce qui est infini
dans l’espace, le temps ou en nombre : Que
ce monde ne soit qu’une goutte de boue dans
l’infinité des mondes (Flaubert). Le temple
de notre Dieu n’est-il pas agrandi, depuis
que la science nous a découvert l’infinité des
mondes (Renan). Ϧ Spécialem. Caractère
de ce qui est infini dans son être, ses
attributs : L’infinité de Dieu, de sa miséricorde. L’absolu, le nécessaire enferme en
soi l’idée d’unité, d’infinité (Lamennais).
Ϧ 2. Quantité infinie, nombre infini :
Une infinité de lignes courbes, de parallèles. Ϧ 3. Très grande quantité ; très
grand nombre : On lui posa une infinité
de questions. Ϧ Des infinités, un très grand
nombre.
• SYN. : 3 multitude, myriade.
infinitésimal, e, aux [ɛ̃finitezimal,
-o] adj. (angl. infinitesimal, infiniment
petit [milieu du XVIIe s.], du lat. infinitus
[v. INFINI], et des suff. lat. -esimus [servant à former les ordinaux] et -alis ; 1706,
Nouvelles de la république des lettres
[p. 522], au sens 1 ; sens 2, 1769, Ch. Bonnet
[« qui est composé d’objets extrêmement
petits », début du XXe s.]). 1. Dont l’objet est
l’étude des grandeurs considérées comme
la somme de leurs accroissements successifs
infiniment petits : La découverte du calcul
infinitésimal est due à Newton. Géométrie
infinitésimale. Ϧ 2. Extrêmement petit :
Quantités, fractions, doses infinitésimales.
Mais je ne parviens pas à concevoir qu’on
puisse supposer la moindre relation psychologique, le moindre échange de questions et
de réponses, entre l’un de nous, infinitésimal accident de la vie universelle [...], et ce
grand Tout, ce Principe universel (Martin
du Gard). Cette pratique du « dosage », par
lequel un parti vainqueur [...] incorporait
par fractions infinitésimales au corps politique des éléments qui pouvaient lui paraître
d’abord totalement inassimilables (Gracq).
Ϧ Qui est composé d’objets extrêmement
petits : Tout un poudroiement infinitésimal
que le chef entrevoyait de loin avec inquiétude (Romains).
• SYN. : 2 infime, microscopique, minuscule.
infinitif, ive [ɛ̃finitif, -iv] adj. et n. (bas lat.
grammat. infinitivus, l’infinitif [employé
seul, comme n. m., ou, comme adj., avec le
lat. class. modus, manière, façon, mode], du
lat. class. infinitus [v. INFINI] ; v. 1370, E.
Deschamps, écrit muef infinitif [mode infinitive, 1607, Maupas ; mode infinitif, 1671,
Pomey ; infinitif, n. m., XIVe s., Thurot] ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2614
proposition infinitive, 1877, Littré [infinitive, n. f., XXe s.]). Mode infinitif, ou infinitif,
n. m., mode du verbe qui exprime l’état ou
l’action, mais non la personne, et qui peut
avoir la valeur grammaticale d’un nom :
L’infinitif est une forme nominale du verbe.
Infinitif présent, passé, futur. Infinitif de
narration. (V. art. spécial.) Ϧ Proposition
infinitive, ou infinitive, n. f., proposition
complétive dont le verbe est un infinitif
comportant un sujet propre différent du
sujet du verbe principal. (Ex. :J’entends le
chien aboyer.)
& adj. (1877, Littré). Caractérisé par l’emploi de l’infinitif : Tournure, construction
infinitive.
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
L’INFINITIF
Chanter et avoir chanté sont appelés
« présent » et « passé » de l’infinitif.
L’INFINITIF EST VERBE
— L’infinitif est verbe par son contenu
lexical (v. VERBE, art. spécial), qui ne diffère pas de celui des autres formes de la
conjugaison (v. ce mot, art. spécial).
— Il est verbe aussi par différents caractères morphologiques.
• 1° Il fait partie intégrante de la conjugaison, et son existence est impliquée
par celle de toute autre forme d’un verbe
quelconque ; dans le système français,
tout verbe a une forme d’infinitif, qui sert
d’entrée à l’inventaire de ses sens dans
le dictionnaire et est liée par des règles
morphologiques aux autres formes.
• 2° Il oppose à une forme simple exprimant l’aspect tensif (dormir, partir) une
forme composée exprimant soit l’aspect
extensif ou accompli, soit un rapport
temporel d’antériorité (avoir dormi, être
parti).
• 3° Il oppose à la forme active une forme
passive composée avec être : être aimé,
avoir été vu.
— Enfin, il est verbe par quelques caractères syntaxiques.
• 1° L’infinitif d’un verbe transitif appelle un complément d’objet : chanter une
romance ; celui d’un verbe attributif un
attribut : être coquette.
• 2° Il admet tous les adverbes et tous
les compléments circonstanciels qu’admettent les formes personnelles : travailler beaucoup ; vivre en France ; y naître ;
en partir ; venir avant qu’on vous appelle.
• 3° Il supporte la négation, mais les deux
éléments des locutions négatives comme
ne pas, ne plus, ne rien, ne jamais le précèdent au lieu de l’encadrer : ne pas voir,
ne rien entendre, etc.
• 4° Il remplit certaines fonctions liées à
sa nature verbale, où l’on peut ranger :
a) la combinaison avec les verbes auxiliaires (v. AUXILIAIRE, art. spécial) ;
b) la fonction de « progrédience » avec les
verbes de mouvement ;
c) la fonction de base d’une proposition
infinitive ;
d) la fonction de base dans des phrases :
d’exclamation,
de volonté,
d’interrogation,
de narration.
On reviendra plus loin sur toutes ces
fonctions.
L’INFINITIF EST NOM
L’infinitif est nom par certains traits
morphologiques :
• 1° Comme le nom commun, il est invariable en personne, si l’on écarte le cas
des pronoms réfléchis de la « voix pronominale » (me baigner, te baigner, etc.),
dont la variation est en marge de la forme
verbale, comme la variation des possessifs (mon bain, ton bain, etc.) en marge de
la forme nominale.
Cette invariabilité est liée au fait que
l’infinitif, non plus que le nom d’action,
n’a de « sujet » — hormis les cas, contextuellement très limités, de « proposition infinitive ». Pourtant, son signifié
implique souvent un agent, plus généralement un « support », être ou chose, du
procès ; ce support peut être indéterminé
(comme pour le nom d’action), désignant
l’ensemble des êtres qu’évoque on devant
une forme personnelle, comme dans la
phrase suivante :
Chanter (cf. le chant) ne signifie pas
toujours qu’on a le coeur gai (Descaves et Nozière),
mais, le plus souvent, il peut être trouvé
(comme pour le nom d’action) dans le
signifié d’un des noms ou pronoms ayant
quelque fonction dans l’entourage ; c’est
souvent le sujet du verbe principal :
Tu l’embrasseras avant de partir
(J. Vallès),
mais non forcément :
On voit qu’elle est malheureuse rien
qu’à la façon de lacer ses souliers
(Duhamel).
On verra plus loin comment Maurice
Gross, dans sa Grammaire transformationnelle du français (1968), tente une formulation des règles liant le support à son
entourage, dans le cadre des syntagmes
définis par les morphèmes de liaison et
par le sémantisme du verbe recteur ; il
donne par exemple ces règles (dont nous
modifions l’expression pour la clarté) :
A menace B de V(a) [l’infinitif a pour
support le sujet],
ex. : Jean menace Pierre de se venger ;
A charge B de V(b) [l’infinitif a pour
support l’objet],
ex. : Jean charge Paul d’acheter le vin.
Cette tentative devait être faite et doit
être développée, mais elle conduit à une
complexité de formules où la grammaire
s’asphyxie. En effet, Kristian Sandfeld,
dans le volume Infinitif de son Système du
français contemporain, remarquait dès
1943 que, dans la phrase
Je lui ai proposé de retourner,
l’infinitif peut avoir pour support « moi »,
ou « lui », ou « nous ».
L’étude de M. Gross ne prend d’ailleurs
en considération que les infinitifs compléments d’objet directs ou indirects. Or,
l’interférence des facteurs est encore plus
complexe pour les infinitifs compléments
circonstanciels. On évite en principe
de donner pour support à ces infinitifs
(comme aux gérondifs [v. GÉRONDIF, art.
spécial]) un autre mot que le sujet du
verbe principal, ainsi qu’il est fait dans la
phrase suivante :
Après avoir mangé les hors-d’oeuvre,
le garçon nous servit le plat du jour.
Les infractions sont cependant très
fréquentes, et passent inaperçues si le
contexte résout l’ambiguïté :
Et moi, que t’ai-je fait pour m’oublier
ainsi ? (Musset).
K. Sandfeld note avec raison qu’il est faux
d’appeler « sujets » de l’infinitif certains
pronoms, comme tous, tous (les) deux,
moi-même, moi aussi, vous et moi, chacun, l’un l’autre, qui figurent aussi bien
après les formes personnelles pourvues
d’un sujet et qu’on doit tenir plutôt pour
appositions au sujet, éventuellement à
l’objet :
Il nous reste à périr aussi, nous, de
faim (Cl. Farrère).
• 2° À la différence de l’indicatif, l’infinitif n’actualise pas le procès dans le
temps (v. ACTUALISATION, art. spécial),
c’est-à-dire ne le situe pas, sinon par
l’intermédiaire d’un indicatif contextuel,
dans le passé, le présent ou l’avenir.
Alors que l’action exprimée par une
forme comme je chanterai ou je chantais
est à porter sur la ligne du temps respectivement à droite ou à gauche du point
Présent, l’action qu’exprime un infinitif
comme chanter n’y trouve pas de place
définie, n’étant pas plus intégrée au temps
réel que s’il s’agissait du nom le chant.
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2615
Selon le contexte, une forme d’infinitif
aura la valeur atemporelle :
Crier n’est pas chanter,
éventuellement itérative :
Fumer encrasse les poumons,
ou la valeur d’un présent ou d’un futur par rapport au moment de l’action
principale :
Je l’entends chanter. J’espère
déménager.
À défaut du contexte, l’auxiliaire devoir
peut spécifier la valeur future :
Il quitta sans chagrin ses parents,
qu’il croyait devoir bientôt retrouver.
La forme composée de l’infinitif exprime
fondamentalement, comme toute forme
composée, l’aspect accompli :
J’ai tout d’un coup hâte d’être rentré,
de savoir qu’il n’est rien arrivé à
Philippe (J. Deval),
et, secondairement, le temps antérieur ;
il ne fournit dans ce dernier cas qu’une
indication temporelle relative :
Il affirmait avoir entendu le coup.
Il affirme avoir entendu le coup.
Il affirmera avoir entendu le coup.
Si les deux premières (mais non la dernière) de ces phrases situent sans ambiguïté l’action dans le passé, c’est par la
vertu du verbe principal, qui donne seul
l’indication temporelle absolue nécessaire à l’actualisation.
Un fait peut être cité comme témoin
d’une tendance de l’infinitif à la totale
invariabilité temporelle, qui le rapprocherait encore du nom ; il arrive que
l’infinitif soit à la forme simple et qu’une
idée d’antériorité qui le concerne soit exprimée par le verbe dont il dépend, si ce
verbe est devoir ou pouvoir :
Elle a dû manquer son train (= Elle
doit avoir manqué son train).
J’ai pu me tromper (= Je peux m’être
trompé).
• 3° L’infinitif manifeste une certaine
indifférence à la « voix », qui le rapproche du nom. Bien qu’il possède une
forme passive, sa forme active est souvent employée dans des conditions où
l’on a voulu voir une valeur passive : une
maison à vendre, un fruit prêt à cueillir,
un problème facile à résoudre. F. Brunot
s’est élevé, dans la Pensée et la langue,
contre la « fausse analyse » qui trouve là
un sens passif, mais il l’a combattue par
des arguments formels et historiques peu
pertinents. En fait, on parle d’une différence « actif »/« passif » en considérant
le signifié des infinitifs qui apparaissent
dans des contextes formellement identiques comme : une machine à coudre/une
machine à réparer, de la pierre à bâtir/un
mur à démolir, une voiture prête à partir/
un costume prêt à porter ; la méthode des
transformations met en évidence une différence profonde que la structure superficielle peut effacer dans l’emploi de l’infinitif comme d’un nom d’action (vente,
cueillette, solution, etc.).
On peut encore expliquer par une tendance à l’invariabilité en voix des phrases
comme
Je ne suis pas finie d’agrafer
(S. Guitry),
où l’idée passive qui concerne l’action
à l’infinitif est exprimée dans le verbe
recteur.
C’est surtout par ses propriétés syntaxiques que l’infinitif est tenu pour un
nom. Il a les fonctions du nom : sujet,
attribut, complément dc nom, d’adjectif, complément d’objet, complément
circonstanciel.
I. INFINITIF SUJET
Vouloir et pouvoir font deux (P.
Margueritte).
L’infinitif est très souvent repris par ce
devant le verbe :
Vouloir, ce n’est pas un mot (R.
Dorgelès).
Souvent, l’infinitif est précédé de l’indice
de :
Et de penser à toi me soutiendra
(Gide).
Damourette et Pichon (Des mots à la
pensée, § 1053) induisent de l’examen
d’un grand nombre d’exemples que, dans
la fonction sujet, l’infinitif pur donne
de l’action une présentation abstraite,
convenant à un jugement de portée générale, et l’infinitif précédé de de une
présentation concrète, particulière à la
conjoncture envisagée dans la phrase.
Les exemples donnés plus haut vérifient
cette interprétation, mais les « emplois
aberrants » ne sont pas rares :
Voir les poissons rouges vaut bien un
détour (Duhamel).
Il s’agirait, en somme, d’une fonction
actualisatrice de de, ignorée des grammaires, d’application intuitive, aussi
subtile et contingente que l’emploi de
l’article devant les noms abstraits du XIVe
au XVIe s. ; nous la verrons confirmée en
position d’attribut.
Dans une série de cas spéciaux, l’infinitif
suit le verbe :
Mieux vaut attendre (Colette).
C’est toujours ainsi dans la construction
unipersonnelle :
Il me semblait découvrir l’envers de
l’ouvrage (J. de Lacretelle).
Il fait bon dormir. Il ferait beau voir.
Le plus souvent, l’infinitif prend alors
l’indice de :
Il ne dépendait que de lui de forcer la
porte condamnée (M. Prévost).
C’est vraiment dommage de vous
apporter ma tristesse (Fromentin).
Après c’est suivi d’un nom on trouve également l’infinitif introduit par que de :
C’est une occupation, et fort absorbante, que de vivre (A. Hermant).
Dans l’expression c’est à vous de + infin.,
l’indice de peut faire place à l’indice à,
sans différence de sens :
C’est à toi de/à jouer.
II. INFINITIF ATTRIBUT
Ma joie est devenue d’obéir.
Le verbe recteur a souvent pour sujet ce :
Mourir n’est pas mourir, mes amis,
c’est changer (Lamartine).
K. Sandfeld a remarqué une différence
de sens très nette selon que l’infinitif est
précédé ou non de l’indice de.
Sans de, l’infinitif n’apporte dans la prédication attributive que l’« idée verbale
sans plus », c’est-à-dire son contenu lexical, sans support déterminé (le sujet est
souvent un autre infinitif) ; il en est ainsi
dans l’exemple de Lamartine.
Avec de, il y a « identification du sujet et
de l’attribut », ce qu’on pourrait interpréter en disant que l’infinitif exprime une
entité actualisée identifiée avec un sujet
actualisé :
Mon plaisir, c’est de mettre de l’ordre.
Un rêve, dont elle n’osait parler, était
d’avoir une pendule (Zola).
En pareil cas, le sujet et l’attribut sont interchangeables (mettre de l’ordre est mon
plaisir).
On a beaucoup discuté de la valeur exacte
de l’indice de, où K. Togeby, dans un
article de janvier 1957 (le Français moderne), proposait de voir un « article de
l’infinitif », et G. Gougenheim — après
bien d’autres — un « indice d’infinitif »
analogue au to de l’anglais, au zu de l’allemand, au te du néerlandais. Comme on
ne voit pas quel besoin aurait l’infinitif
d’un indice modal dont les autres modes
n’ont pas d’équivalent, on sera plutôt tendownloadModeText.vue.download 64 sur 1066
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té par l’assimilation à l’article (comparer :
Mon plaisir, c’est de nager/c’est la nage) ;
l’indice s’apparenterait au de appositionnel, son sens s’éclairant si l’on supplée
celui, celle ou le fait :
refusé.
Son rêve était (celui) d’avoir une
pendule.
Son grand tort est (le fait) d’avoir
Le démonstratif sous-jacent, souvent
suggéré par le pronom neutre ce, cela ou
il relayant ou annonçant le sujet, donnerait à de la fonction actualisatrice qui
permet d’y voir un article de l’infinitif et
qui définit la différence de sens des deux
types d’infinitif attribut. On rejoint ainsi
à peu près la « présentation concrète » de
Damourette et Pichon, sans exclure la
possibilité d’une ou plusieurs autres fonctions, jouant plus particulièrement dans
d’autres syntagmes.
III. INFINITIF COMPLÉMENT DE NOM
L’infinitif complément de nom, s’il est en
position liée, est introduit par de, à ou
pour employés avec leurs valeurs habituelles : la peur de tomber, une poêle à
frire, un mot pour rire.
Aucune différence formelle ne sépare
alors le complément de relation (le regret
d’avoir refusé) de l’apposition (le fait
d’avoir refusé).
L’apposition détachée est normalement
sans indice :
J’ai en politique une très grande
ambition : ne jamais être député
(P. Hamp).
Mais certains facteurs favorisent l’apparition de de :
Je ne saurais lui reprocher qu’une
chose : d’être sans reproche
(Duhamel).
J’aime bien ça d’aller en barque
(Lavedan).
IV. INFINITIF COMPLÉMENT D’ADJECTIF :
prêt à partir, heureux de revenir,
nécessaire pour vivre, facile à vivre,
facile à comprendre.
V. INFINITIF COMPLÉMENT D’OBJET
En s’inspirant très librement des listes
de M. Gross (v. plus haut) et en en simplifiant la formulation, on peut dresser
l’inventaire suivant des principaux syntagmes où entre un infinitif complément
d’objet direct ou indirect (la lettre a ou b
après Infin. signale que l’infinitif a pour
support A ou B).
I. A + Verbe + Infin.(a) Verbe = pouvoir,
vouloir, etc.
Je peux/veux acheter ce chapeau.
II. A + Verbe + à + Infin.(a) Verbe = commencer, etc.
Jean commence à manger.
III. A + Verbe + de + Infin.(a) Verbe =
achever, etc.
Jean achève de manger.
IV. A + Verbe + B + à + Infin.(a) Verbe =
passer, etc.
Jean a passé trois heures à regarder la
télévision.
V. A + Verbe + B + de + Infin.(a) Verbe =
menacer, etc.
Jean menace Pierre de se venger.
VI. A + Verbe + à + B + de + Infin.(a)
Verbe = devoir, etc.
Jean doit à Pierre d’avoir trouvé du
travail.
VII. A + Verbe + à + B + Infin.(a) Verbe
= dire, etc.
Jean nous dit avoir fini.
VIII. A + Verbe + de + B + de + Infin.(a)
Verbe = obtenir, etc.
Jean obtient de Paul de pouvoir y
aller.
IX. A + Verbe + B + à + Infin.(b) Verbe =
inviter, etc.
Jean invite Paul à venir.
X. A + Verbe + B + de + Infin.(b) Verbe =
prier, etc.
Jean prie Paul de venir.
XI. A + Verbe + à + B + à + Infin.(b) Verbe
= apprendre, etc.
Jean apprend à Paul à cuire un
canard.
XII. A + Verbe + à + B + de + Infin.(b)
Verbe = ordonner, etc.
Jean ordonne à Paul de partir.
Dans tous ces types de phrase, l’infinitif
pourrait être remplacé par un nom remplissant la même fonction, sauf dans les
cas suivants.
Phrase I : on ne dit pas *Jean peut cet
achat ; certains verbes comme pouvoir,
oser n’admettent pour complément d’objet qu’un infinitif, éventuellement représenté par un pronom : Il le peut. Il a osé
ça ! Au contraire, vouloir admet très bien
un nom.
Phrase X : l’infinitif régi par les verbes
comme prier, supplier peut être remplacé
seulement par le pronom adverbial en : Il
l’en avait prié.
La substitution d’un nom se fait dans la
moitié de ces types de phrase en conservant la préposition à ou de. Mais dans six
cas la préposition est supprimée : types
II (le repas), III (le repas), VI (son gagnepain), VIII (la permission), XI (la cuisson),
XII (le départ). Aussi peut-on considérer
cette préposition (à ou de) comme un indice vide de tout contenu sémantique, un
morphème signalant la fonction nominale de l’infinitif, devant lequel il tient la
place de l’article ; comparer :
Jean commence/achève le repas
et : Jean commence à manger,
Jean achève de manger.
C’est la fonction qu’on a reconnue à
de précédant l’infinitif attribut. Au
contraire, l’indice manque devant l’infinitif ayant la fonction de verbe, comme
c’est le cas lorsqu’il est régi par un auxiliaire (v. ce mot, art. spécial) :
Il peut (ou doit) être dix heures (= Il
est probablement dix heures).
Puisse-t-il réussir ! Il a failli tomber.
Jean paraît (semble) avoir froid.
Jean fait payer Paul. Jean laisse payer
Paul.
L’absence ou la présence de l’indice différencie deux constructions où l’infinitif dépend du verbe devoir, auxiliaire ou
non :
Je dois être guéri. Je lui dois d’être
guéri.
Venir, auxiliaire du passé immédiat, est
construit avec de, mais l’emploi de cette
préposition s’explique génétiquement par
une valeur de lieu.
Si l’indice manque dans les syntagmes de
type I, c’est que les verbes recteurs y sont
plus ou moins auxiliaires ; on a vu qu’avec
pouvoir, oser, etc., la fonction nominale
est peu caractérisée. La distinction des
fonctions verbales et des fonctions nominales dessine opportunément l’articulation de la phrase quand plusieurs verbes
à l’infinitif dépendent les uns des autres :
Il va falloir essayer d’apprendre à
nager.
Le rôle des particules to, en anglais, et zu,
en allemand, devant l’infinitif est aussi de
distinguer ses fonctions nominales des
fonctions verbales, parmi lesquelles on
range, d’une part, la combinaison avec les
verbes auxiliaires, classe dont les limites
sont aussi approximativement senties
dans ces deux langues qu’en français, et,
d’autre part, la construction accusativus
cum infinitivo dont il sera parlé plus loin.
Qu’un grand nombre des fonctions de
l’infinitif puissent être remplies par un
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2617
nom, quelques-unes seulement par un
pronom, c’est assez pour justifier la définition de l’infinitif comme « la forme
substantive du verbe » et pour écarter la
tentation d’y voir une forme de proposition subordonnée, comme l’ont enseigné
tant de grammairiens qui définissaient la
proposition par l’expression d’un procès.
Il ne faut pas pour autant ignorer que
l’infinitif, qui est structuralement un
mot, est assez souvent échangeable avec
une proposition subordonnée introduite
généralement par que sans modification
de sens :
Type VII : Jean nous dit qu’il a fini.
Il faut aussi savoir que le remplacement d’une proposition par un infinitif
est quelquefois facultatif, comme dans
l’exemple précédent, quelquefois impossible, comme dans ceux-ci :
Jean nous dit que sa soeur a fini,
Je veux que tu achètes ce chapeau,
et quelquefois obligatoire, car on ne dit
pas :
*Je veux que j’achète ce chapeau,
mais seulement :
Je veux acheter ce chapeau.
La condition sine qua non pour que l’infinitif soit obligatoirement substitué à une
proposition complétive est que la relation du support au terme A ou B indiquée dans la formule concernée (de I à
XIII) soit satisfaite ; elle ne l’est pas dans
les deux exemples d’impossibilité donnés
ci-dessus.
Moyennant quoi, l’obligation ne peut
exister que si le verbe recteur impose le
subjonctif dans la proposition complétive ; ce n’est pas le cas dans Jean nous dit
qu’il a fini.
Quand les deux premières conditions
sont remplies, on observe encore une différence selon la personne grammaticale
du support :
— S’il est de la première ou de la deuxième personne, l’obligation est formelle ; il faut remplacer *
Je te prie que tu sortes par Je te prie
de sortir.
— S’il est de la troisième personne, et si le
support est B, la substitution est facultative, au moins dans une langue relevée :
Jean prie Paul qu’il sorte (ou : de
sortir).
Chimène demande au roi qu’il fasse
justice (ou : de faire justice).
Faut-il tenir l’infinitif pour une variante
complémentaire de la proposition complétive ? Pour cela, les cas de substitution possible sont trop peu nombreux en
regard des cas où l’infinitif, comme la
proposition, ont leurs fonctions propres.
La règle de substitution qu’on vient
d’énoncer ne donne que le cadre approximatif d’un usage qu’aucune grammaire n’a codifié en détail. Les Français
l’appliquent par habitude, sans en avoir
conscience, et ses contraintes constituent
une difficulté d’autant plus grande pour
les étrangers.
VI. INFINITIF COMPLÉMENT CIRCONSTANCIEL
L’infinitif complément circonstanciel
peut être lié au verbe recteur par les prépositions suivantes :
à, marquant des nuances subtiles de
la direction :
Il l’entraînait à boire (Fr. Carco),
mais aussi d’autres relations, comme la
cause :
Pourtant, elle montra un réel plaisir à
voir Christophe (Romain Rolland) ;
de, marquant diverses nuances de
l’éloignement :
Le comte de Guilleroy parut, revenant
de dîner en ville (M. Fort),
ou marquant la cause :
Elle est morte d’être trop riche (O.
Mirbeau) ;
pour, marquant la cause :
... me sentant la tête un peu lourde pour
avoir trop valsé (Lavedan),
mais surtout le but :
Elle enfilait des gants pour acheter un
coeur à la crème (M. Elder),
ou simplement une succession :
Dix sociétés se fondaient un jour pour
disparaître le lendemain (P. Benoit) ;
afin de, de crainte de, de peur de,
nuançant la finalité ;
avant de, après (+ infin. passé),
situant l’action relativement à un
point de référence ;
sans, exprimant la négation de la
cause, de la manière, du but ;
par, avec commencer et finir.
Après la préposition en, l’infinitif est
remplacé par sa forme complémentaire,
le gérondif (v. ce mot, art. spécial).
Des contraintes de support sont observées comme pour l’infinitif objet. Le
remplacement d’une subordonnée par
l’infinitif obéit aux mêmes conditions essentielles que pour l’objet. On ne dit pas :
*Je sors pour que je prenne l’air, mais on
dit : ... pour prendre l’air.
« PROGRÉDIENCE »
Du tour étudié plus haut :
Jean peut voir Paul,
il faut distinguer le tour :
Jean court voir Paul.
La différence de fonction est mise en évidence par la différence de représentation
du verbe à l’infinitif : Jean le peut, Jean
y court.
Les grammairiens appellent souvent le
second infinitif « complément de but »
parce qu’on peut lui substituer un tour
prépositionnel : pour (afin de) voir Paul.
Mais M. Gross observe que l’infinitif pur,
à la différence de l’infinitif prépositionnel complément de but, ne peut être placé
avant le verbe (* Voir Paul, Jean court) ni
supporter la négation (*Jean court ne pas
voir Paul). Ces critères formels justifient
la notion d’une fonction propre à l’infinitif, onmmée « progrédience » en 1933
par Damourette et Pichon (§ 868 et 1055)
et définie par eux comme l’expression
d’« un fait qui prolonge et qui justifie le
phénomène exprimé par le verbe régent ».
La progrédience ne se rencontre qu’avec
certains verbes de mouvement,
— soit intransitifs (et l’infinitif a pour
support le sujet du verbe régent) :
Jean vient déjeuner,
— soit transitifs (et l’infinitif a pour
support le complément d’objet du verbe
régent) :
Jean mène Paul déjeuner.
On remarquera que le verbe aller complété par une progrédience dans une phrase
comme Je vais en voiture chercher Jeanne
à la gare est devenu auxiliaire temporel
dans Nous allons bien bavarder.
PROPOSITION INFINITIVE
Dans l’inventaire des fonctions nominales de l’infinitif esquissé plus haut figuraient plusieurs types d’infinitif objet
ayant pour support un premier complément d’objet, direct ou indirect, du verbe
recteur (types numérotés IX, X, XI, XII).
Dans toutes ces constructions, l’infinitif
pouvait être remplacé par un nom ou par
le pronom adverbial en :
Jean invite Paul à venir/à une
réception.
Il le prie de venir/Il l’en prie.
Cette possibilité de substitution est sans
doute la raison pour laquelle on estime
que l’infinitif assume là une fonction nominale et que le verbe recteur y est suivi
d’un objet double.
Au contraire, on attribue à l’infinitif
une valeur purement verbale dans les
constructions suivantes, où il ne peut
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être remplacé par aucun nom ni aucun
pronom :
XIII. A + Verbe + [B + Infin.(b)]/[Infin.
(b) + B]
Verbe = voir, regarder, entendre,
écouter, sentir.
Je regarde les autos passer/passer les
autos.
Je les regarde passer.
Le membre de phrase entre crochets est
communément considéré comme une
« proposition infinitive » ayant pour sujet
le nom B et pour verbe l’infinitif. L’attribution à celui-ci d’une fonction verbale
est confirmée par l’absence de l’indice
de. L’unité fonctionnelle est démontrée
par la substitution d’un groupe nominal :
Je regarde le passage des autos. On peut
paraphraser l’ensemble XIII :
Les autos passent ; je regarde ça.
Ce type de proposition infinitive, qui a
son équivalent en anglais et en allemand,
ne se rencontre en bonne langue française moderne qu’après les cinq verbes
énumérés ci-dessus. Le sens de ces verbes
impliquant pour objet une action en train
de se produire, l’infinitif est toujours au
temps « présent », et sa valeur aspectuelle
est très voisine de celle du participe présent, avec lequel il lui arrive d’alterner :
Je vois la servante ou le valet agissant
dans la chambre, une hirondelle
entrant par la fenêtre, une mouche
se poser sur ma main tandis que
je récitais ma leçon (Rousseau,
Confessions).
Alors que les infinitifs objets étudiés plus
haut s’échangeaient souvent avec une
proposition subordonnée conjonctive
introduite par que, l’infinitif des phrases
du type XIII s’échange, très couramment,
avec une proposition relative épithète :
Je regarde les autos qui passent.
Sauf conditions exceptionnelles, cet infinitif ne peut pas être mis au passif ; on
lui substitue de préférence un participe
passé :
J’ai vu un piéton (être) renversé par
une voiture.
Les propositions infinitives du type XIII
sont presque toujours compléments
d’objet. On les rencontre, exceptionnellement, en fonction d’apposition (à un
objet) :
Misard et Cabuche, les bras en Pair,
Flore, les yeux béants, virent cette
chose effrayante : le train se dresser
debout, sept wagons monter les uns
sur les autres, puis retomber avec
un abominable craquement, en une
débâcle informe de débris (Zola, la
Bête humaine).
Cette prédilection pour la fonction objet
a fait préférer par un certain nombre
de grammairiens l’analyse qui consiste
à voir dans le nom B et l’infinitif deux
compléments d’objet du verbe recteur
(par ex. Wagner et Pinchon, Grammaire
du français classique et moderne). Corollairement à cette exclusivité de la fonction objet, on doit constater l’absence de
solidarité entre ce « sujet » et ce « verbe »,
puisque le nom y garde la fonction objet
si l’on supprime le verbe : Je regarde les
autos.
D’autres grammairiens fondent leur analyse sur le lien étroit que l’on sent entre
l’infinitif et son verbe recteur, où le dialectologue J. Ronjat voyait un « semiauxiliaire ». Damourette et Pichon, au
terme d’une riche étude (§ 1059 à 1107)
concluent de même à la « coalescence » du
verbe régent et du verbe régi. Pourtant, la
suppression de l’infinitif ne modifie pas
le sens du premier verbe : l’auxiliarité paraît mieux caractérisée dans le type dont
l’étude suit.
XIV. A + Verbe + [Infin.(b) + B]/([B +
Infin.(b)])
Verbe = faire, laisser.
J’ai fait tomber un plat.
J’ai laissé s’arrêter ma montre/ma
montre s’arrêter.
Nul doute que le sens des verbes faire et
laisser ne soit très modifié si l’on supprime ici les infinitifs :
J’ai fait un plat. J’ai laissé ma montre.
Le premier critère de l’auxiliarité, « altération du sens lexical » (v. AUXILIAIRE,
art. spécial), est donc rempli par faire et
laisser. Le second, « coalescence avec le
verbe auxilié », est rempli par faire, qui ne
peut être séparé de l’infinitif par le nom B
(*J’ai fait un plat tomber) ; mais les deux
ordres sont admis avec laisser.
Le troisième, « invariabilité du participe », est rempli par le verbe faire : La
personne que j’ai fait entrer. L’invariabilité était demandée aussi (purement graphique) pour le verbe laisser au XVIIIe s.
par d’Olivet et par Condillac ; elle n’a
cependant été admise que comme une
tolérance par l’arrêté du 26 février 1901,
au même titre que pour tout autre participe passé suivi d’un infinitif.
En définitive, l’auxiliarité, très marquée pour le verbe faire, n’a pour laisser
qu’un critère sémantique, toutefois suffisant pour qu’on renonce à voir dans les
phrases du type XIV des groupes complexes méritant le nom de « proposition
infinitive ».
Une particularité de construction rapproche le type XIV du type XIII, c’est la
construction du terme B, autrement dit
« objet agent » (v. AGENT, art. spécial),
lorsqu’il doit voisiner avec un autre objet.
complément de l’infinitif. On peut dire :
Tu laisses (ou vois) ton frère piétiner
la pelouse,
mais non :
*Tu laisses (ou vois) piétiner la
pelouse ton frère.
Cette dernière phrase est remplacée par :
Tu laisses (ou vois) piétiner la pelouse
à/par ton frère.
Si l’objet agent a la forme d’un pronom
personnel, il peut être à la forme de complément d’objet direct ou de complément
d’attribution :
Tu le/lui laisses piétiner la pelouse.
Avec faire, la forme lui est à peu près seule
employée.
Si l’objet de l’infinitif est lui-même un
pronom personnel, deux constructions
sont possibles :
Tu le laisses la piétiner (impératif :
Laisse-le la piétiner).
Tu la lui laisses piétiner (impératif :
Laisse-la-lui piétiner).
XV. B (=que) + A + Verbe + Inf.(b)
Verbe = dire, croire, savoir, etc.
Il resta attaché à cette femme, qu’il
avait longtemps cru être sa mère.
Il est évident que le pronom que n’est pas
l’objet du verbe croire : il n’est pas dit que
cet homme « croyait » cette femme, et le
participe cru reste invariable ; que est le
sujet du verbe être.
Ce type est particulier à la langue littéraire ; il implique une construction
comme :
*Il avait longtemps cru cette femme
être sa mère,
construction inconnue du français moderne. En fait, le tour est justifié soit par
une structure sous-jacente inconsciente,
soit par la survivance partielle d’un état
de langue ancien. Il surnage parce qu’il
résout le problème de l’enchâssement
d’une proposition complétive (cf. Il avait
cru qu’elle était sa mère) dans une relative ; la solution la plus courante (dont
il avait cru qu’elle était sa mère) a moins
d’élégance.
INFINITIF D’EXCLAMATION
Dans des phrases comme :
Me parler ainsi ! Avoir vingt ans !,
l’infinitif joue le rôle de prédicat, c’està-dire apporte l’information qui motive
la phrase. Il exerce la fonction « verbe »
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proprement dite, qui se définit par l’association avec un sujet dans la constitution
de l’unité « proposition » ; les phrases
considérées sont comparables à celles que
l’on peut construire sur un nom :
Quelle insolence ! Ah ! mes vingt ans !
On ne parlera même pas de proposition si
l’infinitif exclamatif voisine avec un nom
ou un pronom exclamatif :
Moi ! Partir ! Partir ! Moi !
Mais le terme ne peut être contesté si
l’intonation marque l’unité structurale
du groupe nom (pronom) + verbe :
Moi partir ! Jamais. Ta mère vivre
avec nous !
La solidarité est manifeste entre le sujet
moi ou ta mère et le verbe partir ou vivre
avec nous : les deux constituent une
« proposition infinitive ».
INFINITIF DE VOLONTÉ
L’infinitif peut être la variante complémentaire de l’impératif dans la langue
écrite :
Prendre un comprimé avant chaque
repas.
Sa valeur atemporelle convient en effet à
une prescription qui, étant écrite, s’indéfinise dans le temps, et sa valeur impersonnelle convient à un ordre concernant
tous les lecteurs possibles :
Ne pas se pencher à la portière.
Alors que l’infinitif exclamatif pouvait
être précédé d’un sujet, l’infinitif impératif ne l’admet sous aucune forme. Faut-il
donc lui dénier l’appellation de « proposition » ? C’est pure affaire de convention, et cette dénomination — concédable eu égard au fait que l’impératif, sa
variante orale, n’a pas de sujet non plus
— n’entraîne aucune conséquence pour
les infinitifs dépendants, auxquels sont
substituables des propositions complètes.
L’infinitif de prescription n’est jamais
dépendant.
INFINITIF D’INTERROGATION
Un cas très différent est offert par des
groupes composés d’un mot interrogatif
et d’un infinitif :
Que faire ? Je ne sais plus que faire.
Comment m’y prendre ? Je me
demande bien comment m’y prendre.
Ces exemples montrent que de tels
groupes, à la différence des précédents,
peuvent être indépendants ou dépendants. Il leur manque un sujet exprimé
pour constituer l’unité complexe qui
justifie habituellement le terme de « proposition » ; mais on observe entre leurs
termes une solidarité qui les distingue
des groupes à fonction nominale constitués d’un infinitif et de son complément
(manger des nouilles, réussir brillamment) : on ne peut supprimer que ni comment, non plus que faire ni m’y prendre,
dans les exemples donnés. Il s’agit donc
bien d’unités de groupement méritant
d’être nommées « propositions ».
La valeur dite « délibérative » de ces propositions interrogatives, directes ou indirectes, tient au remplacement de l’indicatif, mode de l’actualisation temporelle,
par l’infinitif, mode de l’action virtuelle.
La personne qui énonce l’action ne sait
même pas si elle fera quelque chose, si elle
s’y prendra d’une manière quelconque.
INFINITIF DE NARRATION
Il s’en alla passer sur le bord d’un
étang :
Grenouilles aussitôt de sauter dans
les ondes
(La Fontaine, Fables, II, XIV).
Le villageois écoute, accepte la partie.
On se lève, et d’aller (A. Chénier, le
Rat de ville et le Rat des champs).
Cet emploi en proposition indépendante
de l’infinitif avec de, précédé le plus souvent d’un nom ou d’un pronom sujet
(grenouilles), est appelé « infinitif historique » ou « infinitif de narration ». Il est
très développé dans une langue littéraire
de registre familier, mais très rare dans la
langue parlée. Il présente, au cours d’un
récit, une action comme la conséquence
logique, mais réelle et rapide, de l’action
précédente. Les actions exprimées par ce
procédé sont surtout des mouvements,
ou des réactions psychologiques :
Pleurs de couler, soupirs d’être poussés
(La Fontaine, Contes).
La valeur de l’indice de, qui ne manque
jamais, a fait l’objet d’infinies conjectures
(v. ci-après, Historique). Sauf l’allemand,
toutes les langues d’Europe qui possèdent
ou ont possédé un infinitif de narration
(provençal, espagnol, portugais, italien,
anglais, suédois, russe) le font précéder
d’une particule (provenç. de, esp., portug.
et ital. a, angl. to) dont la fonction n’est
pas mieux éclaircie.
HISTORIQUE
Le terme infinitivus (modus) a désigné le
mode infinitif chez le grammairien Diomède (IVe s.) ; avant lui, Quintilien disait
infinitum (verbum), « le verbe indéfini »,
terme qui caractérise bien le mode de
l’inactualisé.
L’infinitif latin était un ancien substantif, exprimant la notion verbale pure et
simple, sans marque de personne et de
temps. La langue latine l’avait doté d’un
passé et d’un futur, et lui avait donné
avec le gérondif et le supin une flexion casuelle, la forme primitive n’ayant qu’une
valeur nominative ou accusative. L’opposition d’un actif et d’un passif remonte
aux substantifs originels.
I. FORMES FRANÇAISES
L’infinitif du vieux français n’a rien gardé
de la variation latine en temps et en voix.
Les quatre terminaisons différentes de
l’infinitif latin ont abouti à des formes
variées :
1re conjugaison : cantāre > chanter ;
2e conjugaison : debēre > deveir, puis
devoir (XIIe s.) ;
3e conjugaison : perdĕre > perdre ;
4e conjugaison : sentire > sentir.
Les verbes en -āre ont donné le premier
groupe français, en -er. ou en -ier quand
l’a y était précédé d’un élément palatal
(judicare > jugier) ; dès le XIIIe s., les infinitifs en -ier ont tendu à perdre l’i sur le
modèle des autres ; au XIVe s., la disparition a été phonétique après les consonnes
chuintantes et mouillées. Le groupe des
verbes latins en -are s’était grossi par
l’emprunt de verbes germaniques en
-an ou -ôn : *bôtan > *botare > bouter ;
*wardôn > *wardare > garder. Le premier groupe se grossira ensuite de nombreuses formations françaises : afoler (de
fol), apaisier (de pais) ; et accueillera des
verbes d’autres groupes ainsi normalisés :
tisser (anc. tistre), consumer (anc. consumir), puer (anc. puir). Il est aujourd’hui à
peu près seul productif.
Les verbes en -īre ont donné le deuxième
groupe français et une partie du troisième groupe (en -ir). Ils s’étaient grossis
par l’emprunt de verbes germaniques en
-jan (hatjan > hatire > haïr). Des verbes
latins avaient échangé -ēre ou -ĕre contre
-īre (florēre > *florire > fleurir ; tradĕre >
*tradire > trahir). Le deuxième groupe se
grossira de formations françaises (dérivées d’adjectifs, comme assainir, ou de
noms, comme lotir, aboutir) et accueillera des verbes d’autres groupes (quérir,
anc. querre ; courir, anc. courre, spécialisé
en vénerie). Les créations du deuxième
groupe se sont raréfiées depuis le XVIe s.
et ont presque cessé de nos jours : sur le
modèle d’atterrir (XIVe s.) a été formé au
XXe s. amerrir, et proposé récemment alunir, qui a connu quelque succès malgré
l’Académie.
Beaucoup de verbes des autres groupes
ont changé de conjugaison au cours de
la latinité, passant de la troisième à la
deuxième (cadĕre > cadēre > cheoir) ou
inversement (respondēre > respondĕre >
respondre), et de l’une ou de l’autre à la
première, ou à la quatrième.
Comme toutes les formes simples du
verbe, l’infinitif a été doublé d’une forme
composée (avoir chanté) et les infinitifs
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transitifs ont reçu une forme passive (être
chanté).
II. VALEURS NOMINALES
Plus encore qu’en français moderne,
l’infinitif se rapprochait morphologiquement du nom, au point de prendre
l’article et même la marque du cas sujet :
Dreit a Lalice revint li sons edrers
[Son voyage le ramena droit à Laodicée] (Vie de saint Alexis).
Ja li corners ne nos avreit mester
[Sonner du cor ne nous servirait plus
à rien] (la Chanson de Roland).
En l’esgarder [= à la vue] de la pucele
Li saut au cuer une estincele
(Amadas et Ydoine).
Cet usage ancien, très développé chez
Chrétien de Troyes, subit une éclipse à
partir du XIIIe s. (cf. H. D. Veenstra, les
Formes nominales du verbe dans la prose
française du XIIIe s., 1946). Il trouve un
second souffle au XVIe s. Les poètes le
recommandent, Du Bellay, dans la Deffence et illustration, en fait une source
de richesse : « Use donc hardiment de
l’infinitif pour le nom, comme l’aller, le
chanter, le vivre, le mourir. » Montaigne,
dont il satisfait une prédilection de philosophe pour l’expression nominale, en
fait grand usage : le mourir, le longtemps
vivre, J’estime le baigner salubre. Survivant chez Mal-herbe, il n’est, depuis le
XVIIe s., qu’une élégance de certains stylistes comme Chateaubriand, et chez les
philosophes un tour commode imité de
l’allemand : l’être, un devenir (Bergson).
La substantivation a introduit beaucoup
d’infinitifs dans la classe des noms, où
leur forme, d’ailleurs variable en nombre,
ne suffit plus à rappeler leur origine :
avoir, baiser, déjeuner, devoir, rire, savoir,
etc. ; loisir et manoir sont les infinitifs de
verbes disparus, plaisir l’infinitif disparu
du verbe devenu plaire. On peut penser
que la régression observée au XIIIe s. dans
l’emploi de l’article devant l’infinitif tient
au développement de l’indice de, d’abord
devant l’infinitif sujet ou attribut :
D’ome ocire est pichiés grans
(Aiol, fin du XIIe s.).
[...] vostre enneurs — si est de venger
vostre honte (la Mort le roi Artu).
L’origine de cet emploi est très discutée.
Tobler le rapprochait d’une construction
du nom où de peut être interprété comme
une préposition de cause :
De povretez est granz mahainz
[La pauvreté est une grande plaie].
Meyer-Lübke préférait donner à de,
dans de semblables constructions, la
valeur « à propos de ». Mais Kjellmann
(la Construction de l’infinitif dépendant
d’une locution impersonnelle en français,
des origines au XVe s., Uppsala, 1913) a
montré que cette construction s’est répandue plus vite avec l’infinitif qu’avec le
nom ; selon lui, l’emploi de de s’explique
par le prolongement du tour latin au
génitif du gérondif : peccatum occidendi
hominem. Cette interprétation s’accorde
bien avec la valeur appositionnelle que
nous avons suggérée plus haut. L’apparition du relais neutre ce, celle du pronom
neutre il dans la tournure unipersonnelle
ont favorisé cet emploi, et leur développement à partir du XIIIe s. l’a définitivement
assis :
Ceo est lur dreiz de mesparler (Marie
de France, fin du XIIe s.)
Il n’est pas folie de changer son
conseil quant la chose se change (le
Ménagier de Paris, fin du XIVe s.).
Cette valeur appositionnelle assise sur un
nom ou sur un pronom démonstratif exprimé ou inexprimé confère à l’infinitif
une assiette comparable à l’actualisation
qu’opère l’article, et son développement
peut expliquer l’éclipse de l’article — momentanément rétabli au XVIe s. dans un
registre surtout littéraire.
Cette explication de l’indice de convient
au cas du sujet, mais d’autres raisons
doivent être cherchées pour expliquer le
développement devant l’infinitif, dans
les fonctions de complément, d’un indice
prépositionnel, qui, en ancien français, a
été beaucoup plus souvent àquede.
L’infinitif précédé de à prolonge souvent un autre emploi du gérondif, celui
de l’accusatif précédé de ad (ex. : ad
moriendum) :
Pur quem vedeies desirrer a murir
Ço’st grant merveille que pietét ne
t’en prist.
[Puisque tu me voyais désirer mourir
C’est incroyable que tu n’aies pas eu
pitié] (Vie de saint Alexis).
Pourtant, le même verbe est construit ailleurs sans à :
Ki ci remaindre (= rester) desireiz
(Roman de Brut).
Le contenu sémantique de la préposition
est donc bien ténu, et l’on doit souvent
chercher la raison de son emploi dans
des facteurs d’économie de la phrase
qui n’ont rien à voir avec le sens. Une
tendance à employer la préposition devant tout infinitif éloigné de son régent
(Gamillscheg, Historische Französische
Syntax, p. 468) explique l’usage contradictoire à l’intérieur de ce vers de la Prise
d’Orange :
Mielz voil morir et a perdre la vie.
Mais cet usage même est capricieux,
comme en témoigne ce passage de la Prise
de Constantinople (début du XIIIe s.), où
un messager répond à l’empereur Isaac
II qui lui demandait « quels sont les en-
gagements » (Quelx est la convenance ?)
pris par son fils en échange de l’aide des
croisés :
Tot el premier chief, metre tot
l’empire de Romanie a l’obedience de
Rome [...] ; aprés, a doner .CC. mille
mars d’argent [...] ; et mener .X. mil
homes en ses vaissiaus et a sa despense tenir par un an ; et en la terre
d’oltremer a tenir .V.C. chevaliers a
sa despense tote sa vie...
En moyen français, la préposition de tendra à remplacer à dans ce rôle de cheville
articulatoire. Au XVIe s., le flottement est
à son apogée :
L’un de ces Prélats [...] auroit aussitost appris a croire en Dieu que nous
de croire en lui (A. d’Aubigné).
Il reste de nos jours quelques verbes
conservant deux constructions : directe
et indirecte (aimer rire/aimer à rire), avec
à ou avec de (commencer à trouver/de
trouver le temps long).
Bien des grammairiens ont voulu définir
la nuance qu’apporte l’emploi de l’une
ou de l’autre préposition. G. Gougenheim estime que à garde seul une valeur
propre, « dynamique », impliquant une
« attitude active » du sujet (commander
une armée/commander à ses passions) ;
plus féconde paraît son observation selon
laquelle à peut être changé en de par le
voisinage d’un autre à moins instable ;
comparer :
demander à sortir, demander à
quelqu’un de sortir.
L’emploi de l’infinitif prépositionnel était
exceptionnel en latin classique, où les
fonctions indirectes étaient dévolues au
gérondif. On le rencontre à basse époque
avec contra, de, juxta, ad. La concurrence
de l’infinitif et du gérondif prépositionnels s’exercera pendant le Moyen Âge en
latin et, parallèlement, en français, aboutissant à l’élimination du gérondif, sauf
après en (V. GÉRONDIF, art. spécial).
On rencontre en ancien et en moyen français des infinitifs précédés de à, après, de,
en, par, pour, sans, sur, avant (que) de, fors
(que) de, près de.
Les contraintes liant le support de l’infinitif au sujet ou au complément du verbe
recteur étaient beaucoup plus lâches en
ancien et en moyen français que de nos
jours :
N’en puez partir senz les membres
tranchier
[Tu ne peux en partir sans qu’on te
tranche les membres]
(le Couronnement de Louis),
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mais l’ancien français pouvait exprimer
le support par un nom ou un pronom qui
constituait avec l’infinitif une véritable
proposition :
Lors por revenir sa color
[Pour que sa couleur revînt]
La comancierent a baignier (Chrétien
de Troyes).
Al aprochier les nefz
[Quand les navires approchèrent]
(Baudoin de Sebourg).
Cette construction n’est conservée de
nos jours que dans les parlers de l’Est et
du Nord : Achète un croissant pour toi
manger.
L’alternance d’un infinitif complément avec une proposition conjonctive
n’était pas grammaticalisée comme
aujourd’hui. Les premières recommandations sur ce point se lisent au XVIIe s.
Duval, dans l’Escholier françois (1604),
conseillait de remplacer Tu pensois que tu
eusses tout veu par Vous pensiés avoir tout
veu ; Oudin (1632) corrigeait de même
qu’on m’eust deffendu que j’eusse pris ;
Vaugelas remplaçait il m’a commandé que
je fisse par il m’a commandé de faire ; au
XVIIIe s., il devait être lui-même critiqué
par l’Académie pour avoir écrit dans son
Quinte-Curce : (il) se contenta de lui commander qu’il sortît de table ; il fallait : de
sortir ; Buffier, Grimarest, Féraud formulaient les règles de cet usage avec plus de
rigueur qu’aucun grammairien du XXe s.
(Brunot, HLF, t. VI, p. 1822-23).
Une construction, aujourd’hui disparue,
a mis en échec la perspicacité des historiens ; le premier exemple en est de 1429 :
Et le disnes estre fait, graces dictes a
Dieu, s’en partoit chascun
(Chronique du bon duc Loys de
Bourbon).
Elle est très fréquente au début du XVIe s.,
notamment chez Rabelais, après qui elle
disparaîtra :
Pantagruel, avoir entierement
conquesté le pays de Dipsodie, en
icelluy transporta une colonie de
Utopiens (III, I).
L’infinitif estre ou avoir n’est compris que
si on le remplace par le participe (estant,
ayant). Alf Lombard, dans son ouvrage
sur l’Infinitif de narration dans les langues romanes (Uppsala, 1936), évoque à
propos de cet « infinitif absolu » les opinions de Behm (1891), Huguet (1894),
Brunot, Biedermann (1908), Philippot
(1914), Sneyders de Vogel (1927), Spitzer,
Lerch, Damourette et Pichon. Montrant
les défauts de leurs explications, il propose la sienne : le disner estre fait aurait
été dit pour le disner fait sur le modèle de
l’alternance : il vit sa jambe estre coupée/il
vit sa jambe coupée.
III. VALEURS VERBALES
La « progrédience » remonte au latin
parlé, qui substituait l’infinitif au supin
auprès d’un verbe de mouvement : venerat aurum petere (Plaute). Elle a toujours
existé en français.
La « proposition infinitive », appelée accusativus cum infinitivo par les grammai-
riens qui ne veulent pas préjuger de son
unité structurale, présente en latin dès
les premiers textes une extension considérable, surtout dans la langue littéraire.
Elle y dépend le plus souvent d’un verbe
de déclaration ou d’opinion (verbum dicendi ou declarandi), de perception ou de
sentiment (verbum sentiendi), d’un verbe
ou d’une locution unipersonnels comme
convenit, « il est convenu que », perspicuum est, « il est évident que », decet, « il
convient ».
Avec les verbes de perception proprement
dits, la tournure Video eum plorare alternait chez Cicéron lui-même avec Video
eum plorantem (Ernout-Thomas, Syntaxe
latine, p. 239) — synonymie préfigurant
une semblable alternance signalée plus
haut en français.
La proposition infinitive était concurrencée en latin parlé (premier exemple chez
Plaute) par un type de proposition, originellement causale, introduite par quod
ou quia, qui devint d’usage courant et
où quod élimina quia en Gaule ; ce type,
généralisé dans les langues romanes, a
donné en français les complétives introduites par que.
Les anciennes infinitives ne survivaient
en ancien français que comme sujet
des verbes (il) convient et (il) estuet ou
comme complément de faire, laisser, voir,
oïr et de quelques autres verbes de perception. Le premier exemple est livré par
la Cantilène de sainte Eulalie :
Voldrent la faire diavle [= le diable]
servir.
Mais dès les premiers textes apparaît, en
concurrence avec le tour Je la voi plorer,
un tour Je li voi plorer, dont D. Norberg,
en 1943, a montré l’origine également
latine : extension postclassique à la
construction jubeo/sino + accus. + infin.
de la construction classique mando/permitto + datif + infin. (nombreux exemples
de cette confusion au VIe s.). De là toutes
les constructions françaises du type faire
faire quelque chose à quelqu’un.
On sait avec précision, par l’étude de E.
Stimming Der Accusativus cum Infinitivo
im Französischen (Halle, 1915), que la
proposition infinitive a connu un grand
développement de 1350 à 1600 sous l’in-
fluence du latin ; on la rencontre alors
auprès des verbes de volonté : commande
ses chevaulz estre parés de nouveaux harnais ; ou des verbes de sentiment et de
déclaration : Chascun pourra juger icellui avoir esté de bonne intention. De ces
structures étrangères à la langue parlée,
le XVIIe s. ne conserva que les infinitives
enchâssées dans une relative ; jointes à
l’usage ancien, dont avaient seulement
disparu les infinitives sujets, elles constituent l’usage moderne.
L’infinitif exclamatif existait en latin :
Quid enim ? sedere totos dies in villa !
[Quoi donc ? rester dans une villa
des journées entières !] (Cicéron).
Mene incepio desistere victam ?
[Moi renoncer vaincue à mon dessein ?] (Virgile).
Il se rencontre, mais très rarement, en
ancien français :
et por ce cuidoie ge bien qu’il en
moreust. — Morir ! fet la damoiselle,
Dex l’en gart (la Mort le roi Artu).
L’ancien français possède un infinitif
exhortatif d’un type que le latin ignore :
Or del cerchier ! [Allons, cherche !]
À la différence de l’infinitif moderne des
prescriptions, celui-ci est du style oral.
Or, injonctif, se retrouve dans d’autres
formules d’ordre ; Meyer-Lübke a expliqué de par « il s’agit de » ; le l final de del
est l’article.
*Un infinitif de défense existait aussi :
Amis, nel dire ja ! [Ami, ne le dis
pas !] (la Chanson de Roland).
Ce tour avait un précédent en bas latin :
ne fore stultum (lat. class. ne stultus fueris), non negare (lat. class. ne negaveris).
Le latin exprimait par le subjonctif une
nuance « délibérative » de l’interrogation : Quid faciam ? Mais l’infinitif, autre
mode de l’action virtuelle, apparaît à
basse époque dans l’interrogation indirecte : Non habent unde reddere tibi (Itala). L’ancien français emploie l’infinitif en
proposition interrogative indépendante
comme en subordonnée : Dame, que
dire ? que teisir ? (Chrétien de Troyes), se
il seust | Ou trouver mon seignor Gauvain
(id). L’usage n’a pas varié.
Quant à l’infinitif de narration, il est bien
tentant de le croire issu du modèle que
fournissait le latin (Ernout-Thomas, Syntaxe latine, p. 228) :
ego illud sedulo negare factum
[moi de nier énergiquement que cela
soit] (Térence).
Mais le tour semble avoir été perdu vers
la fin de l’Empire. Dans son étude magistrale de 1936, Alf Lombard cite les deux
plus anciens exemples connus, datés du
XIIe s. (Eracle), où la préposition est à.
Deux études plus récentes (Stig Almenberg, l’Ellipse et l’infinitif de narration en
français, Uppsala, 1942 ; Veenstra, oudownloadModeText.vue.download 70 sur 1066
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2622
vrage cité, 1946) ont mis au jour d’assez
nombreuses attestations du XIIIe s., avec à
ou avec de ; à s’effacera en moyen français
devant l’actualisateur de, mais une résurgence est encore possible vers 1429 :
Et l’en de main assaillirent Poictevins
et Bourbonnois le donjon, ou il y ot
fier assault et fort, et ceulx du fort
a eulx deffendre, et le cordelier de
traire, mais on s’efforcea par maniere
qu’il fut pris de bel assault
(Chronique du bon duc Loys de
Bourbon).
L’existence du tour en espagnol et en italien plaiderait pour l’héritage latin. Mais
son existence « en anglais, en allemand,
en suédois, en slave, en balte, en celtique,
en sanskrit, en estonien, en sémitique, en
suaheli » (Alf Lombard) laisse concevoir
une genèse indépendante spontanée dans
toutes les langues ; et à aucun moment
le tour latin n’a comporté ad ou de. S.
Almenberg reprend l’explication par l’ellipse d’un verbe tel que commencer, écartée par Alf Lombard et que soutenaient
déjà pour le latin Quintilien et Priscien.
Veenstra la repousse de nouveau : en cas
d’ellipse, le syntagme elliptique alterne
un certain temps avec le syntagme complet original ; or, dans aucune des langues où apparaît l’infinitif de narration,
un verbe signifiant « commencer » ne se
présente dans des constructions de même
valeur.
Que l’origine du tour français soit latine
ou non, Alf Lombard donne pour vraisemblable, dans tous les cas, une justification synchronique assimilant cet infinitif
à un nom (frayeur des grenouilles ; départ
des deux rats) ; ainsi se vérifierait l’opinion de Damourette et Pichon (1933), qui
voient en de, dans ce tour, la marque de
« présentation concrète ».
Quant à l’indice à du vieux français et
des langues du Midi, on peut lui prêter la valeur dynamique ou ingressive
qu’il a toujours présentée dans la langue
familière :
Voilà Madame à crier, à pleurer, à
faire un bruit étrange, à s’évanouir
(Mme de Sévigné, lettre du 18 sept.
1680).
infinitude [ɛ̃finityd] n. f. (dér. savant
de infini ; fin du XVIe s.). Qualité de celui
ou de ce qui est infini, sans bornes : C’est
à Descartes qu’il [Pascal] a visiblement
emprunté ses plus beaux morceaux sur l’infinitude et la perfection de Dieu (Cousin).
• SYN. : infinité.
infirmable [ɛ̃firmabl] adj. (de infirmer ;
1842, Mozin). Que l’on peut infirmer :
Témoignage difficilement infirmable.
infirmatif, ive [ɛ̃firmatif, -iv] adj. (dér.
savant de infirmer ; 1501, Isambert). Qui
infirme, qui annule : Arrêt infirmatif
d’un jugement de première instance, d’une
sentence.
infirmation [ɛ̃firmasjɔ̃] n. f. (lat. infirmatio, action d’affaiblir, d’infirmer, réfutation, de infirmatum, supin de infirmare
[v. INFIRMER] ; fin du XVe s., au sens 2 ; sens
1, 1867, Littré). 1. Action d’infirmer : Des
découvertes récentes tendent à l’infirmation de cette théorie. Ϧ 2. En termes de
droit, annulation en appel d’une décision : Obtenir l’infirmation d’un jugement
défavorable.
• SYN. : 1 démenti, destruction, ruine.
— CONTR. : 1 attestation, confirmation,
justification.
infirme [ɛ̃firm] adj. et n. (réfection,
d’après le lat., de l’anc. franç. enferm[e],
malade, valétudinaire [v. 1050, Vie de saint
Alexis], lat. infirmus, débile, faible, de in-,
préf. à valeur négative, et de firmus, solide,
résistant, ferme ; v. 1265, Statuts d’hôtelsDieu [p. 129], au sens de « malade » ; sens
1, 1570, Vaganay [physiquement ; moralement, début du XVIe s.] ; sens 2, 1673,
Molière [substantiv., 1690, Furetière]).
1. Class. Qui est faible physiquement ou
moralement : [Il] les avertit que l’esprit est
prompt et la chair infirme (Pascal). Ϧ 2. Qui
n’a pas le libre usage de tous ses membres :
Rester infirme à la suite d’un accident,
d’une maladie. Infirme d’un membre. Et de
mon côté, je me persuadais que je l’aimais
comme on aime un enfant infirme (Gide) ;
et substantiv. : Soigner un infirme. L’autre
mime en boitant l’infirme [l’albatros] qui
volait (Baudelaire).
•SYN. : 2 éclopé, estropié, handicapé
physique, impotent, invalide. — CONTR. :
2 ingambe, valide.
infirmer [ɛ̃firme] v. tr. (lat. infirmare,
affaiblir, débiliter, détruire, réfuter, de
infirmus [v. l’art. précéd.] ; 1370, Oresme,
au sens 2 ; sens 1, milieu du XIXe s.,
Baudelaire ; sens 3, fin du XIVe s.). 1. Vx.
Rendre moins fort, ôter de la vigueur : Les
années n’infirment que les membres et nous
avons déformé les passions (Baudelaire).
Ϧ 2. Enlever de l’autorité, mettre en question : Voulez-vous affirmer que celui qui a
chanté la gloire était, par cela même, inapte
à célébrer l’amour ? Vous infirmez ainsi le
sens universel du mot poésie (Baudelaire).
Malheureusement il ne me parlait pas de
stratégie comme dans ses conversations de
Doncières et ne me disait pas dans quelle
mesure il estimait que la guerre confirmait
ou infirmait les principes qu’il m’avait
alors exposés (Proust). Ϧ 3. Annuler une
décision rendue par une juridiction inférieure : Infirmer un arrêt, un jugement,
une sentence.
• SYN. : 2 démentir, détruire, ruiner ; 3 casser. — CONTR. : 2 appuyer, confirmer, consacrer, corroborer, ratifier ; 3 entériner.
infirmerie [ɛ̃firməri] n. f. (de infirmier
[v. ce mot] ; v. 1260, Adam de la Halle, écrit
enfremerie [enfermerie, XIIIe s., Littré ; infirmerie, 1606, Crespin], au sens 1 ; sens 2,
1829, Boiste). 1. Partie d’un établissement
destinée aux malades et où l’on peut donner certains soins : L’infirmerie d’un couvent, d’un collège, d’une caserne. Il se faisait
admettre par ses grimaces à l’infirmerie,
où il se pelotonnait sous ses couvertures
(France). Ϧ 2. Plaisamm. Endroit où il y a
beaucoup de malades : Avec cette grippe,
ma maison est une infirmerie !
infirmier, ère [ɛ̃firmje, -ɛr] n. (de
infirme [v. ce mot] ; 1288, Dict. général,
écrit enfermier ; infirmier, 1398, Runkewitz
[infirmier-major, 1873, Larousse ; infirmière-major, 1931, Larousse]). Auxiliaire
médical diplômé, qui donne habituellement les soins prescrits ou conseillés
par un médecin : Infirmier militaire. Les
infirmières d’un hôpital. Prendre une
infirmière à domicile. Elle [...] s’agenouilla
devant l’homme évanoui, puis, de son bras
qu’entourait le brassard blanc des infirmières, elle souleva la tête de Jean (France).
ϦInfirmier-major, sous-officier infirmier
qui a, dans un hôpital militaire, le service
d’une division de malades. Ϧ Infirmièremajor, personne qui dirige toutes les infirmières d’un hôpital, d’une clinique, d’un
service.
infirmité [ɛ̃firmite] n. f. (réfection,
d’après le lat., de l’anc. franç. enfermeté,
faiblesse physique ou morale [v. 1050, Vie
de saint Alexis], lat. infirmitas, faiblesse de
corps, maladie, faiblesse de caractère, de
infirmus [v. INFIRME] ; fin du XIVe s., au sens
1 ; sens 2, 1664, Molière). 1. Class. et littér.
Faiblesse physique ou morale : Si quelque
chose pouvait élever les hommes au-dessus
de leur infirmité naturelle (Bossuet). On
pense tout excuser maintenant lorsqu’on
s’est écrié : « Que voulez-vous ? c’était
ma nature, c’était l’infirmité humaine »
(Chateaubriand). Elles ne gouvernent plus
le monde, elles sont appareillées à l’infirmité de nos esprits ; on ne peut se reposer
sur leur simplicité (Valéry). Ϧ 2. Affection
qui atteint une partie de l’organisme en la
mettant dans l’incapacité de remplir normalement ses fonctions : C’était un aimable
et heureux petit vieillard sec, robuste et
enjoué. Il a eu une longévité extraordinaire, sans infirmités (Sand). La vieillesse
ne vient pas sans un long cortège de douleurs
et d’infirmités (France). Elle était [...] mal
foutue jusqu’à l’infirmité, mais point laide
(Queneau).
• SYN. : 2 difformité, incommodité.
infixe [ɛ̃fiks] n. m. (lat. infixus, part. passé
de infigere, ficher dans, enfoncer, de in-,
préf. marquant le mouvement vers, et de
figere, ficher, planter, fixer ; 1877, Littré).
En linguistique, élément qui s’insère à
l’intérieur d’un mot ou d’une racine : La
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racine « -jug- » a donné en latin, avec un
infixe nasal, le verbe « jungo ». Les préfixes,
les infixes et les suffixes sont classés sous le
terme général d’« affixes ».
inflammabilité [ɛ̃flamabilite] n. f. (dér.
savant de inflammable ; 1641, Godefroy,
au sens 1 ; sens 2, 1829, Boiste). 1. Qualité
de ce qui est susceptible de s’enflammer
facilement : L’inflammabilité d’un gaz, d’un
liquide. Ϧ2. Fig. Tendance particulière aux
passions ardentes : Si nous voulons que le
célibat respecte le mariage, il faut aussi
que les gens mariés aient des égards pour
l’inflammabilité des garçons (Balzac). Je
croyais pieusement à l’inflammabilité des
dames allemandes, espagnoles et italiennes
à la seule vue d’un Français (Mérimée).
inflammable [ɛ̃flamabl] adj. (dér. savant
du lat. inflammare, allumer, incendier,
irriter [en médecine], exciter, de in-, préf.
marquant l’aboutissement d’une action,
et de flammare, enflammer, exciter, dér.
de flamma, flamme, feu [au pr. et au fig.] ;
fin du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1787,
Féraud). 1. Qui s’enflamme facilement
et brûle rapidement : L’hydrogène est un
gaz inflammable. Au thym brûlant et aux
résines inflammables des pinèdes, la fermentation de la vie solaire avait donné une
activité odorante (Bosco). Ϧ 2. Fig. Qui se
prend facilement de colère ou de passion :
Tempérament inflammable. La rapidité
singulière avec laquelle fut arrangée cette
émeute prouve [...] l’état inflammable où
le peuple se trouvait (Michelet). Diable !
mon cher, comme tu y vas... Je suis donc
bien irrésistible ou Mlle Pierotte bien inflammable (Daudet).
• SYN. : 1 combustible ; 2 bouillant, explosif,
fougueux, impétueux, volcanique.
inflammateur [ɛ̃flamatoer] n. m. (de
inflammat[ion] ; 11 déc. 1874, Journ. officiel [p. 8198], au sens de « substance ou
engin destinés à produire l’inflammation » ; sens 1-2, 1902, Larousse). 1. Nom
donné parfois au détonateur d’une torpille.
Ϧ 2. Inflammateur électrique, artifice qui
sert à la mise à feu des détonateurs sous
l’influence d’un courant électrique.
inflammation [ɛ̃flamasjɔ̃] n. f. (lat.
inflammatio, action d’enflammer, incendie,
inflammation [en médecine], excitation,
de inflammatum, supin de inflammare
[v. INFLAMMABLE] ; v. 1355, Bersuire, puis
1656, Molière, au sens 3 ; sens 1, 1552,
Paradin [« incendie », av. 1525, J. Lemaire
de Belges] ; sens 2, XVe s.). 1. Action par
laquelle quelque chose s’enflamme et
brûle : L’inflammation instantanée de la
poudre. Provoquer, causer l’inflammation
d’une nappe d’essence. Ϧ 2. En médecine,
ensemble des signes et symptômes (rougeur locale, chaleur, douleur, gonflement, etc.) consécutifs à une infection :
Inflammation cutanée due à une brûlure.
Inflammation des gencives, des glandes salivaires. Ϧ Spécialem. Processus réactionnel
de l’organisme à la suite d’une agression
traumatique, chimique ou microbienne de
l’organisme : Félicité tomba malade, son
sang s’était échauffé, la poitrine paraissait menacée d’inflammation (Balzac).
Ϧ 3. Class. et fig. Irritation vive et brusque :
Mais qui cause, seigneur, votre inflammation ? (Molière).
inflammatoire [ɛ̃flamatwar] adj. (de
inflammat[ion] ; v. 1560, Paré, au sens 2 ;
sens 1, 1802, Flick). 1. Qui tient de l’inflammation : Des noms hybrides, mi-grecs,
mi-latins, avec des désinences en « -ite »
indiquant l’état inflammatoire (France).
Tumeur inflammatoire. Symptômes
inflammatoires. Ϧ2. Qui s’accompagne
d’une inflammation : Maladie, congestion
inflammatoire.
inflation [ɛ̃flasjɔ̃] n. f. (lat. inflatio, dilatation de l’eau en ébullition, gonflement
de l’estomac, inflammation, de inflatum,
supin de inflare, souffler dans, gonfler,
inspirer, exalter, de in-, préf. marquant
le mouvement vers, et de flare, souffler,
exhaler ; XVe s., É. Roy, au sens de « gonflement » ; sens 1, 1549, R. Estienne ; sens
2, 1919, Truchy [aussi inflation monétaire] ;
sens 3, 1925, A. Gide). 1. Vx. Action d’enfler
ou de s’enfler : L’enflure est le résultat de
l’inflation (Littré). Ϧ 2. Auj. Déséquilibre
économique caractérisé par une hausse
générale des prix, et que les économistes
attribuent soit à l’accroissement de la circulation monétaire, soit au déficit budgétaire, ou au mauvais ajustement de l’offre
et de la demande : Les cours des actions
maintenus par l’inflation depuis la stabilisation du franc (Malraux). Ϧ Inflation
monétaire, accroissement excessif des billets de banque. Ϧ 3. Tout accroissement,
tout développement excessif : L’inflation de
la publicité a fait tomber à rien la puissance
des adjectifs les plus forts (Valéry).
inflationniste [ɛ̃flasjɔnist] adj. (de inflation ; 1923, Y. Guyot). Relatif à l’inflation ;
qui mène à l’inflation : Une poussée, le danger inflationniste.
• CONTR. : 1 déflationniste.
& adj. et n. (1926, Ch. Gide). Partisan de
l’inflation : Un économiste inflationniste.
Les inflationnistes considèrent qu’une légère
inflation assure le plein-emploi et l’expansion économique continue.
infléchi, e [ɛ̃fleʃi] adj. (part. passé de
infléchir ; 1738, Mémoires de l’Acad. des
sciences [p. 58], au sens de « [rayon] courbé
de manière à faire un coude » ; sens 1, 1803,
Boiste ; sens 2, 1893, Dict. général ; sens
3, 1931, Larousse). 1. Se dit, en botanique,
d’une partie de la plante qui est courbée
de dehors en dedans, du côté du centre ou
de l’axe : Étamines infléchies. Feuilles infléchies. Rameau infléchi. Ϧ2. Arc infléchi,
en architecture, arc formé de deux talons
tangents par leurs sommets. Ϧ 3. Se dit,
en linguistique, d’une voyelle qui a subi
la métaphonie : L’« o » infléchi, ou « ö » [ø].
infléchir [ɛ̃fleʃir] v. tr. (de inflexion,
d’après le couple fléchir/flexion ; 1808,
Laplace, au sens 1 [au part. passé dès 1738,
v. l’art. précéd.] ; sens 2, début du XXe s.).
1. Plier de manière à former une courbe
plus ou moins accentuée : L’atmosphère
infléchit les rayons lumineux. Ϧ2. Fig.
Changer l’évolution de quelque chose, en
modifiant progressivement une ligne de
conduite : Infléchir une politique. Au déclin,
nous avons peine à croire que notre destinée
ait pu être infléchie par un livre (Mauriac).
Il [Gandhi] a semblé invulnérable parce
qu’il se cachait pour faiblir comme les
animaux pour mourir, et que sa faiblesse
n’infléchissait jamais son action publique
(Malraux).
• SYN. : 1 courber, fléchir, plier, ployer.
& s’infléchir v. pr. (sens 1, v. 1770, Voltaire ;
sens 2, 1935, A. Carrel). 1. Prendre une
nouvelle direction de manière à former
avec l’ancienne une courbe plus ou moins
accentuée : La route s’infléchit à cet endroit.
Ϧ 2. Fig. Subir une modification progressive de son évolution, de sa ligne générale :
La politique gouvernementale s’est infléchie
dans le sens d’un plus grand libéralisme
économique.
• SYN. : 1 se courber, s’incurver, ployer.
infléchissable [ɛ̃fleʃisabl] adj. (de in- et
de fléchir ; 1611, Cotgrave). Qu’on ne peut
fléchir (au pr. et au fig.) : Un même et infléchissable jaillissement de toutes les forces
de ma vie (Proust).
infléchissement [ɛ̃fleʃismɑ̃] n. m.
(de infléchir ; 25 juill. 1965, le Monde).
Modification peu accusée d’un processus
évolutif ou d’une orientation générale : On
a noté un infléchissement de la tendance à
la hausse des prix. Les votes du congrès ont
marqué un infléchissement des positions
du parti.
inflexibilité [ɛ̃flɛksibilite] n. f. (dér.
savant de inflexible ; 1611, Artus Thomas,
au sens 1 [var. inflectibilité, 1314, Mondeville ; « caractère de ce qui ne fléchit pas
sous l’effet de certains efforts donnés »,
1873, Larousse] ; sens 2, 1718, Acad.).
1. Caractère de ce qui est matériellement
inflexible : L’inflexibilité absolue n’existe
dans aucun corps. Ϧ Caractère de ce
qui ne fléchit pas sous l’effet de certains
efforts donnés : L’inflexibilité d’une barre
de fer, d’un essieu. Ϧ 2. Fig. Qualité d’une
personne qui ne se laisse pas fléchir, qui
ne cède à aucune pression ou influence :
L’inflexibilité d’un juge. J’aime mieux avoir
à me reprocher mon indulgence qu’une
inflexibilité dont tu ne profiterais pas, et
dont les suites seraient peut-être encore plus
tristes (Marivaux). L’inflexibilité, l’implacabilité de son caractère (F. Fabre).
• SYN. : 1 rigidité ; 2 implacabilité, inclémence, inexorabilité, rigueur, sévérité.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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inflexible [ɛ̃flɛksibl] adj. (lat. inflexibilis, raide, inflexible [au pr. et au fig.], de
in-, préf. à valeur négative, et de flexibilis, flexible, souple, de flexum, supin de
flectere, courber, ployer, émouvoir ; 1314,
Mondeville, au sens 1 ; sens 2, début du
XVIe s. ; sens 3, 1601, P. Charron [pour des
conceptions dénuées d’indulgence, de compréhension ou de souplesse, 1742, Voltaire] ;
sens 4, av. 1842, Stendhal). 1. Qui n’est pas
flexible, qu’on ne peut courber, plier (rare) :
Une poutre métallique inflexible. Sous l’inflexible joug qu’un cuir noue à leurs cornes,
| Les boeufs à l’oeil sanglant vont stupides
et mornes (Samain). Ϧ2. Fig. Se dit d’une
personne que rien ne peut fléchir, vaincre
ou émouvoir, qui demeure inébranlable
dans ses résolutions ou ses sentiments : Je
pardonne aux faibles et ne suis inflexible
que pour les méchants (Voltaire). Et si plus
tard vous devenez leur maîtresse inflexible
[de vos passions], leur force sera votre force
et leur grandeur votre beauté (France).
Alors, il nous dit qu’en tous cas on saurait
la vérité, car l’affaire allait être entre les
mains de Saussier, et que celui-là, soldat
républicain [...], était un homme de bronze,
une conscience inflexible (Proust). Ϧ 3. Fig.
Se dit du comportement, des dispositions
d’une personne que rien ne peut fléchir : Je
suis convaincu [...] qu’une volonté inflexible
surmonte tout (Chateaubriand). La raison,
annexée par ce romantisme, n’est plus
qu’une passion inflexible (Camus). ϦPar
extens. Se dit de conceptions dénuées
d’indulgence, de compréhension ou de
souplesse : Discipline, morale inflexible.
Loi inflexible. Logique, système inflexible.
Ϧ4. Littér. Qui marque l’inflexibilité du
caractère : Elle était sèche et dévote, et avait
comme l’abbé une de ces figures inflexibles
qui ne rient jamais (Stendhal).
• SYN. : 1 rigide ; 2 impitoyable, implacable, inébranlable, inexorable, intraitable,
intransigeant, irréductible ; 3 draconien,
inhumain, sévère, strict ; 4 dur, impassible,
impénétrable, imperturbable, insensible. —
CONTR. : 1 élastique, flexible, souple ; 2 bon,
clément, compréhensif, exorable, indulgent,
influençable, malléable ; 3 capricieux, changeant ; élastique, humain, large.
inflexiblement [ɛ̃flɛksibləmɑ̃] adv. (de
inflexible ; fin du XVe s., Godefroy). De
façon inflexible : Exécuter inflexiblement
les consignes.
inflexion [ɛ̃flɛksjɔ̃] n. f. (lat. inflexio,
action de plier [et, dans la langue grammat. de basse époque, « inflexion »], de
inflexum, supin de inflectere, plier, infléchir, de in-, préf. marquant l’aboutissement
d’une action, et de flectere, courber, ployer,
émouvoir ; v. 1380, Conty, au sens I, 1 ; sens
I, 2, 1738, Voltaire [en mathématiques,
1962, Larousse ; point d’inflexion, 1765,
Encyclopédie] ; sens I, 3, milieu du XXe s. ;
sens II, 1, 1636, Monet ; sens II, 2, 1893,
Dict. général ; sens II, 3, av. 1945, P. Valéry).
I. 1. Action d’infléchir, de plier, ou le fait
de s’infléchir, de se courber ; mouvement
ainsi déterminé : Une légère inflexion du
corps, de la tête. Ses gros sourcils noirs se
rapprochèrent légèrement [...]. Cette inflexion caractéristique équivalait au plus
gai sourire (Balzac). Ϧ 2. Manière dont
quelque chose est infléchi ; changement
de direction : L’inflexion brusque de la
route. L’inflexion de la Marne entre les
bosquets (Giraudoux). Ϧ Spécialem. En
mathématiques, changement de sens de
la courbure d’une courbe plane. Ϧ Point
d’inflexion, point d’une courbe plane où
cette courbe traverse sa tangente. Ϧ 3. Fig.
Changement d’orientation : L’inflexion
d’une orientation politique.
II. 1. Changement d’intonation ou
d’accent dans la voix, sur un mot ou sur
une phrase : Et ses inflexions, vibrantes
de douceur, | Me font rêver souvent à la
voix de ma soeur (Lamartine). La voix
de Ménestrel arrivait jusqu’à lui, sèche,
coupante, avec une inflexion sarcastique
à la fin des phrases (Martin du Gard). Sa
voix se calmait brusquement, devenait
tendre, onctueuse, extatique, nuancée
d’inflexions, de caresses (Carco). Sa voix
avait des inflexions si persuasives que par
moments je me sentais dominé par lui
(Lacretelle). Ϧ2.En linguistique, changement de timbre d’une voyelle sous l’influence d’un phonème voisin. (Ex. :l’angl.
foot a donné le plur. feet sous l’influence
d’un ancien i final [foti].) Ϧ3. Fig. Changement de nuance dans la pensée, le
style : Racine savait-il lui-même où il prenait cette voix inimitable, ce dessin délicat
de l’inflexion, ce mode transparent de discourir qui le font Racine, et sans lesquels il
se réduit à ce personnage peu considérable
duquel les biographies nous apprennent
un assez grand nombre de choses qu’il
avait de communes avec dix mille autres
Français ? (Valéry).
•SYN. : I, 1 fléchissement, inclination ; 2 courbe, courbure, déviation,
lacet, méandre, sinuosité, zigzag.
Ϧ II, 1 modulation.
inflexionnel, elle [ɛ̃flɛksjɔnɛl] adj.
(de inflexion ; 1962, Larousse [aussi tangente inflexionnelle]). Relatif à l’inflexion.
Ϧ Tangente inflexionnelle, tangente à une
courbe en un point d’inflexion.
infliction
inflictio,
inflictum,
[v. l’art.
d’infliger
[ɛ̃fliksjɔ̃] n. f. (bas lat. jurid.
action d’infliger une peine, de
supin du lat. class. infligere
suiv.] ; 1486, Godefroy). Vx. Action
une peine.
infliger [ɛ̃fliʒe] v. tr. (lat. infligere, heurter
contre, infliger [quelque chose] à quelqu’un,
de in-, préf. marquant le mouvement vers,
et du v. archaïque fligere, heurter, frapper ;
1488, Mer des histoires, au sens 1 ; sens
2, 1904, P. Bourget [infliger un démenti
à quelqu’un, 1913, Proust]). [Conj. 1 b.]
1. Appliquer, faire supporter une peine
matérielle ou morale, une sanction à
quelqu’un : Infliger un châtiment. Infliger
une punition à un élève, un blâme à un fonctionnaire. Si vous n’observez pas mieux le
silence, je vous infligerai une retenue générale (France). Ϧ 2. Imposer à quelqu’un une
obligation équivalant à une peine : Infliger
une lecture pénible, une présence insupportable. Avec une joie qu’il ne prenait pas
la peine de dissimuler, il lui infligeait les
détails les plus immondes (Aymé). Ϧ Infliger
un démenti à quelqu’un, démentir formellement ses allégations.
• SYN. : 1 administrer, donner, imposer.
& s’infliger v. pr. (1829, Boiste). S’imposer
à soi-même une chose pénible : S’infliger
un travail fastidieux, des privations, des
sacrifices.
inflorescence [ɛ̃flɔrɛsɑ̃s] n. f. (dér.,
inflorescence [ɛ̃flɔrɛsɑ̃s] n. f. (dér.,
sur le modèle de efflorescence, du bas lat.
inflorescere, se couvrir de fleurs, du lat.
class. in-, préf. marquant l’aboutissement
d’une action, et florescere, entrer en fleur,
dér. de florere, fleurir, être en fleur ; 1789,
Lamarck, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré).
1. Mode de groupement des fleurs sur une
plante : Inflorescence simple, composée. Les
principaux types d’inflorescences sont la
grappe, l’épi, l’ombelle, le capitule, la cyme.
Ϧ 2. Ensemble de fleurs ainsi groupées.
influençable [ɛ̃flyɑ̃sabl] adj. (de influencer ; 1836, Balzac). Se dit d’une personne
qui peut être influencée facilement dans
ses pensées, ses sentiments, ses résolutions :
Un enfant, un caractère influençable. Ces
sortes de gens sont influençables par la
vocifération comme les palais grossiers sont
excités par les liqueurs fortes (Balzac). Et
quand il m’entendit parler de lui comme
d’une nature aisément influençable, j’ai
senti dans tout son corps un sursaut de protestation (Gide). Mais l’esprit est influençable comme la plante, comme la cellule,
comme les éléments chimiques, et le milieu
qui le modifie, si on l’y plonge, ce sont les
circonstances, un cadre nouveau (Proust).
• SYN. : docile, malléable, maniable.
influence [ɛ̃flyɑ̃s] n. f. (lat. médiév.
influentia, action attribuée aux astres sur
la destinée humaine, du lat. class. influere
[v. INFLUER] ; v. 1240, Épître de saint Jérôme,
au sens 1 [« action secrète, mystérieuse », av.
1869, Lamartine] ; sens 2, 1838, Acad. [électrisation par influence, 1873, Larousse] ;
sens 3, milieu du XVe s., Évangiles des quenouilles [facteur d’influence, délire d’influence, 1962, Larousse] ; sens 4, XIVe s. ;
sens 5, 1770, Raynal ; sens 6, 1780, Gohin
[lutte d’influences, 1957, Robert ; le/la faire
à l’influence, 1901, Esnault] ; sens 7, 1924,
Bainville). 1. Class. Fluide qui était censé
émaner « du corps des astres » et auquel
on attribuait une action sur la destinée des
hommes et sur les choses ; l’action qui était
ainsi exercée : Sire, ajoutez du ciel l’occulte
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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providence : | Sur deux amants il verse une
même influence (Corneille). S’il [le poète]
ne sent point du ciel l’influence secrète
[...], | Dans son génie étroit il est toujours
captif (Boileau). Ϧ Littér. Action secrète,
mystérieuse : Dis-moi, repris-je, ami, par
quelles influences | Mon âme au même instant pensait ce que tu penses (Lamartine).
Ϧ2. En physique, effet produit à distance.
ϦÉlectrisation par influence, charge électrique prise par un conducteur placé au
voisinage d’un autre conducteur électrisé. Ϧ 3. Action, généralement lente et
continue, qu’une chose, un agent physique exerce sur un être ou sur une chose :
Influence de la chaleur, de l’humidité sur
la végétation. Influence du climat sur la
santé. Influence de l’alcool sur le caractère.
Les influences de la pollution sur le milieu
biologique. J’aimais surtout à essayer sur
Madeleine l’effet de certaines influences,
plutôt physiques que morales, auxquelles
j’étais moi-même si continuellement assujetti (Fromentin). Longtemps j’ai promené
mes souvenirs, pareils | Aux tragiques douleurs des Saphos et des Phèdres. | Mais l’azur
clair, les bois profonds, les blondes nuits | En
moi n’ont point versé leurs influences calmes
(Coppée). Ϧ Facteur d’influence, en cybernétique, facteur mesurant les répercussions
sur une certaine grandeur réglée des
variations d’une grandeur perturbatrice.
Ϧ Délire d’influence, trouble mental dans
lequel le malade a la conviction d’être sous
l’emprise d’une force étrangère qui décide
de ses pensées et de ses actes. Ϧ 4. Action
à long terme qu’une personne exerce sur
les êtres ou sur les choses : L’influence de
l’homme sur la nature s’étend loin au-delà
de ce qu’on imagine (Buffon). Influence de
l’homme sur le milieu, sur l’environnement.
Ϧ5. Action qu’une personne exerce, volontairement ou non, sur les pensées ou sur
la volonté d’autrui : Subir l’influence d’un
professeur. Avoir une bonne, une mauvaise
influence sur un enfant. Influence intellectuelle, morale. Un peintre dont l’oeuvre est
marquée par l’influence des impressionnistes. Quand un ouvrage, ou toute une
oeuvre, agit sur quelqu’un, non par toutes
ses qualités, mais par certaine ou certaines
d’entre elles, c’est alors que l’influence prend
ses valeurs les plus remarquables (Valéry).
Il n’est pas un écrivain digne de ce nom
qui ne souhaite d’exercer une influence
(Duhamel). Ϧ6. Autorité, prestige, crédit dont on jouit dans la société ou dans
un domaine donné : Accroître, perdre son
influence. Avoir de l’influence dans les
milieux politiques, financiers. Un parti,
un journal dont l’influence grandit parmi
les intellectuels. La force d’ascension qui
porta invinciblement la société jacobine
à toutes les places effaça en un moment
l’influence girondine (Michelet). Ϧ Lutte
d’influences, lutte dans laquelle chacun
essaie de gagner grâce à son influence, à
son crédit. ϦTrafic d’influence, v. TRAFIC.
ϦFam. Le (ou la) faire à l’influence, tenter
d’obtenir quelque chose par intimidation,
en vertu de la position que l’on occupe :
N’essaye pas de me le faire à l’influence
(Dorgelès). Ϧ7. Autorité politique ou
intellectuelle acquise par un pays, une
civilisation, un mouvement d’idées, à
une époque donnée, dans une partie du
monde : L’influence française en Afrique.
L’influence de la Grèce ancienne dans le
bassin de la Méditerranée. L’influence des
idées révolutionnaires en Europe dans la
première moitié du XIXe s.
• SYN. : 3 effet, impulsion, incidence, répercussion ; 4 empreinte ; 5 ascendant, coupe,
empire, emprise, fascination ; 6 importance,
poids, pouvoir, prépondérance, puissance ;
7 hégémonie, rayonnement.
influencer [ɛ̃flyɑ̃se] v. tr. (de influence ;
1771, Delolme [p. 207], au sens 1 ; sens 2,
1902, Larousse [« électriser par influence »,
1962, Larousse]). [Conj. 1 a.] 1. Exercer une
action psychologique, un ascendant sur
quelqu’un : Être influencé par une propagande. Vous pouvez être tranquille : je serai
très ferme et ne me laisserai pas influencer.
Influencer la volonté, les sentiments, les opinions de quelqu’un. Ϧ 2. Avoir une action
physique sur : La Lune influence les marées.
Ϧ Spécialem. Électriser par influence.
• SYN. : 1 déteindre sur (fam.), entraîner,
infléchir, marquer, mener, peser sur ; 2 agir,
influer.
influent, e [ɛ̃flyɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de influer ;
1503, Vaganay, au sens de « qui a de l’influence [en parlant d’une cause] » ; sens
actuel, 1791, Malouet [le mot ne semble pas
être attesté entre le début du XVIe s. et la fin
du XVIIIe s.]). Se dit d’une personne qui a
beaucoup d’influence, d’autorité, de prestige : Je serais allée vous demander, Évariste,
de faire auprès de vos amis influents des
démarches en sa faveur (France). Considère
combien l’appui d’un député influent peut
te servir (Lacretelle).
• SYN. : important, puissant.
influenza [ɛ̃flyɑ̃za] n. f. (mot angl.
signif. « grippe, catarrhe épidémique »
[milieu du XVIIIe s.], lui-même empr. de
l’ital. influenza, même sens, proprem.
« influence », d’où « écoulement d’un
fluide », puis « épidémie », lat. médiév.
influentia [v. INFLUENCE] ; 1782, Ritter, les
Quatre Dictionnaires). Nom donné jadis à
la grippe épidémique.
influer [ɛ̃flye] v. tr. (lat. influere, couler
dans, affluer [et, dans la langue des astrologues du Moyen Âge, « faire pénétrer par une
influence astrale »], de in-, préf. marquant
le mouvement vers, et de fluere, couler,
s’écouler ; XIVe s., Nature à l’alchimie, au
sens 1 ; sens 2, fin du XIVe s., Chr. de Pisan).
1. Class. En parlant des astres, faire couler
dans, répandre sur, en vertu de l’influence
qu’on leur attribuait sur les hommes et
sur les choses : Les astres influent diverses
qualités sur les corps [sublunaires] (Acad.,
1694). Je naquis sous un astre influant la
valeur (Tr. L’Hermite). Ϧ 2. Class. Faire
pénétrer, insinuer, ou faire naître, inspirer
(une chose immatérielle ou morale) : Car
nos membres ne sentent point le bonheur de
leur union, de leur admirable intelligence,
du soin que la nature a d’y influer les esprits
et de les faire croître et durer (Pascal). Dieu
est lui-même, par son essence, le bien essentiel qui influe le bien dans tout ce qu’il fait
(Bossuet). Son allure, ses yeux, sa taille et
son aspect | Influaient dans le sein l’amour
et le respect (Saint-Amant).
& v. intr. (1536, G. Chrestien). Class. (déjà
vx au XVIIe s.). Pénétrer : [Le] libre arbitre,
dont les conséquences influent si avant dans
les matières de la justification et de la grâce
(Bossuet).
& v. tr. ind. (1377, Oresme). Influer sur
quelqu’un ou sur quelque chose, exercer sur
une personne ou sur une chose une action
susceptible de modifier son comportement,
son état ou son évolution : L’éducation
influe sur toute la vie. Son mauvais état
de santé a beaucoup influé sur son caractère. Les climats influent plus ou moins
sur le goût des peuples (Chateaubriand).
Ma belle-soeur est une personne agréable
qui s’imagine être encore au temps des
romans de Balzac, où les femmes influaient
sur la politique (Proust). À leur insu, ces
réflexions venimeuses qu’ils échangeaient
à toute occasion allaient influer sur le cours
de leurs vies respectives (Aymé).
• SYN. : agir, déteindre, influencer, peser.
influx [ɛ̃fly] n. m. (bas lat. influxus,
influx [ɛ̃fly] n. m. (bas lat. influxus,
influence, de influxum, supin du lat. class.
influere [v. INFLUER] ; 1547, Godefroy, au
sens de « influence des astres » ; sens 1,
1854, M. B. Jullien [en spiritisme, 1902,
Larousse] ; sens 2, 1839, Acad.). 1. Sorte
de flux, de fluide agissant sur les êtres et
sur les choses : D’après Leibniz, l’ordre
dans la création dépend d’un influx divin
(Proudhon). Lui aussi traite, comme sainte
Thérèse [...], des noces spirituelles, de l’influx de la grâce et des dons (Huysmans).
Ϧ En spiritisme, réaction produite par
l’esprit sur le fluide vital. Ϧ 2. Influx nerveux, ensemble des phénomènes, de nature
électrique, par lesquels l’excitation d’une
fibre nerveuse se propage dans le nerf :
Influx centrifuge, centripète.
in-folio [infɔljo] adj. invar. (loc. du lat.
moderne signif. proprem. « en feuille »,
du lat. class. in, en, dans, et folio, ablatif
de folium, feuille, feuille de papier ; milieu
du XVIe s.). Se dit du format d’un livre où
chaque feuille d’impression, pliée en deux,
forme 2 feuillets, soit 4 pages : Format,
édition in-folio. Ce catalogue forme deux
volumes in-folio, qu’il plaça dans sa galerie
(France).
& n. m. invar. (1688, Miege [pour un livre ;
pour le format, 1835, Acad.]). Format,
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2626
volume in-folio : De chaque côté de l’armoire, des rayons bas supportaient de lourds
in-folio (Gide).
infondé, e [ɛ̃fɔ̃de] adj. (de in- et de fondé ;
1914, Lyautey). Qui est dénué de fondement : Des craintes infondées. Une supposition qui n’est pas absolument infondée.
informateur, trice [ɛ̃fɔrmatoer, -tris] n.
(dér. savant de informer ; v. 1354, Modus, au
sens de « rapporteur » ; v. 1360, Froissart,
au sens de « juge d’instruction » ; sens
1, 1838, Acad., au masc. et au fém. [var.
informeur, av. 1797, Beaumarchais] ; sens
2, 1962, Larousse). 1. Personne qui donne
des informations ou qui en recueille : Un
informateur bien renseigné, digne de foi. Il
recommanda au préfet de police de surveiller l’affaire de près [...] et de s’en tenir au
rôle d’informateur (France). Ϧ2. Spécialem.
Personne qui renseigne la police sur les
agissements des malfaiteurs. (En ce sens,
on dit aussi INDICATEUR.)
informaticien, enne [ɛ̃fɔrmatisjɛ̃, -ɛn]
n. et adj. (de informatique ; 9 févr. 1966,
le Monde ; « personne dont le métier est
d’étudier... des machines informatiques »
et ingénieur informaticien, 1968, Larousse).
Personne qui s’occupe d’informatique.
ϦSpécialem. Personne dont le métier est
d’étudier, de construire, de programmer,
de réparer des machines informatiques.
ϦIngénieur informaticien, ingénieur
spécialiste de l’informatique et de ses
applications.
informatif, ive [ɛ̃fɔrmatif, -iv] adj. (dér.
savant de informer ; 1522, Corbichon, dans
la loc. vertu informative, principe vital qui
organise la vie et donne forme à la matière ;
1803, Boiste, au sens de « qui sert à représenter, à former » ; sens actuel, 1970, Robert).
Qui informe, vise à informer : Publicité
informative.
information [ɛ̃fɔrmasjɔ̃] n. f. (de informer [et non du lat. informatio, -tionis — de
informatum, supin de informare, v. INFORMER —, qui signifiait « dessin, esquisse,
conception, explication d’un mot par l’étymologie »] ; 1274, Godefroy, au sens I ; sens
II, 1, 1867, Littré [« enquête non judiciaire »,
début du XIVe s.] ; sens II, 2, XIIIe s., Miroir
des dames ; sens II, 3, 1657, Pascal [rare av. le
début du XXe s.] ; sens II, 4, 1931, Larousse ;
sens II, 5, 1902, Larousse [émission, bulletin
d’informations, les informations, v. 1935 ;
journal d’informations, 1931, Larousse ;
service des informations, 1902, Larousse] ;
sens II, 6, v. 1960 ; sens II, 7, 18 déc. 1966,
la Vie du rail [information codée, 1968,
Larousse] ; sens II, 8, 1957, Robert).
I. En termes de droit, instruction judiciaire, diligentée par le juge d’instruction
ou par les officiers de police judiciaire
agissant sur commissions rogatoires, en
vue d’établir la preuve d’une infraction
et d’en découvrir les auteurs : Ouvrir une
information contre X. Demander un supplément d’information.
II. 1. Action de s’informer, de recueillir
des renseignements dans un domaine
donné : Mission d’information. Accomplir un voyage d’information en Amérique latine. Ϧ2.Renseignement que
l’on obtient sur quelqu’un ou sur quelque
chose (surtout au plur.) : Prendre ses
informations à bonne source. Manquer
d’informations sur les causes d’un accident. Une information qui demande à être
contrôlée. Ϧ3.Spécialem. Documentation, ensemble de connaissances réunies
par quelqu’un sur un sujet donné (au
sing. collectif) : Je n’ai ni le temps ni la
puissance de définir l’état intellectuel de
l’Europe en 1914. Et qui oserait tracer un
tableau de cet état ? Le sujet est immense.
Il demande des connaissances de tous
ordres et une information infinie (Valéry). Ϧ 4. Action d’informer, de mettre
au courant le public, l’opinion, de tous
les événements qui peuvent présenter un
intérêt pour eux : Agence d’information.
Ministère de l’Information. Liberté de
l’information. Ϧ 5. Renseignement, indication, nouvelle communiqués par un
des moyens d’information (presse, radio,
télévision) : Des informations dignes de
foi. Une information de dernière heure.
Informations politiques. Informations
météorologiques. ϦÉmission, bulletin
d’informations, ou, ellipt., les informations, émission de radio ou de télévision
donnant des nouvelles : Écouter, prendre
les informations. Zut ! 7 h 40, j’ai raté
les informations (D. Amiel). Ϧ Journal
d’informations, journal visant à donner
les plus récentes nouvelles d’une manière objective, sans les accompagner de
commentaires politiques. Ϧ Service des
informations, dans un journal, service
des reportages ; personnel employé à ce
service. Ϧ 6. En linguistique, séquence
de signaux correspondant à des règles de
combinaison précises, transmise entre
un émetteur et un récepteur par l’intermédiaire d’un moyen servant de support
physique à la transmission des signaux.
Ϧ 7. En informatique, écrit, fait, notion
ou instruction dont la totalité ou certains
aspects ou éléments sont susceptibles
d’être traités par des moyens automatiques. Ϧ Information codée, information
représentée sous une forme physique exploitable par des moyens automatiques.
Ϧ 8. En cybernétique, facteur qualitatif
désignant la position d’un système, et
éventuellement transmis par ce système
à un autre.
• SYN. I enquête. ϦII, 1 étude, investigation, recherche ; 2 indication, nouvelle,
précision, tuyau (pop.) ; 5 communiqué,
flash (fam.).
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
L’INFORMATION
DÉFINITION
Si l’on fait tirer une carte à une personne
et si, à la question Qu’avez-vous tiré ?, elle
répond :
Une carte,
cette réponse n’apporte aucune information. Au contraire, on est informé dans
une certaine mesure si la réponse est :
Une carte rouge.
Deux possibilités existaient : la carte pouvait être rouge ou noire ; 16 cartes sur 32
sont éliminées de ce fait. L’information
est plus précise si la réponse est :
Une carte de coeur,
car il existait quatre possibilités : pique,
coeur, carreau, trèfle, 24 cartes sont
éliminées.
C’est un fait connu — et regrettable !
— que, dans une partie de cartes à quatre,
deux partenaires conviennent souvent
d’un code secret pour se renseigner sur
leurs jeux. S’ils disposent d’un signal,
simple ou complexe, pour dire : « J’ai
l’as de pique » ou « J’ai le sept de coeur »,
chacun de ces signes donne une information égale, car il permet le choix entre
32 possibilités, et cette information est
plus précise que s’ils disaient : « J’ai une
carte noire » ou « J’ai une carte rouge ».
Il est probable que la possession d’un as
a beaucoup plus d’importance que celle
d’un sept (à moins qu’il ne s’agisse d’un
sept d’atout), mais ces éléments de valeur
échappent à la mesure et n’ont pas à être
pris en compte dans l’économie du code.
La théorie de l’information calcule la
valeur d’une information au nombre de
possibilités entre lesquelles elle permet
de choisir.
MESURE DE L’INFORMATION ; ENTROPIE
Peut-on se contenter de chiffrer cette
valeur au nombre des possibilités (par
exemple : probabilité de 1/2, 1/4, 1/32,
etc.) ? Un ingénieur des téléphones à
la compagnie américaine Bell, Claude
Elwood Shannon, creusant le problème
en vue d’une meilleure économie de la
transmission des messages, a défini en
1948 une unité d’information plus maniable, et liée à certaines relations inhérentes à toute espèce de code.
La figure ci-contre représente un échiquier ; un pion est sur une case.
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2627
On peut imaginer un nombre indéfini de
systèmes pour désigner cette case.
L’un d’eux consisterait à affecter toutes
les cases de signes différents formant en
quelque sorte un alphabet de 64 lettres.
La désignation d’une case se ferait par
l’emploi de la lettre correspondante, éliminant d’un seul coup 63 possibilités.
Mais la mémorisation de 64 signes est
coûteuse : elle exige un gros effort ; de
plus, elle impose une vue linéaire peu
pratique d’un objet à deux dimensions.
Les joueurs d’échecs usent d’un système
qui leur donne toute satisfaction dans
la notation des coups ou dans le jeu « à
l’aveugle » pratiqué par quelques champions. Ils désignent chaque colonne de
gauche à droite par une lettre de a à h,
et chaque rangée de bas en haut par un
chiffre de 1 à 8 ; le pion, sur la figure, est
donc en c2. La désignation de la colonne
c élimine les sept autres colonnes et ne
laisse que 8 possibilités ; la désignation du
rang, ensuite, n’en laisse qu’une. Les deux
dimensions de l’échiquier ne peuvent
pas être mieux rappelées, et le nombre
des signes est réduit à deux séries de 8,
dont l’ordre est bien connu par l’usage de
l’alphabet et de la numération décimale.
Seize signes sont encore trop pour les machines électroniques, dont le procédé de
signalisation se ramène toujours au passage ou à l’interruption d’un courant ; ce
binarisme matériel impose un binarisme
du système choisi : chaque signe devra
éliminer la moitié des possibilités.
Désignons par G la moitié de gauche,
D celle de droite, H celle du haut, B
celle du bas. Le pion est situé si l’on dit
GBDBGH :
— Le premier signal indique : le pion est
dans la moitié de gauche (qui comporte
32 possibilités)
— 2e signal : le pion est dans la moitié du
bas (qui comporte 16 possibilités)
— 3e signal : le pion est dans la moitié de
droite (qui comporte 8 possibilités)
— 4e signal : le pion est dans la moitié du
bas (qui comporte 4 possibilités)
— 5e signal : le pion est dans la moitié de
gauche (qui comporte 2 possibilités)
— 6e signal : le pion est dans la moitié du
haut.
Il a suffi de 6 signaux pour repérer le pion
en éliminant toutes les possibilités sauf
une. Ces signaux, s’ils sont adaptés à une
machine électronique, se réduisent à une
succession de /+/ et de /—/ (soit ici : +
——— ++) selon un code dont le système
est simple, faisant alterner
/ + / = G / — / = D
avec :
/ + / = H / — / = B
On peut très bien concevoir un partage
binaire qui ne procéderait pas par moitiés
égales, mais il serait moins économique,
faisant gagner un signe dans certains cas,
mais en faisant perdre un plus souvent.
Shannon a défini l’unité d’information
comme la quantité d’information nécessaire et suffisante pour éliminer l’une de
deux possibilités également probables ; il
l’a appelée bit, abréviation de binary digit
(indice binaire).
Si l’on compare le nombre n des possibilités et le nombre H des signaux nécessaires pour repérer le pion dans notre
exemple, on met en parallèle une progression géométrique et une progression
arithmétique :
n : 2 4 8 16 32 64
H : 12 3 4 5 6
C’est le type de relation appelé logarithmique. On remarque que 2 est la
puissance 1 de 2 ; 4 sa puissance 2 ; 8 sa
puissance 3 ; 16 sa puissance 4 ; 32 sa puissance 5, etc. ; en sorte que chaque valeur
de H est le « logarithme de base 2 » de la
valeur correspondante de n. On appelle
mesure d’une information la puissance
à laquelle il faut élever 2 pour obtenir le
nombre de possibilités entre lesquelles un
signal permet de choisir.
Chaque signal binaire étant de 1 bit, il
faut 6 bits pour situer un pion sur l’échiquier. Dans le code ordinaire des joueurs
d’échecs, chacun des signes c et 2 a une
valeur de 3 bits, puisqu’il laisse à lui seul
8 possibilités (soit 23). Dans le système
désignant chaque case par un signe différent, chacun des signes vaudrait 6 bits.
Dans tous les cas, la quantité d’information est égale au nombre des choix binaires nécessaires pour annuler l’incertitude initiale.
Quand on demande à une personne
qui a tiré une carte : « Est-elle rouge ou
noire ? », les deux éventualités sont également probables ; on dit que l’entropie
du système est maximale, parce que la
réponse élimine une incertitude maximale. Mais si l’on pose la question :
« Est-ce un as ? », l’incertitude est moins
grande, parce qu’il y a peu de probabilité
(1 chance sur 8) que la carte soit un as ;
on dit alors que l’entropie est inférieure
au maximum ; elle l’est d’autant plus que
le déséquilibre des chances est plus élevé.
La réponse non apporte, dans le cas imaginé, peu d’information ; la réponse oui
en apporte beaucoup.
THÉORIE DE LA COMMUNICATION
La théorie de l’information s’intégrait,
pour Shannon, dans un ordre de phénomènes dont il écrivit la théorie en
collaboration avec Warren Weaver : The
Mathematical Theory of Communication
(1949). Le Français Benoît Mandelbrot
apporta sa contribution en 1952 dans An
Informational Theory of the Structure of
Language, et en 1957, en collaboration
avec L. Apostel et A. Morf, dans Logique,
langage et théorie de l’information. La
théorie de la communication s’intégrait
elle-même à la science cybernétique,
qu’un mathématicien américain, Norbert
Wiener, présentait dès 1948 dans Cybernetics, or Control and Communication in
the Animal and the Machine ; selon Wiener, les systèmes de communication des
êtres vivants, essentiels à la vie et au progrès de toute communauté, ne diffèrent
pas fondamentalement des systèmes des
machines modernes, dont la technique
peut grandement bénéficier d’une analyse structurale des mécanismes de la
langue.
On peut poser à la base ce schéma minimal de la communication :
Pour Shannon, la source pouvait être un
homme parlant au téléphone ; l’appareil
transmetteur transformait ses ondes
sonores en variations d’intensité électrique selon des règles d’équivalence
qu’on peut considérer comme un codage,
puisqu’il en sort des signaux électriques,
lesquels s’acheminent par un fil (canal
de la transmission) jusqu’à l’appareil
récepteur (l’écouteur), qui transforme
les impulsions électriques en vibrations
sonores (décodage) interprétables par le
destinataire.
On appelle bruit toute interférence venant troubler la transmission au niveau
du canal ; par exemple, une communication venant se superposer à la première
par l’effet d’une mauvaise sélection, ou
les crépitements d’un mauvais contact,
ou même une faiblesse du courant atténuant l’intensité du son.
La théorie s’appliquant aux machines
automatiques, le rôle de la source peut
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être tenu par un phénomène physique,
comme l’élévation de la température
dans un local ; le dépassement d’une
certaine cote provoque le fonctionnement d’un appareil (le transmetteur) qui
déclenche un courant électrique véhiculé par un fil (le canal) ; ce fil aboutit à un
appareil (le récepteur) qui transforme ce
courant en un mouvement de rotation,
provoquant la ventilation de la pièce.
Dans un cas semblable, les ingénieurs
remplacent ordinairement les termes finalistes de source et de destinataire par
input (« ce qu’on met dedans ») et output
(« ce qu’on en retire »).
Dans ces deux exemples, le canal était un
fil électrique, mais on désigne par « canal » tout support physique de la transmission du message : ondes lumineuses
(signaux optiques), sonores (signaux
acoustiques), hertziennes (radiophonie),
disques, films, bandes enregistrées, permettant le stockage et la reproduction
indéfinie, etc. À chaque type de canal
correspond un type différent de « bruit » :
écran, obscurcissement, effacement pour
les signaux optiques, rayures et déchirures pour le film, frottement et cassure
pour le disque, etc. ; paradoxalement, la
surdité est un « bruit » pour la réception
d’un message oral.
REDONDANCE
Supposons qu’on veuille transmettre oralement un message ayant une entropie
maximale, comme la séquence GBDBGH
repérant le pion sur l’échiquier. La mauvaise réception d’une seule lettre empêche le repérage (et le rend d’autant plus
imprécis que cette lacune est plus près du
début) : le moindre « bruit » (ne fût-ce
qu’une mauvaise articulation) peut faire
échouer la transmission du message.
Celui-ci sera beaucoup mieux reçu,
malgré le bruit, si l’on a la précaution
de l’exprimer ainsi : G comme Gérard,
B comme Bernard, D comme Daniel,
B comme Bernard, G comme Gérard,
H comme Henri. Ce faisant, on donne
au destinataire de nombreux éléments
pour restituer les lettres manquantes,
car non seulement on répète chacune
des lettres, mais on donne le moyen de
la deviner si la répétition ne suffisait pas :
la probabilité est très grande que l’on ait
G devant ...érard, B devant ...ernard, etc.
Le message est dit redondant, terme que
les théoriciens de l’information ont emprunté à la rhétorique pour désigner tout
emploi de signe n’apportant pas d’information. En effet, les lourdes redondances
du message de notre exemple n’apportent
aucune information de plus que la séquence GBDBGH. La théorie définit la
« redondance » comme toute diminution
de l’information apparaissant soit dans
un message, soit dans la structure même
d’un code.
Le premier cas est représenté par notre
exemple : la forme donnée au message
produit la redondance qui sauve le message du bruit. Le second cas s’observe si
l’on compare le code des nombres au code
du langage articulé :
— Un chiffre manquant dans un nombre
écrit ne peut être restitué (ex. : 27. 3)
— Un phonème manquant dans un mot
prononcé peut souvent être restitué (ex. :
cro . odile).
Le code de la numération décimale n’est
redondant à aucun degré ; le code du langage l’est à un degré élevé :
— Chacun des phonèmes composant le
mot (v. MOT, art. spécial) est rendu probable par la présence des autres phonèmes de ce mot (ex. : [ʒerar])
— Indépendamment du sens, la probabilité d’un phonème est fortement déterminée par la nature des phonèmes voisins :
en français, un l en début de mot est forcément suivi d’une voyelle, un o nasalisé
est final ou suivi d’une consonne
— Les faits d’accord (v. ce mot, art. spécial) instituent très souvent en morphologie une redondance du genre, du nombre,
de la personne (nous courons), du temps
(je désirais qu’il vînt)
— La transitivité (v. ce mot, art. spécial)
d’un verbe, d’une préposition, etc., rend
probable la présence d’un terme d’une
certaine classe qui le complète syntaxiquement (ex. : Mangez donc du [+ nom]).
La psychologie expérimentale s’est intéressée à l’effet des différents bruits sur
la perception des messages oraux. Des
expériences de J. C. R. Licklider (1946)
ont montré que l’altération des voyelles
affecte moins l’intelligibilité que celle
des consonnes ; ce phénomène n’a rien
de surprenant dans les langues où les
consonnes, beaucoup plus nompreuses
que les voyelles, ont chacune une probabilité d’apparition plus faible, donc
une valeur d’information plus forte ;
c’est particulièrement le cas de la langue
arabe, qui, comme on le sait, s’écrit
couramment sans voyelles. Mais l’expérience montre qu’il en est de même en
français.
La graphie du français est encore plus
redondante que sa forme orale : que l’on
songe aux nasales écrites m ou n selon
la consonne suivante dans jambe, jante,
pompe, ponte ; aux oppositions désinentielles muettes de formes verbales,
comme j’aime, tu aimes, ils aiment ; à
toutes les marques écrites d’accord (v.
ce mot, art. spécial), y compris celles
du participe passé ; à la différenciation
des homonymes : conte, comte, compte.
Dans les phrases suivantes :
J’ai lu un joli conte,
Rodrigue défie le comte,
Nous allons faire nos comptes,
la différence graphique n’est pas nécessaire pour distinguer les trois mots prononcés [kɔ̃t] : l’entourage sémantique
suffit ; la graphie n’apporte donc aucune
information ; pourtant, elle facilite
l’identification en dispensant le décodeur de raisonner sur le sens. Elle est
seule à informer dans certains contextes
dont l’ambiguïté sémantique peut être
assimilée à un « bruit » (ex. : un livre de
contes/comptes).
COÛT ET RENDEMENT ; LOI DE ZIPF.
Le message GBDBGH valait 6 bits. Le message redondant G comme Gérard, etc.,
vaut encore 6 bits, et rien de plus. Mais il
exige une plus grande dépense d’énergie,
puisqu’il dure plus longtemps : son coût
est supérieur. On mesure ici le coût au délai
de codage, qui repose pratiquement sur le
nombre de phonèmes prononcés.
Le rendement d’un message est
ment proportionnel au rapport
quantité d’information : plus
est élevée, à coût égal, plus
fort.
inversedu coût à la
l’information
le rendement est
La redondance, qui augmente le coût, diminue le rendement, ce qui peut être une gêne
lorsque le canal a sa capacité limitée par
telles ou telles contraintes temporelles ou
spatiales (cas des slogans, des inscriptions
lapidaires). Bien que la diminution du rendement soit compensée par une meilleure
protection contre les perturbations du bruit,
une loi d’économie tend à limiter le coût
dans toutes les langues.
Si l’on demandait à un lexicologue de
créer de toutes pièces le vocabulaire d’une
langue artificielle, il ferait évidemment
preuve de sagesse en donnant les formes
les plus simples aux mots les plus employés : le rendement en serait meilleur.
Or ce principe semble avoir présidé à la
formation inconsciente du vocabulaire
de toutes les langues. S’inspirant de cette
observation du linguiste américain Zipf,
Pierre Guiraud a étudié en 1954 (Bulletin de la Société de linguistique de Paris)
la relation entre la fréquence (F) des
mots et le nombre de leurs phonèmes (k).
Les exemples ci-dessous, empruntés à son
article, font état de fréquences non comparables d’une langue à l’autre, parce qu’elles
sont fondées sur des corpus de dimensions
différentes, mais l’indication du rang par
ordre de fréquence (R) est significative :
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Anglais (liste d’Eldridge, 43 000 mots
formes)
Français (liste de Vander Beke, 1 200 000
mots unités de lexique)
La différence qui apparaît à l’avantage du
français (coût moyen inférieur à 6 phonèmes pour les mots de 2000e rang) n’est
due qu’à une différence dans la méthode
de recensement (mots formes ou unités
de lexique).
La même relation inverse est mise en
évidence par des tableaux concernant le
latin et le chinois.
Ces décomptes ne font état que de coûts
moyens : le nombre k est calculé sur une
vingtaine de mots de longueur différente ; par exemple, en français, les mots
malheureusement et île ont le même rang
(environ le 1000e), l’adverbe tout à l’heure
et l’interjection eh comptent pour le
même rang (environ le 500e). Moyennant
cette réserve, P. Guiraud a pu poser la formule suivante :
Si le symbole R peut figurer dans cette
formule, alors qu’on y attend F, ou p
(probabilité, rapport de la fréquence au
nombre total des mots dénombrés), c’est
qu’il existe une relation entre R et F, mise
en évidence dès la fin du XIXe s. par le
sténographe français J.-B. Estoup (4e éd.,
1916), reprise et étudiée en 1935 par Zipf
(Psycho-Biology of Language), lequel l’a
résumée par la formule :
F x R = constante.
Cette formule s’applique d’ailleurs aussi
bien, selon les observations de Zipf, à la
distribution des revenus classés par ordre
de grandeur décroissante, à la population
des villes, au nombre des points de vente
des entreprises commerciales, etc.
La validité de la « loi de Zipf » a été contestée, entre autres par R. Moreau (Bulletin
d’information du laboratoire lexicologique de Besançon, 1962) et par H. Guiter à propos de l’espagnol et du roumain
(Bulletin de la Société de linguistique de
Paris, 1970). De toute façon, la relation
coût/fréquence n’est d’aucun usage aux
linguistes sous la forme rigoureuse que
lui a donnée Guiraud ; mais elle fonde
scientifiquement le principe, bien connu
des sémanticiens, selon lequel l’emploi
fréquent d’un mot ou d’un groupe de
mots entraîne souvent pour cette séquence un raccourcissement, qui peut
prendre la forme d’un abrègement facultatif (bus pour autobus, métro pour chemin de fer métropolitain, R. A. T. P. pour
Régie autonome des transports parisiens)
ou d’une haplologie inconsciente (-ons,
-ez pour -avons, -avez dans les désinences
du futur issues de habemus, habetis).
Pierre Guiraud donne sa formule pour
corrélative de la relation existant entre la
fréquence et la valeur informationnelle.
Plus un mot est fréquent, plus sa probabilité d’apparition est grande, donc plus est
faible l’information qu’il apporte (v. plus
haut) ; en termes mathématiques :
la quantité d’information d’un
signe est proportionnelle au
logarithme(négatif )de sa probabilité
(art. cité, p. 121).
Mais, à la différence des théoriciens de
l’information, qui font totalement abstraction du sens, et tout en démontrant
scientifiquement que la brièveté des
signes les plus fréquents est un produit
normal des lois du hasard, P. Guiraud
admet un lien — au moins de convenance
— entre la fréquence et le sémantisme : le
rang d’un mot dans sa liste de fréquence
est solidaire d’une certaine vision du
monde. Peu de sens, peu d’information,
peu de marques, peu de phonèmes :
La relation coût/information (ou
forme/fréquence) traduit objectivement ces rapports entre le signe et le
concept et permet de poser en termes
objectifs le problème de la signification (id., p. 128).
APPLICATIONS À LA LINGUISTIQUE
Il se peut que, statistiquement, la signification ait déterminé au niveau de la
langue la valeur informationnelle et, par
suite, le volume phonique des mots, mais
qui veut appliquer la théorie de l’information au niveau des messages doit éviter
avant tout l’écueil d’une confusion entre
information et signification.
On y tomberait si l’on posait en principe
qu’un mot plus fréquent qu’un autre présente ipso facto un sens plus abstrait : fer
est aussi précis que zinc ; mère (291e mot
du Français élémentaire) autant que cousine (621e mot).
On peut mesurer la valeur informationnelle des réponses Une carte rouge ou Une
carte de coeur concernant une carte tirée,
parce qu’on peut compter exactement les
possibilités éliminées par ces réponses
(respectivement 16 et 24 sur 32). Mais
comment chiffrer les possibilités qui
s’offrent si l’on veut compléter la phrase
suivante :
Ce costume était trop .. pour moi ?
Dira-t-on grand, cher, beau, austère, original.. ? Les facteurs extra-linguistiques
ont évidemment le premier rôle dans le
choix, or ils se dérobent en 1’occurrence
à tout dénombrement ; selon la situation,
un adjectif ou un autre provoquera, à
cette place, le maximum de surprise.
La probabilité d’apparition d’un mot à
une certaine place dépend en quelque
mesure de son rang dans la liste de fréquence, mais, bien avant, elle dépend des
contraintes plus ou moins chiffrables de
l’entourage grammatical et sémantique,
ainsi que des contingences de la situation.
Il est donc rarement possible de calculer
en bits la valeur informationnelle absolue
d’un mot dans une phrase.
On se gardera de comparer la valeur
informationnelle de deux signes différant par la classe ou la catégorie morphologique (comme le mode indicatif et
le mode subjonctif), puisque le choix de
l’un ou de l’autre, dans la plupart des cas,
n’est pas libre.
Sous toutes ces réserves, la théorie de
l’information a rendu des services aux
linguistes, en étayant souvent leurs intuitions. Elle a fourni la base d’une méthode
de décryptement automatique, fondée
sur la fréquence des différents phonèmes
dans chaque langue. Elle a justifié la sélection d’un vocabulaire fondamental de
l’anglais, du français, précieux pour l’apprentissage de ces langues. Elle a défini la
fonction linguistique de la redondance et
démêlé les facteurs d’un équilibre entre
clarté et densité, qui règle la longueur des
mots comme l’architecture des phrases,
et souvent livre la clef des constances et
des mutations de la diachronie.
W. Manczak, dans une communication
à la Société de linguistique de Paris le
18 novembre 1972, a établi sur de nombreux exemples l’influence abrégeante
de la fréquence sur tous les éléments de
langage : phonèmes, lettres, morphèmes,
mots.
La conception structuraliste de la linguistique implique l’analyse des signes
complexes en unités discrètes pouvant
donner prise au calcul de l’information
qu’ils contiennent ; tout code de signaux
ressortit à la théorie de l’information,
jusqu’aux signaux sonores ou visuels par
lesquels les animaux se rameutent ou se
dispersent, s’informent mutuellement
de l’existence d’un butin, d’une proie,
ou de l’imminence d’un danger. Thomas
A. Sebeok a même voulu voir un code génétique dans la structure de la molécule
d’ADN, qui transmet les traits de toute
espèce vivante de génération en généradownloadModeText.vue.download 78 sur 1066
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tion ; mais ce genre de message ne relève
plus de la linguistique.
APPLICATIONS À L’ESTHÉTIQUE.
Le domaine privilégié des explications
informationalistes est pourtant celui de
la stylistique et de l’esthétique, autrement
dit celui des connotations (v. CONNOTATION, art. spécial).
Une fois connu l’ordre normal de fréquence des mots d’une langue, par
exemple de la langue française littéraire
du XIXe s. d’après les dépouillements de
Vandér Beke, ou de la langue française
parlée contemporaine d’après la liste du
Français élémentaire, on caractérisera
sur des bases scientifiques le vocabulaire
de tel ou tel auteur ou de tel document
oral enregistré dont on possède un corpus important, en comparant à l’une
de ces deux listes étalons la liste de fréquence obtenue par leur dépouillement.
Les différences ne peuvent tenir à la dénotation des mots, qui est constante dans
la langue ; elle tient donc aux résonances
de ces mots dans le répertoire de l’auteur,
à l’unisson duquel le lecteur est amené
peu à peu.
Pierre Guiraud a joint la pratique à la
théorie en étudiant selon cette méthode
(les Caractères statistiques du vocabulaire, 1954) le vocabulaire d’Apollinaire
(Alcools), de Paul Valéry (Poésies), de
Mallarmé (Poésies), de Rimbaud (Illuminations), de Claudel (Cinq Grandes
Odes), de Verlaine (Fêtes galantes, la
Bonne Chanson, Romances sans paroles) ;
il distinguait mots thèmes, de fréquence
élevée, et mots clefs, dont la fréquence
s’écarte notablement de l’étalon Vander
Beke. Il avait appliqué la même méthode
comparative à la grammaire (fréquence
relative des verbes, des noms, des adjectifs, des adverbes) dans sa thèse Langage
et versification d’après l’oeuvre de Paul
Valéry (1953) ; statistiques motivées par
le principe que tout écart de fréquence
modifie la valeur informationnelle des
mots ou des formes. La théorie rejoignait,
par des voies plus scientifiques, la thèse
de « l’expressivité par l’inédit » (Henri
Frei, Grammaire des fautes, 1929), dont
le premier exposé systématique est peutêtre dû à Charles Bally (Mécanisme de
l’expressivité linguistique, dans le Langage et la vie, 1926).
Il est clair que tout phonème, toute intonation, tout vocable, toute forme ou
construction grammaticale s’écartant de
la norme, ne fût-ce que de la norme de
fréquence, acquiert une valeur expressive plus forte du seul fait de cet écart. Si
aucun écart n’est relevé, c’est que l’auteur
visait la banalité, laquelle, en soi, est inattendue en littérature.
H. Meier, en 1964 (Deutsche Sprachsta-
tistik), a caractérisé par les écarts de fréquence la langue des ordonnances médicales (peu de syntaxe), celle des récits
narratifs (vaste éventail lexical), celle des
moments de « stress » (écriture blanche,
réduite au vocabulaire le plus commun).
Abraham Moles (Théorie de l’information et perception esthétique, 1958, 2e éd.,
1972) distingue dans l’ensemble des messages deux types d’information selon la
manière dont le récepteur, dans le phénomène de perception, groupe les éléments
successifs communiqués pour les rapporter à des formes de sa compétence plus ou
moins prévisibles :
—l’information sémantique, d’une logique universelle, qui vise l’action (selon
la conception behavioriste)
—l’information esthétique, référant à
un répertoire plus ou moins commun au
récepteur et au transmetteur, et qui n’a
aucun caractère utilitaire (« Art is quite
useless », disait Wilde).
A. Moles assimile cette distinction à celle
de la dénotation et de la connotation et
montre la superposition des deux types
dans une oeuvre littéraire, ou picturale,
ou musicale. L’esprit humain ne pouvant absorber, selon les calculs de Moles
et Frank, plus de 16 à 20 bits d’originalité par seconde, il faut que le message
compense par la redondance un éventuel
excès d’originalité, sans pour autant tomber dans le banal : « un peu trop » d’originalité garantit ce qu’on appelle la richesse
perceptive de l’oeuvre d’art, à condition
que l’information sémantique et l’information esthétique alternent pour le repos
du récepteur moyen.
Un chercheur allemand, Helmut Lüdtke,
proposait en 1965 (et en 1966 dans un
colloque à Strasbourg sur le vers français) d’expliquer toutes les techniques
poétiques par la contrainte de règles formelles qui imposent des éléments sans
valeur informationnelle, c’est-à-dire
redondants. Mais on ne peut se contenter d’une formule si négative : il faut
bien admettre que ces « redondances »
informationnelles, contrairement à celles
de la rhétorique, peuvent jouer dans le
contrepoint des deux informations leur
partition propre, nuançant ou corrigeant
le sens dénoté, comme la musique les paroles d’une chanson.
Malgré un appareil considérable de formules où les intégrales voisinent avec
les logarithmes, les théories informationalistes de l’esthétique n’ont apporté ni
recette efficace pour la création, ni critère
vraiment nouveau pour l’appréciation
de l’oeuvre d’art. Du moins ont-elles été
l’occasion d’une quantité de mesures et
d’expériences dont l’interprétation peut
susciter aujourd’hui ou demain la découverte de paramètres fondamentaux.
informationnel, elle [ɛ̃fɔrmasjɔnɛl]
adj. (de information ; 1962, Larousse). Qui a
trait à l’information : Le contenu informationnel d’un texte, d’un document.
informatique [ɛ̃fɔrmatik] n. f. (de
informat[ion] et du suff. de [automat]ique,
[électron]ique ; 1962, P. Gilbert). « Science
du traitement rationnel, notamment par
machines automatiques, de l’information considérée comme le support des
connaissances et des communications dans
les domaines technique, économique et
social » (Acad., 1967).
& adj. (1968, Larousse). Qui est relatif à
l’informatique : Système informatique.
Machines informatiques.
informatisable [ɛ̃fɔrmatizabl] adj. (de
informatiser ; 28 mai 1970, le Monde).
Qui est justiciable des procédés de
l’informatique.
informatisation [ɛ̃fɔrmatizasjɔ̃]
n. f. (de informatiser ; v. 1970). Action
d’informatiser.
informatiser [ɛ̃fɔrmatize] v. tr. (de
informatique ; 24 janv. 1970, le Monde,
au sens 1 ; sens 2, 13 mai 1970, la Croix ;
sens 3, 7 oct. 1970, la Croix). 1. Traiter
par les procédés de l’informatique : Une
entreprise qui a informatisé ses études de
marché. Ϧ2. Doter des moyens propres
à permettre une application de l’informatique : Un secteur de l’économie très
informatisé. Ϧ 3. Faire bénéficier d’une
information traitée par les méthodes de
l’informatique : Le rôle des banques de
données sera d’informatiser les entreprises.
& s’informatiser v. pr. (13 mai 1970, la
Croix). Utiliser les méthodes de l’informatique pour le traitement de l’information : Un nombre croissant d’entreprises
sont désormais tenues de s’informatiser.
informe [ɛ̃fɔrm] adj. (lat. informis, non
informe [ɛ̃fɔrm] adj. (lat. informis, non
façonné, brut, mal formé, hideux, horrible, de in-, préf. à valeur négative, et de
forma, forme, belle forme, beauté ; fin du
XVe s., Godefroy, au sens 2 ; sens 1, milieu
du XVIIIe s., Buffon ; sens 3, 1669, Boileau ;
sens 4, 1668, La Fontaine [« qui paraît sans
plan, sans ordre, sans finalité », av. 1960, A.
Camus] ; sens 5, 1690, Furetière). 1. Qui n’a
pas de forme propre, déterminée (rare) : Les
liquides sont informes puisqu’ils prennent la
forme du récipient qui les contient. Ϧ 2. Qui
n’a pas de forme reconnaissable, nette,
précise : Ombre informe. Masse informe.
Un chaos informe de rochers. Son crâne
miroitant et qui avait cet aspect informe,
bosselé au hasard, d’un ustensile de rebut
(Mauriac). Ϧ3. Fig. Dont la forme n’est
pas ce qu’elle devrait être, qui est insuffisamment élaboré, pensé : Projet, ouvrage,
travail informe. Il n’a laissé que des manuscrits informes, impubliables. Nous n’avons
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de l’univers que des visions informes,
fragmentées et que nous complétons par
des associations d’idées arbitraires, créatrices de dangereuses suggestions (Proust).
Ϧ 4. Péjor. Qui a une forme ou des formes
lourdes, inesthétiques : Un édifice, une
construction informe. Une robe informe.
Ce soir, j’en relis les premières pages avec
dégoût. Je n’ai jamais rien écrit de plus
informe (Gide). Ϧ Qui paraît sans plan,
sans ordre, sans finalité : Le mouvement
informe et furieux de l’histoire (Camus).
Ϧ 5. En droit, qui n’est pas revêtu des
formes légales voulues : Acte, pièce informe.
Procédure informe.
• SYN. : 1 amorphe ; 3 ébauché, esquissé,
fragmentaire, fruste, grossier, imparfait,
incomplet ; 4 disgracieux, indigeste, laid,
mauvais ; absurde, chaotique, inepte,
insensé. — CONTR. : 3 achevé, définitif, élaboré, fini, parfait ; 4 élégant, esthétique,
harmonieux.
& n. m. (1861, Ch. Lévêque, II, 447).
L’informe, ce qui n’a pas de forme propre.
informé, e [ɛ̃fɔrme] adj. (part. passé de
informer ; v. 1360, Froissart [tenir quelqu’un
informé, XXe s.]). Qui a reçu les indications,
les renseignements ou les nouvelles qu’il
doit connaître : Dans les milieux bien informés. Ϧ Tenir quelqu’un informé, agir de
façon à lui communiquer régulièrement
certaines nouvelles.
& informé n. m. (1671, d’après Richelet,
1706 [jusqu’à plus ample informé, 1893,
Dict. général]). Information pénale.
Ϧ Ordonner un plus ample informé, ordonner l’élargissement de l’enquête. ϦJusqu’à
plus ample informé, jusqu’à la découverte
d’un fait nouveau ou d’une indication
contraire.
informel, elle [ɛ̃fɔrmɛl] adj. et n. (de inet de forme, d’après formel ; 1962, Larousse).
Se dit de peintres non figuratifs qui pratiquent un art où ils s’abstiennent de toute
forme construite et de toute composition
(XXe s.).
& adj. (sens 1, 1963, Serrulaz ; sens 2, 1er oct.
1967, le Monde [« qui n’a aucun caractère
officiel... », 18 nov. 1969, la Croix]). 1. Se
dit de l’art et des oeuvres des peintres de
cette tendance. Ϧ 2. Qui n’observe pas les
formes requises, les conventions sociales :
Entretien informel. Rencontre informelle.
Ϧ Spécialem. Qui n’a aucun caractère officiel et n’obéit pas à des règles déterminées :
Une assemblée informelle.
informer [ɛ̃fɔrme] v. tr. (réfection, d’après
le lat., de l’anc. franç. enformer, « donner
une forme à » [v, 1190, Garnier de PontSainte-Maxence], « instruire de quelque
chose, informer » [v. 1265, J. de Meung],
lat. informare, façonner, représenter,
décrire, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de for-mare, former, régler, instruire, dér. de forma, forme ;
v. 1360, Froissart, au sens II, 1 [informer
quelqu’un que, milieu du XVIe s., Amyot ;
absol., XXe s.] ; sens I, milieu du XVIe s. ; sens
II, 2, début du XVIIe s., Malherbe).
I. En philosophie, dans la langue scolastique, donner une forme à : Platon
enseigne avec l’immortalité des âmes leur
passage de corps en corps, qu’elles doivent
informer successivement (La Mothe Le
Vayer).
II. 1. Informer quelqu’un de quelque
chose, le renseigner en le mettant au courant d’un fait qu’il doit connaître : Informer ses amis de la naissance d’un enfant.
Informer un fonctionnaire de sa mutation. J’informerai M. le Proviseur de votre
conduite (France). Ϧ Informer quelqu’un
que (et l’indicatif),lui faire savoir, l’avertir que : Nous vous informons que notre
succursale sera fermée du 1er au 31 août du
fait des congés annuels. Ϧ Absol. Donner
des informations : L’État doit informer.
Ϧ 2. Class. (déjà vx au XVIIe s.).Informer
quelqu’un, le questionner, l’interroger :
« Eh bien ! elle s’appelle ? | — Ne m’informez de rien qui touche à cette belle »
(Corneille).
• SYN. II, 1 annoncer, avertir, aviser, faire
connaître, faire part, faire savoir, mettre au
courant, mettre au fait, notifier, porter à la
connaissance de, prévenir, signaler.
& v. intr. (1538, R. Estienne [aussi informer
contre — informer durement à l’encontre
de, « prévenir défavorablement contre
(quelqu’un) », v. 1460, G. Chastellain]).
Faire une instruction en matière criminelle : Informer d’un fait ou sur un fait. On
vient me notifier l’ordre d’informer, se dit-il
(Bourget). ϦInformer contre X, lancer une
information contre X.
• SYN. : instruire.
& s’informer v. pr. (1286, Dict. général,
écrit soi infourmer ; s’informer, 1538, R.
Estienne [s’informer de quelqu’un, 1861,
Sainte-Beuve ; s’informer à quelqu’un,
1634, Tristan L’Hermite ; s’informer si,
1670, Racine]). S’informer de quelque
chose, prendre des renseignements sur
quelque chose : S’informer de la situation
politique. S’informer du prix d’un terrain. ϦS’informer de quelqu’un, prendre
des renseignements à son sujet. Ϧ Class.
S’informer à quelqu’un, s’informer auprès
de lui : À force de m’informer à beaucoup de
gens où je pourrais recouvrer quelque linotte
(Tr. L’Hermite). ϦS’informer si, essayer
de savoir si : Informe-toi si Samson est du
Comité (Flaubert). Ϧ Absol. Recueillir
des renseignements : Je me suis informé
et je sais que tout ne va pas pour le mieux.
Chercher à s’informer avant de prendre
une décision. ϦPoser des questions, interroger : Aussitôt, ils s’éveillent, frétillent,
s’informent, s’apitoient (Camus).
• SYN. : se documenter, s’enquérir de, s’inquiéter de, se renseigner.
informité [ɛ̃fɔrmite] n. f. (bas lat. informitas, absence de forme, du lat. class. informis [v. INFORME] ; 1586, d’après Stoer, 1625).
État de ce qui est informe (rare) : Cette
informité, cette indécision, cette absence
de parti pris, de dessein, d’organisation,
qui est bien la caractéristique majeure de
ce pays (Gide).
informulable [ɛ̃fɔrmylabl] adj. (de in- et
de formulable ; début du XXe s.). Que l’on
ne peut formuler, exprimer par des mots :
Vague désir informulé et peut-être destiné à
demeurer informulable (Bordeaux).
informulé, e [ɛ̃fɔrmyle] adj. (de in- et
de formulé, part. passé de formuler ; 1855,
Goncourt). Que l’on ne formule pas, qui
demeure inexprimé : Accusation informulée. Des regrets informulés (Daudet). Il s’y
ajoutait, dans mon cas, l’espoir informulé
que Gilberte [...] n’avait attendu que le prétexte du 1er janvier pour m’écrire (Proust).
Le plus précieux de nous-même est ce qui
reste informulé (Gide).
• SYN. : sous-entendu, tacite. — CONTR. :
exprimé, formulé.
infortifiable [ɛ̃fɔrtifjabl] adj. (de in- et de
forrifiable ; XVIe s., La Curne). Qui ne peut
être fortifié : Ville infortifiable.
infortune [ɛ̃fɔrtyn] n. f. (lat. infortunium,
infortune, malheur, châtiment, de in-, préf.
à valeur négative, et de fortuna, sort, hasard,
destinée, bonheur ; v. 1360, Froissart, au
sens 2 ; sens 1, 1422, A. Chartier [compagnon, frère d’infortune, 1873, Larousse ;
soeur d’infortune, 1671, Molière ; infortune
conjugale, 1893, Dict. général]). 1. Littér.
État, situation de celui qui subit des événements malheureux ; mauvaise fortune : La
continuité de son infortune et la succession
de ses chagrins (Goncourt). ϦCompagnon
d’infortune, frère, soeur d’infortune, personne qui supporte les mêmes malheurs.
Ϧ Fam. Infortune conjugale, situation
malheureuse d’un conjoint trompé par
l’autre. Ϧ 2. Événement malheureux,
revers de fortune : Le coeur des femmes est
toujours prompt à s’émouvoir au spectacle
des infortunes (Gide). Je me figurais que sa
plus grande infortune tenait à la compagnie
d’un homme médiocre qu’elle ne pouvait
aimer (Chardonne).
• SYN. : 1 adversité, détresse, disgrâce, malheur ; 2 calamité, catastrophe, coup dur
(fam.), coup du sort, malchance, mésaventure, pépin (fam.), tuile (fam.).
infortuné, e [ɛ̃fɔrtyne] adj. et n. (lat.
infortunatus, malheureux, infortuné, de
in-, préf. à valeur négative, et de fortunatus,
heureux, riche, opulent, part. passé adjectivé de fortunare, faire réussir, faire prospérer, dér. de fortuna [v. l’art. précéd.] ; v. 1361,
Oresme). Littér. Qui est dans l’infortune, le
malheur : Le Ciel m’est témoin, mon frère,
que je donnerais mille fois ma vie pour
vous épargner un moment de peine ; mais,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2632
infortunée que je suis, je ne puis rien pour
votre bonheur (Chateaubriand). C’était la
première [larme] peut-être que l’infortuné
eût jamais versée (Hugo).
• SYN. : malheureux, pauvre. — CONTR. :
bienheureux, chanceux (fam.), heureux.
& adj. (fin du XIVe s., Chr. de Pisan). Littér.
Marqué par les malheurs, les revers : Il y
traîne, seigneur, sa vie infortunée (Racine).
Je puis dire que ce voyage fut de toutes
façons infortuné, car, après y avoir perdu
le meilleur des maîtres, j’y fus quitté par
une maîtresse (France).
• SYN. : maudit, misérable, triste. — CONTR. :
béni, fortuné.
1. infra [ɛ̃fra] adv. (mot lat. signif. « audessous [de] — au pr. et au fig. » —, « en
bas [de] » ; 1931, Larousse). Dans un livre,
un article, etc., invite à se reporter à un
endroit du texte qui se trouve plus loin :
Se reporter, voir infra, page 200.
• CONTR. : supra.
2. infra- [ɛ̃fra], élément tiré du lat. infra (v.
l’art. précéd.), et qui entre, comme préfixe,
dans des noms et des adjectifs composés,
où il exprime soit une position inférieure,
par opposition à super- (infrastructure/
superstructure), soit un niveau qui se situe
en deçà de la norme désignée par l’élément
principal : Infrason, infraculture, infralangage. Infrabiologique. Infrarationnel. Vers
les deux extrémités, [la sensibilité] donne
des ultra-mondes et des infra-mondes
(Valéry). L’inframentale existence d’une
deuxième ligne au moins en moi de l’enchaînement des choses (Aragon).
infra-acoustique [ɛ̃fraakustik] adj. (de
infra- et de acoustique ; 1948, Larousse).
Se dit d’un système de télégraphie qui
permet de superposer à une communication téléphonique une communication
télégraphique.
infraclusion [ɛ̃fraklyzjɔ̃] n. f. (de infra- et
de [in]clusion ; 1962, Larousse). Malposition
d’une partie de l’arcade dentaire, qui reste
en dessous du plan de mastication.
infracteur, trice [ɛ̃fraktoer, -tris] n.
(bas lat. infractor, infractrix, celui, celle
qui brise, de infractum, supin du lat. class.
infringere, briser, abattre, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et de
frangere, briser, rompre ; 1449, Godefroy).
Class. et littér. Personne qui transgresse,
enfreint quelque chose : Je veux le faire
saisir où je le trouverai, comme déserteur
de la médecine et infracteur de mes ordonnances (Molière). On parlait de faire fusiller le soldat déserteur, l’infracteur des lois
sanitaires, le porteur de la peste, et on le
couronne ! (Chateaubriand).
infraction [ɛ̃fraksjɔ̃] n. f. (lat. infractio, action de briser [au pr. et au fig.], de
infractum, supin de infringere [v. l’art.
précéd.] ; 1250, Dict. général, au sens 2 ;
sens 1, fin du XVe s., Commynes ; sens 3,
1935, Acad.). 1. Violation ou manquement
à une règle, à un engagement, à un ordre :
Infraction à un accord, à la loi. Infraction
aux usages. Infraction au droit des gens.
Ϧ 2. Absol. En droit, action ou omission qui
se manifeste extérieurement comme une
atteinte à l’ordre, à la paix, à la tranquillité
sociale, et que la loi sanctionne par une
peine. Ϧ 3. Fam. Transgression, manquement à une prescription : Infraction à un
régime médical.
• SYN. : 1 attentat, transgression ; 2 contravention, délit ; 3 dérogation, entorse (fam.).
infradyne [ɛ̃fradin] n. m. (de infra- et de
-dyne, du gr. dunamis, puissance, force ;
1962, Larousse). Récepteur radioélectrique
à changement de fréquence, dont la fréquence intermédiaire est supérieure à celle
des ondes porteuses à recevoir.
infragnathie [ɛ̃fragnati] n. f. (de infra- et
du gr. gnathos, mâchoire ; 1962, Larousse).
Infraclusion étendue à toute l’arcade dentaire, due à une insuffisance de développement vertical des structures alvéolaires.
infranchi, e [ɛ̃frɑ̃ʃi] adj. (de in- et de
franchi, part. passé de franchir ; 1862,
Baudelaire). Qu’on n’a pu franchir : Le
gouffre qui fait l’incommunicabilité reste
infranchi (Baudelaire).
infranchissable [ɛ̃frɑ̃ʃisabl] adj. (de inet de franchir ; 1792, ZFSL [XXXV, 138],
au sens 1 ; sens 2, av. 1854, Lamennais).
1. Qu’il n’est pas possible de franchir :
Obstacle infranchissable. Cette distance est
infranchissable dans un temps aussi court.
La tempête continuait à faire infranchissables les jetées (Maupassant). Ϧ 2. Fig.
Que l’on ne peut vaincre, surmonter : La
puissance de l’homme a des bornes infranchissables (Lamennais). Des difficultés
infranchissables.
• SYN. : 2 insurmontable, invincible.
infrangible [ɛ̃frɑ̃ʒibl] adj. (de in- et
du moyen franç. frangible, sujet à se briser [début du XVIe s.], bas lat. frangibilis,
fragile, dér. du lat. class. frangere, briser,
rompre ; v. 1560, Paré, au sens 2 ; sens 1,
1564, J. Thierry). 1. Littér. Qui ne peut être
brisé, rompu : Sur la porte infernale aux
infrangibles gonds (Heredia). Un nuage qui
montait, infrangible, immobile, élancé et
rapide (Proust). Ϧ 2. Fig. et littér. Que l’on
ne peut détruire, faire disparaître : Cette
chaîne qu’elle avait d’abord dite infrangible
(Barbey d’Aurevilly). Vous savez quelles
attaches infrangibles me retiennent à
Lormières (F. Fabre).
• SYN. : 1 immuable, incassable, résistant,
robuste, solide ; 2 impérissable, indéfectible,
indestructible.
infraposition [ɛ̃frapozisjɔ̃] n. f. (de infraet de position ; 1962, Larousse). Position
d’une dent qui est placée au-dessous du
plan de mastication.
infrarouge [ɛ̃fraruʒ] adj. (de infra- et de
rouge ; 1877, Littré). Se dit, dans le spectre,
des radiations obscures moins réfrangibles
que le rouge : Rayons infrarouges.
& n. m. (1957, Robert). Rayonnement infrarouge : Le chauffage aux infrarouges.
infrason ou infra-son [ɛ̃frasɔ̃] n. m. (de
infra- et de son ; 1931, Larousse). Vibration
de même nature que le son, mais de fréquence trop faible pour que l’oreille puisse
la percevoir.
infrasonore ou infra-sonore
[ɛ̃frasɔnɔr] adj. (de infrason, d’après sonore ;
[ɛ̃frasɔnɔr] adj. (de infrason, d’après sonore ;
1962, Larousse). Relatif aux infrasons :
Onde infrasonore.
infrastructure [ɛ̃frastryktyr] n. f. (de
infra- et de structure ; 13 août 1875, Journ.
officiel [p. 6743], au sens I, 1 ; sens I, 2, 1931,
Larousse [aussi pour une route] ; sens 1, 3,
1931, Larousse ; sens I, 4, 1962, Larousse ;
sens II, 1957, Robert [aussi dans le vocabulaire marxiste]).
I. 1. Ensemble des travaux de terrassement et des aménagements grâce
auxquels le sol peut supporter une
construction, en particulier des travaux
nécessaires à l’établissement d’une route
ou d’une voie ferrée. Ϧ 2. Ensemble des
parties inférieures, des fondations sur
lesquelles repose une construction :
L’infrastructure d’un immeuble de vingt
étages est nécessairement importante.
Ϧ Spécialem. Couche de matériau posée
entre la couche de fondation et la plateforme d’une route, pour compenser les
défauts de celle-ci. Ϧ 3. Ensemble des
installations au sol (pistes, ateliers de
réparations, services logistiques, météorologiques, tour de contrôle, etc.) indispensables aux avions pour accomplir leur
mission. Ϧ 4. Ensemble des installations
et organisations territoriales nécessaires
à la subsistance, à l’entretien, à l’entraînement et à l’action d’une armée.
II. Ensemble de faits sous-jacents, généralement cachés ou non remarqués, dont
ce qui est visible et apparent n’est souvent
que la conséquence ou le reflet. Ϧ Spécialem. Dans le vocabulaire marxiste,
ensemble des réalités économiques d’une
société, considérées comme la base matérielle de toute idéologie et de toute politique (constituant la superstructure).
infravirus [ɛ̃fravirys] n. m. (de infra- et
de virus ; 1948, Larousse). Virus filtrant.
(Peu usité.)
• SYN. : ultra-virus.
infréquentable [ɛ̃frekɑ̃tabl] adj. (de
in- et de fréquentable ; av. 1922, Proust
[un premier ex. en 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers]). Qu’on ne peut fréquenter :
Elle se mit à afficher son mépris pour ce
qu’elle avait tant désiré, à déclarer que tous
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les gens du faubourg Saint-Germain étaient
idiots, infréquentables (Proust).
infréquenté, e [ɛ̃frekɑ̃te] adj. (de in- et
de fréquenté ; 1571, M. de La Porte, puis
1782, Delille). Qui n’est pas habituellement
fréquenté : J’écoutais les bruits qui sortent
des lieux infréquentés (Chateaubriand). La
peur que l’obscurité apporte à la solitude
des basiliques lointaines et infréquentées
de Rome (Goncourt).
• SYN. : désert, impratiqué, vide. — CONTR. :
fréquenté, habité, peuplé, populeux.
infroissabilité [ɛ̃frwasabilite] n. f. (dér.
savant de infroissable ; 1962, Larousse).
Propriété d’un tissu infroissable.
infroissable [ɛ̃frwasabl] adj. (de in- et
de froissable ; 1948, Larousse). Se dit d’un
tissu, d’un article en textile qui, du fait
d’un traitement spécial, ne se froisse pas
ou se froisse peu : Il regrettait beaucoup
son chapeau souple, léger, soyeux, tiède et
frais à la fois, infroissable (Gide).
infructueusement [ɛ̃fryktɥøzmɑ̃] adv.
(de infructueux ; fin du XVe s., Godefroy,
au sens 1 ; sens 2, 1834, Balzac). 1. De
façon infructueuse, sans profit : La certitude d’avoir infructueusement dissipé des
sommes considérables le désespéra (Balzac).
Ϧ 2. Inutilement, sans résultat : Eugène ne
suivit le conseil de son ami qu’après avoir
été infructueusement chez M. et Mme de
Nucingen (Balzac). J’ai à quatre reprises
et infructueusement relu le catalogue
(Baudelaire).
infructueux, euse [ɛ̃fryktɥø, -øz] adj.
(lat. infructuosus, infructueux, stérile [au
pr. et au fig.], de in-, préf. à valeur négative, et de fructuosus, fécond, fertile, dér. de
fructus, rapport, revenu, fruit, de fructum,
supin de frui, jouir de ; XIVe s., Godefroy,
au sens 2 ; sens 1, 1600, O. de Serres).
1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Qui ne produit pas de fruit : Lui qui trouvant l’arbre
cultivé et toujours infructueux... (Bossuet).
Ϧ 2. Qui ne donne pas de résultat, ou pas
de résultat utile : Effort, travail infructueux.
Tentatives, recherches infructueuses. Que de
jeûnes inutiles et infructueux dans l’Eglise !
(Massillon). Il me faisait souvent pitié, tant
ses démarches de toute espèce restaient
infructueuses (Carco).
• SYN. : 2 inefficace, inopérant, inutile, stérile, vain. — CONTR. : 2 efficace, fructueux,
profitable, salutaire, utile.
infrutescence [ɛ̃frytɛsɑ̃s] n. f. (de frutescent, sur le modèle de inflorescence ;
1907, Larousse). Ensemble des fruits qui
remplacent une inflorescence.
infule [ɛ̃fyl] n. f. (lat. infula, bande, ruban,
bandeau sacré, ornement sacré ; début du
XVIe s.). À Rome, dans l’Antiquité, bandelette sacrée de laine blanche, qui ceignait
le front des prêtres, des vestales et des suppliants, et dont on parait aussi les victimes,
lors des sacrifices.
infumable [ɛ̃fymabl] adj. (de in- et de
fumer ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers,
au sens 1 ; sens 2, 1934, Vercel). 1. Impossible
ou désagréable à fumer : Tabac, cigarette
infumable. Ϧ 2. Fam. Que l’on ne peut supporter, fréquenter : Des gens infumables.
infundibulaire [ɛ̃fɔ̃dibylɛr] adj. (de
infundibulum [v. ce mot] ; 1962, Larousse).
Qui se rapporte à un infundibulum, et spécialement à celui du cerveau.
infundibuliforme [ɛ̃fɔ̃dibulifɔrm] adj.
(de infundibuli-, élément tiré de infundibulum [v. l’art. suiv.], et de forme ; v. 1700,
Brunot). Qui a la forme d’un entonnoir :
On ne peut se figurer que ce grillage infundibuliforme soit achevé (Huysmans).
infundibulum [ɛ̃fɔ̃dibylɔm] n. m. (mot
lat. signif. « entonnoir, trémie [de moulin] »,
de infundere, verser dans [v. l’art. suiv.] ;
1611, J. Duval, écrit infondibule, au sens
de « entonnoir » ; écrit infundibulum, au
sens 1, v. 1710, d’après Trévoux, 1752 ; sens
2, 1867, Littré). 1. Extrémité inférieure du
troisième ventricule du cerveau. Ϧ2. Toute
partie d’organe en forme d’entonnoir.
infus, e [ɛ̃fy, -yz] adj. (lat. infusus, part.
passé de infundere, verser dans, répandre
dans ou sur, faire pénétrer dans, de in-,
préf. marquant le mouvement vers, et de
fundere, verser, répandre ; XIIIe s., Simples
médecines, au sens de « enduit [de] » ; sens
actuel, fin du XVe s., Molinet [aussi science
infuse — ironiq., fin du XVIIIe s., d’après
Bescherelle, 1845]). Littér. Se dit de notions,
de qualités qui sont comme naturellement
répandues dans une personne : Une sorte
de pensée qui lui était infuse (Proust). Et je
me sens l’esprit vaguement pressentir tout le
trésor infus des réponses qui s’ébauchent en
moi (Valéry). Ϧ Spécialem. Science infuse,
en théologie, science qu’Adam avait reçue
de Dieu. ϦAvoir la science infuse, savoir
sans avoir besoin d’étudier quoi que ce
soit ; ironiq., prétendre tout savoir.
• SYN. : inné, natif, naturel. — CONTR. :
acquis.
infuser [ɛ̃fyze] v. tr. (de infus[ion] ; XIVe s.,
Nature à l’alchimie, au sens II ; sens I, 1,
1846, Balzac [infuser un sang nouveau
à quelqu’un, 1957, Robert — ... un sang
jeune.., fin du XIXe s., A. Daudet] ; sens I,
2, 1690, Furetière [« inspirer dans l’âme
une connaissance sans qu’on travaille pour
l’acquérir », av. 1504, Destrees]).
I.1.Faire pénétrer dans un corps sous
forme de liquide : Infuser du sang à un
malade. Ϧ Fig. Infuser un sang nouveau,
un sang jeune à quelqu’un, à un groupe, lui
donner une vie ou des forces nouvelles : Il
usait, lorsque je le connus, les plumes et
le papier de la municipalité parisienne à
écrire de petits comptes rendus de théâtre
pour « le Charivari », qui renouvelait sa
rédaction et essayait de s’infuser un sang
plus jeune (Daudet). Ϧ 2. Fig. Faire pénétrer en communiquant ; introduire : Infuser le doute dans l’esprit de quelqu’un. Des
israélites [...] essayèrent d’infuser dans le
catholicisme quelques hypothèses remontant aux doctrines des Esséniens et des
gnostiques (Nerval). C’est comme une religion nouvelle que nous leur avons infusée
là, avec ses naïvetés, ses ferveurs (Daudet).
Le poison infusé dans mon âme commençait d’y tracer son chemin (Duhamel).
II. Mettre une substance dans un liquide
chaud afin d’en extraire le suc : Infuser du
thé dans l’eau bouillante.
• SYN. : I, 1 injecter, instiller, transfuser ;
2 inoculer, inspirer, insuffler.
& v. intr. (1690, Furetière). ou , plus
rarement, s’infuser v. pr. (1867, Littré).
Communiquer à un liquide chaud ses sucs
aromatiques, en parlant d’une substance
qu’on y a trempée : Laisser le thé infuser
cinq minutes.
• SYN. : macérer.
infusibilité [ɛ̃fyzibilite] n. f. (dér. savant
infusibilité [ɛ̃fyzibilite] n. f. (dér. savant
de infusible ; 1783, Buffon). Caractère de
ce qui est infusible.
infusible [ɛ̃fyzibl] adj. (de in- et de
fusible ; 1760, A. H. Charas). Qui ne peut
être fondu : Il n’est pas de corps réellement
infusible.
infusion [ɛ̃fyzjɔ̃] n. f. (lat. infusio, action
de verser dans, infusion, injection [et, à
basse époque, « action d’humecter, d’arroser, épanchement »], de infusum, supin
de infundere [v. INFUS] ; XIIIe s., Simples
médecines, au sens de « enduit » ; sens I, 1,
1611, Cotgrave [baptême par infusion, 1688,
Bossuet] ; sens I, 2, fin du XIIIe s. ; sens I, 3,
v. 1560, Paré ; sens II, 1, 1600, O. de Serres ;
sens II, 2, milieu du XVIe s., Amyot).
I. 1. Action de verser, de répandre
un liquide sur quelque chose ou sur
quelqu’un. Ϧ Spécialem. Baptême par
infusion, mode d’administration du baptême, qui consiste à verser de l’eau sur
la tête de celui que l’on baptise. Ϧ 2. En
termes de spiritualité, communication à
une personne de dons ou de grâces spéciales : Cette science des âmes qu’une infusion première et l’observation de chaque
jour lui [à saint François de Sales] avaient
enseignée (Sainte-Beuve). Ϧ 3. Fig. et littér. Pénétration dans l’esprit, le coeur :
Une chose digne de remarque est la puissance d’infusion que possèdent les sentiments (Balzac).
II. 1. Action de faire infuser : Le thé
se fait par infusion dans l’eau chaude.
Ϧ 2. Boisson obtenue ainsi : En donnant
ce soir à M. Ferragus une petite infusion
de têtes de pavots, il dormira bien, le cher
homme ! (Balzac).
• SYN. : II, 1 décoction, macération ;
2 tisane.
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infusoir [ɛ̃fyzwar] n. m. (de infuser ; 1838,
Acad., au sens de « instrument pour injecter
les veines » ; sens actuel, 1873, Larousse).
Récipient dans lequel on fait des infusions.
infusoire [ɛ̃fyzwar] n. m. (lat. scientif.
moderne infusorius [1765, Wrisberg], du lat.
class. infusio [v. INFUSION], ces animalcules
se trouvant dans des infusions ; 1797, Cuvier
[aussi au plur.]). Animal unicellulaire qui se
développe, entre autres, dans les infusions
végétales.
& infusoires n. m. pl. Groupe d’animaux
comprenant de nombreuses espèces parasites et constituant un des embranchements des protozoaires. (Syn. CILIÉS.)
ingagnable [ɛ̃gaɲabl] adj. (de in- et de
gagnable ; 1773, au sens 2, et 1774, au sens
1, Beaumarchais). 1. Qu’on ne peut pas
gagner : Guerre, procès ingagnable. Ϧ 2. Fig.
Qu’on ne peut pas gagner à soi : Il serait
abandonné de son parti sans gagner l’aristocratie, de sa nature ingrate et ingagnable
(Chateaubriand).
ingambe [ɛ̃gɑ̃b] adj. et n. (ital. in gambe,
alerte, proprem. « en jambes », de in, en
[lat. in, même sens], et de gamba, jambe
[bas lat. gamba, « jarret — des quadrupèdes »] ; v. 1536, M. Du Bellay, écrit en
gambe ; ingambe, 1585, Du Fail). Qui a les
jambes lestes, et, par extens., qui est alerte
et dispos : Un vieillard encore ingambe et
vigoureux. Elle explique que, s’il parle fort,
c’est qu’il est empêché de remuer ; il s’emporterait moins s’il était plus ingambe (Gide).
Béquilles qui font sourire les ingambes
(H. Bazin).
• SYN. : alerte, dispos, gaillard, valide.
ingélif, ive [ɛ̃ʒelif, -iv] adj. (de in- et de
gélif ; 1873, Larousse). Qui n’est pas gélif :
Pierres ingélives.
ingénier (s’) [sɛ̃ʒenje] v. pr. (dér. savant
du lat. ingenium, qualités innées, caractère, talent, génie, de in-, préf. marquant le
mouvement vers, et de genere, forme anc. de
gignere, engendrer, créer, produire ; fin du
XIVe s., Chr. de Pisan). S’ingénier à (et l’infinitif), essayer de parvenir à quelque chose
en faisant appel à toutes les ressources de
son esprit : Mais, avec la naïveté des gens
du monde, du moment qu’on la recevait, on
s’ingéniait à la trouver agréable, faute de
pouvoir se dire que c’est parce qu’on l’avait
trouvée agréable qu’on la recevait (Proust).
Elle s’ingéniait à envenimer constamment
nos querelles (Camus).
• SYN. : s’efforcer, s’escrimer à (fam.). s’évertuer à.
ingénierie [ɛ̃ʒeniri] n. f. (dér. de ingénieur, créé pour traduire l’angl. enginee-
ring [v. ce mot] ; 2 sept. 1966, le Figaro,
aux sens 1-2). 1. Fonction d’un bureau
d’études qui effectue l’étude complète
d’un projet industriel, d’un aménagement
hydraulique, d’un système de transport,
etc. Ϧ2. Ensemble des bureaux d’études
propres à remplir cette fonction.
• REM. On dit aussi ENGINEERING.
ingénieur [ɛ̃ʒenjoer] n. m. (réfection,
d’après s’ingénier, de l’anc. franç. engeigneor, architecte, celui qui invente, qui
conduit des travaux et des ouvrages pour
attaquer, défendre ou fortifier les places [v.
1160, Benoît de Sainte-Maure], de engignier,
tromper [1080, Chanson de Roland], fabriquer avec art, arranger, inventer [v. 1120,
Psautier de Cambridge], dér. de engin [v. ce
mot] ; milieu du XVIe s., Amyot, au sens I, 1 ;
sens I, 2-3, 1636, Monet ; sens II, 1, 15 avr.
1689, Littré ; sens 11, 2, 1731, Voltaire ; sens
II, 3, 1747, Brunot [ingénieur d’État, ingénieur militaire, 1873, Larousse ; ingénieur
civil, 1867, Littré ; ingénieur mécanicien,
1845, Bescherelle ; ingénieur de la ville de..,
1962, Larousse ; ingénieur du son, v. 1935]).
I.SENS ANCIENS 1.Celui qui concevait
les travaux de fortification ou en dirigeait l’exécution : Le maréchal de Vauban, né en 1683, le plus grand ingénieur
qui ait jamais été... (Voltaire). Ϧ 2. Celui
qui assurait la construction et l’entretien
d’ouvrages relevant des travaux publics :
routes, ponts, mines, etc. Ϧ 3. Personne
qui était chargée de la création et de la
conduite de machines industrielles.
II. SENS MODERNES 1. Personne que ses
connaissances rendent apte à occuper
des fonctions scientifiques ou techniques
actives, en vue de créer, organiser, diriger
des travaux qui en découlent : Ingénieur
des pétroles. Un ingénieur chimiste. Un
ingénieur de l’aéronautique. Ϧ 2. Titre
donné à une personne qui a accompli certaines études et a obtenu un diplôme lui
décernant cette qualification. Ϧ 3. Qualification diverse de fonction ou d’emploi
dans certaines activités. Ϧ Ingénieur
d’État, ingénieur des services (mines,
ponts et chaussées) ou des manufactures
de l’État (allumettes, tabac, etc.). Ϧ Ingénieur civil, ingénieur qui n’appartient pas
au corps des ingénieurs de l’État. Ϧ Ingénieur militaire, fonctionnaire des services
techniques des forces armées : Ingénieur
des poudres, des fabrications d’armement,
de l’armée de l’air. Ϧ Ingénieur mécanicien, ingénieur chargé de l’entretien et de
la réparation des machines et des engins.
Ϧ Ingénieur de la ville de..., ingénieur
appartenant à un service municipal.
Ϧ Ingénieur du son, ingénieur électricien
spécialisé dans la technique du son.
• REM. Ce mot étant uniquement masculin, il est d’usage, quand on parle d’une
femme, de l’employer en apposition : Une
femme ingénieur.
ingénieur-conseil [ɛ̃ʒenjoerkɔ̃sɛj] n.
m. (de ingénieur et de conseil ; av. 1902,
Zola). Personne qui, par profession, donne
des conseils, dirige des travaux, fait des
expertises, et dont les activités relèvent du
métier d’ingénieur : Lui, depuis des années,
n’avait qu’un rêve, être l’ingénieur-conseil
d’une grande maison de crédit (Zola).
ingénieur-docteur [ɛ̃ʒenjoerdɔktoer]
n. m. (de ingénieur et de docteur ; 1962,
Larousse). Titre délivré par une faculté
des sciences aux ingénieurs diplômés ou
aux techniciens possédant des titres suffisants, qui ont soutenu une thèse après deux
années d’études et de recherches dans un
laboratoire scientifique.
ingénieusement [ɛ̃ʒenjøzmɑ̃] adv.
(de ingénieux [v. ce mot] ; fin du XIIe s.,
Dialogues de saint Grégoire, écrit engeniousement ; ingénieusement, v. 1380, Aalma).
Avec ingéniosité : Un appareil ingénieusement conçu.
• SYN. : astucieusement, habilement,
subtilement.
ingénieux, euse [ɛ̃ʒenjø, -øz] adj.
(réfection, d’après le lat., de l’anc. franç.
engignios, habile, adroit, avisé [v. 1155,
Wace], lat. ingeniosus, qui a naturellement toutes les qualités de l’intelligence,
et, pour des choses, « naturellement apte
à, propre à », de ingenium [v. INGÉNIER
(s’)] ; v. 1380, Aalma, au sens 1 [ingénieux
à, 1640, Corneille] ; sens 2, 1683, Fléchier ;
sens 3, 1580, Montaigne). 1. Qui a un esprit
inventif, fertile en ressources : Un homme,
un artisan ingénieux. L’ingénieux insecte
concevrait-il l’entreprise, méditerait-il un
plan et travaillerait-il sur un devis qu’il s’est
tracé lui-même ? (Fabre). Ϧ Class. Ingénieux
à (et l’infinitif), qui met toute son adresse,
son habileté à faire quelque chose : Les
mères sont ingénieuses à observer jusqu’aux
moindres choses (Bossuet). Ϧ2. Qui est
propre à une personne ingénieuse : J’étais
certain que Clodius se trouverait assez
de ruse ingénieuse pour nous tourmenter
sans relâche (Bosco). Ϧ 3. Qui témoigne de
l’habileté, de l’adresse inventive : Invention,
découverte ingénieuse. Après avoir manifesté mon admiration pour un tour aussi
ingénieux (Peyré). La justice sociale peut
très bien se faire sans une philosophie ingénieuse (Camus).
• SYN. : 1 adroit, astucieux, habile, inventif ;
3 génial.
ingéniosité [ɛ̃ʒenjozite] n. f. (bas lat.
ingeniositas, capacité, talent, du lat. class.
ingeniosus [v. l’art. précéd.] ; début du
XIVe s., puis 1488, Vaganay, aux sens 1-2).
1. Qualité d’une personne ingénieuse :
L’ingéniosité d’un ouvrier, d’un homme de
loi retors. L’avocat a plaidé avec beaucoup
d’ingéniosité, mais n’a pas convaincu les
jurés. Ϧ2. Caractère de ce qui est ingénieux : L’ingéniosité d’un projet, d’un procédé de construction.
• SYN. : 1 astuce (fam.), esprit, habileté,
talent.
ingénu, e [ɛ̃ʒeny] adj. et n. (lat. ingenuus,
indigène, inné, né de parents libres, bien
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2635
né, digne d’un homme bien né, libre, de
in-, préf. marquant la localisation, et de
genere, forme anc. de gignere, engendrer,
créer, produire ; XIIIe s., Godefroy, puis
1529, Bonivard, comme n. m., écrit ingenue,
au sens I, 1 [écrit ingénu, comme adj. et n.,
1690, Furetière] ; sens I, 2, [écrit ingénu],
1680, Richelet ; sens II, 1 [écrit ingénu], 1611,
Cotgrave [une fausse ingénue, XXe s.] ; sens
II, 2, 1611, Cotgrave).
I. 1. En droit romain, qui est né libre et
n’a jamais cessé de l’être légalement (par
opposition à l’affranchi). Ϧ 2. Class. Né
de parents libres et nobles : Les enfants,
dont la différence d’avec les esclaves, c’est
qu’ils naissent libres et ingénus (Bossuet).
II. 1. Class. et littér. Qui agit, parle avec
une innocente franchise, sans rien dissimuler de ses pensées ou de ses senti-
ments : Elle n’avait pour tout bien qu’une
fille, | Jeune, ingénue, agréable et gentille
(La Fontaine). Une langue dorée qui parle
toute une nuit peut mener loin l’ingénue
qui prête l’oreille sans défiance (Musset).
Nous refusons à chaque instant d’écouter
l’ingénu que nous portons en nous (Valéry). Ϧ Une fausse ingénue, une jeune fille
qui feint l’innocence, la naïveté. Ϧ 2. Ironiq. Qui est d’une excessive naïveté,
d’une candeur un peu sotte : Élodie, qui
n’était point une ingénue, concevait différentes sortes d’amour (France). Ce n’était
point un ingénu que mon illustre prédécesseur [A. France]. Il ne s’attendait point
que l’humanité fût dans l’avenir bien différente de ce qu’il paraît qu’elle fut jusqu’à
nous-mêmes (Valéry).
•REM. Au sens I, 1, on emploie aussi la
forme lat. INGENUUS (plur. INGENII).
& adj. (sens I, 1704, Trévoux ; sens II, 1,
1636, Tristan L’Hermite ; sens II, 2, 1902,
Larousse).
I. Fief ingénu, en droit féodal, fief libre,
comme étaient les fiefs nobles.
II. 1. Class. et littér. Qui témoigne d’une
simplicité, d’une franchise, d’une innocence non feintes : Ces vieillards [...]
avaient [...] une parole grave et pleine
d’autorité, des manières simples et ingénues (Fénelon). Vos yeux ingénus et hardis (Hugo). Mais une réflexion ingénue ne
manque jamais de tourner un regard naïf
vers ce qu’elle croit concevoir (Valéry).
Ϧ 2. Ironiq. Qui dénote une naïveté un
peu simple : Une réponse ingénue.
• SYN. : II, 2 candide, innocent, naïf, simple,
simplet. — CONTR. : II, 2, averti, malin,
roué, rusé.
& ingénue n. f. (1829, Boiste [le rôle d’ingénue ne lui va pas, XXe s.]). Au théâtre,
emploi traditionnel de jeune fille simple
et naïve : Jouer les ingénues. Ϧ Fig. Le rôle
d’ingénue ne lui va pas, on la connaît trop
pour se laisser prendre à sa feinte ingénuité.
ingénuité [ɛ̃ʒenɥite] n. f. (lat. ingenuitas,
condition d’homme né libre, bonne naissance, sentiments nobles, loyauté, de ingenuus [v. l’art. précéd.] ; 1372, Oresme, puis
1541, Calvin, au sens I ; sens II, 1-2, 1611,
Cotgrave ; sens II, 3, 1845, Bescherelle).
I. En droit romain, état, condition de
l’homme ingénu, né libre.
II. 1. Class. et littér. Caractère d’une personne (ou de ses actes, de ses propos)
qui est naturelle, simple et franche : Cet
âge est innocent : son ingénuité | N’altère
point encor la simple vérité (Racine). La
jeunesse qui était en elle [...] éclatait avec
une ingénuité charmante (Zola). Quant à
l’ingénuité de Verlaine et de son art, il ne
fait aucun doute qu’elle n’a jamais existé
(Valéry). Nul n’a mieux exprimé [que F.
Jammes], en termes familiers, d’une ingénuité touchante, l’atmosphère d’une petite
ville (Carco). J’avais toujours pensé, avec
l’ingénuité dont je vous ai donné quelques
preuves, que ceux qui ne me connaissaient
pas ne pourraient s’empêcher de m’aimer
s’ils venaient à me fréquenter (Camus).
Ϧ 2. Ironiq. Simplicité, naïveté excessive, candeur un peu sotte : Il y a dans
cet aveu autant de malice que d’ingénuité
(Courier). Une ingénuité qui prête à rire.
Avouer une faute avec une désarmante ingénuité. Ϧ 3. Parole, action qui témoigne
d’une franchise simple et naïve : S’amuser des ingénuités d’un vieux savant. Il
arrive [...] que l’on perde de vue certaines
difficultés élémentaires [...], qu’il n’est pas
mauvais que l’ingénuité d’un passant ravive tout à coup (Valéry).
• SYN. : II, 1 candeur, innocence, naturel,
pureté, simplicité ; 3 naïveté, niaiserie.
— CONTR. : II, 1 coquetterie, duplicité, fausseté, fourberie, hypocrisie, rouerie.
ingénument [ɛ̃ʒenymɑ̃] adv. (de ingénu ;
XVe s., Littré, au sens de « avec une noble
franchise » ; sens 1, 1554, Vaganay [écrit
ingénuement ; ingénument, 1644, Scarron] ;
sens 2, av. 1696, La Bruyère [ironiq., fin du
XIXe s.]). 1. Class. Avec franchise, loyauté :
Comptez qu’il est plus honorable d’avouer
ingénument et simplement que l’on a tort,
que de s’excuser mal à propos (Maintenon).
Ϧ 2. Littér. Avec une simplicité, une naïveté
non feintes : Sa figure, fortement colorée, à
contours carrés, offrait, par la disposition
des rides, par l’ensemble de la physionomie, le caractère ingénument rusé du paysan
(Balzac). Certains hommes sont criminels
avec naturel et simplicité, ingénument, dans
une sorte de candeur (France). ϦS’emploie
souvent avec une nuance plus ou moins
ironique : Je t’aime ingénument. Je t’aime
pour te voir (Samain). La santé véritable
s’ignore trop ingénument pour se complaire
aux effusions de Narcisse (Duhamel). Il a
ingénument signé tous les papiers qu’on lui
présentait.
ingérable [ɛ̃ʒerabl] adj. (de ingérer ; 1966,
Vic-Dupont). Qui peut être ingéré, absorbé
par la bouche : Un médicament qui n’est
pas ingérable.
ingérence [ɛ̃ʒerɑ̃s] n. f. (de [s’]ingérer ; 1867, Littré, au sens 1 ; sens 2, 1873,
Larousse). 1. Action de s’ingérer, d’intervenir indûment dans les affaires d’autrui : Le
boutiquier [...] est contre les abus du clergé
et l’ingérence des prêtres dans la politique
(France). Considérez seulement ce qui se
passe en France : la distribution contrôlée
des vivres, le rationnement de la consommation, l’ingérence de l’État dans tous les
domaines (Martin du Gard). Ϧ 2. Dans le
domaine de la politique internationale,
intervention d’un État dans les affaires
intérieures d’un autre État : L’Europe se
récrie contre le droit d’ingérence perpétuelle que la Russie prétend exercer dans les
affaires intérieures de la Turquie (Girardin).
• SYN. : immixtion, intervention, intrusion.
1. ingérer (s’) [sɛ̃ʒere] v. pr. (lat. ingerere,
porter dans, lancer contre, imposer, mêler
dans, introduire, et, comme v. pr., « s’imposer », de in-, préf. marquant le mouvement
vers, et de gerere, porter, faire ; milieu du
XVIe s., Amyot, au sens 2 ; sens 1, 1666,
Molière [d’abord s’ingérer pour — 1370,
Oresme —, puis s’ingérer à — fin du XIVe s.,
E. Des-champs ; s’ingérer de, suivi de l’infin., XVe s., La Curne — s’ingérer à, 1627,
Richelieu] ; sens 3, av. 1704, Bourdaloue).
[Conj. 5 b.] 1. Class. S’ingérer de (suivi d’un
nom), se mêler de quelque chose sans y
avoir été invité : Et vous êtes un impertinent de vous ingérer des affaires d’autrui
(Molière). À Rome s’ingérait de la médecine
qui voulait (Montesquieu). Ϧ Class. et littér. S’ingérer de ou à(suivi d’un infinitif),
se permettre, sans y être autorisé, de faire
quelque chose : Vous vous ingérez donc de
lui baiser la main (Scarron). Nul ne se doit
ingérer de son autorité propre à gouverner
l’Église (Bossuet). Le prêteur [...] s’ingéra
par curiosité d’aller voir cette maison de
campagne, sur laquelle il avait hypothèque
(Balzac). Elle s’était ingérée d’écrire un
roman idiot (Hermant). Celui qui s’ingère
à les rendre canailles (Flaubert). Ϧ2. Absol.
et class. S’insinuer dans un milieu pour y
intriguer : je n’ai jamais cherché la Cour :
on m’y a fait aller ; j’y ai demeuré près de
dix ans, sans m’ingérer, sans faire un seul
pas pour moi (Fénelon). Ϧ3. S’ingérer dans
quelque chose, intervenir indûment dans
quelque chose : S’ingérer dans les affaires
d’autrui. Un pays qui s’ingère dans la politique intérieure d’un pays voisin.
• SYN. : 3 s’entremettre, se faufiler, s’immiscer, se mêler de.
2. ingérer [ɛ̃ʒere] v. tr. (même étym. qu’à
l’art. précéd. : 1839, Acad.). Introduire par
la bouche dans le tube digestif : Les rescapés n’avaient ingéré aucun aliment depuis
plusieurs jours.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2636
• SYN. : absorber, avaler, ingurgiter.
ingesta [ɛ̃ʒɛsta] n. m. pl. (mot lat. signif.
proprem. « ce qui est introduit », part.
passé neutre plur. substantivé de ingerere
[v. INGÉRER 1] ; 1742, Arbuthnot). Ensemble
des matières qui pénètrent normalement
chaque jour dans l’organisme : aliments,
oxygène. (Contr. EXCRETA.)
ingestion [ɛ̃ʒɛstjɔ̃] n. f. (bas lat. ingestio, action d’ingérer, de proférer, d’infliger,
de ingestum, supin du lat. class. ingerere
[v. INGÉRER 1] ; 1407, Isambert, au sens de
« ingérence » ; sens 1, 1826, Brillat-Savarin ;
sens 2, 1902, Larousse). 1. Action d’ingérer, d’introduire dans les voies digestives :
L’ingestion des aliments. Ϧ2. Ingestion
intracellulaire, introduction d’un corps
étranger dans le cytoplasme d’un être
unicellulaire.
inglorieux, euse [ɛ̃glɔrjø, -øz] adj. (lat.
ingloriosus, qui est sans gloire, de in-, préf.
à valeur négative, et de gloriosus, glorieux
[pour des choses et des personnes], dér. de
gloria, gloire ; XIVe s., La Curne, puis 1801,
Mercier, au sens 1 [depuis le XIXe s., le mot
est sans doute un dér. franç. de in- et de glorieux] ; sens 2, av. 1848, Chateaubriand ; sens
3, 1809, Delille). 1. Qui n’a acquis aucune
gloire, aucune renommée : J’y arrive obscur
et inglorieux (Vallès). Sauvage, inglorieux,
étranger à toute vie publique (France).
Ϧ 2. Qui ne procure aucune gloire : La
victoire même serait inglorieuse (Gautier).
Ϧ 3. Qui a été le théâtre d’événements sans
gloire : Rambouillet, retraite inglorieuse où
s’éclipsa ce qu’il y eut de plus grand, en race
et en homme (Chateaubriand).
ingluvial, e, aux [ɛ̃glyvjal, -o] adj. (du
lat. ingluvies, gésier, jabot des oiseaux ;
1962, Larousse). Qui concerne le jabot des
oiseaux : Indigestion ingluviale.
ingluvie [ɛ̃glyvi] n. f. (du lat. ingluvies [v.
l’art. précéd.] ; 1968, Larousse). Pelote de
régurgitation formée par les déchets alimentaires de divers oiseaux se nourrissant
d’animaux (rapaces, oiseaux marins, etc.).
ingouvernable [ɛ̃guvɛrnabl] adj. (de
in- et de gouverner ; 1760, Brunot, au sens
1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Que l’on ne peut
gouverner, diriger : Pays ingouvernable.
Le peuple français est ingouvernable dès
que l’exemple de la résistance est donné
(Tocqueville). Un audacieux, ingouvernable même dans sa foi (Goncourt). La
dose de bureaucratie sans quoi les hommes
sont ingouvernables (Romains). Ϧ2. Fig.
Se dit de forces dont on ne peut garder le
contrôle : L’émoi ingouvernable des sens
(Bourget). Dans ce monde où l’être s’abandonne à des forces ingouvernables... (Bosco).
ingrat, e [ɛ̃gra, -at] adj. et
tus, désagréable, déplaisant,
reconnaissance, dont il n’est
in-, préf. à valeur négative,
agréable, bienvenu, dont on a
n. (lat. ingraqui n’a pas de
pas su gré, de
et de gratus,
de la grati-
tude, reconnaissant ; v. 1361, Oresme, au
sens 1 [ingrat à quelqu’un, 1587, F. de La
Noue ; vous n’aurez pas affaire à un ingrat,
1732, Lesage] ; sens 2, 1632, Corneille).
1. Qui méconnaît les bienfaits reçus et ne
témoigne aucune reconnaissance à qui il
les doit : Un enfant ingrat envers ses parents.
Vous trouverez en moi de ces immenses
abîmes, de ces vastes sentiments concentrés que les niais appellent des vices ; mais
vous ne me trouverez jamais ni lâche, ni
ingrat (Balzac). Ϧ Class. Ingrat à quelqu’un,
à quelque chose, qui manque de reconnaissance envers quelqu’un, qui est indifférent
aux bienfaits qu’il reçoit : Ne soyez point
ingrat au bon Clément (Sévigné). Ces
mêmes dignités | Ont rendu Bérénice ingrate
à vos bontés (Racine). Ϧ Vous n’aurez pas
affaire à un(e) ingrat(e), vous serez largement récompensé du service que vous avez
rendu. Ϧ 2. Class. et littér. Qui méconnaît
l’amour qu’on lui porte et ne le paie pas de
retour : Mais l’ingrate en mon coeur reprit
bientôt sa place (Racine). Jeanne est une
ingrate et Gélis un séducteur (France).
•SYN. : 1 égoïste, oublieux ; 2 cruel.
— CONTR. : 1 obligé, reconnaissant, 2
aimant.
& adj. (sens I, av. 1525, J. Lemaire de Belges
[âge ingrat, 1862, V. Hugo] ; sens II, 1, 1662,
Corneille ; sens II, 2, av. 1704, Bourdaloue ;
sens II, 3, 1639, Tristan L’Hermite).
I. Qui n’est pas agréable, qui déplaît par
son manque de grâce : Cet artiste, du
genre ingrat et mal apprécié, déploie des
qualités surprenantes, celles d’un vrai
peintre (Baudelaire). Elle souriait, heureuse, agréable malgré sa face ingrate
(Zola). Dans cette figure ingrate, encore
enlaidie par des taches de son, les yeux,
d’un bleu dur, petits, encaissés, volontaires, avaient une vie saisissante (Martin
du Gard). Ϧ Âge ingrat, début de l’adolescence : Angèle, avec la gêne maussade
des filles dans l’âge ingrat, était venue se
placer derrière sa mère (Zola).
II. 1. Qui marque, dénote l’ingratitude
d’une personne : Conduite ingrate. Sentiments ingrats. Ϧ 2. Qui ne répond pas
au travail fourni, qui produit peu : Sol
ingrat. Pays ingrat. Au début, la solitude
et le silence lui avaient été durs sur ces
terres ingrates, habitées seulement par des
pierres (Camus). Ϧ 3. Qui est difficile ou
rebutant, qui exige de gros efforts sans résultats appréciables : Travail ingrat. Tâche
ingrate. Sujet ingrat. Matière ingrate. Il
a passé sa vie à des métiers ingrats, qui
étaient contre son goût (Rolland).
• SYN. : I déplaisant, désagréable, disgracieux. ϦII, 2 aride, improductif, infructueux, maigre, pauvre, stérile.
ingratement [ɛ̃gratmɑ̃] adv. (de ingrat ;
fin du XVe s., Godefroy). Littér. Avec
ingratitude.
ingratitude [ɛ̃gratityd] n. f. (bas lat.
ingratitudo, ingratitude, mécontentement, du lat. class. ingratus [v. INGRAT]
v. 1265, J. de Meung, au sens 1 [en droit,
1690, Furetière] ; sens 2, 1667, Racine ;
sens 3, 1959, Robert ; sens 4, 1770, Raynal).
1. Manque de gratitude, de reconnaissance ; manière d’agir d’une personne
ingrate : Il vaut mieux s’exposer à l’ingratitude que de manquer aux misérables (La
Bruyère). On ne cite qu’un seul chien célèbre
par son ingratitude (Chateaubriand). Il est
vrai que j’ai quitté votre toit avec une apparente ingratitude, dont je vous demande
pardon (France). Ϧ Spécialem. En droit,
manquement grave au devoir de reconnaissance, à la suite duquel une donation,
un legs ou une adoption peuvent être
révoqués. Ϧ2. Vx et littér. Conduite d’une
personne ingrate en amour : Mon coeur
désespéré d’un an d’ingratitude (Racine).
Ϧ3. Caractère de ce qui témoigne d’un
manque de reconnaissance : L’ingratitude
de sa conduite. L’ingratitude d’un pareil
acte. Ϧ 4. Vx. Caractère de ce qui ne répond
pas aux efforts fournis : L’ingratitude d’un
sol (Raynal). L’ingratitude d’une tâche.
• SYN. : 1 méconnaissance, oubli. — CONTR. :
1 gratitude, reconnaissance.
& ingratitudes n. f. pl. (1660, Corneille).
Vx. Actes d’une personne ingrate : Qui doit
enfin terminer [...] toutes les ingratitudes de
votre vie (Massillon).
ingrédient [ɛ̃gredjɑ̃] n. m. (lat. ingrediens, -dientis, part. prés. de ingredi, aller
dans, entrer dans, commencer, de in-, préf.
marquant le mouvement vers, et de gradi,
marcher, s’avancer ; 1508, Dict. général, au
sens 1 ; sens 2, av. 1681, Patru). 1. Élément,
produit qui entre dans une composition, un
mélange, une préparation : Les ingrédients
d’une potion, d’un remède. Les ingrédients
d’une sauce, d’une liqueur. Ϧ 2. Fig. Ce qui
concourt à un résultat : En sa qualité de
marxiste, il méprisait le pittoresque comme
un ingrédient à colorer la misère du peuple
(Aymé).
• SYN. : 1 constituant.
ingresque [ɛ̃grɛsk] adj. (de Ingres, n. pr. ;
1958, Gieure). Qui appartient à Ingres, qui
est dans sa manière.
ingressif, ive [ɛ̃grɛsif, -iv] adj. (dér.
savant du lat. ingressum, supin de ingredi
[v. INGRÉDIENT] ; 1962, Larousse). En linguistique, qui est envisagé comme limité à
son stade initial : Action ingressive. Procès
ingressif.
• SYN. : inchoatif.
ingression [ɛ̃grɛsjɔ̃] n. f. (lat. ingressio,
entrée dans, de ingressum, supin de ingredi
[v. INGRÉDIENT] ; fin du XIVe s., au sens de
« invasion » ; sens actuel, 1962, Larousse
[du XVIe au XXe s., le mot a eu de nombreux
autres sens spécialisés]). Déplacement que
subit une dent, suivant son axe longitudinal, lorsqu’elle rentre dans le maxillaire.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2637
ingreux [ɛ̃grø] n. m. (origine obscure ;
1962, Larousse). Fil servant à attacher une
boette molle sur un hameçon.
ingrisable [ɛ̃grizabl] adj. (de in- et de
griser ; av. 1872, Th. Gautier). Que l’on ne
peut griser : Moi qui suis ingrisable (notez
que c’était sous la table que notre digne narrateur Roderick avançait cette audacieuse
assertion), j’observe, j’anatomise, je fais de
la psychologie (Gautier).
inguérissable [ɛ̃gerisabl] adj. (de inet de guérissable [v. ce mot] ; v. 1460, G.
Chastellain, écrit ingarissable [inguérissable, 1611, Cotgrave], au sens 1 ; sens 2,
av. 1778, Voltaire). 1. Que l’on ne peut guérir : Un paralytique inguérissable. Maladie
inguérissable. Ϧ2. Fig. Qui est sans remède,
que l’on ne peut calmer, faire disparaître :
J’ai toujours devant les yeux deux ou trois
choses [...] qui sont entrées en moi comme
de longues et minces piqûres inguérissables
(Maupassant). J’entrevis chez cet être [...]
une détresse intime, persistante, inguérissable, analogue à celle d’un orphelin ou d’un
infirme (Lacretelle). Cette douceur voilée de
mélancolie des personnes qui ont au coeur
une plaie inguérissable (Aymé).
• SYN. : 1 chronique, incurable ; condamné,
perdu ; 2 inapaisable.
inguinal, e, aux [ɛ̃gɥinal, -o] adj. (dér.
savant du lat. inguen, inguinis, aine, basventre ; v. 1560, Paré). Qui appartient à
l’aine : Région inguinale. Ganglions inguinaux. Hernie inguinale. Il [Rieux] avait
téléphoné à Richard pour le questionner
sur ces fièvres inguinales (Camus).
ingurgitation [ɛ̃gyrʒitasjɔ̃] n. f. (bas lat.
ingurgitatio, action d’engouffrer, de ingurgitatum, supin du lat. class. ingurgitare [v.
l’art. suiv.] ; 1488, Le Huen, puis 1836,
Acad.). Action d’ingurgiter. (Peu usité.)
ingurgiter [ɛ̃gyrʒite] v. tr. (lat. ingurgitare, engouffrer [au pr. et au fig.], de
in-, préf. marquant le mouvement vers,
et de gurges, gurgitis, tourbillon d’eau,
abîme [au pr. et au fig.] ; 1488, Le Huen,
au sens 1 [comme v. pr. ; comme v. tr.,
1611, Cotgrave, puis 1842, Mozin] ; sens 2,
av. 1885, V. Hugo ; sens 3, 1856, V. Hugo).
1. Ingurgiter quelque chose, l’introduire
dans sa gorge : Ingurgiter un gros morceau
de viande ; fam., avaler gloutonnement
et en grande quantité des aliments, une
boisson, etc. : Ingurgiter un litre de vin. Ils
ingurgitent des bavaroises et se bourrent
de brioches (Zola). Ϧ2. Ingurgiter ou faire
ingurgiter quelque chose à quelqu’un, le lui
faire avaler de force : Ingurgiter sa bouillie
à un enfant ; et au fig. : Tout ce qu’un sacristain de force t’ingurgite (Hugo). Ϧ3. Fig.
Absorber massivement des connaissances
ou lire rapidement sans pouvoir assimiler
vraiment : Ingurgiter les matières d’un programme. Ingurgiter un ouvrage indigeste.
• SYN. : 1 s’empiffrer (fam.), s’enfiler (pop.),
enfourner (fam.), engloutir, engouffrer,
entonner (fam.), s’envoyer (pop.).
inhabile [inabil] adj. (lat. inhabilis, difficile à manier, incommode, impropre à, de
in-, préf. à valeur négative, et de habilis,
commode, qui va bien, bien adapté, apte à,
dér. de habere, avoir, tenir ; v. 1361, Oresme,
au sens 1 [en termes de droit, av. 1453,
Monstrelet] ; sens 2, 1611, Cotgrave ; sens 3,
1833, Michelet). 1. Class. et littér. Qui n’est
pas apte à quelque chose : [La vieillesse]
Inhabile aux plaisirs dont la jeunesse abuse
(Boileau). Un coeur faible, étroit, pusillanime, | Inhabile aux vertus (Chénier). Une
figure inhabile à la résignation (Balzac).
L’habitude d’imposer sa volonté par la force
rend un homme de guerre très inhabile à
l’éloquence (France). Ϧ Auj. En termes
de droit, qui n’a pas la capacité légale
d’accomplir un acte juridique : Inhabile
à tester. Ϧ2. Absol. Qui manque d’habileté manuelle : Un ouvrier inhabile. Des
mains inhabiles et maladroites. Ϧ 3. Absol.
Qui manque d’habileté, de savoir-faire,
de diplomatie : Un chef d’entreprise inhabile. Une déclaration inhabile a failli faire
échouer la négociation.
• SYN. : 2 gauche, gourd, maladroit, malhabile ; 3 incompétent, malavisé, malencontreux, malheureux. — CONTR. : 2 adroit,
habile ; 3 astucieux, avisé, diplomate, heureux, ingénieux, malin, roué, rusé.
inhabilement [inabilmɑ̃] adv. (de inhabile ; 1596, Hulsius, au sens de « d’une
manière impropre » ; sens actuel, 1611,
Cotgrave). Maladroitement : Plaider une
cause inhabilement.
inhabileté [inabilte] n. f. (de inhabile,
d’après habileté ; v. 1380, Conty, au sens
1 ; sens 2, av. 1890, Maupassant [1611,
Cotgrave, sous la forme inhabilité, v. l’art.
suiv.]). 1. Caractère d’une personne qui
n’est pas habile : Elle mourut en couches,
tuée par l’inhabileté du médecin (Balzac).
C’est l’inhabileté des machinistes qui a
nécessité la suppression de tout un tableau
(Baudelaire). Ϧ2. Littér. Caractère de ce
qui est peu adapté (rare) : L’inhabileté de
sa vêture avait toujours fait disparaître ses
faibles attributs féminins, qui auraient
dû saillir avec art sous un habillage bien
entendu (Maupassant).
• SYN. : 1 gaucherie, impéritie, incapacité,
maladresse. — CONTR. : 1 adresse, compétence, diplomatie, expérience, habileté,
ingéniosité, maîtrise, talent.
inhabilité [inabilite] n. f. (de inhabile,
d’après habilité ; v. 1361, Oresme). État
d’une personne qui n’a pas la capacité
légale : L’inhabilité à tester.
• SYN. : incapacité.
inhabitabilité [inabitabilite] n. f. (dér.
savant de inhabitable ; 1959, Robert).
Caractère de ce qui est inhabitable.
inhabitable [inabitabl] adj. (lat. inhabitabilis, inhabitable, de in-, préf. à valeur
négative, et de habitabilis, habitable, dér.
de habitare, avoir souvent, habiter, occuper, fréquentatif de habere, avoir, tenir ;
v. 1360, Froissart, au sens 1 [« qui ne peut
être habité », 1690, Furetière] ; sens 2, fin
du XIXe s.). 1. Où l’on ne peut habiter,
séjourner : Ce ravin d’Haudromont était
scandaleusement inhabitable (Romains).
Ϧ Qui ne peut être habité : Maison inhabitable. Ϧ 2. Fam. Avec qui l’on ne peut
habiter (rare) : La fille aura quitté ses
parents, soit que la famille fût inhabitable,
soit qu’une aventure galante l’eût entraînée
(M. Prévost).
inhabitation [inabitasjɔ̃] n. f. (de inet de habitation ; 1829, Boiste). État d’un
local, d’un lieu qui n’est pas habité (peu
usité) : L’inhabitation d’un bâtiment amène
sa dégradation. L’herbe avait poussé par
l’inhabitation (Le Roy).
inhabité, e [inabite] adj. (de in- et de
habité, part. passé de habiter ; fin du XIVe s.,
au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. Qui
n’est pas habité : Les régions inhabitées
du globe. L’hôtel de l’avenue d’Iéna, alors
inhabité, reçut la visite nocturne d’un cambrioleur (France). Une chaumière qu’on eût
pu croire inhabitée, sans un mince filet de
fumée qui s’en échappait (Gide). Il n’entrait
jamais seul dans la chambre inhabitée
où son grand-père était mort (Mauriac).
Ϧ 2. Fig. et littér. Où il n’y a pas d’esprit,
d’intelligence, de vie : Le corps semblait
inhabité (Gide). La fille de l’aubergiste
somnole en penchant près de la fenêtre son
visage inhabité d’innocente (Elder).
• SYN. : 1 abandonné, désert, désolé, inoccupé, sauvage, solitaire, vide.
inhabitude [inabityd] n. f. (de in- et de
habitude ; 1762, J.-J. Rousseau). Défaut
d’habitude (rare) : L’inhabitude de penser
dans l’enfance en ôte la faculté dans le reste
de la vie (Rousseau).
inhabitué, e [inabitɥe] adj. (de in- et de
habitué, part. passé de habituer ; XVIe s.,
La Curne). Littér. Qui n’est pas habitué à
quelque chose : Ses cheveux, inhabitués au
peigne et rebelles, demeuraient tumultueux
(L. Daudet).
inhabituel, elle [inabitɥɛl] adj. (de in- et
de habituel ; 1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2,
1904, Frapié). 1. Qui n’est pas habituel ; qui
a un caractère insolite, anormal : Un geste
inhabituel. Ce travail inhabituel l’a beaucoup fatigué. Je sentais dans mes membres
et dans tout le corps une aisance inhabituelle (Aymé). Une agitation inhabituelle
était signalée dans les casernes (BrasillachBardèche). Ϧ2. Qui n’est pas conforme
à l’état habituel : Ces gens du dimanche
rendent la rue inhabituelle (Frapié).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2638
• SYN. : 1 anormal, inaccoutumé ; nouveau,
occasionnel ; étrange ; 2 différent, insolite,
singulier.
inhalant, e [inalɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de
inhaler ; 1791, Bulletin des sciences [p. 14],
au sens de « qui inhale, qui absorbe » ; sens
actuel, 1962, La rousse). Comprimé inhalant, comprimé composé de substances
volatiles, et que l’on plonge dans l’eau
bouillante pour faire des inhalations.
inhalateur, trice [inalatoer, -tris] adj.
(de inhalat[ion] ; 1873, Larousse). Qui sert à
des inhalations : Appareil, tube inhalateur.
& inhalateur n. m. (sens 1, 1873, Larousse ;
sens 2, 1931, Larousse). 1. Appareil servant
à faire des inhalations : Plusieurs malades
assis, la tête encapuchonnée de serviettes,
étaient penchés sur des inhalateurs (Martin
du Gard). Ϧ 2. Inhalateur d’oxygène, sorte
de masque utilisé par les aviateurs appelés
à évoluer à de hautes altitudes, et qui est
relié à une réserve d’oxygène dont le débit
vient compenser la diminution de pression
de l’air ambiant.
inhalation [inalasjɔ̃] n. f. (bas lat. inhalatio, exhalaison, de inhalatum, supin du
lat. class. inhalare [v. INHALER] ; 1760,
P. H. d’Holbach [p. 302, texte et note],
au sens de « exhalaison par laquelle une
substance émanée entre dans une autre et
la pénètre » [terme de minéralogie] ; 1823,
Boiste, au sens de « action par laquelle les
plantes absorbent les fluides ambiants » ;
sens actuel, 1867, Littré). Action d’inhaler. ϦSpécialem. Absorption par les voies
respiratoires, à des fins thérapeutiques,
d’un gaz, d’une vapeur ou d’un aérosol :
Anesthésie par inhalation. Faire des inhalations. (Syn. FUMIGATION.)
inhalatorium [inalatɔrjɔm] n. m. (dér.
savant de inhalat[ion], sur le modèle de
sanatorium, préventorium, etc. ; 1962,
Larousse). Dans les établissements thermaux, salle où se pratiquent les inhalations.
inhaler [inale] v. tr. (lat. inhalare, souffler sur, exhaler une odeur de, de in-, préf.
marquant le mouvement vers, et de halare,
exhaler [une odeur] ; 1845, Bescherelle, au
sens 2 [« absorber par les voies respiratoires, à des fins thérapeutiques, des gaz
ou des vapeurs » ; « absorber par inspiration », 1867, Littré — au part. prés. dès
1791, v. INHALANT] ; sens 1, 1873, Larousse).
1. Absol. et vx. Inspirer : Je te dirai, ma chérie, que tout le monde n’inhale pas de la
même façon (Daudet). Ϧ 2. Absorber par
inspiration. ϦSpécialem. Absorber par les
voies respiratoires, à des fins thérapeutiques, des gaz ou des vapeurs : Inhaler
de l’éther. Inhaler des vapeurs de menthol.
• SYN. : 2 aspirer, humer. — CONTR. : 1 exhaler, expirer.
inharmonie [inarmɔni] n. f. (de in- et de
harmonie ; 1765, Diderot). Manque d’harmonie : La fanfare tournant, nous serons
rendus à l’ancienne inharmonie (Rimbaud).
Toute faute de quantité fut sévèrement
réprimée dans ma maison, toute inharmonie, tout désordre (Maurras).
inharmonieusement [inarmɔnjøzmɑ̃]
adv. (de inharmonieux ; 1867, Littré). De
façon inharmonieuse.
inharmonieux, euse [inarmɔnjø, -øz]
adj. (de in- et de harmonieux ; av. 1803,
Laharpe, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré).
1. Qui n’est pas harmonieux ; désagréable
à l’oreille : Accents, cris, rythmes inharmonieux. Les sons inharmonieux des instruments que les musiciens accordaient
(France). Ϧ 2. Qui est dépourvu d’harmonie, d’équilibre, d’esthétique : Ensemble
vulgaire, cossu, inhabitable et inharmonieux (Gyp).
inharmonique [inarmɔnik] adj. (de in- et
de harmonique ; av. 1865, Proudhon). Qui
manque d’harmonie : La dureté du style de
la Pucelle est inimaginable [...]. C’est une
espèce d’harmonie inharmonique, si l’on
peut s’exprimer ainsi (Gautier).
inhérence [inerɑ̃s] n. f. (lat. scolast.
inhaerentia, de inhaerens, -entis [v. l’art.
suiv.] ; 1377, Oresme, puis début du XVe s.,
Godefroy, puis 1688, Miege [en logique,
1690, Furetière]). Caractère, état de ce qui
est inhérent à quelque chose. Ϧ Spécialem.
En logique, rapport d’une qualité intrinsèque au sujet dont elle est l’attribut : Toute
qualité a son sujet d’inhérence (Cousin).
inhérent, e [inerɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. scolast.
inhaerens, -entis, inhérent, part. prés.
adjectivé du lat. class. inhaerere, rester
fixé à, adhérer à, et, au fig., « tenir à, être
attaché, fixé » ; 1503, Chauliac, au sens 1 ;
sens 2, 1959, Robert ; sens 3, 1672, Molière).
1. Inhérent à, se dit de ce qui est essentiel
à quelqu’un ou à quelque chose, de ce qui
lui est lié d’une manière intime et nécessaire : Les droits inhérents à la personne
humaine. Un vice inhérent à une institution. Il y a des défauts qui sont inhérents à
des beautés (Hugo). Ϧ 2. En logique, se dit
d’une détermination affirmée d’un sujet et
n’existant que par lui, ou d’une manière
d’être qui lui est intrinsèque. Ϧ 3. Class.
Qui a un caractère ferme, durable, indestructible (s’employait sans complément) :
La beauté du visage est un frêle ornement
[...] ; | Mais celle de l’esprit est inhérente et
ferme (Molière).
• SYN. : 1 immanent, inséparable,
intrinsèque.
inhibage [inibaʒ] n. m. (de inhiber ; 1962,
Larousse). En pyrotechnie, application d’un
inhibiteur sur un bloc de poudre.
inhibant, e [inibɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de
inhiber ; 1970, Robert). Qui inhibe.
inhibé, e [inibe] adj. (part. passé de inhiber ; XVe s., au sens de « interdit » ; sens
actuel, 1902, Larousse). Qui est ralenti ou
arrêté par inhibition.
& adj. et n. (1970, Robert). Se dit d’une personne atteinte d’inhibition psychique : Un
inhibé sexuel.
inhiber [inibe] v. tr. (lat. inhibere, retenir, arrêter, appliquer, de in-, préf. marquant la localisation, et de habere, avoir,
tenir ; 1391, Soudet, au sens 1 [var. inhibir,
milieu du XIVe s.] ; sens 2, 1888, Larousse
[art. inhibition] ; sens 3, début du XXe s.).
1. Vx. En termes de droit, mettre opposition à, défendre. Ϧ 2. En physiologie,
provoquer l’inhibition d’un mouvement,
d’une fonction, etc. : La stimulation du
pneumogastrique inhibe la contraction
cardiaque. Ϧ 3. Arrêter ou ralentir dans
son activité, dans son développement, dans
son élan : Être inhibé par la peur, la timidité.
La maladie inhibée, ou jugulée, par l’effet
de la répétition et de l’ennui (Hermant).
• SYN. : 3 enrayer, freiner, juguler, paralyser.
inhibiteur, trice [inibitoer, -tris] adj.
(dér. savant de inhiber ; 1534, G. Michel de
Tours, comme n. m., au sens de « celui qui
interdit » [inhibeur, forme plus pop., v. 1380,
Aalma] ; sens actuel, 1922, Larousse [nerf
inhibiteur, 1931, Larousse ; gène inhibiteur,
1962, Larousse]). En physiologie et en psychologie, qui est susceptible de ralentir ou
d’arrêter un mouvement ou une fonction.
ϦNerf inhibiteur, nerf antagoniste des
nerfs excito-moteurs et excito-sécréteurs,
qui entraîne l’inhibition de la fonction que
ceux-ci commandent : Le pneumogastrique
est un nerf inhibiteur. Ϧ Gène inhibiteur,
gène qui empêche l’action d’un autre gène.
• CONTR. : dynamogène.
& inhibiteur n. m. (sens 1-3, 1962,
Larousse). 1. En chimie, corps qui agit par
inhibition. Ϧ2. Additif que l’on incorpore
à un produit pétrolier pour supprimer
ou diminuer une propriété indésirable :
Inhibiteur d’oxydation. Ϧ 3. Matière dont
on revêt certaines faces d’un bloc de
poudre pour empêcher l’inflammation
de s’étendre à ces faces.
inhibitif, ive [inibitif, -iv] adj. (dér. savant
de inhiber ; 1584, Goulart, au sens de « qui
est de nature à entraîner une interdiction » ;
sens actuel, 1922, Larousse). Qui est de
nature à produire une inhibition : Cause
inhibitive.
inhibition [inibisjɔ̃] n. f. (lat. médiév.
inhibitio, interdiction [en lat. class., « action
de ramer en sens contraire »], de inhibitum,
supin du lat. class. inhibere [v. INHIBER] ;
v. 1300, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1888,
Larousse [aussi mort par inhibition] ; sens 3,
1948, Larousse ; ; sens 4, av. 1945, P. Valéry
[« état d’impuissance », 23 janv. 1917, A.
Gide] ; sens 5-6, 1962, Larousse). 1. Vx. En
termes de droit, action de mettre opposition à, défense : La République jetait par
terre le trône de Charles X ; elle craignait les
inhibitions de M. de Broglie, lequel n’avait
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2639
aucun caractère (Chateaubriand). Ϧ2. En
physiologie, diminution ou arrêt du fonctionnement d’un organe ou de certaines
fonctions par action du système nerveux
ou d’une hormone. ϦMort par inhibition,
mort due à l’action frénatrice de certaines
excitations périphériques sur les centres
nerveux de la base du cerveau : Il est mort
de peur, littéralement par inhibition, à la
seule vue d’un chien qu’il croyait enragé
(France). Ϧ3. Phénomène d’arrêt, de
blocage d’un processus psychologique :
Inhibition psychologique volontaire.
Inhibitions émotives. Inhibition motrice,
psychique. Ϧ4. Littér. Action d’arrêter, de
suspendre une activité, mentale ou autre :
J’ai observé sur moi-même l’ébauche de cette
faculté fantastique d’inhibition. J’ai cherché
d’abolir directement une certaine pensée.
Mais rien de plus limité que les effets de la
volonté « intérieure » (Valéry). Toute scène
a ses facilités et ses inhibitions (Giraudoux).
Ϧ État d’impuissance psychique : Ce n’est
pas seulement une paralysie musculaire,
c’est une inhibition de toutes mes facultés
(Gide). Ϧ 5. Phénomène par lequel certaines substances sont capables, même
en très faible quantité, de réduire à une
valeur presque nulle la vitesse de diverses
réactions chimiques. Ϧ6. Opération de
raffinage qui consiste à incorporer un
inhibiteur à un produit pétrolier.
inhibitoire [inibitwar] adj. (dér. savant
de inhiber ; 1478, Bartzsch, au sens de « qui
est de nature à entraîner une interdiction » ;
sens actuel, 1948, Larousse). Qui produit
une inhibition : Le cerveau peut exercer une
action inhibitoire sur le sommeil.
inhomogène [inɔmɔʒɛn] adj. (de in- et
de homogène ; 1968, Larousse). Qui n’est
pas homogène. ϦSpécialem. Se dit d’un
champ magnétique non uniforme.
inhomogénéité [inɔmɔʒeneite] n. f. (de
inhomogène, d’après homogénéité ; 10 juill.
1968, l’Observateur). Caractère de ce qui
manque d’homogénéité.
inhospitalier, ère [inɔspitalje, -ɛr] adj.
(de in- et de hospitalier ; 1648, Scarron, au
sens 2 ; sens 1, 1671, Pomey). 1. Qui ne respecte pas les règles de l’hospitalité : Homme,
peuple inhospitalier. Accueil inhospitalier.
Mon excellente gouvernante est devenue
avec l’âge très inhospitalière (France).
Ϧ2. Où l’étranger trouve difficilement
l’hospitalité, du fait soit des conditions
géographiques, soit du mauvais accueil de
la population : Terre inhospitalière. Pays
inhospitalier. L’intrépide Armand, abordé à
quelques pas de son champ paternel, comme
à la côte inhospitalière de la Tauride, cherchait en vain des yeux sur les flots, à la
clarté de la lune, la barque qui l’aurait pu
sauver (Chateaubriand).
• SYN. : 1 froid, glacial, rébarbatif, revêche ;
2 farouche, inhumain, sauvage.
inhospitalièrement [inɔspitaljɛrmɑ̃]
adv. (de inhospitalier ; 1839, Acad.). D’une
manière inhospitalière (peu usité) :
Recevoir quelqu’un inhospitalièrement.
inhumain, e [inymɛ̃, -ɛn] adj. et n. (lat.
inhumanus, barbare, cruel, de caractère
difficile, incivil, grossier, surhumain, de
in-, préf. à valeur négative, et de humanus, humain, aimable, cultivé, dér. de
homo, homme ; 1373, Cartulaire de la
ville de Montreuil-sur-Mer, aux sens 1 et
3 ; sens 2, 1655, Molière [substantiv., 1560,
Ronsard ; cette femme n’est pas inhumaine,
1867, Littré] ; sens 4, v. 1530, C. Marot).
1. Qui est dépourvu des sentiments de
pitié, de générosité qu’un homme devrait
avoir : Maître inhumain. Coeur inhumain.
Sentiments inhumains. J’ai toujours vu que
les jeunes gens corrompus de bonne heure
étaient inhumains et cruels (Rousseau).
Ϧ2. Class. ou plaisamm. Se dit d’une
femme qui ne répond pas à l’amour qu’on
lui porte : Il l’aime, mais enfin cette veuve
inhumaine | N’a payé jusqu’ici son amour
que de haine (Racine) ; et substantiv. : Mais
voici de retour cette aimable inhumaine
(Corneille). Ϧ Ironiq. et fam. Cette femme
n’est pas inhumaine, elle accorde facilement ses faveurs à ceux qui la courtisent.
Ϧ3. Qui témoigne d’un manque de pitié,
de générosité ; où les sentiments humains
sont ignorés : Action, parole inhumaine.
Un traitement inhumain. La condition
ouvrière est deux fois inhumaine, privée
d’argent, d’abord, et de dignité ensuite
(Camus). Ϧ4. Qui ne semble pas appartenir à la nature ou à la condition humaine :
Ce sont des faits encore tout inhumains,
qu’aucune imagination n’eût pu prévoir
(Valéry). Un rire aux notes inhumaines,
suraigu (Radiguet).
• SYN. : 1 barbare, cruel, féroce, impitoyable,
implacable, inexorable, insensible ; 3 atroce,
monstrueux.
& inhumain n. m. (av. 1945, P. Valéry).
L’inhumain, ce qui n’est pas humain : Voici
s’apprêter le règne de l’Inhumain, qui naîtra
de la netteté, de la rigueur et de la pureté
dans les choses humaines (Valéry).
inhumainement [inymɛnmɑ̃] adv. (de
inhumain ; av. 1370, J. Le Bel). Littér. D’une
manière inhumaine : Traiter inhumainement des prisonniers.
inhumanité [inymanite] n. f. (lat. inhumanitas, cruauté, barbarie, incivilité, caractère difficile, de inhumanus [v. INHUMAIN] ;
début du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1959,
Robert ; sens 3, XIVe s., Songe du Verger ;
sens 4, av. 1945, P. Valéry). 1. Manque
d’humanité d’une personne, cruauté :
Faire preuve d’inhumanité. Condorcet
énuméra les bonnes lois qu’il fallait faire,
pour prouver aux nations que ce jugement
sévère n’était point un acte d’inhumanité
(Michelet). Ϧ 2. Ce qui traduit le manque
d’humanité : L’inhumanité de son comportement. Ϧ 3. Vx. Acte inhumain : Souffrir
toutes sortes d’inhumanités (Bossuet).
Ϧ 4. Caractère de celui ou de ce qui
semble ne pas appartenir à la nature ou
à la condition humaine : Votre inhuma-
nité intellectuelle et technique se concilie
fort aisément [...] avec votre humanité
(Valéry). Ce malaise devant l’inhumanité
de l’homme même, cette incalculable chute
devant l’image de ce que nous sommes, cette
« nausée » [...], c’est aussi l’absurde (Camus).
• SYN. : 1 barbarie, brutalité, férocité,
insensibilité, sauvagerie ; 2 cruauté,
dureté, implacabilité, inexorabilité, rigueur, sévérité.
inhumation [inymasjɔ̃] n. f. (de inhumer ; av. 1525, J. Lemaire de Belges). Action
de mettre en terre un mort ; cérémonie qui
accompagne cette action : Après l’inhumation, M. Fellaire reçut les compliments
de condoléances des assistants (France).
Nous convînmes ensemble des dispositions à
prendre pour l’inhumation et la cérémonie
funèbre (Gide).
• SYN. : ensevelissement, enterrement, funérailles, obsèques. — CONTR. : exhumation.
inhumer [inyme] v. tr. (lat. inhumare,
mettre en terre, de in-, préf. marquant le
mouvement vers, et de humare, recouvrir
de terre, enterrer, dér. de humus, sol, terre ;
XIVe s., Nature à l’alchimie, au part. passé,
au sens de « enfoncé en terre » [en parlant
d’un fourneau] ; à l’infin., au sens actuel,
1408, N. de Baye, I, 231 [permis d’inhumer,
1948, Larousse]). Mettre en terre le corps
d’un mort selon le cérémonial ordinaire :
Il transporta le corps sur la rive et l’inhuma
dans une fosse qu’il couvrit de gazon afin
de la reconnaître (A. Thierry). ϦPermis
d’inhumer, certificat délivré par un médecin, prouvant que le décès ne résulte pas
d’un acte criminel.
• SYN. : ensevelir, enterrer. — CONTR. : déterrer, exhumer.
inimaginable [inimaʒinabl] adj. (de
in- et de imaginable ; 1580, Montaigne,
aux sens 1-2). 1. Qui ne peut être imaginé : Des formes inimaginables. Ϧ2. Qui
dépasse tout ce que l’on pourrait imaginer : Quantité inimaginable. Elle [la jeune
fille] se sent sans défense devant une sourde
fatalité qui la condamne à d’inimaginables
épreuves (Beauvoir).
• SYN. : 1 inconcevable ; 2 extraordinaire,
fabuleux, impensable, incroyable, inouï,
invraisemblable, pharamineux (fam.), phénoménal (fam.).
inimaginablement [inimaʒinabləmɑ̃]
inimaginablement [inimaʒinabləmɑ̃]
adv. (de inimaginable ; 1838, Acad.). D’une
manière qu’on ne saurait imaginer : Une
jeune fille inimaginablement belle.
inimaginé, e [inimaʒine] adj. (de in- et de
imaginé, part. passé de imaginer ; av. 1803,
Laharpe). Qui n’a pas encore été imaginé :
Un truquage inimaginé.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2640
• SYN. : inédit, neuf, nouveau, original.
inimitable [inimitabl] adj. (lat. inimitabilis, inimitable, de in-, préf. à valeur négative,
et de imitabilis, imitable, dér. de imitari,
imiter ; fin du XVe s., Godefroy, au sens 2 ;
sens 1, av. 1559, J. Du Bellay). 1. Se dit d’une
personne qui ne peut être imitée : Un acteur
inimitable. Ϧ2. Se dit de ce qui ne peut
être reproduit par quelqu’un d’autre : Ce
qui est, dans un homme, inimitable par les
autres (Valéry). Avoir un style, c’est parler
au milieu de la langue commune un dialecte
particulier, unique, inimitable (Gourmont).
inimitablement [inimitabləmɑ̃] adv.
(de inimitable ; 1818, Minerve française,
II, 515). Avec une perfection inimitable :
Peindre inimitablement.
inimité, e [inimite] adj. (de in- et de imité,
part. passé de imiter ; 1867, Littré). Qui n’a
pas encore été imité : Un style inimité.
inimitié [inimitje] n. f. (réfection, sur le
modèle de amitié et d’après le lat. inimicitia, haine [de inimicus, ennemi, hostile,
contraire, funeste, de in-, préf. à valeur
négative, et de amicus, ami], de l’anc. franç.
enemisté, aversion qu’on éprouve pour
quelqu’un [v. 1145, Godefroy], enemistié
[v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence],
dér. de ennemi ; v. 1300, Godefroy, au sens
1 ; sens 2, 1669, Racine). 1. Sentiment de
haine ou d’hostilité durable à l’égard de
quelqu’un : Tantôt l’ambition nous aigrit des
dépits les plus amers, tantôt elle nous anime
des plus mortelles inimitiés (Bourdaloue).
Si l’on a la chance d’avoir des ennemis, il
est bon de cultiver leur inimitié ; elle n’a pas
seulement son charme : elle est profitable
(L. Descaves). Leur inimitié s’était atténuée,
mais non pas effacée, et les rapports demeuraient froids et étudiés (Aymé). Ϧ 2. Class.
Sentiment de froideur d’une personne qui
ne répond pas à l’amour qu’on lui porte :
Pour moi [Britannicus] quelque péril qui me
puisse accabler, | Sa seule inimitié [de Junie]
peut me faire trembler (Racine).
• SYN. : 1 animadversion, animosité, antipathie, aversion, ressentiment.
inimprimable [inɛ̃primabl] adj. (de inet de imprimable ; 1845, Bescherelle). Non
imprimable ; qu’on ne saurait imprimer :
Un manuscrit inimprimable.
inimprimé, e [inɛ̃prime] adj. (de inet de imprimé, part. passé de imprimer ;
1838, Acad.). Non imprimé : Une oeuvre
inimprimée.
inimputable [inɛ̃pytabl] adj. (de in- et
imputable ; 1914, A. Gide). Inimputable
qui ne peut être imputé à ; et absol. :
le supposer gratuit, l’acte mauvais, le
le voici tout inimputable (Gide).
de
à,
Mais à
crime,
inindulgence [inɛ̃dylʒɑ̃s] n. f. (de in- et
de indulgence ; 1903, Huysmans). Littér.
Manque d’indulgence : L’incompréhension
de tout, l’inindulgence pour les idées des
autres, nous les devons aux disciples de
Jansenius (Huysmans).
ininflammabilité [inɛ̃flamabilite]
n. f. (dér. savant de ininflammable ; 1838,
Acad.). Qualité de ce qui est ininflammable : L’ininflammabilité de l’amiante.
ininflammable [inɛ̃flamabl] adj. (de inet de inflammable ; av. 1622, François de
Sales, au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle).
1. Qui ne peut pas prendre feu : Des
matières ininflammables. Ϧ 2. Fig. Qui
ne peut s’enflammer d’amour : Un coeur
ininflammable.
• SYN. : 1 apyre, ignifugé, incombustible ;
2 insensible. — CONTR. : 1 combustible,
inflammable.
inintelligemment [inɛ̃tɛliʒamɑ̃] adv.
(de inintelligent ; 1833, d’après Darmesteter,
1877). D’une manière inintelligente : Un
travail fait inintelligemment.
inintelligence [inɛ̃tɛliʒɑ̃s] n. f. (de
inintelligent, d’après intelligence ; fin du
XVIIIe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1850, Balzac).
1. Niveau intellectuel d’une personne qui
manque d’intelligence : Le dandinement
balourd de l’inintelligence (Goncourt).
Ϧ2. Comportement qui traduit le manque
d’intelligence dans une circonstance donnée : Il se vante de son inintelligence en
affaires. Là où Jacques Collin avait tout
sauvé par son audace, Lucien [...] avait tout
perdu par son inintelligence et son défaut
de réflexion (Balzac).
• SYN. : 1 balourdise, bêtise, imbécillité,
stupidité ; 2 incapacité, incompréhension,
ineptie, nullité.
inintelligent, e [inɛ̃tɛliʒɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de
in- et de intelligent ; 1784, ZFSL, XXXV, au
sens 1 ; sens 2, av. 1841, Chateaubriand).
1. Se dit d’une personne qui est dépourvue d’intelligence : Je sais lire, écrire et
compter et ne suis pas tout à fait inintelligent (Queneau). Ϧ 2. Qui témoigne d’un
manque d’intelligence : Une réponse inintelligente. Il faut la manière inintelligente,
enfantine, avec laquelle ils commencent à
le dire, ce rôle (Goncourt).
• SYN. : 1 bête, borné, bouché (fam.), crétin,
idiot, obtus ; 2 imbécile, inepte, niais, sot,
stupide.
inintelligibilité [inɛ̃tɛliʒibilite] n. f. (dér.
savant de inintelligible ; av. 1714, Fénelon,
au sens 1 ; sens 2, av. 1935, P. Bourget).
1. Caractère de ce qui ne peut être compris :
L’inintelligibilité d’un texte, d’un propos.
Ϧ 2. Caractère d’une personne qu’on ne
peut comprendre, dont on ne peut interpréter le comportement : L’inintelligibilité
des êtres les uns par rapport aux autres
(Bourget).
inintelligible [inɛ̃tɛliʒibl] adj. (de in- et
de intelligible, ou du bas lat. inintellegibilis, inintelligible, du lat. class. in-, préf. à
valeur négative, et intellegibilis [v. INTELLIGIBLE] ; 27 mai 1640, Chapelain, au sens 1 ;
sens 2, 1762, J.-J. Rousseau [« qui exprime
mal sa pensée », 1756, Voltaire] ; sens 3,
av. 1935, P. Bourget). 1. Se dit de ce qui est
présenté d’une façon telle qu’on ne peut pas
le comprendre : Une explication inintelligible. Ϧ Se dit de paroles qui ne peuvent
être comprises : Ce que disait ce fantoche
[...] était parfaitement inintelligible pour
moi (Hugo). Il [un perroquet] ouvrait un
large bec et proférait d’une voix rauque des
menaces inintelligibles (France). Ϧ 2. Dont
on ne comprend pas les paroles : Un bredouilleur inintelligible. Ϧ Qui exprime
mal sa pensée et ne peut être compris : Un
philosophe inintelligible. Ϧ 3. Se dit d’une
personne dont on ne peut comprendre le
comportement, dont on ne peut analyser le
caractère : C’était l’image d’une femme très
douce et très simple au premier regard, très
compliquée au second et très inintelligible
(Bourget).
• SYN. : 1 nébuleux, obscur, sibyllin, ténébreux ; 2 incompréhensible ; abscons,
abstrus, hermétique ; 3 déconcertant, indéchiffrable, insaisissable.
inintelligiblement [inɛ̃tɛliʒibləmɑ̃] adv.
(de inintelligible ; av. 1622, François de Sales,
puis 1829, Boiste). D’une manière inintelligible, incompréhensible : Bredouiller
inintelligiblement.
inintéressant, e [inɛ̃terɛsɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de
in- et de intéressant ; 1845, J.-B. Richard
de Radonvilliers, puis 1880, Huysmans,
au sens 1 ; sens 2, av. 1922, Proust). 1. Se
dit de ce qui ne présente aucun intérêt :
Une histoire inintéressante. Les paroles
qu’il prête aux uns et aux autres, si fausses
qu’elles soient d’après vous, ne sont presque
jamais inintéressantes (Gide). Ϧ2. Se dit
d’une personne qui n’est pas digne de
retenir l’attention : Il la jugeait en femme
méprisable, aussi inintéressante qu’intéressée (Proust).
• SYN. : 1 banal, quelconque ; 2 insignifiant.
inintérêt [inɛ̃terɛ] n. m. (de in- et de
intérêt ; 1903, Huysmans). Littér. Manque
d’intérêt : Les vêpres de saint Benoît ramenaient la monnaie courante des psaumes,
mais leur inintérêt était sauvé par de splendides antiennes (Huysmans).
ininterprétable [inɛ̃tɛrpretabl] adj. (de
in- et de interprétable ; 1838, Acad.). Qu’on
ne peut interpréter : La femme, comme la
nature, a des secrets ininterprétés parce
qu’ils sont ininterprétables (Balzac).
ininterprété, e [inɛ̃tɛrprete] adj. (de inet de interprété, part. passé de interpréter ;
1838, Acad.). Qui n’a pas été interprété :
Une inscription ininterprétée. Une oeuvre
musicale encore ininterprétée.
ininterrompu, e [inɛ̃tɛrɔ̃py] adj. (de
in- et de interrompu, part. passé de interrompre ; 1776, Chambaud et Robinet).
Qui n’est pas interrompu : Série, suite
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2641
ininterrompue. Tout le long du célèbre
escalier, c’était [...] une montée ininterrompue de dames vêtues comme des reines
(Maupassant).
• SYN. : continu, continuel, incessant.
— CONTR. : discontinu, entrecoupé,
interrompu.
ininterruption [inɛ̃tɛrypsjɔ̃] n. f. (de inet de interruption ; 1845, Bescherelle). Fait
de ne pas interrompre : L’ininterruption
des soins est la condition de la guérison.
inique [inik] adj. (lat. iniquus, inégal, défavorable, incommode, qui n’est pas juste,
excessif, de in-, préf. à valeur négative, et
de aequus, plat, uni, égal, équitable ; v. 1355,
Bersuire, au sens de « défavorable » [en parlant de la position d’un lieu] ; sens 1, fin
du XIVe s., E. Des-champs ; sens 2, 1588,
Montaigne). 1. Se dit de ce qui est contraire
à l’équité : Jugement inique. Quand notre
ville épouvantée | S’éveilla toute garrottée
[...] | Sous un réseau d’iniques lois (Hugo).
Ϧ2. Se dit d’une personne qui ne respecte
pas l’équité : Juge, arbitre inique.
• SYN. : 1 inéquitable, injuste ; 2 partial.
iniquement [inikmɑ̃] adv. (de inique ;
v. 1355, Bersuire, au sens de « de façon défavorable » ; sens actuel, 1588, Montaigne).
De façon inique : Décider iniquement la
suspension d’un fonctionnaire.
iniquité [inikite] n. f. (lat. iniquitas, inégalité, adversité, malheur, injustice, de iniquus
[v. INIQUE] ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au
sens 4 [« péché, crime », v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure] ; sens 1, v. 1190, Garnier
de Pont-Sainte-Maxence ; sens 2, v. 1265,
Livre de jostice ; sens 3, XIVe s., Girart de
Roussillon). 1. Caractère de ce qui est
inique, contraire à l’équité : L’iniquité d’une
loi. Comment l’esprit d’amour, de justice, de
paix | Sert-il l’iniquité, la haine et les forfaits ? (Lamartine). Du bout de la fontaine
au coin des gueux, les voix s’insurgeaient
contre l’iniquité d’une décision aussi arbitraire (Aymé). Ϧ2. Acte ou chose contraire
à l’équité : Ah ! devant ces images fatales,
en présence d’une iniquité si abominable,
un sentiment de pitié m’exalta (Lacretelle).
Ϧ 3. Comportement inique d’une per-
sonne : L’iniquité d’un juge. Ϧ 4. Class. En
termes de religion, état d’une personne
agissant contrairement à la moraie : Les
hommes, comme enfants d’Adam, portent
l’iniquité de leur premier père (Bossuet).
ϦLittér. Péché, crime : Mets-lui devant les
yeux ses iniquités, reproche-lui ses scandales
et tous ses crimes (Bourdaloue).
• SYN. : 1 injustice ; 2 disparité, inégalité ;
3 partialité. — CONTR. : 1 équité ; 2 égalité,
justice ; 3 impartialité, intégrité.
initial, e, aux [inisjal, -o] adj. (lat. impér.
initialis, primitif, primordial, dér. du lat.
class. initium, commencement, principe, de
initum, supin de inire, aller dans, commencer, de in-, préf. marquan le mouvement
vers, et de ire, aller ; XIIIe s., Hystore Job,
écrit inicial [initial, XVIIe s.], au sens 3 [en
phonétique, 1902, Larousse ; inscription
au titre initial, 1962, Larousse] ; sens 1, av.
1854, Lamennais [vitesse initiale.., 1738,
Voltaire] ; sens 2, 1873, Larousse [cellules
initiales, 1902, Larousse]). 1. Relatif au
début de quelque chose : Une erreur initiale
de raisonnement. J’étais pour eux un objet
d’observation, l’inconnu, celui qui ne sait ni
la langue, ni les usages, ni même l’industrie
la plus initiale, la plus naturelle de la vie
(Gauguin). La formation initiale de l’élève.
Ϧ Vitesse initiale d’un projectile, en balistique, vitesse dont le projectile est animé
au début de sa trajectoire. Ϧ2. Qui est à
l’origine de : Donner l’impulsion initiale
à une entreprise. Ϧ Cellules initiales, en
botanique, cellules dont le cloisonnement
donne naissance au tissu jeune qui détermine la structure ultérieure d’un organe.
Ϧ 3. Qui commence quelque chose : Le mot
initial de la phrase. ϦEn phonétique, se
dit du phonème placé au début d’un mot.
ϦInscription au titre initial, en zootechnie,
inscription dans les livres généalogiques
d’animaux dont les parents n’étaient pas
inscrits.
• SYN. : 1 inné, premier, primaire, primitif, naturel ; 2 originel. — CONTR. : 1 complémentaire, suprême, ultime ; 2 dernier ;
3 final, terminal.
& initiale n. f. (sens 1, 1829, Boiste [lettre
initiale, même sens, 1680, Richelet ; à
l’initiale, XXe s.] ; sens 2, v. 1710, d’après
Trévoux, 1771). 1. Première lettre ou premier phonème d’un mot : Initiale vocalique,
consonantique. Ϧ À l’initiale, au début du
mot : Mettre une majuscule à l’initiale d’un
nom propre. Ϧ2. Première lettre d’un mot
figurant le mot entier, comme dans les inscriptions antiques.
& initiales n. f. pl. (1835, Acad.). Premières
lettres du prénom et du nom de quelqu’un :
Graver ses initiales. Signer un article de
ses initiales. Gabriel va chercher une jolie
trousse en peau de porc marquée à ses initiales (Queneau).
• SYN. : chiffre.
initialement [inisjalmɑ̃] adv. (de initial ; 1867, Littré). Au commencement :
Initialement, la publication de l’ouvrage
n’était pas envisagée.
initiateur, trice [inisjatoer, -tris] n.
(bas lat. initiator, -trix, initiateur, -trice,
de initiatum, supin du lat. class. initiare
[v. INITIER] ; 1586, Le Loyer, au sens de
« celui qui initie à un mystère » ; sens 1-2,
1839, Acad.). 1. Personne qui fait participer une autre à la première connaissance
de quelque chose : En repensant à l’initiateur inconnu auquel j’avais pu devoir
les premiers baisers qu’elle m’avait donnés
à Paris, le jour où j’attendais la lettre de
Mlle de Stermaria (Proust). Ϧ2. Personne
(ou chose personnifiée) qui est à l’origine
de quelque chose : Mais il n’y a pas que cette
France [...] émancipatrice et initiatrice du
génie humain (Gambetta). Pendant deux
années consécutives, il avait été son interne,
il avait vécu dans l’intimité quotidienne de
cet initiateur (Martin du Gard). Les initiateurs du progrès scientifique.
• SYN. : 2 créateur, innovateur, maître, novateur, précurseur, promoteur.
initiation [inisjasjɔ̃] n. f. (lat. initiatio,
initiation, de initiatum, supin de initiare
[v. INITIER] ; XVe s., Godefroy, écrit iniciacion [initiation, 1762, Acad.], au sens
1 [initiation religieuse, 1893, Dict. général ; initiation chrétienne, 1962, Larousse
— initiation, « admission à l’état ecclésiastique », 1732, Richelet] ; sens 2, 1761,
J.-J. Rousseau ; sens 3, 1767, d’après Trévoux,
1771 [« ouvrage qui fournit ces éléments »,
XXe s.]). 1. Dans l’Antiquité, action d’initier
quelqu’un aux mystères d’un culte ; cérémonie qui l’accompagne : L’initiation aux
mystères de Cybèle. ϦAuj. Introduction
solennelle d’une personne au nombre des
adeptes d’une religion, d’une secte ou d’une
société secrète, au cours d’une cérémonie
rituelle. Ϧ Initiation religieuse, cérémonie du culte israélite correspondant à la
première communion des catholiques.
ϦInitiation chrétienne, entrée dans la
communauté chrétienne par le sacrement
du baptême. Ϧ 2. Action de révéler ou de
recevoir la connaissance de pratiques réputées difficiles ou mystérieuses : Initiation
à la peinture, à la musique. Initiation à
la drogue, à l’amour. Le joujou est la première initiation de l’enfant à l’art, ou plutôt c’en est pour lui la première réalisation
(Baudelaire). Ϧ 3. Action de donner les premiers éléments de la connaissance d’une
science : L’initiation aux mathématiques
modernes, au latin. ϦOuvrage qui fournit
ces éléments.
•SYN. : 2 apprentissage, découverte,
formation.
initiatique [inisjatik] adj. (de initiat[ion] ; 1951, Gracq). En termes de sociologie et de religion, relatif à l’initiation,
marqué par une initiation : Je me baignais
pour la première fois dans ces nuits du Sud
inconnues d’Orsenna comme dans une eau
initiatique (Gracq).
initiative [inisjativ] n. f. (de initier,
d’après expectative, défensive, etc. ; 1567,
Dict. général, puis 1802, Flick, au sens 1 ;
sens 2, 1787, Gohin [initiative populaire,
fin du XIXe s.] ; sens 3, 1873, Larousse [initiative privée, 1876, Taine] ; sens 4, 1803,
Boiste). 1. Première proposition ou action
de quelqu’un : L’initiative de cette rencontre
est due à une université. Une initiative malheureuse. Une bonne initiative. Je jugeais
à propos de prendre l’initiative (Hermant).
Josette avait cru qu’il [son père] découvrirait
son état et lui éviterait ainsi de prendre l’initiative des aveux (Aymé). Ϧ2. En termes
d’institutions politiques, droit de rédiger et
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de soumettre au vote certains textes : Dans
certaines Constitutions, l’initiative des lois
appartient au Parlement. Ϧ Initiative populaire, droit reconnu aux citoyens de certains États de soumettre au Parlement des
propositions de loi, à condition de réunir
un certain nombre de signatures à l’appui
de leur demande. Ϧ3. Qualité de celui qui
est porté à agir, à entreprendre spontané-
ment : Faire preuve d’esprit d’initiative. Les
femmes qui ont reçu l’instruction au même
degré que les hommes exercent aussi bien
qu’eux les professions qui demandent de
l’intelligence, de la réflexion, de la logique
et même de l’initiative, de l’invention
(Donnay). C’est un parfait gentilhomme,
c’est aussi un homme très savant, c’est enfin
un directeur plein d’initiative (Duhamel).
ϦInitiative privée, en termes d’économie
politique, entreprise d’un individu ou d’un
groupe d’individus fournissant les capitaux
pour susciter la production ou la vente de
marchandises. ϦSyndicat d’initiative, v.
SYNDICAT. Ϧ4. Avoir l’initiative, garder
l’initiative, en termes militaires ou de
sports, se montrer offensif dans le combat,
dans la compétition.
initié, e [inisje] adj. et n. (part. passé de
initier ; v. 1355, Bersuire, au sens 1 [comme
adj. ; comme n., 1756, Voltaire — initié, n.
m., « apprenti », 1671, Pomey] ; sens 2, av.
1750, Staal de Launay [comme adj. ; comme
n., 7 mars 1769, Voltaire]). 1. Dans l’Antiquité, qui a reçu la révélation des pratiques
secrètes d’un culte : Les initiés aux mystères
d’Éleusis. Ϧ 2. Qui a appris les secrets d’une
pratique connue de quelques-uns : Un lecteur déjà initié à la pensée d’un philosophe.
Les initiés de la politique. Les initiés aux
secrets de l’art sont tous d’intelligence avec
le statuaire (Balzac).
• CONTR. : 2 profane.
initier [inisje] v. tr. (lat. initiare, initier
[aux mystères], et, au fig., « initier à, instruire », de initium [v. INITIAL] ; v. 1355,
Bersuire, au sens I, 1 [« mettre quelqu’un
dans le secret des pratiques d’une association », 1871, Zola] ; sens I, 2, 1694, Acad. ;
sens I, 3, av. 1696, La Bruyère ; sens I, 4,
1611, Cotgrave ; sens II, milieu du XVIe s.).
I. 1. Dans les religions anciennes, admettre quelqu’un à participer à des mystères religieux : Initier les citoyens romains aux mystères de Cybèle. Ϧ Mettre
quelqu’un dans le secret des pratiques
d’une association : Être initié aux mystères de la franc-maçonnerie. Ϧ 2. Class.
Initier dans, introduire dans une société :
La marquise de la Jeannotière, que ses
charmes avaient quelquefois initiée dans
le beau monde (Voltaire). Ϧ 3. Révéler à
quelqu’un les secrets d’une technique,
d’un art : Initier à l’amour. Je fus surtout initié cette année-là à la musique
d’Offenbach (L. Descaves). Ϧ 4. Donner à
quelqu’un la connaissance des rudiments
d’une science, d’un art, d’une technique :
Initier un élève au latin, à la philosophie.
Initier un enfant à la peinture. Initier un
apprenti à la mécanique.
II. Vx. Constituer le début de : Pierre,
évêque de Rome, initia la papauté
(Chateaubriand).
• SYN. : I, 4 apprendre, débuter, enseigner,
former.
& s’initier v. pr. (1867, Littré). S’instruire
dans, s’efforcer d’acquérir les premiers éléments dans la connaissance ou la pratique
de quelque chose : S’initier à la peinture.
• SYN. : apprendre, commencer, s’entraîner,
étudier, s’exercer.
injectable [ɛ̃ʒɛktabl] adj. (de injecter ; XXe s.). Se dit d’un produit qui doit
être administré par injection : Un soluté
injectable.
injecté, e [ɛ̃ʒɛkte] adj. (part. passé de
injecter ; 1749, Buffon, au sens 1 [aussi yeux
injectés] ; sens 2, 1877, Littré). 1. Coloré par
un excès de sang dans les vaisseaux : La respiration suspendue, le visage injecté de sang
(Martin du Gard). Ϧ Absol. Yeux injectés,
en médecine, yeux rougis par l’afflux de
sang dans les vaisseaux. Ϧ2. Qui a fait
l’objet d’une injection de substance protectrice : Du bois injecté.
injecter [ɛ̃ʒɛkte] v. tr. (lat. injectare,
jeter sur, de injectum, supin de injicere,
jeter dans ou sur, de in-, préf. marquant le
mouvement vers, et de jacěre, jeter ; 1722,
d’après Trévoux, 1752, au sens 1 [injetter,
forme plus pop., 1555, Aneaul ; sens 2,
1877, Littré ; sens 3, 1771, Trévoux ; sens 4,
1873, Larousse ; sens 5, milieu du XXe s.).
1. Introduire un liquide sous pression dans
une cavité du corps : Injecter du sérum dans
les veines. La religieuse, voyant augmenter
la douleur, décida de ne pas attendre le soir
pour lui injecter une demi-dose de morphine (Martin du Gard). Ϧ2. Remplir d’un
liquide les pores d’une matière : On injecte
de la créosote dans du bois pour le rendre
imputrescible. Injecter du ciment dans un
mur fissuré. Ϧ3. Remplir d’un liquide ou
d’un gaz sous pression : Injecter une plaie,
l’oreille. Ϧ 4. Envahir une partie du corps :
Le sang injecte sa face. Ϧ5. Fig. Ajouter
d’une manière massive afin de soutenir :
Injecter plusieurs milliards dans l’économie
d’un pays.
& s’injecter v. pr. (sens 1, 1867, Littré ; sens
2, 1873, Larousse [absol., 1867, Littré]).
1. Être injecté : Ce médicament s’injecte
sous la peau. Ϧ 2. Spécialem. S’injecter de
sang, devenir coloré par l’afflux du sang :
Dès qu’il s’animait, les narines de son nez
busqué commençaient à frémir, des taches
assombrissaient ses pommettes, et le blanc
de son grand oeil chevalin s’injectait d’un
peu de sang (Martin du Gard) ; et absol. :
Son large crâne chauve était d’un rouge
ardent, ses gros yeux s’injectaient (Aymé).
injecteur, trice [ɛ̃ʒɛktoer, -tris] adj. (de
injecter ; 1845, Bescherelle). Qui sert à faire
des injections : Tube injecteur. Seringue,
pompe injectrice.
& injecteur n. m. (1838, Acad., au sens
de « celui qui fait des injections » ; sens
1, 1867, Littré ; sens 2, 1873, Larousse).
1. Appareil avec lequel on fait des injections. Ϧ 2. Appareil employé pour
introduire l’eau dans la chaudière d’une
machine à vapeur : Les diverses parties de
la machine [...], les deux longerons [...], le
volant de l’injecteur et le volant de changement de marche (France).
injection [ɛ̃ʒɛksjɔ̃] n. f. (lat. injectio,
action de jeter sur, et, dans la langue
médic. de basse époque, « injection », de
injectum, supin de injicere [v. INJECTER] ;
1377, Lanfranc, au sens 1 ; sens 2, v. 1560,
Paré ; sens 3, 1873, Larousse [en géologie, 1867, Littré] ; sens 4, 1948, Larousse).
1. Action d’injecter un liquide dans des
tissus organiques ou dans une cavité du
corps : Injection de sérum, d’eau salée, de
morphine. Injection sous-cutanée, intramusculaire, intraveineuse. Injection rectale. Injection vaginale. Je visitais trente et
quarante malades par jour et je faisais à
chacun d’abondantes injections veineuses
(France). Ϧ 2. Liquide que l’on injecte :
Injection colorée. Ϧ 3. Action d’introduire
dans une matière ou un objet un liquide :
L’injection du bois a pour objet de le préserver en l’imprégnant de certains produits
antiseptiques. Ϧ En géologie, pénétration
d’une roche provenant des profondeurs
dans les fissures de l’écorce terrestre.
Ϧ4. Spécialem. Procédé par lequel on
introduit directement dans les cylindres
d’un moteur le carburant nécessaire, sans
l’intermédiaire d’un carburateur : Moteur
à injection directe ou, simplem., à injection.
• SYN. : 1 piqûre.
injonctif, ive [ɛ̃ʒɔ̃ktif, -iv] adj. (de
injonct[ion] ; 1768, Brunot, au sens de
« ordonné par injonction » ; sens actuel,
1902, Larousse). En linguistique, se dit
d’une forme verbale ou d’une construction qui exprime un ordre ou une défense :
L’indicatif peut avoir un sens injonctif dans
la phrase : « Tu m’envoies tout de suite mon
livre. »
• SYN. : impératif, jussif.
injonction [ɛ̃ʒɔ̃ksjɔ̃] n. f. (bas lat. injunctio, action d’imposer [une charge], du lat.
class. injunctum, supin de injungere, appliquer dans, joindre à, infliger, imposer, de
in-, préf. marquant le mouvement vers, et
de jungere, joindre ; 1295, Varin). Action
d’enjoindre, d’ordonner formellement
quelque chose ; ordre précis et formel : De
Dieppe où l’injonction de la police m’avait
obligé de me réfugier, on m’a permis de
revenir à la Vallée-aux-Loups où je continue ma narration (Chateaubriand). Il n’y
a pas que l’injonction, il y a, pour allécher,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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la promesse d’une prime (Hervieu). Une
injonction brutale, pressante.
• SYN. : commandement, mise en demeure,
oukase, prescription, sommation,
ultimatum.
injouable [ɛ̃ʒwabl] adj. (de in- et de
jouable ; 2 janv. 1767, Voltaire, au sens
1 ; sens 2, av. 1896, Goncourt). 1. Qui ne
peut être joué, interprété : Car voilà une
oeuvre dramatique déclarée.. injouable
(Flaubert). Il ignore mon théâtre, qui
n’a pas, comme le sien, le prestige d’être
injouable (Maurois). Un morceau de
musique injouable. Ϧ 2. Dont les oeuvres ne
peuvent être jouées : Cherchant à connaître
le prix juste dont l’auteur injouable voulait
payer sa gloire (Goncourt).
injure [ɛ̃ʒyr] n. f. (lat. injuria, injustice,
tort, dommage, dér. de injurius, injuste,
inique, de in-, préf. à valeur négative, et de
jus, juris, droit, justice ; 1232, Boca [275],
aux sens I, 1-2 ; sens I, 3, 1559, Amyot
[les injures du sort, début du XVIIe s.,
Malherbe — les injures de la fortune, même
sens, 1580, Montaigne] ; sens II, 1, 1535,
Olivétan [enjurie, enjure, formes plus pop.,
v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence ;
« caractère offensant », 1671, Boileau ; faire
à quelqu’un l’injure de, 1690, Furetière] ;
sens II, 2, 1535, Olivétan [enjurie, enjure,
v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence] ;
sens II, 3, 1690, Furetière [injure grave,
1804, Code civil]).
I. 1. Class. et littér. Acte contraire à la
justice, au droit : Très reconnaissante des
services, elle [Madame] aimait à prévenir
les injures par sa bonté (Bossuet). Car
je suis démuni d’argent et je pense, mon
fils, que vous n’êtes pas mieux pourvu
que moi, par l’injure de M. d’Astarac, qui
fait peut-être de l’or, mais qui n’en donne
point (France). Ϧ2.Class. Dommage,
tort causé injustement : Un moment de
douceur ne fait aucune injure à la sévérité
de notre devoir (Molière). Ϧ 3. Class. et
littér. Dommage causé par les intempéries, par le temps, les années : Injures de
toutes les saisons, chaleurs de l’été, froids
de l’hiver (Bourdaloue). Il commençait
à sentir les injures de la froide vieillesse
(Fénelon). Son beau corps, fait d’une neige
pure, | Rougit, et sous le vent jaloux subit
l’injure | De l’orage (Banville). Il faut la
collaboration de deux coeurs pour donner
à la vérité ce coloris surnaturel qui lui permet de braver les injures du temps (Duhamel). ϦLes injures du sort, infortunes ou
revers non mérités.
II. 1. Façon d’agir, attitude qui constitue une offense grave, un outrage : Être
profondément atteint par une injure.
Professer le mépris des injures. Ϧ Par
extens. Caractère offensant de quelque
chose : « N’empêche, ma fille, que ton
Phili ne m’appelle que « le vieux crocodile... » Geneviève était atterrée, protestait, s’imaginant que j’attachais de l’importance à l’injure de ce nom (Mauriac).
ϦFaire à quelqu’un l’injure de, ne pas
lui reconnaître le mérite de : Pourquoi
lui faisaient-ils l’injure de la croire incapable de comprendre ce qu’ils souffraient ?
(Mauriac). Ϧ 2. Parole ou propos offensants : Dire, proférer des injures. Abreuver
d’injures. Une bordée d’injures. Grossière
injure. Tout en mâchant des injures et des
protestations, les deux hommes échangeaient des bourrades, puis des coups
(Aymé). Les injures, relancées d’un groupe
à l’autre, croissaient à chaque réplique,
tant en vigueur qu’en obscénité (Que-
neau). Ϧ 3. Spécialem. En droit, « toute
expression outrageante, terme de mépris
ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». Ϧ Injure grave, acte,
attitude ou parole d’une personne mariée
qui outrage son conjoint : L’injure grave
constitue un motif de divorce ou de séparation de corps.
• SYN. : II, 1 affront, avanie, camouf let
(fam.), couleuvre (fam.), offense, outrage ;
2 grossièreté, insolence, insulte, invective.
& À l’injure de loc. prép. (1691, Bossuet).
Class. De manière à faire outrage à :
Jovinien et ses sectateurs, qui, à l’injure
du Fils de Dieu, niaient la virginité de sa
mère (Bossuet).
injurier [ɛ̃ʒyrje] v. tr. (bas lat. injuriare,
faire tort à, outrager, du lat. class. injuria
[v. INJURE] ; 1266, Godefroy, au sens I [enjurier, forme plus pop., v. 1188, Chanson d’Aspremont] ; sens II, 1, v. 1398, le Ménagier
de Paris ; sens II, 2, 1775, Beaumarchais ;
sens II, 3, 1926, Giraudoux).
I. Vx ou littér. Faire du tort à quelqu’un,
causer un dommage à quelque chose : Sa
glace, injuriée par les mouches, avait un
air mesquin (Balzac).
II. 1. Offenser quelqu’un par des paroles
outrageantes ou blessantes : Être injurié
par un voisin. Et puis peut-être qu’après
quelques verres M. Noblet prendra le
courage de m’injurier comme il en crève
d’envie (Vailland). Ϧ 2. Littér. Maltraiter
en paroles : Vous injuriez toujours notre
pauvre siècle (Beaumarchais). Ϧ3. Littér. Offenser d’une manière quelconque :
Ils refusaient toujours d’admettre qu’ils
étaient souffrants, se jugeant injuriés
quand on les soupçonnait d’avoir un
rhume (Giraudoux).
• SYN. : II, 1 engueuler (pop.), invectiver ;
3 outrager.
injurieusement [ɛ̃ʒyrjøzmɑ̃] adv. (de
injurieux ; 1333, Dict. général, écrit injuriousement [injurieusement, 13 44, Varin],
au sens I ; sens II, 1549, R. Estienne).
I. Vx. Injustement, contre le droit : Il est
bâtard, Monsieur, il est injurieusement
au-dessus de moi (Saint-Simon).
II. Littér. D’une manière injurieuse,
offensante : Traiter injurieusement un
homme respectable.
injurieux, euse [ɛ̃ʒyrjø, -øz] adj. (lat.
injuriosus, injuste, nuisible, funeste, de
injuria [v. INJURE] ; v. 1300, Du Cange, au
sens I, 2 ; sens I, 1, av. 1525, J. Lemaire de
Belges ; sens II, 1, 1334, Varin [enjurius,
forme plus pop., fin du XIIe s.] ; sens II, 2,
v. 1355, Bersuire ; sens II, 3, 1690 Furetière
[injurieux à ; injurieux pour, 1838, Balzac
— en emploi absolu, 1334, Varin]).
I. 1. Class. Qui est contraire au droit, à
la justice : Mais c’est pousser trop loin ses
droits injurieux (Racine). Le sort, le destin
injurieux (Acad., 1694). Ϧ 2. Class. Qui
est dommageable, nuisible : Toutefois si
quelqu’un de mes faibles écrits | Des ans
injurieux peut éviter l’outrage | Peutêtre pour ta gloire aura-t-il son usage
(Boileau).
II. 1. Littér. Qui se conduit ou parle d’une
façon outrageante : Nos relations avec celui qui nous fut injurieux... (Maeterlinck).
Ϧ 2. Qui a le caractère d’une injure, qui
vise à offenser, outrager : Paroles injurieuses. Assurément Vauvenargues ne se
laisse point entraîner aux polémiques violentes et injurieuses qui se multiplieront
dans la seconde moitié du XVIIIe siècle
(Lanson). Ϧ 3. Qui constitue une injure,
une offense, une atteinte à la réputation
de quelqu’un : Injurieux pour quelqu’un
ou (rare) à quelqu’un. Mais je n’ai pas osé,
craignant que Jacques n’allât supposer, en
mon esprit, à l’égard de Gertrude, quelque
interprétation injurieuse (Gide).
• SYN. : II, 2 blessant, déshonorant, ignominieux, infamant, offensant, outrageant ;
3 insultant, sanglant, scandaleux.
injuste [ɛ̃ʒyst] adj. (lat. injustus, qui n’est
pas conforme à la justice, excessif, énorme,
de in-, préf. à valeur négative, et de justus,
équitable, de jus, juris, droit, justice ; fin
du XIIIe s., au sens 2 [sans aucun doute plus
anc., v. la date du dér. injustement] ; sens
1, v. 1361, Oresme ; sens 3, 1677, Racine).
1. Se dit d’une personne (ou d’une chose
personnifiée) qui n’agit pas avec équité, qui
commet des injustices : Un chef injuste. Un
père injuste à l’égard de son fils. La colère
rend injuste. Un sort injuste. Robineau
éprouvait une sorte de fierté d’avoir un chef
si fort qu’il ne craignait pas d’être injuste
(Saint-Exupéry). Toute littérature qui discute les axiomes éternels est condamnée à
ne vivre que d’elle-même. Elle est injuste.
Elle se dévore le foie (Lautréamont). Ϧ 2. Se
dit de ce qui n’est pas conforme à la justice, à l’équité : Sentence, jugement, attitude injuste. Un impôt, un système fiscal
injuste. Ϧ 3. Class. et littér. Qui n’est pas
justifié, fondé : Cette pensée n’est ni injuste
ni ridicule, quand on ne sait point ce qui
vient d’arriver (Sévigné). Quoi qu’on en
dise, les guerres civiles sont moins injustes,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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moins révoltantes et plus naturelles que les
guerres étrangères, quand celles-ci ne sont
pas entreprises pour sauver l’indépendance
(Chateaubriand). Reproches, soupçons,
accusations injustes.
• SYN. : 1 partial, tyrannique ; 2 arbitraire,
inique. — CONTR. : 1 impartial, intègre,
loyal, régulier (fam.) ; 2 équitable, juste.
& n. m. (v. 1361, Oresme). Ce qui est
contraire à la justice : Que nous veulent
les lois du juste et de l’injuste ? (Baudelaire).
injustement [ɛ̃ʒystəmɑ̃] adv. (de injuste ;
1238, Bouthors [II, 436], au sens 1 ; sens 2,
1670, Racine). 1. D’une manière injuste,
qui va contre l’équité : Punir injustement
quelqu’un. Ϧ2. D’une manière injustifiée,
sans fondement : Se plaindre injustement.
injustice [ɛ̃ʒystis] n. f. (lat. injustitia,
injustice, de injustus [v. INJUSTE] ; XIIe s., au
sens 1 [absol., v. 1361, Oresme] ; sens 2, 1553,
Bible Gérard [faire injustice à quelqu’un
de, 1643, Corneille]). 1. Caractère d’une
personne ou d’une chose injuste ; défaut de
justice : L’injustice d’un jury, d’un reproche.
L’injustice d’une décision, d’une mesure,
d’une sanction. Ϧ Absol. Ce qui est injuste :
L’injustice, c’est de ne pas infliger un châtiment mérité (Montherlant). Il n’y a rien
qui décourage les enfants comme l’injustice et la fraude (Pagnol). Notre histoire
[...] n’a cessé d’être meurtre, injustice ou
violence (Camus). Ϧ2. Acte ou décision
contraire à la justice, à l’équité : Commettre
une injustice, des injustices. La justice est
la sanction des injustices établies (France).
J’aime mieux une injustice qu’un désordre
(propos de Goethe). ϦClass. Faire injustice à quelqu’un, se montrer injuste à son
égard : Je suis homme d’honneur, tu me fais
injustice (Corneille).
• SYN. : 1 arbitraire, partialité ; 2 iniquité,
passe-droit.
injustifiable [ɛ̃ʒystifjabl] adj. (de in- et
de justifiable ; 1791, ZFSL [XXXV, 139],
aux sens 1-2). 1. Que l’on ne peut justifier :
Procédé injustifiable. Nous savons que l’alcool entreposé dans vos caves en quantité
injustifiable a disparu (Salacrou). La violence est à la fois inévitable et injustifiable
(Camus). Ϧ 2. Que l’on ne peut excuser :
Conduite injustifiable.
• SYN. : 1 indéfendable, inexplicable ;
2 inexcusable.
injustifié, e [ɛ̃ʒystifje] adj. (de in- et
de justifié, part. passé de justifier ; 1842,
Mozin). Qui n’est pas ou n’a pas été justifié : Une absence injustifiée. Un reproche
injustifié. Des réclamations injustifiées.
La prévention que vous avez contre lui est
injustifiée.
• SYN. : gratuit, immotivé, injuste.
— CONTR. : fondé, légitime, motivé.
inlandsis [inlɑ̃dsis] n. m. (mot scand.
signif. proprem. « glace à l’intérieur du
pays », de in, dans, land, pays, et is, glace ;
1902, Larousse). Glacier continental des
régions polaires, recouvrant le relief et se
terminant, à sa périphérie, par des glaciers
de vallée qui atteignent la mer, ou par une
barrière de glace : [Des] rochers isolés formant surface comme une île au travers de
l’inlandsis (P.-É. Victor).
inlassable [ɛ̃lasabl] adj. (de in- et de lasser ; 1624, C. de Nostredame, puis 1888,
A. Daudet). Qu’on ne peut lasser, qui
ne se lasse pas : De tout cela, Mme Astier
s’était chargée avec une patience inlassable
(Daudet). J’aime sa générosité vigilante, son
inlassable curiosité, son amour du travail
(Gide). L’amélioration obstinée, chaotique
mais inlassable, de la condition humaine
(Camus). Une attention inlassable, sans
fissure (Druon).
• SYN. : immuable, indéfectible, inépuisable,
infatigable.
• REM. Certains ont condamné inlassable, estimant que seul serait correct ILLASSABLE, forme très rare, que l’on trouve
cependant chez Proust (av. 1922) : J’étais
presque gêné par ses yeux où j’avais peur
qu’il ne me surprît à le lire à livre ouvert,
par sa voix qui me paraissait le répéter sur
tous les tons, avec une illassable indécence
(Proust).
inlassablement [ɛ̃lasabləmɑ̃] adv. (de
inlassable ; 1907, Larousse). Sans se lasser :
Mon oeil goûte inlassablement l’inépuisable
attrait de l’espace (Gide). Les femmes,
pareilles à d’obstinées fourmis, font, elles
aussi, inlassablement la navette (Martin
du Gard). Il y pratiquait, avec beaucoup de
discrétion, une politique personnelle dont le
catéchisme tenait en deux articles. Le premier consistait à critiquer inlassablement
l’Institut Pasteur... (Duhamel).
inlay [inlɛ] n. m. (mot angl. signif. proprem. « incrustation », déverbal de to
inlay, marqueter, incruster, parsemer, de
in, dans, et to lay, mettre, poser, placer ;
1962, Larousse). Bloc métallique coulé,
inclus dans une cavité dentaire qu’il sert
à obturer, reconstituant ainsi la forme anatomique de la dent.
inlet [inlɛt] n. m. (mot. angl. signif.
« entrée, accès, baie, renfoncement à l’intérieur des terres, goulet, chenal », de in,
dans, et de to let, laisser, permettre ; 1873,
Larousse). Bras de mer qui s’enfonce dans
les terres.
inlisible adj. V. ILLISIBLE.
innavigabilité [ɛ̃navigabilite] n. f. (dér.
savant de innavigable ; 1783, Brunot, au sens
2 ; sens 1, 1842, Mozin). 1. État d’un cours
d’eau qui n’est pas navigable. Ϧ2. État d’un
navire qui, du fait d’un mauvais entretien,
de réparations insuffisantes ou d’un événement de mer, n’est plus considéré comme
pouvant faire face aux périls ordinaires de
la navigation.
innavigable [ɛ̃navigabl] adj. (lat. innavigabilis, qui n’est pas navigable, de in-, préf.
à valeur négative, et de navigabilis, où l’on
peut naviguer, dér. de navigare, naviguer,
de navis, navire ; v. 1530, C. Marot, au sens
1 ; sens 2, 1541, Charrière [1, 527]). 1. Se dit
d’un cours d’eau sur lequel on ne peut naviguer : En remontant l’Avonne innavigable
(Balzac). Ϧ 2. Se dit d’un bateau impropre
à la navigation : Une péniche innavigable.
inné, e [ine ou inne] adj. (lat. innatus, né
dans, naturel, inné, part. passé adjectivé de
innasci, naître dans, de in-, préf. marquant
la localisation, et de nasci, naître ; 1611,
Cotgrave, au sens 1 [enné, forme plus pop.,
milieu du XVIe s.] ; sens 2, 1647, Descartes).
1. Se dit de ce qui, chez un être, existait dès
la naissance et qu’il n’a pas eu à acquérir :
Le don inné, sans l’instruction, reste stérile,
improductif (Renan). Ϧ 2. Spécialem. Idées
innées, en philosophie, idées inhérentes à
l’esprit humain et qui, par conséquent, sont
antérieures à toute expérience.
• SYN. : 1 foncier, infus, instinctif, naturel,
spontané. — CONTR. : 1 acquis, appris.
& inné n. m. (XXe s.). Ce qui est inné.
innéisme [ineism ou inneism] n. m. (de
[idées] inné[es] ; fin du XIXe s.). Doctrine qui
reconnaît l’existence d’idées innées dans
l’esprit humain : L’innéisme de Descartes.
innéiste [ineist ou inneist] adj. et n. (de
innéisme ; 1931, Larousse). Qui admet
l’innéisme : Un philosophe innéiste. Un
innéiste.
& adj. (1962, Larousse). Relatif à l’innéisme : Théories, doctrines innéistes.
innéité [ineite ou inneite] n. f. (dér. savant
de inné ; 1810, Gall et Spurzheim, au sens
1 ; sens 2, 1867, Littré). 1. Caractère de ce
qui est inné : L’innéité des tendances. On
a soutenu l’innéité des principes rationnels
dans l’esprit humain. Ϧ2. Absol. et vx.
Disposition propre à un individu donné
(par opposition à hérédité) : Il me manque
l’innéité d’abord, puis la persévérance
(Flaubert).
innervation [inɛrvasjɔ̃] n. f. (de in- et
du lat. nervus, tendon, ligament, nerf ;
1838, Acad., au sens de « création de la
pensée par un effet nerveux » ; sens 1,
1845, Bescherelle ; sens 2, 1907, Larousse).
1. Action propre au système nerveux : C’est
un trouble de l’innervation, la maladie des
gens qui ont abusé des travaux intellectuels
(Theuriet). Innervation motrice, sensitive,
végétative. Ϧ2. Mode de distribution et
de répartition des nerfs dans une région
ou dans un organe : Cette mobilité tient à
l’innervation, à la musculature (Valéry).
innerver [inɛrve] v. tr. (de in- et du lat.
nervus [v. l’art. précéd.] ; 1877, Littré).
Fournir en éléments nerveux un organe
ou une région donnée du corps (en parlant
d’un tronc nerveux) : Le nerf radial innerve
tous les muscles des doigts.
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innettoyable [ɛ̃nɛtwajabl] adj. (de in- et
de nettoyable ; 1838, Acad.). Qui n’est pas
nettoyable.
innocemment [inɔsamɑ̃] adv. (de innocent ; 1349, Espinas [IV, 315], écrit innoçamment ; innocemment, 1538, R. Estienne).
D’une manière innocente, sans intention
de faire du mal : Répéter innocemment une
calomnie. Faire innocemment une remarque
désobligeante (Radiguet).
• SYN. : candidement, ingénument, involontairement, naïvement. — CONTR. :
malignement, méchamment, sciemment,
volontairement.
innocence [inɔsɑ̃s] n. f. (lat. innocentia, innocuité, intégrité, vertu, de innocens,
-entis [v. iNNOCENT] ; v. 1120, Psautier
d’Oxford, au sens 1 [état d’innocence, 1680,
Richelet — innocence, même sens, 1546,
Rabelais ; l’innocence du baptême, 1656,
Pascal] ; sens 2, 1721, Montesquieu ; sens
3, v. 1265, Br. Latini ; sens 4, 1679, Bossuet ;
sens 5, 1611, Cotgrave ; sens 6, début du
XIVe s. ; sens 7, 1636, Tristan L’Hermite ;
sens 8, 1669, Molière). 1. État de pureté
d’un être qui ignore le mal, qui n’a jamais
fait le mal : Vivre dans l’innocence. Je puis
supposer Émile resté dans sa primitive
innocence (Rousseau). Un idéal de calme,
d’innocence et de rêverie (Sand). Cette petite
Honorine est l’innocence même (France).
ϦSpécialem. État d’innocence, ou simplem.
innocence, selon la théologie chrétienne,
état qui précéda la faute originelle, et dans
lequel l’homme était exempt de péché et
de toute inclination au mal : Si l’homme
n’avait jamais été corrompu, il jouirait, dans
son innocence, et de la vérité et de la félicité
(Pascal). Ϧ L’innocence du baptême, état
de l’homme lavé des souillures du péché
originel par le baptême. Ϧ2. Ignorance
des choses de l’amour, et, spécialem., virginité : Sans respect pour mon habit blanc,
il me ravit mon innocence (Montesquieu).
Ϧ3. Class. Qualité d’un être inoffensif,
incapable de commettre le mal, de nuire
à autrui : Hélas ! il [Astyanax, fils d’Hector
et d’Andromaque] mourra donc ! Il n’a pour
sa défense | Que les pleurs de sa mère et que
son innocence (Racine). Ϧ 4. Spécialem. et
class. Intégrité de la conduite, désintéres-
sement : La modération et l’innocence des
généraux romains faisaient l’admiration
des peuples vaincus (Bossuet). Ϧ 5. Péjor.
Ingénuité, naïveté excessive, méconnaissance des réalités : Abuser de l’innocence
de quelqu’un. Elle était fort en peine et vint
me demander, | Avec une innocence à nulle
autre pareille... (Molière). Ϧ 6. État d’une
personne qui n’est pas coupable d’une faute
déterminée : Prouver, établir son innocence.
Reconnaître l’innocence d’un inculpé.
Accusé de mensonge quand j’affirmais mon
innocence, je fus sévèrement puni (Balzac).
Ϧ 7. Ensemble des innocents, de ceux à qui
l’on n’a rien à reprocher : Protéger l’innocence. Le crime trouve toujours des avocats,
et l’innocence, parfois seulement (Camus).
Ϧ8. Caractère de ce qui n’est pas blâmable,
de ce qui est exempt de malignité, accompli
avec des intentions pures : Une conduite
pleine d’innocence. L’innocence d’une vie
pure et sans taches. L’innocence des moeurs,
des pensées. La pudeur a sa fausseté, et le
baiser son innocence (Mirabeau).
• SYN. : 1 candeur, ingénuité, naïveté ;
5 ignorance, niaiserie ; 8 pureté, simplicité.
— CONTR. : 1 dépravation, impudeur, impudicité, impureté ; 5 matoiserie, roublardise
(pop.), rouerie ; 6 culpabilité ; 8 fourberie,
malignité, perfidie.
innocent, e [inɔsɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. innocens, -entis, probe, vertueux, non coupable,
et, pour des choses, « inoffensif », de in-,
préf. à valeur négative, et de nocens, -entis,
nuisible, pernicieux, funeste, part. prés.
adjectivé de nocere, nuire ; v. 1120, Psautier
d’Oxford, au sens 1 [pour le coeur, 1677,
Racine ; « ignorant des choses de l’amour »,
1662, Molière] ; sens 2, milieu du XVe s.,
Quinze Joyes de mariage [« simple d’esprit »,
v. 1330, Baudoin de Sebourg] ; sens 3, 1873,
Larousse ; sens 4, 1580, Montaigne ; sens 5,
1597, Liébault [pour une action dépourvue
de malice, v. 1380, Aalma] ; sens 6, début du
XIVe s. [écrit ignoscent ; innocent, av. 1493,
G. Coquillart] ; sens 7, v. 1380, Aalma [jeux
innocents, 1834, Landais]). 1. Qui ignore le
mal, le vice, les plaisirs coupables ; qui est
pur, ingénu, candide : J’ai créé l’homme
saint, innocent, parfait (Pascal). Et les
plus tristes fronts, les plus souillés peutêtre, | Se dérident soudain à voir l’enfant
paraître, | Innocent et joyeux (Hugo) ; et par
extens. : Afin que mon coeur soit innocent
et splendide | Comme un pavé d’autel qu’on
lave tous les soirs ! (Hugo). Ϧ Spécialem.
Ignorant des choses de l’amour : Je l’ai vue
à tel point innocente, | Que Jai béni le ciel
d’avoir trouvé mon fait (Molière). Oh ! ces
enfants, dit-il, d’une voix aiguë, mièvre et
cadencée, il faut tout leur apprendre, ils
sont innocents comme l’enfant qui vient de
naître, ils ne savent pas reconnaître quand
un homme est amoureux d’une femme
(Proust). Ϧ2. Dont la candeur, l’ingénuité,
l’ignorance sont excessives : Que cette personne est innocente ! Ϧ Spécialem. Simple
d’esprit : Ma petite soeur Mariette touchait
à ses dix ans, mais la pauvre gamine était
innocente (Guillaumin). Ϧ3. Qui témoigne
de l’ingénuité, voire d’une trop grande
naïveté : Air, sourire innocent. Réflexion
innocente. Ϧ 4. Class. et littér. Qui ne fait
pas de mal aux autres, qui est incapable
de nuire par nature (en parlant des êtres
animés) : Ni loups ni renards n’épiaient |
La douce et l’innocente proie (La Fontaine).
La Hollande n’a pas de forges, elle cultive les
fleurs et parmi les champs de tulipes, sans
souci des loups affamés, elle promène ses
vaches innocentes (Claudel). Ϧ 5. Class. et
littér. Qui ne fait pas de mal, qui est inoffensif (en parlant des choses, et notamment
des actions qui ne sont pas faites dans l’intention de nuire) : De petits remèdes innocents (Racine). On y remarque une critique
sûre, judicieuse et innocente, s’il est permis
du moins de dire de ce qui est mauvais qu’il
est mauvais (La Bruyère). La maladie la
plus innocente pour un homme sain sera
mortelle pour lui (Balzac). Les bourgeois
allumaient des pétards innocents (Carco).
Ϧ Auj. Se dit encore d’actions dépourvues
de malice : Passe-temps innocent. Innocente
occupation. Je me laissai, tout doucement,
aller à mon innocente manie d’observation (Villiers de L’Isle-Adam). Ϧ 6. Qui
n’est pas coupable d’un acte blâmable ou
délictueux : Tout accusé est, en bonne justice, considéré comme innocent tant qu’il
n’a pas été reconnu coupable. Le pouvoir
civil [...], bien qu’innocent de la mort de
Jésus, devait en porter lourdement la responsabilité (Renan). Ϧ7. Qui n’a aucun
caractère coupable, que l’on ne peut pas
blâmer, condamner : Les femmes croient
innocent tout ce qu’elles osent (Joubert).
Ils étaient encore dans le chaste frisson
des premiers mots balbutiés, des caresses
innocentes (Zola). Pénétrons le sens du
mythe, et l’inceste qui vous fait horreur vous
paraîtra bien innocent (France). Conduite
innocente. ϦJeux innocents, nom donné
autrefois à divers jeux de société ; auj., par
antiphrase, jeux qui, sous une apparence
chaste, peuvent donner lieu à certaines
privautés.
• SYN. : 2 crédule, simple, simplet ; 3
niais, nigaud (fam.) ; 6 irresponsable ;
chaste, irrépréhensible, irréprochable,
pur. — CONTR. : 1 dépravé, impur, souillé ;
2 averti, blasé, futé, matois, roublard (fam.),
roué, rusé ; 6 coupable, responsable ; 7 blâmable, condamnable, répréhensible.
& n. (1080, Chanson de Roland, au plur.,
pour désigner les enfants égorgés sur l’ordre
d’Hérode [v. sens 2] ; sens 1, 1640, Oudin
[faire l’innocent, 1688, Th. Corneille] ; sens
2, 1656, Molière [massacre des Innocents,
1867, Littré] ; sens 3. XVIe s., Coutumier
général ; sens 4, début du XIVe s. [écrit
ignoscent ; innocent, XVe s.]). 1. Personne
ingénue et naïve : Une jeune innocente.
Ϧ Faire l’innocent, feindre la simplicité,
la candeur. Ϧ2. Spécialem. Tout jeune
enfant : Faire souffrir de pauvres innocents.
ϦMassacre des Innocents, le massacre des
enfants de moins de deux ans, ordonné par
Hérode pour faire périr Jésus (Matthieu,
II, 16-18). Ϧ 3. Péjor. Niais, simple d’esprit : Oh ! pour cela, dit Babet, si jamais
quelqu’un a eu la mine d’un innocent,
c’est vous assurément (Marivaux). Comme
l’ahuri des pantomimes ou l’innocent des
escamoteurs (Vallès). Ϧ 4. Personne qui
n’est pas coupable : Un coupable puni est
un exemple pour la canaille ; un innocent
condamné est l’affaire de tous les honnêtes
gens (La Bruyère). Il vaut mieux hasarder
de sauver un coupable que de condamner
un innocent (Voltaire).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2646
• SYN. : 3 crétin, demeuré (dialect.), idiot,
simplet.
& innocente n. f. (1660, Oudin [innocente ; robe à l’innocente, 1902, Larousse]).
Innocente, ou robe à l’innocente, robe très
ample et sans ceinture, portée par Mme de
Montespan pour dissimuler ses grossesses,
et qui fut à la mode à la fin du XVIIe s. :
Dis-moi, lequel [de deux habits] aimera-t-il
mieux, de l’innocente ou de la gourgandine ? (Regnard).
innocenter [inɔsɑ̃te] v. tr. (de innocent ;
v. 1530, C. Marot, au sens de « donner le
fouet par jeu, le jour des Innocents » ;
sens 1, 1704, Trévoux ; sens 2, 1959,
Robert ; sens 3, 1844, Balzac). 1. Déclarer
quelqu’un innocent, non coupable de ce
dont il était accusé : Arrêt du tribunal qui
innocente un accusé. [La Gironde] finit
par faire croire qu’elle voulait blanchir le
roi et l’innocenter (Michelet). Innocente
ce petit misérable, et trouve d’autres coupables (Balzac). Ϧ 2. Faire apparaître
comme innocent, prouver l’innocence de
(en parlant d’une chose) : Une preuve, un
témoignage qui innocente définitivement
un prévenu. Ϧ 3. Faire considérer comme
innocent, excuser, justifier, faire admettre :
Le roi essayait quelquefois d’innocenter
la présence de sa maîtresse à Versailles
(Lamartine) ; et avec un sujet désignant
une chose : Rien n’innocente le nu autant
que la dépersonnalisation du visage, et
la Renaissance le comprendra de reste
(Malraux).
• SYN. : 1 acquitter, réhabiliter ; 2 blanchir, disculper, laver. — CONTR. : 1 accuser,
déférer, incriminer, inculper, poursuivre ;
2 charger, condamner, noircir.
& s’innocenter v. pr. (milieu du XIXe s.).
Prouver ou chercher à prouver son innocence : Le cafetier s’innocenta avec vivacité
(Murger).
innocuité [inɔkɥite] n. f. (dér. savant
du lat. innocuus, inoffensif, de in-, préf.
à valeur négative, et de nocuus, nuisible,
dér. de nocere, nuire ; 1806, Thouvenel).
Caractère d’une chose qui n’est pas nuisible : L’innocuité d’un champignon, d’un
remède.
• CONTR. : nocivité, nocuité.
innombrable [inɔ̃brabl] adj. (de in- et
de nombrable, d’après le lat. innumerabilis,
innombrable, de in-, préf. à valeur négative, et de numerabilis, qu’on peut compter,
dér. de numerare, compter, de numerus,
nombre ; 1341, Godefroy, écrit innumbrable
[innombrable, v. 1361, Oresme], au sens 1
[« très nombreux », XIVe s., BEC, 5e série, t. I,
p. 81 — écrit innombrable] ; sens 2, 1671,
Pomey ; sens 3, 1560, Bible Rebul). 1. Qui
existe en nombre trop considérable pour
être compté : Tous ces astres innombrables,
placés dans les profondeurs de l’espace,
obéissent aux lois mathématiques découvertes et démontrées par le grand Newton
(Voltaire). Ϧ Par exagér. Très nombreux :
Aux innombrables maux que tous les
hommes craignent (Banville). Ϧ2. Dont
on ne peut pas compter les éléments : Il y a
bien des années, les gens de Hameln furent
tourmentés par une multitude innombrable
de rats qui venaient du Nord (Mérimée).
L’innombrable ciel de juillet enfermant
toutes choses dans un groupe étincelant
d’autres mondes (Valéry). Ϧ 3. Littér. Qui
présente une grande diversité de formes
ou d’aspects ; dont les composants sont
très nombreux et variés : L’ombre innombrable de leurs frissons sur l’eau (Hermant).
Comme si ces choses inanimées connaissaient aussi la souffrance innombrable ou
la joie (Pesquidoux). Le Coeur innombrable
(recueil d’A. de Noailles). Chaplin, lourd,
léger, innombrable comme le vif-argent
(Cocteau).
• SYN. : 1 nombreux ; multiple ; 2 illimité,
incalculable, incommensurable, infini.
innombrablement [inɔ̃brabləmɑ̃]
adv. (de innombrable ; 1458, Mystère du
Vieil Testament, écrit innumbrablement ;
innombrablement, 1500, La Vigne). D’une
manière innombrable.
innomé, e [inɔme] adj. (de in- et de
nommé ; 1370, Oresme [écrit innommé ;
innomé, 1835, Acad.], au sens 1 ; sens 2,
1611, Cotgrave). 1. Qui n’a pas reçu de
nom ; dont on ne connaît pas le nom :
Car il est nécessaire de forger des mots
pour exprimer des phénomènes innomés
(Balzac). Il s’y mêlait, parmi les jacinthes,
les violettes, l’épine blanche, une foule de
petites fleurs innomées (Daudet). Couleurs,
parfums, sonorités, frissons, tout restait
vague, transparent, innomé (Zola). Seul
était pur ce sentiment innomé qui depuis
des mois germait en lui (Martin du Gard).
Ϧ2. Contrats innomés, en droit romain,
contrats qui n’avaient pas reçu du droit
civil de dénomination particulière.
& n. (av. 1885, V. Hugo). Celui, celle dont on
n’a pas conservé le nom : Tous les innomés
de l’histoire (Le Roy).
• SYN. : inconnu, oublié, obscur.
• REM. L’orthographe INNOMMÉ, E n’est
pas rare, malgré l’Académie : Ces vertus
innommées qui font du simple honnête
homme le véritable et profond homme de
bien (Maeterlinck) ; et substantiv. : Hors
de la terre il est l’innommé [Dieu] (Hugo).
innominé, e [inɔmine] adj. (bas lat. innominatus, non nommé, et, dans la langue
médic., « innominé » v. 1560, Paré [ligne
innominée, 1962, Larousse]). Se dit ou se
disait de divers organes et de divers accidents anatomiques. Ϧ Ligne innominée,
relief osseux situé à la face interne de l’os
iliaque et qui constitue la limite du détroit
supérieur.
innommable [inɔmabl] adj. (de in- et
de nommer ; 1584, G. Bouchet, puis 1838,
Acad., au sens 1 ; sens 2, av. 1910, J. Renard ;
sens 3, 1890, Maupassant [« trop vil pour
être qualifié », 27 juin 1875, Gazette des
tribunaux, p. 616]). 1. Qui ne peut pas être
désigné par un nom : Le coeur serré par des
chagrins innommables (Baudelaire). Un
moi [...] devenu lui-même abstrait et innommable à force d’être séquestré et coupé de ses
racines (Camus). Ϧ 2. Dont on ne peut ou
dont on ne doit pas dire le nom : J’ai eu la
chance d’entendre parler une belle et innommable actrice de l’Odéon ailleurs que sur la
scène (Renard). Ϧ 3. Fam. Trop détestable
pour recevoir un nom : Une potion, une
mixture, une saveur innommable. Ϧ Trop
vil pour être qualifié : Des agissements, des
procédés innommables.
• SYN. : 1 indicible, inexprimable ; 3 atroce,
infâme ; ignoble, immonde, inqualifiable,
odieux, sordide.
& n. m. (début du XXe s.). L’innommable,
personne ou chose qu’on ne peut nommer :
Côte à côte, on y cueille [dans l’Inde] toutes
les formes des dieux, depuis les plus sauvages jusqu’aux plus épurées — et jusqu’au
Dieu sans forme, l’Innommable, l’Illimité
(Rolland).
innommé, e adj. V. INNOMÉ, E.
innovateur, trice [inɔvatoer ou
innɔvatoer, -tris] adj. et n. (bas lat. innovator, celui qui renouvelle [de innovatum,
supin du lat. class. innovare, v. INNOVER],
ou dér. savant du franç. innover ; 1500,
Molinet). Qui innove ou cherche à innover : Gouvernement innovateur. Esprit
innovateur.
• SYN. : créateur, initiateur, inspirateur,
novateur, précurseur, promoteur. — CONTR. :
conservateur, routinier, sclérosé ; néophobe.
innovation [inɔvasjɔ̃ ou innɔvasjɔ̃] n. f.
(lat. impér. innovatio, renouvellement, de
innovatum, supin du lat. class. innovare
[v. l’art. suiv.] ; 1297, Dict. général, écrit
innovacion ; innovation, v. 1536, M. Du
Bellay). Action d’innover ; résultat de cette
action : Il n’y a point d’innovations sans
avances, sans risques (Condorcet).
• SYN. : changement, création, invention, nouveauté, révolution, transformation. — CONTR. : conservatisme, routine,
tradition.
innover [inɔve ou innɔve] v. intr. (lat.
innovare, renouveler [rare pendant la
période class.], de in-, préf. marquant
l’aboutissement d’une action, et de novare,
renouveler, refaire, inventer, dér. de novus,
nouveau ; 1541, Calvin, au sens 1 ; sens
2, 1669, Bossuet). 1. Introduire quelque
nouveauté dans un domaine particulier :
Innover en politique. Ϧ 2. Apporter quelque
chose de nouveau : Si l’on m’accusait pour
avoir repris quelques mètres passés de
mode, pour avoir tâché d’innover [...], ne
trouverais-je pas en vous, cher maître, un
défenseur naturel ? (Banville).
• SYN. : changer, créer, inventer, lancer,
trouver.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2647
& v. tr. (1315, Soudet [p. 214], au sens de
« introduire [quelque chose de nouveau]
dans une chose établie » ; av. 1526, J. Marot,
au sens de « inventer » ; sens actuel, v. 1536,
M. Du Bellay). Introduire sous une forme
nouvelle : Innover une mode. Ne rien
innover.
• SYN. : changer, créer, inventer, lancer,
trouver.
inobservable [inɔpsɛrvabl] adj. (de inet de observable ; 1754, Gohin, au sens 1 ;
sens 2, 1838, Acad.). 1. Qui ne peut être
observé : Un astre, un phénomène inobservable. Ϧ 2. Qui ne peut pas être exécuté, suivi : Prescription, recommandation
inobservable.
inobservance [inɔpsɛrvɑ̃s] n. f. (lat.
inobservantia, manque d’observation,
négligence, de in-, préf. à valeur négative,
et de observantia, action de remarquer,
d’observer, respect de, considération, dér.
de observans, -antis, qui a de la considération pour, qui obéit, part. prés. adjectivé
de observare, observer, surveiller, respecter ; 1521, Papiers de Granvelle, I, 220).
Attitude d’une personne qui n’observe pas
habituellement certaines prescriptions :
L’inobservance des pratiques religieuses, des
coutumes, des impératifs de la conscience.
inobservation [inɔpsɛrvasjɔ̃] n. f. (de
in- et de observation ; 1550, Charrière [1,
122], aux sens 1-2). 1. Manque d’obéissance
à quelque chose : Inobservation d’une loi,
d’un règlement. Ϧ 2. Inexécution de certains engagements : Inobservation d’un
contrat, des clauses d’un traité.
• SYN. : 2 entorse (fam.), manquement,
transgression, violation.
inobservé, e [inɔpsɛrve] adj. (de in- et
de observé, part. passé de observer ; 1845,
Bescherelle, aux sens 1-2). 1. Qui n’est pas
observé : Ce grand Paris, où la foule se sent
inobservée et libre (Daudet). Ϧ2. Qui n’a
pas été respecté : Règlement inobservé.
inoccupation [inɔkypasjɔ̃] n. f. (de inet de occupation ; 1783, Gohin, au sens 1 ;
sens 2, 1878, Larousse). 1. État d’une personne qui n’a pas d’occupations régulières :
L’inoccupation où me laissait ma santé rétablie (Gide). Ϧ2. État d’une chose qui n’est
pas occupée par quelqu’un : L’inoccupation
d’un appartement pendant un temps assez
long peut amener son propriétaire à résilier
le contrat de location.
• SYN. : 1 désoeuvrement, inaction, inactivité, oisiveté ; 2 abandon. — CONTR. : 1 activité, affairement, travail ; 2 occupation.
inoccupé, e [inɔkype] adj. (de in- et
de occupé ; 1544, l’Arcadie, au sens 1 ;
sens 2, 1845, Bescherelle [« qui n’est pas
exploité », 1959, Robert]). 1. Se dit d’une
personne qui n’a pas d’occupation : En
classe, il ne faut pas laisser les enfants
inoccupés ; et par extens. : Vie inoccupée.
Ϧ 2. Qui n’est pas occupé par quelqu’un :
Laisser une maison inoccupée. ϦQui n’est
pas exploité : Décréter la confiscation des
terres inoccupées.
• SYN. : 1 désoccupé, désoeuvré, inactif,
oisif ; 2 désert, inhabité, libre, vacant, vide ;
abandonné, en friche, inculte, inexploité.
— CONTR. : 1 affairé, actif ; 2 habité, occupé ;
cultivé, exploité, travaillé.
& n. (1959, Robert). Personne sans occupation : Embaucher des inoccupés.
in-octavo [inɔktavo] adj. invar. (loc. du
lat. de la Renaissance signif. proprem. « en
huitième », du lat. class. in, en, et octavo,
ablatif neutre de octavus, huitième, dér. de
octo, huit ; 1567, Papiers de Granvelle [II,
399], pour le format ; pour la feuille, 1902,
Larousse). Se dit du format d’un livre où
chaque feuille d’impression, présentant
trois plis, forme 8 feuillets, soit 16 pages :
Format, volume, édition in-octavo.
& n. m. invar. (1752, Trévoux). Format,
volume in-octavo : Un in-octavo.
• REM. On écrit aussi, par abrév., IN-8°.
inoculabilité [inɔkylabilite] n. f. (dér.
savant de inoculable ; 1867, Littré). Qualité
de ce qui est inoculable : L’inoculabilité
d’un virus.
inoculable [inɔkylabl] adj. (de inoculer ;
v. 1770, Voltaire). Qui peut être inoculé : La
rage est inoculable.
inoculateur, trice [inɔkylatoer, -tris]
adj. (dér. savant de inoculer ; 1752, Trévoux,
comme n. m., au sens de « celui qui pratique
l’inoculation » ; comme adj., au sens actuel,
1845, Bescherelle). Qui sert à inoculer :
Appareil, instrument inoculateur.
inoculation [inɔkylasjɔ̃] n. f. (angl. inoculation, greffe en écusson, inoculation [début
du XVIIIe s.], du lat. inoculatio, greffe en
écusson [de inoculatum, supin de inoculare,
v. l’art. suiv.] — qui avait déjà fourni directement au franç. le n. f. inoculation, « greffe »
[1580, Landric, p. 9], « transfusion » [1667,
P. D. Huet] ; 1722 [d’après Encyclopédie,
1765], au sens 2 ; sens 1, 1771, Trévoux ;
sens 3, 1859, Renan). 1. Introduction, dans
l’organisme, d’un germe, d’un virus, d’un
vaccin : L’inoculation est accidentelle quand
un microbe vient souiller une plaie. La vaccination est une inoculation volontaire.
Ϧ 2. Absol. et vx. Introduction volontaire
de la variole pour préserver de la maladie : Même lorsque le médecin Mead fit
en Angleterre les premières expériences
de l’inoculation, en 1721, il la tenta à la
manière chinoise sur un des sujets qu’on lui
donna ; et elle réussit (Voltaire). Ϧ3. Fig.
Transmission, propagation d’opinions ou
de doctrines : Ce fut la crise concomitante
d’une seconde genèse, une inoculation profonde de facultés nouvelles et, si j’ose dire,
de virus salutaires et nécessaires à la vie
complète (Renan).
inoculer [inɔkyle] v. tr. (angl. to inoculate, greffer en écusson, inoculer [début
du XVIIIe s.], du lat. inoculatum, supin de
inoculare, greffer en écusson, de in-, préf.
marquant la localisation, et de oculus, oeil
[d’un être animé, d’une greffe, etc.] ; début
du XVIIIe s., au sens 2 [« vacciner contre la
petite vérole »] ; sens 1, 1762, J.-J. Rousseau ;
sens 3, av. 1778, J.-J.Rousseau). 1. Introduire
dans un organisme par inoculation : Il se
fit, en essuyant son bistouri, une piqûre [...]
qui lui inocula une affection purulente dont
il mourut en deux jours (France). Inoculer
la peste à un cobaye, la rage à un chien.
Ϧ2. Soumettre à l’inoculation : Inoculer
un malade. Ϧ3. Fig. Transmettre par une
sorte de contagion morale : L’ennui est
un des maux les moins graves qu’on ait à
supporter, le sien n’existait peut-être que
dans l’imagination des autres, ou lui avait
été inoculé grâce à une sorte de suggestion
par eux, laquelle avait trouvé prise sur son
agréable modestie (Proust). On nous inocule
donc, pour des fins d’enrichissement, des
goûts et des désirs qui n’ont pas de racines
dans notre vie physiologique profonde, mais
qui résultent d’excitations psychiques ou
sensorielles délibérément infligées (Valéry).
• SYN. : 3 inspirer, instiller, insuffler.
& s’inoculer v. pr. (1761, J.-J. Rousseau,
au sens de « contracter volontairement la
petite vérole » ; sens actuel, 1867, Littré).
Être transmis par inoculation : La rage
s’inocule très facilement.
inodore [inɔdɔr] adj. (lat. inodorus, inodore, de in-, préf. à valeur négative, et de
odorus, odorant, dér. de odor, exhalai-son
[bonne ou mauvaise] ; fin du XVIIe s.). Qui
ne dégage pas d’odeur : Gaz inodore. L’eau
est un liquide inodore et sans saveur.
• CONTR. : odorant, odoriférant, parfumé ;
fétide, malodorant, nauséabond, puant.
inoffensif, ive [inɔfɑ̃sif, -iv] adj. (de in- et
de offensif ; fin du XVIIIe s., Brunot, au sens
1 [« qui ne fait aucun mal » ; « qui n’attaque
pas », 1873, Larousse] ; sens 2, 1959, Robert ;
sens 3, 1807, Mme de Staël [« qui ne peut pas
nuire à la santé », 1873, Larousse]). 1. Se dit
d’un animal qui n’attaque pas : Fauve qui
est inoffensif quand il n’a pas faim. Ϧ Se dit
d’un être qui ne fait aucun mal, dont on
n’a rien à craindre : Personne inoffensive.
Ϧ2. Péjor. et fam. Se dit d’une personne
qui est incapable de riposter par manque
de caractère, qui est incapable d’initiative :
Un pauvre hère complètement inoffensif.
Ϧ 3. Se dit d’une chose qui ne peut faire de
mal : Un livre, un jeu inoffensif. Une entreprise, une action inoffensive. Ϧ Spécialem.
Qui ne peut pas nuire à la santé : Un remède
inoffensif.
• SYN. : 1 doux ; innocent ; 3 anodin, bénin.
inoffensivement [inɔfɑ̃sivmɑ̃] adv. (de
inoffensif ; 1838, Acad.). D’une manière
inoffensive : Plaisanter inoffensivement à
propos de quelqu’un.
inofficieux, euse [inɔfisjø, -øz] adj.
(lat. inofficiosus, qui manque à ses devoirs,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2648
contraire aux devoirs, de in-, préf. à valeur
négative, et de officiosus, serviable, juste,
légitime, dér. de officium, service, serviabilité, obligation morale ; 1495, Dict. général).
Qui se fait au détriment de quelqu’un, qui
lèse les droits de quelqu’un : Donation inofficieuse. Testament inofficieux.
inofficiosité [inɔfisjɔzite] n. f. (dér.
savant de inofficieux, d’après le bas lat.
inofficiositas, manque d’égards, dér. du lat.
class. inofficiosus [v. l’art. précéd.] ; 1611,
Cotgrave, au sens 1 ; sens 2, 1718, Acad.).
1. Caractère de ce qui est inofficieux :
Plainte d’inofficiosité. Ϧ 2. Action d’inofficiosité, action contre un acte inofficieux.
inondable [inɔ̃dabl] adj. (de inonder ; 15
mai 1874, Revue des Deux Mondes, p. 341).
Qui peut être recouvert ou atteint par les
inondations : Terre, région inondable.
inondation [inɔ̃dasjɔ̃] n. f. (lat. inundatio, inondation, débordement, et, au
fig., « déluge de paroles », de inundatum,
supin de inundare [v. INONDER] ; v. 1265,
J. de Meung, dans la loc. la grant inondacion, « le Déluge » ; sens 1, v. 1380, Aalma
[écrit inundation ; inondation, 1549, R.
Estienne] ; sens 2, 1751, Voltaire ; sens 3, v.
1560, Paré ; sens 4, 1564, Indice de la Bible ;
sens 5, v. 1648, Retz). 1. Débordement des
eaux qui couvrent une partie de pays :
Les inondations périodiques d’une rivière.
L’inondation d’une région par un fleuve.
Ravages causés par une inondation.
Ϧ2. Action de couvrir d’eau ; résultat de
cette action : Les inondations volontaires
des rizières. Ϧ3. Spécialem. Épanchement
abondant de sang à l’intérieur du corps :
Une grossesse extra-utérine peut provoquer
une inondation péritonéale. Ϧ 4. Class. et
fig. Invasion tumultueuse d’une multitude
de personnes : L’Occident était troublé
par l’inondation des Barbares (Bossuet).
Ϧ5. Afflux de certaines choses en grandes
quantités : Les paysans arrondissaient les
yeux, gagnés d’une panique, à l’idée de cette
inondation du blé étranger (Zola).
• SYN. : 1 déluge ; 2 immersion ; 3 hémorragie ; 5 déferlement, envahissement,
invasion.
inondé, e [inɔ̃de] adj. (part. passé de
inonder ; XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1848,
Reybaud [comme n. m. pl. ; populations
inondées, 1967, Robert] ; sens 3, 1797,
Bulliard). 1. Qui a été recouvert par l’inondation : Un pays complètement inondé.
Diriger des secours vers une région inondée.
Ϧ2. Populations inondées, et, substantiv.,
les inondés, ceux qui ont été victimes d’une
inondation. Ϧ 3. En botanique, qui naît
et se développe dans l’eau sans jamais se
montrer à la surface : Des plantes inondées.
• SYN. : 1 immergé.
inonder [inɔ̃de] v. tr. (lat. inundare, inonder [au pr. et au fig.], déborder, regorger
de, de in-, préf. marquant le mouvement
vers, et de undare, rouler des vagues, être
agité, dér. de unda, eau agitée, flot, vague ;
v. 1120, Psautier d’Oxford, comme v. intr.,
écrit enunder, au sens de « déborder » ; écrit
inonder, comme v. tr., au sens 1, v. 1265,
Br. Latini ; sens 2, 1665, Boileau ; sens 3,
1664, Racine ; sens 4, 1669, Bossuet ; sens
5, 1673, Racine). 1. Recouvrir entièrement
d’eau : À la fonte des neiges, les torrents de
montagne inondent les terrains avoisinants.
Ϧ 2. Par exagér. Couvrir en mouillant
abondamment : [Il] lui jeta à la tête une
bouteille qui se brisa sur la table, qu’elle
inonda de vin (France). Et son beau visage
qu’elle levait vers moi, je vis soudain qu’il
était inondé de larmes (Gide). Il a le visage
inondé de sang, qu’il essuie du revers de la
main (Vailland). Ϧ3. Inonder un pays de
sang, y commettre ou y faire commettre
beaucoup de meurtres. Ϧ 4. Fig. En parlant
de choses, se trouver en abondance quelque
part : Dans ces milliers de romans qui ont
inondé l’Angleterre depuis un demi-siècle,
deux ont gardé leur place : Caleb Williams
et le Moine (Chateaubriand). Les livres traitant de la cabale et des sciences occultes
inondaient alors les bibliothèques (Nerval).
Ϧ Répandre abondamment sa chaleur, sa
lumière, etc., sur : Ces panoramas inondés
de soleil sont d’une vérité merveilleusement
cruelle (Baudelaire). La lune, depuis longtemps levée, inonde à présent la terrasse
(Gide). Elle est sauvée... ,elle est sauvée,
répétait Hélène, bégayante, inondée d’une
telle joie qu’elle avait glissé par terre, près
du lit (Zola). Des flots ininterrompus de
chaleur et de lumière inondèrent la ville à
longueur de journée (Camus). Ϧ 5. Class. et
littér. En parlant de personnes, se répandre
abondamment dans : Le peuple saint, en
foule, inondait les portiques (Racine). Dès le
matin du dimanche des milliers de paysans,
arrivant des montagnes voisines, inondèrent
les rues de Verrières (Stendhal).
• SYN. : 1 submerger ; 2 arroser, asperger,
baigner, tremper ; 4 abreuver, écraser,
envahir, gorger, illuminer, noyer, saturer ;
5 affluer, encombrer, remplir.
& v. intr. (sens 1, fin du XVe s. ; sens 2,
av. 1670, Corneille). 1. Vx. Se répandre
en abondance au point de recouvrir les
lieux : L’eau inondait un peu partout
(Chateaubriand). Ϧ 2. Fig. Se répandre en
abondance : Toi qui fis inonder le torrent
de ta grâce | Sur ce troupeau choisi qu’il te
plut de bénir (Corneille).
inopérabilité [inɔperabilite] n. f. (de inopérable ; XXe s.). Impossibilité de procéder
à une intervention chirurgicale en raison
de l’état du malade.
inopérable [inɔperabl] adj. (de in- et
de opérer ; 1812, Dictionnaire des sciences
médicales, I, 289). Qu’il est impossible
d’opérer : Blessé inopérable. Anomalie,
tumeur inopérable.
inopérant, e [inɔperɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de in- et
de opérant ; 1846, Bescherelle, au sens de
« vague » ; sens actuel, 1859, Mozin). Qui
ne peut pas produire ou qui ne produit pas
d’effet : Un remède inopérant. Une mesure
inopérante.
• SYN. : impuissant, inefficace, stérile, vain.
inopiné, e [inɔpine] adj. (lat. inopinatus,
inattendu, inopiné, de in-, préf. à valeur
négative, et de opinatus, part. passé de opinari, avoir telle ou telle opinion, conjecturer ; 1530, R. Ét. Rab., V, 313 [un premier
ex. au XIVe s.]). Se dit d’une chose qui arrive
alors qu’on ne s’y attendait pas : Mais cette
attitude n’a été son dernier mot que parce
que la mort inopinée a interrompu le cycle
de son développement (Rolland).
• SYN. : fortuit, imprévu, inattendu, subit.
— CONTR. : attendu, prévisible, prévu.
inopinément [inɔpinemɑ̃] adv. (de inopiné ; 1491, écrit inopineement, et 1531,
écrit inopinément, R. Ét. Rab., V, 168).
Sans qu’on s’y attende : J’étais inopinément
entrée dans la chambre où ma mère causait
avec son âme (Gide).
inopportun, e [inɔpɔrtoẽ, -yn] adj. (bas
lat. inopportunus, qui ne convient pas,
du lat. class. in-, préf. à valeur négative,
et opportunus, convenable, commode, de
ob-, préf. marquant la relation, et de portus, passage, port, asile ; v. 1380, Aalma).
Qui ne se produit pas là où il faudrait, ou
bien quand il faudrait : Requête, remarque
inopportune. S’éterniser dans la chambre
aux moments où sa présence est insupportablement inopportune (Martin du Gard).
• SYN. : déplacé, importun, inconvenant,
incorrect, intempestif. — CONTR. : bienséant,
convenable, correct, opportun, propice.
inopportunément [inɔpɔrtynemɑ̃]
adv. (de inopportun ; début du XVe s., écrit
inoportunement ; inopportunément, 1548,
R. Et. Rab., II). De manière inopportune :
Arriver inopportunément chez quelqu’un.
inopportunité [inɔpɔrtynite] n. f. (bas
lat. inopportunitas, inopportunité [de inopportunus, v. INOPPORTUN], ou dér. savant
du franç. inopportun ; 1433, Archives de
Bretagne, VII, 53). Caractère de ce qui
n’est pas opportun : L’inopportunité d’une
démarche, d’une décision.
inopposabilité [inɔpozabilite] n. f.
(dér. savant de inopposable ; 28 juill. 1875,
Gazette des tribunaux, p. 731). En droit,
impossibilité de faire valoir un droit ou une
défense : Inopposabilité d’une dérogation,
d’une exemption.
inopposable [inɔpozabl] adj. (de inet de opposable ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). En droit, qui n’est pas
opposable à quelqu’un : Exception, droit
inopposable à des tiers.
inordination [inɔrdinasjɔ̃] n. f. (de in- et
de ordination ; 1956, J. Delay). Littér. État,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2649
caractère de ce qui n’est pas ordonné : Son
oeuvre [de Gide] n’est qu’un essai de réorganisation, selon sa raison, sa logique, du
désordre qu’il sent en lui ; car l’état d’inordination lui est intolérable (J. Delay).
inorganique [inɔrganik] adj. (de in- et
de organique ; 1579, L. Joubert, au sens 1 ;
sens 2, XXe s.). 1. Qui n’est pas organisé de
façon à pouvoir être doué de vie : Notre
connaissance des choses de la vie est insignifiante auprès de celle que nous avons
du monde inorganique (Valéry). Matières
inorganiques. Ϧ2. Se dit d’une maladie ou
d’une affection qui ne comprend pas de
lésion d’organes : Troubles inorganiques.
(On dit aussi FONCTIONNEL.)
inorganisable [inɔrganizabl] adj. (de inet de organisable ; 1847, Bescherelle). Se dit
d’une chose à laquelle on ne peut pas donner une organisation : Société, profession
inorganisable.
inorganisation [inɔrganizasjɔ̃] n. f. (de
in- et de organisation ; 1794, Frey). État de
ce qui n’est pas organisé ou qui ne dispose
pas d’une organisation.
inorganisé, e [inɔrganize] adj. (de in- et
de organisé ; 1769, Diderot). Qui n’est pas
constitué d’une manière organique.
& adj. et n. (1962, Larousse). Qui n’appartient pas à une organisation syndicale :
La grande majorité des licenciés était des
« inorganisés ». Un seul était syndiqué à la
C. G. T. (Vailland).
inoubliable [inublijabl] adj. (de in- et de
oubliable ; 1838, Acad.). Que l’on ne peut
pas oublier : Cette inoubliable voix traînante et mélancolique qui était la sienne
(Larguier).
• SYN. : mémorable.
inoubliablement [inublijabləmɑ̃]
inoubliablement [inublijabləmɑ̃]
adv. (de inoubliable ; XXe s.). Littér. D’une
manière inoubliable.
inoublié, e [inublije] adj. (de in- et de
oublié, part. passé de oublier ; 1831, Balzac).
Que l’on n’a pas oublié : Je murmurais en
même temps le texte inoublié (Hermant).
inouï, e [inwi] adj. (de in- et de ouï, part.
passé de ouïr ; fin du XVe s., Godefroy, écrit
ino [inouï, 1580, Montaigne], au sens 3 ; sens
1, 1647, Vaugelas ; sens 2, 1873, Rimbaud ;
sens 4, 1669, Bossuet). 1. Class. Que l’on
n’entend pas : Cette façon de parler est sans
doute de quelque province, car elle est inouïe
à la cour (Vaugelas). Ϧ 2. Vx. Qu’on n’a
jamais entendu : On commençait de saisir
dans l’air intellectuel la rumeur d’une diversité de voix surprenantes et de chansons
encore inouïes, le murmure d’une forêt très
mystérieuse (Valéry). Capter d’imperceptibles ondes et des vibrations inouïes (Gide).
Ϧ 3. Class. et littér. Dont on n’a jamais
entendu parler auparavant, qui est sans
exemple, sans précédent : Quelle difficulté
devaient trouver les apôtres pour [...] établir
une doctrine jusqu’alors inouïe (Fénelon).
Un changement cesse d’être inouï, extraordinaire ; il ne se présente plus comme
impie à l’esprit et à la conscience, quand
il résulte d’une idée devenue populaire
(Chateaubriand). Ϧ 4. Qui est extrême en
son genre, extraordinaire, surprenant : En
même temps, une souffrance inouïe, comparable à rien, soulevait les muscles crispés
de Gilliatt (Hugo). Je suis allé l’autre jour
au Salon. Votre oeuvre est inouïe (Bataille).
Une exposition de tableaux où elle avait vu
des toiles inouïes (Zola).
• SYN. : 3 inconnu, inédit, neuf, nouveau ; 4
admirable, fabuleux, fantastique, incomparable, incroyable, prodigieux, sensationnel.
inoxydable [inɔksidabl] adj. (de in- et de
oxydable ; milieu du XIXe s.). Qui résiste à
l’oxydation : Acier, couteau inoxydable. L’or
est inoxydable.
in-pace ou in pace [inpase] n. m. invar.
(loc. du lat. médiév., abrév. de vade in pace,
« va en paix » [du lat. class. vade, 2e pers.
du sing. de l’impér. prés. de vadere, aller,
in, dans, en, et pace, ablatif de pax, paix],
formule qu’on prononçait quand on refermait sur un prisonnier la porte d’un cachot
de couvent ; fin du XVe s., l’Amant rendu
cordelier, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, fin du XIXe s.). 1. Cachot, souter-
rain d’une institution religieuse destiné
à renfermer jusqu’à leur mort certains
coupables : Supposons l’Espagne à Paris et
Philippe V régent [...]. Je vois d’ici Voltaire,
Fontenelle sous le san-benito et l’auteur
des « Lettres persanes » descendre dans un
in-pace (Michelet). Ϧ2. Lieu secret dans
lequel une personne est gardée à perpétuité : Un monde où l’on peut être étouffé
dans un in pace (Rosny aîné). Ϧ 3. Fig.
Partie secrète : Le plus sombre in-pace de
son âme (Samain).
in partibus [inpartibys] loc. adj. (abrév.
de la loc. du lat. ecclés. moderne in partibus
infidelium, proprem. « dans les contrées
des infidèles » [du lat. class. in, dans, partibus, ablatif plur. de pars, partie, lieu,
et infidelium, génitif plur. de infidelis, v.
INFIDÈLE] ; 1703, Mémoires de Trévoux [p.
1358], au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle).
1. Se disait de l’évêque honoraire chargé
d’un diocèse sans clergé ni fidèles, situé
en pays non chrétien : Le titre d’évêque
« in partibus » fut changé en celui d’évêque
titulaire par lettre apostolique de Léon XIII.
Ϧ 2. Plaisamm. Qui n’a pas de fonction
réelle : Professeur, ministre « in partibus ».
Un comédien « in partibus » du nom de
Delobelle (Daudet).
in petto [inpeto ou inpetto] loc. adv. (loc.
ital. signif. proprem. « dans son coeur, dans
son esprit », de in, dans [lat. in, même sens],
et petto, poitrine [lat. pectus, même sens] ;
1666, Retz, au sens 1 ; sens 2, 30 mai 1745,
Voltaire). 1. Sans que cela soit proclamé
publiquement : Le pape peut nommer des
cardinaux « in petto ». Ϧ 2. Sans que cela
soit dit, en gardant cela par-devers soi : Je
me réjouissais « in petto » mille fois plus
que je ne saurais dire (Courteline). Tenez
pour assuré que le ministre de la Guerre a
dû, « in petto » du moins, vouer son chef
d’état-major aux dieux infernaux (Proust).
• SYN. : 2 à part soi, intérieurement, pardevers soi, secrètement. — CONTR. : 2 ouvertement, publiquement.
in-plano [inplano] adj. invar. (loc. du lat.
moderne signif. proprem. « en plan, sans
pliage », du lat. class. in, en, et plano, ablatif
de planum, lieu plat, neutre substantivé de
l’adj. planus, de surface plane, uni, égal ;
1835, Acad.). Se dit du format d’un livre
où chaque feuille d’impression, qui n’est
pas pliée, ne forme qu’un feuillet, soit deux
pages.
& n. m. invar. (1867, Littré). Format, volume
in-plano : L’in-plano est un format de luxe.
Un énorme in-plano.
• REM. Ce mot ne s’abrège pas.
inqualifiable [ɛ̃kalifjabl] adj. (de in- et
de qualifier ; 1835, Th. Gautier, au sens 2 ;
sens 1, 1845, Bescherelle). 1. Qui ne peut
être qualifié : Un sentiment auquel un long
exercice a donné une sûreté inqualifiable
(Baudelaire). Ϧ 2. Qui est tel qu’on pense
manquer de termes pour le juger ou le blâmer : Pour ce qui concerne Swann, je peux
dire franchement que sa conduite à notre
égard a été inqualifiable (Proust).
• SYN. : 2 indigne, innommable, odieux.
inquart [ɛ̃kar] n. m. (de in- et de quart ;
1721, Trévoux). Opération par laquelle le
batteur d’or ajoute trois fois environ son
poids d’argent pur à l’or allié au cuivre et
qu’il veut passer à la coupelle.
• REM. On dit aussi INQUARTATION, n. f.
(de inquart ; 1752, d’après Boiste, 1829),
ou QUARTATION, n. f. (de quart ; 1762,
Acad.).
in-quarto [inkwarto] adj. invar. (loc. du
lat. de la Renaissance signif. proprem. « en
quart », du lat. class. in, en, et quarto, ablatif
de quartum, le quart, neutre substantivé de
l’adj. quartus, quatrième ; 1567, Papiers de
Granvelle). Se dit du format d’un livre où
chaque feuille d’impression, présentant
deux plis, forme 4 feuillets, soit 8 pages :
Format, volume, édition in-quarto.
& n. m. invar. (1704, Trévoux). Format,
volume in-quarto : Un in-quarto.
• REM. On écrit aussi, par abrév., IN-4°.
inquiet, ète [ɛ̃kjɛ, -ɛt] adj. (lat. inquietus, troublé, agité, turbulent, de in-, préf.
à valeur négative, et de quietus, qui est en
repos, paisible, dér. de quies, quietis, repos,
tranquillité ; 1588, Montaigne, écrit inquiète
[au masc. et au fém.], au sens de « remuant,
brouillon [en parlant de l’esprit] » ; écrit
inquiet, au sens 3, 1596, Hulsius [« qui
marque l’inquiétude », 1662, Corneille —
au fig., av. 1869, Lamartine] ; sens 1, 1678, La
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2650
Fontaine [sommeil inquiet, 1671, Pomey] ;
sens 2, 1636, Monet). 1. Class. Qui ne peut
rester à la même place, agité, remuant : Le
jeune homme, inquiet, ardent, plein de courage | À peine se sentit des bouillons d’un
tel âge, | Qu’il soupira pour ce plaisir [la
chasse] (La Fontaine). Ϧ Sommeil inquiet,
pendant lequel on s’agite. Ϧ 2. Vx et littér. Qui n’est jamais satisfait de son état :
Toute âme inquiète et ambitieuse est incapable de règle (Bossuet). Comment le fixer
cet homme léger, inquiet, inconstant (La
Bruyère). Ϧ 3. Qui est agité par la crainte,
l’appréhension, l’incertitude : L’homme
inquiet | Sentit que la bataille entre ses
mains pliait (Hugo). Mais voici que tout
à coup elle est surprise, inquiète, étonnée
(France). ϦQui marque l’inquiétude : Il
parlait d’une voix inquiète et pressante
(Camus). Air inquiet, attitude inquiète ; et
au fig. : Deux grands génies, que la tyrannie
surveillait d’un oeil inquiet (Lamartine).
• SYN. : 3 alarmé, angoissé, anxieux, soucieux, tourmenté, troublé ; fiévreux, impatient. — CONTR. : 3 insouciant, paisible,
rassuré, serein, tranquille ; impassible,
imperturbable.
& n. (XXe s.). Personne inquiète.
inquiétant, e [ɛ̃kyjetɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de inquiéter ; 1714, au sens 1, d’après le
FEW, IV, 705 b [qui se réfère à un texte que
nous n’avons pu retrouver] ; sens 2, 1873,
Larousse). 1. Qui inspire de l’inquiétude :
Par cela seul qu’il pensait, il était un être
étrange, inquiétant, suspect à tous (France).
Un visage inquiétant. Car nous sommes les
gens inquiétants | Qui habitons le Nord des
régions désertes (Verhaeren). Ϧ 2. Qui fait
craindre un événement malheureux : Des
nouvelles, des situations inquiétantes. Le
malade est dans un état inquiétant.
• SYN. : 1 angoissant, effrayant, troublant,
trouble ; 2 alarmant, grave, mauvais, menaçant, sombre. — CONTR. : 1 rassurant ; 2 bon,
encourageant, florissant, heureux.
inquiètement [ɛ̃kjɛtmɑ̃] adv. (de
inquiet ; 1611, Cotgrave). Avec inquiétude : Et je me remémorais inquiètement
nos paroles (Gide).
inquiéter [ɛ̃kjete] v. tr. (lat. inquietare,
troubler, agiter, de inquietus [v. INQUIET] ;
v. 1170, Livre des Rois, au sens 1 ; sens
2, 1690, Furetière [« troubler quelqu’un
dans la possession de quelque chose » —
terme de droit —, 1479, Bartzsch] ; sens
3, 1679, Bossuet ; sens 4, 1645, Corneille
[absol., 1828, A. F. Ville-main]). [Conj.
5 b.] 1. Class. et littér. Troubler dans sa
quiétude physique ou morale, agiter : Je
fuis Titus, je fuis ce nom qui m’inquiète
(Racine). Le talent inquiète la tyrannie
(Chateaubriand). Je n’ai plus l’âge [...]
où l’amour inquiète comme une maladie
qu’il faut guérir coûte que coûte (Cocteau).
Ϧ2. Spécialem. Tourmenter, causer des
tracas, du dérangement à propos d’une
affaire fâcheuse : La police l’a inquiété à
plusieurs reprises. Ϧ 3. Tourmenter par
des attaques ou des démonstrations hostiles : Les pirates n’ont plus inquiété cette
région. Inquiéter l’ennemi. Ϧ4. Troubler en
remplissant d’inquiétude : Tout ce qu’elle
voit l’inquiète et l’afflige (Gide). Ϧ Absol.
Inspirer de l’inquiétude, du souci : Une
pareille situation inquiète et effraie.
• SYN. : 2 tracasser (fam.) ; 3 harceler ;
4 alarmer, angoisser, miner, préoccuper,
ronger, tourmenter.
& s’inquiéter v. pr. (sens 1, 1675, Mme de
Sévigné [inquiété, « turbulent », 1611,
Cotgrave] ; sens 2, 1662, Corneille [absol.,
av. 1662, Pascal ; s’inquiéter de ce que, 1672,
Molière ; ne s’inquiéter de rien, XXe s.] ; sens
3, 1671, Mme de Sévigné [suivi d’une interrogative indirecte, v. 1770, J.-J. Rousseau]).
1. Class. Être continuellement agité : Il
fait bien chaud aujourd’hui, ma très chère
bonne, et au lieu de m’inquiéter dans
mon lit, la fantaisie m’a pris de me lever,
quoiqu’il ne soit que cinq heures du matin
(Sévigné). Ϧ 2. S’inquiéter de,être troublé
par le souci de : S’inquiéter de la santé, du
sort de quelqu’un. Sans plus m’inquiéter du
seul ange qui m’aime (Banville). Ϧ Absol.
Se faire du souci : Ne vous inquiétez pas.
ϦS’inquiéter de ce que, avoir de l’inquiétude en raison du fait que : Mais je
m’inquiétais de ce que toujours la colère
débordait (Mauriac). Ϧ Ne s’inquiéter de
rien, être très négligent ou insouciant.
Ϧ3. S’occuper de connaître quelque chose :
Je me suis inquiété de l’heure de départ de
mon train. Ϧ S’inquiéter (suivi d’une interrogation indirecte), s’occuper de savoir :
Cet homme de tant d’esprit ne pouvait ni
ne voulait s’inquiéter comment et pourquoi
un assez grand nombre de jeunes gens comprenaient et aimaient ce qu’il ne concevait
pas (Valéry).
• SYN. : 2 s’alarmer, se préoccuper, se soucier, se tourmenter, se tracasser ; se biler
(pop.), se faire de la bile (fam.), se frapper ;
3 s’enquérir.
inquiétude [ɛ̃kjetyd] n. f. (bas lat. inquietudo, agitation, fièvre, du lat. class. inquietus
[v. INQUIET] ; 1403, Internele Consolacion,
au sens de « faute de repos » ; sens 1, v. 1560,
Paré ; sens 2, 1678, Mme de Sévigné ; sens
3, 1608, François de Sales ; sens 4, v. 1776,
J.-J. Rousseau ; sens 5, 1530, Palsgrave).
1. Class. État d’agitation de celui qui ne
peut se tenir en repos : Deux animaux
m’ont arrêté les yeux : | L’un doux, bénin,
et gracieux, | Et l’autre turbulent, et plein
d’inquiétude (La Fontaine). Tel autre fait la
satire de ces gens qui s’engagent par inquiétude ou par curiosité dans de longs voyages
(La Bruyère). Ϧ 2. Vx et fam. (au plur.) Ce
qui procure de l’agitation, petites douleurs qui causent comme de l’impatience :
Rougon s’était levé ; il avait des inquiétudes
dans les jambes, disait-il (Zola). Ϧ 3. Fig.
État d’agitation d’une personne instable,
changeante : Est-ce curiosité, inquiétude
d’esprit ? (Voltaire). Ϧ4. Spécialem. Action
de se préoccuper de ce qui est au-delà de
nos connaissances : Inquiétude religieuse,
métaphysique. Ϧ 5. Trouble causé par la
crainte, l’appréhension, l’incertitude : Dans
son inquiétude de voir l’unique enfant s’éloigner, elle crut qu’elle pourrait lutter avec le
vent qui parle (R. Bazin).
• SYN. : 2 impatiences (fam.) ; 3 instabilité,
versatilité ; 4 angoisse ; 5 alarme, anxiété,
malaise, obsession, peur, préoccupation,
souci, tourment. — CONTR. : 4 certitude,
foi ; 5 ataraxie, béatitude, flegme, impassibilité, joie, placidité, quiétude, sang-froid,
sérénité, tranquillité.
inquisiteur, trice [ɛ̃kizitoer, -tris] n. et
adj. (lat. inquisitor, celui qui examine et
recherche, enquêteur, celui qui est chargé
d’une information [et, dans la langue
ecclés. du XIIIe s., « membre d’un tribunal
de l’Inquisition »], de inquisitum, supin de
inquirere, rechercher, chercher à découvrir,
faire une enquête, de in-, préf. marquant
l’aboutissement d’une action, et de quaerere, chercher ; 1294, Espinas [III, 607],
au sens de « juge, examinateur » ; sens 1,
1873, Larousse ; sens 2, 1321, Not. et extr.,
XL, 274 [inquisiteur ; inquisiteur de la foi,
av. 1453, Monstrelet ; Grand Inquisiteur,
1690, Furetière] ; sens 3, 1748, Montesquieu
[inquisiteur d’État ; inquisiteur du conseil
des Dix, 1962, Larousse] ; sens 4, fin du
XVIIe s., Saint-Simon). 1. Dans l’Antiquité
romaine, commissaire nommé par le sénat
pour diriger certaines affaires extraordinaires. Ϧ2. Inquisiteur de la foi, ou simplem. inquisiteur, membre d’un tribunal
de l’Inquisition : Livrer un hérétique aux
inquisiteurs. ϦGrand Inquisiteur, chef
suprême de l’Inquisition. Ϧ 3. Inquisiteur
d’État, ou inquisiteur du conseil des Dix,
titre de trois magistrats absolus de Venise
(du XIVe au XVIIIe s.) : Là les deux amis se
regardèrent avec l’attention de deux inquisiteurs d’État vénitiens (Balzac). Ϧ4. Vx.
Personne qui se livre à des enquêtes, à des
investigations indiscrètes : Pontchartrain
était d’une curiosité insupportable, grand
fureteur et inquisiteur (Saint-Simon).
& adj. (1764, Voltaire, au sens de « qui
participe de l’inquisition, qui en a les
méthodes » ; sens actuel, 1842, Balzac). Qui
marque une curiosité indiscrète : Ce qui
m’embarrassait beaucoup aussi, c’était l’oeil
inquisiteur des sergents de ville (Daudet).
Le jeune homme arrêta sur Chavegrand
un regard en même temps inquisiteur et
naïf (Duhamel). Soudain il se retourna,
plongea ses yeux dans les miens d’une façon
extraordinairement inquisitrice (Gracq).
• SYN. : curieux, fouineur (fam.), fureteur,
indiscret, scrutateur.
inquisitif, ive [ɛ̃kizitif, -iv] adj. (bas lat.
inquisitivus, qui exprime la recherche, du
lat. class. inquisitum [v. l’art. précéd.] ; fin
du XIVe s.). Vx. Qui s’enquiert, qui cherche
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2651
à connaître : Monseigneur détacha de lui
son regard sévère et inquisitif (Gobineau).
Quand Gentil eut annoncé monsieur de
Rubempré, le vieillard à tête blanche lui
jeta le regard inquisitif d’un père empressé
de juger l’homme que sa fille a distingué
(Balzac).
inquisition [ɛ̃kizisjɔ̃] n. f. (lat. inquisitio, recherche, investigation, enquête
[et, en lat. ecclés. du XIIIe s., « l’Inquisition »], de inquisitum [v. INQUISITEUR] ; v.
1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens de
« enquête, recherche » ; v. 1265, Livre de
jostice, au sens de « interrogatoire concernant la foi » ; sens 1, 1721, Trévoux ; sens 2,
1559, Papiers de Granvelle, V, 677 [absol. ; le
tribunal de l’Inquisition, 1873, Larousse] ;
sens 3, 21 juin 1686, Bayle). 1. En droit
ancien, mode particulier de procédure,
où l’action était engagée par un accusateur qui était puni s’il ne pouvait prouver
ce qu’il avançait. Ϧ 2. Spécialem. Tribunal
de l’Inquisition, ou simplem. l’Inquisition,
juridiction chargée de pourchasser les
hérétiques (prend une majuscule en ce
sens) : Je ne noircirai point ces pages du
récit à faire dresser les cheveux des horreurs
de l’Inquisition (Stendhal). Ϧ3. Enquête
vexatoire et arbitraire : Sa figure, constamment rigide et rarement émue, était devenue
méconnaissable tant le soupçon et l’inquisition y imprimaient d’excitation et de vie
(Lacretelle).
inquisitorial, e, aux [ɛ̃kizitɔrjal, -o] adj.
(dér. savant de inquisiteur ; 1516, Isambert,
dans la loc. procès inquisitorial, procès fait
après enquête ; 1570, Godefroy, au sens
de « pénétrant [en parlant de l’observation] » ; sens 1, 1829, Boiste ; sens 2, 1755,
Brunot). 1. Qui a rapport à l’Inquisition :
Juges inquisitoriaux. Méthodes inquisitoriales. Ϧ2. Digne de l’Inquisition : Le soin
inquisitorial avec lequel je l’analyse et je la
juge prouve mes hautes et divines aptitudes
pour la vertu (Baudelaire). Les mandataires
du peuple, lorsqu’ils ont provoqué une loi
pénale et inquisitoriale contre la presse, ont
été infidèles à leurs devoirs (Laclos).
• SYN. : 2 inquisiteur.
inracontable [ɛ̃rakɔ̃tabl] adj. (de in- et
de racontable ; 1876, A. Daudet [var. irracontable, XVe s., La Curne). Qu’on ne peut
raconter : Le bonheur est fait d’une foule
de joies menues et inracontables (Daudet).
• SYN. : indicible, ineffable, inénarrable,
inexprimable.
I. N. R. I. (initiales des mots lat. Iesus ou
Jesus, Jésus, Nazarenus, de Nazareth, Rex,
roi, et Judaeorum [génitif plur. de Judaeus,
de Judée, Juif] ; 1867, Littré). Inscription qui
figure souvent sur la croix au-dessus de
la tête ou au-dessous des pieds du Christ,
et dont l’initiative est attribuée à Pilate :
Une croix de bois noir, très luisante, que
surmontait un écriteau avec l’inscription
INRI en lettres d’or (France).
insaisissabilité [ɛ̃sezisabilite] n. f. (dér.
savant de insaisissable ; 1828, Isambert
[XIII, 312], au sens 1 ; sens 2, 1893,
Bescherelle). 1. En droit, caractère de ce
que l’on ne peut pas faire saisir : Clause
d’insaisissabilité. Ϧ2. Fig. Qu’on ne peut
saisir ou atteindre : Une rage décuplée par
l’insaisissabilité du but (Pergaud).
insaisissable [ɛ̃sezisabl] adj. (de in- et de
saisissable ; 1770, Brunot, au sens 1 ; sens
2, 1845, Bescherelle ; sens 3, 1867, Littré ;
sens 4, 1822, V. Hugo ; sens 5, av. 1854,
Lamennais ; sens 6, 1959, Robert). 1. En
droit, qui ne peut faire l’objet d’une saisie : Les instruments de travail sont insaisissables. Ϧ2. Que l’on ne peut atteindre
ou appréhender : Je savais que partout des
millions de petits ennemis insaisissables
[les fourmis blanches] poursuivaient leur
travail invisible (Fauconnier). Ϧ3. Qu’on
ne parvient pas à rencontrer : Vous êtes
insaisissable, Suzanne chérie (Duhamel).
Ϧ4. Que les sens ne peuvent percevoir nettement : Une image insaisissable. Ses yeux,
semblables à ceux de lacques, étaient d’une
expression insaisissable, trop changeante :
tantôt rieurs et câlins, tantôt inquiets
(Martin du Gard). Ϧ 5. Fig. Qu’on ne peut
percevoir ou saisir par la pensée : Ayons
moins de noms, de verbes et d’adjectifs aux
sens presque insaisissables, mais plus de
phrases différentes (Maupassant). Alors je
sentis ce qu’il y avait de douloureux pour
moi à ne pouvoir atteindre cet autre plan,
plus insaisissable, de sa pensée que décrivait
son rire (Proust). Ϧ 6. Se dit de quelqu’un
sur qui on ne peut pas avoir prise : Un
enfant insaisissable.
• SYN. : 2 imprenable ; 3 invisible ; 4 imperceptible, indécelable, indiscernable, insensible ; 5 fugace, fugitif, impalpable ; 6 fuyant,
impénétrable, inaccessible.
insalissable [ɛ̃salisabl] adj. (de in- et de
salir ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers).
Qui ne peut pas être sali : Une étoffe
insalissable.
insalivation [ɛ̃salivasjɔ̃] n. f. (de in- et
de salive ; 1843, Landais). Imprégnation
des aliments par la salive : L’insalivation
est nécessaire à la déglutition des aliments.
insalubre [ɛ̃salybr] adj. (lat. insalubris,
malsain, de in-, préf. à valeur négative, et
de salubris, salutaire, sain [v. SALUBRE] ;
1528, Platine, au sens 1 [rare entre 1611,
Cotgrave, et 1787, Féraud] ; sens 2, 1867,
Littré). 1. Qui est dépourvu de salubrité ;
malsain : Pays, climat, région, appartement
insalubre. Ϧ 2. Qui est cause d’insalubrité,
de pollution : Une usine, une industrie
insalubre.
• SYN. : 2 polluant.
insalubrement [ɛ̃salybremɑ̃] adv. (de
insalubre ; 1838, Acad.). D’une manière
insalubre : Une population qui vit
insalubrement.
insalubrité [ɛ̃salybrite] n. f. (dér. savant
de insalubre ; début du XVIe s. [rare entre
1611, Cotgrave, et 1787, Féraud]). Caractère
ou état de ce qui n’est pas salubre :
L’insalubrité d’un climat, d’un pays, d’un
appartement.
insane [ɛ̃san] adj. (angl. insane, insensé,
qui rend fou [XVIe s.], lat. insanus, déraisonnable, excessif, de in-, préf. à valeur
négative, et de sanus, bien portant, sensé ;
1784, Courrier de l’Europe, au sens 1 ; sens
2, 1891, Huysmans]). 1. Qui a perdu la raison (rare) : Une personne insane. Ϧ2. Se
dit d’une chose qui est contraire au bon
sens : Tous les racontars débités sur lui sont
insanes et bêtes (Huysmans).
& n. (début du XXe s.). Personne qui n’est
pas saine d’esprit : Il riait du rire silencieux
des voyants qui possèdent la vérité éternelle
et pour qui le reste du monde est composé
d’insanes (Martin du Gard).
insanité [ɛ̃sanite] n. f. (angl. insanity,
aliénation mentale, démence [XVIe s.], lat.
insanitas, mauvais état de santé, de insanus
[v. l’art. précéd.] ; 1784, Courrier de l’Europe, au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle).
1. État de celui qui est dépourvu de raison
ou de bon sens : Quel philtre t’a-t-elle fait
boire pour te mettre dans cet état d’insanité ? (Theuriet). Ϧ 2. Parole ou action
sotte ou déraisonnable : Les Français ont
eu l’insanité de discuter quand il n’y avait
qu’à combattre (Napoléon). Nous payons
cher, aujourd’hui, ces insanités (Martin
du Gard).
• SYN. 1 délire, démence, déraison, égarement, folie ; 2 ânerie (fam.), bêtise (fam.),
extravagance, idiotie, imbécillité, ineptie,
sottise, stupidité.
insatiabilité [ɛ̃sasjabilite] n. f. (bas lat.
insatiabilitas, insatiabilité, du lat. class.
insatiabilis [v. l’art. suiv.] ; 1546, Rabelais,
au sens 3 ; sens 1-2, 1690, Furetière [insatiableté, forme plus pop., 1611, Cotgrave]).
1. État d’un être animé qui ne peut être
rassasié, qui manifeste un appétit exces-
sif : L’insatiabilité d’un animal, d’un
enfant en pleine croissance. Ϧ2. Caractère
d’une chose qu’on ne peut rassasier :
L’insatiabilité d’un désir. Ϧ3. Fig. Caractère
d’une personne qui n’est jamais satisfaite,
qui veut avoir toujours plus : C’est mon
insatiabilité qui a tout perdu (Mauriac).
L’insatiabilité d’un conquérant.
• SYN. : 1 boulimie, gloutonnerie, voracité ; 3 avidité, convoitise, insatisfaction.
— CONTR. : 1 anorexie.
insatiable [ɛ̃sasjabl] adj. (lat. insatiabilis,
qui ne peut être rassasié, dont on ne peut
se lasser, de in-, préf. à valeur négative,
et de satiare, rassasier, satisfaire, dér. de
satis, assez, suffisamment ; fin du XIIIe s.,
Aimé du Mont-Cassin, écrit insaciable
[insatiable, 1529, Bonivard], au sens 2 ;
sens 1, début du XVIe s. [écrit insaciable ;
insatiable, 1535, Olivétan] ; sens 3, av. 1525,
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2652
J. Lemaire de Belges [écrit insaciable ; insatiable, milieu du XVIe s.]). 1. Se dit d’un être
qui ne peut être rassasié : Un animal insatiable. Un homme affamé semble longtemps
insatiable. Ϧ 2. Fig. Se dit d’une personne
qui ne peut jamais être satisfaite, dont les
désirs ne peuvent être comblés : Il retourna
à la fête, où l’entraîna Mme Ewans, insatiable de spectacle et de bruit (France). Un
homme insatiable de richesses, de gloire,
d’honneurs. Ϧ 3. Se dit d’une chose qui ne
peut être assouvie (au pr. et au fig.) : Tantôt
voyant pour l’or sa soif insatiable (Racine).
Une faim insatiable.
• SYN. : 1 boulimique, glouton, vorace ;
2 affamé, altéré, assoiffé, avide ; 3 inapaisable, inassouvissable, inextinguible,
insatisfait.
& n. (1483, La Jaille, écrit insaciable ; insatiable, XVIe s.). Personne difficile à satisfaire (au pr. et au fig.) : Vouloir satisfaire
un insatiable.
insatiablement [ɛ̃sasjabləmɑ̃] adv. (de
insatiable ; av. 1525, J. Lemaire de Belges,
écrit insaciablement ; insatiablement,
1546, Vaganay). De façon insatiable :
Insatiablement avide | De l’obscur et de
l’incertain (Baudelaire).
insatisfaction [ɛ̃satisfaksjɔ̃] n. f. (de
in- et de satisfaction ; av. 1622, François
de Sales, au sens 2 [le mot semble ne plus
être attesté av. 1840, Acad. ; il n’est devenu
usuel qu’au début du XXe s. ; « sentiment de
celui qui n’est pas satisfait en amour », 1952,
Porot] ; sens 1, début du XXe s.). 1. Action de
ne pas satisfaire : L’insatisfaction volontaire
des sens. En proie à une irrésistible envie
d’anisette, dont l’insatisfaction pourrait lui
occasionner une fausse couche (Jammes).
Ϧ2. État d’une personne ou d’une chose
qui n’est pas satisfaite : D’où venait que
mon insatisfaction n’était que plus vive ?
(Gide). Une insatisfaction qui se cachait
au fond de lui (Martin du Gard). Ce sentiment d’insatisfaction, de mécontentement
de soi (Romains). ϦSpécialem. Sentiment
d’une personne qui n’est pas satisfaite en
amour : Pourquoi la plupart des écrivains
n’ont-ils vu le drame de l’amour que sous
les formes de l’insatisfaction et de la jalousie ? (Vailland). Je devinais [...] toute une
vie pleine d’insatisfactions sentimentales
(Morand).
• SYN. : 1 inassouvissement. — CONTR. :
1 assouvissement ; 2 satisfaction.
insatisfait, e [ɛ̃satisfɛ, -ɛt] adj. (de in- et
de satisfait ; 1510, texte manuscrit cité dans
le FEW [XI, 245 b], puis 1838, Acad., au
sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s., Huysmans).
1. Qui n’est pas satisfait : J’étais toujours
insatisfait de moi (Rostand). Cependant,
elle était demeurée insatisfaite, incapable
de conduire jusqu’à la finale résolution la
symphonie inachevée qui chantait encore
en elle (Maurois). Ϧ2. Que l’on n’a pas
satisfait : Désir, goût insatisfait. Pour une
curiosité insatisfaite [...], il avait raté sa vie
(Huysmans). Une tendresse insatisfaite qui
les dépassait (Proust).
• SYN. : 1 mécontent ; 2 inapaisé, inassouvi,
inextinguible.
& n. (XXe s.). Personne qui n’est pas satisfaite de son sort : Les classes dirigeantes
dressaient contre elles la majorité des insatisfaits (Suarez).
insaturable [ɛ̃satyrabl] adj. (de in- et de
saturer ; 1482, Flameng, puis 1845, Mollien,
au sens 2 ; sens 1, 1803, Boiste). 1. Qui ne
peut pas être saturé : Un liquide insaturable. Ϧ 2. Fig. Qui ne peut être comblé :
Une curiosité insaturable.
insaturé, e [ɛ̃satyre] adj. (de in- et de
saturé ; 1840, Acad.). En chimie, non
saturé : Composé insaturé.
insciemment [ɛ̃sjamɑ̃] adv. (de inscient,
fin du XVe s., Godefroy, écrit inscientement ;
insciemment, 1523, R. Ét. Rab., V, 168). Sans
qu’on le sache (rare) : Les appétits matériels
les plus furieux se forment insciemment par
des élans d’idéalisme (Flaubert).
inscient, e [ɛ̃sjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. insciens,
-entis, qui ignore, de in-, préf. à valeur
négative, et de sciens, -entis, qui sait, part.
prés. adjectivé de scire, savoir ; fin du XIVe s.,
E. Deschamps, comme n. m., au sens de
« ignorant » ; comme adj., au sens actuel,
1867, Littré). Qui n’a pas conscience (rare) :
Mais la poésie insciente ? D’où elle résulte ?
(Flaubert).
inscripteur, trice [ɛ̃skriptoer, -tris] adj.
et n. (du lat. inscriptum, supin de inscribere
[v. INSCRIRE] ; 1877, Littré). Qui inscrit : Un
appareil inscripteur.
inscriptible [ɛ̃skriptibl] adj. (du
lat. inscriptum, supin de inscribere [v.
INSCRIRE] ; 1691, Ozanam, au sens 2 ; sens
1, 1873, Larousse). 1. Qui peut être inscrit
(rare) : Un nom inscriptible sur une liste.
Ϧ 2. Spécialem. Qu’on peut inscrire dans un
périmètre ou une surface donnés : Tous les
polygones réguliers sont inscriptibles dans
une circonférence.
inscription [ɛ̃skripsjɔ̃] n. f. (lat.
inscriptio, action d’inscrire sur, inscription, de inscriptum, supin de inscribere [v.
INSCRIRE] ; 1444, Bibliothèque du XVe siècle
[I, 223], au sens de « fait de s’inscrire comme
partie dans un procès » [v. sens 2] ; sens 1,
v. 1510, J. Lemaire de Belges [« indication
succincte placée dans un lieu public... »,
1690, Furetière] ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, 1721, Trévoux ; sens 4, XVIe s., Loisel ;
sens 5, 1835, Acad. [aussi « administration qui effectue ce recensement »] ; sens
6, 1690, Furetière). 1. Ce qui est inscrit ;
ensemble des caractères gravés ou écrits
sur un monument ou une médaille pour
consacrer le souvenir de quelqu’un ou de
quelque chose : Une inscription cunéiforme.
L’académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Une inscription funéraire. Les murs étaient
humides, rongés d’inscriptions (Carco). Une
oeuvre de ferronnerie baroque plantée sur
le trottoir se complétait de l’inscription
MÉTRO (Queneau). Ϧ Indication succincte
placée dans un lieu public ou dans la rue :
L’inscription d’un panneau indicateur. Les
inscriptions des enseignes et des murailles
| Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent (Apollinaire). Ϧ 2. Action
d’inscrire quelqu’un ou quelque chose
quelque part : L’inscription d’un nom, d’une
personne sur un registre. Faire l’inscription de quelqu’un sur les listes électorales.
ϦInscription hypothécaire, mention faite,
aux registres du conservateur des hypothèques, de l’hypothèque dont une propriété est grevée. Ϧ3. Spécialem. Action
d’inscrire quelqu’un ou de s’inscrire auprès
d’une faculté pour en suivre les cours, ou
en vue d’un examen : Il [un étudiant en
médecine] avait dû vivre comme un chien
errant [...], passant les nuits à de basses
besognes, pour pouvoir prendre ses inscriptions (Zola). Ϧ 4. Inscription de faux, acte
par lequel on affirme officiellement qu’un
acte est entaché de faux. Ϧ5. Inscription
maritime,action d’inscrire sur un registre
destiné à cet effet, pour les recenser, les
marins professionnels ou les personnes
qui doivent ou veulent effectuer leur service militaire dans la marine nationale.
Ϧ Administration qui effectue ce recensement. Ϧ6. En mathématiques, action
d’inscrire quelque chose dans une surface
ou un périmètre donnés : L’inscription d’un
polygone régulier dans une circonférence.
• SYN. : 1 épigraphe, épitaphe, exergue,
graffiti, légende ; 2 enregistrement, immatriculation, transcription.
inscrire [ɛ̃skrir] v. tr. (francisation,
d’après écrire, du lat. inscribere, écrire
sur, inscrire, assigner, attribuer, intituler,
de in-, préf. marquant la localisation, et de
scribere, tracer, écrire ; 1474, Bartzsch, au
sens 1 [enscrire, forme plus pop., XIIIe s.,
Médicinaire liégeois] ; sens 2, 1962,
Larousse ; sens 3, v. 1770, J.-J. Rousseau ;
sens 4, 1644, Descartes ; sens 5, 1611,
Cotgrave ; sens 6, 1873, Larousse). 1. Porter
sur un registre ou une liste une mention
que l’on veut conserver : Inscrire un nom,
un candidat sur une liste. Inscrire une dette.
Ϧ 2. Fig. Noter, enregistrer afin de conserver soigneusement : Inscrire une date, un
nom dans sa mémoire. Ϧ3. Fig. Faire entrer
dans un ensemble : Inscrire quelqu’un au
nombre de ses amis. Inscrire un projet dans
les réalisations prochaines du gouvernement. Ϧ 4. Spécialem. En mathématiques,
tracer une figure de façon que tous ses
sommets soient sur le périmètre d’une
figure dite circonscrite ou tangente à ses
côtés : Inscrire un polygone dans une circonférence, une circonférence dans un triangle.
Je puis, non seulement, reproduire assez
bien l’essentiel de la forme d’un coquillage,
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2653
mais encore en figurer quantité d’autres,
dont les uns seraient inscrits dans un cône,
comme celui-ci que j’examine (Valéry).
Ϧ5. Écrire, graver sur une matière dure,
solide : Inscrire une épitaphe sur une pierre
tombale. Inscrire les initiales de quelqu’un
sur l’écorce d’un arbre. Ϧ6. Fig. Laisser une
marque en creux, une marque indélébile :
Les ans ont inscrit des rides sur son front.
• SYN. : 1 enregistrer, immatriculer, mentionner, noter, porter, relever, répertorier,
transcrire ; 2 graver ; 3 inclure ; 6 buriner,
empreindre, imprimer, incruster.
& s’inscrire v. pr. (sens 1, 1636, Monet ; sens
2, 1924, Montherlant ; sens 3, 1611, Cotgrave
[aussi « s’élever contre quelque chose,
opposer un démenti »] ; sens 4, av. 1874,
Michelet ; sens 5, av. 1813, Delille). 1. Mettre
son nom sur une liste ou un registre :
J’allai tous les jours savoir des nouvelles de
la malade, sans cependant m’inscrire ni
laisser ma carte (Dumas). Ϧ 2. Spécialem.
Donner son adhésion : S’inscrire à un parti,
à une organisation. Ϧ 3. S’inscrire en faux,
en termes de droit, se déclarer prêt à soutenir devant la justice qu’une pièce produite
par la partie adverse est fausse ; dans le
langage courant, s’élever contre quelque
chose, opposer un démenti : Je m’inscris en
faux contre vos paroles, vos affirmations.
Ϧ4. Fig. Prendre place dans un ensemble :
Une opération militaire qui s’inscrit dans le
cadre d’une offensive. Dans la courbe de la
Garonne, s’inscrit, non sans quelque grâce,
le beau torrent de l’Adour (Michelet). La
rue Botzaris s’inscrit au flanc du parc des
Buttes-Chaumont, dans une longue courbe
plantée de gazon pâle (Carco). Ϧ 5. Être
gravé sur : Comme les noms illustres s’inscrivent au coin des rues et nous enseignent
où nous sommes, ils s’inscrivent aussi aux
carrefours et aux points multiples de notre
mémoire intellectuelle (Valéry).
• SYN. : 2 adhérer, s’affilier ; 4 s’insérer, se
situer.
inscrit, e [ɛ̃skri, -it] adj. (part. passé
inscrit, e [ɛ̃skri, -it] adj. (part. passé
de inscrire ; début du XVIe s., aux sens de
« marqué d’une inscription », « intitulé » ;
sens 1, 1748, Montesquieu ; sens 2, 1835,
Acad.). 1. Qu’on a inscrit : Candidat inscrit.
Ϧ2. Orateur inscrit, orateur qui s’est fait
porter sur la liste de ceux qui doivent
prendre la parole.
& n. (sens 1, 1873, Larousse ; sens 2, 1er
févr. 1864, Revue des Deux Mondes, p. 735 ;
sens 3, milieu du XXe s.). 1. Personne dont
le nom est inscrit sur une liste : Les inscrits
ont seuls des droits dans le partage des biens
d’un failli. Ϧ 2. Spécialem. Inscrit maritime, personne figurant sur les listes de
l’inscription maritime et ayant effectué,
ou devant effectuer, son service militaire
dans la marine nationale. Ϧ3. Personne
qui a donné son adhésion à un parti, une
ligue ou une organisation : Un parti qui a
trois cent cinquante mille inscrits.
• SYN. : 3 adhérent, affilié.
inscrivant, e [ɛ̃skrivɑ̃, -ɑ̃t] n. (part. prés.
de inscrire ; 1804, Code civil). En droit,
personne qui demande l’inscription d’une
hypothèque.
inscrutable [ɛ̃skrytabl] adj. (bas lat.
inscrutabilis, qui ne peut être scruté, du lat.
class. in-, préf. à valeur négative, et du bas
lat. scrutabilis, qu’on peut scruter, sonder,
dér. du lat. class. scrutari, fouiller, explorer,
rechercher ; XVe s., Delboulle). Qu’on ne
peut pas scruter : Un mûr d’albâtre gris,
inscrutable à l’oeil (Barbey d’Aurevilly).
Mais son instinct le portait vers lui, avec
une douceur protectrice, une prédilection
inscrutable (Rosny aîné).
• SYN. : impénétrable, incompréhensible,
insaisissable.
insculpation [ɛ̃skylpasjɔ̃] n. f. (de
insculper ; 1813, Saint-Hilaire). Marque
de contrôle des poids et mesures.
insculper [ɛ̃skylpe] v. tr. (lat. insculpere,
graver sur, de in-, préf. marquant la localisation, et de sculpere, sculpter, graver ; début
du XVIe s.). Dans les arts du métal, frapper,
marquer d’un poinçon.
insécabilité [ɛ̃sekabilite] n. f. (dér. savant
de insécable ; 1845, Bescherelle). Caractère,
état de ce qui est insécable : Pareil à l’anneau de fumée, le système tout d’énergies
intérieures prétend merveilleusement à une
indépendance et à une insécabilité parfaites
(Valéry).
insécable [ɛ̃sekabl] adj. (lat. insecabilis,
qui ne peut être coupé, indivisible, de in-,
préf. à valeur négative, et de secare, couper, découper ; 1570, Hervet). Qui ne peut
être coupé, divisé : Il y a des langues où le
mot se laisse définir aisément comme une
unité indépendante et insécable (Vendryes).
« Atome » signifie « insécable ».
• SYN. : indivisible. — CONTR. : divisible,
sécable.
insecouable [ɛ̃səkwabl] adj. (de in- et
de secouer ; 1764, Voltaire). Qu’on ne peut
secouer, dont on ne peut se défaire : Un
insecouable remords grandissait en lui
(Bourget).
insecourable [ɛ̃səkurabl] adj. (de in- et
de secourable ; XVIe s., La Curne, puis 1840,
Acad.). Qui ne peut être secouru, aidé :
Ceux-là sont les plus insecourables (car
il en est) qui ne doivent qu’à eux-mêmes
l’atroce impossibilité du bonheur (Gide).
insectarium [ɛ̃sɛktarjɔm] n. m. (de
insect[e], avec le suff. lat. -arium, qui
indique la relation — généralement
locale — existant entre le dér. et l’objet
dénommé par le radical ; 1922, Larousse).
Établissement scientifique où l’on conserve
et élève les insectes.
insecte [ɛ̃sɛkt] n. m. (lat. insecta, les
insectes [neutre plur. substantivé de insectus, part. passé de insecare, couper, disséquer, de in-, préf. marquant l’aboutissement
d’une action, et de secare, couper, découper],
trad. du gr. entoma, même sens [neutre plur.
substantivé de entomos, incisé, entaillé, dér.
de entemnein, tailler dans, entailler, de en-,
préf. marquant la localisation, et de temnein, couper, découper], les insectes ayant
été ainsi nommés à cause des étranglements
qui apparaissent sur leur corps ; 1542, Du
Pinet, au sens 1 [« tout animal invertébré
très petit », 1690, Furetière] ; sens 2, 1668,
La Fontaine ; sens 3, av. 1696, La Bruyère).
1. Animal invertébré de l’embranchement
des articulés, dont le corps, entouré d’une
peau à chitine, est formé de trois parties :
la tête (avec deux antennes, deux yeux
composés, six pièces buccales), le thorax
(avec trois paires de pattes, souvent deux
paires d’ailes) et l’abdomen (portant les
orifices, ou stigmates, où arrivent les tra-
chées respiratoires) : Insectes, papillons,
essaims nageants de mouches, | Qui d’un
éther vivant semblaient former les couches
(Lamartine). Ϧ Par extens. Tout animal
invertébré très petit : Débarrassez-moi
de ces cloportes et de ces scolopendres qui
sont des insectes répugnants. Ϧ 2. Class.
Terme qui désignait également tous « les
animaux qui vivent après qu’ils sont coupés
en plusieurs parties, comme la grenouille
qui vit sans coeur et sans tête, les lézards,
serpents, vipères, etc. » (Furetière, 1690) :
L’insecte [le serpent coupé par le manant],
sautillant, cherche à se réunir (La Fontaine).
Ϧ 3. Péjor. Personne chétive, insignifiante
ou méprisable : [Caligula à Merlia :] Toi,
insecte, tu t’opposes à mes projets ? (Camus).
insecticide [ɛ̃sɛktisid] adj. (de insecti-,
élément tiré de insecte, et de -cide, du lat.
caedere, abattre, tuer ; 1859, Mozin). Qui
détruit les insectes : Une poudre insecticide.
& n. m. (sens 1, 1858, Nysten ; sens 2, milieu
du XXe s.). 1. Produit utilisé dans la lutte
contre les insectes, sous forme liquide,
gazeuse, de poudre, d’appât : La nicotine,
le D. D. T. sont des insecticides. Répandre
de l’insecticide sur un marécage. Ϧ2. Littér.
Celui qui tue les insectes : J’avance le doigt,
elle [la mouche] éclate, je suis joué ! Il ne fallait pas la tuer, bon Dieu ! De toute la création, c’était le seul être qui me craignait ; je
ne compte plus pour personne. Insecticide,
je prends la place de la victime et deviens
insecte à mon tour. Je suis mouche, je l’ai
toujours été (Sartre).
insectifuge [ɛ̃sɛktifyz] adj. et n. m. (de
insecti-, élément tiré de insecte, et de -fuge,
du lat. fugare, mettre en fuite, dér. de fuga,
fuite ; 1931, Larousse). Se dit des substances
propres à éloigner les insectes : Le pyrèthre
est un insectifuge.
insectillice [ɛ̃sɛktilis] adj. et n. m. (de
insecti-, élément tiré de insecte, et du lat. [al]
licere, attirer à soi, de ad-, préf. marquant le
mouvement vers, et de lacere, attirer, faire
tomber [dans un piège] ; 1962, Larousse).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Se dit des substances aptes à attirer les
insectes en vue de leur destruction.
• CONTR. : insectifuge.
insectivore [ɛ̃sɛktivɔr] adj. et n. m.
(de insecti-, élément tiré de insecte, et de
-vore, du lat. vorare, dévorer ; 1778, Buffon
[plantes insectivores, 1931, Larousse]). Qui
se nourrit exclusivement ou principalement d’insectes : Le lézard et l’hirondelle
sont des animaux insectivores. ϦPlantes
insectivores, syn. de PLANTES CARNIVORES.
& insectivores n. m. pl. (1817, Cuvier).
Ordre de mammifères comprenant des
espèces de petite taille, qui se nourrissent
d’insectes et d’autres menues proies
vivantes : Le hérisson et la taupe sont des
insectivores.
insécurité [ɛ̃sekyrite] n. f. (de in- et de
sécurité ; 1794, Pougens). Manque de sécurité ; état de ce qui n’est pas sûr : L’insécurité
qui règne dans une région. L’insécurité d’un
emploi. Il en résulta une impression d’insécurité si pénible qu’elle se leva (Martin du
Gard).
• SYN. : danger, instabilité, précarité.
inséductible [ɛ̃sedyktibl] adj. (de in- et
de séductible, qu’on peut séduire [1818,
Stendhal], bas lat. seductibilis, facile à
séduire [de seductum, supin du lat. class.
seducere, emmener à l’écart, et, dans la
langue ecclés. de basse époque, « corrompre »], ou dér. savant du franç. séduire ;
22 mai 1874, Journ. officiel, p. 3464). Qui ne
peut être séduit (rare) : Une femme devenue
inséductible (Barbey d’Aurevilly).
I. N. S. E. E. (1946, date de la création
de cet Institut), sigle de INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES
ÉCONOMIQUES.
in-seize [insɛz] adj. invar. (de in 2 et de
seize ; 1627, Peiresc). Se dit du format d’un
livre où chaque feuille d’impression, présentant quatre plis, forme 16 feuillets, soit
32 pages : Format, volume, édition in-seize.
& n. m. invar. (1680, Richelet). Format,
volume in-seize : Un in-seize.
• REM. On écrit aussi, par abrév., IN-16.
inselberg [insəlbɛrg] n. m. (mot norvégien ou allem. signif. proprem. « montagneîle », de insel, île, et de berg, montagne ;
1962, Larousse). Dans les régions tropicales
et désertiques, butte qui se dresse au-dessus de plaines d’érosion : Les inselbergs de
l’Afrique australe.
• Pl. des INSELBERGS ou INSELBERGE.
inséminateur, trice [ɛ̃seminatoer,
-tris] adj. et n. (de inséminat[ion] ; 1962,
Larousse). Technicien qui pratique l’insémination artificielle des animaux.
insémination [ɛ̃seminasjɔ̃] n. f. (du lat.
inseminatum, supin de inseminare [v. INSÉMINER] ; 1694, Th. Corneille, au sens 1 ; sens
2 [de inséminer], 1952, Larousse [aussi insémination artificielle — insémination, même
sens, 1931, Larousse]). 1. Autref. Pratique
superstitieuse qui consistait à jeter dans
de la terre fraîchement remuée quelque
chose venant d’une partie malade, et à y
semer une plante, laquelle, pensait-on, était
propre à guérir la maladie. Ϧ2. Dépôt de la
semence du mâle dans les voies génitales de
la femelle. Ϧ Insémination artificielle, ou,
par abrév., insémination, procédé par lequel
on introduit le sperme dans les voies génitales de la femelle sans qu’il y ait copulation
ou rapport sexuel : L’insémination artificielle de la femme est limitée à quelques cas
restreints. Chez les animaux, l’utilisation
de l’insémination artificielle a permis une
amélioration des races.
inséminé, e [ɛ̃semine] adj. (de in- et du
lat. semen, -minis, graine, semence ; 1902,
Larousse). Se dit d’un fruit dépourvu de
graines à maturité, et, par extens., des
plantes dicotylédones dont les fruits
répondent à cette caractéristique.
inséminer [ɛ̃semine] v. tr. (lat. inseminare, semer dans, répandre dans, féconder,
de in-, préf. marquant le mouvement vers,
et de seminare, semer, pro-créer, engendrer,
dér. de semen, -minis, graine, semence ;
1931, Larousse). Féconder une femelle par
insémination artificielle.
insensé, e [ɛ̃sɑ̃se] adj. et n. (bas lat. ecclés.
insensatus, insensé, du lat. class. in-, préf.
à valeur négative, et du bas lat. sensatus,
sensé, dér. du lat. class. sensus, sensation,
sentiment, intelligence, de sensum, supin
de sentire, sentir, éprouver, comprendre ; v.
1485, Mystère de saint Adrien, comme adj.,
et 1538, R. Estienne, comme n.). Littér. Qui
n’a pas ou n’a plus sa raison, dont les actes
sont contraires au bon sens, à la mesure :
Un homme insensé. Et comme un insensé
je marchais à grands pas (Lamartine).
Puis on n’entendit plus rien pendant deux
minutes, qui firent de nous des insensés
(Maupassant).
• SYN. : cinglé (fam.), dément, déséquilibré, dingue (pop.), fou, maboul (pop.),
piqué (fam.), timbré (fam.), toqué (fam.).
— CONTR. : sage, sain, sensé.
& adj. (sens 1, av. 1502, O. de Saint-Gelais ;
sens 2, 1647, Corneille). 1. Qui n’est pas
conforme au bon sens, à la raison : Projets,
propos, actes insensés. Puis, s’échappant
soudain d’une course insensée [...], | Il
courut vers les bords d’un abîme sans fond
(Lamartine). Ϧ2. Qui n’est pas normal,
qui a un caractère excessif, extravagant :
Travail insensé. Accoutrement insensé.
Emportant à plein vol l’Espérance insensée (Leconte de Lisle). Cet élan du sang et
du corps qui me piquait les yeux d’une joie
insensée (Camus).
• SYN. : 1 absurde, déraisonnable, fou ;
2 aberrant, délirant, échevelé, effréné,
enragé, forcené, frénétique, monstrueux.
— CONTR. : 1 raisonnable, sage, sensé ;
2 convenable, fondé, juste, modéré, normal.
insensibilisateur [ɛ̃sɑ̃sibilizatoer] n.
m. (dér. savant de insensibiliser ; 1873,
Larousse). Syn. peu usité de ANESTHÉSIQUE.
insensibilisation [ɛ̃sɑ̃sibilizasjɔ̃] n. f.
(de insensibiliser ; 1902, Larousse [aussi
au sens de « anesthésie locale »]). Action
de rendre insensible à la douleur ; abolition de la sensibilité. ϦSpécialem. Se dit
communément pour ANESTHÉSIE LOCALE.
insensibiliser [ɛ̃sɑ̃sibilize] v. tr. (dér.
savant de insensible ; 1784, Proschwitz, au
sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse). 1. Priver
d’une certaine sensibilité : Il espéra
qu’elle n’était qu’insensibilisée par l’extase
(Huysmans). Ϧ2. Spécialem. Priver de la
sensibilité à la douleur : Insensibiliser un
malade, un membre, un organe.
•SYN. : 2 anesthésier, chloroformer,
endormir.
insensibilité [ɛ̃sɑ̃sibilite] n. f. (bas
lat. insensibilitas, insensibilité, du lat.
impér. insensibilis [v. INSENSIBLE] ; 1314,
Mondeville, au sens I, 1 [aussi insensibleté, forme plus pop.] ; sens I, 2, 1588,
Montaigne [« indifférence à l’amour », 1666,
Corneille] ; sens I, 3, av. 1662, Pascal ; sens
II, 1962, Larousse).
I. 1. État d’un être, d’un organe qui est
dépourvu de sensibilité physique : Insensibilité à la douleur. L’insensibilité d’une
partie du corps est obtenue au moyen des
anesthésiques locaux. Je n’avais plus que
de courts réveils d’un instant, le temps [...]
de goûter, grâce à une lueur momentanée de conscience, le sommeil où étaient
plongés les meubles, la chambre, le tout
dont je n’étais qu’une petite partie et à
l’insensibilité duquel je retournais vite
m’unir (Proust). Ϧ 2. État d’une personne
dépourvue de sensibilité, d’affectivité,
qui est incapable de certaines émotions,
de certains sentiments, en particulier de
sympathie, de compassion pour autrui :
L’insensibilité des gens du monde est
moins barbare que leur commisération
(Rousseau). Il avait l’insensibilité des médecins, pour qui la souffrance des autres
signifie expérience, profit, intérêt professionnel (Martin du Gard). Ϧ Spécialem.
et littér. Indifférence à l’amour. Ϧ 3. État
d’une personne qui reste insensible,
indifférente à certaines réalités d’ordre
intellectuel ou esthétique : Insensibilité
artistique. Son insensibilité à la musique
est complète. La sensibilité de l’homme
aux petites choses et l’insensibilité pour
les grandes choses, marque d’un étrange
renversement (Pascal). J’étais d’une insensibilité totale devant tout texte scolaire
(Lacretelle).
II. En cybernétique, état où le facteur
d’influence d’une grandeur perturbatrice
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sur une grandeur réglée peut être considéré comme nul.
• SYN. : I, 2 apathie, détachement, froideur, impassibilité, indifférence ; 3 désaffection, désintérêt, imperméabilité,
incompréhension.
insensible [ɛ̃sɑ̃sibl] adj. (lat. impér.
insensibilis, incompréhensible, qui ne peut
sentir, insensible, du lat. class. in-, préf. à
valeur négative, et sensibilis, qui tombe
sous les sens, sensible, de sensum, supin
de sentire, sentir, éprouver, comprendre ;
v. 1220, Coincy, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1314,
Mondeville [« qui ne montre pas la sensibilité normale, habituelle à l’égard de certains
agents physiques », av. 1778, Voltaire] ; sens
I, 3, 1640, Corneille [absol., 1370, Oresme] ;
sens I, 4, 1673, Molière [absol., 1662,
Corneille ; ne pas être insensible, XXe s.] ;
sens I, 5, 1642, Corneille ; sens II, 1, 1370,
Oresme ; sens II, 2, 1580, Montaigne).
I.SENS SUBJECTIF 1.Qui est dépourvu
de sensibilité physique, qui n’éprouve
aucune sensation : Les minéraux sont
insensibles. Ossements desséchés, insensible poussière, | Levez-vous, recevez la vie
et la lumière (Lamartine). Ϧ 2. Se dit d’un
être animé, d’un organisme ou d’une
partie d’un organisme qui n’éprouve pas
ou n’éprouve plus certaines sensations
physiques : Insensible au chaud, au froid.
L’anesthésie rend insensible à la douleur.
L’oeil est insensible à l’infrarouge. Ϧ Spécialem. Qui ne montre pas la sensibilité
normale, habituelle à l’égard de certains
agents physiques : Bientôt les chiens pénètrent dans le taillis [...], insensibles aux
piqûres des épines (Pergaud). Ϧ 3. Se dit
d’une personne qui n’est pas sensible à
certaines émotions, accessible à certains
sentiments : Un homme insensible à la
pitié. Insensible aux injures, aux éloges.
Ϧ Absol. Qui est dépourvu de toute sensibilité, de toute faculté de s’émouvoir ou
de sympathiser : Nature insensible. Coeur
insensible. Est-ce que vous serez à ce point
insensible | De nous savoir couchés, morts
avec nos amours, | Et de toujours sourire
et de chanter toujours ? (Hugo). Une telle
détresse le laisse insensible. Ϧ 4. Spécialem. et littér. Indifférent en amour : Elle
est restée insensible à toutes ses avances ;
et absol. : Femme insensible. Ϧ Ne pas
être insensible, être passionné. Ϧ 5. Qui
n’est pas accessible à certaines réalités
d’ordre intellectuel ou esthétique : Être
insensible à la poésie, à la musique, à la
beauté d’un texte. Il a été impossible de
le convaincre : il est demeuré insensible
à tous les arguments. Je fus insensible et
froid à ce spectacle que tant de voyageurs
viennent admirer de mille lieues (Lamartine). Il était insensible aux charmes d’un
joli visage (France).
II. SENS OBJECTIF 1. Qui ne peut être
senti, perçu, ou qui est très difficile à percevoir : Une diminution de clarté insensible. Une différence insensible. La marche
des astres est insensible. Entre les sens des
deux termes, la nuance est insensible.
Ϧ 2. Qui se fait graduellement, sans attirer l’attention : Des progrès insensibles,
mais réels.
• SYN. : I, 2 dur, endurci ; 3 étranger, imperméable, inaccessible ; adamantin (poétiq.),
desséché, froid, indifférent, sec ; 4 cruel ;
5 rebelle, réfractaire, sourd. Ϧ II, 1 imperceptible, indiscernable, insaisissable, invisible, léger.
& n. (sens 1, 1694, Acad. ; sens 2, 1644,
Corneille). 1. Personne dépourvue de sensibilité, de sentiments : C’est un insensible.
Ϧ 2. Vx. Personne indifférente à l’amour :
Une belle insensible.
insensiblement [ɛ̃sɑ̃sibləmɑ̃] adv. (de
insensible ; 1314, Mondeville, au sens de
« sans manifester de sensibilité physique » ;
sens 1, 1580, Montaigne ; sens 2, 1571, R. Ét.
Rab., II). 1. De façon insensible, sans que
cela se remarque, se fasse sentir : La maison respire, mais doucement, insensiblement, à la manière des bêtes hibernantes
(Duhamel). Ϧ 2. De façon peu sensible,
par degrés, progressivement : La paresse
consume insensiblement toutes les vertus
(La Rochefoucauld). Peu après, avec les
tramways plus rares et la nuit déjà noire audessus des arbres et des lampes, le quartier
s’est vidé insensiblement (Camus).
• SYN. : 1 doucement, imperceptiblement ;
2 graduellement, petit à petit, peu à peu.
inséparabilité [ɛ̃separabilite] n. f. (bas
lat. inseparabilitas, union indissoluble, du
lat. class. inseparabilis [v. l’art. suiv.] ; fin du
XIVe s., Godefroy). Caractère, état de ce qui
est inséparable : L’inséparabilité de toutes
les choses qui sont en Dieu (Descartes).
inséparable [ɛ̃separabl] adj. (lat. inseparabilis, inséparable, indivisible, de in-,
préf. à valeur négative, et de separabilis,
séparable, dér. de separare, séparer [au pr.
et au fig.], de se-, préf. marquant la disjonction, et de parare, arranger ; v. 1282, Gauchi,
au sens de « indissoluble [en parlant d’un
mariage] » ; sens 1, 1545, Bonivard [« qui est
formé d’éléments qu’on ne peut séparer »,
av. 1924, A. France] ; sens 2, 1607, Maupas).
1. Se dit d’une chose qui ne peut être séparée d’une autre : Les noms sont inséparables
des choses (Pascal). La justice est inséparable de la bonté (Rousseau). ϦPar extens.
Qui est formé d’éléments qu’on ne peut
séparer : Doucement, cette tapissière se cale
au ras des voitures et contribue à former un
nougat inséparable de véhicules (France).
Ϧ2. En linguistique, se dit d’un élément
que l’on ne trouve jamais en dehors des
mots composés qu’il sert à former : RE-,
dans « retourner », « regrouper », est un
préfixe inséparable.
• SYN. : 1 indissociable, inhérent ; insécable,
indivisible. — CONTR. : 1 dissociable ; divisible, sécable ; 2 séparable.
& adj. et n. (1680, Richelet [au plur., 1690,
Furetière]). Se dit d’une personne qui
entretient d’étroites relations d’amitié
avec une autre ou avec d’autres : Marthe
[...] avait fini par devenir l’inséparable de
Rose Froment, de même âge, jolie comme
elle (Zola). Avoir cru quelqu’un inséparable
d’avec nous (Sainte-Beuve). Ϧ Spécialem.
Au pluriel, se dit de personnes qui ne se
quittent pas volontiers, qu’on rencontre
toujours ou presque toujours ensemble :
Des amis inséparables. Des inséparables.
Nous n’étions pas arrivés à Rome que le
beau voyageur et moi nous étions déjà inséparables (Lamartine). Les anciens inséparables se fuient (Hermant).
& inséparables n. m. ou f. pl. (1867, Littré).
Nom donné par les oiseliers à certaines
perruches qui ne vivent généralement bien
que par couples.
inséparablement [ɛ̃separabləmɑ̃] adv.
(de inséparable ; XIVe s., Nature à l’alchimie). De façon inséparable, indissoluble :
Ils sont unis inséparablement.
insérable [ɛ̃serabl] adj. (de insérer ;
1838, Acad.). Qui peut être inséré : Juger
un article insérable dans une publication.
insérer [ɛ̃sere] v. tr. (lat. inserere, mettre
dans, introduire, mêler, intercaler, de in-,
préf. marquant le mouvement vers, et de
serere, entrelacer, tresser ; 1319, Coutumes
d’Anjou, au sens 2 ; sens 1, 1599, Hornkens ;
sens 3, 1636, Monet [un/une prière d’insérer, 1931, Larousse] ; sens 4, 1873, Larousse
[art. insertion]). [Conj. 5 b.] 1. Introduire
quelque chose dans ou sous autre chose, de
façon à l’y incorporer : Insérer une greffe
sous l’écorce d’un arbre, un vaccin sous la
peau. Insérer une lettre dans une enveloppe.
Ϧ 2. Introduire un texte dans un autre de
manière à l’y intégrer : Insérer une clause
dans un contrat. Ϧ 3. Imprimer, parmi
d’autres choses, dans une publication :
Insérer une annonce, un communiqué dans
un journal. Ϧ Un ou une prière d’insérer,
formule par laquelle un éditeur prie les
revues ou les journaux de publier dans
leurs colonnes certaines indications sur
un nouvel ouvrage ; se dit aussi de la feuille
contenant cette formule, et qui accompagne le plus souvent l’envoi du volume.
Ϧ 4. Insérer des moyens entre deux termes
d’une progression, en mathématiques, former une progression plus serrée ayant pour
termes extrêmes les deux termes donnés.
• SYN. : 1 emboîter, encarter, encastrer,
enchâsser, enchatonner, enclaver, fourrer
(fam.), glisser, inclure, sertir ; 2 incorporer,
intercaler, interpoler.
& s’insérer v. pr. (sens 1, v. 1560, Paré [en
botanique, 1873, Larousse] ; sens 2, 1873,
Larousse [en parlant de personnes, XXe s.
— inséré, « placé dans un ensemble »,
1541, Calvin] ; sens 3, 1962, Larousse [en
parlant d’une personne, 1900, Bergson]).
1. S’insérer sur, en parlant d’une partie
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anatomique, être attaché sur : Un muscle
qui s’insère sur un os ; en botanique, être
fixé, implanté dans : Étamines insérées
sur l’ovaire. Ϧ2. Trouver place dans un
ensemble : Où cela s’insère-t-il ? Une mesure
qui s’insère dans un ensemble de réformes ;
et en parlant de personnes : Ils se remuèrent
pour permettre aux nouveaux venus de s’insérer au milieu d’eux (Queneau). Ϧ 3. Fig.
Trouver sa place, être intégré dans autre
chose : Déjà la fiction s’insérait dans le réel
(Mauriac) ; et en parlant de personnes : Une
minorité qui a eu de la difficulté à s’insérer
dans la société du pays où elle s’est fixée.
• SYN. : 1 s’implanter ; 2 s’agréger, s’inscrire,
s’intégrer, s’introduire.
insermenté [ɛ̃sɛrmɑ̃te] adj. et n. m. (de
in- et de sermenté, qui a prêté serment à la
Constitution civile du clergé [1792, Brunot],
dér. de serment ; 1792, Frey). Se dit du clergé
qui, sous la Révolution, refusa de prêter
serment à la Constitution civile du clergé
(1790) : Le maire croyait à un prêtre insermenté, venu de la Vendée (Balzac). Ils [mes
aïeux paysans] sauvèrent au péril de leur
vie un prêtre insermenté (Claudel).
•REM. On dit aussi et plus souvent RÉFRACTAIRE les prêtres qui acceptèrent de
prêter serment étant appelés ASSERMENTÉS, JUREURS OU CONSTITUTIONNELS.
insert [insɛrt ou ɛ̃sɛr] n. m. (mot angl.,
insert [insɛrt ou ɛ̃sɛr] n. m. (mot angl.,
de to insert, insérer, placer au milieu de,
du lat. insertum, supin de inserere [v. INSÉRER] ; 1968, Larousse, aux sens 1-2). 1. Plan
cinématographique destiné à mettre en
valeur un détail descriptif utile à la compréhension de la scène. Ϧ2. Texte filmé par
une caméra spéciale et destiné à être inséré
parmi des vues photographiques réelles.
insertion [ɛ̃sɛrjɔ̃] n. f. (bas lat. insertio,
insertion, greffe, action de greffer, de insertum, supin du lat. class. inserere [v. INSÉRER] ; 1535, Biggar [p. 547], au sens I, 1 ; sens
I, 2, 1690, Furetière ; sens I, 3, 1806, Code
de procédure civile [aussi insertion légale] ;
sens I, 4, 1873, Larousse [« fait d’intercaler
une lettre à l’intérieur d’un mot », 1690,
Furetière] ; sens I, 5, 1873, Larousse ; sens
II, 1, 1690, Furetière [« manière dont une
partie anatomique s’insère... sur une autre »,
1562, Paré] ; sens II, 2, 1690, Furetière ; sens
Il, 3, 28 avr. 1966, le Monde).
I. 1. Action d’insérer ; état de ce qui est
inséré : L’insertion d’un encart dans un
volume. Ϧ 2. Action d’introduire un
texte dans un autre, de l’y ajouter en l’incorporant : Insertion d’une clause dans
un contrat. Ϧ3. Action de publier ou de
faire publier un texte : L’insertion d’une
annonce dans un journal. Ϧ Insertion
légale, ou simplem. insertion, publication
dans la presse prévue par la loi ou par une
décision judiciaire : Insertion d’un acte de
société, du jugement d’un procès en diffamation. Ϧ 4. En phonétique, introduction d’une consonne dans un groupe de
phonèmes, qui a pour effet de rendre plus
facile l’articulation du groupe tout entier
(ex. : lat. num[e]rum > franç. nom’re >
nombre). [On dit plutôt ÉPENTHÈSE.]
Ϧ 5. En mathématiques, action d’insérer
des moyens entre deux termes d’une progression arithmétique ou géométrique.
II. 1. Le fait de s’insérer dans ou sur
quelque chose ; son résultat : L’insertion
des feuilles sur la tige a lieu au niveau des
noeuds. Les modes d’insertion des lames
de champignon sur le pied. Ϧ Spécialem.
Manière dont une partie anatomique
s’insère, s’attache sur une autre : L’insertion d’un muscle sur un os peut être
directe ou indirecte (par l’intermédiaire
d’un tendon, d’une aponévrose). L’insertion des organes floraux est identique
chez tous les végétaux de la même espèce.
Ϧ 2. Région, surface d’attache ou de fixa-
tion d’un organe sur un autre : Insertion
des fibres musculaires de la capsule sur un
os. Ϧ 3. Fig. Action de s’insérer dans un
ensemble, d’y entrer en tant que partie
intégrante.
• SYN. : I, 2 incorporation, introduction ;
3 publication. ϦII, 1 implantation ;
3 intégration.
inservable [ɛ̃sɛrvabl] adj. (de in- et de
servir ; 11 août 1875, Journ. officiel, p. 6652).
Qui ne peut être servi, présenté : Un plat
inservable à des invités.
inserviabilité [ɛ̃sɛrvjabilite] n. f. (dér.
savant de inserviable ; 1920, Proust).
Inaptitude à se montrer serviable : Moins
foncièrement atteint qu’elle d’inserviabilité
(Proust).
inserviable [ɛ̃sɛrvjabl] adj. (de in- et de
serviable ; 1576, Sasbout). Se dit d’une personne qui n’est pas serviable.
insexualité [ɛ̃sɛksɥalite] n. f. (dér. savant
de insexuel ; 1882, Goncourt). État des êtres
dépourvus de caractères sexuels : Les
actrices, dans cette période de l’incubation
d’un rôle, et surtout dans le labeur agaçant et contrariant des répétitions, elles sont
comme enveloppées d’austérité, de froideur,
d’insexualité (Goncourt). Quelquefois, un
poète d’une race ayant aussi une individualité particulière pour un zoologiste
(caractérisée par une certaine insexualité)
se promenait avec une Muse (Proust).
insexué, e [ɛ̃sɛksɥe] adj. (de in- et de
sexué ; 1907, Larousse [a remplacé insexé,
même sens — de in- et de sexe —, 1805,
Lunier]). Qui n’a pas de sexe, de différenciation sexuelle.
• REM. On dit plus souvent ASEXUÉ, E.
insexuel, elle [ɛ̃sɛksɥɛl] adj. (de in- et de
sexuel ; 1864, Goncourt, au sens 1 ; sens 2,
av. 1872, Th. Gautier). 1. Qui n’a pas de préoccupations sexuelles (rare) : Bien qu’il eût
perdu tout soupçon sur elle, tant il la croyait
insexuelle, il la surveillait toujours avec une
attention curieuse (Maupassant). Ϧ 2. Qui
n’est pas différencié sexuellement : L’être
bizarre, presque insexuel, moitié enfant,
moitié lutin (Gautier).
insidieusement [ɛ̃sidjøzmɑ̃] adv. (de
insidieux ; av. 1525, J. Lemaire de Belges).
D’une manière insidieuse : Glisser insidieusement une remarque désobligeante.
insidieux, euse [ɛ̃sidjø, -øz] adj. (lat.
insidiosus, qui dresse des embûches, plein
d’embûches, du n. f. pl. insidiae, embûches,
pièges, dér. de insidēre, être assis dans ou
sur, occuper, de in-, préf. marquant la
localisation, et de sedēre, être assis, siéger,
séjourner ; 1420, Dict. général, au sens 1
[rare av. le XVIIe s. ; « qui n’est pas direct »,
XXe s.] ; sens 2, 1784, Beaumarchais ;
sens 3, 1934, G. Duhamel ; sens 4, 1765,
Encyclopédie). 1. Qui constitue un piège ou
une embûche, ou qui contient des pièges :
Promesse insidieuse. Un procédé insidieux.
Un raisonnement insidieux. Il fit diverses
questions insidieuses à M. Sariette, qui se
troubla (France). Ϧ Spécialem. Qui n’est
pas direct : Attaque, critique insidieuse.
Ϧ2. Vx ou littér. Qui tend des pièges (en
parlant de personnes) : Insidieux valet !
(Beaumarchais). Sophiste insidieux (M.J. Chénier). Ϧ 3. Fig. Qui se répand, agit
insensiblement, sans qu’on s’en aperçoive :
Une odeur insidieuse. Il a inventé cinq ou
six poisons violents ou insidieux dont les
peuples de notre continent se sont copieusement servis pendant la dernière guerre
(Duhamel). Elle parlait ainsi, importunée
par cette joie insidieuse dont elle avait honte
(Mauriac). Ϧ 4. Se dit d’une maladie dont
les débuts, bénins en apparence, cachent
la gravité réelle.
• SYN. : 1 captieux, fallacieux, illusoire ; 3
insinuant, sournois, traître.
1. insigne [ɛ̃siɲ] adj. (lat. insignis, qui
porte une marque distinctive, remarquable
[en bonne ou en mauvaise part], distingué,
de in-, préf. marquant la localisation, et de
signum, marque, signe ; XIVe s., au sens 1
[pour une personne, 1580, Montaigne] ;
sens 2, 1651, Corneille [ironique, 1690,
Furetière]). 1. Littér. Qui attire, qui est
digne d’attirer l’attention, remarquable
(en bonne ou en mauvaise part) : Fabre
d’Églantine, auteur d’une pièce qui restera,
montra, tout au rebours de Desmoulins,
une insigne faiblesse (Chateaubriand).
ϦSe dit aussi des personnes : C’est José
Navarro, le plus insigne bandit d’Andalousie (Mérimée). Ϧ 2. Spécialem. Qui est
digne d’admiration : L’honneur insigne
revient à Descartes d’avoir été le premier
constructeur d’un univers entièrement
métrique (Valéry). ϦSouvent ironique :
Erreur, maladresse insigne.
• SYN. : 1 brillant, distingué, émérite,
fameux, inoubliable, mémorable, réputé,
signalé ; 2 éclatant, éminent, fabuleux.
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2657
2. insigne [ɛ̃siɲ] n. m. (lat. insigne,
marque [distinctive], insigne [d’une fonction], neutre substantivé de l’adj. insignis
[v. l’art. précéd.] ; 1484, La Curne, au plur.,
puis 10 juill. 1821 [d’après Larousse, 1873],
au sing., au sens 2 ; sens 1, 1902, Larousse ;
sens 3, 1935, Acad.). 1. A Rome, pièce caractéristique du vêtement d’un magistrat, d’un
officier, etc., ou attribut de leur dignité
(chaise curule, faisceaux, etc.). Ϧ 2. Marque
distinctive d’un grade ou d’une dignité :
L’insigne d’une fonction, d’une charge. Les
insignes de la royauté. Les insignes de légat.
L’insigne de la Légion d’honneur. Il était mis
élégamment, portait les insignes de l’ordre
de la Toison d’or et une plaque à son habit
(Balzac). Ϧ3. signe distinctif arboré par les
membres d’une association, d’un groupement : Philippe Robin, pourvu par son oncle,
distribuait à qui voulait des insignes et des
libelles antisémites (Lacretelle). L’insigne
d’un club, d’une société sportive.
• SYN. : 2 décoration, emblème, symbole.
insignifiance [ɛ̃siɲifjɑ̃s] n. f. (de insignifiant ; 1785, Proschwitz, au sens 2 ;
sens 1, 1815, Bernardin de Saint-Pierre).
1. Caractère de ce qui est dépourvu de
signification (rare) : On s’étonnait de le
voir si pâle, abattu, ne prononçant que de
rares paroles qui avaient l’insignifiance
de celles que disent les morts qu’on évoque
(Proust). L’insignifiance essentielle des rêves
(Valéry). Ϧ2. Caractère d’une personne ou
d’une chose dépourvue d’importance, de
valeur : L’insignifiance d’une personne, d’un
esprit. Un livre, un spectacle d’une totale
insignifiance. Son mari l’avait toujours
trouvée d’une insignifiance lamentable
(Zola). L’insignifiance de celle [la vie] que
je menais n’avait aucune importance, pas
plus que les moments où on s’habille, où on
se prépare pour sortir (Proust). Rien n’est
plus saisissant [...] que le contraste entre
la formidable puissance, l’abondance inépuisable de ce que l’on nomme « le colosse
américain » et l’insignifiance chétive de ces
maisonnettes qui bordent les routes les plus
larges du monde (Sartre).
• SYN. : 2 banalité, futilité, inconsistance,
médiocrité, modicité, petitesse.
insignifiant, e [ɛ̃siɲifjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de inet de signifiant ; 1767, Diderot, au sens 2 ;
sens 1, 1807, Mme de Staël ; sens 3, 1778,
Proschwitz ; sens 4, 1830, Balzac). 1. Qui
ne signifie rien. (Rare.) Ϧ2. Qui n’a rien
de marquant, qui ne présente aucun intérêt : Des paroles, des actions insignifiantes.
Jacques a reçu Gertrude et lui a parlé, mais
rien que de choses insignifiantes (Gide).
Ϧ3. Qui est d’une importance, d’une
valeur négligeable, dont on peut ne tenir
aucun compte : Si l’on néglige donc nos
inventions intellectuelles parfois naïves,
et souvent toutes verbales, nous sommes
obligés de reconnaître que notre connaissance des choses de la vie est insignifiante
auprès de celle que nous avons du monde
inorganique (Valéry). Il a eu cette maison
pour un prix insignifiant. Ϧ 4. Se dit de
quelqu’un qui manque de personnalité,
de qualités marquantes, de capacités : Un
homme, un personnage insignifiant. Une
femme insignifiante. Poète insignifiant.
Actrice insignifiante.
• SYN. : 2 anodin, banal, frivole, futile, quelconque, vide ; 3 dérisoire, infime, minime,
modeste, modique, nul ; 4 effacé, falot,
inconsistant, insipide, médiocre, terne.
insincère [ɛ̃sɛ̃sɛr] adj. (de in- et de sincère ; 1794, Pougens). Littér. Qui n’est pas
sincère : Insincère pour la première fois de
sa vie (Barbey d’Aurevilly). J’ai horreur
de ces condoléances insincères (D. Amiel).
Confidence insincère.
insincérité [ɛ̃sɛ̃serite] n. f. (de insincère,
d’après sincérité ; 1785, Proschwitz). Littér.
Manque de sincérité : Ce genre d’insincérité
consiste à ne pas savoir se contenter, pour
un seul acte, de faire, grâce à lui, plaisir à
une seule personne (Proust). L’attente où
je la sens d’un état plus tendre fausse mes
gestes et m’entraîne au bord de l’insincérité
(Gide). D’autre part, c’est sans doute une loi
de langage que tous les termes qui ont trop
figuré dans la comédie sociale, qui ont fait
trop de dupes et ont été compromis dans
trop de combinaisons intéressées, excitent
la défiance et soient notés d’insincérité
(Valéry).
insinuant, e [ɛ̃sinɥɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de insinuer ; 1654, La Rochefoucauld, au
sens 5 ; sens 1, 1677, Bossuet ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 3, 1669, La Fontaine ; sens
4, v. 1660, La Rochefoucauld). 1. Class. Qui
s’insinue, pénètre lentement et progressivement (en parlant de choses matérielles) :
L’eau si fluide, si insinuante, si propre à
échapper (Fénelon). Ϧ 2. Fig. Qui s’installe
insensiblement, sans qu’on s’en doute (en
parlant de choses abstraites) : Une tristesse
insinuante, et qu’il ne s’avouait pas, remplaçait tous les sentiments qui, depuis le matin,
l’animaient (Martin du Gard). Ϧ3. Class.
Se disait d’une personne séduisante, qui
plaît et attire naturellement : Certain
peuple agréable, insinuant (La Fontaine).
Ϧ4. Péjor. Qui s’impose par des manières
souples, indirectes, qui sait s’introduire
auprès des gens en vue de se ménager des
avantages : Un homme est doux et facile,
on le trouve insinuant (Vauvenargues).
Insinuante avec les uns, impérative avec les
autres, pour tous elle annonçait à mots couverts d’inimaginables divertissements qu’on
ne pourrait revoir une seconde fois (Proust).
Ϧ5. Se dit des manières, des procédés qui
visent à circonvenir autrui : Il n’était pas
rare qu’il s’approchât de la chaire d’une
manière insinuante (Lacretelle). Je sais, en
même temps, les prestiges et le pouvoir sournois de ce pays, la façon insinuante dont
il retient ceux qui s’y attardent (Camus).
• SYN. : 2 insidieux, sournois ; 4 adroit, artificieux, habile, patelin, souple ; 5 machiavélique, perfide.
insinuatif, ive [ɛ̃sinɥatif, -iv] adj. (dér.
savant de insinuer ; 1624, Bacon, p. 349
[pour un clystère, 1673, Molière]). Class.
Qui a la propriété d’insinuer ou de s’insinuer : Un petit clystère insinuatif, préparatif
et rémollient (Molière).
insinuation [ɛ̃sinɥasjɔ̃] n. f. (lat. insinuatio, exorde insinuant [et, à basse époque,
« action de s’introduire dans un endroit
sinueux, rapport, notification »], de insinuatum, supin de insinuare [v. INSINUER] ;
1319, Godefroy, écrit insignuacion [insinuation, XVIe s., Coutumier général], au sens
I ; sens il, 1, 1690, Furetière [« le fait de...
pénétrer peu à peu dans quelque chose »,
1677, Bossuet] ; sens II, 2, av. 1679, Retz ;
sens II, 3, 1606, Crespin ; sens II, 4, 1873,
Larousse ; sens II, 5, 1731, Voltaire).
I. En droit ancien, inscription sur des registres publics des actes privés, qui donnait à ceux-ci un caractère authentique :
Insinuation d’un testament. L’insinuation
a donné naissance à l’enregistrement.
II. 1. Vx. Action d’insinuer, d’introduire
un objet matériel : L’insinuation d’une
sonde dans une plaie. Ϧ Vx. Le fait de
s’insinuer, de pénétrer peu à peu dans
quelque chose : Si on considère combien
est lente et insensible l’insinuation de
l’aliment dans les parties qui le reçoivent
(Bossuet). Ϧ 2. Class. Séduction du langage et des manières : Les âmes tendres
et pacifiques emploient l’insinuation
(Fénelon). Ϧ 3. Figure de rhétorique
consistant en quelques paroles habiles
qui visent à se concilier la faveur de
l’auditoire. Ϧ 4. Procédé par lequel on
fait entendre les choses sans les exprimer
ouvertement : Procéder par insinuation.
User de l’insinuation. Ϧ 5. Ce que l’on fait
entendre sans le dire clairement : Mon
pauvre enfant, dit la comtesse en pleurant,
ce malheur est le résultat d’insinuations
perfides. De méchantes gens ont cherché
à me séparer de ton père (Balzac). Que
signifiait cette insinuation ? C’est ce que
je ne savais pas (Gide). Une tête de jeune
homme aux yeux ouverts s’imposait à moi
comme une allégorie du génie grec, avec
son insinuation profonde : mesurer toute
chose à la durée et à l’intensité d’une vie
humaine (Malraux).
• SYN. : II, 5 allusion.
insinuer [ɛ̃sinɥe] v. tr. (lat. insinuare, faire
entrer dans l’intérieur de, insinuer, s’insinuer [au pr. et au fig.], de in-, préf. marquant
le mouvement vers, et de sinus, courbure,
sinuosité, pli, creux ; 1336, Godefroy, écrit
insignuer [insinuer, XVIe s.], au sens I ; sens
II, 1, 1660, Bossuet ; sens II, 2, 1596, Hulsius
[insinuer un personnage dramatique, 1660,
Corneille] ; sens II, 3, v. 1480, Mystère de
saint Quentin [absol., 1734, Montesquieu]).
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I.En droit ancien, enregistrer, soumettre à la formalité de l’insinuation :
M. le Riche m’écrit qu’il faut faire insinuer mon contrat de deux cent mille livres
(Voltaire).
II. 1. Vx ou littér. Introduire doucement
et progressivement : J’avais tout exprès
laissé croître démesurément l’ongle de
mon petit doigt, que d’emblée je pus insinuer sous la bille ; une brusque secousse,
et la bille jaillit dans ma main (Gide).
Ϧ2. Class. et littér. Faire pénétrer peu
à peu, adroitement, dans l’esprit de
quelqu’un, des idées, des sentiments :
Il a été à propos d’en rendre la représentation agréable, afin que le plaisir pût
insinuer plus doucement l’utilité (Corneille). De faire entrer chez vous le désir
des sciences, | De vous insinuer les belles
connaissances (Molière). Je n’ai pu insinuer en moi quelque vertu qu’à travers
les brèches faites par la souffrance et par
l’âge à ma constitution (France). Ϧ Spécialem. et class. Insinuer un personnage
dramatique, annoncer habilement, préparer son entrée en scène : Don Raymond
et ce pêcheur ne suivent point la règle que
j’ai voulu établir de n’introduire aucun
acteur qui ne fût insinué dès le premier
acte (Corneille). Ϧ 3. Fig. et péjor. Faire
entendre quelque chose par allusion,
sans l’exprimer ouvertement : Insinuer
une accusation, une calomnie. Sans lui
[Nietzsche], des générations peut-être
se seraient employées à insinuer timidement ce qu’il affirme avec hardiesse, avec
maîtrise, avec folie (Gide). Il insinue dans
ses articles que certains parlementaires
pourraient être mêlés à des scandales ;
et absol. : Il n’accuse pas, il se contente
d’insinuer.
• SYN. : II, 3 glisser, prétendre, souffler,
suggérer.
& s’insinuer v. pr. (sens 1, 1580, Montaigne ;
sens 2, 1549, R. Estienne [absol., av. 1778,
J.-J. Rousseau] ; sens 3, 1690, Furetière ;
sens 4, 1611, Cotgrave [s’insinuer dans les
bonnes grâces, etc., de, 1690, Furetière]).
1. Vx. Pénétrer lentement et progressivement dans quelque chose (en parlant
d’une chose matérielle) : Le venin s’insinue dans les veines. L’eau s’insinue par les
pores du bois. Ϧ 2. Fig. et littér. Prendre
place insensiblement dans l’esprit, les
pensées de quelqu’un : Une image pleine
de molles délices s’insinuait dans mon
esprit (Carco). La crainte s’insinue dans les
coeurs ; et absol. : Le vice ne s’insinue guère
en choquant l’honnête, mais en prenant son
image (Rousseau). Ϧ3. Littér. S’introduire
en se glissant, en se faufilant (en parlant
d’êtres animés et parfois de choses) : La
longue belette s’insinue au nid sans frôler
une feuille (Michelet). Je me suis insinué à
travers la place de la Préfecture, fort encombrée d’étalages et d’éventaires, abondante
en soleil et en criailleries (Romains). Le
soleil de quatre heures, déjà bas, s’insinuait entre les troncs et couchait sur le sol
de longues traînées flamboyantes (Martin
du Gard). Ϧ 4. S’introduire avec adresse
dans un milieu, une société, l’entourage
d’une personne : Chacun se lance ; non : à la
Cour, on se glisse, on s’insinue, on se pousse
(Courier). Ϧ Fig. S’insinuer dans les bonnes
grâces, la confiance, etc., de quelqu’un,
gagner sa bienveillance, sa confiance, par
des manières habiles, flatteuses.
• SYN. : 2 envahir, se glisser, pénétrer ;
3 s’engager, s’engouffrer.
insinueux, euse [ɛ̃sinɥø, -øz] adj.
(de insinuer ; 1846, Thiers, puis 1879,
A. Daudet). Qui tend à insinuer : Le vieux
moine dont la voix insinueuse, sans résonance, formait un si grand contraste avec
cette explosion d’éloquence (Daudet).
insipide [ɛ̃sipid] adj. (bas lat. insipidus,
fade, insipide, du lat. class. in-, préf. à
valeur négative, et sapidus, qui a du goût,
de la saveur, dér. de sapere, avoir du goût,
de l’odeur, sentir, comprendre, savoir ;
1503, Chauliac, au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 3, 15.88, Montaigne ; sens
4, 1663, Molière). 1. Qui n’a aucun goût,
aucune saveur : L’eau pure est insipide.
Ϧ 2. Qui est fade, manque de saveur : Un
aliment insipide. Je saluais au passage ces
boissons insipides : j’avais bu d’un vin plus
fort (Duhamel). Ϧ3. Fig. Se dit de ce qui
manque d’accent, est dépourvu d’agrément ou d’intérêt : Fadeur générale de la
vie. Cigares, légumes, fleurs, fruits, cuisine,
yeux, cheveux, tout est fade, tout est triste,
insipide, endormi (Baudelaire). La couleur
locale a un charme incontestable quand elle
est vraie ; elle est insipide dans le pastiche
(Renan). Non pas cet insipide voyage en
chemin de fer, dont on ne garde que des
visions de pays découpés par des rails et des
fils télégraphiques, mais un voyage à pied,
le sac au dos (Daudet). Ce que l’un juge profond est pour l’autre d’une évidence insipide
ou d’une absurdité insupportable (Valéry).
Il s’étiolait, maigrissait, perdait l’appétit,
traînait une langueur insipide (Cocteau).
Ma vie allait être un rabâchage insipide, un
pensum fastidieux (Aymé). Ϧ 4. Fig. Se dit
d’une personne dépourvue de personnalité : Les jeunes gens tristes, qui paraissent
insipides à Paris, devraient se retirer ici [à
Genève]. Ils y passeraient peut-être pour
d’agréables étourdis (Stendhal).
•SYN. : 2 douceâtre, fadasse (fam.) ;
3 ennuyeux, fade, fastidieux, inintéressant, plat, terne ; 4 banal, falot, inconsistant, insignifiant. — CONTR. : 2 appétissant,
délicieux, excellent, savoureux, succulent ;
fort, fruité, pimenté, poivré, relevé, salé ;
3 divertissant, exaltant, intéressant, passionnant, pittoresque ; 4 brillant, distingué,
drôle, remarquable, supérieur.
insipidement [ɛ̃sipidmɑ̃] adv. (de insipide ; 1771, Voltaire). De façon insipide.
insipidité [ɛ̃sipidite] n. f. (dér. savant de
insipide ; 1572, J. Des Moulins, au sens 1 ;
sens 2, 1690, Furetière). 1. Caractère de ce
qui n’a pas de saveur, ou de ce qui a peu
de saveur : Insipidité de l’eau. Insipidité
d’un mets. Les mêmes plats d’une insipidité parfaite (Hermant). Ϧ2. Fig. Caractère
de ce qui manque de piquant, d’intérêt :
L’insipidité d’un roman.
insistance [ɛ̃sistɑ̃s] n. f. (de insister ;
1556, Papiers de Granvelle [IV, 615], au
sens 1 [rare entre 1640, Oudin, et 1801,
Mercier] ; sens 2, XXe s.). 1. Action d’insister : Regarder quelqu’un avec insistance.
Réclamer quelque chose avec insistance.
C’est tout de même ainsi, me disais-je,
que la tiédeur de l’air et l’insistance du
printemps triomphent peu à peu de l’hiver
(Gide). Ϧ 2. Accent d’insistance, en phonétique, intensité d’émission portant sur la
première consonne d’un mot et qui traduit
une émotion ou un sentiment très forts.
• SYN. : 1 obstination, persévérance.
insistant, e [ɛ̃sistɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de insister ; 1553, Papiers de Granvelle, IV,
23). Qui insiste, appuie ou revient souvent
sur quelque chose : Une demande insistante. Manu enveloppa la jeune fille d’un
regard trop insistant, comme s’il appréciait
en familier la forme du corps et cherchait
sous le manteau l’harmonie secrète des
courbes (Aymé). Les appels téléphoniques
retentissent, fiévreux et insistants, dans la
maison déserte (Camus).
• SYN. : appuyé, instant, pressant.
insister [ɛ̃siste] v. intr. (lat. insistere, se
placer sur, s’attacher à, s’arrêter, de in-,
préf. marquant la localisation, et de sistere, placer, établir, se tenir, s’arrêter, dér.
de stare, se tenir debout, se tenir ferme ;
1336, Godefroy, comme v. pr., au sens de
« s’appliquer [à] » ; comme v. intr., au sens 1,
1541, Calvin ; sens 2, 1690, Furetière [insister à, même sens, 1529, Bonivard] ; sens 3,
milieu du XVe s. [absol., début du XVe s.]).
1. Class. Persister : Le doute où sans raison
je vous vois insister | Me faisait oublier de
vous la présenter (Rotrou). Ϧ2. Insister
sur quelque chose, appuyer avec force,
s’étendre ou revenir souvent sur quelque
chose, pour montrer qu’on y attache de
l’importance : Insister sur un point. Sur ces
plans d’avenir quand par hasard j’insiste,
| Laurence écoute moins ; l’avenir la rend
triste (Lamartine). J’en arrive donc à mon
service militaire, sur lequel je n’insisterai pas (Queneau). Ϧ3. Insister pour (et
l’infinitif),persévérer à demander pour
obtenir : Elle insista fort pour me faire
avoir le gouvernement du Havre-de-Grâce
(La Rochefoucauld). Ϧ Absol. Revenir à
la charge pour obtenir quelque chose :
N’insistez pas, vous seriez importun.
• SYN. : 2 s’appesantir, mettre l’accent sur,
souligner ; 3 s’acharner, continuer, s’obstiner, persévérer, persister.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2659
& v. tr. (1653, Vaugelas). Class. Insister que,
demander, en appuyant, que : J’insistai que
l’on n’innovât rien (Retz).
in situ [insity] loc. adv. (loc. du lat.
moderne signif. proprem. « en place », du
lat. class. in, en, dans, et situ, ablatif de situs,
position, situation, place, de situm, supin
de sinere, poser, laisser ; 1888, Larousse).
Dans le milieu naturel : Recueillir des
échantillons d’un minéral « in situ ».
insociabilité [ɛ̃sɔsjabilite] n. f. (dér.
savant de insociable ; 1721, Montesquieu).
Caractère d’une personne insociable ou de
son comportement : On sentait toujours
en lui [...] une insociabilité foncière, qui
mettait l’interlocuteur mal à l’aise (Aymé).
L’insociabilité est la marque d’un caractère
difficile.
insociable [ɛ̃sɔsjabl] adj. (lat. insociabilis,
qu’on ne peut associer à, incompatible, de
in-, préf. à valeur négative, et de sociabilis,
qui peut être uni, sociable, dér. de sociare,
mettre en commun, associer, unir, de
socius, associé, allié ; 1552, R. Estienne).
Se dit d’une personne (ou de son carac-
tère, de son comportement) qui manque
de sociabilité, avec qui les rapports sont
difficiles : Le sombre Isnard, enveloppé dans
son fanatisme, restait sauvage, insociable
(Michelet). Je deviens d’ailleurs de plus en
plus irritable et insociable (Flaubert). Il
arriva, la tête basse, ses belles mains nouées
derrière le dos, tout prêt à renoncer, pour
nous autres du Désert de Bièvres, à son
humeur insociable (Duhamel).
• SYN. : farouche, invivable (fam.), misanthrope, ours (fam.), sauvage, solitaire.
insocial, e, aux [ɛ̃sɔsjal, -o] adj. (de inet de social ; 1762, Voltaire). Qui n’est pas
social, qui est rebelle à la vie en société : Le
« Contrat social », ou insocial, n’est remarquable que par quelques injures dites grossièrement aux rois par le citoyen du bourg
de Genève... (Voltaire). Cet élément insocial
[le paysan], créé par la Révolution, absorbera quelque jour la bourgeoisie (Balzac).
• REM. On dit auj. ASOCIAL.
insolateur [ɛ̃sɔlatoer] n. m. (dér. savant de
insoler ; 1888, Larousse). Appareil destiné à
permettre l’utilisation des rayons solaires
pour le chauffage .
insolation [ɛ̃sɔslasjɔ̃] n. f. (lat. insolatio,
exposition au soleil, de insolatum, supin
de insolare [v. INSOLER] ; 1554, Paré, au
sens 1 [en photographie, 1902, Larousse] ;
sens 2, v. 1560, Paré ; sens 3, 1867, Littré ;
sens 4, 1931, Larousse). 1. Action d’exposer
quelqu’un ou quelque chose aux rayons
du soleil : L’insolation guérit certaines
maladies. Ϧ Spécialem. En photographie,
exposition à la lumière d’une préparation
sensible. Ϧ 2. Action des rayons du soleil
sur un objet : Les Lucilies [...] ne confient
pas leurs oeufs aux surfaces découvertes, où
la violence de l’insolation compromettrait
les délicatesses des germes (J. H. Fabre).
Ϧ3. État pathologique provoqué par une
exposition trop longue à un soleil ardent :
Et voilà que tout à coup mon compagnon,
mon ami, presque mon frère, tomba de
cheval, la tête en avant, foudroyé par une
insolation (Maupassant). Ϧ 4. En météorologie, nombre d’heures pendant lesquelles
le soleil a brillé au cours d’une journée,
d’un mois, d’une année : On enregistre
l’insolation à l’aide d’appareils appelés
« héliographes ».
insolemment [ɛ̃sɔlamɑ̃] adv. (de
insolent ; v. 1355, Bersuire, aux sens 1-2 ;
sens 3, av. 1854, Nerval). 1. De façon insolente, effrontée, impudente : Répondre
insolemment. Jamais l’histoire n’eut plus
besoin de preuves authentiques que dans
nos jours, où l’on trafique si insolemment
du mensonge (Voltaire). Ϧ2. De façon
arrogante, hautaine : Le burgrave, à la prochaine fête patronale, allait insolemment
au tournoi de la ville, monté sur l’âne de
son meunier (Hugo). Ϧ 3. Littér. De façon
insolente, provocante : Qu’elle était belle en
ses ajustements de soie et de pourpre levantine, faisant luire insolemment ses blanches
épaules (Nerval).
• SYN. : 1 effrontément, grossièrement,
impertinemment, irrespectueusement ;
2 fièrement, superbement ; 3 impudemment, outrageusement.
insolence [ɛ̃sɔlɑ̃s] n. f. (lat. insolentia,
inexpérience, étrangeté, manque de modération, de insolens, -entis [v. INSOLENT] ;
1458, Mystère du Vieil Testament, aux
sens 2-3 ; sens 1, 1636, Corneille ; sens 4,
1690, Furetière ; sens 5, 1846, Baudelaire).
1. Class. Violence, audace excessives et
insupportables : Déjà de l’insolence heureux persécuteur, | Vous aviez des deux mers
assuré les rivages (Racine). Ϧ 2. Manque de
respect qui a le caractère d’une insulte ;
attitude d’une personne qui oublie les
égards qu’elle doit à autrui : Une insolence inadmissible. L’insolence d’un élève
à l’égard de son professeur. On les couche
sans souper, pour les punir de leur insolence
(Aymé) ; et par extens. : Une réplique, un
article d’une rare insolence. Ϧ3. Parole,
action de caractère insultant : Dire des
insolences. On lui reproche mille insolences.
Ϧ4. Orgueil offensant ; attitude hautaine,
arrogante : Leurs rois, admis dans le palais
de César, pratiquent leurs superstitions avec
insolence et donnent à tous les citoyens un
exemple illustre et détestable (France). C’est
l’insolence des riches qui est insupportable
(Alain). Ϧ 5. Fig. Caractère insolent, provocant, de quelque chose : L’insolence du
génie. Depuis vingt siècles, les hommes se
sont attachés à rendre décentes l’insolence
et la naïveté grecques (Camus).
• SYN. : 2 effronterie, impertinence, inconvenance, irrespect ; 3 grossièreté, impolitesse,
incongruité, incorrection ; 4 arrogance, hauteur, morgue, outrecuidance, suffisance,
superbe.
insolent, e [ɛ̃sɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (lat.
insolent, e [ɛ̃sɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (lat.
insolens, -entis, inaccoutumé, excessif,
effronté, orgueilleux, de in-, préf. à valeur
négative, et de solens, -entis, qui a l’habitude, part. prés. adjectivé de solere, être
habitué ; 1495, Vignay, aux sens 1-2 ; sens
3, 1645, Corneille [« outrecuidant », milieu
du XVIe s. ; insolent de, 1651, Corneille]).
1. Class. Qui fait preuve d’une violence
ou d’une audace de caractère excessif : Et
jamais insolent ni cruel à demi (Corneille).
L’insolent de la force empruntait le secours
(Racine). Ϧ2. Qui fait preuve d’une effronterie, d’un manque de respect injurieux :
Un enfant insolent. Faire l’insolent. Votre
coquine de Toinette est devenue plus insolente que jamais (Molière). Ϧ 3. Qui offense
par une attitude orgueilleuse, hautaine : La
richesse, le pouvoir rendent souvent vaniteux ou insolent. Le maire de Verrières était
bien toujours, à ses yeux, le représentant
de tous les riches et de tous les insolents de
la terre (Stendhal). Ϧ Class. Insolent de,
rendu orgueilleux, arrogant, par le fait de :
Je ne viens point ici montrer à votre haine
| Un captif insolent d’avoir brisé sa chaîne
(Corneille).
• SYN. : 2 effronté, impertinent, impoli,
irrespectueux, irrévérencieux ; 3 arrogant,
fat, hautain, outrecuidant, prétentieux,
suffisant.
& adj. (sens 1, début du XVIIe s., Malherbe ;
sens 2, 1669, Molière ; sens 3, 1660, Bossuet
[pour un sentiment, 1645, Corneille] ; sens
4, 1840, Balzac [« insolite » — en parlant
d’une nouveauté —, 1571, M. de La Porte]).
1. Class. Qui marque une audace excessive : On dit même qu’au trône une brigue
insolente | Veut placer Aricie et le sang de
Pallante (Racine). Ϧ 2. Qui marque l’insolence, l’impertinence, l’effronterie : Air
insolent. Attitude insolente. Ton insolent.
Réponse, remarque insolente. Il se composait
un visage insolent (Carco). Ϧ 3. Qui marque
un orgueil offensant, de l’arrogance, de
la morgue : La fortune arrogante | Affecta
d’étaler une pompe insolente (Boileau). Il
sentait douloureusement le mal dont souffrait l’Empire, le luxe insolent des grands
(France) ; et par extens. : Orgueil insolent.
Arrogance insolente. Ϧ4. Qui surprend par
son caractère extraordinaire, insolite et
semble constituer une provocation : Un
bonheur insolent. Alors âgé de soixantesept ans, Rigou n’avait pas fait une seule
maladie en trente ans, et rien ne paraissait
devoir atteindre cette santé vraiment insolente (Balzac). Nous avions avec nous une
jeune Espagnole [...] | Un rire éblouissant,
épanoui, sonore [...], | Des dents de jeune
loup pures comme du lait, | Dont l’émail
insolent sans trêve étincelait (Gautier). Elle
enviait les existences tumultueuses, les nuits
masquées, les insolents plaisirs (Flaubert).
Elle avouait orgueilleusement ses trentedownloadModeText.vue.download 108 sur 1066
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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cinq ans, d’une beauté insolente encore,
avec des épaules et une gorge de marbre,
sans une flétrissure (Zola).
• SYN. : 2 cavalier, culotté (fam.), cynique,
déplacé, grossier, incongru, inconvenant.
incorrect, irrespectueux ; 3 arrogant, insultant, provocant ; 4 époustouflant (fam.),
incroyable, indécent, inimaginable, inouï.
insoler [ɛ̃sɔle] v. tr. (lat. insolare, exposer au soleil, de in-, préf. marquant le
mouvement vers, et de sol, solis, soleil ;
1669, Godefroy). Exposer aux rayons, à
la lumière du soleil : Insoler une plaque
photographique.
insolite [ɛ̃sɔlit] adj. (lat. insolitus, inaccoutumé à, inusité, étrange, inouï, de in-,
préf. à valeur négative, et de solitus, qui a
l’habitude, habituel, ordinaire, part. passé
adjectivé de solere, être habituel ; 1495,
Barbier). Contraire à l’usage, aux règles,
aux habitudes et qui, par là même, étonne :
Procédé insolite. Phénomène, événement
insolite. Allure, aspect insolite. Il faut non
seulement ne rien faire d’insolite, mais
encore persuader autrui qu’on ne ferait rien
d’insolite même avec toute licence (Gide).
Denis se demandait si cette démarche insolite de Landin n’éveillait aucun trouble chez
sa mère (Mauriac). Cette agitation était au
moins insolite, mais il ne songea pas à s’en
étonner (Aymé).
• SYN. : abracadabrant (fam.), bizarre,
déroutant, étrange, extraordinaire, extravagant, original, saugrenu, singulier.
— CONTR. : banal, commun, familier, habituel, normal, ordinaire.
& n. m. (sens 1, av. 1842, Stendhal ; sens 2,
1924, A. Gide). 1. Caractère de ce qui est
insolite : En style de journal qui veut faire
illusion sur la pensée nulle ou puérile par
l’insolite du style (Stendhal). Ϧ 2. Ce qui
est insolite : L’insolite est inséparable de
l’amour (Breton).
insolitement [ɛ̃sɔlitmɑ̃] adv. (de insolite ; 1867, Littré). De façon insolite : Des
deuils, des réflexions insolitement graves,
et particulièrement toutes celles que l’on
peut faire sur le peu de durée et l’insécurité
réelle de la vie (Gide).
insolubiliser [ɛ̃sɔlybilize] v. tr. (dér.
savant de insoluble ; déc. 1872, Revue
britannique, p. 489). Rendre insoluble :
Insolubiliser une substance chimique.
insolubilité [ɛ̃sɔlybilite] n. f. (bas lat.
insolubilitas, état insoluble [du lat. class.
insolubilis, v. l’art. suivant], ou dér. savant
du franç. insoluble ; 1765, Encyclopédie, au
sens I ; sens II, 1798, Acad.).
I. Caractère, état de ce qui ne peut se
dissoudre : L’insolubilité du soufre dans
l’eau.
II. Caractère de ce que l’on ne peut
résoudre : L’insolubilité d’un problème,
d’une question.
insoluble [ɛ̃sɔlybl] adj. (lat. insolubilis,
indissoluble, dont on ne peut s’acquitter,
indubitable, de in-, préf. à valeur négative,
et de solubilis, qui se dissout, se désagrège,
dér. de solvere, délier, acquitter, désagréger,
dissoudre ; XIIIe s., H. d’Andeli, écrit issoluble, comme n. m., au sens de « question
insoluble » ; écrit insoluble, comme adj., au
sens Il, 1549, R. Estienne ; sens I, XVIIIe s.,
Brunot).
I. Se dit d’un corps, d’une matière qui ne
peut se dissoudre : La résine est insoluble
dans l’eau.
II. Qu’on ne peut résoudre : Question,
problème insoluble.
insolvabilité [ɛ̃sɔlvabilite] n. f. (dér.
savant de insolvable ; 1612, Kuhn). État
d’une personne ou d’une société qui n’a pas
les moyens de faire face à ses obligations
financières : L’insolvabilité d’un débiteur,
d’une société commerciale.
insolvable [ɛ̃sɔlvabl] adj. et n. (de in- et
de solvable [v. ce mot] ; 1431, Godefroy, au
sens de « qui ne doit pas être payé » ; sens
actuel, 1611, Cotgrave [comme adj. ; comme
n., 1690, Furetière]). Qui ne peut faire face
à ses obligations financières : Un débiteur
insolvable. Quand les paysans qu’il faisait
prisonniers ne pouvaient acquitter leur
rançon, il les faisait pendre... Et si quelque
malheureuse femme venait l’implorer en
faveur de son mari insolvable, il la traînait
par les cheveux (France).
insomniaque [ɛ̃sɔmnjak] adj. et n. (de
insomnie ; av. 1935, P. Bourget). Qui est
atteint d’insomnie : Les élèves, pour la
plupart, viennent d’Allemagne, ils paient
bien ; mon grand-père met les louis d’or,
sans jamais les compter, dans la poche de
son veston ; ma grand-mère, insomniaque,
se glisse, la nuit, dans le vestibule pour prélever sa dîme « en catimini », comme elle
dit elle-même à sa fille (Sartre).
• REM. Insomniaque, syn. d’INSOMNIEUX, EUSE, ne s’applique qu’aux
personnes.
insomnie [ɛ̃sɔmni] n. f. (lat. insomnia,
privation de sommeil, dér. de insomnis, qui
ne dort pas, de in-, préf. à valeur négative,
et de somnus, sommeil ; l555, Belon, au sens
1 ; sens 2, 1688, Mme de Sévigné [en avoir
des insomnies, XXe s.]). 1. Impossibilité
de dormir : Jeune fille, vos yeux ignorent
l’insomnie ; | Une pensée ardente et qui
revient toujours | Ne trouble pas vos nuits
tristes comme vos jours (Gautier). Il me dit
ne pas connaître l’insomnie, ou du moins ne
pas avoir eu à en souffrir (Gide). Il s’effraya
de voir son visage marqué par la fatigue et
l’insomnie (Aymé). Ϧ 2. Phase de veille qui
interrompt le sommeil : Avoir des insomnies. ϦFig. et fam. En avoir des insomnies,
être très préoccupé par quelque chose.
insomnieux, euse [ɛ̃sɔmnjø, -øz] adj. et
n. (lat. insomniosus, privé de sommeil [de
insomnia, v. l’art. précéd.], ou dér. franç.
de insomnie ; début du XXe s.). Qui souffre
d’insomnie : Un homme insomnieux. Je
doute si les insomnieux purent fournir un
seul grand capitaine, ou homme d’État, ou
acteur (Gide). Ce bruit de bottes qu’écoutent,
d’un bout à l’autre de l’Europe, tant d’insomnieux apeurés (Martin du Gard). Tu
ferais mieux d’aller dormir que de chercher
une victime, insomnieux (Morand). Il y eut
un oiseau insomnieux, qui lui fit un cri de
connivence (Montherlant).
• SYN. : insomniaque.
& adj. (sens 1-2, av. 1896, Goncourt). 1. Qui
est marqué par l’insomnie : Pendant ses
nuits, ses nuits insomnieuses où elle ne
pouvait dormir (Goncourt). Et il rêvait,
dans ses nuits insomnieuses, derrière la
moustiquaire (Ajalbert). Ϧ2. Qui cause de
l’insomnie : La fatigue insomnieuse d’une
profession qui n’a pas d’heures (Goncourt).
insondabilité [ɛ̃sɔ̃dabilite] n. f. (dér.
savant de insondable ; av. 1865, Proudhon,
au sens 2 ; sens 1, 1873, Larousse).
1. Caractère de ce qui est insondable :
L’insondabilité des profondeurs de la Terre.
Ϧ2. Fig. Caractère de ce qui est impénétrable, incompréhensible : L’insondabilité
d’un mystère.
insondable [ɛ̃sɔ̃dabl] adj. (de in- et de
sonder ; 1578, Léry, au sens 1 ; sens 2, 1879,
A. France ; sens 3, 1812, Mozin). 1. Qui ne
peut être sondé ; dont on ne peut toucher
le fond, connaître la profondeur : Un abîme
insondable. La trompette sonna le passage
d’un immense nuage blanc [...], qui courait
à une vitesse de tempête sur d’insondables
golfes bleus (Peyré) ; et par extens. : Des
profondeurs insondables. Ϧ 2. Fig. Dont on
ne peut mesurer la profondeur, l’intensité :
Jacques remarqua que la colère ne parvenait
pas à chasser de ses yeux une expression
d’insondable tristesse (Martin du Gard).
Ϧ 3. Fig. Qu’il est impossible ou très difficile de pénétrer, de comprendre, d’expliquer : Un mystère, une énigme insondable.
Qui peut sonder de Dieu l’insondable pensée ? (Lamartine). Il [le grand Paris] était
insondable et changeant comme un océan
(Zola). Il méditait les mystères insondables
de la religion (France).
• SYN. : 1 abyssal ; 2 illimité, incommensurable, infini ; 3 énigmatique, impénétrable,
inaccessible, incompréhensible, inexplicable, insaisissable.
& n. m. (av. 1885, V. Hugo). L’insondable,
ce qu’on ne peut pénétrer, comprendre : La
folle volonté de sonder l’insondable (Hugo).
insondablement [ɛ̃sɔ̃dabləmɑ] adv. (de
insondable ; XXe s.). Littér. D’une manière
insondable.
insondé, e [ɛ̃sɔ̃de] adj. (de in- et de
sondé, part. passé de sonder ; 1840, Acad.,
au sens 1 ; sens 2, av. 1885, V. Hugo ; sens 3,
1873, Larousse). 1. Qui n’a pas été sondé :
Un gouffre insondé. Ϧ2. Fig. Dont on ne
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connaît pas la profondeur, l’intensité :
Un poème qu’emplit la douleur insondée
(Hugo). Ϧ 3. Fig. Qui demeure inexpliqué :
Mystère insondé.
insonore [ɛ̃sɔnɔr] adj. (de in- et de
sonore ; 1801, Mercier, au sens 1 ; sens 2,
1864, Presse scientifique des Deux Mondes
[I, 267] ; sens 3, début du XXe S). 1. Qui n’est
pas sonore, qui ne produit pas de son sous
l’effet d’une percussion ou d’un frottement.
Ϧ2. Qui transmet peu les sons et amortit
les ondes sonores : Cloison insonore. Le
liège est un matériau insonore. Une sorte
de tampon, de rideau insonore (Arnoux).
Ϧ 3. Se dit d’un local où l’on entend peu les
bruits : Ce que le lieu avait de parfaitement
insonore (Romains).
insonorisation [ɛ̃sɔnɔrizasjɔ̃] n. f.
(de insonoriser ; 1948, Larousse [aussi
« aménagement des locaux d’habitation
ou autres... »]). Action d’insonoriser ;
résultat de cette action. Ϧ Spécialem.
Aménagement des locaux d’habitation ou
autres pour les soustraire aux bruits de la
rue ou des locaux voisins : Effectuer l’insonorisation d’un bureau. L’insonorisation de
cet immeuble est bonne.
insonorisé, e [ɛ̃sɔnɔrize] adj. (part.
passé de insonoriser ; 1953, Larousse). Se
dit d’un local rendu insonore par des aménagements spéciaux : Immeuble insonorisé.
Studio insonorisé.
insonoriser [ɛ̃sɔnɔrize] v. tr. (dér. savant
de insonore ; 1948, Larousse). Rendre moins
sonore, plus silencieux : Insonoriser une
pièce.
insonorité [ɛ̃sɔnɔrite] n. f. (de insonore,
d’après sonorité ; 1845, Bescherelle, au sens
1 ; sens 2, 27 mai 1869, le National ; sens
3, 1873, Larousse). 1. Manque de sonorité.
Ϧ2. Qualité de ce qui ne transmet pas ou
transmet peu les sons : Un matériau utilisé
pour son insonorité. Ϧ 3. Caractère d’un
local qui n’est pas sonore, où les bruits
pénètrent peu : L’insonorité d’un studio
d’enregistrement.
insouci [ɛ̃susi] n. m. (de in- et de souci ;
av. 1836, Armand Carrel, au sens 1 ; sens 2,
1867, Littré). 1. Vx. Le fait de ne pas se préoccuper de quelque chose : Insouci de la vie
et de l’argent (Flaubert). Derrière les volets
clos de chaque fenêtre, la lumière, tamisée
à cause des ordonnances de police, décelait
pourtant un insouci complet de l’économie
(Proust). Ϧ 2. Absence de soucis : Pour faire
de l’art, il faut un insouci que je n’ai plus
(Flaubert). Elle lisait le même ennui [...],
le même insouci d’homme égoïste que la
paternité irrite (Maupassant).
insouciamment [ɛ̃susjamɑ̃] adv. (de
insouciant ; 1842, Mozin). Littér. Avec
insouciance : Elle filait insouciamment
au milieu d’un concert d’injures et de cris
(Gautier).
insouciance [ɛ̃susjɑ̃s] n. f. (de insouciant ;
1752 [d’après Boiste, 1803], au sens 1 ; sens
2, 1867, Littré [sans complément, av. 1902,
Zola]). 1. Caractère d’une personne insouciante, exempte de préoccupations : Vivre
dans l’insouciance. L’insouciance des jeunes
gens. Ϧ 2. Insouciance de quelque chose,
état d’une personne qui ne se soucie pas,
ne se préoccupe pas de quelque chose :
Insouciance de l’avenir, du passé. Je ne me
suis consacré qu’à la poursuite de la féerie,
d’un état d’insouciance systématique de
tout ce qui n’est pas l’amour et le merveilleux (Montherlant) ; et sans complément :
Elle sentit se réveiller [...] ses insouciances
heureuses d’enfant (Zola).
• SYN. : 1 frivolité, imprévoyance, incurie,
irréflexion, laisser-aller, légèreté, négligence, optimisme ; 2 désaffection, désintérêt, détachement, inattention, incuriosité,
indifférence.
insouciant, e [ɛ̃susjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de inet de soucier ; 1752 [d’après Boiste, 1803],
au sens 1 ; sens 2, 1834, Musset ; sens 3,
1853, Nerval ; sens 4, 1835, Vigny). 1. Absol.
Se dit d’une personne qui ne se soucie de
rien : Un homme insouciant. La jeunesse est
généralement insouciante ; et par extens. :
C’est le moment d’agir vite et de remuer
brutalement les imaginations paresseuses
et les coeurs insouciants (Camus). Ϧ 2. Qui
témoigne de cette disposition d’esprit : Air
insouciant. Allure insouciante. Ϧ3. Qui
est caractérisé par l’absence de souci : La
vie errante et insouciante de ces pauvres
pêcheurs (Lamartine). Ϧ4. Insouciant de
quelque chose, qui ne se préoccupe pas, ne
s’inquiète pas de quelque chose : Insouciant
du lendemain, du danger.
• SYN. : 1 frivole, imprévoyant, irréfléchi,
négligent, sans souci ; 3 évaporé, folâtre ;
4 détaché, inconscient, indifférent, insoucieux, oublieux.
& n. (1834, Landais [les Insouciants, « les
indifférents en matière politique », 1792,
Brunot]). Personne qui est peu portée à
s’inquiéter, à s’affecter : J’aime les insouciants comme lui.
insoucieusement [ɛ̃susjøzmɑ̃] adv. (de
insoucieux ; 1842, Mozin). De façon insoucieuse : Puisqu’elle en prend si insoucieusement son parti, à quoi bon se tourmenter ?
(A. Lichtenberger).
insoucieux, euse [ɛ̃susjø, -øz] adj.
(de in- et de soucieux ; 1761 [d’après
Féraud, 1787], au sens 1 ; sens 2, début du
XXe s. ; sens 3, 12 nov. 1845, Renan ; sens
4, 1858, Legoarant). 1. Absol. Qui ne se
fait pas de soucis : Des négresses, comme
j’en avais vu déjà, insoucieuses et folles
la plupart, riant à tout propos (Nerval).
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux (Baudelaire). Ils flottent un instant
aux côtés de leurs insoucieuses fiancées
(Maeterlinck). Ϧ2. Qui témoigne de ce
caractère : Humeur, attitude insoucieuse.
Tout ce monde étranger se trouvait dispersé, allait, venait sans ordre, même sans
gravité et quelquefois avec un air insoucieux qui m’affligeait (Maurras). Ϧ 3. Qui
est exempt de soucis, de préoccupations :
La vie domestique, si calme, si insoucieuse
(Renan). Ϧ 4. Insoucieux de, que, qui n’est
pas préoccupé par quelque chose, par le
fait que : Insoucieux du lendemain, de son
avenir, de l’intérêt public. Ils l’ont connu
fort insoucieux de tout ce qui le touchait
et laissant à sa noblesse naturelle le soin
de réparer seule le désordre de ses habits
(France). Il était depuis longtemps insoucieux qu’Odette l’eût trompé et le trompât
encore (Proust). Le doigt sur la gâchette,
insoucieux du bruit (A. de Châteaubriant).
insoumis, e [ɛ̃sumi, -iz] adj. (de in- et de
soumis ; milieu du XVIe s., puis 1797, Frey,
au sens 1 ; sens 2, 1841, Français moderne
[XVIII, 135] ; sens 3, 1873, Larousse). 1. Qui
refuse de se soumettre, qui est en révolte
contre l’autorité légale ou de fait : Peuplades
insoumises. Régions, contrées insoumises.
Les tribus insoumises y perdaient leur mystère (Saint-Exupéry). Ϧ 2. Fille insoumise,
fille publique qui ne se soumettait pas
aux règlements de police et aux mesures
sanitaires en vigueur avant 1946. Ϧ3. Qui
n’obéit pas, qu’on a du mal à faire obéir
(vieilli) : Un élève, un enfant insoumis.
• SYN. : 1 insubordonné, mutin, rebelle,
séditieux ; 3 désobéissant, dur, indiscipliné, indocile, infernal (fam.), rétif, terrible (fam.).
& insoumis adj. et n. m. (1834, Landais
[comme adj. ; comme n. m., 1867, Littré]).
Se dit d’un militaire en état d’insoumission : Conscrits insoumis. Des colonnes
mobiles fouillaient les bois à la recherche des
réfractaires ; les garnisaires s’installaient
au foyer de la mère de l’insoumis (France).
Déserteur, non, mais insoumis (Loti).
& n. m. (1906, Loti). Personne insoumise :
Guerroyer contre les insoumis.
insoumission [ɛ̃sumisjɔ̃] n. f. (de in- et de
soumission ; 1827, Ch. Dupin [II, 69], au sens
de « état de ce qui n’est pas soumis » ; sens
1, 1867, Littré ; sens 2-3, 1873, Larousse).
1. État, situation d’une personne qui est
en révolte contre l’autorité : Traqué par la
police, et la redoutant davantage pour des
affaires antérieures que pour son insoumission présente aux ordonnances, il changeait
de local tous les quinze jours (Radiguet).
Ϧ 2. Spécialem. Infraction commise par
celui qui, astreint aux obligations du service national, n’a pas obéi à un ordre de
route régulièrement notifié : Être coupable
d’insoumission. Ϧ 3. Disposition à l’indiscipline : Un instinct sinon précisément de
révolte, du moins d’insoumission (Gide).
• SYN. : 1 désobéissance, inobservation ;
2 désertion ; 3 indépendance, rébellion.
insoupçonnable [ɛ̃supsɔnabl] adj. (de
in- et de soupçonnable ; 1840, Acad.). Qui
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ne peut être soupçonné : Un caissier insoupçonnable. Une honnêteté insoupçonnable.
insoupçonné, e [ɛ̃supsɔne] adj. (de inet de soupçonné, part. passé de soupçonner ; 1840, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1865,
Goncourt). 1. Qui n’est pas soupçonné : Le
véritable coupable est resté insoupçonné.
Ϧ2. Dont on n’entrevoyait pas ou dont
on ne peut pas entrevoir l’existence ou
les limites : Alors le plus extraordinaire
voyage dans un Paris insoupçonné com-
mence (Huysmans). Et bien d’autres choses
encore, insoupçon-nées des Grecs (Valéry).
Une simple allusion ouvrait des perspectives
insoupçon-nées (Martin du Gard).
• SYN. : 2 ignoré, imprévu, inattendu,
inconnu, inespéré, inimaginable, inouï,
stupéfiant.
insoutenable [ɛ̃sutnabl] adj. (de in- et
de soutenable ; v. 1460, G. Chastellain, écrit
insoustenable [insoutenable, XVIIe s.], au
sens 1 ; sens 2, 1er juin 1870, Journ. officiel ;
sens 3, av. 1654, Guez de Balzac). 1. Qu’on
ne peut endurer, supporter : Douleur insoutenable. Peu à peu, elle avait dû hausser le
ton, car le hurlement d’Estelle couvrait ses
paroles. Ces cris devenaient insoutenables
(Zola). Le soleil tombait presque d’aplomb
sur le sable et son éclat sur la mer était
insoutenable. Il n’y avait plus personne
sur la plage (Camus). Un homme d’une
prétention insoutenable. Ϧ2. Qu’on ne
peut soutenir, entreprendre, poursuivre
avec quelque chance de succès : Une lutte,
une concurrence insoutenable. Ϧ 3. Qu’on
ne peut soutenir, présenter ou admettre
comme vrai ou juste : Opinion, cause insoutenable. Les absurdités où ils tombent en
niant la religion deviennent plus insoutenables que les vérités dont la hauteur les
étonne (Bossuet). Le type orateur se sert
d’images insoutenables (Valéry).
• SYN. : 1 insupportable, intolérable, terrible (fam.) ; 2 impossible ; 3 inadmissible,
indéfendable, injustifiable, invraisemblable.
inspecter [ɛ̃spɛkte] v. tr. (de
inspecteur,d’après le lat. inspectare, examiner, de inspectum, supin de inspicere, regarder dans, regarder attentivement, passer en
revue, de in-, préf. marquant le mouvement
vers, et du v. archaïque specere, regarder ;
1781, Bohan [I, 256], au sens 1 ; sens 2, 1885,
Maupassant). 1. Examiner, en qualité d’inspecteur, quelque chose qu’on est chargé
de contrôler officiellement : Inspecter une
école, des travaux, une caserne, des troupes.
Ϧ 2. Examiner avec une grande attention :
La mère inspecta ce jour-là, comme à l’ordinaire, minutieusement, la toilette de sa fille
(France). Et je me suis mis à inspecter les
portes, m’efforçant de découvrir la sienne,
à elle (Maupassant).
• SYN. : 1 surveiller, visiter ; 2 étudier, explorer, fouiller, inventorier, scruter, sonder.
inspecteur, trice [ɛ̃spɛktoer, -tris]
inspecteur, trice [ɛ̃spɛktoer, -tris]
n. (lat. inspector, observateur, et, à basse
époque, « inspecteur, examinateur », de
inspectum, supin de inspicere [v. l’art. précéd.] ; 1403, Internele Consolacion, dans la
loc. inspecteur du cueur, « celui qui scrute
le coeur » ; 1515, Desrey, au sens de « personne qui examine [un lieu, etc.] » ; sens
1, 1611, Cotgrave [inspecteur général des
Finances, inspecteur des contributions
directes, 1873, Larousse ; inspecteur du travail, 1902, Larousse ; inspecteur de police,
1862, V. Hugo ; inspecteur des travaux
finis, XXe s.] ; sens 2, 6 avr. 1810, lettre de
J. Joubert à Chênedollé [citée dans SainteBeuve, Chateaubriand, 1861, II, 216] ; sens
3, 1751, Voltaire). 1. Dénomination de fonctionnaires ou d’agents d’établissements
privés qui ont pour mission de contrôler les
activités d’autres personnes, de surveiller
le fonctionnement de certains services,
l’application des lois et règlements, etc. :
Inspecteur des mines, des ponts et chaussées.
Inspecteur de la navigation. ϦInspecteur
général des Finances, inspecteur du travail, membre de l’inspection générale
des Finances, de l’inspection du travail
(v. INSPECTION). Ϧ Inspecteur des contributions directes, agent chargé de collecter les renseignements lui permettant de
fixer les bases d’imposition. (On dit auj.
INSPECTEUR DES IMPÔTS.) Ϧ Inspecteur de
police, anc. dénomination de l’OFFICIER
DE POLICE. Ϧ Fam. et plaisamm. Inspecteur
des travaux finis, personne qui se présente
lorsque les autres ont terminé le travail.
Ϧ 2. Spécialem. Fonctionnaire chargé par
le ministère de l’Éducation nationale de
surveiller l’enseignement : Inspecteur primaire. Inspecteur d’académie. Inspecteurs
généraux. Ϧ 3. Officier général qui reçoit
du ministre des Armées une mission temporaire ou permanente : Inspecteur général
de l’armée de terre, de la marine, de la gendarmerie. Inspecteur de l’artillerie.
inspection [ɛ̃spɛksjɔ̃] n. f. (lat. inspectio,
action de regarder, examen, réflexion, de
inspectum, supin de inspicere [v. INSPECTER] ; 1290, Godefroy, au sens 1 ; sens 2,
1611, Cotgrave ; sens 3, 1690, Furetière ;
sens 4, 1959, Robert [inspection — générale
— des finances, v. 1806, Brunot ; inspection
du travail, 1874, d’après Larousse, 1962,
art. inspecteur]). 1. Vx. Examen attentif
de quelque chose : Les Arabes [...] furent
peut-être les premiers qui réglèrent leurs
années par l’inspection du ciel (Voltaire).
Une rapide inspection nous convainquit que
le hameau était abandonné (Lévi-Strauss).
Ϧ2. Action d’inspecter, de contrôler, de
surveiller quelque chose en vertu de la
charge ou de la mission qu’on exerce :
Voyage, tournée d’inspection. Inspection
d’un groupe scolaire. L’inspection des
troupes. Inspection de travaux publics.
Ϧ3. Fonction, charge d’inspecteur : Être
candidat à une inspection. Ϧ 4. Corps
d’inspecteurs, de fonctionnaires investis
d’une mission de contrôle, de surveillance :
Inspection générale de la Sécurité sociale.
Ϧ Inspection générale des Finances, un des
grands corps de l’État, dont les agents (inspecteurs des Finances) contrôlent toutes
les administrations financières de l’État,
ainsi que certains services publics (Caisse
d’épargne, Sécurité sociale) et les agents
des collectivités locales. Ϧ Inspection
du travail, corps dont les membres (inspecteurs et contrôleurs) sont chargés de
vérifier, dans les entreprises, si la législation et la réglementation du travail sont
respectées.
• SYN. : 1 étude, visite ; 2 contrôle.
inspectorat [ɛ̃spɛktɔra] n. m. (de
inspecteur, d’après le lat. inspector [v.
INSPECTEUR] ; 1873, Larousse, au sens de
« division administrative du Groenland et
de l’Islande » ; sens 1, 1877, Littré ; sens 2,
1907, Larousse). 1. Charge d’inspecteur.
Ϧ 2. Durée de cette charge. (Peu usité.)
inspirant, e [ɛ̃spirɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de inspirer ; 1740, Brunot). Vx. Qui inspire,
qui est propre à inspirer : Les circonstances
où il écrivait n’avaient rien de bien inspirant
(Cuvier).
1. inspirateur, trice [ɛ̃spiratoer, -tris]
n. (bas lat. inspirator, celui qui inspire,
du lat. class. inspiratum, supin de inspirare [v. INSPIRER] ; XIVe s., Godefroy,
puis 1803, Boiste, au sens 1 ; sens 2, 1803,
Delille [« auteur, oeuvre dont un écrivain,
un artiste s’inspire... », 1828, A. F. Villemain]). 1. Personne qui inspire une action,
qui en est l’instigatrice : Les auteurs et les
inspirateurs d’un complot, d’un forfait. Les
jurés [...] expédièrent le plus rapidement
possible la femme Roland, inspiratrice ou
complice des crimes de la faction brissotine
(France). Ϧ2. Littér. Personne ou chose qui
inspire quelqu’un, qui est le moteur de ses
facultés créatrices : L’inspiratrice, la muse
d’un poète. Ô toi l’inspiratrice et l’objet de
mes chants (Delille). ϦSpécialem. Auteur,
oeuvre dont un écrivain, un artiste s’ins-
pire, qu’il prend pour modèle : Mallarmé,
inspirateur de Valéry. J’ai choisi Richardson
comme inspirateur de Rousseau et comme
premier modèle du pathétique familier,
exagéré par Diderot (Villemain).
• SYN. : 1 agent, conseiller, fauteur, initiateur, instigateur, promoteur ; 2 égérie,
muse ; guide, maître, mentor, modèle.
& adj. (1798, Acad.). Littér. Qui donne l’inspiration : Quel souffle inspirateur | Parfois,
comme un vent sombre, emporte le sculpteur
[...] | De l’ode étroite et haute à l’immense
épopée (Hugo).
2. inspirateur [ɛ̃spiratoer] adj. m. (dér.
savant de inspirer ; 1765, Encyclopédie [XIV,
182]). En anatomie, se dit des muscles qui
servent à l’inspiration de l’air dans les
poumons.
inspiration [ɛ̃spirasjɔ̃] n. f. (bas lat. inspiratio, souffle, haleine, inspiration, du
lat. class. inspiratum, supin de inspirare [v.
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INSPIRER] ; v. 1120, Psautier de Cambridge,
au sens II, 1 [dans la théologie catholique,
1679, Bossuet ; pape nommé par quasi-inspiration, 1962, Larousse — pape nommé
par voie d’inspiration, même sens, 1721,
Trévoux] ; sens I, fin du XIVe s., puis 1536,
G. Chrestien ; sens II, 2, 20 août 1766,
Voltaire [« chose ainsi inspirée », 1873,
Larousse] ; sens Il, 3, 1701, Furetière ; sens
II, 4, v. 1360, Froissart [« pensée, décision
soudaine », 1893, Courteline] ; sens Il, 5,
1959, Robert).
I. Action d’inspirer, de faire pénétrer de
l’air dans ses poumons : La respiration se
décompose en inspiration et expiration.
Ϧ Spécialem. En physiologie, ensemble
des mouvements du diaphragme et de la
cage thoracique qui, dilatant cette dernière, appellent dans les poumons l’air
extérieur servant aux échanges gazeux de
la respiration.
II. 1. Action d’origine divine ou surnaturelle par laquelle l’homme aurait la révélation de ce qu’il doit faire, dire, penser ;
état de l’esprit lorsqu’il est ou paraît être
soumis à cette influence : Par l’inspira-
tion des démons ingénieux, il osa traverser
les fleuves dans des troncs d’arbre fendus
et creusés (France). Inspiration divine des
prophètes. Ϧ Spécialem. Dans la théologie
catholique, action exercée par Dieu sur
l’intelligence humaine, et en particulier
assistance divine qui a guidé les auteurs
des livres canoniques. Ϧ Pape nommé
par quasi-inspiration, pape nommé sans
scrutin, par un accord unanime des cardinaux. Ϧ2. Enthousiasme créateur, état
d’exaltation des facultés qui anime l’écrivain, l’artiste dans sa création et auquel
sa volonté semble ne pas prendre part :
Attendre l’inspiration. Poète froid et qui
manque d’inspiration. Sources d’inspiration. L’artiste d’expérience sait bien que
l’inspiration est rare, et que c’est à l’intelligence d’achever l’oeuvre de l’intuition
(Rolland). L’inspiration est, positivement
parlant, une attribution gracieuse que le
lecteur fait à son choix et à son poète : le
lecteur nous offre les mérites transcendants des puissances et des grâces qui se
développent en lui. Il cherche et trouve en
nous la cause merveilleuse de son émerveillement (Valéry). Ϧ Chose ainsi inspirée : Les inspirations du génie. Ϧ 3. Action
de conseiller quelqu’un, de lui inspirer sa
conduite, de lui suggérer ses décisions,
ses résolutions : Agir sous l’inspiration de
quelqu’un. Ϧ4. Impulsion, mouvement
intérieur par lesquels on est porté à faire
quelque chose : S’en remettre à l’inspiration du moment. La grandeur des actions
humaines se mesure à l’inspiration qui les
a fait naître (Pasteur). Ϧ Pensée, décision
soudaine : Avoir d’heureuses inspirations.
Ϧ 5. Dans le domaine littéraire, artistique, influence exercée sur un auteur,
une oeuvre : Décoration d’inspiration
médiévale.
• SYN. : II, 1 grâce, illumination, souffle ;
2 exaltation, veine, verve ; 3 conseil,
emprise, impulsion, influence, insinuation,
instigation, suggestion ; 4 intuition.
inspiratoire [ɛ̃spiratwar] adj. (de
inspirat[ion] ; 1845, Annales de chimie
[3e série, XIII, 489], au sens 1 ; sens 2,
1962, Larousse). 1. Qui se rapporte, sert
à l’inspiration de l’air dans les poumons.
Ϧ2. Spécialem. Se dit de phonèmes rencontrés dans certaines langues africaines
et dont l’émission est accompagnée d’une
introduction d’air dans un des résonateurs
phoniques.
inspiré, e [ɛ̃spire] adj. et n. (part. passé
inspiré, e [ɛ̃spire] adj. et n. (part. passé
de inspirer ; 1690, Furetière, au sens 1
[substantiv., 1756, Voltaire] ; sens 2, 1690,
Furetière [substantiv., 1837, Musset] ; sens 3,
1690, Furetière [être bien inspiré ; être mal
inspiré, 1873, Larousse ; ne pas être inspiré,
XXe s.]). 1. Qui est animé par l’inspiration
divine : Prophète inspiré. Tous les soirs, sur
les boulevards, un vieillard inspiré, portant
feutre et lavallière, traverse la foule en répétant sans arrêt : « Dieu est grand, venez à
lui... » (Camus) ; et substantiv. : S’exprimer
comme un inspiré. Un écrivain mystique,
un inspiré. Ϧ 2. Dans le domaine littéraire,
artistique, qui reçoit l’impulsion créatrice
de l’inspiration : Poète inspiré. Sitôt que
d’Apollon un génie inspiré... (Boileau) ; et
substantiv. : On reconnaît le poète — ou,
du moins, chacun reconnaît le sien — à ce
simple fait qu’il change le lecteur en« inspiré » (Valéry). Ϧ3. Fam. Être bien, mal
inspiré de, avoir l’idée heureuse, malheureuse de ; être bien, mal avisé de : Il a été
bien inspiré de remettre son voyage : l’avion
qu’il devait prendre s’est écrasé au sol. ϦNe
pas être inspiré, ne pas avoir d’idées ou ne
pas avoir les idées qu’il faudrait.
• SYN. : 1 illuminé, mystique, visionnaire.
& adj. (sens 1, 1820, Lamartine ; sens 2,
1669, Bossuet). 1. Qui marque, dénote ou
évoque l’inspiration divine ou poétique :
Air inspiré. Prendre un ton inspiré. Quelle
âme avait chanté sur des lèvres plus belles
| Et brûlé plus limpide en des yeux inspirés ? (Leconte de Lisle). Ϧ 2. Qui porte la
marque de l’inspiration : Livres inspirés ou
canoniques. OEuvre inspirée.
inspirer [ɛ̃spire] v. tr. et intr. (lat. inspirare, souffler dans, communiquer, insuffler,
inspirer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de spirare, souffler, respirer,
aspirer à ; fin du XIVe s., au sens 1 [« respirer,
haleter », XIIIe s. ; intransitiv., 1867, Littré] ;
sens 2, 1798, Acad.). 1. Inspirer de l’air, un
gaz, ou, intransitiv., inspirer, faire entrer
de l’air, un gaz dans les voies respiratoires :
Inspirer profondément. Ϧ2. Faire pénétrer,
insuffler dans la poitrine : Inspirer de l’air
dans la poitrine d’un noyé.
• SYN. : 1 aspirer, respirer. — CONTR. :
1 expirer.
& v. tr. (sens 1, v. 1150, Godefroy [écrit
espirer ; enspirer, v. 1190, Sermons de saint
Bernard ; inspirer, v. 1265, J. de Meung] ;
sens 2, 1664, Boileau [« ... faire naître l’inspiration... », av. 1696, La Bruyère ; cela ne
m’inspire pas, av. 1945, P. Valéry] ; sens 3,
1636, Monet [en parlant de choses..., 1665,
Racine] ; sens 4, 1660, Retz [en parlant
de choses, 1670, Molière] ; sens 5, fin du
XIIIe s. [en parlant d’une chose, av. 1778,
J.-J. Rousseau ; inspirer quelqu’un de,
1556, Bonivard] ; sens 6, 17 janv. 1643,
Guez de Balzac). 1. Animer d’un souffle,
d’un enthousiasme surnaturel (en parlant
de Dieu ou d’une divinité) : Dieu inspira
Moïse et les prophètes. La Pythie était inspirée par Apollon. La suite des événements
justifia pleinement que Mathathias était
inspiré (Bossuet). Ϧ2. Inspirer quelqu’un
(poète, artiste, créateur),lui communiquer
l’inspiration, l’enthousiasme, l’élan de la
création : La Muse inspire les poètes. Et
maudissant cent fois le démon qui m’inspire, | Je fais mille serments de ne jamais
écrire (Boileau). ϦSpécialem. En parlant
d’une personne ou d’une chose, faire
naître l’inspiration, être à l’origine de la
création, d’une oeuvre créée : Modèle qui
inspire un sculpteur. Montmartre a inspiré de nombreux peintres. La mort de La
Boétie a inspiré à Montaigne de très belles
pages sur l’amitié. Ϧ Fam. Cela ne m’inspire
pas, ne m’inspire guère, cela ne me tente
pas (guère), présente peu d’attrait pour
moi : La noyade ne l’inspire pas (Valéry).
Ϧ3. Inspirer quelque chose à quelqu’un,
faire naître en lui une idée, un sentiment,
une disposition durable (sens actif) :
Inspirer à un enfant l’horreur du mensonge,
le goût de la lecture. M. Chotard, aidé de
Tite-Live, m’inspirait des rêves sublimes
(France) ; en parlant de choses, déterminer,
provoquer : C’est la peur qui a inspiré sa
démarche. Des propos inspirés par la jalousie. La fausse honte et la crainte du blâme
inspirent plus de mauvaises actions que de
bonnes (Rousseau). Ϧ 4. Inspirer quelque
chose à quelqu’un, éveiller chez une personne certains sentiments dont on est l’objet (sens passif) : Il inspire le respect à tous
et même à ses adversaires. Je vis une belle
femme qui n’était plus de la première jeunesse, mais qui pouvait encore inspirer un
attachement (Chateaubriand). Une jeune
fille grande et belle, qui sur son passage
inspirait aux jeunes hommes un généreux
désir (France) ; en parlant de choses, être la
cause de : Attitude qui inspire la méfiance.
Son état de santé nous inspire les plus vives
inquiétudes. Ϧ5. Inspirer quelqu’un, déterminer son attitude, ses décisions par des
suggestions, des conseils : L’impératrice
Eugénie a souvent été accusée d’avoir mal
inspiré Napoléon III ; en parlant d’une
chose, être le principe, la règle des actions,
du comportement d’une personne : C’est
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l’amour maternel qui l’a inspirée. Ϧ Class.
et littér. Inspirer quelqu’un de (suivi de
l’infinitif), lui suggérer la pensée de : Et
l’inspirant bientôt de rompre avec Florange,
| Donnez-moi le moyen de montrer qu’à
mon tour | Je sais pour un ami contraindre
mon amour (Corneille). Nous sommes inspirés d’être pour nous plus sévères (Valéry).
Ϧ6. Inspirer quelque chose, en être l’instigateur, en suggérer l’idée, le dessein, sans
apparaître soi-même comme l’auteur ou
l’exécutant : Inspirer une réforme, un complot. Il juge, il préside, il inspire | Toutes
choses dans son empire (Baudelaire).
• SYN. : 3 communiquer, infuser, insuffler ;
engendrer, susciter ; 4 allumer, faire naître,
forcer, imposer, provoquer ; commander ;
5 agir sur, conseiller, incliner, infléchir,
influencer, mener ; animer, pousser ;
6 souffler.
& s’inspirer v. pr. (1829, Boiste [en parlant
de choses, 1873, Larousse]). S’inspirer de
quelqu’un, de quelque chose, le prendre
pour modèle de son action, trouver chez
quelqu’un des exemples, tirer des idées
de quelque chose : Un poète attardé qui
s’inspire des symbolistes, du symbolisme.
S’inspirer de ses lectures, des conseils de
quelqu’un, de la vie d’un grand homme.
Tenter de recomposer les frontons du
Parthénon [...] en s’inspirant du style de
ces inimitables morceaux [...], quoi de plus
légitime ? (Renan) ; en parlant des choses,
manifester l’influence de, procéder de :
Une reliure dont la décoration s’inspire de
l’art abstrait. Cette comédie s’inspire du
plus mauvais vaudeville. Tous ses actes
s’inspiraient d’un esprit de sagesse et de
bienveillance (France).
• SYN. imiter.
instabilité [ɛ̃stabilite] n. f. (lat. instabilitas, mobilité, de instabilis [v. l’art. suiv.] ;
début du XIIIe s., au sens 4 ; sens 1-2, 1867,
Littré [pour un produit pétrolier, 1962,
Larousse] ; sens 3, 1959, Robert ; sens 5,
1601, P. Charron). 1. Caractère de ce qui
manque de stabilité, d’équilibre : Alors,
c’est l’instabilité. Il va falloir changer la cel-
lule ou le moteur [de l’avion] (Croisset).
Ϧ 2. Caractère d’un composé qui n’est pas
stable chimiquement : L’instabilité d’un
acide, d’un sel. ϦSpécialem. Caractère
d’un produit pétrolier dont une caractéristique se détériore après un certain
temps de stockage : On remédie à l’instabilité par des inhibiteurs. Ϧ 3. Caractère,
état d’une personne qui ne s’établit pas
à demeure dans un lieu : L’instabilité du
peuple gitan. Ϧ 4. Fig. Caractère de ce qui
a tendance à changer continuellement :
Instabilité des prix. Instabilité gouvernementale. Instabilité de la fortune, des choses
humaines. Quand on vit dans une perpétuelle instabilité publique, on est tenté de ne
pas croire à l’immortalité littéraire (SainteBeuve). Ce qu’il reprochait à la spéculation,
c’était la continuelle instabilité, les grosses
sommes aussi vite perdues que gagnées
(Zola). Ϧ 5. Caractère d’une personne qui
est sujette à des variations continuelles et
rapides de ses dispositions intellectuelles et
affectives : Instabilité d’humeur, de caractère. Instabilité mentale. Ϧ Spécialem. État
des enfants qui présentent un ensemble
d’anomalies du caractère et du comportement : incapacité de rester en place, de
fixer l’attention, d’avoir une activité suivie, etc., entraînant une inadaptation à la
vie et à la discipline scolaires : Instabilité
psychomotrice vraie.
• SYN. : 1 déséquilibre ; 3 mobilité, nomadisme ; 4 fluctuation, fragilité, incertitude,
mutabilité, oscillation, précarité, varia-lion,
vicissitude ; 5 inconstance, saute, variabilité, versatilité. — CONTR. : 1 équilibre ;
2 stabilité ; 3 sédentarisme ; 4 fermeté, fixité,
immutabilité, invariabilité, permanence,
sécurité ; 5 constance, égalité, équilibre.
instable [ɛ̃stabl] adj. (lat. instabilis, chancelant, mouvant, variable, inconstant, de
in-, préf. à valeur négative, et de stabilis,
propre à la station droite, ferme, solide, dér.
de stare, se tenir debout, se tenir ferme ;
v. 1220, Coincy, au sens 4 ; sens 1, v. 1530,
C. Marot [en mécanique, 1867, Littré] ; sens
2, 1867, Littré ; sens 3, 1959, Robert ; sens
5, av. 1830, B. Constant). 1. Qui manque
de stabilité, dont l’assise n’est pas ferme :
Un échafaudage instable. Être dans une
position instable. ϦSpécialem. En mécanique, se dit d’un équilibre que le plus
léger déplacement du corps en équilibre
suffit à détruire. Ϧ2. Se dit d’un composé
chimique qui se décompose facilement : Un
corps, une combinaison instable. Ϧ 3. Qui
ne s’établit pas à demeure dans un lieu,
qui se déplace constamment : Population
nomade et instable. Une main-d’oeuvre
instable. Ϧ 4. Qui peut changer, varier
d’un moment à l’autre : Temps instable.
Situation politique instable. Ϧ5. Fig. Qui
ne repose pas sur des bases solides, qui n’a
pas de caractère durable : Un gouvernement
instable.
• SYN. : 1 bancal, boiteux, branlant, chancelant ; 3 ambulant, errant, mobile, nomade,
vagabond ; 4 fluctuant, précaire, variable ;
5 ragile, précaire. — CONTR. : 1 solide,
stable ; 4 fixe, immuable ; 5 durable, ferme.
& adj. et n. (XVe s., Perceforest [rare av. le
milieu du XIXe s. ; caractère instable, 1867,
Littré]). Se dit d’une personne qui n’est
pas stable psychiquement, qui manque
de constance dans ses dispositions intellectuelles et affectives : Vous êtes une instable, Claire (Bernstein) ; et par extens. :
Un caractère instable. Ϧ Spécialem. Se dit
des enfants atteints d’instabilité.
• SYN. : déséquilibré. — CONTR. : équilibré,
stable.
instablement [ɛ̃stabləmɑ̃] adv. (de
instable ; v. 1380, Aalma). De façon instable.
(Peu usité.)
installage [ɛ̃stalaʒ] n. m. (de installer ;
1902, Larousse). Dans l’armée, exposition
d’objets du fourniment sur le lit : Et parfois,
en train de passer une revue d’installage,
[le capitaine] s’arrêtait (Proust).
installateur [ɛ̃stalatoer] n. m. (dér. savant
de installer ; 23 avr. 1863, Journ. des débats,
au sens I ; sens Il, 11 mars 1875, Journ. officiel, p. 801).
I. Celui qui installe un dignitaire. (Rare.)
II.Spécialiste qui assure l’installation
de certains appareils : Un installateur de
chauffage central.
installation [ɛ̃stalasjɔ̃] n. f. (de installer ;
1349, Godefroy, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1580,
R. Li. R. [XX, 82] ; sens 1, 3, début du XXe s. ;
sens 1, 4, av. 1960, A. Camus ; sens II, 1,
1611, Cotgrave ; sens il, 2, 1867, Littré ; sens
II, 3, 1879, Loti).
I. 1. Action d’installer un dignitaire
ecclésiastique, de l’établir solennellement dans sa charge : L’installation d’un
évêque. Ϧ 2. Formalité qui accompagne
l’entrée en service de certains fonctionnaires, et à l’accomplissement de laquelle
l’exercice de la fonction est subordonné :
Installation d’un magistrat. Procéder à
l’installation d’un tribunal. Ϧ3. Action
de s’installer en un lieu ou dans un local
d’habitation : Son installation dans le
Midi n’est pas définitive. Inviter des amis
pour fêter son installation. Ϧ 4. Fig. État
d’une personne « installée », qui jouit
d’une situation matérielle stable et aisée :
J’ai appris à cette époque une vérité qui
m’a toujours poussé à recevoir les signes
du confort ou de l’installation avec ironie
(Camus).
II. 1. Action d’installer, de mettre en
place certains objets ou certains appareils, en vue d’un usage déterminé :
L’installation de l’eau, de l’électricité, du
chauffage central. L’installation du branchement est à la charge du propriétaire.
Ϧ 2. Action d’installer un local d’habitation, un local industriel ou professionnel,
de l’aménager en vue de sa destination :
L’installation d’une salle de bains, d’un
appartement. L’installation d’une boutique, d’une usine, d’une imprimerie. Il a
surveillé personnellement l’installation de
sa villa. Ϧ 3. Ensemble des objets, des appareils mis en place, des locaux aménagés
en vue d’un certain usage : Une installation frigorifique, thermique. Une installation sanitaire défectueuse. Au lendemain
de la guerre, toutes les installations portuaires de la ville étaient détruites. Sur
plusieurs kilomètres, le fleuve est bordé
par des installations industrielles. Le
bombardement des installations au sol.
• SYN. : I, 1 intronisation, investiture ; 3
emménagement, établissement. Ϧ II, 2
aménagement, décoration ; 3 équipement.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2665
& installations n. f. pl. (1962, Larousse).
En comptabilité, ensemble organique de
biens meubles et immeubles.
installé, e [ɛ̃stale] adj. (part. passé de
installer ; 1962, Larousse). Fam. Qui est
parvenu à une situation stable, qui vit dans
l’aisance, le confort : Un homme installé.
Les gens installés.
• SYN. : arrivé, nanti, pourvu. — CONTR. :
défavorisé, démuni, raté (fam.).
installer [ɛ̃stale] v. tr. (lat. médiév. installare, établir [un dignitaire ecclésiastique]
dans sa fonction, proprem. « [le] mettre
dans une stalle d’église », du lat. class. in-,
préf. marquant le mouvement vers, et du
lat. médiév. stallum, stalle, du francique
*stal, état, position, étal ; milieu du XIVe s.,
au sens 1, 2 ; sens I, 1, XVe s., Dict. général ;
sens I, 3 et 11, 2, 1873, Larousse ; sens 1, 4,
1690, Furetière ; sens II, 1, 1596, Hulsius ;
sens II, 3, 1867, Littré).
I. INSTALLER QUELQU’UN 1. Établir solennellement dans sa charge un dignitaire ecclésiastique : Installer un évêque,
un pape. Ϧ2. Établir officiellement dans
son emploi le titulaire de certaines fonctions : Installer le président d’un tribunal.
Ϧ 3. Mettre quelqu’un à la place qu’il est
appelé à occuper : Installer une personne
âgée dans un fauteuil, un blessé sur un
brancard. Ϧ 4. Établir quelqu’un dans un
lieu, dans une habitation, d’une manière
durable : Installer sa famille à la campagne. Être bien, mal installé. Félicité, un
quart d’heure après, était installée chez
elle (Flaubert).
II. INSTALLER QUELQUE CHOSE 1. Mettre,
disposer quelque chose à une place déterminée : Installer un fauteuil devant la
fenêtre. Installer sa tente sous les arbres.
Ϧ 2. Mettre en place, en faisant les travaux nécessaires, un objet ou un appareil, un ensemble d’objets ou d’appareils
destinés à un usage déterminé : Installer une lampe de bureau. Faire installer
une antenne de télévision, un dispositif
d’alarme. Installer le chauffage central.
Installer l’électricité et le gaz. Ϧ 3. Aménager un local en y disposant tout ce qui
est nécessaire à l’habitation ou à une activité donnée : Installer un appartement.
Installer une boutique, une usine. Installer un laboratoire, une imprimerie.
• SYN. : I, 1 introniser ; 3 caser (fam.) ;
4 loger. || II, 1 dresser, monter, placer, poser ;
3 agencer, équiper.
& v. intr. (1888, Esnault [installer ; en installer, 1917, Esnault]). Pop. Installer ou en
installer, avoir une attitude prétentieuse,
chercher à se donner de l’importance, à en
faire accroire sur sa situation, ses capacités : Il ne déteste pas « installer » pour ses
proches et pour la domesticité (Deval).
& s’installer v. pr. (sens 1, 1690, Furetière
[« se mettre... dans une position commode », 1867, Littré] ; sens 2-3, 1690,
Furetière [« s’établir quelque part pour
y exercer une activité », fin du XVIe s.,
Brantôme] ; sens 4, 1935, Mauriac ; sens 5,
1852, Baudelaire). 1. Se mettre, se placer à
un endroit déterminé, en général pour un
certain temps : S’installer à la terrasse d’un
restaurant pour y déjeuner. Les forains s’installaient sur les remparts (France). Ϧ Fam.
Se mettre, s’établir dans une position
commode : S’installer dans un fauteuil.
S’installer confortablement dans le coin de
son compartiment. Ϧ 2. Se fixer durablement en un lieu pour y résider, y travailler :
S’installer à Paris, en province, à la campagne. Ϧ3. S’établir dans un local d’habitation, un local professionnel, etc. : S’installer
dans un nouvel appartement. Ses parents
se sont installés chez lui l’année dernière.
Une société qui s’installe dans des bureaux
tout neufs. La demeure où je viens de m’installer (Vailland). Ϧ Spécialem. S’établir
quelque part pour y exercer une activité :
S’installer à son compte. Commerçant
qui vient de s’installer. Ϧ 4. Fig. et littér.
S’installer dans quelque chose, s’établir
dans une situation que l’on accepte, un
état d’esprit que l’on fait sien : S’installer
dans la pauvreté, dans le mensonge. Pays
qui s’installe dans la pénurie. Un homme
souffre et subit malheurs sur malheurs. Il
les supporte et s’installe dans son destin
(Camus). Ϧ5. Fig. En parlant d’une chose,
s’établir, s’imposer durablement : Cette idée
de la mort s’installa définitivement en moi
comme fait un amour (Proust). Le soir tombait, une douceur brève s’installait dans le
ciel (Camus).
• SYN. : 1 s’asseoir, s’établir ; 2 se carrer,
s’enfoncer, se prélasser ; 3 emménager ; 4 se
résigner ; 5 s’ancrer, se fixer, s’implanter.
installeur, euse [ɛ̃staloer, -øz] n. (de installer ; 1918, Esnault). Pop. Personne qui
« en installe », qui cherche à en imposer
par une attitude prétentieuse.
instamment [ɛ̃stamɑ̃] adv. (de instant
1 ; 1378, Delisle, Mandements, écrit instanment ; instamment, fin du XIVe s.). De
façon instante, pressante : Et comme il la
pressait instamment de faire cette démarche
auprès du ministre, elle fut prise d’un peu
de défiance (France). Et le sujet qui me
réclame le plus instamment, sitôt après, se
développe cependant à l’autre extrémité de
moi-même (Gide).
instance [ɛ̃stɑ̃s] n. f. (lat. instantia,
imminence, proximité, application assidue, demande pressante, de instans, -antis
[v. INSTANT 1] ; 1288, BEC [XXIX, 181], au
sens I, 2 [avec instance, 1564, J. Thierry ; au
plur., 1693, Racine] ; sens 1, 1, 1534, Rabelais
[« effort », v. 1355, Bersuire] ; sens Il, 1, 1636,
Monet ; sens Il, 2, v. 1361, Oresme [affaire en
instance, 1893, Courteline] ; sens II, 3, 1690,
Furetière [juge d’instance, 1962, Larousse
— juge de première instance, 1867, Littré] ;
sens II, 4, milieu du XXe s. ; sens 11, 5, 1955,
Lagache).
I. 1. Class. Soin empressé : Et notre plus
grand soin, notre première instance |
Doit être à le nourrir [l’esprit] du suc de
la science (Molière). Ϧ2. Class. Action
de solliciter de façon pressante ; insistance : C’est cet ami savant qui m’a fait
tant d’instance | De lui donner l’honneur
de votre connaissance (Molière). Ϧ Auj.
En ce sens, n’est plus usité que dans la
loc. avec instance et au pluriel : Demander, prier avec instance. Résister à toutes
les instances. Céder aux instances de
quelqu’un. Mme Scarron ne consentit pas,
malgré les plus pressantes instances, à accepter l’appartement que lui offrait dans
son hôtel le maréchal d’Albret (Bailly).
II. 1. Dans la logique scolastique, nouvel
argument allégué pour réfuter la réponse
faite à une première objection : J’ai négligé de répondre au gros livre d’instances
que l’auteur des cinquièmes objections
[Gassendi] a produit contre mes réponses
(Descartes). Ϧ2. En droit, série des actes
d’une procédure ayant pour objet de
saisir un tribunal d’une contestation,
d’instruire la cause et d’obtenir le jugement : Introduire, engager une instance
contre quelqu’un. Instance en divorce.
Exploit introductif d’instance. Péremption d’instance. Ϧ Affaire en instance,
affaire pendante, dont on attend la solution. Ϧ 3. Degré de juridiction : Être en
première instance. Ϧ Tribunal d’instance,
de grande instance, v. TRIBUNAL. Ϧ Juge
d’instance, nouvelle dénomination du
juge de paix. Ϧ 4. Autorité, institution,
organisme qui a un pouvoir de décision :
instances internationales. Les instances
politiques d’un pays. Cet ordre émane des
plus hautes instances de l’organisation.
Ϧ 5. Dans le vocabulaire de la psychana-
lyse, chacune des trois parties de l’appareil psychique (le ça, le moi, le surmoi)
qui représentent les trois groupes de motivations de la personnalité.
• SYN. : II, 2 procédure, procès, requête.
& En instance loc. adv. (1931, Larousse). En
attente : Des colis restés en instance.
& En instance de loc. prép. (v. 1360,
Froissart, au sens de « dans l’intention
de » ; sens actuel, 1962, Larousse). Près de,
sur le point de : Être en instance de départ.
Conscrit qui est en instance d’incorporation.
1. instant, e [ɛ̃stɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. instans,
-antis, présent, pressant, menaçant, part.
prés. adjectivé de instare, se tenir sur, serrer
de près, menacer vivement, être imminent,
de in-, préf. marquant la localisation, et de
stare, se tenir debout, se tenir ferme ; fin
du XIIIe s., au sens 1 [« imminent » ; « pressant, urgent », v. 1360, Froissart] ; sens 2,
av. 1559, J. Du Bellay). 1. Vx ou littér. Qui
est imminent, ou pressant, urgent : Le
Régent avait accoutumé de me faire part
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des choses secrètes les plus importantes qui
demandaient des partis instants à prendre
(Saint-Simon). L’espoir est un scepticisme :
c’est douter du malheur instant (Valéry).
Ϧ2. Qui presse vivement, ne laisse pas de
répit : Prière, demande instante. Il ravit
brusquement aux autres l’avenir, son avenir
jaloux. Et qu’y a-t-il en nous de plus vivant
et plus instant ? (Valéry).
2. instant [ɛ̃stɑ̃] n. m. (emploi substantivé du précéd. ; 1377, Oresme, au sens
1 [« moment qui, relativement, semble
court, quelle que soit sa durée réelle »,
1580, Montaigne ; ellipt. un instant, 1835,
Acad.] ; sens 2, 1758, d’après Féraud, 1787
[« le moment présent », 1896, Louÿs]).
1. Moment très court, perçu comme une
totalité : Le plaisir vaporeux fuira vers
l’horizon | Ainsi qu’une sylphide au fond
de la coulisse ; | Chaque instant te dévore
un morceau du délice | À chaque homme
accordé pour mute sa saison (Baudelaire).
Je demeurai quelques instants encore à
contempler le visage endormi de la vieille
(Gide). Marie-Anne retrouvait tous ces ins-
tants et les faisait durer dans sa mémoire
(Aymé). Ne pas perdre un instant. Cessez
un instant de parler ! Ϧ Par exagér. Moment
qui, relativement, semble court, quelle que
soit sa durée réelle : Nous ne sommes qu’un
instant sur la terre (Massillon). ϦEllipt. Un
instant, attendez un moment : Un instant,
je viens. Ϧ2. Moment précis, situé dans
le temps : Et l’instant où je parle est déjà
loin de moi (Boileau). Attendre l’instant
propice. Tout ce qui, l’instant d’avant, était
verdure devient bleu, autour de cette rouge
flamme immobile (Colette). Ϧ Spécialem.
Le moment présent : Vivre dans l’instant.
• SYN. : 1 minute, moment, seconde ; 2
heure, temps.
& À l’instant loc. adv. (sens 1, av. 1589,
J. A. de Baïf [ tout à l’instant, 1678, La
Fontaine] ; sens 2, XXe s. ; sens 3, 1937,
Madelin [ à l’instant que, même sens, av.
1841, Chateaubriand]). 1. Sans attendre,
aussitôt : Nous montâmes à cheval à l’instant (Chateaubriand). ϦTout à l’instant
(vx), à l’instant même, sur-le-champ. Ϧ2. Il
y a un instant : Je sors de chez lui à l’instant.
Ϧ3. À l’instant où, au moment même où.
& En un instant loc. adv. (1495, Maulde
La Clavière, p. 669). Rapidement, très vite.
& Dans un instant loc. adv. (1694, Acad.).
Sans tarder, bientôt.
& À chaque instant, à tout instant loc. adv.
(1580, Montaigne [ à chaque instant ; à tout
instant, 1787, Féraud). Très souvent, tout le
temps : À tout instant, le téléphone sonne.
& D’instant en instant loc. adv. (1735,
Lesage). En ne laissant que de courts intervalles, presque continuellement : La foule
grossissait d’instant en instant.
& Dans l’instant loc. adv. (1689, Racine).
Class. A l’heure même : Si le roi, dans l’instant, pour sauver le coupable, | Ne lui donne
à baiser son sceptre redoutable (Racine).
& Pour l’instant loc. adv. (1839, Musset).
Pour le moment.
& Par instants loc. adv. (1833, V. Hugo).
Par moments, de temps en temps.
& De tous les instants loc. adj. (1830,
Stendhal). Sans répit, incessant : Dans ces
pays, l’homme doit livrer une lutte de tous
les instants.
& Dès l’instant que loc. conj. (1835, Acad.).
Du moment que, puisque.
instantané, e [ɛ̃stɑ̃tane] adj. (de instant
2, d’après momentané ; 1604, Brunot, au
sens 1 [pour le verbe qui exprime l’action
sans durée, début du XXe s.] ; sens 2, 1867,
Littré ; sens 3, 1875, Larousse, art. photographie [XII, 112 a]). 1. Qui ne dure qu’un instant, qui est d’une durée très courte : Lueur
instantanée. Que sommes-nous, sinon un
équilibre instantané d’une foule d’actions
cachées ? (Valéry). Ϧ Spécialem. Se dit du
verbe qui exprime l’action sans durée : Ces
distinctions qu’a adoptées la grammaire
comparée entre verbes duratifs ou instantanés, perfectifs ou imperfectifs, inchoatifs, itératifs, terminatifs... (Vendryes).
Ϧ 2. Qui se produit dans l’instant, subitement : Décision, mort instantanée. Ϧ3. Vx.
Photographie instantanée, s’est dit pour
INSTANTANÉ, n. m. (au sens 1).
• SYN. : 1 bref ; 2 brutal, immédiat, soudain, subit. — CONTR. : 1 durable, éternel,
permanent ; 2 insensible, lent, progressif.
& instantané n. m. (sens 1, 1922, Larousse ;
sens 2, v. 1935 ; sens 3, 1902, Larousse).
1. Prise de vue effectuée avec un temps de
pose très court, et dans laquelle l’ouverture
et la fermeture de l’obturateur de l’appareil
sont obtenues par une seule pression sur
le dispositif de déclenchement : Il avait
la chance et le malheur d’être photogénique ; ses photos remplissaient la maison :
comme on ne pratiquait pas l’instantané,
il y avait gagné le goût des poses et des
tableaux vivants ; tout lui était prétexte
à suspendre ses gestes, à se figer dans une
belle attitude, à se pétrifier ; il raffolait de
ces courts instants d’éternité où il devenait
sa propre statue (Sartre). Ϧ 2. Temps de
pose qui s’échelonne entre 1 seconde et
1/1 500 de seconde : Instantané lent, rapide.
Ϧ3. Cliché, image obtenus dans ces conditions : Je suis venu avec mon Kodak pour en
prendre un instantané (Bourget).
instantanéiser [ɛ̃stɑ̃taneize] v. tr. (dér.
savant de instantané ; 1920, Proust). Rendre
instantané : Par là, l’artiste donne, en l’instantanéisant, une sorte de réalité historique
vécue au symbole de la fable (Proust).
instantanéisme [ɛ̃stɑ̃taneism] n. m.
(dér. savant de instantané ; 1955, Kemp,
p. 267). Caractère de ce qui est lié à l’instant présent : Je crois même que dans le
jaillissement verbal, l’instantanéisme du
vocabulaire et des métaphores de Fargue...
(Kemp).
instantanéité [ɛ̃stɑ̃taneite] n. f. (dér.
savant de instantané ; 1735, d’après Féraud,
1787). Caractère de ce qui est instantané : L’instantanéité d’une vision de rêve
(Bourget). Ces modifications de la notion
qu’on a d’une personne ont l’instantanéité
d’une réaction chimique (Proust).
instantanément [ɛ̃stɑ̃tanemɑ̃] adv. (de
instantané ; 1787, Féraud). Sur-le-champ,
immédiatement : Mais, devant la grille du
cimetière, tout le monde, instantanément,
se tut (Flaubert). Le regard de ce personnage
me jeta instantanément dans un trouble
inconcevable (France). Tout cela défile instantanément dans la pensée (Bertrand).
• SYN. : aussitôt, d’emblée (fam.), sur l’heure,
à l’instant, séance tenante, soudainement,
subitement, tout de suite.
instar de (à l’) [alɛ̃stardə] loc. prép. (du
lat. instar, valeur, quantité, grandeur, et,
comme adv., « de la valeur de, à la ressemblance de » [ad instar, mêmes sens, en bas
lat. — avec la prép. ad, marquant la relation] ; 1572, A. Thierry, II, 208). À l’exemple
ou à la manière de : Agir, vivre, se conduire
à l’instar de quelqu’un. La Monarchie fut
démolie à l’instar de la Bastille, dans la
séance du soir de l’Assemblée nationale du 4
août (Chateaubriand). Le client achetait des
chaussures toutes faites, dans des magasins
à l’instar de Paris (France). Et l’on vit à
l’instar d’un modèle courant de l’humanité
qui nous est proposé depuis notre enfance
(Gide).
• SYN. : comme, à l’image de, à l’imitation
de.
• REM. On ne peut employer cette locution avec un adjectif possessif et dire : À
son instar, à leur instar.
instaurateur, trice [ɛ̃storatoer, -tris]
n. (bas lat. instaurator, celui qui restaure,
du lat. class. instauratum, supin de instaurare [v. INSTAURER] ; XIVe s. [mot rare entre
la fin du XVIe s. et 1802, Flick]). Personne
qui introduit, établit pour la première
fois quelque chose : Les instaurateurs de
la liberté.
• SYN. : auteur, créateur, fondateur, père,
promoteur.
instauration [ɛ̃storasjɔ̃] n. f. (lat. instauratio, reconstruction, réparation, renouvel-
lement, reprise, de instauratum, supin de
instaurare [v. INSTAURER] ; XIVe s.). Action
d’instaurer, d’établir quelque chose ; fondation, institution : Travailler à l’instauration d’un gouvernement de salut public.
L’instauration des jeux Olympiques.
• SYN. : création, établissement, intronisation, organisation.
instaurer [ɛ̃store] v. tr. (lat. instaurare,
renouveler, célébrer de nouveau, établir,
dresser, faire ; v. 1355, Bersuire, au sens 1 ;
sens 2, av. 1924, A. France [les ex. du mot,
relativement rares aux XVIIe et XVIIIe s.,
redeviennent fréquents depuis 1803,
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Boiste]). 1. Fonder, établir une institution :
Instaurer un régime. Mais peut-être ne fautil pas demander à la guerre — ni même à la
politique — de pouvoir instaurer jamais une
paix véritable ? (Valéry). Ϧ2. Introduire,
établir pour la première fois : Instaurer
un usage, une mode. Le latin classique fut
instauré dans les écoles par les savants de
la Renaissance (France).
• SYN. : constituer, créer, fonder, implanter,
importer, inaugurer, introniser, promouvoir.
instigateur, trice [ɛ̃stigatoer, -tris] n.
(lat. instigator, celui qui excite, instigateur, de instigatum, supin de instigare [v.
INSTIGUER] ; 1363, Ordonnance royale).
Personne qui incite, pousse à faire quelque
chose (le plus souvent en mauvaise part) :
L’instigateur d’un crime, d’un complot ;
et par extens. : Cette Société des Nations
devait être l’instigatrice d’une politique et
d’une économie internationales ; aboutir
à une coopération générale, organisée, qui
soit enfin à l’échelle de la planète (Martin
du Gard).
• SYN. : fauteur, incitateur, inspirateur, promoteur, protagoniste.
instigation [ɛ̃stigasjɔ̃] n. f. (lat. instigatio,
action d’émouvoir, d’exciter, de instigatum,
supin de instigare [v. l’art. suiv.] ; v. 1355,
Bersuire). Action d’inciter quelqu’un à
faire quelque chose (rare) : L’âme sent, à
de certaines instigations confuses, qu’il [le
Saint-Esprit] veut quelque chose qu’elle ne
peut comprendre (Bossuet). Obéir à l’instigation d’un meneur.
• SYN. : conseil, exhortation, impulsion, insinuation, inspiration, intuition, suggestion.
& À l’instigation de, sur l’instigation de
loc. prép. (1332, Dict. général [à l’instigation
de ; sur l’instigation de, 1962, Larousse]).
En étant poussé par : Il ne peut s’adresser
aux vendeurs, qui agissaient très probablement à l’instigation de ses ennemis et qui
ont disparu (Lacretelle).
instiguer [ɛ̃stige] v. tr. (lat. instigare, exciter, stimuler, pousser à ; v. 1355, Bersuire).
Vx. Exciter, pousser à faire quelque chose :
Instiguer à la révolte. Instigué par la pauvreté de ses moyens (Pourrat).
instillateur [ɛ̃stilatoer] n. m. (dér. savant
de instiller ; 1902, Larousse). Tout appareil permettant de doser et d’employer par
gouttes un liquide médicamenteux.
instillation [ɛ̃stilasjɔ̃] n. f. (lat. instillatio, instillation, de instillatum, supin de
instillare [v. INSTILLER] ; 1495, Vignay, écrit
instillacion [instillation, 1549, R. Estienne],
au sens 1 ; sens 2, 1931, Larousse). 1. Action
de verser, de faire pénétrer goutte à goutte
un liquide : Laver une plaie par instillation. Seringue à instillations. Instillations
nasales, auriculaires. Avant de se mettre à
table, il prenait généralement la précaution
de se faire quelques instillations, afin d’atténuer la difficulté de la déglutition (Martin
du Gard). Ϧ 2. Spécialem. Méthode thérapeutique qui consiste à introduire dans une
cavité de l’organisme un liquide médicamenteux : Instillation vésicale.
instiller [ɛ̃stile] v. tr. (lat. instillare, verser
goutte à goutte dans, insinuer, de in-, préf.
marquant le mouvement vers, et de stillare,
tomber/faire couler goutte à goutte, dér. de
stilla, goutte, très petite quantité ; v. 1501,
Jardin de Plaisance, au sens 1 ; sens 2, 1574,
Huguet). 1. Verser, faire pénétrer goutte à
goutte : Instiller un médicament dans l’oeil.
L’animalcule doit donc instiller certain
virus, qui provoque un afflux exagéré de
sève (J. H. Fabre). Ϧ 2. Fig. Faire pénétrer
peu à peu : Instiller le doute dans l’esprit.
• SYN. : 2 infuser, inoculer, insinuer,
insuffler.
instinct [ɛ̃stɛ̃] n. m. (lat. instinctus,
instigation, excitation, impulsion, de instinctum, supin de instinguere, pousser, exci-
ter ; 1495, Vignay, écrit instincte [instinct,
1538, R. Estienne], au sens 1 ; sens 2, 1580,
Montaigne [aussi chez l’homme] ; sens 3,
1968, Larousse ; sens 4, 1591, Desportes
[« ... aptitude naturelle à quelque chose »,
1843, Lamartine] ; sens 5, v. 1660, La
Rochefoucauld). 1. Class. (déjà vx au
XVIIe s.) et littér. Impulsion, stimulation
qu’un être animé reçoit d’un agent extérieur : Une inspiration, un instinct venu
du Saint-Esprit (Bossuet). Conscience !
conscience ! instinct divin, immortelle
et céleste voix, guide assuré [...], juge
infaillible du bien et du mal (Rousseau).
Ϧ2. Tendance naturelle et innée, existant
surtout chez l’animal, qui pousse les individus d’une même espèce à accomplir des
actes déterminés, plus ou moins complexes,
uniformes, c’est-à-dire non perfectibles,
ordonnés à une fin dont le sujet n’a généralement pas conscience ; les actes ou le
comportement qui en résultent : Instinct
de nidification. Instinct migratoire. Instinct
de mellification chez l’abeille. Averti par
son instinct de sang, le rapace plane toujours en quelque coin du ciel (Pesquidoux).
Ϧ Spécialem. Chez l’homme, se dit plus
particulièrement des activités élémentaires
automatiques liées à la vie organique, des
tendances héréditaires générales ou de
tendances naturelles précises : Instinct
de la tétée chez le nourrisson. Instinct de
conservation. Instinct grégaire. Instinct
de copulation ou instinct sexuel. Instinct
maternel. Ϧ3. En psychanalyse, terme
désignant les forces psychiques qui agissent
à l’arrière-plan du ça et correspondent aux
exigences d’ordre somatique : Instincts de
vie. Instincts de mort. Ϧ 4. Au sens large,
chez l’homme, impulsion intérieure et personnelle, indépendante de la réflexion, de
caractère souvent irrationnel ou amoral,
qui détermine l’individu dans ses jugements, ses sentiments, ses actes : Tous mes
instincts sont purs et me portent au bien
(Lamartine). Des souvenirs le répugnaient,
la bassesse des convoitises, la grossièreté
des instincts (Zola). Tous les instincts de
bassesse et de férocité sont à nu (Rolland).
Il [Martin du Gard] n’admet pas que rien
puisse arrêter l’homme sur la pente de ses
instincts (Gide). Je pense que notre civilisation économique empêche les bons instincts
de se développer, de prendre le pas sur les
autres (Martin du Gard). Ϧ Spécialem.
Penchant irraisonné, aptitude naturelle
à quelque chose (vieilli) : Avoir l’instinct
du rythme, de la danse. Avoir l’instinct des
sciences, de la musique. Ϧ 5. Intuition qui
fait deviner, pressentir certaines réalités,
notamment les sentiments ou les désirs
des autres, ce qu’il convient de penser
ou de faire en une circonstance : Il y en
a [des gens] qui, par une sorte d’instinct
dont ils ignorent la cause, décident de ce
qui se présente à eux et prennent toujours
le bon parti (La Rochefoucauld). Mais il
était trop diversement doué, trop riche de
connaissances générales, et d’ailleurs trop
informé des choses de la vie par une sorte
d’instinct qu’il en avait, pour ne pas céder
comme distraitement à ce qu’il devait être
un jour (Valéry). Son instinct l’avertissait
que cette chambre, désormais, serait mieux
pour elle qu’un refuge : une raison de vivre
(Mauriac). Son instinct maternel l’avertissait qu’il [César] était amoureux de sa fille
(Aymé).
• SYN. : 4 inclination, tendance ; 5 inspiration, prémonition, prescience,
pressentiment.
& D’instinct, par instinct loc. adv.
(av. 1848, Chateaubriand [d’instinct ; par
instinct, 1873, Larousse]). Par un mouvement naturel, spontané, et sans intervention de la réflexion : Employer, utiliser
d’instinct les meilleurs moyens. La faiblesse
et la timidité sont portées d’instinct vers le
courage et la force (Chateaubriand). Toutes
les créatures s’étaient mises d’instinct à soigner leurs petits (P. Hervieu).
instinctif, ive [ɛ̃stɛ̃ktif, -iv] adj. (de instinct ; 1803, Maine de Biran, p. 385). Qui
procède de l’instinct ou d’un instinct :
Désirs instinctifs. Antipathie instinctive.
Tendance instinctive. Réaction instinctive.
Geste, comportement instinctif. Le duc et
le général virent des faisans dans une clairière et, pris du désir instinctif et profond de
tuer, regrettèrent au-dedans d’eux-mêmes
de n’avoir pas de fusil (France). Je m’excuse
(et je m’accuse) de rêver quelquefois que
l’intelligence de l’homme, et tout ce par
quoi l’homme s’écarte de la ligne animale,
pourrait un jour s’affaiblir et l’humanité
insensiblement revenir à un état instinctif,
redescendre à l’inconstance et à la futilité du
singe (Valéry). Elle m’inspirait une horreur
silencieuse, un dégoût instinctif (Carco).
• SYN. : inconscient, inné, involontaire,
irréfléchi, machinal, naturel, spontané.
— CONTR. : acquis, conscient, réfléchi,
volontaire.
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2668
& adj. et n. (1883, Renan). Qui est dominé
par l’instinct, qui agit de façon impulsive
et sans prendre le temps de la réflexion :
L’humain mépris devrait frapper quiconque
fait vagir la première concupiscence dans
le cerveau ou les entrailles d’un instinctif
(Maurras). Il était beaucoup moins instruit, beaucoup moins intelligent, beaucoup
moins instinctif que vous, et c’est pourquoi je
l’aime encore, c’est pourquoi nous l’aimons
tous, bien qu’il nous ait tous fait souffrir
(Duhamel).
instinctivement [ɛ̃stɛ̃ktivmɑ̃] adv. (de
instinctif ; 1802, Catineau). De façon instinctive : Éviter instinctivement un obstacle.
Elle leva instinctivement le bras pour protéger l’enfant qu’elle tenait contre son sein
(France).
instinctivité [ɛ̃stɛ̃ktivite] n. f. (dér.
savant de instinctif ; 1832, Balzac).
Caractère d’une personne ou de ce qui
est instinctif : Une instinctivité tendre et
sans emploi (Goncourt).
instinctuel, elle [ɛ̃stɛ̃ktɥɛl] adj. (dér.
savant de instinct ; 1838, Acad). Qui relève
de l’instinct : Le caractère instinctuel
d’une activité élémentaire comme la tétée.
Pulsions instinctuelles.
instituer [ɛ̃stitɥe] v. tr. (lat. instituere,
placer dans, disposer, établir, fonder, organiser, de in-, préf. marquant la localisation,
et de statuere, établir, dér. de status, pose,
position, état, situation, de statum, supin de
stare, se tenir debout, se tenir ferme ; début
du XIIIe s., au sens de « établir [quelqu’un]
sur ses terres » [en parlant d’un seigneur] ;
sens I, 1, v. 1268, É. Boileau ; sens I, 2, milieu
du XVIe s., Amyot ; sens 1, 3, 1356, Bersuire ;
sens II, 1466, P. Michault ; sens III, 1762,
J.-J. Rousseau).
I.1.Vx. Instituer quelqu’un, l’établir
officiellement dans une charge : Instituer un fonctionnaire, un juge, un évêque.
Ϧ2. Instituer quelqu’un héritier, son héritier, en droit, le désigner comme héritier
par testament : Celui-ci avait institué
la jeune femme sa légataire universelle
(Zola). Ϧ 3. Instituer quelque chose, l’établir d’une manière durable, le fonder :
Instituer un tribunal. C’est Richelieu qui
a institué l’Académie française.
II. Class. Instituer quelqu’un, l’instruire
et l’éduquer de façon convenable : Estil plus important qu’un cheval soit bien
dressé qu’un enfant bien institué ? (Patru).
III. Vx. Instituer un peuple, une nation,
les doter d’institutions (rare) : Celui qui
ose entreprendre d’instituer un peuple
(Rousseau).
• SYN. : I, 3 créer, ériger, fonder, instaurer,
promouvoir.
& s’instituer v. pr. (1587, F. de La Noue, au
sens de « s’instruire » ; sens 1, 1867, Littré
[s’instituer ; s’instituer comme, milieu
du XXe s.] ; sens 2, av. 1784, Diderot).
1. S’instituer comme, en parlant d’une
personne, se donner une fonction de sa
propre autorité : Il s’est institué comme
arbitre du différend. Ϧ 2. En parlant d’une
chose abstraite, s’installer, s’imposer : Cette
comparaison s’institua involontairement
dans l’esprit du médecin (Bourget).
institut [ɛ̃stity] n. m. (lat. institutum, plan
établi, habitude, organisation [en matière
politique, civile, morale, religieuse], principes, part. passé neutre substantivé de
instituere [v. l’art. précéd.] ; fin du XVe s.,
au sens 1 ; sens 2, milieu du XVIe s. [var.
institute, 1552, Paradin ; « congrégation
de religieux... », 1690, Furetière] ; sens 3,
1765, Encyclopédie [Institut de France ou
Institut, fin du XVIIIe s. — 25 oct. 1795 ou
3 brumaire an IV, Bulletin des lois, sous le
nom de Institut national des sciences et des
arts] ; sens 4, depuis 1797 [cf. le Bulletin
des lois de cette année, qui définit l’Institut
d’Égypte, créé le 3 fructidor an VI] ; sens
5, 1908, Colette [institut de beauté, 1922,
Larousse]). 1. Class. Décision qui établit
quelque chose ; ce qui est ainsi établi : En
prononçant les mots que je vous ai dictés, |
Suivant mon institut, suivant mes volontés,
| Vous opérez l’effet de votre ministère [Jésus
parlant de l’institution de l’eucharistie]
(Corneille). Ϧ 2. Class. Règle d’un ordre
religieux ; l’ordre lui-même : Je vous en parlerai peut-être quelque jour, mes Pères : et
on sera surpris de voir combien vous êtes
déchus du premier esprit de votre institut
(Pascal). Ϧ Auj. Congrégation de religieux
non clercs ou de laïques : Instituts séculiers. Ϧ3. Dénomination de certains corps
constitués de gens de lettres, d’artistes, de
savants. ϦInstitut de France, ou, absol.,
l’Institut, la réunion des cinq Académies
(avec une majuscule) : Membre de l’Institut ; lieu où se réunissent les membres
de cette institution : Aller à l’Institut.
Ϧ4. Nom donné à certains établissements de recherche scientifique, d’enseignement, etc. : Institut océanographique.
Institut national de la statistique et des
études économiques. L’Institut Pasteur.
L’Institut catholique de Paris. L’Institut
français d’Athènes. Ϧ5. Nom adopté par
divers établissements, commerciaux ou
autres : Institut de coupe. Institut dentaire.
ϦInstitut de beauté, établissement dans
lequel on dispense des soins du visage et
du corps à des fins esthétiques : Les séances
qu’elle subit à son habituel institut de beauté
(Lecomte).
institutes [ɛ̃stityt] n. f. pl. (lat. instituta,
institutions, plur. [pris pour un fém. sing. au
Moyen Age] de institutum [v. l’art. précéd.] ;
1328, Douët d’Arcq, au sing. ; au plur., fin
du XVe s. [aussi absol.]). Manuel méthodique de droit romain : « Institutes » de
Gaius. « Institutes » de Justinien. Ϧ Absol.
Les « Institutes », le recueil rédigé par ordre
de Justinien.
instituteur, trice [ɛ̃stitytoer, -tris] n.
(lat. institutor, [celui] qui dispose, administre [et, à basse époque, « précepteur,
maître »], de institutum, supin de instituere
[v. INSTITUER] ; 1495, Vignay, au sens 1 [institueres, forme plus pop., 1399, Romania,
XXXIII, 28] ; sens 2, 1734, d’Argenson [un
premier ex. au milieu du XVe s.] ; sens 3,
13 mai 1793, Moniteur universel). 1. Class.
Celui qui a institué, fondé quelque chose
(au masculin) : Saint Augustin ne fut jamais
ni religieux ni instituteur d’aucun ordre
(Patru). L’instituteur de cet ordre, de cette
cérémonie (Acad., 1694). Ϧ2. Vx. Personne
chargée de l’éducation des enfants dans
une famille : Ces paroles me firent frémir,
car le nouvel instituteur ne pouvait être
évidemment qu’un jésuite remplaçant un
jésuite (Chateaubriand). Ϧ3. Spécialem.
Personne qui enseigne dans une école
primaire : Il donnait un intérêt, une âme,
une vie aux éléments les plus arides [...], il
était vraiment l’instituteur né (Zola). Le
sujet de son livre [« la Maternelle »] avait été
fourni à Frapié par sa femme, institutrice
à Ménilmontant (L. Descaves).
• SYN. : 3 maître [d’école].
institution [ɛ̃stitysjɔ̃] n. f. (lat. institutio,
disposition, arrangement, instruction, édu-
cation, méthode, doctrine, de institutum,
supin de instituere [v. INSTITUER] ; v. 1190,
Sermons de saint Bernard, écrit institucion
[institution, XIVe s.], au sens I, 3 [en droit,
en philosophie, 1564, Indice de la Bible] ;
sens I, 1, sIIIe s., Romania [XVII, 60], écrit
institucion [institution, XIVe s. ; d’institution, 1690, Bossuet ; institution canonique,
1902, Larousse — institution, même sens,
1721, Trévoux ; institution d’héritier, 1583,
Ragueau] ; sens I, 2, 1662, Bossuet ; sens I,
4, 1919, Proust ; sens II, 1, milieu du XVIe s.,
Amyot ; sens Il, 2, 1680, Richelet).
I. 1. Action d’instituer quelqu’un ou
quelque chose : L’institution des jeux
Floraux remonte au Moyen Âge. L’institution d’un pouvoir investi du droit de
mettre tout le monde d’accord [...] semble
au premier coup d’oeil un précieux bienfait
(Renan). Ϧ D’institution, se dit de ce qui a
été institué, fondé par l’homme : La propriété est d’institution. (V. aussi n. 3, ciaprès.) Ϧ D’institution (suivi d’un adjectif), qui a telle origine : Les évêques sont
d’institution apostolique. ϦInstitution
canonique, acte par lequel un supérieur
ecclésiastique met un clerc en possession
d’un office et de la juridiction qui y est
attachée. Ϧ Institution d’héritier, action
de désigner quelqu’un comme héritier,
par testament ou, parfois, par contrat de
mariage. Ϧ 2. Class. État dans lequel une
personne ou une chose est établie ; origine, condition primitive : La grandeur
et la dignité de l’homme dans sa première
institution (Bossuet). C’est rappeler la
poésie à son institution primitive que de
la faire servir ainsi à la religion (Rollin).
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Ϧ3. Ce qui est institué : Une institution
charitable. L’O. N. U. est une institution
internationale. En Turquie, toutes les institutions publiques sont dues à des particuliers (Chateaubriand). Ϧ Spécialem. En
droit, en philosophie, désigne ce qui est
établi par les hommes (mariage, famille,
association, gouvernement, Parlement,
propriété, etc.), par opposition à ce qui
est naturel : Institutions politiques, administratives, religieuses. Il montra la sainte
institution du mariage abolie, l’amour
retombé à la bestialité (Zola). Ϧ 4. Fam. et
plaisamm. Habitude : Voilà une heureuse
institution ! Le vol est ici une institution
nationale.
II. 1. Class. Action de former quelqu’un,
de l’instruire, de l’éduquer ; résultat de
cette action : La bonne institution sert
beaucoup pour corriger les défauts de la
naissance (Descartes). Ϧ 2. Établissement
privé d’enseignement et d’éducation :
Une institution libre, religieuse. Être à la
tête d’une institution de jeunes filles. Il est
à Paris, répétiteur dans une institution de
la rue Saint-Jacques (France).
• SYN. : I, 1 création, établissement, fondation, instauration, organisation. ϦII, 2 collège, école, institut, pension, pensionnat.
& institutions n. f. pl. (1794, Brunot). Lois
fondamentales qui régissent un pays ;
structures politiques et sociales d’un
État : Institutions démocratiques, monarchiques. Les institutions que nos ancêtres
ont adoptées après six mille ans d’expérience valent mieux que les constructions
d’imbéciles hâtifs et prétentieux (Maurois).
Agnès demanda si l’on ne pourrait pas lutter contre les institutions sans diffamer les
individus (Queneau).
• SYN. : constitution, régime.
institutionnalisation
[ɛ̃stitysjɔnalizasjɔ̃] n. f. (de institutionnaliser ; 1956, Burdeau). Action d’institutionnaliser quelque chose ; résultat de
cette action.
institutionnaliser [ɛ̃stitysjɔnalize] v.
tr. (dér. savant de institutionnel ; v. 1955,
P. Gilbert, p. 274). Transformer en institution, revêtir du caractère d’une institution :
La société [...] a même de diverses façons
institutionnalisé [le langage] (H. Berr).
institutionnalisme [ɛ̃stitysjɔnalism]
n. m. (dér. savant de institutionnel ; 1968,
Larousse). Tendance à multiplier les institutions, les organismes de contrôle, dans
les domaines politiques, économiques, etc.
institutionnel, elle [ɛ̃stitysjɔnɛl] adj.
(de institution ; 1939, Français moderne,
VIII, 95). Qui concerne les institutions
de l’État : Procéder à une réforme institutionnelle. Quel est le cadre institutionnel
dans lequel la présence française pourra
être maintenue.. ? (R. Aron). Ce serait un
marché de dupes si ces exigences devaient
servir à escamoter la rénovation politique
et institutionnelle dont nous avons besoin
(Camus).
instructeur [ɛ̃stryktoer] n. m. et adj. m.
(lat. instructor, ordonnateur, de instructum, supin de instruere [v. INSTRUIRE] ;
XIVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1867,
Littré [aussi adjectiv.] ; sens 3, 1636, Monet
[adjectiv., 1835, Acad.]). 1. Personne qui
instruit, qui est chargée de certaines tâches
d’instruction : Pédant, qui signifiait « instructeur de la jeunesse », est devenu une
injure (Voltaire). Ϧ2. Spécialem. Gradé ou
officier chargé d’une mission d’instruction
dans l’armée : Manuel de l’instructeur ; et
adjectiv. : Capitaine instructeur. Leur bâton
de sergent instructeur monarchique (Hugo).
Ϧ3. Magistrat chargé d’instruire une
affaire de justice : M. Popinot, l’instructeur
de cette épouvantable affaire, n’avait rien
pu obtenir de lui (Balzac) ; et adjectiv. : Je
vous répondrai comme je le ferais au magistrat instructeur, si quelqu’un pouvait enfin
s’aviser que ce tableau ait atterri dans ma
chambre (Camus). Juge instructeur.
instructif, ive [ɛ̃stryktif, -iv] adj. (dér.
de instruire, d’après le lat. instructum,
supin de instruere [v. INSTRUIRE] ; XIVe s.,
Godefroy). Qui instruit, apporte des
connaissances, une information : Ouvrage
instructif. Lecture instructive. Conversation
instructive.
• SYN. : culturel, didactique, documentaire,
éducatif.
instruction [ɛ̃stryksjɔ̃] n. f. (lat. instructio, action d’adapter, disposition, construction [et, à basse époque, « instruction », au
fig.], de instructum, supin de instruere [v.
INSTRUIRE] ; 1319, Isambert, au sens II, 3
[« directive donnée par le haut commandement militaire à ses subordonnés directs »,
1959, Robert] ; sens I, 1, XVe s., BEC, 6e série,
t. I, p. 359 [« formation dispensée dans les
établissements scolaires », 1771, Brunot ;
instruction publique, fin du XVIIIe s.] ;
sens I, 2, 1893, Dict. général [instruction
religieuse ; instruction militaire, XXe s.
— instruction, même sens, 1787, Encycl.
méthodique] ; sens I, 3, 1580, Montaigne ;
sens I, 4, 1662, Corneille [instruction pastorale, 20 nov. 1702, Mme de Maintenon] ;
sens II, 1, milieu du XVIe s., Amyot ; sens
Il, 2 et 4, 1962, Larousse ; sens II, 5, 1968,
Larousse ; sens III, 1636, Monet).
I.1.Action d’instruire quelqu’un, de
lui communiquer des connaissances et
de former son esprit : L’instruction d’un
enfant. Il serait fort possible que le père
[...] eût confié à un précepteur particulier
l’instruction de ses trois fils (Lanson).
Ϧ Spécialem. Syn. vieilli d’ENSEIGNEMENT, formation dispensée dans les
établissements scolaires : Instruction primaire, secondaire, professionnelle. Ϧ Instruction publique, celle qui est dispensée
dans les établissements scolaires de l’État.
Ϧ 2. Ensemble de connaissances relatives
à un certain domaine : Instruction religieuse. Instruction civique. Ϧ Instruction
militaire, ou simplem. instruction, formation donnée aux militaires, et notamment aux recrues, pour leur faire acquérir
les qualités (physiques et morales) et les
connaissances (théoriques et pratiques,
tactiques et techniques) devant leur permettre de remplir leur mission : Période
d’instruction. Instruction des recrues, des
gradés. Ϧ3. Savoir acquis par l’étude, par
l’enseignement reçu dans un établissement scolaire : Avoir de l’instruction, une
bonne instruction. Ϧ 4. Class. Leçon, précepte qu’on donne pour instruire : Nestor
lui donnait des instructions qu’il appuyait
de divers exemples (Fénelon). Ϧ Instruction pastorale, lettre d’un évêque à ses
diocésains pour éclairer un point de doctrine ou donner des consignes pratiques.
II. 1. Vx. Action d’instruire quelqu’un de
quelque chose, ou le fait d’être instruit
de quelque chose : Dieu les frappe [les
grands] pour nous avertir ; il ne craint pas
de les sacrifier à l’instruction du reste des
hommes (Bossuet). Je vous demande cela
pour mon instruction (Littré). Ϧ 2. Vx.
Indication de la manière dont un médicament doit être administré. Ϧ 3. Ordre
de service adressé par un supérieur à ses
subordonnés en vue de leur préciser la
conduite à tenir en telle ou telle circonstance : Instruction préfectorale. (V. aussi
INSTRUCTIONS n. f. pl., ci-après.) Ϧ Spécialem. Directive donnée par le haut
commandement militaire à ses subordonnés directs : Instruction personnelle
et secrète (abrév. I. P. S.). Ϧ 4. Règlement
militaire ayant une portée d’ordre général ou technique : Instruction générale sur
le tir de l’infanterie. Ϧ 5. Partie unitaire
d’un programme de machine à traiter
l’information, indiquant une opération
à effectuer.
III. Instruction judiciaire, ou simplem.
instruction, ensemble de la procédure
qui met une affaire en état d’être jugée :
Juge d’instruction. Le Code de procédure
pénale a remplacé, en 1958, le Code d’instruction criminelle. L’instruction du procès marcha avec une telle lenteur que sept
mois déjà s’étaient écoulés depuis l’arrestation de Saccard et d’Hamelin sans que
l’affaire pût être mise au rôle (Zola).
• SYN. : I, 1 éducation, enseignement, formation ; 3 bagage, connaissances, culture,
érudition.
& instructions n. f. pl. (sens 1, fin du
XVe s., Commynes [« ordres et renseignements donnés à un ambassadeur... »,
1580, Montaigne] ; sens 2, 1690, Furetière).
1. Indications, verbales ou écrites, données à quelqu’un pour la conduite d’une
affaire ou l’exécution d’une mission :
Exécuter ponctuellement les instructions
reçues. Attendre de nouvelles instructions.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2670
ϦSpécialem. Ordres et renseignements
donnés à un ambassadeur, à un envoyé
quelconque : Ambassadeur muni d’instructions secrètes. Ϧ2. Ensemble de prescriptions données par le fabricant pour
l’utilisation d’un appareil ou d’un produit :
Lire attentivement les instructions avant de
mettre en marche l’appareil.
• SYN. : 1 consignes, directives, mot d’ordre,
ordres, prescriptions ; 2 mode d’emploi.
instruction-machine [ɛ̃stryksjɔ̃maʃin]
n. f. (de instruction et de machine ; 1968,
Larousse). En informatique, instruction
codée en langage absolu, directement exécutable par un ordinateur.
• Pl. des INSTRUCTIONS-MACHINE.
instruire [ɛ̃strɥir] v. tr. (lat. instruere,
assembler dans, insérer, élever, bâtir, équiper, informer, disposer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de struere,
assembler, arranger, construire ; v. 1120,
Psautier d’Oxford, écrit enstruire [instruire,
fin du XIVe s.], au sens I, 1 [« dispenser à
quelqu’un... l’enseignement relatif à une
matière... », 1636, Monet — absol., 1668,
La Fontaine ; instruire quelqu’un à, 1667,
Racine ; instruire quelqu’un de, début du
XVIIe s., Malherbe] ; sens 1, 2, fin du XIVe s.,
E. Deschamps [absol., 1651, Scarron] ; sens
1, 3, 1677, Bossuet ; sens II, 1, v. 1170, Livre
des Rois, écrit enstruire [instruire, XVe s. ;
avec un complément d’objet et une proposition complétive, 1646, Du Ryer] ; sens II,
2, 1672, Boileau ; sens III, 1549, R. Estienne
[absol., 1867, Littré ; instruire le procès de
quelqu’un, au fig., 1778, Diderot]).
I. 1. Littér. Instruire quelqu’un,former
son esprit par des leçons, des préceptes,
par l’exemple : C’est ainsi que Dieu instruit les princes, non seulement par des
discours et par des paroles, mais aussi
par des effets et des exemples (Bossuet).
Bientôt vous recevrez de ma main un prophète | Qui viendra vous instruire et souffrir avec vous (Baudelaire). Ϧ Spécialem.
Dispenser à quelqu’un, notamment aux
jeunes, les connaissances de base, l’enseignement relatif à une matière, à une
science : Pour instruire les enfants d’une
manière agréable, il leur fit cadeau d’une
géographie en estampes (Flaubert). L’école
n’est pas seule à instruire les jeunes. Le milieu et l’époque ont sur eux autant et plus
d’influence que les éducateurs (Valéry).
Instruire des recrues ; et absol. : Le talent
d’instruire est de faire que le disciple se
plaise à l’instruction (Rousseau). Ϧ Vx.
Instruire quelqu’un à (suivi d’un infinitif), donner à quelqu’un les connaissances, la pratique pour : Je l’instruirai
moi-même à venger les Troyens (Racine).
ϦVx ou littér. Instruire quelqu’un de
(suivi d’un infinitif), lui apprendre à : Il
faut instruire ceux qui reçoivent de le faire
de bon coeur (Malherbe). Chaque doctrine
nous instruit d’abîmer les autres (Valéry).
Ϧ 2. En parlant de choses, apporter un
enseignement, servir de leçon, donner
de l’expérience à : L’adversité, le malheur,
les épreuves les ont instruits. Mais, si l’on
continue d’agir, instruit par l’insuccès, on
saura rectifier son action, et l’on finira par
réussir (Lanson) ; et absol. : Le théâtre
instruit mieux que ne fait un gros livre
(Voltaire). Ϧ 3. Class. Instruire un animal, le soumettre au dressage : Un cheval
de manège [...] le mieux instruit du monde
(La Bruyère).
II. 1. Instruire quelqu’un de quelque
chose,lui donner connaissance de quelque
chose, l’en informer : La presse a pour
mission de nous instruire des événements.
Nous sommes instruits de ce qui s’est passé. Quand il fut instruit de l’affaire, il ap-
prouva le Tétrarque (Flaubert). ϦClass.
En ce sens, s’employait (et s’emploie encore parfois littérairement) avec, outre
le complément d’objet, une proposition
complétive : Je puis l’instruire au moins
combien sa confidence | Entre un sujet et
lui doit laisser de distance (Racine). Pour
les instruire que la princesse Tverskoï était
l’âme du soviet (Hermant). Ϧ2. Class.
Donner ses instructions, ses directives :
Louis en personne, | Déjà prêt à passer,
instruit, dispose, ordonne (Boileau).
III. Instruire un procès, en droit, rassembler les éléments de preuve qui serviront
à sa solution : Instruire une affaire, le
procès de quelqu’un ; et absol. : Instruire
contre quelqu’un. Ϧ Fig. Instruire le
procès de quelqu’un, accumuler contre
quelqu’un, dans un domaine quelconque,
les preuves de sa culpabilité, les faits qui
le desservent.
• SYN. : I, 1 éduquer, enseigner (vx), former ; 2 avertir, dresser, façonner, forger,
initier. Ϧ II, 1 annoncer, aviser, exposer,
faire connaître, faire savoir, notifier, renseigner, signaler.
& s’instruire v. pr. (sens 1, 1580, Montaigne
[s’instruire à, av. 1924, A. France] ; sens II,
av. 1696, La Bruyère).
I. Développer son instruction, acquérir
des connaissances, ou les connaissances
propres à un domaine particulier : Laura s’instruisit bientôt elle-même (Gide).
Chercher à s’instruire. S’instruire dans un
art, dans une science. Ϧ Littér. S’instruire
à (suivi d’un nom ou d’un infinitif),
acquérir les connaissances nécessaires
à, pour : Des fils de grandes familles, qui
venaient s’instruire aux affaires (France).
La bouche [de la vieille], plissée et rentrée, semblait tirée comme par les cordons
d’une bourse d’avare, instruite à ne rien
laisser échapper (Gide).
II. S’instruire de quelque chose, s’informer, se renseigner sur quelque chose :
S’instruire d’un fait, d’un événement, des
circonstances exactes d’un accident.
• SYN. : I apprendre, bûcher (fam.), chiader (arg. scol.), se cultiver, étudier, piocher
(fam.), potasser (fam.), travailler. ϦII se
documenter.
instruit, e [ɛ̃strɥi, -it] adj. (part. passé
de instruire ; 1346, Mémoires de la Société
de l’histoire de Paris [XXIV, 54], dans les
loc. bien, mal instruit, « bien, mal élevé » ;
sens I, av. 1662, Pascal ; sens Il, 1835, Acad.).
I. Qui a un ensemble de connaissances
formant une solide instruction : Est-ce
que tous les hommes, même instruits,
créent et inventent ? (Donnay).
II. Qui a fait l’objet d’une procédure judiciaire et qui est en état d’être jugé : Une
affaire rapidement instruite.
• SYN. : I calé (fam.), cultivé, docte, éclairé,
érudit, ferré (fam.), fort, lettré, savant.
instrument [ɛ̃strymɑ̃] n. m. (lat. instrumentum, mobilier, matériel, outillage,
document, ornement, de instruere [v. INSTRUIRE] ; v. 1138, Gaimar, écrit estrument
[instrument, v. 1298, Livre de Marco Polo],
au sens 2 [instrument de musique, 1672,
Sacy] ; sens 1, v. 1160, Roman de Tristan,
écrit estrument [instrument, v. 1360,
Froissart ; « objet considéré par rapport à
sa fonction... », v. 1361, Oresme — estrument, même sens, v. 1265, J. de Meung ; instruments de bord, 1931, Larousse] ; sens 3,
1458, Mystère du Vieil Testament [complément d’instrument, 1922, Brunot, Pensée] ;
sens 4, v. 1265, Livre de jostice, écrit estrument [instrument, v. 1360, Froissart] ; sens
5, 1694, Acad.). 1. Objet fabriqué servant
à exécuter un travail ou une opération
(généralement accompagné d’un adjectif
ou d’un complément qui en précise la destination) : Instruments aratoires. Instruments
de chirurgie, d’optique, de laboratoire.
Instruments de mesure, de précision. Un
hangar encombré d’instruments agricoles
(France). À côté d’eux gisaient leurs instruments de pêche (Richepin). Ϧ Objet
considéré par rapport à sa fonction ou
à l’usage qui en est fait : instruments de
travail. Instrument tranchant. Meurtre
perpétré avec un instrument contondant.
Les instruments de mort, poignards, pistolets curieux, armes à secret, étaient jetés
pêle-mêle avec des instruments de vie :
soupières en porcelaine, assiettes de Saxe
(Balzac). Dans sa ceinture dorée, elle [la
fée Udine] prit sa baguette, qui était l’instrument de sa puissance (Aymé) ; et littér. :
Le même individu qui peut penser physique
ou biologie avec des instruments de pensée
comparables à des instruments de précision pense politique au moyen de termes
impurs, de notions variables, de métaphores
illusoires (Valéry). ϦInstruments de bord,
appareils de contrôle du fonctionnement
des divers organes d’un véhicule, groupés
généralement sur un tableau placé dans
le champ de vision du conducteur ou
du pilote. Ϧ 2. Spécialem. Instrument de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2671
musique, ou simplem. instrument, toute
espèce d’appareil conçu pour produire des
sons musicaux : Instruments à cordes, à
vent, à percussion. Instruments en cuivre,
en bois. Accorder un instrument. Les instruments d’orchestre. Un ensemble d’instruments anciens. Ϧ 3. Fig. Personne ou
chose par l’intermédiaire de laquelle est
obtenu quelque résultat : Être l’instrument
de la vengeance de quelqu’un. Quand ce
grand Dieu a choisi quelqu’un pour être
l’instrument de ses desseins, rien n’en arrête
le cours (Bossuet). La presse doit devenir
le plus admirable instrument d’instruction, lorsqu’elle ne sera plus aux mains des
bandits politiques et financiers (Zola). En
quelques mois, entre vos mains expertes,
l’armée française se fait un instrument
de puissance, de précision et de résistance
incomparable (Valéry). L’État bourgeois
repose sur la police et sur l’armée, parce
qu’il est d’abord un instrument d’oppression (Camus). Ϧ Complément d’instrument ou de moyen, en grammaire, nom
ou pronom représentant la personne ou
la chose au moyen de laquelle s’accomplit
l’action (introduit par de, avec, par). [Ex. :
Transpercer l’adversaire DE SA LANCE. Tuer
quelqu’un AVEC UNE ÉPÉE. Réussir PAR
RUSE.] (V. aussi le Complément circonstanciel, à CIRCONSTANCIEL, ELLE.) Ϧ 4. En
droit, forme écrite d’un acte juridique,
par opposition au fond même de cet acte.
Ϧ 5. En droit international, acte écrit qui
termine une négociation, constate l’accord
des parties contractantes et les engage pour
l’avenir.
• SYN. : 1 appareil, engin, outil ; 3 agent,
bras, exécutant, moyen, organe.
instrumentaire [ɛ̃strymɑ̃tɛr] adj.
(de instrument ; 1477, Molinet, comme
n. m., au sens de « instrumentiste » ;
XVIe s., Godefroy, comme adj., au sens de
« qui sert de moyen » ; sens actuel, 1765,
Encyclopédie). Témoin instrumentaire,
témoin qui assiste un officier public dans
les actes pour la validité desquels la pré-
sence de témoins est nécessaire.
instrumental, e, aux [ɛ̃strymɑ̃tal,
-o] adj. (de instrument ; v. 1361, Oresme,
écrit instrumentel [instrumental, 1563,
Bonivard], au sens 1 ; sens 2, fin du XIVe s.
— écrit instrumental [« qui est composé
d’instruments », XXe s. ; partie instrumentale, 1867, Littré] ; sens 3, 1867, Littré ;
sens 4, 1873, Larousse). 1. Littér. Qui sert
d’instrument, qui a le caractère d’un
instrument, d’un outil : Successivement
instrumentale, symbolique, oratoire, calculatrice, — agent universel, ne pourrait-on
la qualifier [la main de l’homme] d’organe
du possible, — comme elle est, d’autre part,
l’organe de la certitude positive ? (Valéry).
Ϧ 2. En musique, qui est destiné aux instruments : Musique instrumentale (par
opposition à musique vocale). Concert
instrumental. ϦQui est composé d’instruments : Ensemble instrumental. Ϧ Partie
instrumentale, celle qui, dans une partition, se rapporte uniquement aux instruments, à l’orchestre. Ϧ 3. En grammaire,
qui exprime le complément d’instrument :
Une désinence instrumentale. Ϧ 4. En droit,
qui sert d’instrument ou de moyen : Les
pièces instrumentales d’un procès.
& instrumental n. m. (1824, Mémoires et
dissertations sur les antiquités nationales,
VI, 53). Dans les langues à déclinaisons, cas
qui exprime essentiellement le complément
d’instrument : En grec, l’instrumental s’est
fondu avec le datif, en latin avec l’ablatif.
instrumentalisme [ɛ̃strymɑ̃talism]
n. m. (dér. savant de instrument ; 1962,
Larousse). En philosophie, doctrine
considérant l’intelligence et les théories
comme des outils, des instruments destinés
à l’action : L’instrumentalisme s’apparente
au pragmatisme et à l’empirisme.
instrumentation [ɛ̃strymɑ̃tasjɔ̃] n. f.
(de instrumenter ; 1824, Stendhal, au sens
1 ; sens 2 [de instrument], début du XXe s.
[« ensemble des instruments... d’une installation de raffinage pétrolier » et « technique
dont l’objet est d’étudier ces instruments »,
1962, Larousse]). 1. En musique, action
d’affecter à un instrument une musique
ou une partie de musique donnée ; résultat
de cette action : Ce motif est le principe
fécondant pour l’orchestre et les voix, pour
le chant et la brillante instrumentation qui
l’accompagne (Balzac). Ϧ2. Ensemble des
instruments qui équipent une installation :
M. Rohner, qui harcelait sans relâche les
ministres, pour obtenir des crédits et faire
acheter les instrumentations les plus coûteuses... (Duhamel). Ϧ Spécialem. Ensemble
des instruments et appareils de contrôle
d’une installation de raffinage pétrolier.
Ϧ Technique dont l’objet est d’étudier ces
instruments.
• SYN. : 1 orchestration ; 2 équipement.
instrumenter [ɛ̃strymɑ̃te] v. intr. (de
instrument ; 1440, Dict. général, écrit instroumenter ; instrumenter, 1611, Cotgrave).
En droit, dresser une pièce authentique
(procès-verbal, exploit, contrat, etc.) :
Le post-scriptum ajouté, je courus chez
M. Le Normant, mon libraire : je trouvai en arrivant des alguazils et un commissaire de police qui instrumentaient
(Chateaubriand). La justice, en aucun pays,
n’instrumente gratis (Mérimée). Il [l’huissier] était célèbre dans le canton pour les
terribles raclées qu’il recevait des paysans,
chaque fois qu’il se trouvait obligé d’instrumenter contre eux, loin de tout secours
(Zola).
& v. tr. (sens I, 1, 1962, Larousse ; sens
I, 2, av. 1870, Mérimée ; sens II, 1845,
Bescherelle).
I.1.Doter une installation de raffinage d’appareils de contrôle automatiques : Instrumenter une colonne, un
four. Ϧ2.Fam. et vx. Frapper avec un
instrument quelconque : « Si je pouvais
l’instrumenter à ma guise, peut-être la
guérirais-je ? — Comment cela ? — En la
rouant de coups. J’ai guéri de la sorte vingt
paysannes » (Mérimée).
II. Confier chaque partie d’une oeuvre
musicale à un instrument et, par là, lui
conférer une certaine couleur : Instrumenter une partition.
• SYN. : II orchestrer.
& s’instrumenter v. pr. (av. 1951, A. Gide).
Fig. S’accorder parfaitement pour quelque
chose : Des étoffes tellement molles qu’elles
semblaient s’instrumenter, ainsi que mon
corps, pour l’amour (Gide).
instrumentiste [ɛ̃strymɑ̃tist] n. (de
instrument ; 1823, Boiste, au sens 1 ; sens
2, 1962, Larousse). 1. Musicien qui joue
d’un instrument, généralement dans un
ensemble instrumental : Les instrumentistes arrivent de tous les côtés pour prendre
place dans la fosse d’orchestre (Claudel).
Ϧ 2. Membre d’une équipe chirurgicale
qui, vêtu et ganté aseptiquement, prépare
et présente au chirurgien les instruments
nécessaires au cours de l’intervention.
instrumentum [ɛ̃strymɛ̃tɔm] n. m.
(mot lat. [v. INSTRUMENT] ;1962, Larousse).
Terme qui désigne, dans les recueils épigraphiques, les objets de nature diverse
portant des inscriptions (lingots métalliques, briques avec estampilles, tessons
céramiques, cachets, armes, etc.).
• Pl. des INSTRUMENTA.
insu [ɛ̃sy] n. m. (de in- et de su, n. m. ;
1538, Revue historique, I, 134 [avec un
adj. possessif, av. 1696, La Bruyère]). Ne
s’emploie que dans la loc. prép. à l’insu de,
sans que la chose soit connue de : S’en aller
à l’insu de tous. ϦPeut s’employer avec un
adj. possesssif (à mon, à ton, à son, à leur...
insu) : Sinon contre mon gré, du moins à
mon insu (Rousseau).
insubmersibilité [ɛ̃sybmɛrsibilite]
n. f. (dér. savant de insubmersible ; 1867,
Littré). Qualité de ce qui est insubmersible :
L’insubmersibilité du liège.
insubmersible [ɛ̃sybmɛrsibl] adj. (de
in- et de submersible ; 1775, La Chapelle,
p. 198). Qui ne peut être submergé, qui ne
peut couler : Canot insubmersible.
insubordination [ɛ̃sybɔrdinasjɔ̃] n. f.
(de in- et de subordination ; 1773, Brunot,
au sens 1 ; sens 2, 4 juin 1858, Bulletin des
lois). 1. Défaut de subordination, d’obéissance : Esprit d’insubordination. En général, l’insubordination contre les règles
vient d’une subordination inintelligente au
réalisme, d’une incompréhension des fins
de l’art (Gide). Ϧ 2. Spécialem. Infraction
commise par le militaire qui refuse d’obéir
et qui, hors le cas de force majeure, n’exécute pas les ordres reçus : Délit d’insubordidownloadModeText.vue.download 120 sur 1066
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2672
nation. Quand tout un pays mobilise, quand
l’immense majorité — comme ce serait le
cas — accepte l’obligation de la défense
nationale, quoi de plus vain, de plus voué à
l’échec qu’un acte isolé d’insubordination ?
(Martin du Gard).
• SYN. : 1 désobéissance, indiscipline, indocilité, insoumission, rébellion, révolte.
insubordonné, e [ɛ̃sybɔrdɔne] adj. et n.
(de in- et de subordonné ; 1789, Malouet).
Qui a tendance à ne pas obéir ; qui a l’esprit
d’insubordination : Agacée de se voir ravalée au rang de petite fille insubordonnée
(Bataille). L’attitude de Jacques, en présence
de témoins, a fait s’évanouir en un instant
toute velléité d’indulgence ; et pour mater
l’insubordonné, il affecte un complet détachement (Martin du Gard).
• SYN. : désobéissant, indépendant, indiscipliné, indocile, infernal (fam.), insoumis,
récalcitrant, rétif.
insubstance [ɛ̃sypstɑ̃s] n. f. (de in- et
de substance ; av. 1841, Chateaubriand).
Absence de substance, état de ce qui est
immatériel : Ma jeunesse revient à cette
heure ; elle ressuscite ces jours écoulés que le
temps a réduits à l’insubstance de fantômes
(Chateaubriand).
insubstantiel, elle [ɛ̃sypstɑ̃sjɛl] adj.
(de in- et de substantiel ; 1580, Montaigne).
Qui manque de substance, de consistance ;
futile, léger : Il n’y a plus pour réunir les
hommes gratuitement que des prétextes
aussi insubstantiels que le théâtre, le sport
et les fonctions sociales (Claudel).
insuccès [ɛ̃syksɛ] n. m. (de in- et de
succès ; 1794, Brunot). Manque de succès,
de réussite, de quelqu’un ou de quelque
chose : Insuccès aux élections. L’insuccès
d’une tentative, d’un ouvrage, d’une pièce.
Nous jouons aux raffinés, mais le nombre
nous tient ; nous dédaignons le succès et
l’insuccès nous tue (Daudet).
• SYN. : échec, faillite, fiasco (fam.), four
(fam.), revers, veste (fam.). — CONTR. : réussite, succès, triomphe, victoire.
insuffisamment [ɛ̃syfizamɑ̃] adv. (de
insuffisant ; 1391, Godefroy, aux sens
1-2). 1. De façon insuffisante, incomplète : Travail insuffisamment préparé.
Ϧ 2. En trop petite quantité : Manger
insuffisamment.
insuffisance [ɛ̃syfizɑ̃s] n. f. (de insuffisant, d’après le bas lat. insufficientia,
insuffisance, dér. de insufficiens, -entis
[v. l’art. suiv.] ; 1337, Godefroy, au sens 3 ;
sens 1, 1718, Acad. ; sens 2, 1855, Nysten).
1. Caractère ou état de ce qui n’est pas
suffisant (en quantité, intensité, qualité) :
L’insuffisance de la récolte de céréales.
Insuffisance des ressources. L’insuffisance
d’un éclairage. L’insuffisance de la qualité
nuit à l’exportation de ces fabrications.
Ϧ 2. En médecine, diminution qualitative ou quantitative du fonctionnement
d’un organe : Insuffisance hépatique, cardiaque, rénale. Le médecin de la famille
diagnostiqua une insuffisance hypophysaire
(Aymé). Ϧ 3. Manque de capacité, d’aptitudes, de qualités d’une personne : Elle
avait assez de passion elle-même dans son
âme pour couvrir l’insuffisance de mille
autres coeurs (Lamartine). Le sentiment de
l’insuffisance humaine (Flaubert). Enfin,
vous ayant exprimé ma gratitude et déclaré
mon insuffisance... (Valéry).
• SYN. : 1 carence, défaut, faiblesse,
manque, pauvreté, pénurie ; 2 déficience ;
3 défaillance, impéritie, impuissance, incapacité, incompétence, nullité. — CONTR. :
1 abondance, excès, pléthore, profusion,
richesse, suffisance ; 3 aptitude, capacité,
compétence, qualification, supériorité.
& insuffisances n. f. pl. (av. 1924, A.
France). Points sur lesquels on fait preuve
d’incapacité, d’inaptitude : Il rejeta sur le
sort les insuffisances de sa nature (France).
Quels que pussent être les défauts de ses
admirables qualités, ils seraient moins dangereux que les écrasantes insuffisances du
dauphin disparu (Bailly).
• SYN. : carences, défauts, lacunes, manques.
insuffisant, e [ɛ̃syfizɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de inet de suffisant, d’après le bas lat. insufficiens, -entis, insuffisant, du lat. class. in-,
préf. à valeur négative, et sufficiens, -entis,
suffisant, adéquat, part. prés. adjectivé de
sufficere, mettre sous, suffire, de sub, sous,
et facere, faire ; début du XIVe s., au sens
1 ; sens 2, 1474, Mystère de l’Incarnation).
1. Qui ne suffit pas ; qui n’atteint pas la
quantité ou le degré de qualité nécessaire :
Quantité insuffisante. Nourriture insuffisante. Des salaires insuffisants. Travail
insuffisant. Des connaissances insuffisantes. Ϧ2. Qui n’a pas les aptitudes, les
qualités requises : Un élève insuffisant.
Des chefs militaires insuffisants. Il médita
rageusement sur son échec et convint qu’il
s’était montré insuffisant (Aymé).
• SYN. : 1 déficient, faible, insignifiant,
maigre, médiocre, mesquin, pauvre ;
2 ignare, incapable, incompétent, inférieur, nul.
insufflateur [ɛ̃syflatoer] n. m. (dér.
savant de insuffler ; 1867, Littré, au sens
1 ; sens 2, 1891, Laboulaye). 1. Instrument
avec lequel on insuffle dans les voies respiratoires (larynx, narines) de l’air ou des
médicaments pulvérulents. Ϧ 2. Appareil
destiné à envoyer de l’air comprimé sous
la grille d’une chaudière à vapeur, dans un
gazogène, etc.
insufflation [ɛ̃syflasjɔ̃] n. f. (bas lat.
médic. insufflatio, insufflation, de insufflatum, supin de insufflare [v. l’art. suiv.] ;
v. 1398, Somme Me Gautier, écrit insufflacion [insufflation, XVIe s.], au sens de
« action de souffler » [en parlant du vent,
etc.] ; sens actuel, 1765, Encyclopédie
[insufflation pulmonaire, pleurale, 1962,
Larousse]). Action d’insuffler, d’introduire, à l’aide du souffle ou d’un appareil, un gaz, un médicament liquide ou
pulvérisé, dans une cavité du corps :
L’insufflation d’oxygène peut permettre de
ranimer des noyés. Insufflation péritonéale.
Ϧ Insufflation pulmonaire, méthode de respiration artificielle consistant à faire pénétrer de l’air ou de l’oxygène sous pression
dans les poumons. ϦInsufflation pleurale,
introduction d’air ou d’un autre gaz entre
les deux feuillets de la plèvre afin de créer
ou d’entretenir un pneumothorax artificiel.
insuffler [ɛ̃syfle] v. tr. (bas lat. insufflare,
souffler sur ou dans, du lat. class. in-, préf.
marquant le mouvement vers, et sufflare,
souffler, gonfler, attiser, de sub, sous, et
flare, souffler, exhaler ; XIVe s., Du Cange,
au sens 1 [rare aux XVIIe et XVIIIe s.] ; sens
2, av. 1922, Proust [aussi « communiquer
à quelque chose une certaine qualité »] ;
sens 3, 1835, Acad. [var. insouffler, 1819,
Annales de chimie, 2e série, X, 172] ; sens 4,
1867, Littré). 1. Vx. Communiquer à l’aide
du souffle (en parlant de Dieu) : Insuffler
la vie. Ϧ 2. Fig. Inspirer à quelqu’un un
sentiment, un état d’esprit, une détermination : Insuffler du courage à ses troupes,
de l’enthousiasme à des militants. On lui
insuffle [au garçon] l’orgueil de sa virilité
(Beauvoir). ϦCommuniquer à quelque
chose une certaine qualité : Elle insufflait à cette prose si commune une sorte
de vie sentimentale et continue (Proust).
Il avait une façon d’insuffler aux poèmes
de Laforgue une si déchirante mélancolie
que j’en éprouvais la chair de poule (Carco).
Ϧ3. Faire pénétrer en soufflant : Insuffler
de l’oxygène dans les poumons d’un noyé.
Ϧ4. Vx. Gonfler en soufflant : Insuffler
un ballon.
• SYN. : 2 communiquer, infuser, inoculer,
instiller ; 3 inspirer.
insulaire [ɛ̃sylɛr] adj. et n. (bas lat. insularis, relatif à une île, du lat. class. insula,
île, îlot [de maisons] ; 1516, Dict. général).)
Qui habite une île : Population, peuplade
insulaire. Les insulaires de la Corse, de la
Grande-Bretagne.
& adj. (sens I, 1, 1572, Amyot ; sens 1, 2,
av. 1874, Michelet [« propre à la population
d’une île », XXe s.] ; sens II, 1962, Larousse).
I. 1. Qui se rapporte à une île : Terres insulaires. Flore, climat insulaire. Ϧ 2. Qui
est propre à une île : [L’aristocratie anglaise] avait singulièrement hâte qu’une
guerre brusque et violente [...] assurât à
l’Angleterre le bénéfice moral de sa position insulaire (Michelet). ϦSpécialem.
Propre à la population d’une île : Mentalité insulaire.
II. Qui se rapporte aux îlots de Langerhans, amas de cellules glandulaires du
pancréas qui sécrètent l’insuline.
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2673
insularisme [ɛ̃sylarism] n. m. (dér. savant
de insulaire ; 1962, Larousse). Tendance
d’un peuple insulaire à s’enfermer dans
son île et à refuser les contacts avec les
autres peuples.
insularité [ɛ̃sylarite] n. f. (dér. savant de
insulaire ; 1838, Acad., au sens 1 ; sens 2,
1962, Larousse ; sens 3, 1967, Revue française de sociologie). 1. État, caractère d’un
territoire qui forme une ou plusieurs îles :
L’insularité de la Sardaigne peut expliquer
en partie la survivance de moeurs archaïques
et patriarcales. Ϧ 2. Ensemble des phénomènes géographiques caractéristiques
des îles : Les Corses réclament une prime
d’insularité. Ϧ 3. Fig. Caractère de ce qui
est isolé, de ce qui échappe aux influences
extérieures : L’insularité de la conscience.
insulinase [ɛ̃sylinaz] n. f. (dér. savant de
insuline ; 1962, Larousse). Enzyme contenu
dans le foie, inactivant l’insuline.
insuline [ɛ̃sylin] n. f. (dér. savant du lat.
insula, « île, îlot », par allusion aux îlots du
pancréas ; 1931, Larousse). Hormone douée
de propriétés hypoglycémiantes, sécrétée
par les îlots de Langerhans du pancréas :
L’insuline est employée dans le traitement
du diabète.
insulinique [ɛ̃sylinik] adj. (de insuline ;
1951, G. Palmade). Relatif à l’insuline :
Traitement insulinique.
insulinothérapie [ɛ̃sylinɔterapi] n. f.
(de insulino-, élément tiré de insuline, et
de -thérapie ; 1959, Robert). Traitement de
certaines maladies, et principalement du
diabète, par l’insuline.
insultant, e [ɛ̃syltɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de insulter ; 1694, Bossuet, au sens
1 ; sens 2, 1730, Voltaire ; sens 3, 1760,
Voltaire). 1. Qui contient ou qui constitue une insulte : Propos insultant. Un
air insultant. C’est un grand vice d’être
avare et de prêter à usure ; mais n’en estce pas un plus grand encore à un fils de
voler son père, de lui manquer de respect,
de lui faire mille insultants reproches ?
(Rousseau). Ϧ 2. Qui a le caractère d’un
défi et est ressenti comme une insulte : Le
chef des Gaulois aperçut Mérovée dans ce
repos insultant et superbe (Chateaubriand).
L’insultante sécurité que lui donnent les
moyens mécaniques et psychologiques de
la répression en fait [de l’État] un danger
mortel (Camus). Ϧ3. Vx. Qui est volontiers
agressif, insolent : Un Turc devient aussi
souple, s’il voit que vous ne le craignez pas,
qu’il est insultant s’il s’aperçoit qu’il vous
fait peur (Chateaubriand).
• SYN. : 1 blessant, injurieux, offensant,
outrageant.
insulte [ɛ̃sylt] n. f. (déverbal de insulter ;
1380, Du Cange, écrit insult, n. m. [insulte,
n. m., v. 1500, Auton], au sens de « révolte,
soulèvement » [en ce sens, le mot est peutêtre directement empr. du bas lat insultus, insulte, du lat. class. insultum, supin
de insilīre, v. INSULTER] ; sens I, 1, 1611,
Cotgrave [comme n. m. ; comme n. f., 1678,
Saint-Réal] ;
[comme n. f.]
p. 100 [comme
Pomey] ; sens
n. f.]).
sens I, 2, 1675, Mme de Sévigné
; sens II, 1, 1534, Affagart,
n. m. ; comme n. f., 1671,
Il, 2, 1672, Molière [comme
I. 1. Class. et littér. Attaque d’une place
effectuée par surprise ; coup de main : Valenciennes a été prise d’insulte (Furetière,
1690). Les assiégés [...], n’ayant pas prévu
cette insulte, n’avaient rien aux remparts
du midi (Chateaubriand). Ϧ 2. Class.
Action d’assaillir quelqu’un, agression :
Vous êtes trop bonne de craindre que les
loups, les cochons et les châtaignes ne
m’y fassent une insulte [dans les bois]
(Sévigné).
II. 1. Acte ou parole qui a pour objet
d’outrager, qui porte atteinte à la dignité
ou à l’honneur de quelqu’un : La conviction où il [son mari] était de la rendre
heureuse lui semblait [à Emma Bovary]
une insulte imbécile (Flaubert). Dire
des insultes. Avoir toujours l’insulte à la
bouche. Ϧ 2. Littér. Une insulte à, se dit
de ce qui constitue une grave atteinte à
quelque chose de respectable : Une insulte
au courage, au bon sens. Son attitude est
une insulte à tous les morts de la guerre.
• SYN. : II, 1 injure, insolence, invective,
offense, outrage, sottises (fam.) ; 2 affront,
atteinte, défi.
• REM. Le genre d’insulte demeure incertain jusqu’à la fin du XVIIe s. L’Académie
(1694) le donne encore comme masculin :
Il a reçu un cruel, un étrange insulte, mais
note que « plusieurs le font féminin ».
Au masculin, on trouve encore l’orthographe INSULT.
insulté, e [ɛ̃sylte] n. et adj. (part. passé
de insulter ; 1873, Larousse). Personne qui
a reçu une insulte : Réconcilier l’insulteur
et l’insulté.
insulter [ɛ̃sylte] v. tr. (lat. insultare, sauter
sur, dans ou contre, être insolent, insulter,
de insultum, supin de insilīre, bondir sur,
s’élancer, de in-, préf. marquant le mouvement vers, et de salīre, sauter ; milieu du
XVe s., au sens I, 1 ; sens 1, 2, 1660, Oudin ;
sens II, 1, 1611, Cotgrave [aussi « injurier »] ;
sens II, 2, av. 1704, Bourdaloue).
I. 1. Class. Attaquer par surprise une position, une place : Les troupes du roi insultèrent en 1677 avec tant de courage et de
bonheur la contrescarpe de Valenciennes,
qu’elles emportèrent la ville même (Richelet). Ϧ 2. Class. Réprimander quelqu’un,
lui faire des reproches : Cela a donné occasion à votre mère [...] de m’insulter sur
la paresse que j’avais depuis si longtemps
à me faire des remèdes (Racine).
II. 1. Attaquer quelqu’un par des paroles
ou par des actes qui ont un caractère
offensant : Ah ! n’insultez pas une femme
qui tombe (Hugo). Ϧ Spécialem. Injurier :
Insulter les passants. Ϧ 2. Littér. Braver,
traiter avec insolence ce qui devrait inspirer du respect : Insulter le courage, la
pauvreté.
• SYN. : II, 1 injurier, offenser, outrager ;
invectiver.
& v. tr. ind. (1356, Bersuire, au sens de
« se rire de la faiblesse, de la misère de
[quelqu’un] » ; sens 1, av. 1669, Corneille ;
sens 2, 1654, Cyrano de Bergerac [en parlant
d’une chose, 1873, Larousse] ; sens 3, 1685,
Bossuet ; sens 4, 1656, Pascal). 1. Class.
Insulter à quelqu’un, offenser quelqu’un
par une attitude de défi, de bravade,
souvent en profitant de sa faiblesse : Elle
regarda le ciel avec mépris et arrogance,
comme pour insulter aux dieux (Fénelon).
Ϧ2. Auj. et littér. Insulter à quelque chose,
traiter avec mépris, insolence, désinvolture
ce qui a droit au respect : Ces tristes sires,
qui acclament ce qu’ils croient ma faute
et insulteraient à ma vertu (Giraudoux).
Insulter au malheur de quelqu’un ; en parlant d’une chose, constituer une provocation, un outrage pour : Le luxe insulte à la
misère publique. Éperdument, les manèges
tournaient à la vapeur, insultant, de leur
contemporaine opulence, aux vieux chevaux de bois démodés (Ajalbert). Ϧ 3. Littér.
Insulter à quelque chose, s’emporter, proférer des injures, des imprécations contre
quelque chose : Les gens de ma sorte, exaspérés d’une si longue attente, insultaient
depuis des semaines aux lenteurs du ciel
(Duhamel). Ϧ 4. Class. Insulter contre
quelqu’un, proférer des insultes contre lui,
le dénigrer : Le second [médecin], arrivant
ensuite, voulut le flatter, et lui dit qu’il avait
encore des forces suffisantes pour arriver en
sa maison, et insulta contre le premier, qui
s’opposait à son avis, et forma le dessein de
le perdre (Pascal).
insulteur, euse [ɛ̃syltoer, -øz] n. et adj.
(de insulter ; 1798, Schwan). Qui insulte :
Comment se fait-il qu’avec un document
aussi positif entre les mains, je n’aie pas cité
mes insulteurs devant les tribunaux pour
les démentir et les confondre ? (Daudet).
Laurent n’était plus, ainsi que les premiers
jours, l’insulteur des humbles (Duhamel) ;
et littér. : D’inaltérables Dieux, sourds aux
cris insulteurs (Leconte de Lisle).
& insulteur n. m. (1873, Larousse). Dans la
Rome antique, esclave qui accompagnait
un triomphateur et qui l’accablait d’injures,
afin de lui rappeler que son triomphe ne le
mettait pas à l’abri des reproches publics.
insupportabilité [ɛ̃sypɔrtabilite] n. f.
(dér. savant de insupportable ; av. 1525, J.
Lemaire de Belges). Caractère d’une chose
ou d’une personne insupportable (rare) :
Car personne plus que moi n’a conscience
de son insupportabilité (Flaubert).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2674
insupportable [ɛ̃sypɔrtabl] adj. (bas lat.
insupportabilis, insupportable, du lat. class.
in-, préf. à valeur négative, et supportare,
transporter en remontant, apporter [et,
à basse époque, « supporter, soutenir »],
de sub-, préf. marquant le mouvement de
bas en haut, et de portare, porter ; 1312,
Isambert, au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet).
1. Se dit de ce qu’on ne peut pas ou de ce
qu’on peut difficilement supporter : La
présence de mes deux soeurs me rendit le
séjour de Paris moins insupportable ; mon
penchant pour l’étude affaiblit encore mes
dégoûts (Chateaubriand). La présence des
autres me sera bientôt insupportable ; je
finirai en ours, je crois (Gide). C’était un
petit animal [...] qui traînait aussi après soi
une odeur insupportable, tenace, fétide, une
odeur ennemie (Genevoix). Des paysages
si purs sont desséchants pour l’âme et leur
beauté insupportable (Camus). Ϧ 2. Se dit
d’une personne importune ou mal élevée, capricieuse ou de caractère difficile :
L’insupportable professeur parla longtemps
encore, ajoutant les inconvenances aux
maladresses (France). Une femme insupportable. Un enfant insupportable.
• SYN. : 1 atroce, cruel, insoutenable, intenable, intolérable, pénible ; 2 difficile,
épouvantable, impossible, infernal (fam.),
invivable, terrible (fam.).
insupportablement [ɛ̃sypɔrtabləmɑ̃]
insupportablement [ɛ̃sypɔrtabləmɑ̃]
adv. (de insupportable ; 1441, Isambert).
De façon insupportable : Tout à coup, et
kling, et klang, un coup de sonnette vif,
nerveux, insupportablement argentin,
éclate (Gautier). La caractéristique d’un
infirmier : n’être jamais à portée d’appel,
quand on a un urgent besoin de lui, — et
s’éterniser dans la chambre aux moments
où sa présence est insupportablement inopportune... (Martin du Gard).
insupporter [ɛ̃sypɔrte] v. tr. (de
insupportable, d’après supporter ; 1870,
Goncourt). Fam. Provoquer chez quelqu’un
un sentiment d’agacement insupportable
(le complément est presque toujours un
pronom) : Oh ! ce tutoiement à ma fille
m’insupporte (Bataille). Malgré tout et
même en dehors de la question convenance, je crois qu’Albertine eût insupporté
Maman... (Proust).
• SYN. : exaspérer, excéder, horripiler (fam.),
irriter.
insupprimable [ɛ̃syprimabl] adj. (de
in- et de supprimable ; 1903, C. Mendès,
p. 194). Qui ne peut être supprimé : Que le
mot soit toujours nécessité par elle [l’idée] ;
il faut qu’il soit irrésistible, insupprimable...
(Gide).
insurgé, e [ɛ̃syrʒe] adj. et n. (part. passé
de [s’]insurger, d’après l’angl. insurgent,
insurgé [employé d’abord à propos des
Américains qui se soulevèrent contre le
gouvernement anglais pour obtenir leur
indépendance], lui-même empr. du lat.
insurgens, -entis, part. prés. de insurgere
[v. S’INSURGER) — l’angl. insurgent avait
été empr. par le franç. en 1777, d’Alembert ;
1794, Journ. de la Montagne). Qui est en
révolte, en insurrection contre le pouvoir
établi : La mise hors la loi des membres de la
Commune insurgée (France). Elles ont pâli,
merveilleuses, | Au grand soleil d’amour
chargé, | Sur le bronze des mitrailleuses | À
travers Paris insurgé (Rimbaud). Il éprouve
de la fierté à être resté maître de son destin ;
à s’être choisi sa mort : une mort qui sera,
tout ensemble, un acte de foi et sa dernière
protestation d’insurgé, sa dernière révolte
contre l’absurdité du monde... (Martin du
Gard). L’insurgé ne s’accordera aux autres
que dans la mesure et pour le temps où leur
égoïsme coïncidera avec le sien (Camus).
• SYN. : émeutier, mutin, rebelle, révolté,
révolutionnaire, séditieux.
insurger (s’) [sɛ̃syrʒe] v. pr. (lat. insurgere, se lever, se mettre debout, s’élever, se
dresser pour attaquer, de in-, préf. marquant l’aboutissement d’une action, et
de surgere, dresser, se lever, de sub-, préf.
marquant le mouvement de bas en haut, et
de regere, guider, mener ; 1474, Bartzsch,
au sens 1 [rare de 1611, Cotgrave, à 1792,
Ranft] ; sens 2, 1857, Flaubert). [Conj. 1 b.]
1. Se soulever contre le gouvernement, le
pouvoir établi, une autorité : Semblable à
tant d’autres, vous avez cédé à l’orgueil,
à l’esprit de contradiction, à la vanité de
penser librement, à la tentation de vous
insurger contre un ordre établi (Martin
du Gard). Ϧ 2. Fig. Marquer par son attitude, ses paroles qu’on désapprouve vivement quelque chose : S’insurger contre les
abus, contre les procédés arbitraires, contre
l’injustice fiscale. Mais comment lui parlerais-je, alors qu’il s’insurge contre tout ce
que je dis... (Gide).
• SYN. : 1 contester, se mutiner, se rebeller, se
révolter, se soulever ; 2 se cabrer, se dresser,
regimber (fam.). — CONTR. : 1 se soumettre ;
2 admettre, approuver, soutenir.
& insurger v. tr. (1475, Bartzsch, dans
la loc. insurger armes, lever les armes
[contre] ; dans l’emploi moderne, av. 1848,
Chateaubriand). Vx. Pousser à la révolte, à
l’insurrection : On ne songea point à couper
les lignes télégraphiques ; passaient librement sur la route courriers, voyageurs,
malles-poste, diligences, avec le drapeau
tricolore qui insurgeait les villages en les
traversant (Chateaubriand).
insurmontable [ɛ̃syrmɔ̃tabl] adj. (de
in- et de surmontable ; milieu du XVIe s.
[pour un sentiment, 1680, Mme de Sévigné]).
Qu’on ne peut vaincre : Obstacles, difficultés insurmontables. Barrière insurmontable. Ϧ Spécialem. Se dit d’un sentiment,
d’un état de conscience qui s’impose avec
force, qu’on ne peut dominer : Peur, répulsion, haine insurmontable.
• SYN. : infranchissable, invincible ;
incontrôlable.
insurpassable [ɛ̃syrpasabl] adj. (de in- et
de surpasser ; XVIe s., La Curne, puis 1867,
Littré). Qu’il est impossible de surpasser :
Ouvrage insurpassable. Dans les salons, il
faisait sourdre, de derrière une longue et
soyeuse barbe couleur de miel, un extraordinaire fantôme de voix flûtée qui nuan-
çait suavement des banalités d’une fadeur
insurpassable (Gide).
insurrection [ɛ̃syrɛksjɔ̃] n. f. (bas lat.
insurrectio, action de se lever, du lat. class.
in-, préf. à valeur intensive, et du bas lat. surrectio, action de se lever, résurrection, dér.
du lat. class. surgere [v. INSURGER] ; v. 1361,
Oresme, au sens 1 [rare entre le XVIe s.,
Godefroy, et 1748, Montesquieu] ; sens 2,
1867, Littré). 1. Action de s’insurger, de se
soulever contre le pouvoir établi ; mouvement qui vise à renverser le gouvernement
par la force : Le recours à la force reçoit
différents noms selon son origine : quand
il vient du gouvernement ou des pouvoirs,
on l’appelle coup d’État ; quand il vient des
peuples, on l’appelle insurrection ; quand
c’est un État qui l’emploie contre un autre,
on l’appelle intervention (Royer-Collard). Il
faut [...] guillotiner quiconque [...] fomente
l’insurrection ou pactise avec l’étranger
(France). Un foyer d’insurrection. insurrection armée. L’insurrection de février 1848.
Ϧ2. Littér. Opposition vivement exprimée : Insurrection de l’amour-propre, de
la conscience. La Réforme est, pour appeler
les choses par leur nom, une insurrection
de l’esprit humain contre le pouvoir absolu
dans l’ordre spirituel (Guizot).
• SYN. : 1 chouannerie, jacquerie, mutinerie, rébellion, révolte, révolution, sédition,
soulèvement.
insurrectionnel, elle [ɛ̃syrɛksjɔnɛl]
adj. (de insurrection ; 1798, Acad., au sens
1 ; sens 2, 1870, Zola ; sens 3, 1867, Littré ;
sens 4, 1959, Robert). 1. Qui a le caractère
d’une insurrection : Mouvement insurrectionnel. Ϧ2. Qui est en état d’insurrection : Les ouvriers qui allèrent rejoindre la
bande insurrectionnelle de la Palud (Zola).
Ϧ3. Qui tend à l’insurrection : La gauche,
farouchement hostile aux gouvernements,
cherchant de plus en plus à agir sur les
masses pour des fins insurrectionnelles
(Martin du Gard). Ϧ4. Qui est relatif à
une insurrection : Les journées insurrectionnelles de juillet 1830. Ϧ Gouvernement
insurrectionnel, gouvernement établi par
une insurrection.
• SYN. : 2 séditieux ; 3 révolutionnaire.
insurrectionnellement [ɛ̃syrɛksjɔnɛlmɑ̃] adv. (de insurrectionnel ; 1867, Littré).
De façon insurrectionnelle, par l’insurrection : Les sections, convoquées insurrectionnellement, avaient délibéré presque à
huis clos (Lamartine). Résoudre une crise
de régime insurrectionnellement.
intachable [ɛ̃taʃabl] adj. (de in- et de
tacher ; XXe s.). Se dit d’une surface sur
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2675
laquelle les taches s’enlèvent facilement :
Revêtement mural intachable.
intact, e [ɛ̃takt] adj. (lat. intactus, non
touché, sans blessure, neuf, pur, chaste,
de in-, préf. à valeur négative, et de tactus,
part. passé de tangere, toucher ; v. 1460,
G. Chastellain, au sens 4 [en parlant d’une
femme qui est encore vierge ; « indemne »,
début du XXe s.] ; sens 1, 1793, Lavoisien ;
sens 2, av. 1945, P. Valéry ; sens 3, 1593,
P. Charron ; sens 5, fin du XVIIe s., SaintSimon [un homme intact, 1812, Mozin]).
1. Qui n’a pas été touché et demeure exactement dans le même état : Retrouver un
dépôt intact. Selon la direction du vent,
la neige se plaquait contre une palissade
ou contre un vieux mur et, derrière, nous
apercevions un espace vide, encore intact
(Carco). Ϧ2. Fig. Qui reste entier, n’a subi
aucun changement, aucune évolution : Le
mystère intime duquel l’énigme intacte
se resserre (Valéry). Ϧ3. Qui n’a subi
aucun dommage, aucune altération : Une
mosaïque intacte. Repêcher des amphores
intactes. Ϧ 4. Fam. Se dit d’une personne
qui n’a subi aucune atteinte dans son corps,
qui est indemne : J’étais étourdi quelque
peu, mais intact (Duhamel). Ϧ Spécialem.
En parlant d’une femme, qui est encore
vierge : Elle sortit, au milieu de la nuit, de ce
bosquet et des bras de son ami aussi intacte,
aussi pure de corps et de coeur qu’elle y était
entrée (Rousseau). Ϧ5. Fig. Qui n’a souffert
aucune atteinte, sans tache : Une réputation, une honorabilité, une probité intacte ;
et par extens. : C’est un homme intact.
• SYN. : 1 complet, entier, inchangé, inentamé, vierge ; 2 total ; 3 frais, inaltéré ;
4 chaste, immaculé, pur ; 5 absolu, net,
sauf. — CONTR. : 1 écorné, entamé, touché,
transformé ; 3 abîmé, altéré, avarié, cassé,
dégradé, détérioré, ébréché, endommagé,
fêlé, fendu ; 4 blessé, contusionné ; 5 entaché, sali, souillé, terni.
intaillable [ɛ̃tɑjabl] adj. (de in- et de
intaillable [ɛ̃tɑjabl] adj. (de in- et de
taillable ; 29 juin 1867, l’Illustration, p. 414).
Qui ne peut être taillé : Diamant intaillable.
intaille [ɛ̃tɑj] n. f. (de entaille, sous l’influence de l’ital. intaglio, intaille, déverbal
de intagliare, entailler, intailler, de in-, préf.
marquant l’aboutissement d’une action [lat.
in-, même sens], et de tagliare, tailler [de
même étym. que le franç. tailler, v. ce mot] ;
1808, Brard, I, 245). Pierre dure gravée en
creux : L’intaille est le contraire du camée.
intaillé, e [ɛ̃tɑje] adj. (part. passé de
intailler ; 15 oct. 1874, Revue des Deux
Mondes, p. 892). Travaillé en creux : Une
gemme intaillée.
intailler [ɛ̃tɑje] v. tr. (de intaille ; av. 1889,
Barbey d’Aurevilly, au sens 2 ; sens 1, fin
du XIXe s., Huysmans [au part. passé dès
1874, v. l’art. précéd.]). 1. Graver en creux
une pierre dure : Comme façon d’intailler la pierre et de faire valoir son eau
[...], il dérive plutôt de cet incomparable
joaillier, Théophile Gautier (Huysmans).
Ϧ2. Marquer en creux : Cette face où les
balles rayonnantes de l’espingole avaient
intaillé comme un soleil de balafres (Barbey
d’Aurevilly).
• SYN. : 2 ciseler, graver, incruster.
intangibilité [ɛ̃tɑ̃ʒibilite] n. f. (dér. savant
de intangible ; 1840, Acad.). Caractère de ce
qui est intangible, de ce qui ne doit subir
aucune atteinte : L’intangibilité des commandements de la conscience.
intangible [ɛ̃tɑ̃ʒibl] adj. (de in- et de tangible ; v. 1460, G. Chastellain, au sens 1 ;
sens 2, 1922, Larousse). 1. Vx. Que l’on ne
peut toucher, qui ne peut être saisi, perçu
par le sens du toucher : Quelque chose de
plus intangible qu’un atome d’élément
(Voltaire). Ϧ 2. Fig. À quoi on ne doit pas
porter atteinte, qui doit rester intact :
Vérités, principes intangibles.
• SYN. : 2 inviolable, sacré, saint, tabou.
intarissable [ɛ̃tarisabl] adj. (de in- et
de tarissable ; fin du XVIe s., au sens 1 ;
sens 2, av. 1872, Th. Gautier ; sens 3, 1718,
Acad. ; sens 4, 1690, Furetière ; sens 5, 1677,
Mme de Sévigné). 1. Qui ne peut être tari :
Source intarissable. Je n’ai pas à rappeler
tant d’appellations fameuses de l’un et de
l’autre côté de la majestueuse Gironde, où
il [le cep] ruisselle comme elle de flots inta-
rissables (Pesquidoux). Ϧ 2. Dont on ne
peut arrêter l’écoulement : Des larmes, des
pleurs intarissables. Depuis de si longs jours
prisonnier, tu t’ennuies, | Pauvre oiseau, de
ne voir qu’intarissables pluies, | De filets gris
rayant un ciel noir et brumeux (Gautier).
Ϧ3. Par extens. Dont on ne peut épuiser
les ressources : Une mine intarissable.
Ϧ4. Fig. Qui ne s’épuise pas, qui fournit
toujours : Imagination intarissable. Je partis
l’esprit rempli des objets [...] et livré à des
réflexions intarissables (Chateaubriand).
Comme les flots baisant le sable | Sous la
lune aux tremblants rayons, | Sa grâce [de
la Femme] était intarissable | En molles
ondulations (Gautier). J’avais un sujet de
bavardage intarissable en lui racontant mon
voyage (Constantin-Weyer). Toujours le
même ciel au long des années, intarissable
de force et de lumière (Camus). Ϧ5. Fig.
Se dit d’une personne dont il est difficile
d’arrêter les paroles : Bavard intarissable.
• SYN. : 1 et 2 inépuisable ; 3 fécond, généreux ; 4 débordant, échevelé, inexhaustible
(littér.).
intarissablement [ɛ̃tarisabləmɑ̃] adv.
(de intarissable ; 1840, Acad.). De façon
intarissable : Il parle intarissablement ; la
pensée d’autrui n’arrête pas un instant la
sienne (Gide).
intégrabilité [ɛ̃tegrabilite] n. f. (dér.
savant de intégrable ; 1873, Larousse).
Caractère d’une grandeur intégrable :
L’intégrabilité d’une expression.
intégrable [ɛ̃tegrabl] adj. (de intégrer ;
1704, Trévoux). En mathématiques, se dit
d’une fonction admettant une intégrale
définie dans un intervalle.
intégral, e, aux [ɛ̃tegral, -o] adj. (lat.
médiév. integralis, intégrant [repris,
comme terme de mathématiques, par le
savant Jacques Bernoulli — 1654-1705], du
lat. class. integer, -gri [V. INTÈGRE] ; 1370,
Oresme, au sens de « qui contribue à l’intégrité du tout » ; sens I, 1, 1640, Oudin ; sens
I, 2, début du XXe s. ; sens II, 1696, G.F.A. de
L’Hospital).
I. 1. Qui ne fait l’objet d’aucune diminution, d’aucune restriction : Paiement,
remboursement intégral. Le renouvellement intégral d’une assemblée. Édition
intégrale d’un ouvrage. Ϧ 2. Fam. Qui
réalise pleinement une certaine qualité,
ou qui réunit sans exception un ensemble
de qualités : Je suis le resquilleur intégral
(Duran).
II. Calcul intégral, partie du calcul infinitésimal dans laquelle on revient des différentielles aux grandeurs finies qui leur
ont donné naissance.
• SYN. : I, 1 complet, entier, global, total.
— CONTR. : I, 1 incomplet, partiel.
& intégrale n. f. (sens I, v. 1962 ; sens II,
1749, Walmesley).
I. Édition complète des oeuvres d’un écrivain, d’un musicien : Enregistrer l’intégrale des sonates pour piano de Mozart.
II. Fonction solution d’une différentielle
ou d’une équation différentielle.
intégralement [ɛ̃tegralmɑ̃] adv. (de
intégral ; 1511, R. Ét. Rab. [V, 168], au sens
1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. De façon
intégrale, en totalité : Dépenser intégralement un crédit. Ϧ 2. Fam. Tout à fait,
absolument : Se moquer intégralement
des règlements.
• SYN. : 1 entièrement, globalement, « in
extenso » ; 2 complètement, parfaitement,
totalement.
intégralité [ɛ̃tegralite] n. f. (dér. savant
de intégral ; 1611, Cotgrave [très rare entre
1660, Oudin, et 1761, Turgot]). Caractère,
état de ce qui est complet, entier : Les
gens intègres exigent l’intégralité. Quand
pourrez-vous me remettre toute la somme ?
(Gide). Payer l’intégralité de ses impôts. Lire
un roman dans son intégralité.
• SYN. : ensemble, totalité.
intégrant, e [ɛ̃tegrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. integrans, -antis, part. prés. de integrare [v.
INTÉGRER] ; 1503, Chauliac, au sens 1 ;
sens 2, 1873, Larousse). 1. Se dit des parties qui contribuent à l’intégrité d’un tout :
La Corse, partie intégrante de la France.
Ϧ 2. Fig. Se dit de ce qui est un accompagnement nécessaire : La vanité fait partie
intégrante de la coquetterie.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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intégrateur [ɛ̃tegratoer] adj. et n. m. (dér.
intégrateur [ɛ̃tegratoer] adj. et n. m. (dér.
savant de intégrer ; 1888, Larousse, au sens
1 ; sens 2-3, 1962, Larousse). 1. Appareil
qui totalise des indications continues.
Ϧ2. Machine de calcul scientifique, de la
famille des machines analogiques, adaptée
à la résolution des intégrales ou des équations différentielles (intégrateur différentiel), à la mesure des moments d’inertie,
des moments statiques, etc. Ϧ 3. Appareil
automatique pour le tirage des épreuves
photographiques.
intégratif, ive [ɛ̃tegratif, -iv] adj. (dér.
savant de intégrer ; 1955, Lagache). Qui tend
à l’intégration.
intégration [ɛ̃tegrasjɔ̃] n. f. (de intégrer ;
1700, Mémoires de l’Acad. des sciences [p.
86], au sens II [intégration, « rétablissement » — 1309, Godefroy —, était un empr.
du bas lat. integratio, même sens, dér. du
lat. class. integratum, supin de integrare, v.
INTÉGRER] ; sens I, 1, fin du XIXe s. ; sens 1,
2, 1959, Robert [intégration raciale, 1968,
Larousse] ; sens I, 3, 1956, Romeuf ; sens I, 4,
1931, Larousse [aussi « fusion d’entreprises
situées à des stades différents du processus de production »] ; sens I, 5 et 7, 1962,
Larousse ; sens I, 6, 1959, Robert).
I. 1. Action d’intégrer, d’inclure un élément dans un ensemble, dans un tout,
ou de s’y intégrer, de s’y insérer en tant
qu’élément ; état de ce qui est intégré :
Niveau, degré d’intégration. Les germes
du monde, en perpétuelle voie d’intégration et de désagrégation... (M. Prévost).
Ϧ2. Pour un groupe social, le fait de s’assimiler complètement à un milieu social
ou géographique, à une communauté ethnique : L’intégration des immigrants, des
Noirs aux États-Unis. Favoriser l’intégration des travailleurs étrangers à la population. ϦSpécialem. Intégration raciale,
égalité de droits pour tous les citoyens
d’un même pays, quelle que soit leur
race. Ϧ3. Union étroite de plusieurs États
du point de vue économique, politique :
Intégration européenne. L’intégration économique, politique de l’Europe. Ϧ 4. En
économie politique, rattachement à une
même unité de production de toutes les
opérations qui conduisent de l’obtention
de la matière première à la fabrication
du produit fini. Ϧ Par extens. Fusion
d’entreprises situées à des stades différents du processus de production. (Syn.
CONCENTRATION VERTICALE.) Ϧ 5. Mesure
par laquelle un fonctionnaire est nommé
dans un cadre parallèle au sien, et où il
est statutairement possible d’accéder à
des grades plus élevés. Ϧ 6. En physiologie, coordination des activités de plusieurs organes, réalisée par les centres
nerveux en vue d’un fonctionnement
harmonieux. Ϧ 7. Sommation des effets
de nombreuses stimulations successives,
aboutissant à une sensation continue ou
à la perception d’un mouvement régulier
malgré le caractère discontinu de l’excitation : L’illusion de continuité de l’image
cinématographique est un phénomène
d’intégration.
II.En mathématiques, opération qui
consiste à trouver l’intégrale d’une différentielle ou d’une équation différentielle.
• SYN. : I, 1 amalgame, combinaison, fusion,
incorporation, union ; 2 assimilation ; 3
unification.
intégrationniste [ɛ̃tegrasjɔnist] adj. (de
intégration ; 1962, Larousse, au sens 1 ; sens
2, 27 août 1965, le Monde). 1. Qui est relatif à une intégration politique : Tendance,
orientation intégrationniste. Ϧ2. Qui est
relatif à l’intégration raciale.
& adj. et n. (sens 1, 1958, A. FabreLuce ;
sens 2, 15 juin 1965, le Monde). 1. Qui est
partisan d’une intégration politique, en
particulier de l’intégration politique des
États de la Communauté économique européenne. Ϧ2. Qui est partisan de l’intégration raciale.
intègre [ɛ̃tɛgr] adj. (lat. integer, -gri, qui
n’a reçu aucune atteinte, entier, irréprochable, de in-, préf. à valeur négative, et du
radical de tangere, toucher ; 1542, Rabelais,
au sens de « entier [au physique] » ; sens
actuel, 1671, Pomey). Se dit d’une personne
qui est d’une probité absolue, qu’on ne peut
corrompre : Fonctionnaire intègre. Qu’il est
doux d’être vertueux et combien la reconnaissance publique est chère au coeur du
juge intègre ! (France). Le bon vieillard
intègre et le sobre chameau (Prévert) ; et
par extens. : Une vie intègre.
• SYN. : équitable, honnête, impartial, incorruptible, juste, probe, vertueux. — CONTR. :
corrompu, indélicat, injuste, malhonnête,
partial, véreux.
intégré, e [ɛ̃tegre] adj. (part. passé de
intégrer ; 1611, Cotgrave, au sens de « rendu
entier » ; sens 1, 1962, Larousse [gestion
intégrée, 1970, Robert] ; sens 2, 1968,
Larousse). 1. Machine de bureau intégrée,
machine composée d’éléments divers ayant
chacun une fonction propre, mais fonctionnant comme une machine unique sous
la direction d’un programme commun : Les
ordinateurs sont des machines de bureau
intégrées. ϦGestion intégrée, gestion
d’une entreprise dans laquelle intervient
l’utilisation d’un ordinateur dans tous les
domaines où cette utilisation est possible.
Ϧ 2. Se dit d’un réacteur nucléaire dans
lequel les échangeurs de chaleur sont à
l’intérieur du caisson, le circuit de gaz primaire ne sortant en aucun cas à l’extérieur.
intègrement [ɛ̃tɛgrəmɑ̃] adv. (de
intègre ; 1867, Littré). De façon intègre :
Gérer une affaire intègrement.
intégrer [ɛ̃tegre] v. tr. (lat. integrare, réparer, remettre en état, renouveler, recréer,
refaire, de integer. -gri [v. INTÈGRE] ; 1340,
Godefroy, au sens de « exécuter » ; sens I,
début du XXe s. ; sens Il, 1752, Courtivron,
p. 184). [Conj. 5 b.]
I. Faire entrer un élément (chose ou personne) dans un ensemble, dans un tout,
de manière à l’y incorporer, à en faire une
partie intégrante : Intégrer un nouveau
chapitre dans un ouvrage, le personnel
d’une petite entreprise dans une société.
Intégrer les découvertes scientifiques à la
pensée philosophique. Chez un grand artiste où la forme est intimement intégrée à
la pensée... (Dauzat). Ainsi nous intégrons
l’Atlas Hôtel à l’affaire (Salacrou). Le
mensonge non seulement ne le troublait
pas, mais était parfaitement intégré à ses
habitudes (Aymé). Les Noirs d’Amérique,
partiellement intégrés à une civilisation
qui cependant les considère comme une
caste inférieure (Beauvoir).
II. En mathématiques, déterminer l’intégrale d’une quantité différentielle : Intégrer une fonction.
• SYN. : I amalgamer, assimiler, fondre,
inclure, incorporer, insérer.
& v. intr. (sens 1, 1700, Mémoires de l’Acad.
des sciences, p. 423 ; sens 2, début du XXe s.
[« entrer, en général », 1892, Esnault]). 1. En
mathématiques, procéder à une intégration : Toutes les machines étonnantes qui
permettent de calculer, d’intégrer à grande
vitesse, dérivent directement de l’inven-
tion et de l’intention cartésienne (Valéry).
Ϧ2. Arg. scol. Être admis dans une grande
école : Intégrer à Polytechnique, à Normale.
& s’intégrer v. pr. (1935, Acad. [en parlant
d’un groupe social, 1950, Siegfried]). Entrer
dans un ensemble de façon à s’y incorporer : Elle aime à s’oublier dans une contemplation si intense qu’elle s’intègre presque
à ce qu’elle admire (F. Lefèvre). Elles [les
cimes] s’intégraient à l’euphorie du moment
(Frison-Roche). Ϧ Spécialem. En parlant
d’un groupe social, s’assimiler complètement à une communauté plus vaste : Des
travailleurs étrangers qui se sont bien intégrés à la population.
• SYN. : s’assimiler, se fondre.
intégrifolié, e [ɛ̃tegrifɔlje] adj. (de intégri-, élément tiré du lat. integer, -gri, entier
[v. INTÈGRE], et de -folié, du lat. folium,
feuille ; 1867, Littré). Se dit des végétaux
qui ont des feuilles entières.
intégriforme [ɛ̃tegrifɔrm] adj. (de intégri- [v. l’art. précéd.] et de forme ; 1867,
Littré). Se dit d’un minéral qui se montre
dans sa forme entière.
intégrisme [ɛ̃tegrism] n. m. (de intégriste ; av. 1925, P. Gilbert [p. 275], au sens
1 ; sens 2, 1971, les Mots dans le vent).
1. Nom donné à la tendance des catholiques qui se réclament de la seule tradition,
et qui, prétendant maintenir l’intégrité de
la doctrine, se refusent à toute évolution.
Ϧ2. Péjor. Attitude de conservatisme
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intransigeant au sein d’un mouvement,
d’un parti.
intégriste [ɛ̃tegrist] n. et adj. (de intègre
[v. ce mot], au sens étym. de « entier » ;
début du XXe s.). Partisan de l’intégrisme :
Il affectait une impeccable rigueur doctrinale, des sévérités d’intégriste (Baumann).
& adj. (1970, Robert). Relatif à l’intégrisme :
Tendance intégriste.
intégrité [ɛ̃tegrite] n. f. (lat. integritas,
fait d’être intact, totalité, innocence, probité, de integer, -gri [v. INTÈGRE] ; v. 1420,
Passion d’Arras, au sens I, 4, [« chasteté,
honneur d’une femme », début du XIVe s.] ;
sens I, 1-2, 1530, Palsgrave [entegriteiz,
forme plus francisée, fin du XIIIe s.] ; sens
I, 3, 1686, Bossuet ; sens II, début du XVe s.,
Ch. d’Orléans).
I. 1. Caractère de ce qui est intact, de ce
qui n’a subi aucune diminution, aucun
retranchement : Intégrité d’un dépôt d’argent. Défendre l’intégrité territoriale de
la nation. L’unité, l’intégrité de la forme
d’une coquille m’imposent l’idée d’une
idée directrice de l’exécution (Valéry).
Ϧ 2. État d’une chose saine, qui n’a subi
aucune altération : L’autopsie a révélé
l’intégrité des organes de l’appareil digestif. Ϧ3. En parlant de choses abstraites,
qui n’a subi aucune atteinte : Intégrité de
l’honneur. Les Courvoisier, mieux que les
Guerinantes, maintenaient, en un sens,
l’intégrité de la noblesse à la fois grâce à
l’étroitesse de leur esprit et à la méchanceté de leur coeur (Proust). Ϧ 4. Spécialem.
État d’une fille vierge.
II.Qualité d’une personne moralement
intègre, incorruptible, ou de ses actes : Intégrité d’un juge, d’un tribunal. Intégrité
d’un parlementaire. Intégrité des moeurs.
Toute sa vie est d’une parfaite intégrité.
Je songeais au sermon sur l’intégrité de la
justice que mon père m’avait fait entendre
dans son cabinet (Lacretelle).
• SYN. : I, 3 pureté ; 4 chasteté, virginité.
Ϧ II honnêteté, impartialité, incorruptibilité, justice, probité, vertu. — CONTR. : I, 2
altération, lésion ; 3 souillure, tache. Ϧ II
corruption, indélicatesse, malhonnêteté.
intégromètre [ɛ̃tegrɔmɛtr] n. m. (de
intégro-, élément tiré de intégrale, n. f., et
de -mètre, gr. metron, mesure ; 10 mars
1876, Journ. officiel, p. 1679). Instrument
servant à obtenir l’aire d’une figure plane,
le volume qu’engendre une courbe fermée
tournant autour de son axe, le moment
d’inertie de ce solide de révolution, etc.
intellect [ɛ̃tɛlɛkt] n. m. (lat. intellectus,
action de discerner, compréhension, intelligence, de intellectum, supin de intellegere [v.
INTELLIGENT] ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 ;
sens 2, 1860, Baudelaire). 1. L’entendement,
faculté de penser par concepts ou idées
générales : L’idée de sa supériorité commence à poindre à l’horizon de son intellect (Baudelaire). Elle exigeait du lecteur un
travail souvent très sensible de l’intellect et
une reprise attentive du texte : exigence dan-
gereuse, presque toujours mortelle (Valéry).
Ϧ2. Fam. Ensemble des facultés psychologiques : J’en ai l’intellect tout perturbé.
• SYN. : 1 entendement, intelligence ; 2
esprit, tête (fam.).
intellectif, ive [ɛ̃tɛlɛktif, -iv] adj. (bas
lat. intellectivus, intellectif, du lat. class.
intellectum, supin de intellegere [v. INTELLIGENT] ; v. 1265, Br. Latini). Vx. Relatif à
l’intellect : La puissance intellective.
& intellective n. f. (1370, Oresme). Vx.
Faculté de comprendre.
intellection [ɛ̃tɛlɛksjɔ̃] n. f. (lat. intellectio, synecdoque [et, à basse époque, « sens,
signification »], de intellectum, supin de
intellegere [v. INTELLIGENT] ; fin du XIIIe s.,
Godefroy). Opération propre de l’intellect,
acte par lequel il conçoit, saisit ou forme
les idées : Je remarque la différence qui est
entre l’imagination et la pure intellection
ou conception (Descartes). Des phénomènes
dont ils [les physiciens] placent l’origine
bien au-delà ou en deçà de nos sens, de
notre imagination, et finalement de notre
intellection elle-même (Valéry).
intellectualisation [ɛ̃tɛlɛktɥalizasjɔ̃]
n. f. (de intellectualiser ; 1931, Larousse).
Action d’intellectualiser, ou le fait de s’intellectualiser ; son résultat : Le pas pris par
le roman sur la poésie et l’essai figure seulement, et malgré les apparences, une plus
grande intellectualisation de l’art (Camus).
intellectualiser [ɛ̃tɛlɛktɥalize] v. tr.
(dér. savant de intellectuel ; 1801, Ch. Fr. D.
de Villers). Pourvoir d’un caractère intellectuel ; concevoir les choses par les seuls
moyens de l’intelligence et les ramener à
des éléments intellectuels : Il est certain
que l’époque contemporaine et nos propres
destinées nous fournissent la matière susceptible d’être intellectualisée, pour ainsi
dire (Bourget). Je découvrais cette action
destructrice du temps au moment même
où je voulais entreprendre de rendre claires,
d’intellectualiser, dans une oeuvre d’art, des
réalités extratemporelles (Proust).
& s’intellectualiser v. pr. (1862, Lélut, II,
28). Prendre le caractère des choses qui
relèvent de l’intelligence : La beauté doit
s’intellectualiser pour ainsi dire ; il en est
de même de l’art (Guyau).
intellectualisme [ɛ̃tɛlɛktɥalism] n.
m. (dér. savant de intellectuel ; 1853, H. F.
Amiel, au sens 1 [« doctrine psychologique
qui considère tous les faits psychiques...
comme des faits représentatifs », 1962,
Larousse] ; sens 2, fin du XIXe s. ; sens 3,
milieu du XXe s.). 1. Position philosophique
qui affirme la prééminence et l’antériorité de l’intelligence et des phénomènes
intellectuels sur l’affectivité et la volonté :
L’intellectualisme de Descartes, de Leibniz,
de Spinoza. Un intellectualisme assez
débridé [celui de Husserl] pour généraliser
le concret lui-même (Camus). Ϧ Spécialem.
Doctrine psychologique qui considère tous
les faits psychiques, et notamment les phénomènes affectifs, comme des faits représentatifs. Ϧ 2. Tendance d’une personne,
d’un esprit à donner la primauté à l’intelligence et aux facultés intellectuelles : Les
Goethe, les Byron, les Heine, qui, préoccupés
d’intellectualisme, ne manquent jamais de
transformer en matière artistique la chose
à démontrer (Barrès). C’est à cela que nous
tendons [...], à l’intellectualisme anonyme
des professeurs (Bertrand). Ϧ 3. Caractère
d’une oeuvre, d’un art où prédomine l’élément intellectuel : Une poésie gâtée par
l’intellectualisme.
intellectualiste [ɛ̃tɛlɛktɥalist] adj. et n.
(de intellectualisme ; 23 sept. 1876, Revue
critique, p. 203). Qui est partisan de l’intellectualisme : Un philosophe intellectualiste.
Les intellectualistes.
& adj. (v. 1890, Revue de philologie française, XXX, 145). Qui concerne l’intellectualisme : Doctrine, théorie, système
intellectualiste. Au point de vue intellectualiste, si Dieu et l’homme ne sont pas
identiques, il faut nécessairement qu’ils
soient extérieurs l’un à l’autre (Boutroux).
intellectualité [ɛ̃tɛlɛktɥalite] n. f.
(dér. savant de intellectuel ; 1784, Gohin).
Caractère d’une personne ou de ce qui est
intellectuel : L’intellectualité d’Annette était
une garantie (Rolland). Le duc avait tout
de suite compris qu’il avait affaire à des
femmes d’une intellectualité supérieure et
avec lesquelles, comme il disait, il n’était
pas de force (Proust).
intellectuel, elle [ɛ̃tɛlɛktɥɛl] adj. (bas
lat. intellectualis, intellectuel, du lat. class.
intellectum, supin de intellegere [v. INTELLIGENT] ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 [« qui
se rapporte à l’intellect, à l’entendement »,
v. 1361, Oresme] ; sens 2, 1690, Furetière
[var. intellectual, v. 1460, Villon]). 1. Qui
se rapporte à l’intelligence au sens large,
à l’ensemble des fonctions mentales ayant
pour objet la connaissance (sensation,
mémoire, imagination, entendement, etc.) :
Phénomènes, faits intellectuels. Facultés
intellectuelles. Capacités intellectuelles.
Quotient intellectuel. La vue, le toucher et
l’ouïe ont parfois été appelés les sens intellectuels. La médiocrité intellectuelle n’est
souvent qu’une trop prompte résignation
à l’ignorance (Goblot). J’admirais souvent
avec quelle promptitude son esprit saisissait l’aliment intellectuel que j’approchais
d’elle (Gide). Il se sentait fait exclusivement
pour les audaces intellectuelles, les méditations fécondes (Aymé). ϦSpécialem. Qui
se rapporte à l’intellect, à l’entendement :
La pensée conceptuelle ou intellectuelle.
Ϧ 2. Qui a trait à l’activité de l’esprit, où
l’intelligence a une part prépondérante :
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Professions intellectuelles. Il disait les plaisirs intellectuels de la capitale (Theuriet). Je
prétends que le véritable intellectuel, celui
pour qui la fonction intellectuelle est une
sorte de sacerdoce, doit se tenir à l’écart de
toute querelle politique, à peine de déserter
sa mission et de tomber au rang des prédicateurs du forum (Duhamel). Elle menait une
vie plutôt intellectuelle ; elle lisait, étudiait,
et pensait beaucoup (Gyp).
• SYN. : 1 mental, moral, psychique, spirituel ; conceptuel ; 2 cérébral. — CONTR. :
1 corporel, matériel, psychique ; 2 manuel.
& adj. et n. (1886, Bloy [les intellectuels,
milieu du XIXe s., Revue de philologie
française, XXX, 147]). Qui se consacre,
par goût ou par profession, aux choses
de l’esprit : Confédération des travailleurs
intellectuels. Un intellectuel, une intellectuelle. Il n’y a que les enfants et les esprits
vides de choses qui s’ennuient. L’intellectuel
est toujours en activité (Renan). Il devait
être instruit, intelligent ; ce n’était pas un
intellectuel (Hermant). Le grand intellectuel est l’homme de la nuance, du degré,
de la qualité, de la vérité en soi, de la complexité (Malraux). Les jours où Jacquemort
se sentait intellectuel, il se retirait dans la
bibliothèque d’Angel et lisait (Vian). ϦLes
intellectuels, l’ensemble de ceux qui, dans
la société, se livrent aux travaux de l’esprit (par opposition aux autres catégories
sociales) : Le prolétariat russe, uni aux
intellectuels, se souleva (France).
intellectuellement [ɛ̃tɛlɛktɥɛlmɑ̃]
adv. (de intellectuel ; 1470, Livre de la discipline d’amour divine). Du point de vue de
l’intelligence : Un enfant intellectuellement
retardé.
intelligemment [ɛ̃tɛliʒamɑ̃] adv. (de
intelligent ; 1630, Monet). De façon intelligente : Répondre intelligemment.
intelligence [ɛ̃tɛliʒɑ̃s] n. f. • ÉTYM. Lat.
intelligentia, var. de intellegentia, action
de discerner, intelligence, entendement, de
intellegens, -entis (v. l’art. suiv.) ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, aux sens I, 1-2 ; sens
I, 3-4, 1636, Monet ; sens I, 5, 1541, Calvin
(avoir l’intelligence de, 1559, Amyot) ; sens
I, 6, 1784, Mme de Genlis ; sens II, 1, v. 1361,
Oresme (les intelligences célestes, 1694,
Acad.) ; sens Il, 2, 1749, Diderot (absol., av.
1848, Chateaubriand) ; sens III, 1, fin du
XVe s., Commynes (être de l’intelligence de
quelqu’un, 1580, Montaigne ; être de l’intelligence, 1668, La Fontaine ; être d’intelligence, 1644, Corneille ; être d’intelligence
avec quelqu’un, 1643, Corneille ; signe,
etc., d’intelligence, 1873, Larousse) ; sens
III, 2, fin du XVe s., Commynes (en bonne/
mauvaise intelligence avec quelqu’un, 1638,
Richelieu).
I. Faculté et acte de comprendre. 1. Au
sens large, par opposition à l’activité et
à l’affectivité, ensemble des fonctions de
l’esprit ayant pour objet la connaissance :
Mais, en présence de cet état si angoissant
d’une part, si excitant de l’autre, la question même de l’intelligence, de ses bornes,
de sa préservation, de son avenir probable,
se pose à elle-même et lui apparaît la question capitale du moment (Valéry). Le mot
« intelligence » signifie essentiellement
faculté de choisir entre plusieurs choses
(Duhamel). Ces moments délicieux où
l’imagination se confond tout à fait avec
l’intelligence (Camus). Ϧ 2. Dans un sens
restreint, par opposition à l’intuition et
à la sensation, activité conceptuelle de
l’esprit, par laquelle le sujet forme les
idées et élabore les lois générales, s’élève
à la connaissance rationnelle et discursive (on dit aussi plus précisément intelligence abstraite ou théorique, entendement, intellect) : Il suffit qu’il [le monde
physique] ne puisse être considéré que
sous les caractères de l’intelligence et de
la raison (France). C’est à l’intelligence
d’achever l’oeuvre de l’intuition (Rolland).
Ϧ 3. Par opposition à l’instinct, aptitude
de l’individu à réagir de façon originale
à des situations, des circonstances nouvelles, à y adapter son comportement,
son activité (on dit aussi intelligence
pratique) : L’intelligence reste le noyau
lumineux autour duquel l’instinct, même
élargi et épuré en intuition, ne forme
qu’une nébulosité vague (Bergson). L’intelligence de l’enfant est une intelligence
essentiellement pratique. L’intelligence
animale. Ϧ4.Développement variable
des facultés intellectuelles, aptitude plus
ou moins grande à concevoir, à comprendre : Être doué d’une intelligence
moyenne, vive, exceptionnelle. Avoir de
l’intelligence. Je remarque cette différence
entre l’intelligence et l’esprit : que l’intelligence est, par sa nature, égoïste, tandis
que l’esprit suppose l’intelligence à celui à
qui il s’adresse (Gide). Ϧ 5. L’intelligence
de quelque chose, l’action de comprendre,
de saisir quelque chose par la pensée : Il
a des vieux auteurs la pleine intelligence
(Molière). Il faut dire, pour l’intelligence
de ce qui va suivre, que Mme Guyon avait
été mise entre les mains de M. de Meaux
(Saint-Simon). Tout ce qu’un gouvernement peut commettre de fautes dès qu’il
s’agit d’avoir l’intelligence des faits (Zola).
ϦAvoir l’intelligence de, avoir une aptitude particulière à comprendre ou régler
certaines choses (vieilli) : Avoir l’intelligence des affaires. Ϧ 6. Habileté dans la
conduite d’une action, ingéniosité dans le
choix des moyens : Se tirer d’affaire avec
intelligence. Faire preuve d’intelligence
dans l’accomplissement d’une mission.
II. Être doué de la faculté de comprendre.
1. Vx. Être spirituel qui est intelligence
pure : Si une horloge prouve un horloger, si
un palais annonce un architecte, comment
en effet l’univers ne démontre-t-il pas une
intelligence suprême ? (Voltaire). Ϧ Les
intelligences célestes, les anges. Ϧ 2. Être
humain considéré dans ses aptitudes
intellectuelles, en tant qu’être capable de
comprendre, de juger et de définir son action : Faire appel aux intelligences jeunes,
actives, généreuses. C’est une intelligence
exceptionnelle. Le gouvernement républicain assigne aux intelligences leur rang
naturel (Chateaubriand). Chacun put
croire que cette belle intelligence sombrait
dans la folie (Aymé). Ϧ Absol. Personne
très intelligente : C’était une intelligence,
ce Sigismond, élevé dans les universités allemandes, qui, outre le français, sa langue
maternelle, parlait l’allemand, l’anglais,
le russe (Zola).
III. Rapports entre personnes qui
s’entendent. 1.Class. Communication,
entente plus ou moins secrète entre personnes qui n’agissent pas au grand jour :
Il y a de l’intelligence entre eux (Acad.,
1694). Il faut bien essayer, par quelque
intelligence, | De vaincre du jaloux
l’exacte vigilance (Molière). [L’Arménie] où nous avons vu les évêques et les
chrétiens, accusés d’intelligence avec les
Romains, s’en défendre comme d’un crime
(Bossuet). ϦClass. Être de l’intelligence
de quelqu’un, être de connivence avec
quelqu’un, s’entendre secrètement avec
lui : On peut même tuer les faux témoins
et le juge, s’il est de leur intelligence (Pascal). Célie est quelque peu de notre intelligence (Molière). Ϧ Class. et absol. Être
de l’intelligence, être du complot, de ce
qui se prépare : Amour même, dit-on, fut
de l’intelligence (La Fontaine). Quelquesuns de leurs soldats qui étaient de l’intelligence [avaient] tourné leurs armes en
faveur des Fiesques (Retz). Ϧ Par extens.
et class. Être d’intelligence,en parlant
des sentiments, des attitudes, etc., être
en accord : Vos désirs et les miens seront
d’intelligence (Corneille). Que la bouche
et le coeur sont peu d’intelligence ! (Racine). Ϧ Auj. En ce sens, ne s’emploie
plus qu’au pluriel (v. ci-après) et dans
des expressions : Être, agir d’intelligence
avec quelqu’un, agir en accord secret avec
lui. Ϧ Air, regard, signe d’intelligence,
marque, témoignage de secrète entente,
de connivence, de complicité : Elle vit
l’Amour de plâtre qui lui souriait d’un air
d’intelligence (Zola). Ϧ 2. Class. Bonne
entente, accord de sentiments : Muse, redis-moi donc quelle ardeur de vengeance |
De ces hommes sacrés rompit l’intelligence
(Boileau). Nous mangeons ensemble, nous
sommes dans une parfaite intelligence
(Sévigné). Ϧ Auj. Vivre, être en bonne,
en mauvaise intelligence avec quelqu’un,
être en bons, en mauvais termes avec lui,
s’entendre bien, mal avec lui : J’espère que
cette bonne intelligence entre les ambassadeurs et les cardinaux aura le meilleur
effet ; du moins n’aurais-je rien à me
reprocher si des passions ou des intérêts
venaient à tromper mes espérances (Chateaubriand). Il vivait en bonne intelligence
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avec son beau-père, qui était un homme
excellent (France).
• SYN. : I, 1 esprit, pensée ; 2 conception,
entendement, intellect ; 3 ingéniosité ; 4
clairvoyance, discernement, jugement, lucidité, pénétration, perspicacité, sagacité ;
5 compréhension, intellection ; 6 adresse,
doigté, maestria, maîtrise, virtuosité.
Ϧ II, 2 esprit ; aigle (fam.), cerveau, crack
(fam.), tête.
& intelligences n. f. pl. (fin du XVe s.,
Commynes). Relations, communications
secrètes, complicités : Être accusé d’intelligences avec l’ennemi. Elle n’en prenait
pas moins ses informations, ayant des
intelligences dans les principales banques
(Mauriac).
intelligent, e [ɛ̃tɛliʒɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.
intelligens, -entis, var. de intellegens, -entis,
éclairé, judicieux, connaisseur, part. prés.
adjectivé de intellegere, discerner, comprendre, apprécier, de inter, entre, et de
legere, recueillir, lire ; 1488, Mer des histoires, au sens 1 [pour des animaux, 1867,
Littré] ; sens 2, 1611, Cotgrave ; sens 3, fin
du XVIe s., Sully ; sens 4, 1830, Balzac ; sens
5, XXe s.). 1. Qui est doué d’intelligence, de
la faculté de comprendre et de connaître,
de saisir les rapports entre les choses et
d’adapter son comportement aux situations : L’homme est un être intelligent. Les
sages, en contemplant la nature, admettent
un pouvoir intelligent et suprême (Voltaire) ;
et par extens. : Ce jeune garçon de qui la vie
intelligente s’était si singulièrement retirée
(Nerval). Ϧ Se dit aussi des animaux, dans
la mesure où leur comportement paraît
adapté à une situation : Les dauphins sont
des animaux particulièrement intelligents.
Ϧ2. Qui comprend facilement et rapidement, qui possède à un degré éminent les
qualités nécessaires à l’activité de l’esprit :
Un élève intelligent, remarquablement
intelligent, peu intelligent. Intelligente,
instruite et active, Mme Déglise s’était
montrée non seulement une maîtresse de
maison accomplie, mais une précieuse
auxiliaire (Theuriet). Jamais homme [ne
fut] plus intelligent [que Sainte-Beuve] ;
je veux dire plus prompt à se déprendre
de ses idées pour entrer dans celles des
autres (Brunetière). Je hais les gens intel-
ligents (Maurois). Ϧ3. Spécialem. Qui fait
preuve d’habileté, de savoir-faire, de jugement, dans le domaine qui lui est propre :
Être secondé par un auxiliaire intelligent.
Bonaparte [...] est grand pour avoir créé [...]
une administration forte, active, intelligente
(Chateaubriand). Ϧ 4. Se dit de ce qui, chez
une personne ou dans ses actions, dénote
l’intelligence : Regard, visage intelligent.
Une remarque intelligente. Une oeuvre
intelligente. Il la trouva gentille avec son
nez fin, ses yeux intelligents et sa bouche
moqueuse (France). Ϧ5. Ironiq. Stupide :
C’est intelligent, des plaisanteries pareilles !
• SYN. : 1 pensant, raisonnable ; 2 brillant,
clairvoyant, doué, génial, perspicace,
sagace ; 3 capable, compétent, entendu,
expérimenté, fort, habile ; 4 astucieux,
éveillé, pertinent, pétillant, profond.
— CONTR. : 2 âne, bête, borné, bouché (fam.),
crétin, idiot, imbécile, inintelligent, obtus,
sot, stupide ; 4 abruti, niais, vide.
intelligentsia ou intelligentzia
[ɛ̃tɛligɛntsja ou ɛ̃tɛliʒɛ̃sja] n. f. (mot
russe, empr. du lat. intelligentia [v. INTELLIGENCE] ; début du XXe s., au sens 1 ; sens
2, 1930, Maurois). 1. Dans la Russie tsariste,
au XIXe s., classe des intellectuels réformateurs. Ϧ2. Ensemble des intellectuels d’un
pays : Dans la mesure où l’intelligentzia
n’a pu ramener le peuple à elle, elle s’est
sentie seule à nouveau devant l’autocratie
(Camus).
intelligibilité [ɛ̃tɛliʒibilite] n. f. (dér.
savant de intelligible ; 1713, Fénelon, au sens
1 ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Caractère,
état de ce qui est intelligible : Cette intelligibilité des perceptions immédiates (Sully
Prudhomme). Ϧ2. Degré de compréhension d’un message verbal : Les parasites
ont beaucoup perturbé l’intelligibilité de
son message téléphonique.
intelligible [ɛ̃tɛliʒibl] adj. (lat. intelligibilis, var. de intellegibilis, qu’on peut
comprendre, dér. de intellegere [v. INTELLIGENT] ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 [monde
intelligible, 1674, d’après A. La-lande,
1947] ; sens 2, 1552, Rabelais [sans aucun
doute plus anc., v. la date du dér. intelligiblement] ; sens 3, 1538, R. Estienne). 1. En
philosophie, qui ne peut être connu que par
l’intelligence, qui ne relève que de l’entendement (par opposition à sensible) : Réalités
intelligibles. ϦMonde intelligible, chez
Platon, le monde des Idées, dont les choses
sensibles ne sont que le reflet. Ϧ2. Qui peut
être compris, dont le sens peut être saisi
aisément : Un discours, un propos intelligible. S’exprimer d’une manière intelligible.
Je sais combien ce terme est obscur et rend
mal ma pensée. Mais peut-être deviendrat-il plus intelligible par la suite de mon
récit (France). Ϧ3. Se dit de ce qui peut
être entendu, distinctement perçu par le
sens de l’ouïe : Parler à haute et intelligible
voix. Prononcer des paroles peu intelligibles.
• SYN. : 2 accessible, clair, compréhensible,
facile, limpide, lumineux, simple ; 3 compréhensible. — CONTR. : 2 abscons, cabalistique,
fumeux, hermétique, incompréhensible,
inintelligible, insaisissable, obscur, sibyllin ; 3 confus.
intelligiblement [ɛ̃tɛliʒibləmɑ̃] adv. (de
intelligible ; 1521, P. Fabri). De façon intelligible : Parler intelligiblement.
intempérance [ɛ̃tɑ̃perɑ̃s] n. f. (lat.
intemperantia, intempérie [de l’air], défaut
de modération, excès, de intemperans,
-antis [v. l’art. suiv.] ; 1370, Oresme, au
sens 1 [au plur., av. 1806, Collin d’Harleville] ; sens 2, 1647, Vaugelas ; sens 3,
1553, Bible Gérard). 1. Littér. Manque de
retenue, de modération dans un domaine
quelconque : Intempérance de jugement.
Ne croyez pas que l’homme ne soit emporté
que par l’intempérance des sens ; l’intempérance de l’esprit n’est pas moins flatteuse
(Bossuet). Ϧ Au plur., excès, actes qui vont
contre la modération, la mesure : Là sont
vos idées sociales, vos désirs excessifs, vos
intempérances, vos joies qui tuent (Balzac).
Ϧ 2. Spécialem. et littér. Liberté excessive
dans les propos, les écrits : Intempérance de
plume (Saint-Évremond). Mais son intempérance de langage m’a délié, et puisqu’il
s’est permis de me juger, il m’a rendu la
liberté d’user du même droit à son égard
(Chateaubriand). Ϧ3. Absol. Manque de
sobriété dans le manger ou le boire : Elle
vint à lui et, redressant le litre vide, commença de lui reprocher son intempérance
(Aymé).
• SYN. : 2 licence, outrance ; 3 gloutonnerie, goinfrerie, gourmandise, ivrognerie.
— CONTR. : 1 circonspection, modération,
retenue ; 2 discrétion, réserve ; 3 ascétisme,
sobriété, tempérance.
intempérant, e [ɛ̃tɑ̃perɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.
intemperans, -antis, immodéré, désor-
donné, incontinent, dissolu, de in-, préf.
à valeur négative, et de temperans, -antis,
retenu, modéré, part. prés. adjectivé de temperare, combiner dans de justes proportions,
être modéré, maîtriser, de tempus, -poris,
moment, instant, temps, époque favorable,
occasion ; milieu du XVIe s., Amyot, au sens
1 ; sens 2, 1580, Montaigne ; sens 3, av. 1892,
Renan). 1. Littér. Qui manque de mesure,
de retenue dans son comportement, ses
réactions, qui ne se contient pas : Il [le
duc de Bourgogne] était né intempérant,
colère, violent, orgueilleux, méprisant, fastueux, dissipé (Duclos). Ϧ 2. Qui manque
de sobriété dans le manger et dans le boire :
Un homme intempérant. Ϧ 3. Littér. Se
dit des actions qui sont dépourvues de
modération, qui ont un caractère excessif :
Voilà ce qu’oublie un certain déisme, avec
ses habitudes d’affirmation intempérante
(Renan). Cette diligence intempérante était
sévèrement jugée (Duhamel).
• SYN. : 1 excessif ; 2 goinfre, gourmand,
ivrogne ; 3 abusif, effréné, immodéré, outré.
— CONTR. : 2 sobre, tempérant ; 3 discret,
mesuré, modéré, retenu.
intempéré, e [ɛ̃tɑ̃pere] adj. (lat. intemperatus, immodéré, excessif, de in-, préf.
à valeur négative, et de temperatus, bien
disposé, modéré, mesuré, part. passé adjectivé de temperare [v. l’art. précéd.] ; 1534,
Rabelais, au sens de « humide, froid »[en
parlant de l’air] ; sens moderne, 1560,
Huguet). Vx. Dépourvu de tempérance.
intempérie [ɛ̃tɑ̃peri] n. f. (lat. intemperies, état déréglé, excessif de quelque
chose, et, au fig., « caprices, humeur mal
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équilibrée », de in-, préf. à valeur négative,
et de temperies, mélange, juste proportion,
équilibre, dér. de temperare [v. INTEMPÉRANT] ; 1534, Rabelais, au sens 1 ; sens 2,
1669, Bossuet). 1. Class. (déjà vx au XVIIe s.).
Manque de régularité, d’équilibre, dérèglement d’ordre matériel (en parlant soit des
conditions atmosphériques, soit de l’organisme) : On souffre beaucoup de l’intempérie de l’air (Acad., 1694). Ce qui marque
une intempérie dans le parenchyme splénique, c’est-à-dire la rate (Molière). [Auj.,
ne s’emploie plus qu’au plur., en parlant
du temps, v. ci-après.] Ϧ 2. Class. et littér.
Dérèglement, désordre moral : Qu’est-ce
donc qui les a poussés ? Quelle force, quel
transport, quelle intempérie a causé ces agitations et ces violences ? (Bossuet). Il faut
croire que mon père, prévoyant les intempéries de mon existence, m’a bâti à chaux
et à sable (Augier).
& intempéries n. f. pl. (1794, H. B. de
Saussure). Rigueurs du climat : [Les
hommes], sans cesse exposés au soleil, à la
pluie, au vent, à toutes les intempéries des
saisons, labourent la terre (Lamennais).
Braver les intempéries.
intempestif, ive [ɛ̃tɑ̃pɛstif, -iv] adj.
(lat. intempestivus, hors de saison, déplacé,
inopportun, de in-, préf. à valeur négative,
et de tempestivus, qui arrive à propos,
approprié, dér. de tempus [v. INTEMPÉRANT] ; 1474, G. Chastellain). Qui est fait
à contretemps, se produit mal à propos, ou
apparaît comme inconvenant : Démarche,
repartie, question intempestive. Arrivée
intempestive. Une joie, une gaieté intempestive. Mais rien n’est davantage à craindre
en l’occurrence, hélas, qu’un zèle intempestif
(Gide). M. Herriot a parlé dans une heure
qui n’est plus la sienne et sur un sujet qu’on
peut estimer intempestif (Camus).
• SYN. : déplacé, importun, indiscret, inopportun, malvenu. — CONTR. : convenable,
opportun, à propos.
intempestivement [ɛ̃tɑ̃pɛstivmɑ̃]
adv. (de intempestif ; 1555, Vide, p. 313).
De façon intempestive : Je vous demande
pardon d’avoir interrompu si intempestivement vos songeries (Daudet).
intempestivité [ɛ̃tɑ̃pɛstivite] n. f.
(dér. savant de intempestif ; 1838, Acad.).
Caractère de ce qui est intempestif (rare) :
L’intempestivité d’une intervention.
intemporalité [ɛ̃tɑ̃pɔralite] n. f. (dér.
savant de intemporel ; 1962, Larousse).
Caractère de ce qui est intemporel.
intemporel, elle [ɛ̃tɑ̃pɔrɛl] adj. (de inet de temporel, ou du lat. impér. intemporalis, éternel, du lat. class. in-, préf. à valeur
négative, et temporalis, qui ne dure qu’un
temps, temporaire, dér. de tempus, -poris
[v. INTEMPÉRANT]( fin du XIXe s., au sens
1 [aussi « qui ne varie pas en fonction du
temps... »] ; sens 2, 1941, E. Jaloux). 1. Qui
est indépendant du temps ; qui ne se situe
pas dans la durée ou qui n’est pas conçu
par rapport à la durée : Peut-être notre vrai
moi [...], dans un acte intemporel, veut-il
être bon ou méchant (Fouillée). Le temps
nous est nécessaire pour nous permettre
de constituer notre existence intemporelle
(Lavelle). Ainsi une dimension intemporelle se trouve ici dissoute dans le devenir
d’une thématique. Par là, cette oeuvre est
jusque dans ses couches les plus structurées un poème (Sarraute). ϦPar extens.
Qui ne varie pas en fonction du temps,
qui est immuable : La vérité est intemporelle. Ϧ 2. Qui ne semble pas appartenir à
la réalité temporelle, qui est immatériel.
& intemporel n. m. (1884, Revue de philologie française, XXX, 148). L’intemporel, le
domaine des choses intemporelles : C’est
l’idée de temps qui commence à donner son
caractère particulier à cet instinct du devoir
où Kant ne voyait que la manifestation de
l’intemporel (Guyau).
intenable [ɛ̃tənabl] adj. (de in- et de
tenable ; 1627, Rohan, au sens 1 ; sens 2-3,
1902, Larousse ; sens 4, 1959, Robert). 1. Qui
ne peut être tenu, conservé, défendu militairement : Une place forte, une position
intenable. Ϧ 2. Où l’on ne peut se maintenir (au pr. et au fig.) : Françoise trouvait,
pour servir sa volonté permanente de rendre
la maison intenable à tout domestique,
des ruses si savantes et si impitoyables...
(Proust). Son but avoué est de rendre à
l’homme de son temps la situation intenable
(Camus). Ϧ 3. Qui n’est pas supportable :
Odeur, chaleur intenable. Ϧ4. Fam. Qui ne
tient pas en place, dont on ne peut se rendre
maître : Un enfant, un élève intenable.
• SYN. : 2 impossible, infernal (fam.), invivable ; 3 insupportable, intolérable ; 4 désobéissant, diable (fam.), dur, épouvantable,
indiscipliné, indocile, indomptable, terrible
(fam.).
intendance [ɛ̃tɑ̃dɑ̃s] n. f. (de intendant ;
1543, Isambert, au sens de « le fait de diriger » ; sens 1, 1636, Monet [« fonction de
l’officier qui... était le représentant du
pouvoir royal dans une généralité », 1690,
Furetière] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3,
1817, d’après Larousse, 1962 [« bureaux de
ce service », 1902, Larousse ; « ensemble
de ce que fournit l’intendance », milieu
du XXe s.] ; sens 4, milieu du XXe s. ; sens
5, 1671, Pomey). 1. Vx. Fonction, charge,
administration d’un intendant sous l’An-
cien Régime : Intendance des finances,
du commerce. Ϧ Spécialem. Fonction de
l’officier qui, aux XVIIe et XVIIIe s., était le
représentant du pouvoir royal dans une
généralité. Ϧ 2. Division territoriale qui
était confiée à un intendant de province :
L’intendance de Limousin. (Syn. GÉNÉRALITÉ.) Ϧ3. Intendance militaire, ou
simplem. intendance, service chargé de
pourvoir aux besoins des militaires (solde,
alimentation, habillement) et à l’administration de l’armée. ϦBureaux de ce service : Se rendre à l’intendance. Ϧ Ensemble
de ce que fournit l’intendance : Une armée
est en difficulté quand l’intendance ne suit
pas. Ϧ 4. Intendance universitaire, corps de
fonctionnaires chargés de l’administration financière des lycées et collèges, et de
pourvoir aux besoins matériels de ces établissements. Ϧ 5. Gestion d’une propriété
importante pour le compte d’autrui, des
biens, des affaires d’un particulier : Avoir
l’intendance d’un domaine.
intendant [ɛ̃tɑ̃dɑ̃] n. m. (de l’anc. mot
[super]intendent, chef [XVe s.], commis
supérieur [milieu du XVIe s.], lat. médiév.
superintendens, -entis, mêmes sens, part.
prés. substantivé du bas lat. superintendere, surveiller, du lat. class. super-, préf.
à valeur superlative, et intendere, étendre,
tendre vers, tourner, diriger [ses yeux, son
attention, etc.], de in-, préf. marquant le
mouvement vers, et de tendere, tendre,
étendre, se diriger ; milieu du XVIe s., au
sens 2 ; sens 1, 1677, Miege [intendant des
finances, 1690, Furetière intendant de (la)
marine, 1680, Richelet] sens 3, début du
XIXe s. ; sens 4, 1945, d’après Larousse, 1962 ;
sens 5, 1668, Molière). 1. Sous l’Ancien
Régime, titre de fonctionnaires chargés
d’un service d’administration publique :
Il [Lenôtre] était intendant des bâtiments,
et logeait aux Tuileries ; il avait soin du
jardin, qui est de lui, et du palais (SaintSimon). ϦIntendant des finances, à partir
du XVIe s., officier chargé d’ordonnancer
les dépenses, sous la direction du surintendant. Ϧ Intendant de marine, aux XVIIe et
XVIIIe s., officier chargé de l’administration
de la marine et des constructions navales
dans les ports. Ϧ 2. Intendant de province,
intendant de police, justice et finances, ou
simplem. intendant, aux XVIIe et XVIIIe s.,
officier qui, dans le cadre d’une généralité des finances, était l’agent tout-puissant
du pouvoir royal : Les intendants furent
supprimés par la Constituante en 1789.
Ϧ3. Intendant militaire, titre donné aux
fonctionnaires du service de l’intendance
militaire : Intendant militaire adjoint.
Intendant général. Ϧ 4. Intendant universitaire, fonctionnaire chargé de l’administration financière et de la surveillance
du service matériel d’un établissement
d’enseignement. Ϧ5. Personne qui gère
les biens, les affaires d’un particulier, dirige
et administre une grande maison ou une
propriété importante pour le compte de
son propriétaire : L’intendant d’un château,
d’un domaine rural.
• SYN. : 4 économe ; 5 régisseur.
intendante [ɛ̃tɑ̃dɑ̃t] n. f. (fém. du précéd. ; 1680, Richelet, au sens 1 ; sens 2, 1752,
Trévoux ; sens 3, 1959, Robert [aussi « fonctionnaire femme chargée de l’intendance
d’un établissement d’enseignement »]).
1. Sous l’Ancien Régime. femme d’un
intendant. Ϧ 2. Supérieure de certains coudownloadModeText.vue.download 129 sur 1066
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vents de femmes. Ϧ3. Femme chargée de
l’intendance d’une maison. Ϧ Spécialem.
Fonctionnaire femme chargée de l’intendance d’un établissement d’enseignement.
intense [ɛ̃tɑ̃s] adj. (bas lat. intensus,
intense, violent, attentif, var. du lat. class.
intentus, part. passé de intendere [v. INTENDANT] ; v. 1265, J. de Meung, au sens de
« extraordinaire » [en parlant d’une qualité] ; sens 1, 1752, Trévoux [pour une couleur, 1783, Buffon] ; sens 2, 1892, Zola ; sens
3, 1962, Larousse). 1. Qui agit avec force,
dont l’action est ressentie très fortement :
Froid, chaleur, douleur, bruit intense. Une
satisfaction intense. Tes sens magnifiés
vivront d’intenses fièvres (Samain). Elle
[la neige] éclairait, de son intense et froide
réverbération, jusqu’aux coins les plus
sombres (Carco). Ϧ Spécialem. Se dit d’une
couleur dont le ton est très vif : Un bleu
intense. Ϧ 2. Très important, qui dépasse la
mesure ou le degré habituels : Circulation,
activité, animation intense. Ϧ 3. Voyelle,
syllabe intense, en linguistique, voyelle,
syllabe qui supporte l’accent d’intensité.
• SYN. : 1 excessif, extrême, forcené, insupportable, vif, violent ; 2 dense, frénétique,
infernal (fam.).
intensément [ɛ̃tɑ̃semɑ̃] adv. (de intense ;
intensément [ɛ̃tɑ̃semɑ̃] adv. (de intense ;
fin du XIVe s., écrit intensement ; intensément, 1925, A. Gide [le mot ne semble
pas être attesté entre la fin du Moyen Age
et l’époque contemporaine]). De façon
intense : Une minute, ses yeux de visionnaire lucide fixèrent intensément un point
éloigné (Martin du Gard). Ma surprise dut
se peindre si intensément sur mon visage
que la « petite Rouge » (comme tu disais)
suspendit brusquement son interrogatoire
(Vailland).
intensif, ive [ɛ̃tɑ̃sif, -iv] adj. (de intense ;
XIVe s., Gordon, au sens de « qui dépasse la
mesure » ; 1700, Fénelon, au sens de « qui
a la plénitude de l’être » ; sens 1, XXe s.
[culture intensive, 1867, Littré] ; sens 2,
1889, Bergson ; sens 3, 1845, Bescherelle).
1. Se dit d’une activité qui est portée à
un haut degré d’efficacité ou de rendement par un effort intense et continu, et
par l’emploi de moyens considérables :
Soumettre des athlètes à une préparation
intensive. Propagande intensive. Ce machinisme intensif [des États-Unis] fait penser
à l’industrie prodigieuse des hommes de
la préhistoire (Cendrars). Ϧ Culture intensive, système de culture qui, par la mise en
oeuvre de fonds, de moyens et d’un matériel importants, vise à obtenir d’un sol le
rendement et le revenu brut le plus élevés
possible : Son domaine exigeait la grande
culture, le système intensif (Flaubert).
Saccard procédait par coups de fièvre, appliquant au terrain financier la méthode de la
culture intensive (Zola). Ϧ2. Se dit d’une
grandeur qui peut croître ou décroître,
mais n’est pas mesurable directement : La
force d’une sensation, d’une émotion, est
une grandeur intensive. Ϧ3. En linguistique, se dit d’un élément ou d’un terme qui
exprime avec une force particulièrement
grande la notion contenue dans la racine :
Préfixe, suffixe, mode intensif. Dérivé, composé intensif.
& intensif n. m. (1959, Robert [l’intensif,
début du XXe s.]). Un intensif, en linguistique, un dérivé ou un composé intensif :
« Ultra-confidentiel » est un intensif formé
avec le préfixe « ultra- ». ϦL’intensif, modalité grammaticale qui exprime l’intensité :
Il y a en sémitique une étonnante variété
de moyens pour exprimer par exemple le
causatif, le conatif, l’intensif, le désidératif,
le putatif, le jussif (Vendryes).
intensification [ɛ̃tɑ̃sifikasjɔ̃] n. f. (de
intensifier ; 1923, A. Gide). Action d’inten-
sifier, ou le fait de s’intensifier : Le ministre
a déclaré qu’il fallait poursuivre l’intensification de la production. L’intensification de
l’agitation sociale inquiète le gouvernement.
• SYN. : accroissement, aggravation, amplification, augmentation, extension.
intensifier [ɛ̃tɑ̃sifje] v. tr. (de intensi-,
élément tiré de intense, et de -fier, du lat.
facere, faire ; 4 avr. 1868, l’Opinion nationale). Rendre plus intense, plus soutenu :
Intensifier la propagande, l’effort de guerre.
• SYN. : accentuer, accroître, amplifier,
augmenter.
& s’intensifier v. pr. (1932, Bergson).
Devenir plus intense : L’activité des transports aériens s’intensifie chaque année.
• SYN. : s’amplifier, augmenter, croître, se
développer, grossir.
intensimètre [ɛ̃tɑ̃simɛtr] n. m. (de
intensi[té] et de -mètre, gr. metron, mesure ;
1968, Larousse). En physique nucléaire,
dosimètre permettant de mesurer l’intensité d’une radiation.
intensité [ɛ̃tɑ̃site] n. f. (dér. savant de
intense ; 1740, Demours, au sens 1 [intensité d’un son, 1835, Acad. ; intensité d’un
courant électrique, d’une force, 1888,
Larousse ; intensité d’une encre, 1968,
Larousse ; accent d’intensité, 1893, Dict.
général] ; sens 2, 1770, Buffon). 1. Degré
plus ou moins grand d’énergie, de force,
de puissance, d’activité de certains phénomènes : L’intensité du froid, d’un bruit.
Intensité lumineuse. Mais pour ce feu
oblong dont l’intensité ira s’augmentant,
au point qu’il deviendra un jour l’unique
lumière (Apollinaire). Ϧ Intensité d’un son,
qualité du son qui nous fait distinguer un
son fort d’un son faible : L’intensité d’un
son dépend de l’amplitude des vibrations
sonores. Ϧ Intensité d’un courant électrique, quantité d’électricité que débite
un courant continu pendant l’unité de
temps. Ϧ Intensité d’une force, en physique, action plus ou moins grande que
cette force exerce ; mesure de cette action.
ϦIntensité d’une encre, pouvoir colorant
d’une encre d’imprimerie, qui est fonction de la nature et de la concentration des
pigments. ϦAccent d’intensité, en phonétique, articulation d’un phonème ou d’un
groupe de phonèmes plus forte que celle
des phonèmes ou groupes de phonèmes
avoisinants : Accent d’intensité fort, faible.
Ϧ 2. Caractère de ce qui atteint un haut
degré d’énergie, de force, d’activité : Ce
qui me paraît donc avant tout marquer
d’une manière inoubliable la musique
de ce maître, c’est l’intensité nerveuse, la
violence dans la passion et dans la volonté
(Baudelaire). J’ai remarqué [...] que tous
deux se regardaient avec intensité (Camus).
Une attention captivée par l’intensité du
silence (Queneau).
• SYN. : 1 acuité, force, puissance, violence.
intensivement [ɛ̃tɑ̃sivmɑ̃] adv. (de
intensif ; v. 1380, Conty, au sens de « avec
intensité » ; sens actuel, fin du XVIe s.). De
façon intensive : Préparer intensivement
les athlètes des jeux Olympiques.
intenter [ɛ̃tɑ̃te] v. tr. (lat. intentare,
tendre ou diriger contre [au pr. et au fig.],
fréquentatif de intendere [v. INTENDANT] ;
fin du XIIIe s., Godefroy). Engager contre
quelqu’un une action judiciaire : Intenter
une action en justice. Intenter un procès
à quelqu’un, contre quelqu’un. Une autre
[...] parlait d’intenter un procès au préfet
de police (Zola).
intention [ɛ̃tɑ̃sjɔ̃] n. f. (lat. intentio,
tension, application, volonté, intensité, de
intentum, supin de intendere [v. INTENDANT] ; 1119, Godefroy, écrit entencion
[intention, fin du XIIe s.], au sens II, 1
[avoir l’intention de, 1845, Mérimée ; sans
intention, 1810, Code pénal ; avec intention,
procès d’intention, XXe s. ; l’enfer est pavé
de bonnes intentions, 1867, Littré — l’enfer
est plein de bonnes intentions, même sens,
1690, Furetière] ; sens I, v. 1560, Paré [aussi
première et seconde intention] ; sens II, 2,
1119, Godefroy, écrit entencion [intention,
fin du XIIe s. ; direction d’intention, 1657,
Pascal — aussi péjor.] ; sens II, 3-4, 1119,
Godefroy, écrit entencion [intention, fin du
XIIe s.] ; sens II, 5, 1936, Capitant ; sens III,
1, 1873, Larousse [aussi intention objective] ;
sens III, 2, milieu du XXe s.).
I. En chirurgie, action de tendre. Ϧ Réunion par première intention, réunion
par accolement des lèvres d’une plaie
non septique ou d’une incision chirurgicale. Ϧ Réunion par seconde intention,
réunion plus tardive, notamment après
suppuration.
II. 1. Disposition d’esprit, souvent implicite, par laquelle on tend plus ou moins
fermement vers quelque fin : Agir dans
une intention de conciliation. De bonnes,
de mauvaises intentions. Supposer à
quelqu’un des intentions perfides. Je fis
part à la voisine de mon intention (Gide).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2682
Qu’il s’agisse d’une chose perçue, d’un
événement historique ou d’une doctrine,
comprendre, c’est ressaisir l’intention
totale (Merleau-Ponty). Zazie tremble de
désir et d’anxiété, car elle n’est pas du tout
sûre que le type ait vraiment des intentions
malhonnêtes (Queneau). Ϧ Avoir l’intention de (suivi de l’infinitif), se proposer
de : J’ai l’intention de prolonger d’une
semaine mon séjour ici. Ϧ Sans intention, involontairement. Ϧ Avec intention,
de propos délibéré, à dessein. Ϧ Procès
d’intention, accusation fondée non pas
sur les actes que quelqu’un a accomplis,
mais sur ceux qu’on lui prête, injustement peut-être, l’intention d’accomplir :
Voulez-vous tirer argument de bruits
incontrôlables pour nous faire un procès
d’intention ? (Gracq). Ϧ L’enfer est pavé de
bonnes intentions (prov.), les bonnes intentions ne coûtent rien et peuvent aboutir aux pires résultats. Ϧ 2. En morale, fin
que l’on se propose en agissant, et plus
précisément volonté d’obéir à la règle,
d’agir conformément à la règle, qui donne
à l’acte sa valeur morale : Juger quelqu’un
non sur ses actes, mais sur ses intentions.
ϦDirection d’intention, attitude mentale
par laquelle on rapporte ses actions, ses
vues à une fin déterminée, qui en constitue la moralité ; péjor., tentative hypocrite pour justifier un acte coupable par
les conséquences bonnes qu’il a pu comporter : Pratiquer la direction d’intention. Ϧ 3. Volonté arrêtée et mûrement
délibérée : Les intentions du testateur. Il
est toujours difficile de faire une bonne loi,
qui réponde aux intentions des législateurs (France). Ϧ 4. La fin même que l’on
se propose en agissant : Les résultats vont
à l’encontre de ses intentions. Un esprit
les eût recherchés avec quelque intention
(Valéry). Ϧ5. Intention délictueuse, en
droit, détermination consciente et voulue
d’accomplir un acte délictueux.
III. 1. Dans le vocabulaire de la scolastique, acte de la pensée qui s’applique à
un objet ( intention formelle). Ϧ L’objet
même auquel la pensée s’applique (intention objective). Ϧ2.Dans le vocabulaire de la phénoménologie, acte de la
conscience qui se crée en donnant un
sens à l’objet auquel elle s’applique.
• SYN. : II, 1 arrière-pensée, calcul, dessein, mobile, pensée, plan, projet, propos ; 3
décision, désir, résolution, volonté, vouloir ;
4 but, objectif, visées, vues.
& À cette intention loc. adv. (av. 1890,
Maupassant). À dessein, pour cela : Il l’enveloppa dans une serviette emportée à cette
intention, et rentra chez lui (Maupassant).
& À l’intention de loc. prép. (milieu du
XVe s., Quinze Joyes de mariage,écrit à
l’entencion de ; à l’intention de, 1671,
Mme de Sévigné [« pour le profit spirituel
de », 1690, Furetière]). 1. Pour le profit de,
en l’honneur de, pour : Donner une fête à
l’intention des touristes. Écrire un ouvrage
à l’intention des enfants. Ϧ2. Spécialem.
Pour le profit spirituel de : Faire dire une
messe à l’intention d’un défunt.
intentionnalité [ɛ̃tɑ̃sjɔnalite] n. f. (dér.
savant de intentionnel ; 1877, Littré, au sens
1 [en psychologie, 1962, Larousse] ; sens 2,
1931, Husserl). 1. Caractère intentionnel.
Ϧ Spécialem. En psychologie, caractère
d’un acte ou d’un état de conscience adapté
à une intention. Ϧ 2. Dans le vocabulaire
de la phénoménologie, caractère de la
conscience de tendre vers un objet et de
lui donner un sens.
intentionné, e [ɛ̃tɑ̃sjɔne] adj. (de intention ; 1567, Papiers de Granvelle [II, 211],
dans la loc. intentionné de, qui a le dessein
de ; bien, mal intentionné, 1626, Richelieu).
Bien, mal intentionné, qui a de bonnes, de
mauvaises intentions : Malheureusement,
certaines personnes, bien ou mal intentionnées, lui parlèrent de moi d’une façon qui
dut lui laisser croire qu’elles le faisaient à
ma prière (Proust).
• REM. Mal intentionné s’écrit aussi en un
seul mot : MALINTENTIONNÉ (1651, Retz).
intentionnel, elle [ɛ̃tɑ̃sjɔnɛl] adj. (de
intention ; v. 1380, Aalma, écrit intencionnal [intentionnel, 1487, Garbin], au sens de
« qu’on a en vue » [terme de scolastique] ;
sens 1, 1798, Acad. ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, milieu du XXe s.). 1. Qui est fait avec
intention, à dessein : Une erreur intentionnelle. Au ton intentionnel qu’il eut pour
répéter cette affirmation... (P. Hervieu).
Ϧ2. Espèces intentionnelles (ou impresses),
dans la scolastique, images qui émanent
des corps et frappent les sens, par opposition à celles que l’esprit tire ensuite des sens
et rend intelligibles. Ϧ 3. Dans le vocabulaire de la phénoménologie, qui présente
une intentionnalité.
• SYN. : 1 conscient, délibéré, prémédité,
réfléchi, volontaire, voulu. — CONTR. :
1 automatique, inconscient, instinctif,
involontaire, machinal.
intentionnellement [ɛ̃tɑ̃sjɔnɛlmɑ̃] adv.
(de intentionnel ; milieu du XVIe s., puis
1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2, 1867, Littré).
1. Volontairement : Omettre un nom intentionnellement. Ϧ 2. En intention (rare) :
Coupable intentionnellement.
• SYN. : 1 délibérément, à dessein, à
bon escient, exprès, de propos délibéré,
sciemment.
intentionner [ɛ̃tɑ̃sjɔne] v. tr. (de intention ; 1589, Variétés historiques et littéraires
[VII, 266], au sens de « diriger [quelqu’un
ou quelque chose] par l’intention » ; sens
actuel, milieu du XXe s.). Dans le vocabulaire de la phénoménologie, tendre vers tel
objet par la pensée.
1. inter [ɛ̃tɛr] n. m. (abrév. de interurbain ;
1959, Robert). Téléphone interurbain : J’ai
eu beaucoup de mal à obtenir l’inter.
2. inter [ɛ̃tɛr] n. m. (abrév. de intérieur, n.
m. ; 1924, Montherlant). Dans une équipe
de football, joueur de la ligne d’attaque
placé entre l’ailier et le centre : Inter droit.
Inter gauche.
• REM. On dit aussi INTÉRIEUR.
3. inter- [ɛ̃tɛr], élément tiré du lat. inter
– prép. signif. « entre, parmi, pendant » et
marquant aussi la relation, l’échange, la
réciprocité –, et qui entre, comme préfixe,
dans la composition de nombreux mots.
interaction [ɛ̃tɛraksjɔ̃] n. f. (de inter- 3
et de action ; 1876, Revue scientifique [p.
50], au sens 1 ; sens 2, 1931, Larousse ; sens
3, 1968, Larousse). 1. Action réciproque
de deux ou plusieurs phénomènes : La
courbe de Planck représente l’interaction de la matière et de la lumière (Boll).
Ϧ2. Spécialem. Influence réciproque de
deux éléments d’un avion : Interaction
aile-fuselage. Ϧ3. En physique nucléaire,
phénomène par lequel des actions s’exercent entre deux ou plusieurs corpuscules.
interallié, e [ɛ̃tɛralje] adj. (de inter- 3
et de allié ; 1915, Lyautey). Qui est commun aux alliés d’une coalition : Nous nous
sommes rencontrés au Cercle interallié
(M. Prévost). Le Conseil interallié semblait
décidé, ces jours-ci, à étendre au front italien les pouvoirs de Foch (Martin du Gard).
• REM. Ce terme fut surtout usité au cours
de la Première Guerre mondiale.
interaméricain, e [ɛ̃tɛramerikɛ̃, -ɛn]
adj. (de inter- 3 et de américain ; 25 juin
1966, le Monde). Qui est commun à l’ensemble des États du continent américain.
interandin, e [ɛ̃tɛrɑ̃dɛ̃, -ɛn] adj. (de inter3 et de Andes, n. géogr. ; 1931, Larousse).
Relatif aux régions intérieures des Andes :
Plateaux interandins.
interarabe [ɛ̃tɛrarab] adj. (de inter- 3
et de arabe ; 24 juill. 1966, le Monde). Qui
est commun à l’ensemble des pays arabes.
interarmées [ɛ̃tɛrarme] adj. invar.
(de inter- 3 et du plur. de armée ; 1931,
Larousse). Qui est commun à plusieurs
armées (de terre, de mer, de l’air) :
Commandement interarmées.
interarmes [ɛ̃tɛrarm] adj. invar. (de
inter- 3 et de arme ; 1931, Larousse). Qui
est commun à plusieurs armes (infanterie,
arme blindée, etc.) d’une même armée :
Centre d’instruction interarmes.
interars [ɛ̃tɛrars] n. m. (de inter- 3 et de
ars ; 1867, Littré). Partie du corps du cheval située entre les deux ars et qui est la
continuation du poitrail.
interastral, e, aux [ɛ̃tɛrastral, -o] adj.
(de inter- 3 et de astral ; 1934, Quillet). Qui
se trouve ou se produit entre plusieurs
astres : Espace interastral. Phénomène
interastral.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2683
interatomique [ɛ̃tɛratɔmik] adj. (de
inter- 3 et de atomique ; 1873, Nysten [art.
pore]). Qui est situé entre les atomes :
Espaces interatomiques.
interattraction [ɛ̃tɛratraksjɔ̃] n. f. (de
inter- 3 et de attraction ; 1962, Larousse).
Attraction que des individus exercent les
uns sur les autres, et qui les pousse à se
grouper.
interauriculaire [ɛ̃tɛrorikylɛr] adj. (de
inter- 3 et de auriculaire ; 1967, d’Allaines).
Cloison interauriculaire, cloison qui sépare
les deux oreillettes du coeur.
intercalaire [ɛ̃tɛrkalɛr] adj. (lat. intercalaris ou -rius, intercalé, intercalaire, de
intercalare [v. INTERCALER] ; 1352, Bersuire,
au sens 1 [jour intercalaire ; mois intercalaire, 1867, Littré ; année intercalaire, 1838,
Acad. — an intercalare, même sens, 1552,
Rabelais ; en pathologie, 1845, Bescherelle] ;
sens 2, 1660, Oudin ; sens 3, 1959, Robert ;
sens 4, 1962, Larousse ; sens 5, 1902,
Larousse). 1. Se dit de diverses choses que
l’on intercale. Ϧ Jour intercalaire, dans le
calendrier grégorien, jour que l’on ajoute au
mois de février dans les années bissextiles.
Ϧ Mois intercalaire, mois que les Grecs
ajoutaient à certaines années lunaires pour
assurer la concordance avec l’année solaire.
Ϧ Par extens. Année intercalaire, année à
laquelle était ajouté le mois intercalaire.
ϦJour, période intercalaire, dans certaines
maladies (malaria, fièvre ondulante), jour,
période d’accalmie entre deux périodes
aiguës. Ϧ2. Vers intercalaires, vers que l’on
répète plusieurs fois, comme un refrain,
dans les poèmes faits pour être chantés.
Ϧ3. Se dit de ce qui est ajouté à l’intérieur
d’un livre, d’un livret, d’un fascicule, d’un
journal : Feuille, feuillet, livret intercalaire.
Ϧ4. Proposition intercalaire, en grammaire, syn. de proposition INCISE. Ϧ 5. En
botanique, se dit de la croissance d’un
végétal lorsqu’elle se produit non pas au
sommet, mais dans les organes déjà formés.
& n. m. (sens 1, milieu du XXe s. ; sens 2,
1962, Larousse). 1. Livret ou feuillet intercalaire. Ϧ 2. Fiche d’un format particulier
ou d’une couleur particulière, qui sépare
des groupes de fiches ou de cartes perforées
à l’intérieur d’un même fichier.
intercalation [ɛ̃tɛrkalasjɔ̃] n. f. (lat.
intercalatio, intercalation, de intercalatum, supin de intercalare [v. INTERCALER] ; XVe s., Godefroy, au sens 1
[« action d’insérer dans un écrit », 1812,
Mozin] ; sens 2, 1902, Larousse). 1. Action
d’intercaler ; résultat de cette action :
L’intercalation d’un nombre dans une
addition. L’intercalation d’un mot, d’une
phrase dans un texte. L’intercalation d’un
jour dans le mois de février d’une année bissextile. L’intercalation d’un son à l’intérieur
d’un mot s’appelle « épenthèse ». Ϧ2. Dans
l’imprimerie, mot, signe, lettre d’un caractère autre que celui qui est employé dans
la composition d’un ouvrage.
intercalé, e [ɛ̃tɛrkale] adj. (part. passé
de intercaler ; 1957, Robert, art. incise).
Proposition intercalée, syn. de proposition
INCISE.
intercaler [ɛ̃tɛrkale] v. tr. (lat. intercalare, intercaler, proprem. « publier entre »,
de inter, entre, et de calare, appeler, convoquer ; 1520, Vaganay, au sens 1 [« ajouter
un jour au mois de février. » ; « introduire
dans une série ou dans un ensemble déjà
constitués », 1611, Cotgrave] ; sens 2,
1690, Furetière). 1. Introduire dans une
série ou dans un ensemble déjà constitué. ϦSpécialem. Ajouter un jour au
mois de février, tous les quatre ans, pour
faire concorder l’année civile avec l’année
solaire. Ϧ 2. Introduire une chose entre
deux autres : Intercaler un mot, une phrase
dans un texte. Intercaler une citation, un
exemple.
• SYN. : 1 enclaver, incorporer ; 2 enchâsser,
insérer, interpoler.
& s’intercaler v. pr. (1867, Littré). Se placer
entre deux personnes, deux choses : Une
pièce mécanique qui vient s’intercaler entre
deux autres.
• SYN. : s’interposer.
intercéder [ɛ̃tɛrsede] v. intr. (lat. intercedere, venir ou aller entre, intervenir,
s’interposer ; 1345, Godefroy). [Conj. 5
b.] S’entremettre en faveur de quelqu’un
pour lui obtenir quelque avantage : On
expie pour les autres, on se charge de leurs
fautes, on leur offre ses mérites, on intercède
pour le monde auprès de Dieu (Rolland).
Intercéder en faveur d’un condamné.
• SYN. : S’employer, s’entremettre, parler
pour.
intercellulaire [ɛ̃tɛrselylɛr] adj. (de
inter- 3 et de cellule ; 1845, Bescherelle).
Qui se trouve entre des cellules animales
ou végétales.
intercepter [ɛ̃tɛrsɛpte] v. tr. (de
intercepter [ɛ̃tɛrsɛpte] v. tr. (de
intercept[ion] ; 1528, Papiers de Granvelle
[1, 340], au sens 1 ; sens 2, 1606, Crespin ;
sens 3, 1770, Raynal ; sens 4, XXe s. ; sens
5, 1959, Robert). 1. Prendre au passage en
détournant de sa destination première :
Au temps où Jérôme vivait encore à Paris,
il avait donné à son concierge [...] l’ordre
d’intercepter son courrier (Martin du
Gard). Ϧ2. Arrêter dans son cours, dans sa
marche : Les nuages interceptent les rayons
du soleil. Ϧ 3. En termes militaires, empêcher un bâtiment, un appareil d’atteindre
son but : Intercepter des bombardiers ennemis. Ϧ4. Dans les sports d’équipe, s’emparer du ballon au cours d’une passe entre
deux adversaires. Ϧ 5. Prendre connaissance au passage de quelque chose qui ne
nous est pas destiné : Intercepter un message transmis par radio.
• SYN. : 1 arrêter, capter, s’emparer de ; 2
cacher, interrompre, masquer, occulter,
offusquer (vx), tamiser, voiler.
intercepteur [ɛ̃tɛrsɛptoer] n. m. (de
intercepter ; 1757, Genet, au sens de « celui
qui intercepte quelque chose » ; sens actuel,
1962, Larousse). Avion de chasse très
rapide, spécialement conçu pour arrêter
les incursions d’appareils ennemis.
interception [ɛ̃tɛrsɛpsjɔ̃] n. f. (lat.
interceptio, soustraction, vol, de interceptum, supin de intercipere, intercepter,
enlever, soustraire, de inter, entre, et de
capere, prendre, saisir ; XVe s., Godefroy,
au sens 1 ; sens 2, v. 1560, Paré ; sens 3,
1959, Robert). 1. Action d’intercepter
une chose, de l’arrêter en l’empêchant
d’atteindre sa destination : L’interception
d’une lettre, du courrier. Interception du
ballon au cours d’une passe, au football.
Ϧ 2. Action d’arrêter dans sa marche ou
dans sa course : L’interception des rayons du
soleil par les nuages. Ϧ3. Action de prendre
connaissance de quelque chose qui ne nous
est pas destiné : Interception d’un message
transmis par radio.
intercesseur [ɛ̃tɛrsesoer] n. m. (lat. intercessor, celui qui s’interpose, s’entremet, de
intercessum, supin de intercedere [v. INTERCÉDER] début du XIVe s., Gilles li Muisis, au
sens 1 [entrecessor, forme plus pop., v. 1212,
Angier] ; sens 2, 1721, Trévoux). 1. Littér.
Personne qui intercède en faveur d’une
personne : Être, se faire l’intercesseur de
quelqu’un. Les saints sont nos intercesseurs
auprès de Dieu (Bourdaloue). Ϧ 2. Autref.
Évêque qu’on chargeait de l’administration
d’un diocèse pendant la vacance du siège.
• SYN. : 1 avocat, défenseur.
intercession [ɛ̃tɛrsesjɔ̃] n. f. (lat. intercessio, intervention, médiation, entre- mise,
de intercessum, supin de intercedere [v.
INTERCÉDER] ; v. 1220, Coincy). Action
d’intercéder auprès de quelqu’un, en faveur
de quelqu’un : Saint Nicolas montrait aux
habitants les enfants tirés du saloir et contait
le grand miracle que Dieu avait fait par son
intercession (France). Obtenir quelque chose
par l’intercession de quelqu’un.
interchangeabilité [ɛ̃tɛrʃɑ̃ʒabilite] n.
f. (dér. savant de interchangeable ; 1931,
Larousse [pour un gaz, 1962, Larousse]).
Caractère de ce qui est interchangeable :
L’interchangeabilité des pièces fabriquées
en série. ϦSpécialem. Propriété d’un gaz
qui peut être substitué à un autre dans des
conditions d’utilisation analogues.
interchangeable [ɛ̃tɛrʃɑ̃ʒabl] adj. (angl.
interchangeable, échangeable, se succédant
alternativement [milieu du XVe s.], dér. de to
interchange, changer mutuellement, échanger, de inter- [lat. inter, V. INTER- 3] et de to
change, changer [empr. du franç. changer] ;
18 mars 1870, la Liberté). Se dit des choses
ou des personnes que l’on peut mettre à
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la place les unes des autres : Il n’est pas
certain que, pour créer une oeuvre littéraire,
l’imagination et la sensibilité ne soient pas
des qualités interchangeables (Proust). À ce
niveau machinal, en effet, les hommes se
ressemblent et on s’explique ainsi ce curieux
univers où tous les personnages paraissent
interchangeables (Camus).
interchanger [ɛ̃tɛrʃɑ̃ʒe] v. tr. (de
interchang[eable], d’après changer ; 1919,
Proust). Substituer une personne, une
chose à une autre : [...] Qui n’a remarqué
combien les couples les plus normaux
finissent par se ressembler, quelquefois
même par interchanger leurs qualités ?
(Proust).
intercinèse [ɛ̃tɛrsinɛz] n. f. (de inter- 3
et de -cinèse, gr. kimêsis, mouvement, de
kineîn, remuer, agiter ; 1953, Larousse). Etat
de repos du noyau entre deux divisions
cellulaires.
interclasse [ɛ̃tɛrklas] n. m. (de inter- 3 et
de classe ; milieu du XXe s.). Court intervalle
qui sépare deux heures de classe.
interclassement [ɛ̃tɛrklasmɑ̃] n. m. (de
interclasser ; 1962, Larousse). Opération
effectuée par une interclasseuse.
interclasser [ɛ̃tɛrklase] v. tr. (de inter- 3
et de classer ; 1962, Larousse). Traiter deux
séries de cartes perforées à l’interclasseuse.
interclasseuse [ɛ̃tɛrklasøz] n. f. (de
interclasser ; 1962, Larousse). Machine à
cartes perforées qui permet la fusion de
deux groupes de cartes préalablement classées dans le même ordre.
interclubs [ɛ̃tɛrkloeb] adj. invar. (de
inter- 3 et de club 1 ; 1889, Bonnaffé). Se
dit d’une compétition où sont opposées
les équipes de plusieurs clubs : La Coupe
d’Europe des clubs est une compétition de
football interclubs.
intercolonial, e, aux [ɛ̃tɛrkɔlɔnjal,
-o] adj. (de inter- 3 et de colonial ; 1er nov.
1871, la Patrie). Vx. Qui a lieu de colonie à
colonie : Commerce intercolonial.
intercommunal, e, aux [ɛ̃tɛrkɔmynal,
-o] adj. (de inter- 3 et de communal ; 1890,
Grande Encyclopédie, art. commune). Qui
concerne plusieurs communes : Syndicat
intercommunal.
intercommunication
[ɛ̃tɛrkɔmynikasjɔ̃] n. f. (de inter- 3 et de
communication ; 1867, Littré, au sens 1 ;
sens 2, 1888, Larousse ; sens 3, milieu du
XXe s.). 1. Communication réciproque entre
des personnes ou des choses. Ϧ 2. Liaison
d’alarme entre la voiture d’un train et la
locomotive. Ϧ 3. Communication établie
entre plusieurs interlocuteurs.
intercompréhension [ɛ̃tɛrkɔ̃preɑ̃sjɔ̃]
n. f. (de inter- 3 et de compréhension ; XXe s.).
Capacité, pour des sujets parlants, de comprendre des énoncés émis par d’autres
sujets parlants appartenant à une même
communauté : Jules Ronjat, pour délimiter
le franco-provençal et le provençal, a mis
en valeur le facteur d’intercompréhension :
s’entend-on facilement entre voisins ? les
parlers appartiennent au même groupe
(Dauzat).
interconfessionnalisme
[ɛ̃tɛrkɔ̃fɛsjɔnalism] n. m. (dér. savant de
interconfessionnel ; 1902, Larousse). Essai
d’accord entre divers groupes religieux.
interconfessionnel, elle
[ɛ̃tɛrkɔ̃fɛsjɔnɛl] adj. (de inter- 3 et de
confessionnel ; 1902, Larousse, au sens 1 ;
sens 2, 5 janv. 1969, le Monde). 1. Relatif
à l’interconfessionnalisme. Ϧ 2. Qui est
commun à plusieurs confessions, à plusieurs groupes religieux : Église, école
interconfessionnelle.
interconnecter [ɛ̃tɛrkɔnɛkte] v. tr. (de
inter- 3 et de connecter ; 1962, Larousse).
Mettre en relation deux ou plusieurs
centres de production ou de consommation
d’électricité, afin de permettre les échanges
d’énergie d’un centre à un autre.
interconnexion [ɛ̃tɛrkɔnɛksjɔ̃] n. f. (de
inter- 3 et de connexion ; v. 1930). Action
d’interconnecter.
interconscient, e [ɛ̃tɛrkɔ̃sjɑ̃, -ɑ̃t] adj.
(de inter- 3 et de conscient ; av. 1945, P.
Valéry). Situé dans une zone qui échappe
à la conscience : Là, sur le papier même,
je ne sais quelle scintillation de derniers
astres tremblait infiniment pure dans le
même vide interconscient où, comme une
matière de nouvelle espèce, distribuée en
amas, en traînées, en systèmes, coexistait
la Parole ! (Valéry).
interconsonantique [ɛ̃tɛrkɔ̃sɔnɑ̃tik]
adj. (de inter- 3 et de consonne ; 1962,
Larousse). Se dit d’un élément phonique
placé entre deux consonnes.
intercontinental, e, aux
[ɛ̃tɛrkɔ̃tinɑ̃tal, -o] adj. (de inter- 3 et de
continental ; 1867, Littré, au sens 2 [« qui
peut aller d’un continent à l’autre », milieu
du XXe s.] ; sens 1, 1878, Larousse). 1. Qui est
situé entre plusieurs continents : Gouffres
intercontinentaux. Ϧ 2. Qui va d’un continent à l’autre : Des masses intercontinentales d’air froid, d’air chaud. ϦQui peut
aller d’un continent à l’autre : Une fusée
intercontinentale.
intercostal, e, aux [ɛ̃tɛrkɔstal, -o] adj.
(de inter- 3 et du lat. costa, côte ; 1536, G.
Chrestien). Qui est entre les côtes : Ils soignèrent Chamborlan, le bedeau, pour ses
douleurs intercostales (Flaubert). Muscles,
nerfs intercostaux. Névralgie intercostale.
intercotidal, e, aux [ɛ̃tɛrkɔtidal, -o]
adj. (de inter- 3 et de cotidal ; fin du XIXe s.).
Ligne intercotidale, ligne joignant, sur une
carte, les points où la marée se produit en
même temps. Ϧ Zone intercotidale, zone
comprise entre les limites extrêmes du
balancement des marées. (On dit aussi
ZONE INTERTIDALE.)
intercourse [ɛ̃tɛrkurs] n. f. (mot angl.
signif. proprem. « relations commerciales »,
lui-même empr. du franç. entre-cours [v. ce
mot] ; 1867, Littré, au sens de « ensemble des
communications commerciales entre deux
pays » ; sens actuel, 1895, Bonnaffé). Droit
de libre pratique dans certains ports, que
deux nations s’accordent réciproquement.
intercurrent, e [ɛ̃tɛrkyrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.
intercurrens, -entis, part. prés. de intercurrere, courir dans l’intervalle, s’interposer,
de inter, entre, et de currere, courir ; 1741,
Col de Vilars [en parlant d’une maladie ; au
sens général, 1867, Littré]). Qui vient s’insérer dans le déroulement d’une action ou la
durée d’un état : Pour moi, j’acceptai cette
solution avec l’espoir secret que, le moment
venu de faire ce fameux voyage, mille raisons intercurrentes nous le rendraient
impossible (Duhamel). Ϧ Spécialem. Se
dit d’une maladie qui survient pendant la
durée d’une autre.
interdentaire [ɛ̃tɛrdɑ̃tɛr] adj. (de inter3 et de dentaire ; 1877, Littré). Situé entre
les dents : Espace interdentaire.
interdental, e, aux [ɛ̃tɛrdɑ̃tal, -o] adj.
(de inter- 3 et de dental ; 1931, Larousse). En
phonétique, se dit d’une consonne spirante
dont l’articulation est produite en plaçant
la pointe de la langue derrière l’espace
formé par les deux rangées de dents faiblement écartées (par ex., en allem., t et d).
interdépartemental, e, aux
[ɛ̃tɛrdepartəmɑ̃tal, -o] adj. (de inter- 3 et
de départemental ; 21 oct. 1871, Journ. officiel, p. 4087). Relatif, commun à plusieurs
départements : Taxes interdépartementales.
Syndicats interdépartementaux.
interdépendance [ɛ̃tɛrdepɑ̃dɑ̃s] n.
f. (de inter- 3 et de dépendance ; 1867,
Littré, au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse).
1. Dépendance réciproque : À force de tirer
des fils d’un point à un autre, d’établir des
rapports, des interdépendances, des relations, le moindre acheminement de l’esprit
dans cette toile ébranle tant de considérants
qu’il reste en suspens, immobile (Gide). Au
système colonial, on a prétendu, parfois,
substituer l’interdépendance de la métropole et des anciennes colonies. Ϧ 2. En philosophie, lien organique entre les divers
phénomènes naturels : Cause et effet ne
sont que des moments de l’interdépendance
universelle (Lefebvre).
interdépendant, e [ɛ̃tɛrdepɑ̃dɑ̃, -ɑ̃t]
adj. (de inter- 3 et de dépendant ; 1935,
Acad.). Se dit de choses qui sont dans
un rapport de dépendance mutuelle :
Phénomènes interdépendants. Les sciences
ne sont pas seulement interdépendantes,
elles sont suspendues à la métaphysique
(L. Daudet).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2685
interdiction [ɛ̃tɛrdiksjɔ̃] n. f. (lat. interdictio, interdiction, défense, de interdictum,
supin de interdicere [v. INTERDIRE] ; 1410,
Isambert, écrit interdition [interdiction,
1461, Bartzsch], au sens 1 [tir d’interdiction, 1931, Larousse] ; sens 2, 1690, Furetière
[interdiction légale, 1845, Bescherelle ;
interdiction judiciaire ou civile, 1902,
Larousse — interdiction, même sens, 1690,
Furetière ; interdiction de séjour, 1873,
Larousse]). 1. Action d’interdire quelque
chose : Interdiction du port d’arme, de stationner. Frapper d’interdiction la consommation des boissons alcoolisées. Lever une
interdiction. Interdiction d’un film, d’un
journal. ϦSpécialem. Tir d’interdiction, tir
par lequel on essaie d’empêcher l’ennemi
d’atteindre certains endroits : Déclencher,
essuyer, soutenir un violent tir d’interdiction. Ϧ 2. Spécialem. Défense perpétuelle
ou temporaire faite à quelqu’un de remplir
ses fonctions : L’interdiction d’un prêtre,
d’un fonctionnaire. Le peuple a vu la fuite
du Roi et son arrestation [...]. Il verrait progressivement son interdiction, sa déposition,
l’élection de son fils à la couronne (Laclos).
Ϧ Interdiction légale, privation de l’exercice des droits civils, qui constitue une
peine accessoire à toute peine afflictive
ou infamante. Ϧ Interdiction judiciaire ou
civile, ou simplem. interdiction, décision de
justice par laquelle une personne majeure
était privée de la disposition de ses biens :
Demander l’interdiction de quelqu’un. Être
frappé d’interdiction. (On dit auj. MISE EN
TUTELLE.) Ϧ Interdiction de séjour, peine
par laquelle on interdit à un condamné
l’accès de certaines localités.
• SYN. : 1 défense, prohibition ; 2 dégradation, déposition, destitution, suspension.
— CONTR. : 1 autorisation, permission ;
2 réhabilitation, réintégration.
interdigital, e, aux [ɛ̃tɛrdiʒital, -o]
adj. (de inter- 3 et de digital ; 1867, Littré).
Qui est placé entre les doigts : Espace
interdigital.
interdiocésain, e [ɛ̃tɛrdjɔsezɛ̃, -ɛn] adj.
(de inter- 3 et de diocésain ; 19 avr. 1966, le
Monde). Qui concerne plusieurs diocèses :
Un séminaire interdiocésain.
interdire [ɛ̃tɛrdir] v. tr. (lat. interdicere,
interdire, de inter, entre, et de dicere, dire ; v.
1250, Espinas [III, 148], au sens 1 [entredire,
forme francisée, v. 1190, Garnier de PontSainteMaxence] ; sens 2, XIVe s., Nature à
l’alchimie ; sens 3, 1580, Montaigne ; sens
4, 1458, Mystère du Vieil Testament ; sens 5,
1660, Retz [interdire un prêtre, 1657, Pascal ;
interdire une église, fin du XIVe s.] ; sens 6,
1690, Furetière ; sens 7, 1662, Corneille).
[Conj. 68, sauf à la 2e pers. du plur. de l’indic. et de l’impér. : vous interdisez, interdisez.] 1. Empêcher formellement quelque
chose par une mesure réglementaire ou
légale : Interdire une manifestation. Il est
interdit de fumer. Interdire une organisation, un journal. Les lois de la nature
permettent ce qu’interdisent les lois des
hommes et de Dieu (Gide). Ϧ 2. Défendre
impérativement la pratique, l’usage de
quelque chose : Le médecin lui a interdit
tout aliment sucré à cause de son diabète.
Je vous interdis de me parler ainsi. Que sert
d’interdire ce qu’on ne peut pas empêcher ?
(Gide). Ϧ3. Avec un sujet désignant une
chose, rendre formellement impossible :
Je disparais complètement, autant que
peut le faire un homme à qui ses principes
interdisent le suicide (Mauriac). Ϧ 4. Class.
Interdire quelqu’un de quelque chose, le
tenir éloigné de : Les Dieux de ce haut rang
te voulaient interdire (Racine). Ϧ5. Priver
quelqu’un momentanément ou définitivement du droit d’exercer ses fonctions :
Interdire un officier ministériel. ϦInterdire
un prêtre, lui défendre la célébration du
culte et l’administration des sacrements.
ϦPar anal. Interdire une église, y défendre
la célébration du culte. Ϧ 6. Priver juridiquement quelqu’un de la libre disposition
de ses biens, de sa personne, de certains
droits déterminés : Interdire un homme
atteint de folie. Son père, qui n’a plus que cet
enfant-là et qui le fait interdire, m’écrivait
ces jours-ci (H. Bazin). Ϧ7. Fig. Frapper
quelqu’un d’un trouble tel qu’il ne sait que
dire ni que faire (rare, sauf au part. passé) :
La peur l’a tout interdit.
• SYN. : 1 défendre, prohiber ; 2 proscrire ; 3 condamner, exclure ; 5 casser,
déposer, destituer, révoquer, suspendre ;
7 confondre, interloquer (fam.), méduser
(fam.), paralyser, pétrifier, saisir, sidérer
(fam.). — CONTR. : 1 autoriser, permettre ;
2 approuver, conseiller, ordonner, prescrire ; 3 admettre, enjoindre, recommander, tolérer.
& s’interdire v. pr. [de] (sens 1, av. 1714,
Fénelon ; sens 2, 1661, Molière). 1. S’imposer
l’obligation de ne pas faire une action :
S’interdire de fumer. Ϧ 2. Class. Se troubler : Achevez de lire : | Votre âme pour ce
mot ne doit pas s’interdire (Molière).
interdisciplinaire [ɛ̃tɛrdisiplinɛr]
adj. (de inter- 3 et de discipline ; av. 1959,
P. Gilbert, p. 277). Qui se rapporte à plusieurs disciplines, à plusieurs sciences : Des
recherches interdisciplinaires.
1. interdit, e [ɛ̃terdi, -it] adj. (part. passé
de interdire [v. ce mot] ; XIIIe s., Godefroy,
comme n. m., écrit enterdit, au sens de
« excommunié » ; v. 1450, Godefroy, écrit
interdit, comme adj., au sens de « honni » ;
sens 1, 1556, Bonivard [écrit interdict ;
interdit, 1625, Stoer] ; sens 2, 1640, Oudin
[entredict, même sens, v. 1570, Carloix]).
1. Se dit d’une chose ou d’une personne qui
est frappée d’une interdiction quelconque :
Entrée, circulation interdite. Stationnement
interdit. Personne interdite de séjour. C’était
un prêtre interdit que mon père avait rencontré en 1848 dans les clubs (France).
Ϧ2. Se dit d’une personne qui est comme
paralysée par une émotion forte : Et comme
si tout en elle avait chaviré soudain, elle
demeura quelques secondes immobile, interdite, retenant avec effort ses larmes (Martin
du Gard). Rose, interdite, considérait, dans
le cercle d’une lumière étroite, cette ombre
qui parlait (Mauriac).
• SYN. : 2 ahuri (fam.), confondu, désem-
paré, ébahi, interloqué (fam.), médusé
(fam.), pantois, perdu, pétrifié, sidéré (fam.),
stupéfait.
& interdit n. m. (1625, Stoer). Toute personne frappée d’une interdiction par décision judiciaire : Un interdit de séjour. Les
interdits sont assimilés aux mineurs.
2. interdit [ɛ̃terdi] n. m. (lat. interdictum,
interdiction, défense, part. passé neutre
substantivé de interdicere [v. INTERDIRE] ;
V. 1213, Fet des Romains, écrit entredit, au
sens de « déchéance de ses fonctions » [en
parlant d’un druide] ; écrit interdite [n. m.],
au sens 1, début du XVe s. [interdit, 1530,
Palsgrave] ; sens 2, 5 sept. 1660, Racine ;
sens 3, 1861, Sainte-Beuve [interdit, « interdiction » — terme juridique —, v. 1460,
Bartzsch] ; sens 4, XXe s.). 1. Sentence par
laquelle on défend à un clerc l’exercice de
ses fonctions. Ϧ 2. Décision par laquelle on
défend l’exercice du culte dans un endroit
déterminé : L’interdit frappant une église.
Ϧ 3. Condamnation absolue qui met une
personne à l’écart d’un groupe : Jeter l’interdit sur quelqu’un. Ϧ 4. Ce qui est interdit
par la religion, la morale, les conventions
sociales : Par sa conduite, elle brave tous
les interdits.
• SYN. : 2 exclusive, index, quarantaine.
intéressant, e [ɛ̃terɛsɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de intéresser ; 1718, Acad., au sens 1 ;
sens 2, 1765, Encyclopédie [péjor., av. 1902,
Zola] ; sens 3, 1765, Encyclopédie ; sens 4,
1873, Larousse [état intéressant ; position
intéressante, 1878, Acad.] ; sens 5, av. 1922,
Proust). 1. Qui est digne d’attention, captive l’esprit : Un livre, un film intéressant.
Une discussion intéressante. Son histoire,
quoique très intéressante encore, n’a plus
qu’une importance secondaire au point de
vue général (Renan). Ϧ2. Se dit d’une personne qui plaît, captive par sa personnalité,
sa culture, son esprit : Romancier intéressant. Conférencier intéressant. C’est un
convive très intéressant. Ϧ Péjor. Chercher
à se rendre intéressant, et, substantiv., faire
l’intéressant, son intéressant (fam.), essayer
de se faire remarquer : Elle devait exagérer un peu son désespoir pour se rendre
intéressante (Zola). Elle adore faire son
intéressante (Bataille). Ϧ3. Digne d’exciter la sympathie ou l’intérêt : Une famille
intéressante, un cas intéressant. Ϧ 4. Fam.
Une position intéressante, un état intéressant, état de grossesse : Le mari est malade
et la femme dans un état intéressant. La
concierge dit même que ce matin elle a senti
les douleurs et qu’elle est alitée (France).
Ϧ 5. Fam. Qui présente un avantage
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matériel : Prix intéressant. Des conditions
intéressantes. Placer de l’argent à un taux
intéressant. Car « les montagnes », disait
la fille de Françoise en donnant à « intéressant » un sens nouveau et affreux, ce n’est
guère intéressant (Proust).
• SYN. : 1 attachant, captivant, passionnant, piquant, prenant ; 2 brillant, cultivé,
éminent, remarquable, spirituel ; 5 avantageux, fructueux, lucratif (fam.), payant
(fam.), rémunérateur, rentable. — CONTR. :
1 ennuyeux, fastidieux, inintéressant, quelconque ; 2 banal, inintelligent, insignifiant,
lassant, mauvais, stupide.
intéressé, e [ɛ̃terɛse] adj. (part. passé
de intéresser ; fin du XIVe s., E. Deschamps,
avec un sens peu clair [à propos des serviteurs des vieilles gens] ; 1549, R. Estienne, au
sens de « infirme [en parlant d’une personnel » ; sens 1, 1636, Corneille [partie intéressée, « partie lésée » — terme de droit —,
1549, R. Estienne] ; sens 2, 1690, Furetière
[« qui bénéficie de l’intéressement », 1867,
Littré] ; sens 3, 1867, Littré ; sens 4, av. 1648,
Voiture ; sens 5, 1665, Racine). 1. Qui est
concerné par quelque chose : Les parties,
les personnes intéressées. Rien ne presse
car ma vie n’est pas intéressée au résultat
(Valéry). Ϧ2. Qui a intérêt à quelque chose,
en tire un avantage : Il est intéressé à la
bonne marche de l’affaire. Ϧ Spécialem.
Qui bénéficie de l’intéressement. Ϧ3. Qui
a l’esprit retenu, captivé par quelque chose
digne d’attention, d’intérêt ; qui dénote
cette attitude : L’on rencontrait parfois
le journaliste Rambert, l’air tranquille et
intéressé (Camus). Ϧ 4. Qui n’a en vue
que son intérêt personnel : Une personne
avide et intéressée. Des amis intéressés. Un
homme intéressé dont il ne faut attendre ni
dévouement ni générosité. Vous me croyez
intéressée, rien ne vous enlèvera cette idée
de la tête (Mauriac). Ϧ 5. Se dit d’une chose
qui est inspirée par la recherche de l’intérêt
personnel : Générosité, ambition intéressée.
Je condamne le mensonge lorsqu’il nuit à
autrui ou qu’il profite à celui qui le commet.
En revanche, quand il n’est ni préjudiciable,
ni intéressé... (Porto-Riche).
• SYN. : 3 passionné, pris ; 4 avare, cupide,
égoïste, insatiable. — CONTR. : 4 altruistes
désintéressé.
& n. (1634, Kuhn, au sens de « associé » ;
sens actuel, 1690, Furetière). Personne
concernée ou mise en cause : La salle se
remplit lentement d’intéressés et de curieux
(France). Véritable nid à procès, ils [des passages du Journal des Goncourt] étaient de
nature à provoquer la colère des intéressés
ou bien de leur famille (L. Descaves).
intéressement [ɛ̃terɛsmɑ̃] n. m. (de
intéresser ; 1464, Bartzsch, au sens de
« occupation qu’on a entreprise » ; sens
actuel, 16 juin 1954, le Monde). Système par
lequel on intéresse les salariés à la bonne
marche de l’entreprise en les faisant participer aux bénéfices.
intéresser [ɛ̃terɛse] v. tr. (du lat. interesse, être dans l’intervalle, être séparé,
différer, participer, et, impersonnellement,
« être de l’intérêt de, importer », de inter,
entre, et esse, être ; 1356, Isambert, au sens
I, 2 ; sens I, 1, 1647, Corneille [« avoir de
l’importance pour quelque chose », 1738,
Voltaire] ; sens I, 3, v. 1560, Paré ; sens I, 4,
1666, Racine ; sens I, 5, 1762, Acad. ; sens
I, 6, 1675, Kuhn ; sens II, 1, 1666, Molière ;
sens II, 2, 1690, Furetière ; sens II, 3, 1588,
Montaigne ; sens II, 4, 1580, Montaigne).
I. 1. En parlant de choses, être de quelque
intérêt pour quelqu’un, avoir rapport à
une personne : Mesure qui intéresse les
agriculteurs. Ordonnance qui n’intéresse
que les riverains. Ϧ Avoir de l’importance pour quelque chose, concerner
quelque chose : Tout cela intéresse notre
réputation, notre santé. Ϧ 2. Class. Faire
tort à, porter atteinte à : Heureux qui
se laisse aller à la tendresse de ses sentiments, sans intéresser sa vertu par les dernières complaisances (Saint-Évremond).
Ϧ 3. Spécialem. En termes de médecine,
atteindre, endommager : Coup d’épée
qui intéresse le poumon. Ϧ 4. Vx. Mêler
quelqu’un à une action en cours, l’impliquer dans : Intéresser quelqu’un à un
complot. Dans vos secrets discours étais-je
intéressée ? (Racine). Ϧ 5. Intéresser le jeu,
le rendre plus attachant par la perspective
du gain. Ϧ 6. Assurer à quelqu’un une
part dans les profits, les bénéfices d’une
affaire : Il aurait fallu que M. Blaise fît un
sort à ce gendre pauvre, l’intéressât dans
la maison (France). Intéresser un employé
aux bénéfices. Intéresser quelqu’un dans
une entreprise.
II. 1. En parlant d’une personne, exciter la bienveillance, la sympathie : Héros
malheureux qui intéresse et plaît. Intéresser le public à un accusé. Ϧ2. Spécialem.
Tenir à coeur, toucher personnellement :
Ses soucis intéressent toute sa famille. Je
vais bazarder cette affaire, j’ai mes raisons. Après, je serai tranquille et je pourrai penser aux choses qui m’intéressent
(Duhamel). Ϧ 3. Retenir l’attention d’une
personne en excitant sa curiosité, en captivant son esprit ou son coeur : Conférence qui intéresse l’auditoire. Découverte qui intéresse le monde scientifique.
Énigme qui intéresse le lecteur. Enfant que
tout intéresse. Il faut de plus grands efforts
de talent pour intéresser en restant dans
l’ordre, que pour plaire en passant toute
mesure ; il est moins facile de régler le
coeur que de le troubler (Chateaubriand).
Gervaise lentement promenait son regard
[...], intéressée par la maison. (Zola). Il est
parvenu à intéresser à votre cas quelqu’un
de très bien placé (Aymé). Ϧ 4. Amener quelqu’un à prendre intérêt, goût à
quelque chose : Intéresser un enfant à la
lecture, à ses études, aux sports. Intéresser quelqu’un à un projet. Il n’est pas un
grand homme celui qui n’intéresse pas
la nature entière à sa cause, à son oeuvre
(Rolland).
• SYN. : I,1 concerner, regarder, toucher. Ϧ II,
1 attacher, attendrir, émouvoir, gagner ;
2 affecter, importer ; 3 captiver, intriguer,
passionner. — CONTR. : II, 1 déplaire, exaspérer, irriter ; 3 assommer (fam.), barber
(pop.), embêter (fam.), ennuyer, lasser,
rebuter ; 4 dégoûter, détourner.
& s’intéresser v. pr. (sens 1, v. 1660, d’après
Richelet, 1680 [s’intéresser de, av. 1654,
Guez de Balzac — ... dans, 1635, Corneille] ;
sens 2, 1636, Corneille [s’intéresser pour et
.. contre]). 1. Porter intérêt à quelqu’un, à
quelque chose, être attiré par une personne
ou par une chose : S’intéresser à une famille
pauvre et méritante. S’intéresser à la situation politique, économique. Mais Zidore
ne se pressait pas. Il s’intéressait aux toits
voisins, à une grosse fumée qui montait au
fond de Paris du côté de Grenelle (Zola). Je
m’intéresse de moins en moins à moi-même,
et de plus en plus à mon oeuvre et à mes
pensées (Gide). Ϧ Class. S’intéresser de ou
dans, porter un vif intérêt à : Il n’y eut celui
qui ne s’intéressât de leurs maux (Vaugelas).
Tout le monde s’intéresse dans cette grande
affaire [le procès de Fouquet]. On ne
parle d’autre chose (Sévigné). Ϧ 2. Class.
S’intéresser pour ou contre, prendre délibérément parti pour ou contre, se passionner
pour ou contre quelqu’un, quelque chose :
Contre mon propre amour mon honneur
s’intéresse (Corneille).
• SYN. : 1 se passionner, se préoccuper, se
soucier, suivre.
intérêt [ɛ̃terɛ] n. m. (du lat. interest, il
importe, il est de l’intérêt de, 3e pers. du
sing. de l’indic. prés. de interesse [v. l’art.
précéd.] ; 1290, Godefroy, écrit interest
[intérêt, XVIe s.], au sens de « dommage,
préjudice » ; sens I, 1, milieu du XVe s. [avoir
intérêt à, début du XVIe s. — ... de, av. 1679,
Retz ; avoir intérêt en, 1636, Corneille ;
prendre l’intérêt de, 1657, Pascal] ; sens I, 2,
1588, Montaigne ; sens I, 3, 1690, Furetière
[« bénéfice qu’on retire de l’argent qu’on
prête », 1501, G. Cohen — d’abord au plur.,
1462, Bartzsch ; intérêt simple, 1867, Littré ;
intérêt composé, 1845, Bescherelle] ; sens I,
4, 1668, Molière ; sens II, 1, 1629, Corneille
[prendre intérêt dans quelqu’un, 1640,
Corneille — ... en..., 1650, Corneille] ; sens
II, 2, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ; sens II,
3, 1740, Acad. ; sens II, 4, 1580, Montaigne).
I. 1. Ce qui importe, est avantageux à
quelqu’un ou à quelque chose : Intérêt public, national, commun. Agir, parler dans
l’intérêt de quelqu’un. Les bourgeois prêchaient le dogme des intérêts matériels, et
le peuple semblait content (Flaubert). Il
entendait juger le cas en toute objectivité,
sans obéir à d’autres considérations que
l’intérêt du parti (Aymé). Ϧ Avoir intérêt
à, avoir intérêt de (class.), avoir avantage
à, trouver son compte à : Vous avez intérêt
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à vous taire. Il n’a pas comme nous l’intérêt d’être injuste (La Fontaine). Ϧ Class.
Avoir intérêt en, trouver avantage à, dans :
[le Roi] a trop d’intérêt lui-même en ma
personne, | Et ma tête en tombant ferait
choir sa couronne (Corneille). Ϧ Class.
Prendre l’intérêt de, prendre la défense, le
parti de : Quelques-uns ont pris l’intérêt
de Narcisse (Racine). Ϧ 2. Absol. Attachement exclusif à ce qui est avantageux pour
soi ; amour exclusif de soi, égoïsme : Les
vertus se perdent dans l’intérêt comme les
fleuves se perdent dans la mer (La Rochefoucauld). Ϧ3.Part, somme d’argent
qu’une personne a dans une affaire (généralement au plur.) : Avoir des intérêts dans
les Charbonnages de France. Dès la seconde page qui signalait comme une honte
la prépondérance des intérêts pécuniaires,
le banquier fit la grimace. Puis, abordant
les réformes, Frédéric demandait la liberté
du commerce (Flaubert). Ϧ Bénéfice que
l’on retire de l’argent qu’on prête : Prêter sans intérêt. Demander un intérêt de
3 %. ϦIntérêt simple, intérêt perçu sur le
capital primitif non accru de ses intérêts.
Ϧ Intérêt composé, intérêt perçu sur un
capital formé du capital primitif accru de
ses intérêts accumulés jusqu’à l’époque
de l’échéance. Ϧ 4. Class. Question qui
concerne ou préoccupe quelqu’un : Or çà,
intérêt de belle-mère à part, que te semble
à toi de cette personne ? (Molière).
II.1.Attention bienveillante que l’on
porte à quelqu’un et à tout ce qui le
concerne : Témoignage d’intérêt. Porter
intérêt à la santé de quelqu’un. Virginie
étala devant le père beaucoup d’intérêt
pour le fils (France). Ϧ Class. Prendre
intérêt dans, en quelqu’un, éprouver
de la sympathie pour quelqu’un : Vous
daignez en moi prendre quelque intérêt
(Corneille). Ϧ2. Sentiment de la personne dont l’attention a été attirée par
quelque chose qui captive l’esprit ou le
coeur : Lire, écouter avec intérêt. Le centre
d’intérêt d’une question. Denis s’appliquait à ne pas écouter, tout en donnant les
signes de l’attention et de l’intérêt (Mauriac). Ϧ 3. Qualité d’une chose qui retient
l’attention, attache l’esprit, le coeur : Un
roman, un récit plein d’intérêt. Ϧ 4. Importance donnée à quelque chose : Ceci
n’a pour nous aucun intérêt. Ce qui sépare
l’homme de la vérité, c’est l’intérêt que
chacun met à sa passion (Sainte-Beuve).
• SYN. : I, 1 avantage, cause, profit.
ϦII, 1 bienveillance, sollicitude, sympathie ; 2 attention, curiosité, passion ;
3 charme, originalité ; 4 poids, portée,
utilité. — CONTR. : II, 1 désintérêt, détachement ; 2 indifférence ; 3 banalité, insignifiance, platitude ; 4 frivolité, futilité,
inutilité, vanité.
& intérêts n. m. pl. (1580, Montaigne
[v. aussi ci-dessus, § I, n. 3] ; dommages et
intérêts, 1549, R. Estienne — dommagesintérêts, 1811, Mozin). Ensemble des avantages qui importent à quelqu’un : Servir les
intérêts de quelqu’un. L’habile homme est
celui qui entend ses intérêts (La Bruyère).
ϦDommages et intérêts ou dommages-intérêts, v. DOMMAGE.
interethnique [ɛ̃tɛrɛtnik] adj. (de inter3 et de ethnique ; milieu du XXe s.). Relatif
aux échanges entre ethnies différentes.
interfécond, e [ɛ̃tɛrfekɔ̃, -ɔ̃d] adj. (de
inter- 3 et de fécond ; XXe s.). Se dit de deux
espèces différentes dont le croisement est
fécond.
interfécondation [ɛ̃tɛrfekɔ̃dasjɔ̃] n. f.
(de inter- 3 et de fécondation ; XXe s.). En
botanique, fécondation croisée.
interfécondité [ɛ̃tɛrfekɔ̃dite] n. f. (de
interfécond ; XXe s.). Caractère de deux
espèces interfécondes.
interfédéral, e, aux [ɛ̃tɛrfederal, -o]
adj. (de inter- 3 et de fédéral ; 18 mars 1966,
le Monde). Relatif à plusieurs fédérations.
interférence [ɛ̃tɛrferɑ̃s] n. f. (angl.
interference, intervention, interposition,
interférence [en optique], dér. de to interfere [v. INTERFÉRER] ; fin du XVIIIe s., au
sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. En physique, phénomène produit par la superposition de deux ou de plusieurs ondes :
Interférences lumineuses, sonores. Ϧ2. Fig.
Conjonction de deux séries de phénomènes : L’interférence des faits politiques
et des faits économiques.
• SYN. : 2 interaction.
interférent, e [ɛ̃tɛrferɑ̃, -ɑ̃t] adj. (francisation, d’après interférence, de l’angl.
interfering, intervenant, s’interposant,
part. prés. adjectivé de to interfere [v. l’art.
suiv.] ; début du XIXe s.). En physique,
qui est caractérisé par le phénomène de
l’interférence : Rayons interférents. Ondes
interférentes.
interférer [ɛ̃tɛrfere] v. intr. (francisation
de l’angl. [to] interfere, s’interposer, s’entrechoquer, composé savant du lat. inter [v.
INTER- 3], et ferre, porter, ou ferire, frapper ;
1842, Mozin, au sens 1 ; sens 2, déc. 1958,
Études). [Conj. 5 b.] 1. Produire des interférences : Ondes qui interfèrent. Ϧ 2. Fig.
Avoir, par sa présence, une action sur : La
majorité des hommes essaient de prendre
conscience des grands événements qui interfèrent avec leur vie privée (Vailland).
& v. tr. (av. 1922, Proust). Produire une
interférence avec : Je la voyais aux différentes années de ma vie, occupant par rapport à moi des positions différentes qui me
faisaient sentir la beauté des espaces interférées (Proust). Des ondes [...] qui allaient
interférer les circonstances issues du crime
de la Pochalle (L. Daudet).
& s’interférer v. pr. (av. 1922, Proust).
Se mettre en interférence mutuelle (peu
usité) : Nos désirs vont s’interférant et, dans
la confusion de l’existence, il est rare qu’un
bonheur vienne justement se poser sur le
désir qui l’avait réclamé (Proust).
• SYN. : se conjuguer, s’entremêler, s’interpénétrer, se superposer.
interféromètre [ɛ̃tɛrferɔmɛtr] n. m.
(de interféro-, élément tiré de interférence,
et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1948,
Larousse). Appareil mesurant la distance
des franges d’interférences lumineuses.
interférométrie [ɛ̃tɛrferɔmetri] n. f. (de
interféromètre ; milieu du XXe s.). Technique
de la mesure des franges d’interférences
lumineuses.
interféron [ɛ̃tɛrferɔ̃] n. m. (de
interfér[er] ; 1957, P. Gilbert,
Substance protéique qui apparaît
cellules au cours des infections
qui s’oppose au développement de
très divers.
p. 278).
dans les
virales et
virus
interfoliacé, e [ɛ̃tɛrfɔljase] adj. (de
inter- 3 et de foliacé ; 1867, Littré). Se
dit des fleurs qui naissent entre chaque
couple de feuilles opposées. (On dit aussi
INTERFOLIAIRE.)
interfoliage [ɛ̃tɛrfɔljaʒ] n. m. (de interfolier ; 1873, Larousse). Action d’interfolier
un livre.
interfoliaire [ɛ̃tɛrfɔljɛr] adj. (de inter3 et de foliaire ; 1902, Larousse). Syn. de
INTERFOLIACÉ.
interfolier [ɛ̃tɛrfɔlje] v. tr. (de inter- 3
et du lat. folium, feuille ; fin du XVIIIe s.).
Intercaler des feuillets blancs entre les
pages d’un livre : Les notes abondantes
déjà consignées par lui dans des exemplaires interfoliés de la biographie Michaud
(France).
interglaciaire [ɛ̃tɛrglasjɛr] adj. (de inter3 et de glaciaire ; mars 1875, Revue britannique, p. 55). Qui est compris entre deux
périodes glaciaires : On appelle périodes
interglaciaires les périodes de l’ère quaternaire pendant lesquelles le réchauffement
du climat a provoqué un retrait notable des
glaciers.
intergroupe [ɛ̃tɛrgrup] n. m. (de inter3 et de groupe ; milieu du XXe s.). Groupe
parlementaire composé de députés ou de
sénateurs appartenant à différents groupes
politiques, et constitué pour l’étude d’un
problème particulier.
intérieur, e [ɛ̃terjoer] adj. (lat. interior, plus en dedans, plus personnel, plus
intime ; 1403, Internele Consolacion, écrit
interior [intérieur, 1556, Bonivard], au sens
6 [vie intérieure, 1704, Trévoux ; l’homme
intérieur, 1535, Olivétan] ; sens 1, 1530,
Lefèvre d’Étaples, écrit interior [intérieur, 1535, Olivétan ; pour un pays, 1867,
Littré ; mer intérieure, 1691, Ozanam] ;
sens 2, 1873, Larousse ; sens 3, 1810, Code
pénal ; sens 4, 1839, Balzac ; sens 5, av. 1841,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Chateaubriand). 1. Qui est situé au-dedans
de l’espace déterminé par les limites extérieures d’une chose, d’un être : La fenêtre de
mon donjon s’ouvrait sur la cour intérieure
(Chateaubriand). Bissectrice intérieure à un
angle. ϦSpécialem. Se dit d’une région qui
est située dans des zones non attenantes à
la frontière ou à la mer : Régions intérieures
de la France. Ϧ Mer intérieure, vaste étendue d’eau salée complètement enfermée
dans les terres : La mer Caspienne est une
mer intérieure. Ϧ 2. Qui est tourné vers
le dedans : La paroi intérieure. Un mur
intérieur. Ϧ3. Qui se fait au-dedans de
quelque chose, qui concerne la partie située
au-dedans : Effraction extérieure et intérieure. Ϧ Conduite intérieure, v. CONDUITE.
Ϧ4. Qui se fait au sein d’une société, d’une
collectivité, etc. ; qui la concerne relativement aux rapports de ses divers membres
entre eux : La paix intérieure d’une famille.
Les problèmes intérieurs d’un parti, d’un
État. Politique intérieure. Ϧ5. Qui se fait
dans l’espace compris entre les frontières
d’un pays : Commerce intérieur. Ϧ 6. Fig.
Qui est au-dedans de nous, qui concerne
notre nature psychique, morale : Rêve intérieur. Équilibre intérieur. Le songe intérieur
qu’ils n’achèvent jamais (Leconte de Lisle).
Tous sentaient le déchirement intérieur, la
blessure dont ils ne parlaient pas et qui allait
en s’agrandissant (Zola). Mais, au contraire,
le monde intérieur est toujours menacé
d’une confusion de sensations obscures, de
souvenirs, de tensions, de paroles virtuelles,
où ce que nous désirons observer et saisir
altère, déprave en quelque sorte l’observation elle-même (Valéry). Cette longue
conversation intérieure qu’il soutenait avec
une ombre (Camus). Ϧ Vie intérieure, tout
ce qui constitue la vie secrète de l’esprit,
du coeur d’une personne : Il avait bien trop
de vie intérieure pour penser une seconde
à un accident personnel (Saint-Exupéry).
ϦL’homme intérieur, l’homme considéré
uniquement du point de vue intellectuel
et moral. Ϧ For intérieur, v. FOR.
• SYN. : 1 interne ; 6 intime, profond, psychique, spirituel. — CONTR. : 1 et 2 extérieur ; 6 corporel, matériel, physique.
• REM. Intérieur étant un comparatif,
plus, moins, très intérieur ont été jugés
incorrects par certains grammairiens,
mais se trouvent chez de bons auteurs.
& intérieur n. m. (XIVe s., au plur., écrit
interiores, au sens de « coeur et foie [d’un
oiseau] » ; au sing., écrit intérieur, au sens
5, 1587, Cholières [ intérieur de l’âme ;
intérieur, 1656, Corneille] ; sens 1, 1671,
Pomey ; sens 2, 1835, Acad. [aussi « le
pays lui-même » ; ministère de l’Intérieur, 1812, Mozin — l’Intérieur, même
sens, 1842, Mozin] ; sens 3, 1779, Mme de
Genlis [femme, homme d’intérieur, 1902,
Larousse ; tableau d’intérieur, 1867, Littré
— intérieur, même sens, 1828, Mozin ;
photographie, scène d’intérieur, XXe s. ;
au cinéma, 1929, J. Giraud] ; sens 4, 1784,
Mme de Genlis ; sens 6, début du XXe s.).
1. Espace déterminé par les limites extérieures d’une chose, d’un être : L’intérieur
d’une caisse. La peau de ce fruit est gâtée,
mais l’intérieur est bon. L’intérieur de la
Terre. Dans l’intérieur du collège, j’étais
persécuté par mon compagnon (Vigny).
Le loup lui frottait [à Julien] l’intérieur
des mains avec les poils de son museau
(Flaubert). Ϧ2. Spécialem. Partie centrale
d’un pays, par opposition aux frontières et
aux côtes : Envoyer des prisonniers dans
l’intérieur. Ϧ Absol. Le pays lui-même (par
opposition à l’étranger) : Les produits qui
se consomment à l’intérieur. ϦMinistère de
l’Intérieur, ou, elliptiq., l’Intérieur, ministère chargé de l’administration générale du
pays. Ϧ 3. Habitation dans laquelle vit une
personne ; son appartement : Une étroite
pièce [...] ayant la propreté et le calme profond d’un intérieur de province (Zola). Avoir
un intérieur modeste. Tenue d’intérieur.
ϦFemme d’intérieur, femme qui sait tenir
sa maison : Mme Bergeret était une femme
d’intérieur. Elle avait l’âme domestique
(France). Ϧ Homme d’intérieur, celui
qui n’aime pas à sortir et se plaît chez lui
parmi les siens. Ϧ Tableau, photographie
d’intérieur, et, absol., intérieur, tableau,
photographie représentant l’intérieur
d’une pièce, d’un édifice. ϦScène d’intérieur, scène groupant des personnages qui
évoluent dans une maison, un édifice ;
spécialem., scène de la vie familiale. Ϧ Les
intérieurs, au cinéma, les scènes qui sont
censées se dérouler à l’intérieur d’un local :
Les intérieurs sont généralement tournés en
studio. Ϧ 4. Fig. Le sein d’une collectivité,
d’un groupe : L’intérieur d’une famille,
d’une communauté. Ϧ 5. Fig. et vx. Ce qui
se passe en nous-mêmes, la part de notre
vie psychique, spirituelle qui reste secrète,
ne s’extériorise pas : J’ai dévoilé mon intérieur, tel que tu l’as vu toi-même, Ô Être
éternel (Rousseau). Devant cette amitié si
exigeante qui toujours avançait, pénétrait,
elle reculait timidement pour garder un peu
d’intérieur (Michelet). Ϧ 6. Dans certains
jeux d’équipe, joueur qui se trouve entre
l’ailier et le centre : Les intérieurs sont appelés couramment inters.
• SYN. : 1 dedans ; 3 chez-soi, foyer, home ;
4 giron, sein ; 5 âme, coeur. — CONTR. :
1 extérieur ; bord, contour, dos, surface.
& À l’intérieur loc. adv. (1897, Bloy). Dans
la partie constituée par le dedans.
& À l’intérieur de loc. prép. (XXe s.).
Au-dedans de.
intérieurement [ɛ̃terjoermɑ̃] adv. (de
intérieur, adj. ; v. 1460, G. Chastellain,
écrit interiorement [intérieurement, 1564,
J. Thierry], au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet).
1. En ce qui concerne l’intérieur : Fruit gâté
intérieurement. Ϧ2. Au-dedans de soimême, dans le secret du coeur : Vivez cent
ans, et moquez-vous intérieurement des
médecins et du reste du monde (Voltaire).
• SYN. : 2 in petto, intimement. — CONTR. :
1 extérieurement ; 2 ouvertement,
publiquement.
intérim [ɛ̃terim] n. m. (mot lat. signif.
« pendant ce temps, provisoirement » ; 1412,
N. de Baye [II, 90], au sens 1 ; sens 2, 1835,
Acad.). 1. Période pendant laquelle une
fonction laissée vacante par une personne
est exercée provisoirement par quelqu’un
d’autre : Pendant l’intérim, dans l’intérim,
il a été remplacé par un auxiliaire. Un intérim d’un mois. Ϧ2. Charge qu’on exerce
pendant cette période : Assurer un intérim.
& Par intérim loc. adv. (1690, Furetière).
À titre provisoire pendant l’absence du
titulaire : Exercer une charge par intérim.
intérimaire [ɛ̃terimɛr] adj. (de intérim ; 1796, le Néologiste françois, au sens
2 ; sens 1, 1959, Robert ; sens 3, 1867, Littré).
1. Qu’on exerce par intérim : Emploi intérimaire. Ϧ 2. Se dit de quelqu’un qui assure
un intérim, qui exerce une charge par
intérim : Instituteur, facteur intérimaire.
Ministre intérimaire. Ϧ3. Qui n’existe
que par intérim, à titre temporaire :
Commission intérimaire.
• SYN. : 1 temporaire, transitoire ; 2 provisoire, remplaçant, suppléant. — CONTR. :
2 titulaire.
& n. (1867, Littré). Personne exerçant une
fonction par intérim.
interindividuel, elle [ɛ̃tɛrɛ̃dividɥɛl]
adj. (de inter- 3 et de individu, d’après
individuel ; 1962, Larousse). Qui concerne
les rapports entre plusieurs individus :
Psychologie interindividuelle.
interinfluence [ɛ̃tɛrɛ̃flyɑ̃s] n. f. (de
inter- 3 et de influence ; début du XXe s.).
Influence réciproque : Dans cet Éther que
l’on devine tout sillonné, tout frissonnant de
radiations et d’interinfluences gravi-tiques
dont nous ignorons tout (Martin du Gard).
intériorisation [ɛ̃terjɔrizasjɔ̃] n. f.
(de intérioriser ; milieu du XXe s.). Action
d’intérioriser.
intérioriser [ɛ̃terjɔrize] v. tr. (de intérieur, d’après extérioriser ; 1921, A. Artaud).
Garder intérieurement, éviter d’extérioriser : Intérioriser des sentiments.
intériorité [ɛ̃terjɔrite] n. f. (dér. savant
de intérieur ; début du XVIe s., au sens de
« intérieur [d’un corps, etc.] » ; sens actuel,
1606, Crespin). Caractère de ce qui est intérieur : Intériorité des sentiments.
interjectif, ive [ɛ̃tɛrʒɛktif, -iv] adj.
(bas lat. interjectivus, intercalé [du lat.
class. interjectum, supin de interjicere, v.
l’art. suiv.], ou dér. franç. de interject[ion] ;
XVIIIe s., Brunot [locution interjective, 1867,
Littré]). Qui concerne l’interjection, qui
exprime l’interjection : Forme, tournure
interjective. ϦLocution interjective, locution, groupe de mots jouant le rôle d’une
interjection.
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interjection [ɛ̃tɛrʒɛksjɔ̃] n. f. (lat. interjectio, intercalation, insertion, parenthèse,
interjection, de interjectum, supin de interjicere, placer entre, interposer, de inter,
entre, et de jacere, jeter ; fin du XIIIe s., Macé
de la Charité, au sens I [sous la forme lat.
interjectio, v. 1119, Ph. de Thaon] ; sens II
[sous l’influence de la loc. interjeter appel],
1690, Furetière).
I.Mot invariable, qu’on peut employer
isolément et qui exprime, d’une manière
énergique et concise, un sentiment soudain, une réaction ou une émotion vive :
Ah ! Hélas !, Chut ! sont des interjections.
Des mots comme « attention ? » ou des
propositions comme « va donc ! » peuvent
être employés comme interjections. Interjection d’angoisse, de douleur, de joie.
(V. art. spécial.)
II. En procédure, action d’interjeter : Il y
a eu interjection d’appel.
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
L’INTERJECTION
Quintilien connaissait l’interjection (interjectio). Donat (IVe s.) en fit la huitième
partie du discours en la substituant à
l’article dans la liste empruntée à Denis
de Thrace. La définition que nous en donnerons, pour être fidèle à cette origine,
devra la distinguer des autres « parties du
discours » de cette liste, variables (nom,
pronom, verbe, participe) et invariables
(adverbe, conjonction, préposition), par
des critères grammaticaux.
TRAITS FORMELS INTERNES
Il n’y a pas de limite nette entre les interjections et les bruits naturels par lesquels
nous exprimons nos sentiments : rires,
soupirs, sifflements, claquements de
langue, toussotements, etc.
Ces bruits sont universels et ne s’intègrent pas forcément au système
phonologique d’une langue. Pourtant
chaque langue, en les écrivant à sa manière, leur confère une existence linguistique. Si les flottements de l’orthographe
donnent parfois l’illusion d’une certaine
liberté (hum !, hem !, hm !), ces latitudes
ont une limite : on écrit aïe ou ahi une interjection de douleur pour laquelle *aille
ou *aye sont inusités.
Certaines suites explosives de consonnes
n’existent que dans l’interjection, comme
pf !, exprimant le dédain, cht !, commandant le silence. L’impression de
« bruit » est rendue par le groupement de
consonnes sans voyelle de support : Brrr !
(où le triple r note une vibration bilabiale
qui n’est pas un phonème français), Tt,
tt ! critique Alice (Colette, Gigi). Serge
Karcevski remarque, dans une Introduction à l’étude de l’interjection (Cahiers
F. de Saussure, 1941), que le français,
alors qu’il ignore les triphtongues, en
prononce une dans miaou.
Mais ces anomalies phonétiques
concernent moins l’interjection en soi
que l’onomatopée, à laquelle les interjections des exemples précédents doivent
leur structure phonique. Le statut phonologique de l’onomatopée sera étudié
ailleurs, car toute interjection n’est pas
onomatopée, et toute onomatopée n’est
pas interjection (ex. : tic-tac, tinter).
L’intonation est un trait plus spécifique :
l’interjection porte généralement un
accent, comparable à celui d’une phrase
complète. Toute la gamme des sons vocaliques fournit des interjections (comme
ah !, eh !, hi !, oh !, euh !, ouh !), qui
semblent n’être qu’un prétexte à modulations de hauteur et d’intensité, et dont
le sens varie à l’extrême selon ce facteur
prosodique (ah ! ou oh ! exprimant la joie,
la surprise, la déception, la douleur, la
colère, etc.). Le rôle de l’intonation reste
prépondérant quand l’interjection est
une séquence de phonèmes dénuée de
sens ou pourvue, dans d’autres emplois,
d’un sens propre qui, ici, n’est plus pertinent : Allons donc !, Mon Dieu !, Ah bon !,
Par exemple ! Dans ces cas, « l’orchestration est tout, les sons presque rien »
(Ch. Bally, Linguistique générale et linguistique française, § 40). La répétition
d’un monosyllabe peut être le moyen d’en
moduler l’intonation : Oh oh !, Bon bon !,
Oh là là !, Ah ah ah ah !
Un caractère morphologique reconnu de
toute date est l’invariabilité, qui touche
même les noms et adjectifs promus interjections. Ceux-ci ne connaissent alors
qu’un genre (Bon !, Tout beau !) ; les
noms ne donnent plus prise aux variations d’article : on dit La barbe ! mais non
*Une barbe ! La variation en nombre est
quelquefois maintenue pour renforcer
l’intensité : Tonnerre !/Mille tonnerres !,
Diable !/Par tous les diables ! Une tendance à l’invariabilité en personne est
constatée pour le verbe : on dit Gare !
et l’on ne dit pas *Garez ! ; on dit Allez !
laisse-moi passer (Chabrol) ; voyons
n’implique aucune référence à une ou
plusieurs personnes ; cependant, l’opposition singulier/pluriel est maintenue
avec tenir dans certaines valeurs (Tiens !/
Tenez !) et avec dire (Dis !/Dites [donc] !),
tout comme on conserve la variation personnelle dans des locutions adverbiales
figées telles que à mon (ton, etc.) insu.
TRAITS FORMELS EXTERNES
C’est par la distribution que l’interjection se distingue le mieux des autres
mots invariables — en même temps que
des mots variables : elle échappe à l’enchaînement syntaxique, où chaque autre
mot reçoit son rôle (fonctions de verbe,
de sujet, d’épithète, etc.). Elle se caractérise par une totale autonomie, à laquelle
elle doit d’ailleurs son nom (« ce qui est
jeté entre ») et qu’on met en évidence par
l’épreuve de soustraction ; il ne manque
rien à la phrase suivante si l’on retranche
le mot fichtre :
Croyez-vous que nous sommes ici
pour plumer les canards, fichtre ?
(Flaubert).
L’autonomie est manifestée par une
double pause, qu’on observe dans
l’exemple précédent et dans le suivant :
Eh bien ! il insisterait ! na ! puisque
c’était comme cela (Jean de Tinan).
Lorsque ces pauses manquent, comme
dans
Je n’en sais fichtre rien !
Où diable as-tu mis les pinces ?,
on a affaire à des unités lexicales complexes où l’interjection n’est analysable
qu’en diachronie et n’a plus sa fonction
spécifique : fichtre renforce la négation en
portant sur rien, diable l’interrogation en
portant sur où.
Ce caractère d’indépendance n’est pas
infirmé par les phrases où une interjection est substantivée comme tout mot ou
tout groupe de mots peut l’être :
Sonnerai-je pour qu’on se hâte et
qu’on s’effare, avec des bruits de
mules claquantes dans l’escalier, des
« Mon Dieu ? » et des « Cela devait
arriver » ? (Colette).
Le mot ou groupe de mots est alors employé materialiter, c’est-à-dire comme
signifiant pur, sans référence à son signifié : Mon Dieu ne fonctionne plus comme
interjection.
Le cas n’est pas différent dans des phrases
comme :
Toto a dit flûte à sa mère.
Tout d’un coup, j’ai entendu : Boum !
L’interjection flûte ! joue après a dit le rôle
que pourrait jouer une phrase indépendante comme Tu m’ennuies ! ; elle n’est
pas un complément d’objet, non plus que
cette phrase qui est un propos rapporté au
« discours direct » en asyndète, et serait
complément d’objet si on la transposait
au discours indirect (qu’elle l’ennuyait).
Flûte est employé materialiter, ainsi que
boum dans le dernier exemple.
L’autonomie de l’interjection faisait dire à
Jules César Scaliger (1540) qu’elle est la plus
parfaite des parties du discours, puisqu’elle
peut constituer une oraison pleine (integra oratio) à elle seule (J.-Cl. Chevalier,
la Notion de complément chez les grammairiens, 1968).
L’autonomie syntaxique et ses marques
intonationnelles et graphiques se redownloadModeText.vue.download 138 sur 1066
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2690
trouvent pourtant dans les « mots en
apostrophe », qui sont aussi des termes
hors phrase : Pierre, tu as froid, Viens,
non enfant, Toi, tu n’auras rien. Mais
l’« apostrophe » est une fonction qu’assument librement et momentanément
les noms et les pronoms sans échapper
pour autant aux variations en genre et en
nombre (mon fils, ma fille ; mes enfants ;
vous), alors que l’interjection est une partie du discours invariable, affectée organiquement à une fonction précise.
La même chose peut être dite à propos
des « mots-phrases », noms, adjectifs
ou adverbes employés comme prédicats
sans verbe dans la phrase « affective » :
Erreur !, La pluie !, Un lapin !, Fameux !,
Doucement ! Ces mots prennent par ellipse (v. ce mot, art. spécial) une fonction
facultative et momentanée, qui n’altère
pas leurs caractères morphologiques (variation en genre et en nombre, actualisation et détermination).
VALEURS FONCTIONNELLES
L’interjection pourrait-elle donc être
définie par une fonction spécifique ? Il
faudrait pour cela qu’on parvînt à reconnaître dans tous ses emplois une valeur
unique, clairement identifiable. L’inventaire et l’analyse sémantique de ces emplois y font ordinairement distinguer des
variétés que nous grouperons sous les
chefs suivants : valeur modale, onomatopées de sens dictal, valeur « phatique » ?,
autres valeurs ?
I. VALEUR MODALE
Jean Gerson écrivait au début du XVe s. :
« Nous congnoissons ces passions, mouvemens, ou affections es petis enffans,
voire es bestes mues, par voix ou sons que
il monstrent par dehors, lesquelles voix
nous disons en gramaire interjections. »
Arnauld et Lancelot, en 1660, trouvaient
aux interjections et aux conjonctions ce
point commun qu’elles « ne signifient
rien hors de nous ». En effet, les premières
n’expriment que « les mouvements de
notre âme », les secondes « l’opération
même de notre esprit, qui joint ou disjoint les choses ».
Pour s’en tenir aux interjections, on peut
admettre qu’une grande partie d’entre
elles ne sortent pas du plan « locutoire »
de Damourette et Pichon (Des mots à la
pensée, § 50), c’est-à-dire du plan du locuteur ; elles n’incorporent pas au message
le monde extérieur, dont le plan est « délocutoire ». Ces auteurs citent le président
De Brosses (XVIIIe s.), qui donnait, lui
aussi, à l’interjection une priorité entre
les classes du discours, la priorité d’apparition : « L’enfant commence par elles à
montrer qu’il est tout à la fois capable de
sentir et de parler » ; le président accordait aux animaux un langage « tout interjectif ». Pour Beauzée (Encyclopédie), le
coeur, comme l’esprit, a son langage, dont
le vocabulaire, très court, « se réduit aux
seules interjections », lesquelles seraient
« peut-être la première voix articulée
dont les hommes se soient servis ».
Personne ne connaît la genèse historique
du langage. Son développement chez
l’enfant est, au contraire, observable,
et l’on peut dire que le premier langage
proprement dit naît par imitation, essais,
aide, répétitions, corrections en fonction
des résultats (feed-back). L’hypothèse
de Beauzée a le défaut d’oublier l’action.
Certes, les états affectifs, liés aux états
physiologiques, commandent les premiers cris, mais très vite ceux-ci sont
appels, et l’on peut dire avec Heidegger
que « nommer », c’est d’abord « appeler ».
Quant au langage des animaux, instinct
héréditaire contrôlé par l’apprentissage,
il est aussi souvent un adjuvant de l’action qu’un mode d’expression des sentiments, les deux n’étant parfois guère
séparables : un chien joyeux aboie pour
demander une caresse, un chien furieux
pour éloigner un étranger.
Il est donc difficile de séparer la fonction
affective de l’interjection (comme dans
hélas !) de sa fonction volitive (comme
dans ouste !), que rien n’en distingue
par la forme. Elles ont pour caractère
commun ce que Damourette et Pichon
appellent leur « factivosité », c’est-à-dire
leur valeur prédicative, et le fait que cette
prédication affecte un modus pur, exclamatif ou injonctif (v. MODALITÉ, art. spécial), dont le dictum est représenté par le
contexte ou la situation.
Quand un homme s’écrie La barbe !
ou À la bonne heure !, il exprime dans
le premier cas une contrariété, dans le
second une satisfaction qui n’ont aucun
rapport avec les choses désignées ordinairement par les noms barbe et heure ;
ces interjections ne font rien connaître de
l’événement extérieur qui les a motivées.
C’est aussi vrai pour les interjections tirées d’un verbe, comme allez !, voyons !,
tiens !, qui, dans l’emploi interjectif, sont
dépouillées de leur contenu notionnel
ordinaire : Allez, reste ici !, Voyons, ne
regarde pas !, Tiens ! j’ai perdu mon portefeuille ! Cette oblitération du sens objectif
originel distingue encore les interjections
des mots en apostrophe, qui désignent
l’allocutaire, et des mots-phrases, qui
sont des éléments du dictum prononcés
avec une intonation modale (Un lapin !).
II. ONOMATOPÉES DE SENS DICTAL
Bien différent à première vue est le rôle
des interjections qui puisent leur matière
phonique dans l’onomatopée ; elles sont
par essence descriptives, et font donc
connaître le dictum, non le modus :
Il ne prononça pas de discours, mais
ses clefs, frinc ! frinc ! frinc ! parlèrent
pour lui d’une façon si terrible, frinc !
frinc ! frinc ! si menaçante, que
toutes les têtes se cachèrent sous les
couvercles des pupitres (A. Daudet).
Je ne sais pas, mais je me figure
qu’une fois que tu seras rentré, je
vais en entendre de drôles... pif, paf !
taratata poum ! ... les meubles qu’on
renverse (Meilhac et Halévy).
Toutes les interjections onomatopéiques
ne sont pas dictales. Certaines imitent
un cri ou un bruit humain qui marque
seulement un modus ; par exemple,
hum ! figure une toux simulée par refus
d’assentiment ; une expression naturelle
du mépris est un bruit d’explosion labiale
écrit ordinairement peuh !, ou pf !, ou
bof ! dans l’usage familier moderne. On
peut parler dans ces cas d’onomatopées
modales.
L’onomatopée dictale substitue aux mots
arbitraires de la langue les signifiants
motivés de phonèmes ou de séquences
phonématiques évoquant plus ou moins
bien l’objet ou le phénomène décrit. En
adoptant le statut d’interjection, elle évite
l’affaiblissement, l’occultation du sens
que subissent les onomatopées intégrées
au système grammatical de la flexion (tinter, tinteront, etc.) et de la syntaxe. Mais
elle rend de ce fait à l’expression du phénomène une puissance prédicative que
marquent l’intonation et le point d’exclamation ; elle suscite, en évoquant le bruit,
l’émotion que le bruit a fait naître. Elle
associe donc une valeur modale à la valeur dictale, et l’on peut raisonnablement
intégrer cette seconde catégorie d’interjections à la première, dont elle diffère
surtout par sa liberté de création. Celleci est totale, et Damourette et Pichon
n’ont pas tort de dire que l’interjection
de ce type « se recrée chaque fois qu’on
l’emploie », donc « reste toujours jeune »
(§ 746).
III. VALEUR ! PHATIQUE ! ?
Ch. Bally (Linguistique générale et linguistique française, § 40), ayant distingué
les interjections « modales » et les interjections « dictales », comme il vient d’être
fait, groupe le reliquat sous un troisième
chef, qu’il appelle « signaux » et qu’il
définit par la fonction « déictique », mais
dont l’unité apparaît plus claire dans les
deux exemples qu’il donne :
Pst !, Holà ! = « C’est à vous que je
m’adresse »
On pourrait songer à joindre à ces deux
exemples des mots comme allô !, hé !, eh
bien !, servant à établir ou à contrôler le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2691
contact entre locuteur et allocutaire. Ce
serait faire crédit à la thèse d’une « fonction phatique » du langage, définie par
R. Jakobson (v. FONCTION, art. spécial), et
dont relèveraient aussi bien les « mots en
apostrophe ».
Mais on prendra garde qu’à côté des
mots auxiliaires de la parole il existe
des mots auxiliaires de l’action d’un
type assez semblable, comme bonjour !,
adieu !, merci !, s’il vous plaît !, pardon !,
oh hisse !, stop ! Est-ce une autre fonction
fondamentale du langage, ou n’a-t-on pas
là différents « usages » ressortissant à la
même fonction, qu’on ne saurait alors
appeler « phatique » ? Ces interjections
sont des signaux comparables aux trois
coups marquant le début d’un spectacle,
aux sonneries du téléphone, aux lampes
colorées des tableaux de bord marquant
le fonctionnement du moteur, du circuit
d’huile, des phares de route, etc. Alors que
les signaux mécaniques ou électriques
ont une valeur informationnelle parfaitement définie dans un champ codique
très restreint, lesdites interjections sont
souvent susceptibles d’interprétations
variées, que nuance le ton. Mais on peut
en dire, comme on peut le dire des autres
signaux, qu’apportant une information
propre elles sont prédicatives ; elles sont
substituées par convention à des phrases
affirmatives (« le vous adresse la parole »),
interrogatives (« M’entendez-vous ? ») ou
volitives (« Parlez-moi ») qui ressortissent
aux « modalités » ordinaires. Le point
d’exclamation marque souvent dans de
tels cas un renforcement de l’intensité
sonore visant une meilleure réception,
mais il est justifié de toute manière par le
besoin de détacher ces adjuvants prédicatifs de l’action, qui sont interjections par
le sens et le sont aussi par la forme, étant
invariables, autonomes et spécifiques.
IV.AUTRES VALEURS ?
Damourette et Pichon (§ 747) jugent
légitime d’incorporer à la catégorie des
« factifs nominaux » (ou interjections) les
refrains de chanson :
Il était une bergère
Et ron ron ron petit patapon
Il était une bergère
Qui gardait ses moutons ron ron ...
Ils en distinguent huit familles, et les
illustrent d’exemples d’autant plus savoureux qu’ils relèvent plus ou moins
purement de l’esthétique du langage
— stylistique, poétique ou « sémiotique »
— ayant une valeur connotative, non dénotative, comme Charles prononcé après
Tu parles, ou bouffi après Tu l’as dit. On
peut tenir ces séquences de phonèmes
pour des bruits musicaux incorporés à
la phrase par le procédé onomatopéique,
et leur reconnaître le statut des interjections, avec une valeur modale affective
qu’elles empruntent à la chanson originelle et transportent parfois dans d’autres
contextes :
Demain, je pars en colonie, tra la
laire !
La connotation fait aussi la force des
jurons grossiers comme merde (et sa
réplique rituelle mange), foutre (édulcoré en fichtre par croisement avec fiche,
doublet euphémique de foutre comme
infinitif), et des jurons blasphématoires
plus ou moins camouflés par crainte des
châtiments du Ciel ou de l’Église : pardi
(par Dieu), morbleu (mort Dieu), corbleu
(corps Dieu), jarnibleu (je renie Dieu),
palsambleu (par le sang Dieu), ventrebleu (ventre Dieu), vertubleu (vertu Dieu),
sapredieu (sacré Dieu), sacristi, cristi,
sapristi, saprelotte, saperlotte, saperlipopette, sapristoche, nom de Dieu (d’un petit
bonhomme, d’un chien, d’une pipe, etc.) ;
tredame (Notre-Dame) ; diable, diantre,
etc.
Damourette et Pichon (§ 751) comptent
encore dans les factifs nominaux les notes
de musique : do, ré, mi, etc. Ce sont plutôt des noms, dénotant des choses, tout
comme les noms de nombres cardinaux,
dont ces auteurs ne parlent pas dans ce
chapitre ; les noms de notes admettent,
comme les noms de nombres, des fonctions non autonomes : Do est suivi de ré ,
comme trois est suivi de quatre. Le point
d’exclamation ne serait pas pertinent
dans la notation d’une mélodie.
En définitive, l’interjection apparaît
comme un mot créé à l’imitation d’un
bruit naturel, ou emprunté à une autre
classe de mots avec une modification
sémantique notable, pour être affecté
spécifiquement à la communication d’un
sentiment ou d’un désir dont l’objet n’est
connu que par la situation ou le contexte.
COMPLÉMENTS DE L’INTERJECTION
Indépendante par essence, l’interjection
peut avoir des compléments sous sa dépendance, introduits le plus souvent par
à, pour ou de :
Gare à toi !
Zut pour celui qui lira !
Merci (à vous) de/pour votre visite !
Fi de l’entresol noir et même du
sombre premier étage ! (Verlaine).
Quelques interjections peuvent être renforcées selon la règle récursive :
I 4 I (+ de + I)
Ex. : Zut de zut de zut... !
Vive, ancien subjonctif devenu invariable, est « transitif direct », c’est-à-dire
exige un complément : Vive le sport ! Vive
nos élus !
Chiche ! peut recevoir dans l’usage familier une subordonnée conjonctive :
Chiche que j’écris au président !
RÉPERTOIRE MODERNE
Voici une liste des principales interjections et locutions interjectives employées
en français moderne :
acré ! (vulg.) fi ! ouf !
adieu ! flûte ! ouiche !
ah (bon) ! (ma) foi ! ouste !
ah çà ! foin de... ! parbleu !
ahi/aïe ! gare ! pardi !
à la bonne heure ! hardi ! pardon !
allez ! hé ! par exemple !
allons ! hein ! peste !
au revoir ! hélas ! peuh !
(ah) bah ! hep ! pf !
baste ! hihi ! plaît-il ?
bon ! ho ! pouah !
bon Dieu ! holà ! pst !
bonjour ! hop ! quoi !
bonsoir ! hourra ! salut !
bonté divine ! hum ! sans blague !
bravo ! là ! sapristi !
brr ! malheur ! s’il te/vous plaît !
chiche ! merci ! st !
chut ! merde ! (vulg.) stop !
(juste) ciel ! mince ! (vulg.) tant
mieux/pis !
comment ! miséricorde ! tiens/tenez !
crac ! mon oeil ! (mille) tonnerre(s) !
dame ! motus ! tout beau !
diable ! na ! tout doux !
(mon) Dieu ! nom de ... ! tu parles !
dis/dites (donc) ! ô apostrophe va
(donc) !
eh ! oh ! vive... !
eh bien ! ohé ! voyons !
euh ! ouais ! zut !
RÉPERTOIRE ANCIEN
L’interjection existait en latin comme en
français moderne, mais avec un répertoire en grande partie différent : « hélas ! » se disait heu !, eheu !, « allons », age
(impér. du v. agere) ; papae, emprunté au
grec, exprimait l’admiration ; euge, grec
aussi, exprimait l’idée que rend en fran-
çais bravo, emprunté à l’italien. Mais le
latin connaissait a ou ah, o ou oh, polysémiques comme en français moderne.
On rencontre en ancien français
quelques-unes des interjections modernes : a, hé, o dès la Vie de saint Alexis,
ba dans Courtois d’Arras, fi dans la Chastelaine de Vergi, etc.
D’autres naissent et s’acheminent de
siècle en siècle vers leur statut moderne :
— Aïe est considéré par certains étymologistes comme une onomatopée (cri de
douleur, même sens que ohi, attesté en
1155), apparue en 1473 selon Wartburg ;
d’autres y voient un ancien impératif du
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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verbe aidier, ou le nom tiré de ce verbe et
signifiant « aide » :
Cevalche, rei ! Bosuign avum d’aïe (la
Chanson de Roland, 1619).
En effet, l’emploi de ce nom comme motphrase est relevé dans des textes anciens :
Veés ichi le gent haïe
Li chevalier Mahom, aïe ! (Jean
Bodel, XIIe s.).
Mais dans ces emplois aïe ! signifie « À
l’aide ! »
Un mot écrit ahi, unissant probablement
ah et hi, exprime l’indignation dans la
Chanson de Roland :
Ahi ! culvert, malvais hom de put aire
(763).
Damourette et Pichon ont raison de penser que l’interjection aïe, prononcée en
deux syllabes, puis en une seule (d’où la
graphie aye, attestée), résulte du croisement de aïe et ahi.
—Dame, comme interjection, apparaît
au XIVe s. et disparaît, puis se retrouve
chez Molière en 1665 ; il renforce l’affirmation, comme hercle ! (« par Hercule »)
chez Plaute, invoquant aussi (sans blasphème) la garantie d’un être surnaturel,
qui peut être Dieu (Damedieu, de Domine
Deus, « seigneur Dieu », se rencontre couramment en ancien français) ou la Vierge
(tredame, abrév. de par Notre-Dame, est
attesté en 1690).
— Hélas se rencontre sous la forme suivante dans la bouche de Bramimonde,
épouse du roi Marsile :
E ! lasse, que nen ai un hume ki
m’ociet !
[Ah ! malheureuse, qui n’ai pas un
homme pour me tuer !]
(la Chanson de Roland, 2723).
L’adjectif las, dans cet emploi exclamatif,
se relève déjà quatre fois, seul ou précédé
de a, dans la Vie de saint Alexis (107, 394,
441, 616) ; il se retrouve, invariable, au
XVIe s. :
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ! ses beautés laissé choir !
(Ronsard).
L’Académie dira en 1694 : « Il commence
à vieillir ». Il n’est conservé aujourd’hui
que régionalement :
Las moi ! Mon doux Jésus ! s’exclama
la mère (L. Pergaud, la Guerre des
boutons).
Il est difficile de dater la soudure des éléments e(h) et las.
Elle semble accomplie, mais alterne avec
halas, chez Joinville :
Chascuns crioit helas ! et li marinier et li autre batoient lour paumes
[...]. Et maintenant qu’il l’ost getée,
il s’escria et dist : « Halas ? nous
sommes à terre. »
Au XVe s., Antoine de La Sale écrit encore
indifféremment Helasse moy dolente et
Helas ! moy dolente (Jehan de Saintré).
— Merci est originellement un nom
féminin signifiant « récompense » (lat.
mercedem, « salaire », d’où « prix ») et,
par suite, « faveur » et « grâce ». Employé
comme mot-phrase en ancien français, il
implorait miséricorde :
Mercit, mercit, mercit, saintismes
hom ! (Vie de saint Alexis, 72).
Le sens moderne (« remerciement ») apparaît après grant (granz) dès le XIIe s. :
« Granz merciz, sire » dïent li losengier (le
Couronnement de Louis, 111).
L’orthographe grammercy atteste la soudure chez La Fontaine (Fables, VI, XIV).
Le plus souvent, il avait en construction
absolue la valeur d’un complément de
phrase (« par la grâce de... »), comme s’il
remontait à un ablatif latin :
« Oncles », fait-il, « estes sains et haitiez ? »
— « Oie », fait-il, « la merci Deu del ciel »
(le Couronnement de Louis, 1158).
« Ne vos faldrons por tot l’or de cest mont ».
Respont Guillelmes : « Vostre merci,
baron » (ibid., 2125).
Un tour concurrent, Dieu merci, conservé jusqu’à nos jours, était dans la Chanson de Roland :
Cist premier colp est nostre, Deu
mercit ! (1259).
Toutes ces formules semblent avoir donné par convergence merci tout seul, exprimant le remerciement, qui n’a pas été
relevé avant le XIVe s. Les dictionnaires ne
signaleront longtemps que les locutions
composées : merci n’apparaîtra dans le
Dictionnaire de l’Académie qu’en 1835,
avec la mention « style familier ».
L’ancienne langue possédait quelques interjections aujourd’hui disparues, telles
que :
— Avoy, d’origine incertaine (a[h] + voi,
de voir ou impér. d’avoier, « se mettre en
route » ?), exprimant avec force la surprise, l’affirmation ou la volonté :
Avoi, beau frere Hugelin,
Veus me tu dunc issi guerpir ? (Gormont et Isembart, XIIe s.).
— Çamon, de çà (ecce hac) + mon,
« exactement, simplement » (munde),
renforçant dès le XIIe s. une affirmation ;
Molière le met encore dans la bouche de
Mme Jourdain :
Çamon vrayment ? Il y a fort à
gagner à fréquenter vos nobles ! (III,
III).
Au Moyen Age, cette locution se présentait souvent sous la forme c’est mon :
Ce est sa fille, par foi, ce est mon
[C’est sa fille, par ma foi, c’est elle
assurément] (Joinville).
— Chaele(s), chaiele(s), kiele(s), d’origine
incertaine, nuançant de bienveillance
l’exhortation :
Tenés, kieles ! si les gardés (Courtois
d’Arras).
— Dehait, dehé, dehet, dahé, etc. (Dé,
« Dieu » + hét, « haine »), formule d’imprécation née par apocope de Dehait ait,
« qu’il ait la haine de Dieu » :
Dist Oliver : « Dehait ait li plus
lenz ! » (la Chanson de Roland, 1938).
Dahait, fet il, qui el [autre chose] vos
quiert (Yvain, 5749).
Ce mot n’a aucune parenté avec la locution de hait, « avec ardeur », contenant
le nom hait, « joie, entrain », d’origine
germanique, et qu’on lit encore chez
Rabelais :
Je boiray, par Dieu ! et à toy et à ton
cheval, et de hayt ! (Gargantua, 39).
— Diva (impér. de dire et d’aller ?), accompagnant une question ou un souhait,
comme « dis donc » :
Diva ! cil Deux qui fist le mont,
Il vus donst voire repentance !
(Béroul, Tristan).
Il faut sans doute en voir des formes raccourcies dans les anciens dia, dea et da :
Nennil dya ! dist il, j’auray mieux
(Charles d’Orléans).
Voire dea (Montaigne, III, V).
Nenny da, c’est quelqu’autre
(Molière, l’Estourdy).
Oui-da, Labriche, tu m’as reconnu ?
(G. Sand, François le Champi).
Il y en a eu par la ville plus d’un
qui m’a fait la cour, da (Balzac, Un
ménage de garçon).
— Guai ou wai (qu’on rapproche de
l’allem. wai et du danois ve, mais qui se
retrouve en roumain, en albanais, en
serbe et ailleurs), exprimant autrefois la
douleur :
Wai a vos, riche gent, qui aveiz vostre
solais ! (saint Bernard, XIIe s.).
L’interjection gué (gai), ô gué, qui se rencontre en français classique et moderne
dans des refrains de chansons, continuet-elle le wai ancien sous sa forme romanisée ? Est-elle une déformation de Dieu
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comme dans morgué ? Du moins doit-
elle tout son sens à l’adjectif gai (gotique
*gâheis, « impétueux ») :
J’aime mieux ma mie, oh gay !
(Molière. le Misanthrope).
Gué, gué, dessur le gué (les Compagnons de la Marjolaine).
— Haro, harou, hareu, hari, variantes
d’un cri usité pour exciter les chiens de
chasse, continuant un mot francique
*hara de même sens (cf. angl. here,
« ici ») ; un verbe harer en était dérivé,
qui a donné harasser (XVIe s.) et hare à
li (= lui), d’où hallali (XVIIIe s.), cri des
veneurs.
— Hu(i) [conservé dans hue !], interjection rencontrée du XIIe au XVIIe s., peutêtre dérivée du verbe hu(i)er, à moins que
ce ne soit l’inverse ; l’un ou l’autre est né
par onomatopée, probablement dès le
gallo-roman (*hūcare ?).
L’étude faite plus haut des fonctions de
l’interjection explique assez pourquoi il
n’est pas d’espèce de mots plus en butte
aux variations de forme et aux altérations
de sens par analogie, contamination, influences esthétiques et sociales.
interjeter [ɛ̃tɛrʒəte] v. tr. (de inter- 3
et de jeter, sur le modèle du lat. interjicere
[v. l’art. précéd.] ; XVe s., Godefroy, au sens
1 ; sens 2, av. 1935, P. Bourget [« échanger — des paroles — », début du XVe s.,
A. Chartier ; « introduire sous forme de
proposition interjetées », 1873, Larousse]).
[Conj. 4 a.] 1. Introduire un appel, pour
demander révision d’une décision de justice : Protestant contre son jugement, j’interjetai appel (Gide). Ϧ2. Lancer vivement
un propos au milieu d’une conversation :
« Le concierge m’a chargé d’en prévenir
monsieur le comte », interjeta le chauffeur
(Bourget).
interlignage [ɛ̃tɛrliɲaʒ] n. m. (de interligner ; 1873, Larousse). Action ou manière
d’interligner : C’était beaucoup à cause
de l’insupportable quadrillage du dernier
cahier (on n’en trouvait point d’autres) qui
m’imposait un interlignage trop rapproché
(Gide).
interligne [ɛ̃tɛrliɲ] n. m. (de inter- 3 et de
ligne ; 1612, Béroalde de Verville, au sens 2
[sans aucun doute plus anc., v. la date du dér.
interligner] ; sens 1, 20 juill. 1740, Voltaire
[« espace entre deux lignes de la portée
musicale », 1867, Littré]). 1. Espace qu’on
laisse entre deux lignes écrites ou imprimées : Interligne simple, double. Écrire dans
l’interligne. ϦSpécialem. Espace entre deux
lignes de la portée musicale : La portée doit
comprendre cinq lignes et quatre interlignes.
Ϧ2. Ce que l’on ajoute dans l’espace compris entre les lignes.
& n. f. (1765, Encyclopédie). Dans l’imprimerie, lame de métal dont on se sert pour
séparer les lignes de composition.
interligner [ɛ̃tɛrliɲe] v. tr. (de interligne ; 1579, Huguet, au sens 1 [absol., 1873,
Larousse ; entreligner, même sens — début
du XIVe s. —, était un dér. de entre- et de
ligne] ; sens 2, 1800, Boiste). 1. Introduire
dans un interligne : Interligner un mot dans
un acte. ϦAbsol. Écrire dans les interlignes. Ϧ 2. Dans l’imprimerie, séparer les
lignes de composition par une ou plusieurs
lames appelées « interlignes ».
interlinéaire [ɛ̃tɛrlineɛr] adj. (lat.
médiév. interlinearis, interlinéaire, du
lat. class. inter, entre, et linea, fil de lin,
ligne, trait, dér. de linum, lin ; 1382, Ph. de
Maizières, au sens 1 [entrelineaire, forme
plus francisée, 1314, Mondeville] ; sens 2,
av. 1780, Condillac). 1. Qui est écrit dans
l’interligne, dans les interlignes : Notes,
remarques interlinéaires. Mot interlinéaire.
Ϧ2. Spécialem. Se dit d’une édition dans
laquelle la traduction est donnée dans
l’interligne.
interlinéation [ɛ̃tɛrlineasjɔ̃] n. f. (de
inter- 3 et du lat. lineatio, ligne, de lineatum, supin de lineare, aligner, dér. de linea
[v. l’art. précéd.] ; 1765, Encyclopédie). Ce
qui est écrit entre les lignes.
interlingual, e, aux [ɛ̃tɛrlɛ̃gwal, -o]
adj. (de inter- 3 et de lingual, pris au sens
de « qui a rapport à une langue, système de
signes » ; milieu du XXe s.). Se dit, en linguistique, d’une opération qui traduit des
signes d’une langue par des signes d’une
autre langue.
• CONTR. : intralingual.
interlinguistique [ɛ̃tɛrlɛ̃gɥistik] n. f.
(de inter- 3 et de linguistique ; milieu du
XXe s.). Ensemble des recherches tendant
à créer, étudier et promouvoir des langues
artificielles à vocation internationale.
interlock [ɛ̃tɛrlɔk] n. m. (mot angl.,
déverbal de to interlock, communiquer
avec, couler l’un dans l’autre ; milieu du
XXe s., aux sens 1-2). 1. Métier circulaire
destiné à tricoter les tissus à mailles.
Ϧ2. Tissu ou vêtement tricoté avec cette
machine.
interlocuteur, trice [ɛ̃tɛrlɔkytoer, -tris]
n. (lat. du XVe s. interlocutor, interlocuteur,
du lat. class. interlocutum, supin de interloqui [V. INTERLOQUER], qui fut utilisé
au IVe s. pour traduire le gr. dialegesthai,
converser ; v. 1530, C. Marot, au sens 1 ;
sens 2, 1835, Acad. ; sens 3, milieu du.
XXe s.). 1. Personnage qu’un écrivain
introduit dans un dialogue : Dans les
oeuvres de Platon, Alcibiade est souvent
présenté comme l’interlocuteur de Socrate.
Ϧ2. Toute personne qui converse avec une
autre : Cette réponse [...] fit sur mon interlocutrice le plus déplorable effet (France).
Elle fixait ses interlocuteurs, de l’air de leur
dire : « Je ne crois pas un mot de ce que vous
racontez » (Vailland). Ϧ3. Personne d’opinion ou de parti contraire avec laquelle on
peut être amené à engager des discussions
ou des pourparlers : Interlocuteur acceptable, valable, qualifié.
interlocution [ɛ̃tɛrlɔkysjɔ̃] n. f. (lat.
interlocutio, action d’interrompre en
parlant, interpellation, de interlocutum,
supin de interloqui [V. INTERLOQUER] ;
1546, Vaganay, au sens de « interruption
faite dans une conversation par quelqu’un
qui objecte quelque chose » ; sens 1, 1685,
La Fontaine ; sens 2, 1611, Cotgrave).
1. Ensemble des propos qu’échangent les
interlocuteurs dans les dialogues. (Peu
usité.) Ϧ2. Vx. En termes de droit, décision
par laquelle on prononce un jugement dit
« interlocutoire ».
interlocutoire [ɛ̃tɛrlɔkytwar] adj. et
n. m. (lat. médiév. interlocutorius, interlocutoire, du lat. class. interlocutum, supin
de interloqui [V. INTERLOQUER] ; v. 1283,
Beaumanoir [comme n. m., 1380, Comptes
municipaux de Tours, II, 331]). Se dit d’une
décision judiciaire qui, avant de statuer
sur le fond, ordonne des mesures propres
à préparer la solution de l’affaire : Arrêt
interlocutoire. Un interlocutoire.
& adj. (1867, Littré). Se dit de la mesure
qui est ordonnée par la même décision :
Enquête interlocutoire.
interlope [ɛ̃tɛrlɔp] adj. (angl. interloper,
intrus, marchand qui vient trafiquer en
fraude dans les pays de la concession d’une
compagnie de commerce ou dans les colonies d’une autre nation que la sienne, néerl.
interlooper, même sens, du préf. inter-, entre
[lat. inter, v. INTER3], et de loopen, courir ;
1688, Miege, écrit interloppe [interlopre,
1723, Savary des Bruslons ; interlope, 1740,
Acad.], au sens [substantiv., 1736, Aubin,
écrit interlopre ; interlope, 1740, Acad.] ;
sens 2, 1770, Raynal ; sens 3, 1841, Balzac
[comme n. m., au sens de « auteur qui commet des fraudes en écrivant », 11 avr. 1772,
Voltaire]). 1. Vx. Se disait d’un navire qui
pratiquait un commerce en fraude : Un
navire interlope ; et substantiv. : Un interlope. Ϧ2. Qui se fait en fraude : Commerce
interlope. Ϧ 3. Qui fait naître des soupçons
sur son honnêteté ou sa respectabilité : Elle
ne peut fréquenter les filles ni les déclassées
du monde interlope (Daudet). Il savait que
Frauttenbach avait longtemps vécu dans
la pègre berlinoise et qu’il avait conservé,
dans ce milieu interlope, des relations dont
il avait déjà tiré profit pour la cause (Martin
du Gard). Nous déménageâmes et allâmes
fixer nos pénates dans un hôtel interlope des
environs de la Bastille (Cendrars).
• SYN. : 3 douteux, équivoque, louche.
suspect. — CONTR. : 3 digne, honnête,
respectable.
interloquer [ɛ̃tɛrlɔke] v. tr. (lat. interloqui, couper la parole à quelqu’un, interrompre ; XVe s., Godefroy, comme v. intr., au
sens de « interrompre [la procédure d’une
affaire] par une sentence interlocutoire » ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2694
sens I, 1, 1690, Furetière ; sens I, 2, 1680,
Richelet ; sens II, 1798, Acad. [« placer un
propos entre d’autres et interrompre le discours de quelqu’un », 1549, R. Estienne]).
I. 1. Soumettre à une décision interlocutoire : Interloquer une affaire, un procès.
Ϧ2. Interloquer un plaignant, prononcer
contre lui un jugement interlocutoire.
II. Mettre dans l’embarras par un
brusque effet de surprise, rendre tout
interdit (surtout au part. passé) : Mme Michaud, que l’abbé Brossette avait interloquée, livra [...] un secret (Balzac). Léonhard, interloqué, jeta sur lui un regard
inquiet (Rolland). Le gamin, interloqué,
cesse de pleurer. Il regarde son père. Il
aurait aimé être pris sur les genoux, câliné
(Martin du Gard).
• SYN. : II confondre, déconcerter, décontenancer, démonter, désarçonner (fam.),
méduser (fam.), sidérer (fam.), stupéfier.
interlude [ɛ̃tɛrlyd] n. m. (angl. interlude, intermède [au théâtre, en musique],
du bas lat. interludere, jouer ou badiner
par intervalles, du lat. class. inter, entre,
et ludere, jouer, dér. de ludus, jeu ; 1829,
Boiste, au sens 1 ; sens 2-4, 1873, Larousse).
1. Fragment musical qui sert de transition
entre deux actes ou deux scènes d’une
oeuvre théâtrale, chantée ou non. Ϧ2. À
l’orgue, brève improvisation entre deux
versets d’hymne, de psaume ou de choral.
Ϧ3. Nom donné parfois au divertissement
d’une fugue. Ϧ4. Divertissement dramatique,. musical ou filmé, entre deux parties d’un spectacle ou d’une émission de
télévision : Les pièces d’Ursus étaient des
interludes (Hugo).
• SYN. : 4 intermède.
intermariage [ɛ̃tɛrmarjaʒ] n. m. (de
inter- 3 et de mariage ; 1839, Boiste).
Mariage entre personnes de la même
famille.
1. intermède [ɛ̃tɛrmɛd] n. m. (ital. intermedio, intermède, de l’adj. lat. intermedius,
interposé, intercalé, de inter, entre, et de
medius, qui est au milieu ; 1559, M. de SaintGelais, écrit intermedie [intermède, 1597,
Revue du seizième siècle, XV, 162], au sens
1 [« ballet-divertissement qui suspend ou
ralentit l’action... », 1673, Molière] ; sens 2,
1765, Encyclopédie ; sens 3, 1931, Larousse ;
sens 4, 1682, La Fontaine). 1. Divertissement
accessoire (choeur, ballet, danse, ouvrage
dramatique ou musical), qu’on donnait
autrefois entre les diverses parties d’un
spectacle, et surtout entre les actes d’une
pièce de théâtre : Intermède musical,
chanté. ϦSpécialem. Ballet-divertissement
qui suspend ou ralentit l’action d’une
oeuvre dramatique, sans rompre l’unité
de style : Les intermèdes des comédies-ballets de Molière. Ϧ 2. Ancien nom des petits
opéras. Ϧ 3. En musique instrumentale,
syn. de INTERLUDE. Ϧ4. Événement qui
interrompt provisoirement la continuité
de quelque chose, ou laps de temps qui
sépare deux choses de même nature : Cet
intermède occupa l’attente, qui fut longue
(G. Lenotre). Le vieillard qui a une forte foi
religieuse n’a qu’à attendre avec patience
la fin de son intermède terrestre, en continuant de suivre rigoureusement les règles
de sa religion (qu’est-ce que cinquante ans
de menues contraintes, contre une éternité
de paradis !) [Montherlant]. Intermède de
calme entre deux époques tourmentées.
2. intermède [ɛ̃tɛrmɛd] n. m. (du lat.
intermedius [v. l’art. précéd.] ; 1702 [d’après
Trévoux, 1721], au sens 1 ; sens 2, 1845,
Bescherelle). 1. Vx. Ce qui est placé entre
deux choses et permet à l’une d’agir sur
l’autre, intermédiaire : C’est par l’intermède de l’eau que s’opèrent également les
concrétions secondaires et les pétrifications
vitreuses et calcaires (Buffon). Ϧ 2. En
pharmacie, élément d’une formule désignant la substance propre à unir deux ou
plusieurs substances médicamenteuses qui
ne formeraient pas sans elle un mélange
homogène.
intermédiaire [ɛ̃tɛrmedjɛr] adj. (dér.
savant du lat. intermedius [v. INTERMÈDE 1] ; Ordonnance de 1667, citée dans
Bornier, 1678 [rayons intermédiaires, 1953,
Larousse]). Qui est entre deux termes et
forme transition de l’un à l’autre ; qui
occupe une position moyenne, représente
un état moyen : Corps, espace intermédiaire. Un état intermédiaire entre le despotisme et l’anarchie. L’indigo est la couleur
intermédiaire entre le bleu et le violet. Une
solution intermédiaire. Il existe une série de
phonèmes intermédiaires aux occlusives et
aux spirantes (Vendryes). Ϧ Rayons intermédiaires, radiations électromagnétiques
qui forment la liaison entre la limite de
l’ultraviolet et les rayons X les plus mous.
• SYN. : moyen.
& n. (sens 1, janv. 1781, Necker [« médiateur, médiatrice », 1873, Larousse] ; sens 2,
av. 1850, Balzac ; sens 3, 1893, Dict. général). 1. Personne qui intervient entre deux
autres, qui ne sont pas en contact direct,
pour leur servir de lien ou les mettre en rapport : Ne pas avoir besoin d’intermédiaire
pour dire ce qu’on a à dire. Ϧ Spécialem.
Médiateur, médiatrice : Marie, simple créature auprès de Dieu, mais haussée jusqu’à
lui, devenait ainsi [...] l’intermédiaire de
toute grâce (Zola). Ϧ2. Toute personne
qui, dans le circuit économique, intervient
entre le producteur et le consommateur.
Ϧ3. Toute personne qui intervient pour
faire conclure une affaire commerciale
(représentant, commissionnaire, courtier, etc.).
& n. m. (sens 1, v. 1770, J.-J. Rousseau ;
sens 2, 1835, Acad.). 1. Ce qui, placé entre
deux choses, leur sert de lien ou de transition : Passer brusquement d’un sujet à un
autre, sans intermédiaire. Ϧ2. Action de
s’entremettre, ou le fait de servir de moyen
(surtout dans la loc. par l’intermédiaire de
[v. ci-après]).
& Par l’intermédiaire de loc. prép. (1833,
Michelet). Par l’entremise de quelqu’un,
par le moyen de quelque chose : Après ce
que vous venez de me dire, je ne puis plus
communiquer avec vous que par l’intermédiaire de deux de mes amis (France). Agir
par l’intermédiaire d’un homme de paille.
Une réaction chimique qui s’effectue par
l’intermédiaire d’un catalyseur.
intermédine [ɛ̃tɛrmedin] n. f. (de [lobe]
interméd[iaire] — v. ci-dessus ; 1941, P.
Rey). Hormone hypophysaire, sécrétée
par le lobe intermédiaire de l’hypophyse,
qui a la propriété de dilater les mélanophores chez certains animaux, d’accroître
la pigmentation mélanique chez l’homme.
intermenstruel, elle [ɛ̃tɛrmɑ̃stryɛl]
adj. (de inter- 3 et de menstruel ; 1873,
Larousse). Qui se rapporte au temps compris entre les menstrues, et plus précisément au milieu du cycle menstruel.
intermétallique [ɛ̃tɛrmetalik] adj. (de
inter- 3 et de métallique ; 1962, Larousse).
Se dit de la surface séparant deux métaux
accolés par soudure, laminage, dépôt électrolytique, etc.
intermezzo [ɛ̃tɛrmɛdzo] n. m. (mot
ital., var. de intermedio [v. INTERMÈDE] ;
1873, d’après Larchey, 1878). Mot italien
signif. « intermède », utilisé comme titre
d’oeuvres musicales par quelques compositeurs (Schumann, Brahms).
interminable [ɛ̃tɛrminabl] adj. (bas lat.
interminabilis, interminable, du lat. class.
in-, préf. à valeur négative, et du bas lat.
terminabilis, qu’on peut limiter, du lat.
class. terminare, borner, dér. de terminus,
limite ; v. 1361, Oresme). Qui ne saurait
être terminé : Une oeuvre interminable.
Des querelles ecclésiastiques qu’on croyait
interminables (Voltaire). ϦPar exagér. Qui
ne semble pas devoir finir, qui est très long
(dans l’espace ou dans le temps) : Julien
parcourut de cette manière une plaine
interminable, puis des monticules de sable
(Flaubert). Vous connaissez le sable uni,
le sable droit des interminables plages de
l’Océan (Maupassant). Dix interminables
minutes s’écoulèrent dans un absolu silence
(Martin du Gard). C’était, en vérité, une
lettre interminable [...], avec d’étonnantes
parenthèses (Duhamel). Parfois, un embouteillage bloquait l’interminable file (Aymé).
• SYN. : démesuré, énorme, gigantesque,
illimité, immense, incommensurable, infini.
interminablement [ɛ̃tɛrminabləmɑ̃]
adv. (de interminable ; 1842, Mozin). De
façon interminable : Mme d’Avancelles,
par malice, retint le baron près d’elle,
s’attardant, au pas, dans une grande avenue interminablement droite et longue
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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(Maupassant). On peut interminablement
discuter (Gide).
interministériel, elle [ɛ̃tɛrministerjɛl]
adj. (de inter- 3 et de ministériel ; 1907,
Bulletin de la Société d’agriculture [XIX,
10], aux sens 1-2). 1. Qui concerne plusieurs ministres, mais non l’ensemble
des ministres d’un gouvernement : Arrêté
interministériel. Ϧ2. Qui réunit plusieurs ministres ou les représentants de
plusieurs ministères : Réunion, conférence
interministérielle.
intermission [ɛ̃tɛrmisjɔ̃] n. f. (lat. intermissio, discontinuité, interruption, suspension, relâche, de intermissum, supin
de intermittere, laisser au milieu, dans
l’intervalle, interrompre, de inter, entre,
et de mittere, envoyer, laisser aller ; 1377,
Delisle, Mandements [p. 816], au sens de
« intervention » ; sens 1, 1413, Ordonnance
royale ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Vx.
Action de s’interrompre ou d’interrompre
quelque chose. Ϧ2. En médecine, période
qui sépare deux accès de certaines affections : Fièvre qui dure trente heures sans
intermission.
• SYN. : 2 relâche, rémission, répit.
intermittence [ɛ̃tɛrmitɑ̃s] n. f. (de intermittent ; 1660, Oudin, au sens de « intervalle » ; sens 1, 1812, Mozin [intermittence
du pouls, 1721, Trévoux] ; sens 2, 1787,
Féraud ; sens 3, 1842, Balzac). 1. Caractère
de ce qui est intermittent : L’intermittence
de certaines sources. L’intermittence de la
production, inhérente au régime capitaliste, causait de tels chômages (France).
ϦIntermittence du pouls, irrégularité du
pouls. Ϧ2. Période d’arrêt momentané qui
sépare deux accès dans certaines affections, notamment les fièvres infectieuses.
Ϧ 3. Fig. Caractère de ce qui procède par
accès : Bien peu [de renoncements] sont
absolus, au moins d’une façon continue,
dans cette âme humaine dont une des lois
[...] est l’intermittence (Proust).
• SYN. : 1 discontinuité, irrégularité ;
2 arrêt, intermission, interruption, relâche,
rémission.
& Par intermittence loc. adv. (début
du XXe s.). Par moments, d’une façon
discontinue : Un élève qui travaille par
intermittence.
• SYN. : irrégulièrement, par accès, par intervalles. — CONTR. : régulièrement.
intermittent, e [ɛ̃tɛrmitɑ̃, -ɑ̃t] adj.
(lat. intermittens, -entis, part. prés. de
intermittere [V. INTERMISSION] ; milieu
du XVIe s. [fièvre intermittente ; fontaine,
source intermittente, 1757, Encyclopédie ;
pouls intermittent, 1690, Furetière]). Qui
est coupé d’interruptions, qui s’arrête et
reprend par intervalles : Un élève dont le
travail n’est qu’intermittent. Pas une feuille
qui bouge, | Pas un seul oiseau chantant,
| Au bord de l’horizon rouge | Un éclair
intermittent (Gautier). Ϧ Fontaine, source
intermittente, source qui coule et cesse
de couler alternativement, le plus souvent dans des temps à peu près réguliers.
ϦFièvre intermittente, fièvre paludéenne,
dont les accès se produisent périodiquement. ϦPouls intermittent, pouls dont les
pulsations se produisent à des intervalles
inégaux.
• SYN. : discontinu, irrégulier, périodique.
— CONTR. : continu, permanent, régulier.
intermodulation [ɛ̃tɛrmɔdylasjɔ̃]
intermodulation [ɛ̃tɛrmɔdylasjɔ̃]
n. f. (de inter- 3 et de modulation ; 1948,
Larousse, aux sens 1-2). 1. Production, dans
un circuit électrique, de fréquences correspondant aux sommes et aux différences
des ondes fondamentales et des harmoniques de deux ou de plusieurs fréquences
transmises à ce circuit. Ϧ 2. En radiotechnique, phénomène en vertu duquel une
émission faible ou lointaine est modulée
par une puissante émission locale. (Syn.
TRANSMODULATION.)
intermoléculaire [ɛ̃tɛrmɔlekylɛr] adj.
(de inter- 3 et de moléculaire ; v. 1942). Qui
est situé, se produit entre les molécules :
L’activité intermoléculaire de la matière
(Maeterlinck).
intermondes [ɛ̃tɛrmɔ̃d] n. m. pl. (lat.
intermundia, n. neutre plur., espaces entre
les mondes, de inter, entre, et de mundus, le
monde, l’univers ; 1641, La Mothe Le Vayer
[entremonde, forme francisée, milieu du
XVIe s., Amyot]). Espaces vides et paisibles,
situés entre les mondes, et où les philosophes épicuriens situaient la demeure
des dieux.
intermusculaire [ɛ̃tɛrmyskylɛr]
adj. (de inter- 3 et de musculaire ; 1765,
Encyclopédie). Qui est situé entre les
muscles : Tissu intermusculaire.
internat [ɛ̃tɛrna] n. m. (de interne ; 1829,
Boiste, au sens 1 [« établissement scolaire... » et « régime de cet établissement » ;
« situation d’élève interne », 1867, Littré ;
maître d’internat, XXe s.] ; sens 2, 1845,
Bescherelle [« période pendant laquelle les
internes sont en fonction », 1867, Littré ;
« le corps des internes », 1902, Larousse] ;
sens 3, 1888, Larousse). 1. Situation d’élève
interne : Bourse d’internat, d’externat ou de
demi-pension. ϦÉtablissement scolaire ou
division d’un établissement scolaire où l’on
reçoit des internes : Un internat de jeunes
filles. Lycée avec internat, sans internat.
Ϧ Régime de cet établissement : L’internat
ne réussit pas à tous les élèves. ϦMaître
d’internat, dans les lycées et collèges, surveillant chargé du maintien de la discipline
dans les études et dortoirs réservés aux
pensionnaires. Ϧ2. Fonctions d’interne
en médecine dans les hôpitaux : Concourir
pour l’internat des hôpitaux. Ϧ Période
pendant laquelle les internes sont en fonction. ϦLe corps des internes : L’internat
de Paris. Ϧ3. Concours annuel permettant
d’accéder aux fonctions d’interne des hôpi-
taux : Préparer l’internat.
• SYN. : 1 pension ; pensionnat.
international, e, aux [ɛ̃tɛrnasjɔnal,
-o] adj. (de inter- 3 et de national ; 1801,
Fr. Mackenzie, au sens 1 [« qui concerne
les relations des nations entre elles » ; « qui
se fait entre deux ou plusieurs nations »,
1836, Acad.] ; sens 2, 1873, Larousse [port,
territoire international, 1959, Robert] ;
sens 3, 1871, Lockroy). 1. Qui se fait entre
deux ou plusieurs nations : Commerce
international. Relations internationales.
Ϧ Spécialem. Qui concerne les relations
des nations entre elles : Politique internationale. Droit international. Organismes
internationaux. Conférence internationale.
Ϧ2. Qui concerne plusieurs nations : Jouir
d’une renommée internationale. Que veuxtu que je te dise, mon cas est international
(Giraudoux). ϦPort, territoire international, soumis à l’administration d’une
autorité internationale. Ϧ3. Qui intéresse
des personnes, des groupes de personnes
appartenant à diverses nations : La solidarité internationale des travailleurs. Course
internationale. Jeux internationaux.
• SYN. : 2 mondial, universel.
& n. et adj. (XXe s. [athlète de classe internationale, milieu du xx’ s.]). Sportif, sportive
qui a représenté ou va représenter son pays
dans des compétitions internationales : Un
international de football. ϦPar extens.
Athlète de classe internationale, athlète
digne de prendre part à des compétitions
internationales.
& international n. m. (8 sept. 1871,
Flaubert). Vx. Nom des partisans de
l’Internationale dans le dernier quart du
XIXe s. : Il sera divisé par les internationaux,
les jésuites de l’avenir (Flaubert). En devenant révolutionnaire, il devint forcément
international (France).
& internati

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