DÉPLIANT ARTISTES COMBATTANTS

Transcription

DÉPLIANT ARTISTES COMBATTANTS
Ecrivains français morts pour la France sur les Champs de Bataille de Meuse*
A
B
C
Circuit des écrivains combattants
1914-1918
D
NOM
PRÉNOM
GRADE
UNITÉ
NAISSANCE
AJALBERT
ALLARD-MEEUS
Charles
Jean Paul Edmond Léon
Soldat de 2e classe
Sous-Lieutenant
113e RI
162e RI
Clermont-en-Argonne
Pierrepont
AUBARBIER
Pierre Jean Georges
Soldat de 2e classe
54e RI
22 mars 1896
28-nov-14
23 novembre 1891 22-août-14
12 septembre 1893 26-déc-14
BALLOT
Charles
BERNARDIN
BERTRAND
Charles Léon
Henri
Lieutenant
Capitaine
152e RI
67e RI
11 novembre 1886 06-déc-17
26 avril 1878
07-sept-14
Bevaux-Beaulieu
Bar-le-Duc
Médecin Aide-Major
111e RI
3 mars 1882
Lieutenant
Sergent
170e RI
132e RI
239e RI
8 février 1883
BOURCE
Marcel Marie
BOYER
Léon Antoine
BRUNNARIUS
Marcel Gustave
CASSAGNE
Jean Albert
CHAMBON
CHAPMAN
Maurice Paul
CORRARD
COZIC
Sergent
Amédée Marie
Lieutenant
DALLERE
Maurice Edmond
Louis Eugène
Sous-Lieutenant
DE FOVILLE
Jean Achille Lucien
DE FREVILLE
Ernest Louis Marie Robert
Meuse
Le temps de l’Histoire
Circuit des écrivains combattants
1914-1918
H
I
J
K
L
L’écrivain est celui qui produit les œuvres de l’esprit. Rien
ne prédisposait l’écrivain à la confrontation avec la brutalité,
le sacrifice et la mort.
Cette confrontation a fait des écrivains soldats des témoins
exceptionnels, dont les œuvres entretiennent encore
aujourd’hui le culte du souvenir et la marque de l’Histoire.
Remerciements :
– Mémorial de Verdun
– Association des Ecrivains Combattants
– Association Teilhard de Chardin.
Contact :
– 03 29 83 77 68 / 03 29 45 77 29
– www.verdun-meuse.fr
O
P
– Mission mémoire Interdépartementale de
– l'ONAC de Lorraine
– et Mission Histoire du Conseil général de la Meuse.
V
W
Est de Pintheville
Nord de Douaumont
21-nov-14
Bolante
39e RI
13 novembre 1889 07-oct-16
Fleury
Caporal
301e RI
26 février 1877
Bois Coquelin près cote 304
Lieutenant
303e RI
19 décembre 1882
Sergent
Capitaine
3e RI
214e RI
1er sept. 14
23-sept-14
24 janvier 1883
16 novembre 1873 24-août-14
?
?
1863
1er mars 15
Vauquois
07-sept-14
Souilly
25-avr-15
Malancourt
Senon
20 novembre 1870 27-févr-15
DESCLERS
DESTREM
Sous-Lieutenant
Caporal
106e RI
258e RI
17 juillet 1882
DEVRED
Maurice Paul
Hugues Jean Gracchus
René Alfred Antoine
Sapeur de 2e classe
3e RG
12 mai 1875
13 janvier 1887
DIRAISON
Eugène Jules Olivier
Sous-Lieutenant
106e BCP
31 juillet 1873
DRIANT
Emile Augustin Cyprien
Lieutenant-Colonel
56e et 59e BCP
11 septembre 1855 22-févr-16
DROUET
Sylvain Domatien
Théophile (Marcel)
Edouard Jean
Emile Marie André
Sergent
165e RI
19 août 1888
Capitaine
Soldat de 2e classe
Aspirant
339e RI
4 septembre 1886
9e RZM (Zouaves de Marche) 31 août 1884
5e RI
5 décembre 1892
22-juin-16 Rieux-Avocourt
05-mars-16 Bevaux
06-déc-16 Hôpital central de Bar-le-Duc
Sous-Lieutenant
255e RI
28 août 1887
12-sept-14
Heippes
Capitaine
413e RI
288e RI
240e RI
01-août-14
26-sept-14
Bois Fumin
Lieutenant
Adjudant
3 juin 1878
3 octobre 1886
ENG
FLACHAIRE
FOURNIER
GABOURDES
Roger Léon Eugène
Louis Charles
Clément Henri
Jean Charles Pierre
Alain Alban
Alfred Marius François
GALLIAN
GENET
GEORGIN
Emmanuel Auguste
GEVIN
Elie
Henri Emile
Marie Alphonse Anatole
KELLER
LANCON
LERMERCIER
LEVY
MARCELLIN
MARCHAL
MARIE
MASPERO
17-juin-16
Cote 321 Lisière sud du bois Nervé
Consenvoye
04-janv-15
15 novembre 1885 25-août-14
1er novembre 1867 23-mai-15
31 mars 1889
04-sept-16
25 octobre 1891
1er mai 16
6 janvier 1884
08-sept-17
Tranchée de Calonne
Boinville-en-Woëvre
Secteur Rupt-devant-Saint-Mihiel
27 juillet 1894
20-juin-15
Bois-Haut
3 septembre 1888
17-août-17
Bois Bourris
Sergent
Sous-Lieutenant
171e RI
122e RI
17 avril 1882
20 mai 1890
21-mai-15
20-août-17
Bois d'Ailly
Mort-Homme
Sous-Lieutenant
321e RI
411e RI
08-juin-16
19-août-17
Vaux-devant-Damloup
Robert André
Sous-Lieutenant
Alfred Marie Théophile Sous-Lieutenant
Raymons Armand Alexis Sous-Lieutenant
22 octobre 1869
11 février 1895
21 janvier 1895
02-juin-16
26-août-17
Albert Paul Louis
Léon Marie Jean Baptiste
Jean Marie Alexandre Julien
Jules
Caporal
Sous-Lieutenant
124e RI
151e RI
Caporal
322e RI
Sergent
Sous-Lieutenant
Soldat de 2e classe
106e RI
203e RI
67e RI
Sous-Lieutenant
132e RI
164e RI
31e RI
411e RI
296e RI
1er RTM
19 novembre 1886 12-mai-16
14 avril 1882
06-mai-16
Fleury-devant-Douaumont
Caporal
261e RI
54e RI
5 septembre 1879
21 octobre 1889
04-juil-16
26-avr-15
Baleycourt
Calonne (Bois-Haut)
Soldat de 2e classe
128e RI
10 septembre 1884 17-juil-15
Eparges
Lieutenant
Marcel Marie François Soldat de 2e classe
Maurice Philippe James Soldat de 2e classe
301e RI
13 novembre 1883 15-avr-15
16-nov-14
3 décembre 1891
Eparges
Lucien Emile
Jacques Jean Gaston
MAUREL
Maurice Joseph Gabriel
Soldat 1re classe
MEJAN
Alfred Paul Jacques Marie Soldat 2e classe
Philippe Georges
Raoul Antoine Rémy
OLIVIER
Clément Florent
OUDARTDEROUSSEL Jean Marie Joseph
DEPREVILLE
PACCARD
Alexis Jean
Sous-Lieutenant
Soldat de 2e classe
(Régiment de Tirailleurs Marocains)
312e RI
29-oct-14
12-avr-15
Bois des Forges
Marchéville
22 juillet 1886
06-août-16
Cote 321
7 novembre 1886
06-avr-15
28-avr-15
22-sept-14
Eparges
12 juin 1883
1er-sept-14
31-mai-15
Septsarges
Béthincourt
20 décembre 1885
17-févr-15
Vauquois
30 janvier 1895
12-août-16
Cote 304
23 août 1883
07-sept-14
22 janvier 1882
08-avr-15
29-oct-17
Malancourt
Emile Louis
Sous-Lieutenant
Paul Daniel
Marie Théophile Jacques
Sergent
Sous-Lieutenant
225e RI
131e RI
24 février 1886
19 janvier 1885
RETAUD
Raphaël
Lucien
Soldat
206e RI
30 juillet 1879
29-août-16
?
?
1880
28-févr-16
Douaumont
301e RI
29 décembre 1879
25-avr-15
Tranchée de Calonne
34e RI
25 septembre 1891 24-mai-16
107e RAL
9 mai 1885
08-oct-17
37e RA
08-mai-16
347e RI
8 février 1894
9 juin 1877
Douaumont
Fort de Souville
Marius Joseph Victorien Soldat de 2e classe
128e RI
14 mars 1882
08-juin-16
24-juin-15
Tranchée de Calonne
TROUVE
VALAT
Noël Paul Jean Baptiste Caporal
Pierre Jean Georges
Adjudant
54e RI
12 décembre 1886
VERAN
Ernest Mathieu
Capitaine
VOLLET
WEIL
Gaston Alphonse
Sous-Lieutenant
Charles Georges Napoléon Lieutenant
SUCHET
THOREL
TOURON
René Marie Gabriel
René Marie Eugène
Maréchal-des-Logis
Capitaine
Raymond Escholier (1882-1971)
in Le sel de la terre (1924) [Avocourt]
« Plus près, au creux d’un ravin, un squelette de village
étalait ses moellons épars comme des ossements, - Avocourt
où ne subsistait que la détresse d’un grand crucifix de fer. »
14
9
12
Douaumont
13e RI
1er-sept-14
12 septembre 1882 12-nov-14
Dannevoux
Marbotte
259e RI
8 février 1864
1er-sept-14
Consenvoye
24e RIT
2 novembre 1887
16-déc-16
Vaux-devant-Damloup
31e RI
11 avril 1881
07-oct-14
Claon
* Liste non exhaustive tirée du Panthéon
« La descente sur le tunnel [de Tavannes] ressemble à un
sentier des Alpes : la pente est forte, et mieux vaut se hâter,
car les Allemands ont repéré cette entrée et l’arrosent sans
relâche. Un cadavre est là qu’il faut enjamber, le premier
de la nuit. Plus bas, devant le poste de commandement,
un autre qui paraît dormir sous son casque. Une main
pieuse a recouvert ainsi le visage écrabouillé. Dans le tunnel un ou deux régiments sont rassemblés. C’est un abri
sûr, une fois qu’on y est : 50 mètres de terre par-dessus. »
Pierre Drieu La Rochelle (1893-1945)
in La comédie de Charleroi (1934) [Verdun]
« A demi couché sur le parapet, je vois se lever la plus
radieuse aurore de printemps. Elle réveille les plaines de
la Woëvre dont elle illumine les ruisseaux et les mares.
Voici le village de Vaux à gauche, et celui de Damloup à
droite. Plus loin, cet important agglomérat de maisons
détruites, n’est-ce pas Etain ? Leurs ruines blanches, au
soleil levant, dessinent une dentelle de pierre, évoquent des
cités d’Orient. Et voici les pentes sombres d’Hardaumont.
Douaumont nous domine, Douaumont que l’ombre garde
encore comme un mauvais génie. »
18
Georges Gaudy (1895-1987)
in Les trous d’obus de Verdun (1922) [Fort de Vaux]
Sur cette crête, à droite, je vis une masse de pierres où des
pans de maçonnerie à demi enterrés se montraient encore.
Une couronne de fumée voilait l’ensemble. Et je tressaillis
soudain. C’était un fort, et ce ne pouvait être que le fort
de Vaux. Et d’entendre résonner ce nom dans mon esprit,
de voir devant mes yeux ce fort immortellement célèbre,
une émotion me saisit. Je n’en pouvais détacher mon regard. Une petite lumière paraissait et disparaissait à intervalles d’inégale durée. Je la voyais à travers la fumée
comme une âme parmi des choses mortes. »
« J’affirme pour moi, que, sans la guerre, il est un monde
de sentiments que je n’aurais jamais connus ni soupçonnés. Personne, hormis ceux qui y auront été, ne saura le
souvenir chargé d’émerveillement qu’un homme peut
garder de la plaine d’Ypres en avril 1915, quand l’air
des Flandres sentait le chlore et que les obus coupaient les
peupliers, le long de l’Yperlé, - ou bien des côtes calcinées
de Souville, en juillet 1916, quand elle fleuraient la
mort. – Ces heures plus qu’humaines imprègnent la vie
d’un parfum tenace, définitif, d’exaltation et d’initiation,
comme si on les avait passées dans l’absolu. Tous les
enchantements de l’Orient, toute la chaleur spirituelle de
Paris ne valent pas, dans le passé, la boue de Douaumont.»
Montfaucon
« Cette marche de nuit vers Verdun, c’est un souvenir bien
marqué dans ma cervelle. Nous traversions une contrée de
ruines blanches. Le désert se peuplait çà et là d’informes
phantasmes de pierres battues par une pleine lune
haineuse, dont les coups se multipliaient dans la réverbération de la neige. Et ces ruines marquaient pour nous
les stations d’un chemin de croix ; car, sur le verglas de la
route, les clous de nos godasses ne mordaient pas toujours.
De moment en moment, un homme s’écroulait, meurtri
par le poids de son harnais.
Nous marchâmes six heures de suite, dévorés par le froid,
rongés par la solitude. Nous étions des milliers d’hommes
qui cheminions et chacun de nous se sentait seul comme
un petit enfant, au milieu de cette campagne aux jachères
glaciales, en traversant ces villages abandonnés depuis
mille ans. »
Ville-devantChaumont
Flabas
Azannes
Consenvoye
Bois des Caures
Gremilly
Brabantsur-Meuse
Cuisy
2
Forgessur-Meuse
Regnévillesur-Meuse
Béthincourt
Samogneux
5
1
Malancourt
Haucourt
5
Bezonvaux
7
« Nul n’ignorait vers quel point nous allions, et le nom
même du Mort-Homme nous était un pressentiment.
Nous approchions du repaire d’horreur. Nous allions à
nouveau nous mettre sous le dé, nous placer à la table où
se jouerait la vie de bon nombre d’entre nous. Le pressentiment travaillait nos esprits ; nous sentions bien qu’Haudromont n’avait été qu’une étape vers un cycle plus
tragique. Le Mort-Homme s’ouvrait à nous, et nous y entrions, troublés par ce nom lugubre dont, depuis six jours,
le tragique travaillait notre esprit. Nom de sinistre
augure. Quel singulier présage que ce mot de MortHomme ! Le souvenir d’un cadavre d’un autre âge
enveloppe aujourd’hui celui de milliers d’hommes qui,
toujours, sans doute, demeureront inconnus. »
Ferme
d’Haudromont
7
6
Vacherauville
10 11
Chattancourt
12
9
Esnes-enArgonne
Fort de Vacherauville
Charnysur-Meuse
Ferme de
Thiaumont
Bras-sur-Meuse
CÔTE DE
FROIDETERRE
Fort de Douaumont
13
14
15 Fort de Vaux
Fort de Marre
Montzéville
Fort de Bois Bourrus
Fort de Souville
16
17
Fort de Tavannes
Fort de Belleville
Fort de
Choisel
Vigneville
Arnold Zweig (1887-1968)
in L’éducation héroïque devant Verdun (Erziehung
vor Verdun) (1935) [Douaumont]
10
« Cet immense ossuaire avait sa beauté. A gauche de 304,
ligne d’acier tranchante et triangulaire comme un
couperet de guillotine, la lisière décharnée du bois
d’Avocourt barricadait l’horizon hostile. Plus à gauche,
entre les bois de Malancourt et de Cheppy, une trouée
découvrait, en un lointain plombé, le nid de rapaces, le
burg maléfique et bientôt légendaire, Montfaucon au
nom sinistre, prédestiné. »
Raymond Jubert (1889-1917)
in Verdun (Mars-Avril-Mai 1916) (1918) [MortHomme]
Ferme des
Chambrettes
CÔTE DU POIVRE
Neuville
8
« Nous approchons des lignes. J'aperçois au loin les
champs retournés, les durs labours de la souffrance et de
la mort : tache brune dans la campagne. Voici 304, plus
loin Mort-Homme, côte du Poivre, et Douaumont, et
Vaux. Et, sur ces crêtes pelées, la longue théorie des fumées
d'obus : colonnes ocres ou blanches, qui jaillissent du sol
et s'en vont avec le vent; fantômes aux longues robes traînantes, à la marche paresseuse; lavandières, sans doute,
qu'on ne rencontre qu'en signe de mort : leur lente procession n'a pas de fin; elle se perd dans les lointains
brumeux. »
6
Ornes
MORT-HOMME
Bernard Lafont
in Au ciel de Verdun : notes d’un aviateur (1918)
[Cote 304]
Raymond Escholier (1882-1971)
in Le sel de la terre (1924) [Cote 304]
4
Ferme
de Mormont
Bois des Corbeaux
« Maintenant nous atteignons les ruines d’Ornes. Nous
sautons par-dessus de petits murets et passons à côté d’un
haut mur percé de nombreuses fenêtres. On dit qu’une
filature devait y être implantée auparavant. Le mur
obscurcit la rue centrale du village. En fait, il n’y a déjà
plus de rue, mais plutôt un large et débordant ruisseau,
un océan de boue, une vaste étendue de cette tenace et
claire argile que l’on trouve dans toute cette contrée. L’ancienne rue du village n’est plus qu’un rang de trous d’obus,
de même que l’ancien lit de l’ Orne. Les deux, rue et
ruisseau se sont rejoints en un unique marécage. »
Avocourt
secteur Verdun
Argonne (Meuse)
secteur de Fleury-Souville
Douaumont
17
Marre
La Vaux-Marie
Fresnes-en-Woëvre
15-juin-15
15
Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955)
in Ecrits du temps de la guerre (1916-1919) (1965)
[Douaumont]
Esnes-en-Argonne
PERGAUD
PERSON
PIGELET
SOUQUIERE
4
Meuse
Saint-Rémy
304e RI
166e RI
Pierre Marie Jean Jules Sergent
Sylvain Domatien
Soldat 2e classe
Théophile
Marie Sylvain André
Capitaine
« Aujourd’hui, à Beaumont, la musique du 9th Infantry
(2nd Div) a joué devant l’église et la mairie. Un assez
intéressant sentiment de victoire et de légèreté est visible
sur tous les visages. De même, la discipline se fait plus
stricte – soin de l’équipement - car nous allions retourner
dans l’armée du temps de paix. La ville fourmille de
soldats (2nd Division) et d’officiers – quelques soldats
français et très peu de civils. Les hommes étaient cantonnés partout dans la ville. Dans une maison, des journaux
allemands et français et des livres étaient répandus quand
nous sommes arrivés.
A l’étage, un tas de déchets et des jouets d’enfant, etc.
(Tout imprégné avec du gaz lacrymogène – Je me
demandais ce qui me faisait éternuer ainsi.) Le toit était
percé d’un trou d’obus. »
« Aube à la fin de la nuit de mai.
Derrière l’Hardaumont à gauche, elle monte vers le ciel,
pâle, fatiguée, ennuyée, comme si elle n’avait plus de goût
à cet éternel recommencement et comme si elle faisait tout
simplement le devoir qui lui a été fixé une fois pour toutes
par le Seigneur. L’Hardaumont gît comme un cercueil
noir. Plus loin, au-delà, la ligne d’horizon descend peu à
peu. Là se dresse un chaos noir, déchiqueté, informe. Le
Bois de la Caillette. Rigide, sans vie, comme s’il était
soutenu désespérément par des bras de morts. »
Henry Bordeaux (1870-1963)
in Les derniers jours du Fort de Vaux (1917) [Vaux]
Paul Coelestin Ettighoffer (1896-1975)
in Gespenster am Toten Mann (Les fantômes du
Mort-Homme) (1931) [Ornes]
Douaumont
24e BCP
51e RI
10 juin 1886
5 mai 1882
5 octobre 1890
8
13
Henry Bordeaux (1870-1963)
in Histoirte d’une vie, volume V : Douleur et Gloire
de Verdun (1959) [Tunnel de Tavannes]
3
Cote du Poivre
Capitaine
Soldat de 2e classe
Georges André
Gaston Eugène
Robert Jules
« Nous revenons de la côte du poivre, broyés par dix-sept
jours de bombardement. On attendait cette heure avec
avidité comptant bien se reposer en réserve. Mais nous
n’avons fait que changer d’enclume et celle-ci est encore
plus étourdissante et plus rouge.
Là-bas le canon ne cesse de hacher des tas de pierre
blanche et les derniers pans de mur volent en poussière :
Fleury n’est plus. Un agent de liaison nous aborde, tout
essoufflé, et annonce qu’un bataillon de première ligne est
anéanti. Le nôtre doit immédiatement se porter en
renfort. »
Vaux-devant-Damloup
5 novembre 1889
4 mai 1882
14 août 1892
Jean François Lucien
René Jules Charles
François Jean
Philomen Samson
Eugène Emmanuel
3
Bois des Caures
116e RAL
Lieutenant
Adjudant
Sergent
Sergent
MERCIE
MONIER
Riaville
29-oct-16
Henry Elie
JUBERT
170e RI
168e RI
06-avr-15
5 décembre 1878
GOUNELLE
GRANIER
JOUBAIRE
Soldat de 2e classe
Eparges
Saint-Mihiel
299e RI
147e RI
Philippe Claude
HEDEMAN
IBELS
312e RI
156e RI
17-févr-15
20-sept-14
« Le volontaire se dressa dans son trou plein d’eau. Il
écoutait la nature gémissante. Le bois frais, vigoureux,
volait en éclat jusqu’à lui. Les cimes s’écroulaient. Un
infirmier qui pansait des blessés fut broyé par des branches
grosses comme des troncs humains, que l’explosion
arrachait aux chênes. Le bois hurlait comme un géant
blessé. Les bras enivrés de ciel étaient coupés nets, et
abattus. […] De son poignard montait l’odeur du sang.
Il frissonna. Trois visages sanglants le regardaient,
fixement. Il se détourna de cette grappe hideuse, et regarda
en avant dans la direction de Beaumont. L’objectif de leur
attaque lui souriait à nouveau, comme un démon. »
Werner Beumelburg (1899-1963)
in Combattants allemands à Verdun (Die Gruppe
Bosemüller) (1930)
[Hardaumont et bois de la Caillette]
Jacques d’Arnoux (1896-1980)
in Paroles d’un revenant (1923) [Cote-du-Poivre Fleury]
Amos Niven Wilder (1895-1993)
in Armageddon Revisited. A World War I Journal
(Armagedon revisité. Journal de la Première Guerre
mondiale) (1994) [Beaumont-en-Verdunois]
Malancourt
Verdun
Bois de la Caillette
Bois des Caurières
secteur Verdun
GONNARD
GUILLOT
HATIER
Aspirant
Sous-Lieutenant
2
Gercourt
112e RI
« Longue étape, molle, hésitante. Ce n’est pas à vrai dire
une étape, mais la marche errante de gens qui ont perdu
leur chemin. Haucourt, puis Malancourt, puis Béthincourt. La route est une rivière de boue. Chaque pas
soulève une gerbe d’eau jaune. Petit à petit, la capote
devient lourde. On a beau enfoncer le cou dans les épaules
: la pluie arrive à s’insinuer et des gouttes froides coulent
le long de la peau. Le sac plaque contre les reins. Je reste
debout, à chaque halte, n’osant pas même soulever un
bras, par crainte d’amorcer de nouvelles gouttières. »
Fritz von Unruh (1885-1970)
in Verdun (Opfergang) (1924)
[Beaumont-en-Verdunois et Cote 344]
Haute Chevauchée-Bois de Lachalade
14-juil-15
Sous-Lieutenant
ROUSSELOT
T
10-avr-15
24-juin-16
Pierre Louis Jean
Baptiste Ernest Paul
ROLMER
S
1er mai 1889
er
1 Groupe d'Aviation 17 avril 1890
46e RI
10 juillet 1897
89e RI
30 mars 1880
DES RIEUX
ROYE
Conception et réalisation :
120e RI
11 avril 1883
PATIN
– 09 77 76 07 56
– www.onac-vg.fr
04-mars-16 Vaux
30 novembre 1883 10-mars-16 Cote de Froideterre
3 juillet 1884
23-juin-16 Fleury
7 décembre 1869
05-sept-16 Tunnel de Tavannes
220e RI
DUGUET
DUPONT
1
22-mars-16 Dombasle-en-Argonne
Sous-Lieutenant
PAOLI
R
La tranchée de Calonne
Marie Emile
Gaston Maurice
LANDES
M
24e RIT
LIEU
DEROURE
FLAMENT
G
Sous-Lieutenant
Sergent
Victor
Pierre Marie Maurice
DE LOMBARDON Guy Adolphe Louis Roger
DE MARLIAVE
Joseph Marie
DE MOUGINS
Paul
ROQUEFORT
E
F
Sous-Lieutenant
Capitaine
MORT
Maurice Genevoix (1890-1980)
in Sous Verdun (1916)
[Haucourt-Malancourt-Béthincourt]
Fort Saint-Michel
Thiervillesur-Meuse
Fort de Moulainville
Fort du
Chana
Béthelainville
« Sur la lisière sud de la forêt de Vauche, que longe la
route conduisant à Douaumont, tout une chaîne de petits
volcans tambourine et pétarade sans répit et au-dessus de
Douaumont, sur la tête du frère Eberhard et de ses
hommes, une grande vapeur rouge stagne lourdement.
C’est le grondement persistant de la forge de Verdun. C’est
là qu’on pilonne l’épine dorsale de l’armée, là que s’élèvent
à l’horizon les fusées rouges et vertes, joli feu d’artifice
parmi les cris désespérés de l’infanterie. »
Verdun
Fort de la Chaume
Citadelle
18
19
Regret
Charles de Gaulle (1890-1970)
Lettre du 8 décembre 1918 au colonel Boud’hors
[Douaumont]
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« Voyant que l’ennemi accablait de grenades le coin où je
me trouvais avec quelques hommes et que, d’un moment
à l’autre, nous allions y être détruits sans pouvoir rien
faire, je pris le parti d’aller rejoindre la section Averlant.
Notre feu me paraissait avoir dégagé de boches un vieux
boyau écroulé qui passait au sud de l’église. N’y voyant
plus personne, je le suivis en rampant avec mon fourrier
et deux ou trois soldats. Mais, à peine avais-je fait dix
mètres que dans un fond de boyau perpendiculaire, je vis
des boches accroupis pour éviter les balles qui passaient.
Ils m’aperçurent aussitôt. L’un d’eux m’envoya un coup
de baïonnette qui traversa de part en part mon portecartes et me blessa à la cuisse. Un autre tua mon fourrier
à bout portant. Une grenade, qui m’éclata littéralement
sous le nez quelques secondes après, acheva de m’étourdir.
Je restai un moment sur le carreau. Puis, les boches, me
voyant blessé, me firent retourner d’où je venais et où je
les trouvais installés… En ce qui me concerne, le reste ne
mérite plus aucune considération. »
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Daniel Mornet
in Tranchées de Verdun juillet 1916 – mai 1917
(1918) [Forêt de Hesse, Côte de Belleville]
« Dans le secteur de Verdun, terre calcinée, ravagée,
repérée, où les obus des canons lourds s'acharnent chaque
nuit sur les routes et les pistes et menacent tous les abris
jusqu'à dix et quinze kilomètres vers l'arrière, les chemins
de relève sont longs, les boyaux interminables. On part à
18 heures, 20 heures, 21 heures pour ne quitter l'écran
de la forêt de Hesse ou de la côte de Belleville qu'à la nuit
tombée. Et l'on marche, à peu près sans arrêt, pendant
cinq, huit, dix heures parfois. Cinq heures, huit heures
ou dix heures de lutte contre la boue, les trébuchements
et glissades, la fatigue et le harassement. »
Henry Malherbe
La flamme au poing (1917) [Champ de bataille
de Verdun]
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« Je revois, dans une évocation soudaine et brouillée, la
violence sèche et serrée de tous nos actes, pendant la longue
tourmente… Nous avons passé cinquante-sept jours au
nord de V… alors que la bataille faisait rage. Et, à aucun
moment de cette période, je n’ai entendu un de nos
hommes fredonner un refrain, ni siffler une complainte.
Ils riaient parfois dans le tumulte, échangeaient quelques
réflexions gaies ou malicieuses. Ils ne chantaient pas. »
© Photos : droits réservés
Pierre Mac Orlan (1882-1970)
in Verdun (1935) [Verdun]
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« La gare de Verdun était un point de la ville particulièrement dangereux. Certains jours, le bombardement sur ce
but dépassait les limites de la raison. Une grande partie
de la fortune de l’Europe fut ensevelie à Verdun. A Verdun
commença réellement la fin d’un monde et ceux qui
vécurent là, en février 1916, purent constater que la
guerre était la plus terrifiante de toutes les maladies de
l’intelligence humaine. C’est pourquoi nous ne haïssions
pas l’ennemi, tout en essayant de le détruire. »
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Pierre Mac Orlan (1882-1970)
in Verdun (1935) [Verdun]
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« Et bientôt nous pénétrâmes dans le faubourg du Pavé,
le faubourg du Pavé à peu près inanimé. Quelques soldats
rôdaient dans les jardins. Des cuisines roulantes fumaient
au milieu des décombres. Des officiers en bonnet de police,
les pieds dans des chaussons, les culottes sans bandes
molletières nous regardaient sur le seuil d’une usine pleine
de dragées roses et blanches. »
Arnold Zweig (1887-1968)
in L’éducation héroïque devant Verdun (Erziehung
vor Verdun) (1935) [Damvillers]
Ernst Jünger (1895-1998)
in Orages d’acier (In Stahlgewittern) (1920)
[Regniéville]
« Le village de Damvillers, modestement groupé le long
de la ligne de son tortillard, le Meusien, n’était qu’un village entre cent, sans influence sur les destinées du pays.
Mais cela aussi avait changé depuis qu’au lieu des paysans
français en blouse bleue et sabots de bois, c’était des soldats
allemands qui maintenant foulaient la chaussée et les
planchers de leurs souliers ferrés et que MM. Les officiers
y circulaient dans leurs bottines reluisantes. »
«L’après-midi suivante, nous fûmes embarqués et transportés dans la région de Thiaucourt. De là, nous nous
mîmes en route immédiatement pour notre nouvelle position ; elle s’étendait sur les hauteurs boisées des Côtes lorraines en face du village détruit de Regniéville que les
communiqués avaient fait connaître. Le premier matin
je visitai mon secteur ; il me parut bien étendu pour une
compagnie et se composait d’un fouillis inextricable de
tranchées en partie détruites. En beaucoup d’endroits, la
première ligne elle-même avait été nivelée par les grosses
mines à ailettes et à trois pieds très employées dans ces parages. Mon abri était à cent mètres en arrière, dans ce
qu’on appelait la tranchée de soutien, près de la route qui
venait de Regniéville. Pour la première fois depuis
longtemps, nous avions en face de nous des Français.
Les parois de la tranchée étaient en pierres calcaires,
matière qui résistait beaucoup mieux aux intempéries que
le terrain argileux habituel. Par endroits, la tranchée était
même soigneusement maçonnée et le fond bétonné sur de
longs parcours ; de cette façon, les pluies, même les plus
violentes, pouvaient facilement s’écouler. La pierre, de
teinte blanc-rosé, était remplie de fossiles. Toutes les fois que
je passais dans les tranchées je rentrais dans mon abri, les poches
pleines de coquillages, d’étoiles de mer et d’ammonites. »
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Werner Beumelburg (1899-1963)
in Combattants allemands à Verdun (Die Gruppe
Bosemüller) (1930) [Romagne]
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« Sur la place du marché de Romagne l’agitation est
grande tous les matins. Les fourriers de toute la division
sont là avec leurs voitures. Les pains s’étagent en collines.
Les boîtes de conserve s’entrechoquent. Des balles de paille
sont amoncelées les unes sur les autres. Les gens de
l’Intendance ont en main de grandes listes. Ils discutent
avec les sous-officiers d’approvisionnement au sujet du
nombre des rations. On puise, dans des tonneaux
énormes, de la marmelade et on la pèse. On s’interpelle
entre connaissances. On se rencontre ici chaque matin. »
3
Louis Pergaud (1882-1915)
Stèle implantée sur le lieu
où l’auteur de La Guerre
des Boutons, fut mortellement atteint, dans la nuit
du 7 au 8 avril 1915
[Marchéville-en-Woëvre]
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« Quelle étrange guerre que celle-ci ! Alors que le canon
de Verdun gronde toujours sans répit et que se livrent làbas les plus sanglants combats de cette interminable lutte,
nous sommes ici, dans la paix des champs, à quinze cents
mètres de l'ennemi, une vie de petits bourgeois casaniers.»
« Il commençait à faire sombre lorsque nous parvint l’ordre de continuer notre progression. Après avoir traversé
un épais taillis que battaient les obus, nous arrivâmes
dans une interminable tranchée que les Français avaient
abandonnée pleine de bagages. A proximité du village des
Eparges, il nous fallut tailler une position dans un terrain
dur et rocailleux sans avoir personne devant nous. Finalement, je tombai dans un buisson et je m’endormis.
Bien haut au-dessus de ma tête, j’aperçus souvent dans
un demi-sommeil les traces étincelantes décrivaient dans
l’air les fusées des obus de l’une ou l’autre artillerie. »
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« Nous partons dans la campagne poudrée de frais, silencieuse sous son fard, par la route, où la neige, qui fond, se
transforme en boue infecte. Nous arrivons à Chaumontsur-Aire. Le Corps entier déménage : c’est un spectacle formidable. Chaumont est un joli village, derrière lequel de
verdoyantes prairies s’étendent, le long de l’Aire, jusqu’à des
coteaux boisés. Au sommet, un rideau d’arbres, comme une
touffe de cheveux. Nous nous installons dans une menuiserie où il y a des bancs, une table, des carreaux. C’est trop
beau ! »
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« Ravine entre Remenauville et Regnéville-en-Haye [...]
Trois fois on est revenu devant ce village rouge d'incendie
et qui se défendait comme une bête enragée. On a tourné
dans ce bourbier, le sac sur les reins, treize heures. Et le
matin, quand le jour s'est levé, j'ai vu ce qu'était un
champ de bataille. »
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« Commercy, 9 avril [...] Voilà le village au bon grenier,
voilà des maisons. Quand on a vécu une semaine "au sein
de la nature", n'ayant qu'un mur de pierre et un trou
boueux pour asile, on sait ce que vaut une maison ; même
ces pauvres masures bombardées dont les carcasses noircies
se dessinent sur le ciel en contours fantastiques. Rumeur
et cohue dans le village où tremblotent seulement quelques
pâles lanternes. Ravitaillement, munitions, hennissements
de chevaux exténués comme nous.»
Georges Duhamel (1884-1966)
in Vie des Martyrs 1914-1916 (1917) [Coteaux de
Meuse]
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« Ainsi qu’il arrive toujours, nous nous étions attachés à
notre coin de misère et ce fut sans enthousiasme que, l’ordre
venu, nous quittâmes la Tête-à-Vache pour le Bois-Brûlé.
Si expressif que puisse être ce nom : le Bois-Brûlé, il n’est
pas assez sinistre encore. C’est le Bois maudit qu’il
faudrait dire ou le Bois d’enfer. »
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« Le travail s’accélérait au cœur même du vacarme. Des
tonnes d’eau avaient été lancées dans les couloirs, emportant la boue, le sang, tous les résidus des salles où l’on
opérait. Les opérés étaient reportés dans des couchettes où
l’on avait mis des draps blancs. Les fenêtres ouvertes laissaient entrer un air vif et pur, et l’on voyait la nuit tomber
sur les coteaux de Meuse peuplés d’éclairs et de fracas. »
Pierre Mac Orlan (1882-1970)
in Verdun (1935) [Ligny-en-Barrois]
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« 5 juin, église de Marbotte. Ils sont alignés au milieu de
l'église, sur le pavé, entre les bancs. Il y en a huit, neuf,
dix, onze... Je ne passerai pas. Leurs pieds me font peur.
Ils sont morts de la tête au pied. Et l'on dirait aussi qu'elles
sont mortes, ces capotes gluantes de sang. Enlevez-les. Le
tabernacle est vide, le bénitier est à sec. La maison de Dieu
n'est plus qu'un pourrissoir et une odeur affreuse s'accroche
à ces vieux plâtres saturés d'encens. Enlevez-les, mais
prenez-les doucement. N'entendez-vous pas que leurs os
craquent et qu'il reste des sanglots dans leurs gorges ? »
29
« Le troisième jour de notre départ de Verdun, vers midi,
nous entendîmes les clairons et les tambours qui répétaient derrière une grange une marche intitulée : A petits
pas. Nous sûmes que notre division cantonnait quelque
part aux alentours de Ligny-en-Barrois. C’était plaisant
d’entendre cet air. Nous arrivâmes fourbus, auprès d’une
fontaine où des soldats lavaient du linge. Personne ne
prêta attention à notre présence. La ville rêvée était aussi
morne que toutes les autres. Il fallait imaginer au bout
de la route la présence fulgurante de Verdun pour trouver
un intérêt quelconque à cette agitation de soldats transformés en femmes de ménages. »
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John Allan Wyeth (1894-1981)
in This Man’s Army (L’armée de cet Homme) (1928)
[Fort de Landrecourt]
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Louis Pergaud (1882-1915)
in Carnet de guerre (1994) [Manheulles]
John Dos Passos (1896-1970)
in One man’s initiation : 1917 (L’initiation d’un
homme : 1917) (1920) [Erize-la-Petite]
« Il fait bon et chaud dans notre petite cave. J’ai bien
dormi malgré la menace d’alerte – quelques obus sont
tombés hors du village. Et ce brave Philippe vers le soir
vient me trouver mystérieusement. Il m’a déniché un lit
chez de braves gens, de bons vieux du nom de Laguerre
qui m’accueillent fort gentiment. Braconnot a reçu un colis
énorme et il nous offre de délicieuses madeleines et des oranges. L’après-midi Croux et l’adjudant partent en chasse
vers Haudiomont. On joue aux cartes dans la petite cave
et j’écris à Descaves, à Vallette, à Delphine et à Falco. »
« A ceux qui étaient avec moi lorsque j’ai vu des fusées dans
le ciel un certain soir au coucher du soleil sur la route de
Erize-la-Petite à Erize-la-Grande […]
Erize[-la-Petite] a pu être tout d’abord une petite ville sans
attraits, mais à présent, avec la moitié des maisons qui ne
sont que des coquilles pleines de gravats et de fumier
noueux, et le sol partout piétiné en une sorte de brouet par
le défilé ininterrompu des troupes et des camions, c’est incroyablement le symbole de l’intense ennui latent de la
guerre… »
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Max Barthel (1893-1975)
in Verse aus den Argonnen (Vers d’Argonne) (1916)
[Argonne]
« Dans l’Argonne
Dans l’Argonne
se trouve plus d’une tombe,
que les étoiles célestes
illuminent.
Dans l’Argonne
coule du sang jeune,
et à chaque fois c’était pourtant
bien celui d’une jeune fille.
Dans l’Argonne
tonne la Mort
de tôt le matin
jusqu’au coucher du soleil.
Dans l’Argonne
dans la nuit profonde,
certains se voient encore
conduire au repos.
Dans l’Argonne
pleurent dans le vent
les âmes mortes,
qui ne sont plus.
Dans l’Argonne –
un terrible tourment !
brûlant est l’Amour
glacé est l’acier. »
« Le chemin bientôt se redresse vers le nord ; voici la lisière
du bois et une déclivité ensoleillée qui doucement s’échancre
devant nous. Nos regards suivent le creux qui se prolonge,
entre deux versants relevés à droite et à gauche. Orientonsnous pour gagner du temps.
Là-bas, encadrée dans le ciel par les deux hauteurs…
Cloués sur place, nous avons levé la tête pour admirer cette
aire qui nous domine en silence, si peu attendue et si proche
soudain.
Une butte mure l’horizon, et se dresse pour arrêter tout le
soleil sur son flanc fauve ; à la crête, des ruines sommeillent,
et, toutes menues, se découpent en ocre sur le bleu.
C’est bien l’apparition de Vauquois, plus lointain que nous
n’avions cru d’abord ; mais il a surgi si brusquement que
je m’apprêtais à chercher sur la carte un village intermédiaire, laissé de côté sans le savoir dans notre interminable
voyage, la nuit de la corvée.
C’est la première surprise de la Butte. »
Pierre Ladoué (1881-1973)
in Ceux de Là-haut (1917) [Vauquois]
« Où se sont-elles réfugiées, les hirondelles qui nichaient
naguère sous les toits des villages détruits ?
Au printemps de 1915, on en vit un beau soir arriver tout
un essaim au-dessus de la colline où fut Vauquois.
Longtemps elles voltigèrent, en poussant de petits cris ;
longtemps elles tourbillonnèrent, étonnées, inquiètes, folles,
dans le ciel rose et or, indifférent aux deuils de la terre. Des
maisons ayant abrité leur gîte accoutumé, elles ne retrouvaient que des monceaux de poussière. De sinistres fumées
s’élevaient du sol chaotique, à l’endroit où s’arrondissaient
autrefois les arbres joyeux. L’air était battu et lacéré de
bruits énormes. Des montres grondant rôdaient aux sommets du ciel. Les hirondelles tournoyaient toujours…
Quand enfin elles eurent compris l’irrémédiable désastre,
elles disparurent… Pour aller où ? … »
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« Au bas des pentes, la pauvre verdure d’hiver est éraflée de
maigres sillons gris qui se tortillent en rampant vers
Boureuilles. Là-bas on voit encore un fourmillement
blanchâtre : les petites maisons égrenées entre les branchages
noirs des pommiers. Au-devant, il y a deux ou trois buissons
qui serpentent, très secs, très rigides, très grêles, les réseaux
de fil de fer barbelé. Et après ces ondulations de terrain
écrasées largement à nos pieds, c’est la longue flaque de l’Aire
qui s’étale dans les prairies plates ; elle luit pâlement sous
les nappes de brume qui lui donnent une tristesse immense
et douce. Plus loin encore, après de nouvelles pentes
verdâtres, c’est la forêt dont les masses mouvantes, sombrées
dans les brouillards et le silence, semblent impénétrables,
et tâchent de soulever en houle tout l’horizon jusqu’au
niveau de notre Butte solitaire. »
André Pézard (1893-1984)
in Nous autres à Vauquois : 1915-1916 (1974)
[Vauquois]
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Paul Cazin (1881-1963)
in L’humaniste à la guerre ; hauts de Meuse (1920)
[Marbotte]
« FORT DE LANDRECOURT
Au nord de Verdun
Une crête d’automne, faite de gris-brun et de rouille et
d’ardoise – et de basses rives vertes le long d’un ciel gris et
humide.
D’épais murs et bastions dans un fossé d’herbe.
S’ENSEVELIR SOUS LES RUINES DU FORT PLUTOT QUE DE SE RENDRE – au dessus de la porte.
Le claquement de mon cheval sur le pont-levis, et une
jeune et timide sentinelle sourit et ne veut pas me laisser
passer.
« On ne visite pas ? »
« Sans permission ? –alors,
Je le regrette »-nous sourions et nous séparons.
Verdun en dessous – où toutes ces ruines s’étendent.
Et dans mon cœur un amour qui tue presque de la voir,
entaillée et partisane – une masse de décombres s’écriant
« Debout les morts » à toutes les âmes qui hantent ses
tragiques collines. »
André Pézard (1893-1984)
in Nous autres à Vauquois : 1915-1916 (1974)
[Boureuilles]
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Raymond Jubert (1889-1917)
in Verdun (Mars-Avril-Mai 1916) (1918) [Four-deParis]
« Au Four-de-Paris, les mitrailleuses nous avaient éprouvés
; à la Harazée, nous avions subi les premiers gaz ; sur la
route de Binarville et les clairières qui la bordent, nous
subissions des pertes en attendant les ordres. Nous étions
sans tranchées, à découvert, offerts sans défense à la vue de
l’ennemi. Pelotonnés sur le sol, à défaut d’outils, nous le
creusions avec nos mains ; nos ongles étaient en sang. »
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« Mouilly. On voit d’autres routes qui descendent des bois
et par lesquelles, lentement, cahin-caha, des blessés et des
blessés encore s’en reviennent au village. Les postes de secours, dans les granges, accumulent les linges et les tampons
d’ouate sanglante qui débordent sur la chaussée ; les portes
ouvertes nous jettent des hurlements brusques, et l’odeur
de l’iodoforme nous prend aux narines. »
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Maurice Genevoix (1890-1980)
in Sous Verdun (1916) [Mouilly]
André Thérive (1891-1967)
in Ecrevisse de rempart, la défaite de Verdun (1969)
[Saint-Mihiel]
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Henri-Alban Fournier
(1886-1914)
Monument en l’honneur de
l’auteur
du
GrandMeaulnes implanté sur le
lieu de son inhumation.
[Saint-Rémy-la-Calonne]
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Henry Bordeaux (1870-1963)
in Histoire d’une vie volume V : Douleur et Gloire de
Verdun (1959) [Bar-le-Duc]
« Promenade dans le vieux Bar ; vu le collège de Gilles de
Trèves, édifié au XVIe siècle et dont Montaigne disait que
c’était une des merveilles de son siècle. Les deux petits
cloîtres qui se font vis-à-vis sont charmants, et charmante
aussi la décoration diverse des mansardes : les cloîtres, jolies
colonnettes et festons Renaissance, sobres, mais c’est loin
d’égaler les cloîtres gothiques.
De la place en haut, vue sur Bar que gâtent des usines, et
sur les collines régulières qui l’entourent. Entré dans la
chapelle où est l’Ecorché de Ligier Richier, mais on l’a mis
sous paille. La statue de Notre-Dame du Guet n’a pas été
aussi protégée. »
René Benjamin (1885-1948)
in Les soldats de la Grande Guerre. Gaspard (1915)
[Argonne]
« On ne s'est pas battu depuis la Ligue dans ces herbages
frais, dont le sol est riche et gras ; et Gaspard, amputé, pensa
tout de suite que la vie en Normandie avec une jambe,
était beaucoup plus douce qu'en Argonne avec deux. »
Paul Cazin (1899-1963)
in L’humaniste à la guerre ; hauts de Meuse (1915)
[Commercy]
Jacques Péricard (1876-1940)
in Face à face (1916) [Bois Brûlé]
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« On nous ramène à la hauteur de Rembercourt, sur la
droite du village. Nous nous collons à un talus à pic, envahi d’herbes folles, à la bordure d’un verger. La canonnade emplit l’espace de vacarme. Les obus éclatent par
centaines, criblant la plaine, défonçant la route où nous
étions tout à l’heure, faisant jaillir les tuiles des toits et
sauter les madriers des charpentes. Nous avons quelques
rafales pour nous, de six marmites chacune, généreusement. Les dernières éclatent si près que notre commandant,
resté assis contre le talus, m’a semblé poussé violemment,
comme par un coup de poing dans le dos. Les arbres du
verger ont oscillé d’une telle force qu’une grêle de prunes
et de pommes est tombée sur nous. »
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Paul Coelestin Ettighoffer (1896-1975)
in Gespenster am Toten Mann (Fantômes au MortHomme) (1931) [Mangiennes]
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Maurice Genevoix (1890-1980)
in Sous Verdun (1916) [Rembercourt-aux-Pots]
Louis Mairet (1894-1917)
in Carnet d’un combattant (11 février 1915 – 16
avril 1917) (1919) [Chaumont-sur-Aire]
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« Sans la rapidité de l’histoire, qui s’accélérait déjà, j’aurais
poussé un dimanche jusqu’à Saint-Mihiel, ma petite patrie ancestrale.
Malgré ses nombreux malheurs, ça a toujours été une petite ville gracieuse et riche en arts. […] Pendant la première guerre mondiale, occupée par les Allemands dont le
front formait là une poche ou une hernie pour couper la
vallée et la route de Bar-le-Duc, elle restait presque paisible : tout en écoutant au-dessus d’elle tonner et gronder
les horribles combats des Eparges ou de la tranchée de
Calonne. »
« A quelques pas, l’église banale étale son flanc nu et son
toit d’ardoises mouillées. Un cri, au-dessus de nous, perce
l’air, un grincement aigre pareil à celui d’une girouette
rouillée. Deux grandes ailes brunes glissent dans la
blancheur du brouillard. Elles ont un seul battement,
long et puissant comme un coup de rames : et l’oiseau disparaît, sans bruit, entre deux lames des abat-son.
« C’est la chouette du clocher, dit un homme. All’ rentre
comme ça dormir tous les matins. A’ s’ fout d’ la guerre…
All’ a d’ la veine. »»
Ernst Jünger (1895-1998)
in Orages d’acier (In Stahlgewittern) (1920) [Les
Eparges]
« Ce village [Mangiennes], certainement joli et riche
avant la guerre, plus propre et mieux construit que tous
les villages de la région, est vide de tout civil. Presque
toutes les maisons sont bien conservées et aménagées en
cantonnement. Par exemple, dans une grange évacuée,
pas moins de 300 lits superposés sont disposés en trois
rangs. Deux régiments peuvent aisément séjourner dans
le village en cas de besoin. La localité se trouve à
15 kilomètres, à vol d’oiseau, du fort de Douaumont.
Qu’est-ce que sont 15 kilomètres pour un canon à longue
portée ? »
« A chaque séjour à Ville-sur-Cousance, à Jubécourt ou à
Ippécourt, Bourru sentait que les camarades morts au
début de la guerre appartenaient déjà à l’histoire. Une
auréole glorieuse les éclairait. Et cependant il avait été
mêlé à leurs rangs. Cela lui donnait l’impression bizarre
d’être un vieillard qui se souvient d’avoir connu, dans sa
jeunesse, des personnages illustres. »
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Maurice Genevoix (1890-1980)
in Nuits de guerre (1917) [Les Eparges]
Arnold Zweig (1887-1968)
in L’éducation héroïque devant Verdun (Erziehung
vor Verdun) (1935) [Montmédy]
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Paul Lintier (1893-1916)
in Avec une batterie de 75 le tube 1233, souvenirs
d’un chef de pièce (1915-1916) (1917) [Verdun]
« C’est une après-midi de Saint-Sylvestre, morose et brève,
qui pèse sur les rues de Montmédy. Sans joie, l’habitant
cache ses préparatifs de fête, ses emplettes : dans les mess
et les cantines, au contraire, on s’en donne à cœur joie :
une fois encore, les sapins de l’Argonne s’allumeront, on
servira à profusion un alcool largement baptisé ; on
chantera des lieds sentimentaux ou des chansons de
marche autour des tables. L’an de grâce 1916 – qui
restera l’année héroïque dans les annales de la nation
allemande – se terminera dignement.»
« A Landrecourt, on se logea tant bien que mal. – Il n’y a
pas beaucoup de place, dit le capitaine, mais nous n’avons
qu’une nuit à rester ici. Demain soir, nous montons dans
le secteur de Vaux.
Quel tumulte, dans ce village ! Des fourgons, des camions
chargés de matériel qui se croisent dans des tourbillons de
poussière ; des autos qui reviennent des lignes et que conduisent de silencieux Anglais. Elles s’arrêtent quelquefois
au milieu de la route, quand un encombrement se produit. Alors on s’approche pour regarder à l’intérieur en
soulevant la toile, et l’on aperçoit des formes immobiles
étendues dans les brancards. »
10
Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955)
in Ecrits du temps de la guerre (1916-1919) (1965)
[Verdun]
« A Verdun, dans la Citadelle, pendant ces journées de
tohu-bohu inoubliable où, dans la poussière et les cris, se
distribuent pêle-mêle les vivres, les fusées et les grenades à
ceux qui vont monter pour le grand coup, - et puis,
quelques heures plus tard, au cours de l’interminable
marche de nuit, par-dessus Belleville et Froideterre, j’ai
noté souvent sur moi ce décollement déchirant et victorieux que suivaient enfin la paix et l’exaltation dans le
milieu surhumain où l’âme s’était de nouveau acclimatée.
C’était l’Ame du Front qui renaissait en moi… »
Jean des Vignes Rouges (1879-1970)
in Bourru, soldat de Vauquois (1916) [Ville-surCousance]
23
Paul Cazin (1899-1963)
in L’humaniste à la guerre; hauts de Meuse (1915)
[Bois-le-Prêtre]
Henry Bordeaux (1870-1963)
in Histoire d’une vie volume V : Douleur et Gloire de
Verdun (1959) [Verdun]
« Si les remparts et la porte de Vauban ont résisté, la ville
est très démolie. Depuis que je n’y étais venu, les
Allemands, n’y pouvant entrer, se sont acharnés sur elle.
Des rues entières, dont la rue Mazel qui est la principale,
ne sont que dévastations, maisons écroulées, pans de murs
faisant des dentelles de pierre. Dans un magasin de
nouveautés à peu près respecté, les mannequins gisent
écroulés, sauf un, celui d’une petite dame à jupe courte
qui fait le salut militaire. La cathédrale domine encore
ces cadavres de maisons, mais la balustrade de l’une des
deux tours a été emportée. L’évêché, joli monument
d’architecture du XVIIIe siècle, et le cloître gothique sont
atteints et meurtris. »
Georges Gaudy (1895-1987)
in Les trous d’obus de Verdun (1922) [Landrecourt]
21
37
Pierre Ladoué (1881-1973)
in Ceux de Là-haut (1917) [Vauquois]
« Eglise de Vauquois, que j’aurais voulu connaître vivante
et qui m’apparaît plus précieuse et prestigieuse, après ton
récent anéantissement, que le souvenir des Babylone ou des
Carthage antiques, te rebâtira-t-on jamais sur ce sommet
dévasté, usé, abaissé, au dire des savants de plusieurs mètres.
Nul ne peut l’affirmer encore. »
38
Jean des Vignes Rouges (1879-1970)
in Bourru, soldat de Vauquois (1916) [Vauquois]
« Parfois, un régiment s’en va un peu à l’arrière de la forêt,
dans un cantonnement de repos ; mais les soldats ont un
tel besoin de voir Vauquois, qu’ils montent sur les sommets
pour contempler de loin la colline tragique… ils en parlent
et la désirent comme une terre promise. »
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