L`autonomie L`autonomie
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L`autonomie L`autonomie
L ’autonomie l’autonomie humaine dans le contexte scolaire, celle de l’élève et celle de l’enseignant, en laissant de côté 4 Apprentissage par l’autonomie (APA) M.-L. Zimmermann-Asta 6 Influence de la pédagogie Freinet sur la notion d’autonomie M. Monot 8 16 l’autonomie organisationnelle de l’école, 10 Edith Wegmuller: l’autoévaluation pour développer l’autonomie N. Revaz 12 Regards croisés sur la définition de l’autonomie N. Revaz Fondement paradoxal d’une pédagogie dite «de l’autonomie» D. Violet 13 D’une autonomie clandestine à une autonomie reconnue A. Capitanescu L’autonomie, une question de compétence? P. Perrenoud 19 Floue, ambiguë, contradictoire et pourtant nécessaire! R. Etienne même s’il en est question en filigrane. Qu’est-ce que l’autonomie? Qu’est-ce qu’apprendre par l’autonomie? Quelle autonomie souhaitent les enseignants? Autant de questions auxquelles ce dossier tente d’apporter des éléments de réponse. ( Ce dossier sur l’autonomie se focalise sur A pprentissage M.-L. Zimmermann-Asta par l’autonomie (APA) Pour lutter justement contre l’échec de l’enseignement des sciences, Marie-Louise Zimmermann-Asta a créé dès 1981 une nouvelle approche qui fait référence aux travaux de nombreux pédagogues (Freinet, Giordan, Gattegno, de la Garanderie, etc.) et qui s’inscrit directement dans la ligne des travaux de psychologie génétique (Piaget) et de didactique des sciences. Les points forts L’apprentissage des sciences expérimentales par l’autonomie (APA) existe à Genève depuis plus de 20 ans. Cet enseignement s’adresse aussi bien à des jeunes de 16 à 20 ans (Ecole Jean-Piaget), qu’à ceux de 12 à 15 ans (Cycle de Bois-Caran). APA a également été utilisé pour des enfants entre 4 et 11 ans. En 1983, lors de la Semaine européenne de la culture scientifique organisée par le LDES (Laboratoire de didactique et d’épistémologie des sciences de l’Université de Genève) 150 enfants de l’enseignement primaire public et privé sont venus expérimenter, s’étonner pendant une heure. Plus récemment, lors des «Mini-Université» organisées par le LDES, de nombreux enfants viennent chercher, questionner, découvrir… APA repose sur des concepts-clefs A. Giordan et G. de Vecchi (1987) ont mis en évidence la notion de «conception». Quand l’apprenant s’approprie un savoir, il part de conceptions initiales, qui sont «un ensemble d’idées coordonnées et d’images cohérentes pour raisonner face à un problème». Si ces conceptions n’évoluent pas, elles deviennent des «conceptions-obstacles» (Zimmermann-Asta, 1990). Pour déstabiliser les modèles explicatifs de l’élève, l’enseignant devra introduire dans son cours des éléments perturbateurs. Cet outil pédagogique est appelé «perturbation conceptuelle» (Zimmermann-Asta, 1990). Des concepts de gestion mentale selon Antoine de la Garanderie (1990) (évocation, projet, habitudes évocatives) sont aussi intégrés. APA se caractérise par différentes phases d’enseignement Une séquence d’enseignement se compose de trois phases. Dans la «phase d’investigation», les élèves réalisent une recherche sur un thème fixé par l’enseignant. La seconde phase, dite «phase de mise en commun», permet l’élaboration d’une réponse commune caractéristique des niveaux de formulation et de résolution atteints par les élèves de cette classe. Une troi- 4 sième phase, qui sert à réinvestir les connaissances et les savoir-faire, est concrétisée par des tests de différentes natures; c’est la «phase de réinvestissement». Ces phases ne se présentent pas dans un ordre toujours immuable; elles peuvent, si c’est nécessaire pédagogiquement, s’imbriquer les unes dans les autres. APA nécessite une architecture didactique L’élève se meut dans un environnement qui provoque sa réflexion et éveille sa curiosité. Il dispose d’un matériel solide et peu sophistiqué qui lui permet d’expérimenter librement, de panneaux d’affichage pour les informations scientifiques, d’une documentation à son niveau (livres, dictionnaires et classeurs de référence). Pour faciliter la communication, l’occupation de l’espace est ritualisée: espace de discussion, d’expérimentation et de recherche. Flanellographe, rétroprojecteur, tableau blanc et vidéo sont également employés. La liberté de recherche et d’expression n’a rien à voir avec l’anarchie! Un nouveau rôle pour l’enseignant L’enseignant devient un médiateur entre le savoir et ses élèves et crée les événements qui leur permettront d’apprendre. Il favorise l’évolution de leurs conceptions en les confrontant à la réalité, notamment lors des phases d’investigation et de mise en commun. Devenu meneur de jeu, c’est à lui de faire respecter les règles de communication pour que les recherches et les discussions soient fructueuses. Son rôle est de provoquer et d’écouter, mais aussi de faire en sorte que la leçon se déroule de façon optimale. La liberté de recherche et d’expression n’a rien à voir avec l’anarchie! Un nouveau rôle pour l’élève APA offre à chaque élève la possibilité d’être le maître d’œuvre de son apprentissage, lui confère à la fois liberté et responsabilité, tant il est vrai qu’il n’y a pas de liberté sans contraintes. Cette pédagogie considère que chacun a des capacités à développer et lui en procure les moyens. Nombreux sont donc les jeunes qui se sentent valorisés parce qu’on leur propose des activités qui les intéressent, qui sont à leur portée, et dans lesquelles ils réussissent. Résonances - Septembre 2002 ) Qu’est-ce que cela change? L’élève change sa façon de se comporter en classe. Il ne vient plus en tant que consommateur d’un savoir qui lui est dispensé mais comme acteur de sa formation. Cela signifie qu’il ne peut plus rester assis alors que son esprit vagabonde ailleurs. Il cherche, trie, investit de l’énergie pour découvrir des solutions aux problèmes posés. Il doit accepter de se tromper et de considérer l’erreur comme formatrice. Il en découle alors pour lui le plaisir d’avoir trouvé, d’avoir dépassé les difficultés, d’avoir pris confiance en ses capacités. Au niveau des enseignants C’est le rôle traditionnel de l’enseignant qui est modifié. Celui-ci descend de son piédestal et va vivre dans l’insécurité. Déjà déstabilisés par des élèves de moins en moins motivés, certains enseignants préfèrent conserver un rôle traditionnel. APA n’est pas limité aux sciences Cette pédagogie s’est précisée au cours du temps, a évolué progressivement. Le recul dont nous disposons actuellement montre que APA aide à dépasser les difficultés, mais qu’il est également très profitable à ceux qui apprennent aisément. Mené dans le domaine scientifique, APA a mis en évidence que la physique est à la portée des jeunes, des enfants et des adultes (notamment lors des «compléments de diplômes scientifiques» pour une reconversion professionnelle expérimentée dans le cadre de L’ECGA). Cette pédagogie n’est cependant pas limitée à l’enseignement des sciences. Elle remet en question les rôles traditionnellement attribués au professeur et à l’élève. Elle exige par ailleurs de la personne une transformation profonde que l’on pourrait dire de nature épistémologique, car elle demande un changement de la représentation du savoir. Chacun peut s’approprier cette pédagogie et l’adapter à son style en conservant les idées-force: développer l’autonomie et donner à chaque apprenant les moyens de construire son savoir. ( L’enseignant est «promu» chercheur en pédagogie. En effet, chaque élève est différent, chaque classe est différente, tout est en évolution. L’esprit constamment en alerte, le professeur questionne les apprenants afin de les aider à expliciter leur démarche; il les provoque afin de les obliger à avancer. Il leur propose de nouvelles expériences, de nouvelles recherches. Il accepte de les laisser sur des erreurs qui sont significatives des obstacles qu’ils ont rencontrés. C’est l’apprentissage de concept qui est visé et non une accumulation de termes scientifiques. Apprendre des concepts prend du temps et n’a rien à voir avec un empilement de connaissances. L’enseignant a confiance dans les capacités de l’apprenant. Son travail est différent chaque jour. Il ne s’ennuie jamais, car chaque leçon lui fournit un nouveau champ d’observation et d’expérimentation. Les difficultés Au niveau des élèves Quelques élèves, peu sécurisés, s’inquiètent de la liberté et de la responsabilité pédagogique données en APA, car ils se prennent en charge difficilement. Cette façon de faire entre parfois en conflit avec leur conception pédagogique du maître, de l’élève et de l’école. Certains désirent consommer un bon cours donné par un bon professeur et ainsi réussir sans trop d’efforts. Et pourtant, par la suite c’est bien des compétences acquises à l’école, une façon de réfléchir, d’analyser qui seront décisives pour leurs études futures. ( Résonances - Septembre 2002 Bibliographie De La Garanderie A. , Pour une pédagogie de l’intelligence, Paris: Le Centurion, 1990. De La Garanderie A. , Le dialogue pédagogique avec l’élève, Paris: Le Centurion, 1984. De Vecchi G.et Giordan A., Les origines du savoir, Neuchâtel: Delachaux et Niestlé, 1987. Giordan A., Apprendre! Paris: Belin, 1998. Zimmermann-Asta M.-L., Sur les chemins de l’apprendre, Genève: Ed. du CEFRA, 1999. Zimmermann-Asta M.-L., Along the paths of learning, Genève: Ed. du CEFRA, 1996. Zimmermann-Asta M.-L., Apprendre par l’Autonomie… Comment?, Genève: Ed. du CEFRA, 2000. Ed. du CEFRA: 9 Ch Pont-de-Ville, 1224 Chêne-Bougeries, [email protected] ( l’ aut eure De consommateur d’un savoir dispensé, l’élève devient acteur de sa formation. Marie-Louise Zimmermann-Asta: Docteure es sciences de l’éducation (Université de Genève) – Collaboratrice de recherche au LDES, Université de Genève – Professeure de physique à l’Ecole de Culture Générale Jean-Piaget. 5 I nfluence de la pédagogie Freinet M. Monot sur la notion d’autonomie Que Célestin Freinet ait dû un jour reprendre sa liberté pour persévérer dans sa tâche d’instituteur aura sans doute marqué son influence, fût-elle notoire, d’un je ne sais quoi de sulfureux qui est loin d’être dissipé. La pédagogie Freinet entretient avec la notion d’autonomie un rapport complexe que d’aucuns disent même ambigu, reprochant à ses praticiens de n’en faire qu’à leur tête ou même de n’invoquer l’autonomie de l’enfant que pour mieux le manipuler… La conception de l’autonomie de Freinet, plus complexe qu’on ne l’a dit, était déjà systémique. La condamnation est pour le moins hâtive et le procès, à l’évidence, mal instruit. C’est ignorer que les difficultés ne se lèvent pas par décret, que les meilleures Instructions officielles ne suffisent pas et que les maîtres, loin de n’en faire qu’à leur tête, assument la tâche délicate de les mettre en œuvre dans des contextes lourds de particularismes divers. C’est masquer que les outils popularisés par Freinet, plan de travail ou fichiers auto-correctifs, pour ne citer qu’eux, n’ont d’autre fonction que d’accompagner l’enfant dans sa conquête de l’autonomie. C’est vouloir ignorer que le concept central de «tâtonnement expérimental», dont la connotation péjorative a été indûment exploitée, avait préfiguré les orientations des sciences cognitives et le glissement que nous connaissons du pôle enseignement au pôle apprentissage. C’est donc peu de le dire: la pédagogie Freinet a fortement influencé la notion d’autonomie de l’élève. En fait, elle l’a portée, l’a illustrée, l’a affinée, refusant d’enfermer l’enfant dans le monde artificiel de l’école pour l’ancrer dans le monde réel, dans la vie, disait Freinet. Mais la vie n’est pas inerte et le monde, depuis les premiers travaux de Freinet, a quelque peu changé. La prolongation de la scolarité obligatoire aura posé à elle seule plus de problèmes qu’elle n’en a résolus et ouvert un nouveau champ de réflexion. On crut d’abord à une nouvelle chance de pouvoir améliorer, grâce à la pédagogie Freinet, l’accueil des élèves mal armés pour une scolarité de collège dite normale, et les autorités de l’Education nationale l’avaient d’abord bien compris: 6 les Instructions officielles relatives aux «Classes de Transition» étaient notoirement inspirées de la pédagogie Freinet. Mais ces classes particulières, qu’il eût fallu mieux accompagner dans leurs premiers succès, furent rapidement délaissées, et il est tentant d’évoquer ici les propos entendus le 4 juillet dernier au Tribunal administratif, dénonçant des procédés «à l’image de médecins qui débrancheraient les malades et viendraient ensuite constater avec tristesse que ceux-ci sont morts». Pour rester à l’échelle de l’histoire et quoi qu’il en soit de ces polémiques sur l’autonomie dont la pédagogie Freinet a une longue expérience, la prolongation de la scolarité obligatoire aura été le révélateur d’une insuffisance jusqu’ici cachée de l’école élémentaire: préparer l’enfant à la vie active, ce en quoi Freinet s’était en son temps illustré, n’est pas tout à fait la même chose que le préparer aux études longues ou même au simple allongement de la scolarité obligatoire. L’autonomie à l’école, désormais, devait viser de façon plus ciblée la fonction d’écolier, ce qui invitait à une investigation plus précise des apports de Freinet. Au terme d’une quête qu’il serait fastidieux de détailler, deux éléments majeurs des acquis de Freinet paraissent aujourd’hui devoir être réinvestis: la prévalence du pôle apprentissage d’une part, le besoin d’autonomie de l’enfant d’autre part. Il est incontestable que l’élément clé de la pédagogie Freinet, le tâtonnement expérimental, tire celle-ci vers l’apprentissage en la détachant du sens classique du verbe «enseigner». Bien que Freinet ait insisté sur ce point en dénonçant la dénaturation «scolastique» de l’école et toujours souligné en outre l’importance du travail, affirmant même que l’enfant le préfère au jeu, l’école n’a pas assez pris en compte le fait que derrière l’idée de travail se profile celle de métier. Or, le métier d’écolier, comme tout métier, s’apprend. Il consiste en l’appropriation d’un savoir-faire hérité des générations précédentes, appropriation largement basée sur l’observation et l’imitation, mettant ainsi à l’épreuve les conceptions courantes de l’autonomie mais aussi de la morale. Pour la tradition scolaire, il n’était pas question de travailler autrement que seul. Pour la pédagogie Freinet, portée à valoriser le tâtonnement expérimental comme processus de découverte, la culture de la liberté et de l’originalité, bien illustrée dans les Résonances - Septembre 2002 ) Mais il est non moins incontestable que Freinet pressentait la difficulté et que sa conception de l’autonomie, plus complexe qu’on ne l’a dit, était déjà systémique. L’ordre et la discipline sont nécessaires en classe, écrivait Freinet qui suggérait pourtant, par exigence de réalisme, de prendre en compte toute la complexité de la nature enfantine: l’enfant n’aime pas être commandé et n’aime pas s’aligner mais il aime en revanche choisir son travail même si ce choix n’est pas avantageux pour lui. Ce dernier propos, connu sous le nom d’invariant n°7, est le plus litigieux sans doute des propositions de Freinet. Banal et pourtant équivoque. Il est communément cité comme une preuve de laxisme: laisser l’enfant choisir son travail, choisir son programme et au besoin n’en pas choisir, ferait de Freinet le tenant de Summerhill qu’il n’a jamais été. Car l’optique de Freinet est bien différente: si l’enfant aime choisir son travail, c’est qu’il exprime par là un légitime besoin de compréhension, un désir de s’atteler à la tâche en fonction des éléments dont il dispose pour la mener à bien, même s’il celle-ci s’avère plus ardue qu’avantageuse pour lui. Laisser l’enfant choisir son travail, c’est en réalité l’obliger à analyser ce qu’on lui propose comme choix, à se faire une première représentation de l’objet à étudier. Manipulation peut-être, mais en quelque sor- ( Résonances - Septembre 2002 te voulue par l’enfant, proche du «Don’t accept me as I am!» de Feuerstein. Laisser l’enfant choisir son travail, c’est l’aider à affronter la perspective du collège, lui permettre d’apprendre en fonction de ses propres représentations et de leur évolution progressive en respectant son légitime besoin de clarté cognitive, en l’initiant à l’attitude métacognitive. C’est lui offrir la possibilité de s’entraîner à l’analyse de la tâche, lui permettre d’acquérir ainsi progressivement ce «savoir faire» particulier caractéristique du «bon élève» qui sait où il en est de ses apprentissages et ne répond pas au hasard. Caractéristique si banale qu’elle ne semble pas figurer dans les grilles d’objectifs dont elle est plutôt une sorte de résultante, mais mériterait d’être travaillée pour elle-même. Comment nier, aujourd’hui plus que jamais, l’importance de l’autonomie? Dans une école où le sécuritaire et le «risque zéro» tournent parfois à l’obsession, la pédagogie Freinet en vient à militer ici ou là – qui l’eût dit! – pour préserver le droit de l’enfant à une certaine liberté de déplacement! Mais ses ambitions vont bien au-delà. Centrée depuis toujours sur le travail de l’élève et la maîtrise de son «métier», la pédagogie Freinet reste fidèle à ses idéaux originaux. ( l’ auteur pratiques du texte libre et du dessin libre, a pu occulter dans une certaine mesure les exigences de l’appropriation du métier d’écolier par un processus d’imitation. Michel Monot: IEN honoraire, Nouméa Pédagogie de Maîtrise à Effet Vicariant: www.offratel.nc/magui/ 7 F ondement paradoxal d’une D. Violet pédagogie dite «de l’autonomie» Un des grands projets de l’école, en France et sans doute ailleurs, consiste à offrir au plus grand nombre d’élèves la possibilité d’apprendre, de s’éduquer, de se former, en un mot d’accroître leur autonomie. Dans cet esprit, de nombreux dispositifs pédagogiques visent à favoriser l’égalité des chances scolaires en luttant contre des inégalités cognitives, sociales,… plus ou moins manifestes. L’efficacité relative de ces dispositifs incline à penser que l’échec et la réussite en classe résistent à une simple explication causale. Comme lucides de cela, les enseignants assimilent fréquemment l’échec scolaire à un «manque d’autonomie». En même temps qu’elle semble connoter Il faut aussi considérer que le travail dit «en autonomie» puisse déstabiliser les élèves «en difficulté». une certaine ouverture sur l’inexplicable complexité de la personne qui apprend, la notion d’autonomie se réduit souvent à plusieurs critères complémentaires (dimension psycho-cognitive de l’apprentissage, méthodes de travail scolaire, etc.). Entre ouverture à la complexité et réduction à des critères précis, la pédagogie dite «de l’autonomie» s’annonce paradoxale. Avec le paradoxe comme prisme d’interprétation, notre intention consiste ici à élucider comment une telle pédagogie peut satisfaire au principe d’égalité des chances. Après avoir succinctement esquissé comment les travaux de Piaget permettent d’appréhender la notion d’autonomie par le biais du développement de l’intelligence, deux exemples de pratiques scolaires illustreront les contradictions qui émergent d’une simple explication causale de l’apprentissage. Ensuite, deux autres exemples nous montreront que les élèves les «plus autonomes» en classe bénéficient largement des moyens mis en œuvre pour aider les «moins autonomes», tandis que ces derniers n’en profitent guère. En guise de conclusion, nous affinerons les contours de la notion d’autonomie afin d’envisager le paradoxe selon lequel l’autonomie des élèves advient parfois à contresens des méthodes pédagogiques mises en œuvre par les enseignants. Avec les repères piagétiens du développement cognitif, la notion d’autonomie peut être assimilée à la capacité à raisonner au plus haut niveau, c’est-à-dire à réaliser des 8 raisonnements hypothético-déductifs. En marge de tels repères, plusieurs tests ont été conçus pour évaluer le niveau de raisonnement logique des jeunes. Au terme d’un travail de recherche, nous avons pu établir une forte corrélation entre les performances obtenues à ces tests et celles obtenues en classe1. De façon hâtive, cela incline à conclure que l’égalité des chances de réussir en classe est due à l’égalité du développement logique. Mais avec le recul suffisant, on sait qu’une corrélation équivaut à une symétrie et pas à une causalité; on sait aussi qu’une corrélation, même forte, ne doit pas masquer les cas dissonants (certains élèves obtiennent de mauvaises notes malgré une bonne performance au test, et inversement pour d’autres2). Face à ces deux arguments, la problématique de la réussite scolaire n’est plus réductible au critère d’autonomie cognitive que représente le raisonnement logique. Cela oblige immédiatement à relativiser la pertinence des dispositifs pédagogiques (Ateliers de Raisonnement Logique, par exemple) qui visent à remédier à l’échec scolaire et à l’inégalité des chances en prétendant développer le raisonnement logique de certains élèves (supposés déficients au regard de leurs performances à un test de logique). Outre leur contribution explicite à certaines pratiques de remédiation, les travaux de psychologie génétique soulèvent implicitement une contradiction en matière d’orientation scolaire des élèves dits «en difficulté». Ces derniers sont généralement invités à formuler un projet scolaire et/ou professionnel qui doit leur permettre de réussir autrement et/ou ailleurs. En regardant d’assez près la notion de projet, on peut l’envisager comme un travail d’abstraction et d’anticipation des actions à venir. Or, si l’on se réfère à ce qui précède, les élèves dits «en difficulté» sont justement ceux que la psychologie scolaire repère par leur faible capacité à abstraire. De façon un peu abrupte, on peut considérer que la pédagogie du projet tend à confronter ces élèves à deux injonctions contradictoires: «Vous ne pouvez pas abstraire pour réussir, alors abstrayez pour réussir». A côté des dispositifs scolaires rattachés à la question du développement logique, les deux exemples suivants concernent plus particulièrement la problématique de l’aide apportée aux élèves dits «en difficulté». Le premier exemple pointe une contradiction qui émerge du renforcement pédagogique proposé dans le dispositif ZEP (Zone d’Education Prioritaire). Sans trop entrer Résonances - Septembre 2002 ) dans le détail, une des caractéristiques de la ZEP consiste à ce que les élèves soient mieux épaulés ou suivis par les enseignants (heures de soutien, études dirigées, etc.). Après avoir consulté les statistiques3, il semble que les «meilleurs élèves» profitent de l’aide qui ne leur est pas directement destinée, alors que les élèves dits «en difficulté» ne sont guère avantagés par l’aide prévue pour eux. Dans ces conditions, on peut conclure qu’en voulant accroître l’égalité des chances de réussir en classe, les ZEP peuvent paradoxalement entretenir, voire renforcer, une large part d’inégalité. Aide aux élèves «en difficulté» Le dernier exemple concerne une pédagogie dite «de l’autonomie». De façon grossière, il s’agit, entre autres, de faire en sorte que l’élève étudie et résolve, seul ou en petit groupe, des problèmes posés par le professeur. Pris dans son acception la plus élargie, le travail dit «en autonomie», c’est-à-dire avec une aide réduite, incline à ne pas négliger l’hypothèse selon laquelle la méthode et les repères posés par le L’autonomie professeur pourraient contrevedes élèves, entre nir à l’élève dit «en difficulté». égalité et On peut donc penser que, parinégalité tiellement libéré de la contrainte des manifeste du maître, l’élève va chances. s’autoriser à construire sa propre stratégie pour apprendre et résoudre des problèmes, voire en poser. Dans ces conditions, la pédagogie dite «de l’autonomie» semble pouvoir satisfaire à deux reprises au principe d’égalité: 1) chaque élève peut travailler à sa manière, à son rythme, avec sa propre logique… avec ses propres références; 2) l’aide, la présence et les références du professeur n’avantagent pas les «meilleurs élèves» (a priori les plus «autonomes») et ne perturbent pas ceux dits «en difficulté» (a priori les moins «autonomes»). l’élève peu «autonome» risque d’être plus perturbé par une pédagogie de l’autonomie que par une pédagogie classique, pour ainsi dire. En revanche, comme les autres pratiques pédagogiques esquissées plus haut, la pédagogie dite «de l’autonomie» s’annonce surtout fructueuse pour les «meilleurs élèves» a priori les plus «autonomes». Capables de s’adapter à n’importe quelle méthode d’enseignement, ces derniers assument aisément le paradoxe selon lequel le travail dit «en autonomie» consiste à mobiliser ses propres références afin de retrouver des critères d’hétéroréférence. Il serait pessimiste et décourageant de conclure que les élèves les «moins autonomes» pour réussir en classe sont systématiquement mis à mal par les dispositifs pédagogiques prévus pour développer l’autonomie. Au demeurant, si tout semble parfois se passer comme ( ( Résonances - Septembre 2002 Notes 1 Cf. D. Violet, 1996, Paradoxes, autonomie et réussites scolaires, Paris, L’Harmattan. 2 Cf. ibidem 3 Cf. op. cit. ( l’ auteur Sans négliger ces deux possibilités, il faut aussi considérer que le travail dit «en autonomie» puisse déstabiliser les élèves «en difficulté», a priori les moins «autonomes». Pour comprendre cela, il faut concevoir la réussite scolaire comme la conjonction de l’autoréférence de l’élève (c’est-à-dire sa capacité à faire lui-même), et de l’hétéroréférence représentée par le caractère conventionnel des savoirs scolaires et des méthodes de travail dispensés par le maître. On peut certes admettre que la présence renforcée des repères du professeur (hétéroréférence) risque d’anéantir les initiatives personnelles de l’élève (autoréférence); mais en l’absence relative de tels repères hétéroréférencés, fixes et bien définis, il n’est pas exclu que l’élève a priori peu «autonome» en classe ne parvienne ni à exercer son autoréférence, ni à retrouver l’hétéroréférence indispensable à la réussite. Autant dire que si l’école entretenait à son insu l’inégalité des chances, c’est probablement parce que les changements de pratique de la classe sont souvent décrétés de façon très empirique. Pour tenter de faire en sorte qu’une pédagogie dite «de l’autonomie» atteigne son objectif, il convient de considérer le fondement paradoxal qu’elle sous-tend. Adossée aux paradoxes du même et autre, de l’égalité et de l’inégalité, de l’identique et du différent, de l’autoréférence et héteroréférence, etc., la pratique de la classe suppose que l’enseignant assume de ne pas pouvoir ni transmettre ni conditionner l’autonomie qu’il souhaite voir advenir chez ses élèves. Dominique Violet, enseignant-chercheur, GREPCEA, IUFM d’Aquitaine, Laboratoire PAF, Université de Pau et des Pays de l’Adours. 9 E dith Wegmuller: l’autoévaluation pour développer l’autonomie Edith Wegmuller est chargée d’enseignement à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation à Genève. Elle est spécialisée dans le domaine de l’évaluation et des régulations des apprentissages et connaît donc bien les questions d’autoévaluation, d’évaluation formative et de développement de l’autonomie. Elle s’intéresse tout particulièrement à l’étayage par des outils favorisant la régulation des apprentissages, dont le portfolio et les guides d’apprentissage. Dans le dernier ouvrage qu’elle a co-signé avec Linda Allal, Dominique Bétrix Koehler, Laurence Rieben, Yviane Rouiller et Madelon Saada-Robert intitulé Apprendre l’orthographe en produisant des textes (Fribourg, Editions universitaires, 2001), figurent des exemples de guides élaborés dans le cadre des séquences proposées. ( Edith Wegmuller, quelle est votre définition de l’autoévaluation? Au sens strict, c’est une démarche qui consiste à dire quelque chose de son travail en vue d’une remédiation. Cette visée est malheureusement souvent oubliée dans les classes. On demande aux enfants de remplir des fiches et des grilles sur ce qu’ils maîtrisent et ne maîtrisent pas, mais on a tendance à oublier l’essentiel de l’autoévaluation, à savoir quelle utilisation faire de ces observations. Selon moi, le mécanisme d’autoévaluation comporte les trois phases de tout processus d’évaluation: il y a d’abord l’étape de la prise d’information, il y a ensuite le moment de l’interprétation puis celui de la prise de décision. Les instruments développés à l’école sont surtout efficaces pour la première phase, ce qui présente déjà l’avantage de la clarification des objectifs. Il faudrait donc un peu moins instrumenter cette première phase, pour ne pas oublier la régulation. Je partage la définition élargie de Linda Allal qui fait intervenir l’évaluation par les pairs et la comparaison avec l’enseignant. De fait, on ne peut dire quelque chose de soi-même que dans la confrontation aux avis des autres. Dès lors, l’autoévaluation au sens élargi englobe l’évaluation mutuelle et la co-évaluation. Sans cette interaction, ce mode d’évaluation est peu utile, car l’enfant se satisfait de ses réussites ou de ses non-réussites. 10 D’une certaine façon, cette définition élargie de l’autoévaluation permet de faire se rejoindre travail individuel et travail en groupe… Tout à fait, car on sait que l’on n’apprend pas tout seul. Dès lors, l’autonomie dans les apprentissages à l’école, c’est faire siennes les règles attendues, comme le dit Daniel Hameline, c’est mener ses propres affaires en trouvant de l’aide quand on estime en avoir besoin. L’autoévaluation au sens élargi englobe l’évaluation mutuelle et la co-évaluation. Pour l’élève, les camarades de classe et surtout l’enseignant font partie de ce recours possible. Le mécanisme de régulation peut aussi se faire via du matériel. Avec les élèves, je crée des guides d’apprentissage qui aident à clarifier le contrat de travail. L’objectif visé est de construire des instruments permettant à l’élève d’avoir davantage prise sur le savoir et de l’impliquer activement et de manière responsable dans l’acte d’apprendre. Il faut qu’il puisse devenir l’artisan de son apprentissage et de son évaluation. C’est lui qui va d’abord donner son avis sur son travail, ensuite il va se confronter à l’avis d’autres camarades et/ou à ma position d’enseignante et essayer de défendre son point de vue en argumentant. Mettre en place un dispositif de formation Certes, mais comment instrumentaliser cette démarche évaluative dans la classe? Il ne faut pas seulement une instrumentation, car celle-ci a quelquefois phagocyté le meilleur de l’innovation; il s’agit surtout de mettre en place un dispositif de formation et une appropriation des règles de la classe et du travail à effectuer par le biais d’une discussion et d’une négociation avec les élèves. Ce que je déplore, c’est que trop souvent l’implicite règne dans la classe. Parfois, un guide d’apprentissage élaboré ensemble permet d’entamer le dialogue. Ce qui est essentiel, c’est que les enfants comprennent le sens de la démarche. L’autoévaluation implique une prise de distance favorisant une meilleure appropriation du savoir, mais cela doit s’apprendre progressivement. C’est Résonances - Septembre 2002 ) à partir d’activités concrètes qu’il faut faire s’approprier par les élèves le comment chercher et où trouver les références utiles. A mon sens, c’est cela l’autonomie à l’école et la démarche d’autoévaluation contribue au développement de cette capacité. L’autonomie est en fait moins solitaire qu’il n’y paraît… Oui, mais on peine à se débarrasser de cette image de solitude de l’autonomie. Les adultes autonomes sont pourtant ceux qui savent faire appel à des personnes extérieures lorsqu’un problème dépasse leurs compétences. L’élève qui pose une question sur l’accord des verbes à l’un de ses camarades ou au maître exerce son autonomie, parce qu’il demande de l’aide pour réguler son apprentissage. Et souvent l’enseignant accompagne avantageusement le dictionnaire, car il peut réguler à chaud. Les démarches d’autoévaluation sont-elles gérables avec de très jeunes élèves? Pourquoi attendre qu’ils soient grands pour commencer? Bien au contraire, puisque cela s’apprend, commençons jeunes! Il suffit d’aller observer les enfants des petits degrés qui ont été familiarisés avec la démarche autoévaluative pour constater que cela est possible. A cinq-six ans, ils établissent un mini contrat imagé négocié avec la maîtresse et choisissent par exemple les ateliers de la journée et, s’ils ne respectent pas leurs engagements, il y a discussion et renégociation. Même si les stratégies visant à renforcer l’autonomie s’adressent en priorité aux élèves ayant des difficultés d’apprentissage, ne peut-on pas leur reprocher de favoriser les meilleurs élèves, souvent déjà autonomes? Ce qui reviendrait à dire qu’on ne prête qu’aux riches! Pour ma part, je cite toujours l’exemple de certains élèves qui, à l’entrée à l’école primaire, sont déjà lecteurs alors que d’autres ne le sont pas encore. Face à cette inégalité de départ, les enseignants pratiquent spontanément la différenciation. Pour l’autonomie, c’est pareil. En dehors de l’école, tous les élèves ont développé des formes d’autonomie, mais certains plus que d’autres. Le rôle de l’enseignant, c’est d’exploiter ce potentiel de façon différenciée. Aux élèves qui sont en avance du point de vue de l’autonomie, on peut demander d’expliquer à la classe comment eux s’y prennent face à une tâche à réaliser, on peut leur demander de venir en aide à leurs camarades qui ont des difficultés dans cette conquête, en les associant en duos. Le tout, c’est de faire comprendre à l’élève qui manque encore d’autonomie qu’il y aura lui aussi un jour accès, mais que son rythme d’acquisition est différent, tout comme pour les apprentissages disciplinaires. Penser travail en équipes Introduire l’autonomie dans la classe n’est dès lors pas de tout repos pour l’enseignant… C’est vrai, cela change sa posture et certains aimeraient bien de temps à autre avoir un «truc pour que les enfants travaillent tout seuls», selon la définition qu’ils donnent de l’autonomie. Cependant, développer l’autonomie des élèves dans la classe exige de penser autrement les dispositifs d’enseignement et pour l’enseignant aussi cela ne se fait pas tout seul. Il faut penser travail en équipes. ( Résonances - Septembre 2002 L’autoévaluation et l’autonomie dans la classe modifient considérablement le métier d’enseignant et celui d’élève… Je pense que oui. Tous les enseignants s’accordent sur la nécessité de consolider les apprentissages, via l’évaluation formative, l’autonomie et la motivation, ce n’est pas nouveau, mais ces processus sont complexes même si l’on sait aujourd’hui que certains dispositifs d’apprentissage sont plus efficaces que d’autres. Chez l’élève en difficulté, ce sont souvent les manques de prises de conscience et les ponts entre les parcelles de savoir qui font défaut. Pour l’enseignant qui souhaite introduire l’autoévaluation dans sa classe, qu’est-ce qui est le plus difficile? Pour commencer, il suffit de commencer, dit Philippe Meirieu. Cependant reconnaissons que nous n’avons pas tous le même rapport à l’innovation et au changement de représentations. Pour modifier notre approche de l’enseignement, commençons par analyser le contexte que nous proposons aux élèves ainsi que les dispositifs et moyens d’enseignement qui devraient leur permettre d’apprendre au mieux. Apprenons à ( Les élèves confrontent à deux leurs résultats. 11 devenir un praticien-réflexif. Ce serait une catastrophe de vouloir tout bouleverser. Il vaut mieux débuter par une démarche dans une discipline, en parler avec les collègues, les formateurs, évaluer ses avantages et ses limites. Il faut pouvoir prouver que les innovations apportent de vraies améliorations. Une chose est cependant certaine: il n’y a pas de recette miracle, mais plutôt adaptation à la diversité des pratiques. Avez-vous un exemple concret d’un petit pas vers l’autoévaluation? Je peux prendre l’exemple, trop connu peut-être, de la dictée ciblée sur l’accord des verbes. Les élèves donnent leur avis sur leur manière d’accorder les verbes, sur les références utilisées après avoir entouré ce qu’ils supposent être les 10 verbes de la dictée. Ils confrontent à deux leurs résultats. Lorsque l’enseignant regar- de les copies, il a une trace de leur raisonnement et il peut ainsi mieux les guider individuellement dans la révision orthographique. L’autoévaluation ne rejoint-elle pas la problématique de l’estime de soi puisqu’il s’agit de savoir ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas? Le sentiment d’efficacité personnelle, comme l’a nommé Dany Laveault, est en effet l’un des moteurs de l’apprentissage. Si l’enfant n’a pas le sentiment de pouvoir devenir efficace, il n’a pas envie d’apprendre. C’est seulement en ciblant l’apprentissage que l’amélioration est possible, d’où l’utilité du portfolio, recueil de documents authentiques de l’apprenant sur lesquels il peut poser un regard pour mesurer le progrès accompli. Propos recueillis par Nadia Revaz Regards croisés sur la définition de l’autonomie BERNARDETTE AYMON, enseignante en classe enfantine, Ayent Bernardette Aymon associe d’emblée l’autonomie au bien-être, à la confiance en soi et en l’autre, à la compétence et à la créativité. Elle définit l’autonomie de l’enfant à l’école enfantine comme la capacité de s’organiser tout seul au niveau des déplacements principalement, en précisant immédiatement que dans sa classe, point de place attribuée, puisqu’elle pratique la pédagogie par ateliers. Elle insiste sur un aspect essentiel à ses yeux: «L’autonomie, ce n’est pas l’anarchie, c’est au contraire quelque chose de très organisé, impliquant le respect d’exigences». Pour développer tout en canalisant l’indépendance de ses élèves, elle utilise des trucs pratiques, des repères visuels par exemple. Elle les incite par ailleurs à formuler des demandes. «Oser demander, c’est se prendre en charge», commente-t-elle. Elle ajoute aussi qu’il est important de donner des choix aux enfants, sans quoi l’autonomie est impossible. Selon elle, l’autonomie tend à atténuer la notion de compétition, ce qui est positif tout particulièrement dans les petits degrés. Elle pense qu’il ne faut pas attendre le passage en primaire pour encourager l’indépendance des enfants, même si c’est quelquefois un peu déstabilisant pour les adultes. MAURICE MOULIN, enseignant en 5e primaire, Martigny Pour Maurice Moulin, l’autonomie rime avec l’autogestion. «Un élève autonome a pris conscience de ses capacités et, lorsqu’il se sent incapable de quelque chose, il n’hésite pas à demander. Le rôle de l’enseignant consiste à ne pas trop vite l’aider, mais à lui proposer un cheminement pour trouver la solution par lui-même», explique-t- 12 il. A son avis, il vaut mieux parfois refuser l’aide directe et rappeler aux élèves qu’ils peuvent recourir aux livres et aux références qui se trouvent dans la classe. Afin de favoriser l’autonomie de ses élèves, des points de repère en lien avec la matière étudiée - sont affichés dans la classe. «On n’arrête jamais d’apprendre à être autonome, car c’est une notion relative», observe encore Maurice Moulin. Il considère que rendre l’élève autonome constitue l’un des objectifs prioritaires de l’école. Cependant, il y a un certain nombre de conditions à respecter, pour éviter les dérives d’une certaine époque où l’autonomie équivalait bien souvent à laisser faire. NADINE MICHELET, maman d’Agnès, 7 ans et demi, Sion La première définition donnée par Nadine Michelet de l’autonomie, c’est «être capable de faire seul». Elle ajoute presque immédiatement que «c’est savoir où et comment trouver l’aide nécessaire». Selon elle, l’autonomie est certes une question d’âge et d’apprentissage, mais elle se demande si ce n’est pas surtout affaire de caractère et de développement affectif. Elle considère bien naturellement que sa fille est trop petite pour trouver toutes les informations par elle-même. Toutefois, dans l’idéal, elle aimerait bien qu’elle puisse gérer seule ses devoirs à domicile ou au moins demander de l’aide sans attendre qu’elle lui soit proposée. Elle ne sait pas vraiment que faire concrètement pour l’aider à devenir plus autonome scolairement car, pour le reste, elle est très débrouille. «Je crois que je suis peut-être un peu trop exigeante et que je ne laisse pas assez de place à l’erreur», analyse Nadine Michelet. Elle précise qu’elle est exigeante parce qu’elle est admirative de sa fille. Résonances - Septembre 2002 ) D ’une autonomie clandestine à A. Capitanescu une autonomie reconnue Chatzis (1992), sociologue du travail, définit l’autonomie professionnelle comme «la capacité d’un sujet (individuel ou collectif) de déterminer librement les règles d’action auxquelles il se soumet, de fixer, à l’intérieur de son espace d’action, les modalités précises de son activité, sans qu’un extérieur (ici l’organisation formelle) ne lui impose ses normes». Aucun travailleur n’est réduit à une simple exécution mécanique des prescriptions. Même dans une organisation taylorienne du travail, les prescriptions ne peuvent jamais être exhaustives. Dans le travail le plus routinier, même en dehors des situations exceptionnelles, le salarié doit prendre de petites décisions et de petites initiatives, bref, faire preuve de jugement (De Terssac, 1992). Certains enseignants ont besoin d’autonomie pour réaliser des projets ambitieux. Une qualification plus élevée s’accompagne d’une plus grande autonomie. La tâche d’un professionnel de haut niveau est fixée par un contrat de travail ou de prestation, mais il a le choix des méthodes et des cheminements. Cependant, la manière d’atteindre les objectifs doit respecter la législation et l’éthique qui régissent la profession. En outre, au moins implicitement, le praticien doit se conformer à l’état des savoirs et à l’état de l’art, sous peine d’être accusé de faute professionnelle si les choses tournent mal. Comment situer le métier d’enseignant entre ces extrêmes? L’autonomie des enseignants Un enseignant peut-il «déterminer librement les règles d’action auxquelles il se soumet»? Peut-il «fixer, à l’intérieur de son espace d’action, les modalités précises de son activité»? La complexité des interactions humaines exclut plus encore que devant une machine des prescriptions couvrant tous les cas de figures. Peut-on dire pour autant que l’enseignant organise librement ses activités à condition ( Résonances - Septembre 2002 de respecter les objectifs assignés à son travail? Certainement pas! Il ne réinvente pas la forme scolaire tous les jours et il hérite d’une bonne dose de prescriptions. Dans nombre de systèmes éducatifs, l’organisation scolaire prescrit notamment: les horaires de présence en classe; les contenus de l’enseignement; leur répartition hebdomadaire au gré d’une grille horaire; l’aménagement et l’ameublement des lieux de travail; les formes et les procédures d’évaluation; la nature et la quantité de devoirs à domicile à donner aux élèves; certaines méthodes ou certains moyens d’enseignement; les conduites à ne pas tolérer et les sanctions qu’elles appellent; des règles d’hygiène, de sécurité, de civilité; les formes, les contenus, la périodicité de l’information à donner aux parents d’élèves et des contacts avec eux; les figures imposées ou autorisées de la coopération avec d’autres enseignants; les collaborations avec les professionnels de la santé ou du social. Selon chacun de ces axes, l’étendue et la nature des prescriptions diffèrent d’un système et d’un ordre d’enseignement à un autre. On connaît des programmes de centaines de pages et d’autres de quelques feuillets. Dans certains systèmes ou certains ordres d’enseignement, les enseignants sont entièrement libres de leurs méthodes et de leurs moyens, dans d’autres, l’administration impose des manuels ou recommande fortement des méthodes. Dans chaque cas, il faudrait donc dresser un état des prescriptions, donc aussi mettre en évidence le seuil auquel elles s’arrêtent, laissant aux praticiens le choix des modalités de leur travail. Dresser cet état des lieux est difficile, parce qu’il arrive rarement qu’un domaine soit entièrement prescrit et un autre entièrement libre. Dans chacun, l’institution fixe des standards qui laissent une marge de choix. Les textes diront par exemple qu’une moyenne doit être attribuée sur la base de 3 à 5 13 épreuves. Ou que les parents doivent être régulièrement informés des progrès de leurs enfants, laissant à l’enseignant le choix des modalités et de la périodicité. L’appréciation de l’autonomie laissée au professeur se complique du fait de l’existence, au-delà des textes, de prescriptions moins officielles, ou simplement d’attentes, qui émanent des élèves, des parents, des collègues, de la direction de l’établissement. Nul enseignant n’est en réalité libre de disposer à sa guise de la marge d’autonomie que lui reconnaissent les textes. Il doit composer avec d’autres normes. Son autonomie est donc à cet égard plus faible que celle dont il dispose «sur le papier». rer à leur lecture subjective des prescriptions et des risques qu’ils courent s’ils s’en écartent. Un rapport très ambivalent à l’autonomie Les enseignants veulent-ils davantage d’autonomie? Il n’y a pas de réponse unique à cette question. Le rapport des enseignants à l’autonomie varie selon les époques, les contextes institutionnels, les ordres d’enseignement, les disciplines, les cultures et les identités professionnelles. Ajoutons que des enseignants qui occupent le même statut et font le même travail n’ont probablement pas les mêmes désirs d’autonomie. À un extrême, on trouve des enseignants en quête d’autonomie, qui estiment que leurs initiatives sont bridées et plus souvent sanctionnées que valorisées par l’institution scolaire. A l’autre extrême, on rencontre des enseignants qui pensent que l’autonomie qu’ils possèdent est largement suffisante. Entre ces pôles, tous les dégradés sont possibles. ( Pour la plupart, en s’engageant dans l’institution scolaire, les enseignants acceptent de renoncer à une bonne part de leur liberté. Ils ne revendiquent pas une totale indépendance, ils ne veulent pas agir comme des artisans à leur compte. Mais presque tous veulent garder certains espaces de liberté, préserver des zones de «micro-souveraineté» dans leur travail au quotidien avec les élèves. Ils s’éloignent des prescripPour comprendre le rapport des enseignants à l’autonomie, tions lorsque celles-ci leur paraissent inutiles, l’analyse des textes officiels ne suffit pas. inadéquates ou trop contraignantes. Ayant à ajuster sans cesse leur action à la vie de la classe et à la Elle est en même temps souvent plus forte, parce que réalité des élèves (Barrère, 2002; Perrenoud, 1987), ils l’organisation scolaire n’exerce qu’un contrôle diffus et n’ont que faire de règles inapplicables ou qui ralentissporadique sur les manières de faire en classe. L’enseisent et compliquent sans profit leur travail. gnant, travaillant en solitaire, porte fermée, peut se permettre d’ignorer de nombreuses prescriptions sans Cette autonomie «volée» reste clandestine. Nul ne prendre de grands risques. Le contrôle externe est diffigagne à crier sur tous les toits qu’il ne respecte pas incile, les collègues qui savent ferment souvent les yeux, à tégralement le programme de mathématique ou n’a charge de revanche. Dans une école où presque tous les pas le temps, les moyens ou les connaissances requises enseignants arrivent en retard ou surveillent mollement pour organiser des expériences scientifiques, faire de la les récréations, nul ne prendra la peine de rappeler ses musique, animer des activités sportives. collègues à l’ordre. Quant aux chefs d’établissements et aux corps d’inspection, s’ils ont en principe la responsabilité du contrôle, ils ont d’autres chats à fouetter et saL’autonomie ne se limite pas à ces rétrécissements. vent aussi qu’un excès de surveillance ou de répression Certains enseignants en ont besoin pour réaliser des peut envenimer sans profit le climat. Dans le métier projets ambitieux, mener des activités qui ne sont pas d’enseignant, l’autonomie de facto est donc souvent inscrites dans les programmes. plus grande que l’autonomie de jure. Ce qu’il faut prendre en compte lorsqu’on s’intéresse aux aspirations Vers une autonomie professionnelle des enseignants. Pourquoi se battraient-ils contre des reconnue? prescriptions que personne ne prend au sérieux ou dont nul n’a les moyens de contrôler le respect? Aujourd’hui, dans plusieurs systèmes scolaires, le processus de décentralisation offre une plus large autonomie Pour comprendre le rapport des enseignants à l’autoaux établissements scolaires. Des cycles d’apprentissage nomie, l’analyse des textes ne suffit pas, il faut se réfépluriannuels sont créés. On invite les professionnels à 14 Résonances - Septembre 2002 ) Les enseignants sont-ils prêts à échanger une autonomie clandestine mais confortable contre une autonomie ouvertement assumée, qui s’accompagne de davantage de responsabilités? On peut en douter. Leur ambivalence est compréhensible. Non seulement parce qu’ils préfèrent le connu à l’inconnu, mais aussi parce que les réformes scolaires et les idéologies actuelles leur proposent une figure de l’enseignant qui ne correspond pas véritablement à l’identité, aux représentations du métier et aux aspirations du plus grand nombre. Si les systèmes éducatifs étaient prêts à assumer les contreparties de la prise d’autonomie qu’ils demandent aux enseignants, le dialogue pourrait s’engager sur des bases saines. Mais l’ambivalence apparaît bien partagée! Références bibliographiques Barrère, A. (2002) Les enseignants au travail, Routines incertaines, Paris, L’Harmattan. Cahiers Pédagogiques (2000) L’autonomie de l’enseignant, n°384, mai. Chatzis, K., Mounier, C., Veltz, P. et Zarifian, P. (1999) L’autonomie dans les organisations. Quoi de neuf ? Paris, L’Harmattan. De Terssac, G. (1992) L’autonomie dans le travail, Paris, PUF. Perrenoud, Ph. (1987) «L’ambiguïté instituée. A propos de la liberté méthodologique des maîtres primaires» in Educateur, n°6, pp.10-14. Perrenoud, Ph. (1996) «Le métier d’enseignant entre prolétarisation et professionnalisation: deux modèles de changement» in Perspectives, volume XXVI, n°3, septembre, pp. 543562. Perrenoud, Ph. (2000) «Déviance déloyale, initiative vertueuse ou nouvelle norme?» in Cahiers Pédagogiques Dossier: L’autonomie de l’enseignant, n°384, mai, pp. 14-19. ( l ’ a ut e u r e coopérer pour assurer un suivi plus cohérent des élèves. Dans ce nouveau contexte et dans la perspective de la professionnalisation du métier d’enseignant et de la pratique réflexive, s’esquisse un nouveau partage des décisions et des responsabilités entre l’administration scolaire et les enseignants. On propose à ces derniers des programmes-cadres, des objectifs pluriannuels, des indications didactiques larges, une plus grande marge dans l’organisation du travail. Andreea Capitanescu Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève. L’autonomie en citations Organisation et évaluation du travail La pédagogie de l’autonomie ne se réduit pas à des pratiques ponctuelles de travail autonome. Il s’agit d’une orientation pédagogique d’ensemble mettant l’accent sur la participation de l’élève à son propre apprentissage et la nécessité de lui donner plus d’initiatives et de responsabilités. Les diverses formes d’activités scolaires sont toutes subordonnées à la réalisation de l’objectif d’autonomie: le professeur accepte fondamentalement le principe d’associer progressivement les élèves à l’organisation du travail comme à la prise de décision et à l’évaluation. G. et J. Pastiaux. Précis de pédagogie. Paris: Nathan, Repères pratiques, 1997. Définition étymologique La notion d’autonomie, essentiellement philosophique, doit être entendue, dans la plupart des classes de l’enseignement primaire et secondaire, dans un sens plus pragmatique que philosophique. (…) Un regard sur l’étymologie peut être éclairant: nomos, ce sont les lois; l’autonomie est la capacité de régler par soi-même sa ( Résonances - Septembre 2002 conduite selon des lois. L’hétéronomie, à l’inverse, est la soumission à des lois extérieures, imposées. La conquête de l’autonomie serait donc la prise de conscience de ces lois, et l’intégration de ces lois dans un advenir personnel, dialectique entre contrainte et liberté. Louis Arénilla, Bernard Gossot, Marie-Claire Rolland, Marie-Pierre Roussel. Dictionnaire de Pédagogie. Paris: Larousse Bordas, 1996. Glissement vers d’autres notions Au voisinage immédiat du lieu commun, la notion d’autonomie, telle qu’on la voit en grande faveur dans l’éducation et la formation, demeure une notion susceptible de glissements sémantiques constants, mais tolérables parce qu’il n’est pas moyen de faire autrement, vers des notions voisines: liberté de mouvement, émancipation à l’égard des tutelles, non-dépendance, initiative, accomplissement de soi, responsabilité, droit d’avoir des droits, et tous les composés commençant par le préfixe auto, etc. Jean Houssaye (Coord.), Questions pédagogiques. Paris: Hachette éducation, 1999. (Article de Jean Houssaye sur l’autonomie). 15 L ’autonomie, une question P. Perrenoud Se donner ses propres règles d’action, de fonctionnement, de vie, c’est facile à dire! Pour être autonome, il faut d’abord le vouloir, se concevoir comme un être libre et se rebeller contre tout ou partie des normes et des directives dont on est l’objet. L’autonomie est d’abord une question d’identité, de projet, d’image de soi. Il ne suffit pas cependant de vouloir être autonome. Tout acteur est pris dans des rapports sociaux, une culture, des coutumes, des attentes. Il est assujetti à une législation et, dès qu’il adhère à une organisation, à ses règles internes. L’autonomie se conquiert activement, soit en transgressant habilement les règles, soit en négociant leur assouplissement, soit encore en parvenant à une position qui garantisse davantage de pouvoir. Un acteur doit se démener pour obtenir l’autonomie dont il rêve. Il doit aussi se battre, parfois, pour refuser une autonomie qu’il n’a pas demandée et qu’on lui assigne, avec des responsabilités qu’il ne veut pas prendre. Chacun voudrait bien être entièrement libre s’il n’avait pas à assumer les conséquences de cette liberté. Comme l’autonomie ne va pas sans responsabilités, les êtres humains choisissent parfois la liberté avec le risque et la responsabilité, ils préfèrent dans d’autres circonstances faire ce qu’on leur dit sans avoir à rendre compte des conséquences. Le paradoxe de la liberté est qu’on peut choisir d’être esclave. Si elle s’étend à toute l’existence, cette «peur de la liberté» est sans doute une forme d’aliénation. Mais Fromm (1963) a montré que nous sommes tous pris dans des ambivalences. La probabilité d’obtenir exactement le degré d’autonomie auquel il aspire, ni plus, ni moins, à un moment de sa vie, dépend des compétences que l’acteur peut mettre en œuvre. De même que l’argent ne fait pas le bonheur, les compétences ne font pas l’autonomie, mais elles y contribuent. Autonomie et compétence Les rapports entre compétence et autonomie s’établissent dans les deux sens. Selon Zarifian (2001), «l’autonomie est une condition incontournable d’un déploiement de la compétence», parce que la compétence n’existe que si l’acteur a ou se donne une marge d’initiative et de décision, ne se borne pas à suivre des prescriptions. 16 de compétence? Aucune organisation n’a intérêt à tout prescrire, elle compte sur le jugement des salariés pour prendre la bonne décision (Terssac, 1992; Perrenoud, 2000). L’étendue de l’autonomie ouvertement reconnue, voire imposée par l’organisation du travail, dépend de la confiance faite au salarié. Cette confiance dépend de nombreux facteurs, parmi lesquels les compétences qu’on lui prête et leurs corollaires: sang-froid, lucidité, sûreté du jugement, conscience de ses propres limites, appui sur l’expertise collective. Dans le travail, on peut donc dire qu’une compétence avérée est une condition nécessaire pour se voir reconnaître une forte autonomie, en même temps que cette dernière est une condition du déploiement, mais aussi du développement de la compétence. Les compétences ne font pas l’autonomie, mais elles y contribuent. Qu’en est-il dans d’autres univers sociaux, la famille, le monde associatif, le monde sportif, le voisinage, la cité politique? Il n’y a aucune raison que les rapports entre autonomie et compétences y soient entièrement différents, mais il faut néanmoins tenir compte du fait que les choses y sont moins clairement et précisément réglées que dans le monde du travail. Ce qui rend plus perceptible un autre lien entre compétences et autonomie, qui vaut aussi pour les relations professionnelles: pour être autonome, il faut d’abord comprendre les règles dites et non dites en vigueur, les rapports de force, les relations et les jeux de pouvoir, les alliances possibles, les failles du contrôle social, le prix à payer pour obtenir davantage d’autonomie, que ce soit en termes d’efficacité, de loyauté, de réciprocité, de flatterie. Deux types et deux niveaux de compétence sont donc en jeu dans l’exercice de l’autonomie: 1. Les compétences dont il faut faire preuve pour que les autres vous «laissent» agir à votre guise dans un domaine défini (la cuisine, l’éducation d’un enfant, l’informatique, les placements boursiers, l’organisation des vacances, etc.) Résonances - Septembre 2002 ) 2. Les compétences stratégiques qu’il faut mettre en œuvre pour élargir pratiquement sa marge d’initiative ou faire reconnaître formellement ses compétences aussi bien que l’autonomie et les initiatives qu’elles autorisent. J’ai identifié (Perrenoud, 1999, 2002) huit compétences qui permettent à un acteur de construire et de défendre son autonomie dans divers champs sociaux ou diverses organisations: 1. Savoir identifier, évaluer et faire valoir ses ressources, ses droits, ses limites et ses besoins. 2. Savoir, individuellement ou en groupe, former et conduire des projets, développer des stratégies. 3. Savoir analyser des situations, des relations, des champs de force de façon systémique. 4. Savoir coopérer, agir en synergie, participer à un collectif, partager un leadership. 5. Savoir construire et animer des organisations et des systèmes d’action collective de type démocratique. 6. Savoir gérer et dépasser les conflits. 7. Savoir jouer avec les règles, s’en servir, en élaborer. 8. Savoir construire des ordres négociés par-delà les différences culturelles. Les compétences du premier type diffèrent selon le domaine et l’activité considérés. La façon de les attester varie, elle aussi. Dans le travail salarié, on demande une qualification, des diplômes ou la démonstration d’une expertise pratique; dans d’autres domaines, par exemple la politique, les professions libérales ou l’éducation des enfants, on sanctionne l’incompétence en ne renouvelant pas un mandat, en retirant amour ou confiance, ou en privant du droit d’exercer une activité ou une responsabilité. Les compétences du second type sont moins dépendantes du contexte. Elles sont d’ordre psychosociologique, même si leur exercice suppose toujours une forme d’expertise ou de familiarité avec une activité et son cadre organisationnel. Elles donnent aux acteurs la «clé des champs». Les champs ne sont pas ici de verts pâturages, mais les champs sociaux tels que Bourdieu les a conceptualisés et dont j’emprunte à Lafaye (1996) quelques traits génériques: un champ est un espace structuré – et donc hiérarchisé – de positions ou de postes dont les caractéristiques sont relativement indépendantes de leurs occupants; chaque champ se définit par des enjeux et des intérêts spécifiques irréductibles à ceux d’un autre champ: ce qui fait courir un scientifique n’est pas ce qui fait courir un homme d’affaires ou un ecclésiastique; un champ implique également la détention ou la constitution d’un capital propre à celui-ci. Détenir un fort capital économique est essentiel dans le champ des affaires mais totalement incongru dans le champ scientifique où le capital pertinent est d’une autre nature: une thèse, des publications de haut niveau, une reconnaissance internationale, etc.; un champ est aussi un espace dynamique dans lequel se jouent des luttes pour conserver ou subvertir l’état des rapports de force: occuper les positions dominantes, transformer des positions dominées en positions dominantes, stabiliser des positions instables, faire reconnaître des positions situées aux frontières du champ, en disqualifier d’autres, etc.; Le champ financier, artistique, médical, immobilier, littéraire, sportif, politique sont des champs connus de tous, mais chaque organisation est elle-même analysable comme un champ social ou un ensemble de champs articulés les uns aux autres. ( Résonances - Septembre 2002 Ces compétences, ensemble ou séparément, font la différence, à position égale dans un champ social ou une organisation, entre les acteurs qui défendent et développent leur autonomie et ceux qui, au contraire, ne parviennent même pas à percevoir et à utiliser le peu de marge de manœuvre que le système leur laisse. Les compétences qui favorisent l’autonomie et donnent la clé des champs sont-elles développées par le système éducatif? Ou relèvent-t-elles au contraire de l’éducation familiale? Dans cette seconde éventualité, l’apprentissage des tactiques et des stratégies de l’autonomie serait réservé aux héritiers, aux enfants de ceux qui occupent déjà des positions de pouvoir… La démocratisation de l’accès à l’autonomie devrait être une question centrale pour ceux qui se préoccupent de prévention de la violence ou d’éducation à la ( La citoyenneté passe par un équilibre stable entre autonomie et intégration à un ensemble. 17 citoyenneté. La violence est très souvent une réaction contre le sentiment d’être étouffé, dépendant, esclave du système, et ne pas savoir comment infléchir pacifiquement la situation. Qu’elle soit inefficace ne l’empêche pas, car elle est l’expression de la haine ou du désespoir davantage que d’un calcul rationnel. Quant à la citoyenneté, au-delà des valeurs qui en forment le soubassement idéologique – démocratie, respect d’autrui, du droit et des différences, non violence, solidarité –, elle passe par la recherche d’un équilibre stable entre autonomie et intégration à un ensemble, liberté individuelle et bien public. Lafaye, C. (1996) La sociologie des organisations, Paris, Nathan. Perrenoud, Ph. (1999) La clé des champs: essai sur les compétences d’un acteur autonome. Ou comment ne pas être abusé, aliéné, dominé ou exploité lorsqu’on n’est ni riche, ni puissant, Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. Perrenoud, Ph. (2000) L’autonomie au travail: déviance déloyale, initiative vertueuse ou nouvelle norme?, Cahiers Pédagogiques, n°384, mai, pp. 14-19. Perrenoud, Ph. (2001) The Key to Social Fields: Competencies of an Autonomous Actor, in Rychen, D. S. and Sagalnik, L. H. (dir.) Defining and Selecting Key Competencies, Gottingen, Hogrefe & Huber Publishers, p. 121-149. Terssac, G. de (1992) Autonomie dans le travail, Paris, PUF. Références Chatzis, K., Mounier, C., Veltz, P. et Zarifian, Ph. (dir.) (1999) L’autonomie dans les organisations. Quoi de neuf?, Paris, L’Harmattan. Fromm, E. (1963) La peur de la liberté, Paris, Buchet-Chastel. Zarifian, Ph. (2001) Le modèle de la compétence, Paris, Éditions Liaisons. ( l’ auteur Le rôle de l’école n’est pas d’imposer un modèle unique de rapport au monde, mais d’aider chacun à savoir de quelle dose d’autonomie il a besoin pour vivre et par quels moyens il peut la garantir. Philippe Perrenoud est professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève. Laboratoire Innovation, Formation, Education (LIFE): http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/LIFE Courriel: [email protected]. Internet: http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/ L’autonomie en citations Autonomie comportementale et intellectuelle On définira l’autonomie comportementale comme la capacité d’agir avec réflexion et en connaissance des enjeux personnels et sociaux de ces actions. L’autonomie intellectuelle sera définie comme la capacité à lire, à écrire, à utiliser les documents ou les instruments courants du travail exigé par les différentes disciplines scolaires, sans dépendre anormalement de l’aide ou du jugement d’autrui. Louis Arénilla, Bernard Gossot, Marie-Claire Rolland, Marie-Pierre Roussel. Dictionnaire de Pédagogie. Paris: Larousse Bordas, 1996. Culture de l’autonomie La recherche de pédagogies «autonomisantes», tournées vers l’activité de l’apprenant, ses projets, ses choix dans les activités à partir de la mise à disposition de ressources variées et adaptées, dans le cadre d’activités individuelles et collectives d’exploration et de recherche, ne date pas d’hier. Elle est étayée sur la longue tradition de l’éducation dite «nouvelle» (travail en petits groupes, liberté d’organisation, démocratie dans la classe, méthodes actives, ouverture sur l’extérieur). Coordination Jean-Claude Ruano-Borbalan, Philippe Cabin. Eduquer et former. Auxerre: Editions Sciences Humaines, 2e édition, 2001. Un site sur l’autonomie http://pages.infinit.net/autonome/autonomie est l’adresse d’un site sur l’autonomie, faisant suite à un colloque s’adressant tout particulièrement aux enseignants du primaire. Le site s’articule en cinq sections. On y trouve également un quiz de connaissances sur l’autonomie et une bibliographie. 18 Autodirection des apprentissages Il s’agit de promouvoir l’autodirection des apprentissages, non l’autoaliénation par la formation; de développer des formes d’autoformation «éducatives» et non des pratiques voilées d’abandon pédagogique; de favoriser l’autonomie de sujets sociaux engagés dans leur propre changement et non de subtiles formes de darwinisme social porteur d’exclusion. Coordination Jean-Claude Ruano-Borbalan, Philippe Cabin. Eduquer et former. Auxerre: Editions Sciences Humaines, 2e édition, 2001. Résonances - Septembre 2002 ) F loue, ambiguë, contradictoire R. Etienne et pourtant nécessaire! Fort satisfait de son escapade dans la France profonde, M. J.-P. E., Inspecteur Pédagogique Régional d’Éducation Physique et Sportive, se dirigeait d’un bon pas vers le gymnase dont le Principal lui avait indiqué le chemin. Il reconnut la silhouette athlétique de J. M. bizarrement penchée sur la porte entrouverte du bâtiment et il lui tapota l’épaule droite, intrigué par ce cours conduit de l’extérieur. Sans s’émouvoir, J. M. lui enjoignit le silence en portant son index dressé à la bouche. Puis, il murmura: «Je les ai mis en autonomie et maintenant je les observe.» Combien d’anecdotes assimilant l’autonomie à une non-directivité mal comprise ont fait les délices des salles de professeurs, voire le succès éphémère de livres dénonçant le laxisme des pédagogues? Cette attitude ne mérite-t-elle pas mieux qu’une rapide condamnation et un rappel peu argumenté du rôle de maître et d’élève? Pour avoir il y a peu dénoncé ses pièges (Étienne, 2000a), je me dois d’expliquer à quelles conditions elle opère, même si c’est un objet pédagogiquement suspect, et de commencer par un embryon de définition. Je la situerai au cœur de l’apprentissage et de l’enseignement et je terminerai par l’évocation de sa dimension éducative. Une question de définition L’autonomie vient du monde politique et réside dans une nuance, floue mais aisée à comprendre, avec l’indépendance: concéder l’autonomie à une province, c’est lui permettre de faire certains choix tout en la soumettant à une autorité centrale et nos amis québécois en savent quelque chose. Ce concept ambigu fut pourtant transposé sur le plan éducatif au moment où la domesticité du personnel enseignant qu’aime à rappeler Jacques Ardoino ne suffit plus à assurer le degré d’instruction exigé par l’explosion des savoirs. Il s’agissait de reprendre une vieille lune pédagogique mise en forme par John Dewey et son learning by doing fondateur d’une pédagogie du projet. Nous pouvons donc considérer l’autonomie des élèves comme une habile invention d’enseignants désireux de faire faire spontanément aux élèves ce que les programmes ont déterminé, mais ne les appliquent-ils pas Prochain dossier: La culture ( Résonances - Septembre 2002 eux-mêmes plus ou moins librement? Construction en abîme, prescription manipulatrice, cette conception chère à Henri Ford, qui concédait au client le choix de la couleur de son véhicule pour peu que ce fût le noir, a fait florès et il en va de même de l’autonomie des enseignants aujourd’hui ligotés par les référentiels de compétences ou des établissements dont le projet balance entre mythe et réalité (Obin, 2001). Il s’agit d’inciter les uns et les autres à se soumettre des règles d’action construites personnellement ou socialement mais dans un cadre défini extérieurement. L’étymologie, on le voit, est trompeuse: l’objectif n’est pas de se donner ses propres lois mais d’obéir à l’injonction paradoxale, voire contradictoire, de l’école: apprends par toi-même dans un espace qui a multiplié les contraintes! La marge, le conflit et la connaissance Ni Socrate, ni les pédagogues qui lui ont emboîté le pas ne sont des tyrans. Le pari éducatif fournit la seule issue de l’aporie: miser sur les degrés d’autonomie pour entraîner les élèves sur les chemins de la liberté (Sartre, 1945). Autrement dit, si l’erreur d’un enseignement uniquement transmissif réside dans sa confiance abusivement placée dans la répétition, dans son système de motivation uniquement axé sur les récompenses et les sanctions (Étienne, 1992, p. 15-31), celle de la pédagogie par objectifs n’est pas moindre dans la mesure où elle n’envisage qu’une façon d’exécuter la tâche et d’en tirer des programmes d’enseignement rigides et source de décrochage scolaire, quand bien même elle multiplie les techniques de remédiation. Il n’est évident ni pour les élèves ni pour leurs maîtres d’accéder à la liberté et aux responsabilités qui l’accompagnent. Pour apprendre, il faut pouvoir se tromper et ce droit à l’erreur se transforme presque en devoir d’errance d’où l’invention astucieuse du travail autonome: «En matière d’éducation, l’autonomie consiste pour l’élève à se donner ses propres fins, ses propres méthodes et à apprendre à s’autoévaluer. Elle est susceptible de degrés et de progrès, et engage à une redéfinition des tâches et des rôles de l’enseignant quand elle est pratiquée dans le 19 Les limites du pédagogique, l’unicité du sens et le choix d’éduquer par l’autorisation En fait, il convient de poser le problème en termes de construction réelle de compétences, d’acquisition de connaissances et de capacité à se mouvoir dans une société complexe et contradictoire: elle prescrit l’autonomie comme mode opératoire mais reprend les rênes dès que les effets du stratagème dépassent la prévision! Tout enseignant apprécie que l’élève reste dans les limites assignées et tout élève résiste à l’aventure qui le ferait sortir de son métier si précisément analysé par Philippe Perrenoud (1994). Nous retrouvons ici l’ambiguïté fondamentale de l’autonomie qui doit être perçue comme un moyen, une ruse, et non comme une finalité. Car la finalité est dans l’éducation, dans le choix d’éduquer (Meirieu, 1991): il n’est évident ni pour les élèves ni pour leurs maîtres (compris comme des magistri – qui en savent plus – et non Utiliser la co-construction comme des domini – comme moteur de l’action. qui dominent) d’accéder à la liberté et aux responsabilités qui l’accompagnent. Cette dimension éthique risque d’être oubliée si l’autonomie se résume à un simple dispositif didactique colporté par des publications professionnelles modélisantes ou des formations stéréotypées. ( Seules l’interaction, la médiation, la négociation et l’inéluctable altération qui en résulte pour les uns et pour les autres rendent possible l’éducation et Pierre Madiot (2000) souligne que tout repose sur la 20 co-construction du sens de l’école mais aussi de la société: «Ainsi, il faudrait comprendre la notion d’autonomie comme la possibilité de développer une démarche qui mette en œuvre le liberté et la responsabilité d’enseignants qui s’adressent à des élèves libres et responsables en droit et en puissance.» N’est-ce pas cela l’autorité des maîtres, autoriser les élèves à s’autoriser (Cifali, 1994), au sens premier de faire grandir? Bien sûr, il est plus commode de reproduire des comportements issus de la mémoire scolaire, de nier la mission émancipatrice de l’école, l’enfermer dans ses murs et engendrer les phénomènes de violence et de répression que l’on connaît. C’est ainsi que je propose d’affronter les conséquences de l’autonomie des élèves, des enseignants et des établissements (Étienne, 2000b): fuir la prescription, ce qui est plus facile à écrire qu’à faire, mais surtout situer cette pratique dans un réseau qui utilise la co-construction comme moteur de l’action, donc faire le deuil de la maîtrise et prendre des risques guidés par des valeurs éducatives. Ce qui suppose des évolutions, voire des révolutions dans la formation des maîtres et celle de leurs formateurs dès lors conçues et réalisées dans une logique d’alternance intégrative (Tozzi, 2001). Telle est la suite de l’histoire que nous sommes tous invités à écrire: comment éduquer à la liberté par l’autonomie… Références citées dans l’article Cifali, M. (1994). Le lien éducatif: contre-jour psychanalytique. Paris: PUF. Étienne, R., Baldy, A. et R., Benedetto, P. (1992, 5e édition en 2000). Le projet personnel de l’élève. Paris: Hachette. Étienne, R. (2000a). Je ne veux plus être autonome, Cahiers Pédagogiques, 384, 26-27. Étienne, R. (2000b). Les réseaux d’établissements, enjeux à venir. Paris:ESF. Leslbaum, N. (1994). Article «autonomie», p.98. de Champy, Ph., Étévé, Ch. Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation. Paris: Nathan Université. Meirieu, Ph. (1991). Le choix d’éduquer. Paris: ESF. Obin, J.-P. (2001). Le projet d’établissement en France: mythe et réalité. Politiques d’éducation et de formation, n°1, p.9-27. Bruxelles: De Boeck Université. Perrenoud, Ph. (1994). Métier d’élève et sens du travail scolaire. Paris: ESF. Sartre, J.-P. (1945). L’âge de raison, les chemins de la liberté. Paris: NRF-Gallimard. Tozzi, M., Étienne, R. (2001). Quelle identité professionnelle pour notre métier? Montpellier: CNDP-CRDP, collection Documents, Actes et Rapports pour l’Éducation. ( l’ auteur cadre scolaire.» Cette définition de Nelly Leslbaum (1994) place la barre très haut et respecte ce que l’on sait de l’apprentissage qui ne peut procéder que par résolution d’un conflit entre un savoir ancien (ou, si vous préférez, une représentation) inadéquat à la situation rencontrée (situation problème ou projet à conduire) et une nouvelle compétence à acquérir dans l’action. Il faut donc de la marge pour que les sujets puissent se déplacer individuellement (conflit cognitif) ou, mieux, collectivement (socio-cognitif). Les enseignants ne peuvent donc pas ne pas faire reposer les apprentissages sur une autonomie de plus en plus marquée des élèves et, pour cela, pratiquer eux-mêmes l’autonomie dans des actions prenant en compte le contexte même s’ils ne perdent jamais de vue la mission qui leur est confiée. Richard Étienne est maître de conférences en sciences de l’éducation à l’Université Paul Valéry Montpellier III et directeur de publication des Cahiers pédagogiques. Résonances - Septembre 2002 ) P our aller plus loin… Marie-José Barbot, Giovanni Camatarri. Autonomie et apprentissage: innovation dans la formation. Paris: Presses universitaires de France, 1999, VII, 244 p. (Education et formation. Pédagogie théorique et critique) Cote ORDP: IV-3-b BAR Grenoble: CRDP de l’académie de Grenoble, 1999, 211 p. Cote ORDP: IV-3-b BRU Marie-Françoise Chesnais. Vers l’autonomie: l’accompagnement dans les apprentissages. Paris: Hachette Education, 1998, 207 p. (Questions d’éducation) Cote ORDP: IV-3-b CHE Danièle Guilbert. Et si l’autorité, c’était la liberté?. Paris: La Martinière, 2001, 215 p. Cote ORDP: IV-2-c GUI Alain Guillotte, Thiébaud Lardier. 3 à 6 ans: l’enfant metteur en scène de sa vie. Lyon: Chronique sociale, 1986, 62 p. Cote ORDP: IV-2-a GUI Marie-Agnès Hoffmans-Gosset. Apprendre l’autonomie, apprendre la socialisation. Lyon: Chronique sociale, 1987, 161 p. Cote ORDP: IV-2-c HOF Claudine Leleux. Repenser l’éducation civique: autonomie, coopération, participation. Paris: Cerf, 1997, 120 p. (Humanités) Cote ORDP: II-3 LEL T. Berry Brazelton. L’âge des premiers pas: une déclaration d’indépendance. Paris: Payot, 1985, 164 p. (Psychologie) Cote ORDP: IV-2-a BRA Roger Brunot, Laurence Grosjean. Apprendre ensemble: pour une pédagogie de l’autonomie. Philippe Meirieu. Maria Montessori: peut-on apprendre à être autonome ?. S.l.: Pemf, 2001, 47 p. (L’éducation en questions) Cote ORDP: IV-3-b MEI Scott G. Paris, Linda R. Ayres. Réfléchir et devenir: apprendre en autonomie: des outils pour l’enseignant et l’apprenant. Paris: De Boeck Université, 2000, 212 p. (Animer sa classe). (primaire, secondaire I, secondaire II) Cote ORDP: IV-3-b PAR Jean Ravestein. Autonomie de l’élève et régulation du système didactique. Bruxelles: De Boeck [et] Larcier, 1999, 138 p. (Perspectives en éducation) Cote ORDP: IV-3-b RAV Pierre Vayer. Le principe d’autonomie et l’éducation. Paris: ESF, 1993, 174 p. (Science de l’éducation) Cote ORDP: IV2-c VAY Autonomie et conditionnement chez l’enfant et l’adolescent. Bruxelles: Labor, 1986, 307 p. (Education 2000) Cote ORDP: IV-2-c AUT Marie Monthus. Apprendre l’autonomie au [centre de documentation et d’information] CDI. Paris: Hachette éducation, 1997, 207 p. (Pédagogies pour demain. Centre de ressources) Cote ORDP: IV-5-0 MON Pourvu qu’ils m’écoutent: discipline et autorité dans la classe. Le Perreux-sur-Marne: CRDP de l’académie de Créteil, 1997, 214 p. (Champ pédagogique) Cote ORDP: IV-3-b POU L’autonomie en citations TIC et collaboration Entre indépendance et interdépendance Les technologies de l’information, de la communication et de l’éducation ont mis en avant l’autonomie de l’apprenant, parfois comprise comme la solitude de cet apprenant et donc comme antinomique à sa socialisation dans l’acte d’apprentissage. (…) Notre lecture met en avant le fait que les nouvelles technologies sont (comme l’était l’imprimerie) des technologies du partage du savoir. Laurence Vincent-Durroux, Rachel Panckhurst et al. Autoformation et autoévaluation: une pédagogie renouvelée. Montpellier: METICE, 2001. (Texte d’Henri Portine intitulé «Autonomie et collaboration: un couple paradoxal»). Si la notion d’indépendance est un élément constituant de l’autonomie, l’interdépendance ne l’est pas moins. (…) Cette dualité indépendance-interdépendance se retrouve également dans la définition proposée par Portine: «L’autonomie, c’est construire un projet d’action et gérer la réalisation de ce projet au sein d’une structure qui définit les contraintes globales et apporte une aide lorsqu’elle est nécessaire». Laurence Vincent-Durroux, Rachel Panckhurst et al. Autoformation et autoévaluation: une pédagogie renouvelée. Montpellier: METICE, 2001. (Texte de Françoise Blin intitulé «Mesurer l’autonomie des apprenants: de la théorie à la pratique»). ( Résonances - Septembre 2002 21