DÉPLIANT ARTISTES COMBATTANTS
Transcription
DÉPLIANT ARTISTES COMBATTANTS
Ecrivains français morts pour la France sur les Champs de Bataille de Meuse* A B C Circuit des écrivains combattants 1914-1918 D NOM PRÉNOM GRADE UNITÉ NAISSANCE AJALBERT ALLARD-MEEUS Charles Jean Paul Edmond Léon Soldat de 2e classe Sous-Lieutenant 113e RI 162e RI Clermont-en-Argonne Pierrepont AUBARBIER Pierre Jean Georges Soldat de 2e classe 54e RI 22 mars 1896 28-nov-14 23 novembre 1891 22-août-14 12 septembre 1893 26-déc-14 BALLOT Charles BERNARDIN BERTRAND Charles Léon Henri Lieutenant Capitaine 152e RI 67e RI 11 novembre 1886 06-déc-17 26 avril 1878 07-sept-14 Bevaux-Beaulieu Bar-le-Duc Médecin Aide-Major 111e RI 3 mars 1882 Lieutenant Sergent 170e RI 132e RI 239e RI 8 février 1883 BOURCE Marcel Marie BOYER Léon Antoine BRUNNARIUS Marcel Gustave CASSAGNE Jean Albert CHAMBON CHAPMAN Maurice Paul CORRARD COZIC Sergent Amédée Marie Lieutenant DALLERE Maurice Edmond Louis Eugène Sous-Lieutenant DE FOVILLE Jean Achille Lucien DE FREVILLE Ernest Louis Marie Robert Meuse Le temps de l’Histoire Circuit des écrivains combattants 1914-1918 H I J K L L’écrivain est celui qui produit les œuvres de l’esprit. Rien ne prédisposait l’écrivain à la confrontation avec la brutalité, le sacrifice et la mort. Cette confrontation a fait des écrivains soldats des témoins exceptionnels, dont les œuvres entretiennent encore aujourd’hui le culte du souvenir et la marque de l’Histoire. Remerciements : – Mémorial de Verdun – Association des Ecrivains Combattants – Association Teilhard de Chardin. Contact : – 03 29 83 77 68 / 03 29 45 77 29 – www.verdun-meuse.fr O P – Mission mémoire Interdépartementale de – l'ONAC de Lorraine – et Mission Histoire du Conseil général de la Meuse. V W Est de Pintheville Nord de Douaumont 21-nov-14 Bolante 39e RI 13 novembre 1889 07-oct-16 Fleury Caporal 301e RI 26 février 1877 Bois Coquelin près cote 304 Lieutenant 303e RI 19 décembre 1882 Sergent Capitaine 3e RI 214e RI 1er sept. 14 23-sept-14 24 janvier 1883 16 novembre 1873 24-août-14 ? ? 1863 1er mars 15 Vauquois 07-sept-14 Souilly 25-avr-15 Malancourt Senon 20 novembre 1870 27-févr-15 DESCLERS DESTREM Sous-Lieutenant Caporal 106e RI 258e RI 17 juillet 1882 DEVRED Maurice Paul Hugues Jean Gracchus René Alfred Antoine Sapeur de 2e classe 3e RG 12 mai 1875 13 janvier 1887 DIRAISON Eugène Jules Olivier Sous-Lieutenant 106e BCP 31 juillet 1873 DRIANT Emile Augustin Cyprien Lieutenant-Colonel 56e et 59e BCP 11 septembre 1855 22-févr-16 DROUET Sylvain Domatien Théophile (Marcel) Edouard Jean Emile Marie André Sergent 165e RI 19 août 1888 Capitaine Soldat de 2e classe Aspirant 339e RI 4 septembre 1886 9e RZM (Zouaves de Marche) 31 août 1884 5e RI 5 décembre 1892 22-juin-16 Rieux-Avocourt 05-mars-16 Bevaux 06-déc-16 Hôpital central de Bar-le-Duc Sous-Lieutenant 255e RI 28 août 1887 12-sept-14 Heippes Capitaine 413e RI 288e RI 240e RI 01-août-14 26-sept-14 Bois Fumin Lieutenant Adjudant 3 juin 1878 3 octobre 1886 ENG FLACHAIRE FOURNIER GABOURDES Roger Léon Eugène Louis Charles Clément Henri Jean Charles Pierre Alain Alban Alfred Marius François GALLIAN GENET GEORGIN Emmanuel Auguste GEVIN Elie Henri Emile Marie Alphonse Anatole KELLER LANCON LERMERCIER LEVY MARCELLIN MARCHAL MARIE MASPERO 17-juin-16 Cote 321 Lisière sud du bois Nervé Consenvoye 04-janv-15 15 novembre 1885 25-août-14 1er novembre 1867 23-mai-15 31 mars 1889 04-sept-16 25 octobre 1891 1er mai 16 6 janvier 1884 08-sept-17 Tranchée de Calonne Boinville-en-Woëvre Secteur Rupt-devant-Saint-Mihiel 27 juillet 1894 20-juin-15 Bois-Haut 3 septembre 1888 17-août-17 Bois Bourris Sergent Sous-Lieutenant 171e RI 122e RI 17 avril 1882 20 mai 1890 21-mai-15 20-août-17 Bois d'Ailly Mort-Homme Sous-Lieutenant 321e RI 411e RI 08-juin-16 19-août-17 Vaux-devant-Damloup Robert André Sous-Lieutenant Alfred Marie Théophile Sous-Lieutenant Raymons Armand Alexis Sous-Lieutenant 22 octobre 1869 11 février 1895 21 janvier 1895 02-juin-16 26-août-17 Albert Paul Louis Léon Marie Jean Baptiste Jean Marie Alexandre Julien Jules Caporal Sous-Lieutenant 124e RI 151e RI Caporal 322e RI Sergent Sous-Lieutenant Soldat de 2e classe 106e RI 203e RI 67e RI Sous-Lieutenant 132e RI 164e RI 31e RI 411e RI 296e RI 1er RTM 19 novembre 1886 12-mai-16 14 avril 1882 06-mai-16 Fleury-devant-Douaumont Caporal 261e RI 54e RI 5 septembre 1879 21 octobre 1889 04-juil-16 26-avr-15 Baleycourt Calonne (Bois-Haut) Soldat de 2e classe 128e RI 10 septembre 1884 17-juil-15 Eparges Lieutenant Marcel Marie François Soldat de 2e classe Maurice Philippe James Soldat de 2e classe 301e RI 13 novembre 1883 15-avr-15 16-nov-14 3 décembre 1891 Eparges Lucien Emile Jacques Jean Gaston MAUREL Maurice Joseph Gabriel Soldat 1re classe MEJAN Alfred Paul Jacques Marie Soldat 2e classe Philippe Georges Raoul Antoine Rémy OLIVIER Clément Florent OUDARTDEROUSSEL Jean Marie Joseph DEPREVILLE PACCARD Alexis Jean Sous-Lieutenant Soldat de 2e classe (Régiment de Tirailleurs Marocains) 312e RI 29-oct-14 12-avr-15 Bois des Forges Marchéville 22 juillet 1886 06-août-16 Cote 321 7 novembre 1886 06-avr-15 28-avr-15 22-sept-14 Eparges 12 juin 1883 1er-sept-14 31-mai-15 Septsarges Béthincourt 20 décembre 1885 17-févr-15 Vauquois 30 janvier 1895 12-août-16 Cote 304 23 août 1883 07-sept-14 22 janvier 1882 08-avr-15 29-oct-17 Malancourt Emile Louis Sous-Lieutenant Paul Daniel Marie Théophile Jacques Sergent Sous-Lieutenant 225e RI 131e RI 24 février 1886 19 janvier 1885 RETAUD Raphaël Lucien Soldat 206e RI 30 juillet 1879 29-août-16 ? ? 1880 28-févr-16 Douaumont 301e RI 29 décembre 1879 25-avr-15 Tranchée de Calonne 34e RI 25 septembre 1891 24-mai-16 107e RAL 9 mai 1885 08-oct-17 37e RA 08-mai-16 347e RI 8 février 1894 9 juin 1877 Douaumont Fort de Souville Marius Joseph Victorien Soldat de 2e classe 128e RI 14 mars 1882 08-juin-16 24-juin-15 Tranchée de Calonne TROUVE VALAT Noël Paul Jean Baptiste Caporal Pierre Jean Georges Adjudant 54e RI 12 décembre 1886 VERAN Ernest Mathieu Capitaine VOLLET WEIL Gaston Alphonse Sous-Lieutenant Charles Georges Napoléon Lieutenant SUCHET THOREL TOURON René Marie Gabriel René Marie Eugène Maréchal-des-Logis Capitaine Raymond Escholier (1882-1971) in Le sel de la terre (1924) [Avocourt] « Plus près, au creux d’un ravin, un squelette de village étalait ses moellons épars comme des ossements, - Avocourt où ne subsistait que la détresse d’un grand crucifix de fer. » 14 9 12 Douaumont 13e RI 1er-sept-14 12 septembre 1882 12-nov-14 Dannevoux Marbotte 259e RI 8 février 1864 1er-sept-14 Consenvoye 24e RIT 2 novembre 1887 16-déc-16 Vaux-devant-Damloup 31e RI 11 avril 1881 07-oct-14 Claon * Liste non exhaustive tirée du Panthéon « La descente sur le tunnel [de Tavannes] ressemble à un sentier des Alpes : la pente est forte, et mieux vaut se hâter, car les Allemands ont repéré cette entrée et l’arrosent sans relâche. Un cadavre est là qu’il faut enjamber, le premier de la nuit. Plus bas, devant le poste de commandement, un autre qui paraît dormir sous son casque. Une main pieuse a recouvert ainsi le visage écrabouillé. Dans le tunnel un ou deux régiments sont rassemblés. C’est un abri sûr, une fois qu’on y est : 50 mètres de terre par-dessus. » Pierre Drieu La Rochelle (1893-1945) in La comédie de Charleroi (1934) [Verdun] « A demi couché sur le parapet, je vois se lever la plus radieuse aurore de printemps. Elle réveille les plaines de la Woëvre dont elle illumine les ruisseaux et les mares. Voici le village de Vaux à gauche, et celui de Damloup à droite. Plus loin, cet important agglomérat de maisons détruites, n’est-ce pas Etain ? Leurs ruines blanches, au soleil levant, dessinent une dentelle de pierre, évoquent des cités d’Orient. Et voici les pentes sombres d’Hardaumont. Douaumont nous domine, Douaumont que l’ombre garde encore comme un mauvais génie. » 18 Georges Gaudy (1895-1987) in Les trous d’obus de Verdun (1922) [Fort de Vaux] Sur cette crête, à droite, je vis une masse de pierres où des pans de maçonnerie à demi enterrés se montraient encore. Une couronne de fumée voilait l’ensemble. Et je tressaillis soudain. C’était un fort, et ce ne pouvait être que le fort de Vaux. Et d’entendre résonner ce nom dans mon esprit, de voir devant mes yeux ce fort immortellement célèbre, une émotion me saisit. Je n’en pouvais détacher mon regard. Une petite lumière paraissait et disparaissait à intervalles d’inégale durée. Je la voyais à travers la fumée comme une âme parmi des choses mortes. » « J’affirme pour moi, que, sans la guerre, il est un monde de sentiments que je n’aurais jamais connus ni soupçonnés. Personne, hormis ceux qui y auront été, ne saura le souvenir chargé d’émerveillement qu’un homme peut garder de la plaine d’Ypres en avril 1915, quand l’air des Flandres sentait le chlore et que les obus coupaient les peupliers, le long de l’Yperlé, - ou bien des côtes calcinées de Souville, en juillet 1916, quand elle fleuraient la mort. – Ces heures plus qu’humaines imprègnent la vie d’un parfum tenace, définitif, d’exaltation et d’initiation, comme si on les avait passées dans l’absolu. Tous les enchantements de l’Orient, toute la chaleur spirituelle de Paris ne valent pas, dans le passé, la boue de Douaumont.» Montfaucon « Cette marche de nuit vers Verdun, c’est un souvenir bien marqué dans ma cervelle. Nous traversions une contrée de ruines blanches. Le désert se peuplait çà et là d’informes phantasmes de pierres battues par une pleine lune haineuse, dont les coups se multipliaient dans la réverbération de la neige. Et ces ruines marquaient pour nous les stations d’un chemin de croix ; car, sur le verglas de la route, les clous de nos godasses ne mordaient pas toujours. De moment en moment, un homme s’écroulait, meurtri par le poids de son harnais. Nous marchâmes six heures de suite, dévorés par le froid, rongés par la solitude. Nous étions des milliers d’hommes qui cheminions et chacun de nous se sentait seul comme un petit enfant, au milieu de cette campagne aux jachères glaciales, en traversant ces villages abandonnés depuis mille ans. » Ville-devantChaumont Flabas Azannes Consenvoye Bois des Caures Gremilly Brabantsur-Meuse Cuisy 2 Forgessur-Meuse Regnévillesur-Meuse Béthincourt Samogneux 5 1 Malancourt Haucourt 5 Bezonvaux 7 « Nul n’ignorait vers quel point nous allions, et le nom même du Mort-Homme nous était un pressentiment. Nous approchions du repaire d’horreur. Nous allions à nouveau nous mettre sous le dé, nous placer à la table où se jouerait la vie de bon nombre d’entre nous. Le pressentiment travaillait nos esprits ; nous sentions bien qu’Haudromont n’avait été qu’une étape vers un cycle plus tragique. Le Mort-Homme s’ouvrait à nous, et nous y entrions, troublés par ce nom lugubre dont, depuis six jours, le tragique travaillait notre esprit. Nom de sinistre augure. Quel singulier présage que ce mot de MortHomme ! Le souvenir d’un cadavre d’un autre âge enveloppe aujourd’hui celui de milliers d’hommes qui, toujours, sans doute, demeureront inconnus. » Ferme d’Haudromont 7 6 Vacherauville 10 11 Chattancourt 12 9 Esnes-enArgonne Fort de Vacherauville Charnysur-Meuse Ferme de Thiaumont Bras-sur-Meuse CÔTE DE FROIDETERRE Fort de Douaumont 13 14 15 Fort de Vaux Fort de Marre Montzéville Fort de Bois Bourrus Fort de Souville 16 17 Fort de Tavannes Fort de Belleville Fort de Choisel Vigneville Arnold Zweig (1887-1968) in L’éducation héroïque devant Verdun (Erziehung vor Verdun) (1935) [Douaumont] 10 « Cet immense ossuaire avait sa beauté. A gauche de 304, ligne d’acier tranchante et triangulaire comme un couperet de guillotine, la lisière décharnée du bois d’Avocourt barricadait l’horizon hostile. Plus à gauche, entre les bois de Malancourt et de Cheppy, une trouée découvrait, en un lointain plombé, le nid de rapaces, le burg maléfique et bientôt légendaire, Montfaucon au nom sinistre, prédestiné. » Raymond Jubert (1889-1917) in Verdun (Mars-Avril-Mai 1916) (1918) [MortHomme] Ferme des Chambrettes CÔTE DU POIVRE Neuville 8 « Nous approchons des lignes. J'aperçois au loin les champs retournés, les durs labours de la souffrance et de la mort : tache brune dans la campagne. Voici 304, plus loin Mort-Homme, côte du Poivre, et Douaumont, et Vaux. Et, sur ces crêtes pelées, la longue théorie des fumées d'obus : colonnes ocres ou blanches, qui jaillissent du sol et s'en vont avec le vent; fantômes aux longues robes traînantes, à la marche paresseuse; lavandières, sans doute, qu'on ne rencontre qu'en signe de mort : leur lente procession n'a pas de fin; elle se perd dans les lointains brumeux. » 6 Ornes MORT-HOMME Bernard Lafont in Au ciel de Verdun : notes d’un aviateur (1918) [Cote 304] Raymond Escholier (1882-1971) in Le sel de la terre (1924) [Cote 304] 4 Ferme de Mormont Bois des Corbeaux « Maintenant nous atteignons les ruines d’Ornes. Nous sautons par-dessus de petits murets et passons à côté d’un haut mur percé de nombreuses fenêtres. On dit qu’une filature devait y être implantée auparavant. Le mur obscurcit la rue centrale du village. En fait, il n’y a déjà plus de rue, mais plutôt un large et débordant ruisseau, un océan de boue, une vaste étendue de cette tenace et claire argile que l’on trouve dans toute cette contrée. L’ancienne rue du village n’est plus qu’un rang de trous d’obus, de même que l’ancien lit de l’ Orne. Les deux, rue et ruisseau se sont rejoints en un unique marécage. » Avocourt secteur Verdun Argonne (Meuse) secteur de Fleury-Souville Douaumont 17 Marre La Vaux-Marie Fresnes-en-Woëvre 15-juin-15 15 Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) in Ecrits du temps de la guerre (1916-1919) (1965) [Douaumont] Esnes-en-Argonne PERGAUD PERSON PIGELET SOUQUIERE 4 Meuse Saint-Rémy 304e RI 166e RI Pierre Marie Jean Jules Sergent Sylvain Domatien Soldat 2e classe Théophile Marie Sylvain André Capitaine « Aujourd’hui, à Beaumont, la musique du 9th Infantry (2nd Div) a joué devant l’église et la mairie. Un assez intéressant sentiment de victoire et de légèreté est visible sur tous les visages. De même, la discipline se fait plus stricte – soin de l’équipement - car nous allions retourner dans l’armée du temps de paix. La ville fourmille de soldats (2nd Division) et d’officiers – quelques soldats français et très peu de civils. Les hommes étaient cantonnés partout dans la ville. Dans une maison, des journaux allemands et français et des livres étaient répandus quand nous sommes arrivés. A l’étage, un tas de déchets et des jouets d’enfant, etc. (Tout imprégné avec du gaz lacrymogène – Je me demandais ce qui me faisait éternuer ainsi.) Le toit était percé d’un trou d’obus. » « Aube à la fin de la nuit de mai. Derrière l’Hardaumont à gauche, elle monte vers le ciel, pâle, fatiguée, ennuyée, comme si elle n’avait plus de goût à cet éternel recommencement et comme si elle faisait tout simplement le devoir qui lui a été fixé une fois pour toutes par le Seigneur. L’Hardaumont gît comme un cercueil noir. Plus loin, au-delà, la ligne d’horizon descend peu à peu. Là se dresse un chaos noir, déchiqueté, informe. Le Bois de la Caillette. Rigide, sans vie, comme s’il était soutenu désespérément par des bras de morts. » Henry Bordeaux (1870-1963) in Les derniers jours du Fort de Vaux (1917) [Vaux] Paul Coelestin Ettighoffer (1896-1975) in Gespenster am Toten Mann (Les fantômes du Mort-Homme) (1931) [Ornes] Douaumont 24e BCP 51e RI 10 juin 1886 5 mai 1882 5 octobre 1890 8 13 Henry Bordeaux (1870-1963) in Histoirte d’une vie, volume V : Douleur et Gloire de Verdun (1959) [Tunnel de Tavannes] 3 Cote du Poivre Capitaine Soldat de 2e classe Georges André Gaston Eugène Robert Jules « Nous revenons de la côte du poivre, broyés par dix-sept jours de bombardement. On attendait cette heure avec avidité comptant bien se reposer en réserve. Mais nous n’avons fait que changer d’enclume et celle-ci est encore plus étourdissante et plus rouge. Là-bas le canon ne cesse de hacher des tas de pierre blanche et les derniers pans de mur volent en poussière : Fleury n’est plus. Un agent de liaison nous aborde, tout essoufflé, et annonce qu’un bataillon de première ligne est anéanti. Le nôtre doit immédiatement se porter en renfort. » Vaux-devant-Damloup 5 novembre 1889 4 mai 1882 14 août 1892 Jean François Lucien René Jules Charles François Jean Philomen Samson Eugène Emmanuel 3 Bois des Caures 116e RAL Lieutenant Adjudant Sergent Sergent MERCIE MONIER Riaville 29-oct-16 Henry Elie JUBERT 170e RI 168e RI 06-avr-15 5 décembre 1878 GOUNELLE GRANIER JOUBAIRE Soldat de 2e classe Eparges Saint-Mihiel 299e RI 147e RI Philippe Claude HEDEMAN IBELS 312e RI 156e RI 17-févr-15 20-sept-14 « Le volontaire se dressa dans son trou plein d’eau. Il écoutait la nature gémissante. Le bois frais, vigoureux, volait en éclat jusqu’à lui. Les cimes s’écroulaient. Un infirmier qui pansait des blessés fut broyé par des branches grosses comme des troncs humains, que l’explosion arrachait aux chênes. Le bois hurlait comme un géant blessé. Les bras enivrés de ciel étaient coupés nets, et abattus. […] De son poignard montait l’odeur du sang. Il frissonna. Trois visages sanglants le regardaient, fixement. Il se détourna de cette grappe hideuse, et regarda en avant dans la direction de Beaumont. L’objectif de leur attaque lui souriait à nouveau, comme un démon. » Werner Beumelburg (1899-1963) in Combattants allemands à Verdun (Die Gruppe Bosemüller) (1930) [Hardaumont et bois de la Caillette] Jacques d’Arnoux (1896-1980) in Paroles d’un revenant (1923) [Cote-du-Poivre Fleury] Amos Niven Wilder (1895-1993) in Armageddon Revisited. A World War I Journal (Armagedon revisité. Journal de la Première Guerre mondiale) (1994) [Beaumont-en-Verdunois] Malancourt Verdun Bois de la Caillette Bois des Caurières secteur Verdun GONNARD GUILLOT HATIER Aspirant Sous-Lieutenant 2 Gercourt 112e RI « Longue étape, molle, hésitante. Ce n’est pas à vrai dire une étape, mais la marche errante de gens qui ont perdu leur chemin. Haucourt, puis Malancourt, puis Béthincourt. La route est une rivière de boue. Chaque pas soulève une gerbe d’eau jaune. Petit à petit, la capote devient lourde. On a beau enfoncer le cou dans les épaules : la pluie arrive à s’insinuer et des gouttes froides coulent le long de la peau. Le sac plaque contre les reins. Je reste debout, à chaque halte, n’osant pas même soulever un bras, par crainte d’amorcer de nouvelles gouttières. » Fritz von Unruh (1885-1970) in Verdun (Opfergang) (1924) [Beaumont-en-Verdunois et Cote 344] Haute Chevauchée-Bois de Lachalade 14-juil-15 Sous-Lieutenant ROUSSELOT T 10-avr-15 24-juin-16 Pierre Louis Jean Baptiste Ernest Paul ROLMER S 1er mai 1889 er 1 Groupe d'Aviation 17 avril 1890 46e RI 10 juillet 1897 89e RI 30 mars 1880 DES RIEUX ROYE Conception et réalisation : 120e RI 11 avril 1883 PATIN – 09 77 76 07 56 – www.onac-vg.fr 04-mars-16 Vaux 30 novembre 1883 10-mars-16 Cote de Froideterre 3 juillet 1884 23-juin-16 Fleury 7 décembre 1869 05-sept-16 Tunnel de Tavannes 220e RI DUGUET DUPONT 1 22-mars-16 Dombasle-en-Argonne Sous-Lieutenant PAOLI R La tranchée de Calonne Marie Emile Gaston Maurice LANDES M 24e RIT LIEU DEROURE FLAMENT G Sous-Lieutenant Sergent Victor Pierre Marie Maurice DE LOMBARDON Guy Adolphe Louis Roger DE MARLIAVE Joseph Marie DE MOUGINS Paul ROQUEFORT E F Sous-Lieutenant Capitaine MORT Maurice Genevoix (1890-1980) in Sous Verdun (1916) [Haucourt-Malancourt-Béthincourt] Fort Saint-Michel Thiervillesur-Meuse Fort de Moulainville Fort du Chana Béthelainville « Sur la lisière sud de la forêt de Vauche, que longe la route conduisant à Douaumont, tout une chaîne de petits volcans tambourine et pétarade sans répit et au-dessus de Douaumont, sur la tête du frère Eberhard et de ses hommes, une grande vapeur rouge stagne lourdement. C’est le grondement persistant de la forge de Verdun. C’est là qu’on pilonne l’épine dorsale de l’armée, là que s’élèvent à l’horizon les fusées rouges et vertes, joli feu d’artifice parmi les cris désespérés de l’infanterie. » Verdun Fort de la Chaume Citadelle 18 19 Regret Charles de Gaulle (1890-1970) Lettre du 8 décembre 1918 au colonel Boud’hors [Douaumont] 11 « Voyant que l’ennemi accablait de grenades le coin où je me trouvais avec quelques hommes et que, d’un moment à l’autre, nous allions y être détruits sans pouvoir rien faire, je pris le parti d’aller rejoindre la section Averlant. Notre feu me paraissait avoir dégagé de boches un vieux boyau écroulé qui passait au sud de l’église. N’y voyant plus personne, je le suivis en rampant avec mon fourrier et deux ou trois soldats. Mais, à peine avais-je fait dix mètres que dans un fond de boyau perpendiculaire, je vis des boches accroupis pour éviter les balles qui passaient. Ils m’aperçurent aussitôt. L’un d’eux m’envoya un coup de baïonnette qui traversa de part en part mon portecartes et me blessa à la cuisse. Un autre tua mon fourrier à bout portant. Une grenade, qui m’éclata littéralement sous le nez quelques secondes après, acheva de m’étourdir. Je restai un moment sur le carreau. Puis, les boches, me voyant blessé, me firent retourner d’où je venais et où je les trouvais installés… En ce qui me concerne, le reste ne mérite plus aucune considération. » 16 Daniel Mornet in Tranchées de Verdun juillet 1916 – mai 1917 (1918) [Forêt de Hesse, Côte de Belleville] « Dans le secteur de Verdun, terre calcinée, ravagée, repérée, où les obus des canons lourds s'acharnent chaque nuit sur les routes et les pistes et menacent tous les abris jusqu'à dix et quinze kilomètres vers l'arrière, les chemins de relève sont longs, les boyaux interminables. On part à 18 heures, 20 heures, 21 heures pour ne quitter l'écran de la forêt de Hesse ou de la côte de Belleville qu'à la nuit tombée. Et l'on marche, à peu près sans arrêt, pendant cinq, huit, dix heures parfois. Cinq heures, huit heures ou dix heures de lutte contre la boue, les trébuchements et glissades, la fatigue et le harassement. » Henry Malherbe La flamme au poing (1917) [Champ de bataille de Verdun] 19 « Je revois, dans une évocation soudaine et brouillée, la violence sèche et serrée de tous nos actes, pendant la longue tourmente… Nous avons passé cinquante-sept jours au nord de V… alors que la bataille faisait rage. Et, à aucun moment de cette période, je n’ai entendu un de nos hommes fredonner un refrain, ni siffler une complainte. Ils riaient parfois dans le tumulte, échangeaient quelques réflexions gaies ou malicieuses. Ils ne chantaient pas. » © Photos : droits réservés Pierre Mac Orlan (1882-1970) in Verdun (1935) [Verdun] 1 « La gare de Verdun était un point de la ville particulièrement dangereux. Certains jours, le bombardement sur ce but dépassait les limites de la raison. Une grande partie de la fortune de l’Europe fut ensevelie à Verdun. A Verdun commença réellement la fin d’un monde et ceux qui vécurent là, en février 1916, purent constater que la guerre était la plus terrifiante de toutes les maladies de l’intelligence humaine. C’est pourquoi nous ne haïssions pas l’ennemi, tout en essayant de le détruire. » 8 Pierre Mac Orlan (1882-1970) in Verdun (1935) [Verdun] 2 « Et bientôt nous pénétrâmes dans le faubourg du Pavé, le faubourg du Pavé à peu près inanimé. Quelques soldats rôdaient dans les jardins. Des cuisines roulantes fumaient au milieu des décombres. Des officiers en bonnet de police, les pieds dans des chaussons, les culottes sans bandes molletières nous regardaient sur le seuil d’une usine pleine de dragées roses et blanches. » Arnold Zweig (1887-1968) in L’éducation héroïque devant Verdun (Erziehung vor Verdun) (1935) [Damvillers] Ernst Jünger (1895-1998) in Orages d’acier (In Stahlgewittern) (1920) [Regniéville] « Le village de Damvillers, modestement groupé le long de la ligne de son tortillard, le Meusien, n’était qu’un village entre cent, sans influence sur les destinées du pays. Mais cela aussi avait changé depuis qu’au lieu des paysans français en blouse bleue et sabots de bois, c’était des soldats allemands qui maintenant foulaient la chaussée et les planchers de leurs souliers ferrés et que MM. Les officiers y circulaient dans leurs bottines reluisantes. » «L’après-midi suivante, nous fûmes embarqués et transportés dans la région de Thiaucourt. De là, nous nous mîmes en route immédiatement pour notre nouvelle position ; elle s’étendait sur les hauteurs boisées des Côtes lorraines en face du village détruit de Regniéville que les communiqués avaient fait connaître. Le premier matin je visitai mon secteur ; il me parut bien étendu pour une compagnie et se composait d’un fouillis inextricable de tranchées en partie détruites. En beaucoup d’endroits, la première ligne elle-même avait été nivelée par les grosses mines à ailettes et à trois pieds très employées dans ces parages. Mon abri était à cent mètres en arrière, dans ce qu’on appelait la tranchée de soutien, près de la route qui venait de Regniéville. Pour la première fois depuis longtemps, nous avions en face de nous des Français. Les parois de la tranchée étaient en pierres calcaires, matière qui résistait beaucoup mieux aux intempéries que le terrain argileux habituel. Par endroits, la tranchée était même soigneusement maçonnée et le fond bétonné sur de longs parcours ; de cette façon, les pluies, même les plus violentes, pouvaient facilement s’écouler. La pierre, de teinte blanc-rosé, était remplie de fossiles. Toutes les fois que je passais dans les tranchées je rentrais dans mon abri, les poches pleines de coquillages, d’étoiles de mer et d’ammonites. » 15 Werner Beumelburg (1899-1963) in Combattants allemands à Verdun (Die Gruppe Bosemüller) (1930) [Romagne] 9 « Sur la place du marché de Romagne l’agitation est grande tous les matins. Les fourriers de toute la division sont là avec leurs voitures. Les pains s’étagent en collines. Les boîtes de conserve s’entrechoquent. Des balles de paille sont amoncelées les unes sur les autres. Les gens de l’Intendance ont en main de grandes listes. Ils discutent avec les sous-officiers d’approvisionnement au sujet du nombre des rations. On puise, dans des tonneaux énormes, de la marmelade et on la pèse. On s’interpelle entre connaissances. On se rencontre ici chaque matin. » 3 Louis Pergaud (1882-1915) Stèle implantée sur le lieu où l’auteur de La Guerre des Boutons, fut mortellement atteint, dans la nuit du 7 au 8 avril 1915 [Marchéville-en-Woëvre] 4 5 11 « Quelle étrange guerre que celle-ci ! Alors que le canon de Verdun gronde toujours sans répit et que se livrent làbas les plus sanglants combats de cette interminable lutte, nous sommes ici, dans la paix des champs, à quinze cents mètres de l'ennemi, une vie de petits bourgeois casaniers.» « Il commençait à faire sombre lorsque nous parvint l’ordre de continuer notre progression. Après avoir traversé un épais taillis que battaient les obus, nous arrivâmes dans une interminable tranchée que les Français avaient abandonnée pleine de bagages. A proximité du village des Eparges, il nous fallut tailler une position dans un terrain dur et rocailleux sans avoir personne devant nous. Finalement, je tombai dans un buisson et je m’endormis. Bien haut au-dessus de ma tête, j’aperçus souvent dans un demi-sommeil les traces étincelantes décrivaient dans l’air les fusées des obus de l’une ou l’autre artillerie. » 12 « Nous partons dans la campagne poudrée de frais, silencieuse sous son fard, par la route, où la neige, qui fond, se transforme en boue infecte. Nous arrivons à Chaumontsur-Aire. Le Corps entier déménage : c’est un spectacle formidable. Chaumont est un joli village, derrière lequel de verdoyantes prairies s’étendent, le long de l’Aire, jusqu’à des coteaux boisés. Au sommet, un rideau d’arbres, comme une touffe de cheveux. Nous nous installons dans une menuiserie où il y a des bancs, une table, des carreaux. C’est trop beau ! » 6 « Ravine entre Remenauville et Regnéville-en-Haye [...] Trois fois on est revenu devant ce village rouge d'incendie et qui se défendait comme une bête enragée. On a tourné dans ce bourbier, le sac sur les reins, treize heures. Et le matin, quand le jour s'est levé, j'ai vu ce qu'était un champ de bataille. » 26 27 14 2 32 33 34 3 4 34 « Commercy, 9 avril [...] Voilà le village au bon grenier, voilà des maisons. Quand on a vécu une semaine "au sein de la nature", n'ayant qu'un mur de pierre et un trou boueux pour asile, on sait ce que vaut une maison ; même ces pauvres masures bombardées dont les carcasses noircies se dessinent sur le ciel en contours fantastiques. Rumeur et cohue dans le village où tremblotent seulement quelques pâles lanternes. Ravitaillement, munitions, hennissements de chevaux exténués comme nous.» Georges Duhamel (1884-1966) in Vie des Martyrs 1914-1916 (1917) [Coteaux de Meuse] 5 22 20 11 12 10 21 13 29 14 « Ainsi qu’il arrive toujours, nous nous étions attachés à notre coin de misère et ce fut sans enthousiasme que, l’ordre venu, nous quittâmes la Tête-à-Vache pour le Bois-Brûlé. Si expressif que puisse être ce nom : le Bois-Brûlé, il n’est pas assez sinistre encore. C’est le Bois maudit qu’il faudrait dire ou le Bois d’enfer. » 35 « Le travail s’accélérait au cœur même du vacarme. Des tonnes d’eau avaient été lancées dans les couloirs, emportant la boue, le sang, tous les résidus des salles où l’on opérait. Les opérés étaient reportés dans des couchettes où l’on avait mis des draps blancs. Les fenêtres ouvertes laissaient entrer un air vif et pur, et l’on voyait la nuit tomber sur les coteaux de Meuse peuplés d’éclairs et de fracas. » Pierre Mac Orlan (1882-1970) in Verdun (1935) [Ligny-en-Barrois] 16 17 18 30 27 « 5 juin, église de Marbotte. Ils sont alignés au milieu de l'église, sur le pavé, entre les bancs. Il y en a huit, neuf, dix, onze... Je ne passerai pas. Leurs pieds me font peur. Ils sont morts de la tête au pied. Et l'on dirait aussi qu'elles sont mortes, ces capotes gluantes de sang. Enlevez-les. Le tabernacle est vide, le bénitier est à sec. La maison de Dieu n'est plus qu'un pourrissoir et une odeur affreuse s'accroche à ces vieux plâtres saturés d'encens. Enlevez-les, mais prenez-les doucement. N'entendez-vous pas que leurs os craquent et qu'il reste des sanglots dans leurs gorges ? » 29 « Le troisième jour de notre départ de Verdun, vers midi, nous entendîmes les clairons et les tambours qui répétaient derrière une grange une marche intitulée : A petits pas. Nous sûmes que notre division cantonnait quelque part aux alentours de Ligny-en-Barrois. C’était plaisant d’entendre cet air. Nous arrivâmes fourbus, auprès d’une fontaine où des soldats lavaient du linge. Personne ne prêta attention à notre présence. La ville rêvée était aussi morne que toutes les autres. Il fallait imaginer au bout de la route la présence fulgurante de Verdun pour trouver un intérêt quelconque à cette agitation de soldats transformés en femmes de ménages. » 36 30 John Allan Wyeth (1894-1981) in This Man’s Army (L’armée de cet Homme) (1928) [Fort de Landrecourt] 22 Louis Pergaud (1882-1915) in Carnet de guerre (1994) [Manheulles] John Dos Passos (1896-1970) in One man’s initiation : 1917 (L’initiation d’un homme : 1917) (1920) [Erize-la-Petite] « Il fait bon et chaud dans notre petite cave. J’ai bien dormi malgré la menace d’alerte – quelques obus sont tombés hors du village. Et ce brave Philippe vers le soir vient me trouver mystérieusement. Il m’a déniché un lit chez de braves gens, de bons vieux du nom de Laguerre qui m’accueillent fort gentiment. Braconnot a reçu un colis énorme et il nous offre de délicieuses madeleines et des oranges. L’après-midi Croux et l’adjudant partent en chasse vers Haudiomont. On joue aux cartes dans la petite cave et j’écris à Descaves, à Vallette, à Delphine et à Falco. » « A ceux qui étaient avec moi lorsque j’ai vu des fusées dans le ciel un certain soir au coucher du soleil sur la route de Erize-la-Petite à Erize-la-Grande […] Erize[-la-Petite] a pu être tout d’abord une petite ville sans attraits, mais à présent, avec la moitié des maisons qui ne sont que des coquilles pleines de gravats et de fumier noueux, et le sol partout piétiné en une sorte de brouet par le défilé ininterrompu des troupes et des camions, c’est incroyablement le symbole de l’intense ennui latent de la guerre… » 25 Max Barthel (1893-1975) in Verse aus den Argonnen (Vers d’Argonne) (1916) [Argonne] « Dans l’Argonne Dans l’Argonne se trouve plus d’une tombe, que les étoiles célestes illuminent. Dans l’Argonne coule du sang jeune, et à chaque fois c’était pourtant bien celui d’une jeune fille. Dans l’Argonne tonne la Mort de tôt le matin jusqu’au coucher du soleil. Dans l’Argonne dans la nuit profonde, certains se voient encore conduire au repos. Dans l’Argonne pleurent dans le vent les âmes mortes, qui ne sont plus. Dans l’Argonne – un terrible tourment ! brûlant est l’Amour glacé est l’acier. » « Le chemin bientôt se redresse vers le nord ; voici la lisière du bois et une déclivité ensoleillée qui doucement s’échancre devant nous. Nos regards suivent le creux qui se prolonge, entre deux versants relevés à droite et à gauche. Orientonsnous pour gagner du temps. Là-bas, encadrée dans le ciel par les deux hauteurs… Cloués sur place, nous avons levé la tête pour admirer cette aire qui nous domine en silence, si peu attendue et si proche soudain. Une butte mure l’horizon, et se dresse pour arrêter tout le soleil sur son flanc fauve ; à la crête, des ruines sommeillent, et, toutes menues, se découpent en ocre sur le bleu. C’est bien l’apparition de Vauquois, plus lointain que nous n’avions cru d’abord ; mais il a surgi si brusquement que je m’apprêtais à chercher sur la carte un village intermédiaire, laissé de côté sans le savoir dans notre interminable voyage, la nuit de la corvée. C’est la première surprise de la Butte. » Pierre Ladoué (1881-1973) in Ceux de Là-haut (1917) [Vauquois] « Où se sont-elles réfugiées, les hirondelles qui nichaient naguère sous les toits des villages détruits ? Au printemps de 1915, on en vit un beau soir arriver tout un essaim au-dessus de la colline où fut Vauquois. Longtemps elles voltigèrent, en poussant de petits cris ; longtemps elles tourbillonnèrent, étonnées, inquiètes, folles, dans le ciel rose et or, indifférent aux deuils de la terre. Des maisons ayant abrité leur gîte accoutumé, elles ne retrouvaient que des monceaux de poussière. De sinistres fumées s’élevaient du sol chaotique, à l’endroit où s’arrondissaient autrefois les arbres joyeux. L’air était battu et lacéré de bruits énormes. Des montres grondant rôdaient aux sommets du ciel. Les hirondelles tournoyaient toujours… Quand enfin elles eurent compris l’irrémédiable désastre, elles disparurent… Pour aller où ? … » 28 31 « Au bas des pentes, la pauvre verdure d’hiver est éraflée de maigres sillons gris qui se tortillent en rampant vers Boureuilles. Là-bas on voit encore un fourmillement blanchâtre : les petites maisons égrenées entre les branchages noirs des pommiers. Au-devant, il y a deux ou trois buissons qui serpentent, très secs, très rigides, très grêles, les réseaux de fil de fer barbelé. Et après ces ondulations de terrain écrasées largement à nos pieds, c’est la longue flaque de l’Aire qui s’étale dans les prairies plates ; elle luit pâlement sous les nappes de brume qui lui donnent une tristesse immense et douce. Plus loin encore, après de nouvelles pentes verdâtres, c’est la forêt dont les masses mouvantes, sombrées dans les brouillards et le silence, semblent impénétrables, et tâchent de soulever en houle tout l’horizon jusqu’au niveau de notre Butte solitaire. » André Pézard (1893-1984) in Nous autres à Vauquois : 1915-1916 (1974) [Vauquois] 15 24 Paul Cazin (1881-1963) in L’humaniste à la guerre ; hauts de Meuse (1920) [Marbotte] « FORT DE LANDRECOURT Au nord de Verdun Une crête d’automne, faite de gris-brun et de rouille et d’ardoise – et de basses rives vertes le long d’un ciel gris et humide. D’épais murs et bastions dans un fossé d’herbe. S’ENSEVELIR SOUS LES RUINES DU FORT PLUTOT QUE DE SE RENDRE – au dessus de la porte. Le claquement de mon cheval sur le pont-levis, et une jeune et timide sentinelle sourit et ne veut pas me laisser passer. « On ne visite pas ? » « Sans permission ? –alors, Je le regrette »-nous sourions et nous séparons. Verdun en dessous – où toutes ces ruines s’étendent. Et dans mon cœur un amour qui tue presque de la voir, entaillée et partisane – une masse de décombres s’écriant « Debout les morts » à toutes les âmes qui hantent ses tragiques collines. » André Pézard (1893-1984) in Nous autres à Vauquois : 1915-1916 (1974) [Boureuilles] 35 36 37 38 Raymond Jubert (1889-1917) in Verdun (Mars-Avril-Mai 1916) (1918) [Four-deParis] « Au Four-de-Paris, les mitrailleuses nous avaient éprouvés ; à la Harazée, nous avions subi les premiers gaz ; sur la route de Binarville et les clairières qui la bordent, nous subissions des pertes en attendant les ordres. Nous étions sans tranchées, à découvert, offerts sans défense à la vue de l’ennemi. Pelotonnés sur le sol, à défaut d’outils, nous le creusions avec nos mains ; nos ongles étaient en sang. » 1 19 20 « Mouilly. On voit d’autres routes qui descendent des bois et par lesquelles, lentement, cahin-caha, des blessés et des blessés encore s’en reviennent au village. Les postes de secours, dans les granges, accumulent les linges et les tampons d’ouate sanglante qui débordent sur la chaussée ; les portes ouvertes nous jettent des hurlements brusques, et l’odeur de l’iodoforme nous prend aux narines. » 28 31 26 13 Maurice Genevoix (1890-1980) in Sous Verdun (1916) [Mouilly] André Thérive (1891-1967) in Ecrevisse de rempart, la défaite de Verdun (1969) [Saint-Mihiel] 9 25 Henri-Alban Fournier (1886-1914) Monument en l’honneur de l’auteur du GrandMeaulnes implanté sur le lieu de son inhumation. [Saint-Rémy-la-Calonne] 33 Henry Bordeaux (1870-1963) in Histoire d’une vie volume V : Douleur et Gloire de Verdun (1959) [Bar-le-Duc] « Promenade dans le vieux Bar ; vu le collège de Gilles de Trèves, édifié au XVIe siècle et dont Montaigne disait que c’était une des merveilles de son siècle. Les deux petits cloîtres qui se font vis-à-vis sont charmants, et charmante aussi la décoration diverse des mansardes : les cloîtres, jolies colonnettes et festons Renaissance, sobres, mais c’est loin d’égaler les cloîtres gothiques. De la place en haut, vue sur Bar que gâtent des usines, et sur les collines régulières qui l’entourent. Entré dans la chapelle où est l’Ecorché de Ligier Richier, mais on l’a mis sous paille. La statue de Notre-Dame du Guet n’a pas été aussi protégée. » René Benjamin (1885-1948) in Les soldats de la Grande Guerre. Gaspard (1915) [Argonne] « On ne s'est pas battu depuis la Ligue dans ces herbages frais, dont le sol est riche et gras ; et Gaspard, amputé, pensa tout de suite que la vie en Normandie avec une jambe, était beaucoup plus douce qu'en Argonne avec deux. » Paul Cazin (1899-1963) in L’humaniste à la guerre ; hauts de Meuse (1915) [Commercy] Jacques Péricard (1876-1940) in Face à face (1916) [Bois Brûlé] 18 « On nous ramène à la hauteur de Rembercourt, sur la droite du village. Nous nous collons à un talus à pic, envahi d’herbes folles, à la bordure d’un verger. La canonnade emplit l’espace de vacarme. Les obus éclatent par centaines, criblant la plaine, défonçant la route où nous étions tout à l’heure, faisant jaillir les tuiles des toits et sauter les madriers des charpentes. Nous avons quelques rafales pour nous, de six marmites chacune, généreusement. Les dernières éclatent si près que notre commandant, resté assis contre le talus, m’a semblé poussé violemment, comme par un coup de poing dans le dos. Les arbres du verger ont oscillé d’une telle force qu’une grêle de prunes et de pommes est tombée sur nous. » 32 7 23 19 Paul Coelestin Ettighoffer (1896-1975) in Gespenster am Toten Mann (Fantômes au MortHomme) (1931) [Mangiennes] 7 Maurice Genevoix (1890-1980) in Sous Verdun (1916) [Rembercourt-aux-Pots] Louis Mairet (1894-1917) in Carnet d’un combattant (11 février 1915 – 16 avril 1917) (1919) [Chaumont-sur-Aire] 24 « Sans la rapidité de l’histoire, qui s’accélérait déjà, j’aurais poussé un dimanche jusqu’à Saint-Mihiel, ma petite patrie ancestrale. Malgré ses nombreux malheurs, ça a toujours été une petite ville gracieuse et riche en arts. […] Pendant la première guerre mondiale, occupée par les Allemands dont le front formait là une poche ou une hernie pour couper la vallée et la route de Bar-le-Duc, elle restait presque paisible : tout en écoutant au-dessus d’elle tonner et gronder les horribles combats des Eparges ou de la tranchée de Calonne. » « A quelques pas, l’église banale étale son flanc nu et son toit d’ardoises mouillées. Un cri, au-dessus de nous, perce l’air, un grincement aigre pareil à celui d’une girouette rouillée. Deux grandes ailes brunes glissent dans la blancheur du brouillard. Elles ont un seul battement, long et puissant comme un coup de rames : et l’oiseau disparaît, sans bruit, entre deux lames des abat-son. « C’est la chouette du clocher, dit un homme. All’ rentre comme ça dormir tous les matins. A’ s’ fout d’ la guerre… All’ a d’ la veine. »» Ernst Jünger (1895-1998) in Orages d’acier (In Stahlgewittern) (1920) [Les Eparges] « Ce village [Mangiennes], certainement joli et riche avant la guerre, plus propre et mieux construit que tous les villages de la région, est vide de tout civil. Presque toutes les maisons sont bien conservées et aménagées en cantonnement. Par exemple, dans une grange évacuée, pas moins de 300 lits superposés sont disposés en trois rangs. Deux régiments peuvent aisément séjourner dans le village en cas de besoin. La localité se trouve à 15 kilomètres, à vol d’oiseau, du fort de Douaumont. Qu’est-ce que sont 15 kilomètres pour un canon à longue portée ? » « A chaque séjour à Ville-sur-Cousance, à Jubécourt ou à Ippécourt, Bourru sentait que les camarades morts au début de la guerre appartenaient déjà à l’histoire. Une auréole glorieuse les éclairait. Et cependant il avait été mêlé à leurs rangs. Cela lui donnait l’impression bizarre d’être un vieillard qui se souvient d’avoir connu, dans sa jeunesse, des personnages illustres. » 8 Maurice Genevoix (1890-1980) in Nuits de guerre (1917) [Les Eparges] Arnold Zweig (1887-1968) in L’éducation héroïque devant Verdun (Erziehung vor Verdun) (1935) [Montmédy] 6 16 17 Paul Lintier (1893-1916) in Avec une batterie de 75 le tube 1233, souvenirs d’un chef de pièce (1915-1916) (1917) [Verdun] « C’est une après-midi de Saint-Sylvestre, morose et brève, qui pèse sur les rues de Montmédy. Sans joie, l’habitant cache ses préparatifs de fête, ses emplettes : dans les mess et les cantines, au contraire, on s’en donne à cœur joie : une fois encore, les sapins de l’Argonne s’allumeront, on servira à profusion un alcool largement baptisé ; on chantera des lieds sentimentaux ou des chansons de marche autour des tables. L’an de grâce 1916 – qui restera l’année héroïque dans les annales de la nation allemande – se terminera dignement.» « A Landrecourt, on se logea tant bien que mal. – Il n’y a pas beaucoup de place, dit le capitaine, mais nous n’avons qu’une nuit à rester ici. Demain soir, nous montons dans le secteur de Vaux. Quel tumulte, dans ce village ! Des fourgons, des camions chargés de matériel qui se croisent dans des tourbillons de poussière ; des autos qui reviennent des lignes et que conduisent de silencieux Anglais. Elles s’arrêtent quelquefois au milieu de la route, quand un encombrement se produit. Alors on s’approche pour regarder à l’intérieur en soulevant la toile, et l’on aperçoit des formes immobiles étendues dans les brancards. » 10 Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) in Ecrits du temps de la guerre (1916-1919) (1965) [Verdun] « A Verdun, dans la Citadelle, pendant ces journées de tohu-bohu inoubliable où, dans la poussière et les cris, se distribuent pêle-mêle les vivres, les fusées et les grenades à ceux qui vont monter pour le grand coup, - et puis, quelques heures plus tard, au cours de l’interminable marche de nuit, par-dessus Belleville et Froideterre, j’ai noté souvent sur moi ce décollement déchirant et victorieux que suivaient enfin la paix et l’exaltation dans le milieu surhumain où l’âme s’était de nouveau acclimatée. C’était l’Ame du Front qui renaissait en moi… » Jean des Vignes Rouges (1879-1970) in Bourru, soldat de Vauquois (1916) [Ville-surCousance] 23 Paul Cazin (1899-1963) in L’humaniste à la guerre; hauts de Meuse (1915) [Bois-le-Prêtre] Henry Bordeaux (1870-1963) in Histoire d’une vie volume V : Douleur et Gloire de Verdun (1959) [Verdun] « Si les remparts et la porte de Vauban ont résisté, la ville est très démolie. Depuis que je n’y étais venu, les Allemands, n’y pouvant entrer, se sont acharnés sur elle. Des rues entières, dont la rue Mazel qui est la principale, ne sont que dévastations, maisons écroulées, pans de murs faisant des dentelles de pierre. Dans un magasin de nouveautés à peu près respecté, les mannequins gisent écroulés, sauf un, celui d’une petite dame à jupe courte qui fait le salut militaire. La cathédrale domine encore ces cadavres de maisons, mais la balustrade de l’une des deux tours a été emportée. L’évêché, joli monument d’architecture du XVIIIe siècle, et le cloître gothique sont atteints et meurtris. » Georges Gaudy (1895-1987) in Les trous d’obus de Verdun (1922) [Landrecourt] 21 37 Pierre Ladoué (1881-1973) in Ceux de Là-haut (1917) [Vauquois] « Eglise de Vauquois, que j’aurais voulu connaître vivante et qui m’apparaît plus précieuse et prestigieuse, après ton récent anéantissement, que le souvenir des Babylone ou des Carthage antiques, te rebâtira-t-on jamais sur ce sommet dévasté, usé, abaissé, au dire des savants de plusieurs mètres. Nul ne peut l’affirmer encore. » 38 Jean des Vignes Rouges (1879-1970) in Bourru, soldat de Vauquois (1916) [Vauquois] « Parfois, un régiment s’en va un peu à l’arrière de la forêt, dans un cantonnement de repos ; mais les soldats ont un tel besoin de voir Vauquois, qu’ils montent sur les sommets pour contempler de loin la colline tragique… ils en parlent et la désirent comme une terre promise. » © Photos : droits réservés