Les démarches compétences dans les PME
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Les démarches compétences dans les PME
071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 10:21 Page 2 LES DÉMARCHES COMPÉTENCE DANS LES PME SYNTHÈSE ET ENSEIGNEMENTS DES QUATRE « ATELIERS D’ARAVIS » EN 2007 La gestion des compétences n’est pas un sujet nouveau. Depuis plusieurs décennies déjà, dirigeants d’entreprise, chercheurs et professionnels du conseil conçoivent et mettent en œuvre des méthodes visant à développer les compétences des salariés pour maintenir la performance des entreprises dans un contexte en perpétuelle mutation. Ces démarches, souvent initiées par de grandes entreprises, n’ont pas connu le même succès dans les PME-PMI. Pour Aravis, une démarche compétence doit participer au développement de la performance économique et sociale de l’entreprise et intègrer dans ses finalités la sécurisation de l’avenir des salariés. L’ambition des « Ateliers d’Aravis » était d’identifier, avec une vingtaine de consultants, ce qui faisait la spécialité de la PME (moins de trois cents salariés) en matière d’enjeux, d’attentes et de moyens à mettre en œuvre dans la conduite de démarches compétence. La réflexion reposait sur trois questions majeures : – En quoi le développement des compétences peut-il permettre un gain de performance pour l’entreprise ? – Comment mettre en œuvre des démarches simples et efficaces au regard du manque de moyens financiers et du peu de temps disponible dans ces entreprises ? – Comment répondre aux besoins de chacun des acteurs de l’entreprise (salariés, encadrement, direction et représentants du personnel) ? Ce document reprend : 1. Les enseignements tirés de cinq expériences d’entreprises de secteurs d’activités différents, accompagnées par des intervenants externes. Les questions soulevées en ateliers avec les consultants présents. 2. Synthèse : quatre points-clés débattus lors des ateliers www.aravis.aract.fr 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 10:21 Page 3 LES « ATELIERS D’ARAVIS » CONDUITS EN 2007 ATELIER 1 Quelles sont les caractéristiques des différentes approches en matière de gestion des compétences aujourd’hui ? Intervenants : Florence Loisil (Anact), Philippe Contassot (Aract Languedoc-Roussillon) ATELIER 2 Qu’est-ce qui caractérise la petite entreprise, notamment en ce qui concerne la définition de la stratégie, la gestion des ressources humaines, l’organisation du travail, le management, les processus de décision ? Quels sont les impacts de ces spécificités sur la gestion des compétences ? Intervenant : Christian Defelix (intervenant et chercheur à l’Université de Grenoble) ATELIER 3 Quelles méthodes d’intervention faut-il développer pour que les petites entreprises puissent accéder financièrement à des prestations d’accompagnement sur le champ des compétences ? Intervenant : Antoine Masson (Aract Pays-de-Loire) ATELIER 4 Comment mettre en place un système de reconnaissance des compétences qui prenne en compte les contraintes spécifiques des petites entreprises ? Intervenant : Christian Jouvenot (Aract Nord - Pas-de-Calais) SOMMAIRE PAGE 03 CINQ EXPÉRIENCES D’ENTREPRISES : QUESTIONS SOULEVÉES EN ATELIER ET ENSEIGNEMENTS PAGE 09 QUATRE POINTS-CLÉS TRANSVERSAUX PAGE 10 LANCER UNE DÉMARCHE COMPÉTENCE EN PME : QUELQUES PRÉCAUTIONS INDISPENSABLES PAGE 10 ADAPTER LES MODES D’INTERVENTION AUX « MOYENS COMPTÉS » DES PME ET À LEURS SPÉCIFICITÉS DE FONCTIONNEMENT PAGE 11 CONSTRUIRE AVEC L’ENCADREMENT, CONSOLIDER AVEC LE RESPONSABLE DES RESSOURCES HUMAINES PAGE 12 FORMALISER LES LEVIERS DE RECONNAISSANCE, UN ENJEU MAJEUR POUR UNE DÉMARCHE COMPÉTENCE Ont contribué pour Aravis Colette Desbois, François Jutras, Renaud Lévi-Alvares, Christine Martin-Cocher, Chantal Prina 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 10:21 Page 4 ATELIER 1 SAMRAP L’ENTREPRISE ET SA DÉMARCHE Samrap, une librairie généraliste indépendante qui emploie 100 personnes (moyenne d’âge trente-cinq ans), existe depuis 1948. Elle est dirigée depuis 1992 par trois anciens salariés. L’entreprise évolue dans un marché contraint et concurrentiel. Sur son créneau, la seule logique du volume (best-sellers) n’est pas viable. Son avantage concurrentiel réside dans sa capacité à développer un service de qualité se caractérisant par : – Une diversité de l’offre, – Une réactivité vis-à-vis des commandes, – Un conseil spécifique aux clients. La direction fonde sa stratégie sur ces éléments dans un contexte de croissance régulière bien que l’activité demeure variable et saisonnière. Les salariés expriment des attentes en matière de rémunération et de perspectives professionnelles dans un contexte où la convention collective fait l’objet d’une refonte au niveau national. En 2005, les dirigeants misent sur un projet d’entreprise pour relier diversité et qualité de l’offre à la qualification du personnel. Cela pour mieux répondre aux attentes évolutives des clients et améliorer l’efficacité globale de l’entreprise. Ils privilégient l’approche collective de la performance plutôt qu’un management par objectifs individualisés. La démarche compétence, menée sur dix-huit mois, est centrée de façon prioritaire sur les activités librairie et logistique considérées comme le cœur de métier. Bien que jugés très importants pour l’organisation, certains métiers sont volontairement exclus de la démarche (caissières par exemple), compte tenu des faibles perspectives d’évolution et du moindre enjeu de fidélisation pour l’entreprise. La démarche compétence implique la direction, le comité d’entreprise et un groupe projet, ce qui permet de répondre à une double préoccupation : 1. Prendre en compte les différentes attentes et rechercher des compromis opératoires. 2. Préparer ensemble l’avenir de l’entreprise grâce à une participation élargie. En ce sens, pour se rapprocher du travail réellement fait, les référentiels ont été élaborés par des groupes métiers impliquant les acteurs directement concernés. LES ENSEIGNEMENTS La qualification du personnel est un enjeu majeur où peuvent se rejoindre les intérêts de l’entreprise et ceux des salariés. Chez Samrap, il s’agit de satisfaire les attentes des salariés en matière de parcours et de rémunération. Pour la direction, il s’agit de développer un service client de qualité (diversité, réactivité, conseil spécifique…). On peut faire l’hypothèse que le fait que les dirigeants de Samrap soient d’anciens salariés a contribué à privilégier une approche collective et coopérative entre les métiers. L’habitude d’innover, de remettre en cause l’organisation et le management, et la mise en œuvre antérieure d’outils RH, attestent d’une certaine maturité qui a favorisé la démarche. La mobilisation des acteurs dans la durée est difficile en PME, et ce d’autant plus lorsque l’activité est variable et saisonnière. Chez Samrap, un des leviers utilisé par les intervenants externes pour éviter le délitement a consisté à jalonner la démarche de points d’étape pour verrouiller les avancées auprès des acteurs. PAGE 3 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 10:21 Page 5 ATELIER 2 MICROTECK L’ENTREPRISE ET SA DÉMARCHE Créée en 1992, cette entreprise située dans une niche du secteur de la micro-électronique connaît depuis une croissance extrêmement rapide : 50 salariés en 1996, 223 en 2001 et plus de 1000 en 2006. En 1996, la direction décide d’intégrer un spécialiste des ressources humaines pour assurer la croissance (120 recrutements dans l’année), renforcer le management et répondre aux aspirations des salariés en termes d’évolution. Le DRH organise le recrutement, l’intégration, la formation (10 % de la masse salariale), la fidélisation… Et progressivement, les entretiens annuels intègrent les définitions de postes formalisées initialement dans le cadre d’une démarche qualité. L’acquisition des compétences devient vitale. Il s’agit d’anticiper à froid les conséquences des évolutions technologiques. Des profils de postes permettent de recruter au-dessus des compétences nécessaires. Gérer les compétences répond à une nécessité. Le DRH cherche à garantir l’employabilité (interne et potentiellement externe) des salariés. Il subordonne donc la promotion interne à l’obtention d’un diplôme et met en place une démarche progressive d’habilitation : le coefficient de rémunération augmente avec les niveaux, ce qui, dans une entreprise où les salaires des opérateurs sont réduits, se veut une incitation à la formation. Pour promouvoir les techniciens aspirant au poste d’ingénieur, un système de chartes d’évolution permet le financement, par l’entreprise, d’une formation diplômante effectuée en partie sur le temps de travail. L’évaluation du système commanditée par le DRH montre que, si tous les salariés trouvent légitime la préoccupation de gérer les compétences, l’entretien annuel est perçu comme nécessaire mais incomplet, n’abordant ni l’évolution personnelle souhaitée, ni les questions de rémunération. Les managers trouvent cet entretien déconnecté de leurs pratiques et de leurs besoins quotidiens. 1. Encadrants : au sens de la fonction et non du statut 2. Outils RH : entretiens, modalités de recrutement, profils de postes, référentiels métiers… PAGE 4 Par ailleurs, on observe que le développement des compétences via une formation diplômante se fait dans des parcours organisés de façon unique et cloisonnée, ce qui entraîne un sentiment d’amertume pour tous ceux qui n’ont pas de perspectives d’évolution en dehors de la voie tracée de la formation. LES ENSEIGNEMENTS Lorsque l’entreprise est sur un secteur à fort développement technologique et à activité croissante, il est difficile d’anticiper sur les compétences nécessaires à moyen terme. Une des solutions est alors de miser sur le potentiel des salariés. ∞Dans le cas de Microteck, au lieu de recruter au niveau BEP par exemple, l’entreprise recrute au niveau Bac et l’évolution des techniciens vers des niveaux d’ingénieur se fait via des parcours de mobilité interne. Préfigurer une employabilité basée sur le diplôme ne peut pas se faire sans la concertation avec les salariés. Le dispositif de gestion des compétences mis en place par le DRH de Microteck paraît vertueux (anticiper sur l’évolution des compétences et garantir l’employabilité des salariés). Pourtant il génère de l’insatisfaction du fait de la nonprise en compte des attentes des salariés. Impliquer l’encadrement dans l’élaboration d’un dispositif de gestion des compétences permet d’articuler la politique RH et le management. Faire en sorte que les encadrants1 relayent la politique RH2 et mettre en place des outils pour gérer les compétences sont deux facteurs importants pour intégrer et prendre en compte les besoins et préoccupations des salariés. 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 10:21 Page 6 ATELIER 3 PLASTIMOR L’ENTREPRISE ET SA DÉMARCHE Plastimor1 est une PME de plasturgie. Engagée dans une démarche de GPEC depuis quelques mois, elle souhaite professionnaliser son encadrement afin qu’il se positionne réellement comme manager auprès des opérateurs. Le directeur général espère ainsi « ne plus être obligé de descendre dans l’atelier pour résoudre des problèmes de production ». Les résultats attendus sont donc l’autonomie des équipes dans la gestion des aléas de fabrication et conséquemment une amélioration de la performance. Les entretiens exploratoires avec le directeur administratif et financier (DAF), puis le directeur général, font apparaître des attentes sensiblement différentes. Le premier considère qu’il faut préparer les encadrants à la conduite des entretiens annuels, afin qu’ils soient en mesure d’évaluer aussi objectivement que possible leurs collaborateurs. Le directeur général, quant à lui, en tant qu’élu au sein de son organisation professionnelle, veut mener en priorité la mise en place de la nouvelle grille de classification fondée sur les compétences. Par ailleurs, il attend des réponses concrètes aux dysfonctionnements constatés en production. Mais tous deux s’accordent à dire que l’un des points faibles du système est l’absence d’une véritable ligne hiérarchique et que l’action doit porter prioritairement sur l’encadrement de proximité. LES ENSEIGNEMENTS Lors de l’analyse de la demande de l’entreprise, il est bien sûr essentiel de rencontrer les acteurs-clés afin d’identifier leurs enjeux. Mais il est aussi fondamental de les rencontrer ENSEMBLE afin de faire émerger l’expression d’une commande partagée. La demande résultant souvent d’une analyse partielle et unilatérale des dysfonctionnements, le commanditaire va exprimer sa demande selon « la solution » qui s’impose à lui. Pour le DAF de Plastimor, il s’agit de la formation des managers. L’encadrement de proximité est souvent désigné comme bouc émissaire responsable des dysfonctionnements de l’entreprise. Dans le cas de Plastimor, le fait que le directeur général descende résoudre les problèmes de fabrication est symptômatique de la « déresponsabilisation » de l’encadrement de proximité. Cela met en évidence la nécessité d’organiser la délégation et de clarifier le besoin d’évolution des rôles et responsabilités à chaque niveau de la ligne hiérarchique. Dans sa proposition, le cabinet doit prendre en compte la commande de l’entreprise tout en analysant les causes des problématiques évoquées dans la phase d’exploration de la demande. Pour Plastimor, il faudra répondre en termes de formation des managers et en même temps travailler sur la répartition des missions entre les différents niveaux hiérarchiques et sur les compétences afférentes. Pour concilier la demande et les besoins de l’entreprise, trois options méthodologiques ont été posées dans l’atelier : – Analyser au préalable, avec l’équipe de direction, les pratiques et les besoins de l’entreprise en matière de management (démarche descendante) ; – Mener une analyse avec l’encadrement de proximité pour ensuite faire des propositions à la direction (démarche ascendante) ; – Impliquer TOUT l’encadrement dans une réflexion participative et itérative pour aboutir à un projet partagé en termes d’enjeux et de priorités. Chaque proposition comporte des risques : – Démarche descendante : la direction peut être perçue en mode « d’imposition » ; – Démarche ascendante : la direction risque de devoir faire face à des propositions difficiles à gérer ensuite ; – Démarche itérative : il y a un risque d’alourdir la démarche et d’avoir à gérer un problème de disponibilité des acteurs et de durée de l’intervention. Dans tous les cas, partir des dysfonctionnements avérés et partagés du système sera un facteur-clé de réussite. 1. NB : La démarche conduite par cette entreprise a été étudiée à partir du cahier des charges du projet, et à l’aide d’entretiens fictifs menés avec le DAF, puis avec le DG. Les enseignements portent essentiellement sur la méthodologie de conseil, et en particulier l’analyse de la demande et l’élaboration de la proposition. PAGE 5 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 10:21 Page 7 ATELIER 4 TAPAD L’ENTREPRISE ET SA DÉMARCHE Le centre Tapad est composé de trois structures qui accueillent de jeunes handicapés moteurs. Ses 200 salariés se répartissent en quatre grandes familles professionnelles : santé, éducation, administration, services généraux. L’encadrement est majoritairement issu de la promotion interne. Le centre connaît aujourd’hui des changements importants : La proportion d’adolescents accueillis augmente (par rapport au nombre d’enfants) ; L’accueil en internat diminue. Dans le même temps, la demande de « services de suite » à domicile s’accroît fortement ; Sous la pression des financeurs, chaque structure est désormais gérée indépendamment des deux autres. Chacune doit satisfaire à des procédures administratives et à des critères de qualité spécifiques. Ces changements ont des conséquences sur les conditions d’exercice de certaines professions, ainsi que sur le contenu du travail. Il en résulte des évolutions importantes concernant les besoins en compétences et les logiques de reconnaissance. Tous les métiers ne sont pas touchés de la même manière. En l’occurrence, les métiers de la santé (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes…) grâce d’une part à la structuration de leur profession, et d’autre part à la reconnaissance externe dont ils bénéficient, souffrent peu de ces mutations. En revanche, c’est beaucoup plus problématique pour les métiers de l’éducation (éducateurs spécialisés, moniteurs éducateurs). En effet, pour ces derniers, la reconnaissance se construit avant tout en interne : à travers le regard des bénéficiaires (hier les enfants, aujourd’hui les adolescents), mais aussi à travers l’évaluation hiérarchique qui va désormais être fonction des nouvelles exigences des financeurs. PAGE 6 Pour gérer ces changements, la directrice, en poste depuis dix ans, multiplie les réunions (comité de direction, réunions d’encadrement, commission médicale d’établissement, comité qualité…). Pour autant, ces instances sont perçues par les salariés qui y participent, non comme des lieux de concertation, mais principalement comme un moyen de faire redescendre de l’information. Loin de créer de l’adhésion, ces modalités d’animation génèrent des tensions au sein de l’équipe d’encadrement, de l’inquiétude et de la confusion au sein du personnel. LES ENSEIGNEMENTS Les évolutions de l’environnement du centre ont des conséquences en cascade : – Sur l’activité et sur l’organisation (changement de public, évolution vers l’externe); – Sur le contenu de certains métiers qui peuvent nécessiter la mise en œuvre de compétences nouvelles et faire évoluer la représentation des acteurs quant à leur compétence pour réaliser leur métier; – Sur les modalités et les critères de reconnaissance au niveau individuel, dans les collectifs de travail (entre pairs) et de la part de l’organisation. 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 La mise en place de modalités collectives pour intégrer les évolutions doit aller de pair avec un changement du mode de management. Chez Tapad, l’animation managériale adoptée ne favorise ni la construction de nouveaux repères collectifs, ni la prise en compte des besoins en compétences consécutifs aux évolutions de métiers. La spirale négative qui s’enclenche alors aboutit à un sentiment de non-reconnaissance qui explique en partie les freins vis-à-vis des changements engagés. 10:21 Page 8 La construction de nouveaux repères, de nouveaux critères de reconnaissance, doit passer par un travail d’élaboration collective piloté par la direction. Lorsque la directrice de Tapad ne prend pas réellement en compte le participatif, les tensions apparaissent, les équipes de travail se délitent. MON MÉTIER ÉVOLUE. JE N’AI PLUS TOUTES LES COMPÉTENCES POUR L’EXERCER BESOINS D’ÉVOLUTION DES COMPÉTENCES NON PRIS EN COMPTE PAR L’ENTREPRISE « On ne me donne pas les moyens de développer les compétences nouvelles dont j’ai besoin » « On (les clients, ma direction) ne me reconnaît plus comme compétent » « Je ne me reconnais plus comme compétent » PAGE 7 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 10:21 Page 9 ATELIER 4 SARL HUET L’ENTREPRISE ET SA DÉMARCHE La SARL Huet (43 salariés) est une menuiserie industrielle régionale. Elle a un savoir-faire reconnu dans la fabrication d’ouvrages hors normes. Face à un marché en forte progression, elle doit étoffer l’effectif de l’atelier aluminium. Or les menuisiers sont rares et les nouveaux ne restent pas. Ce turnover est coûteux économiquement (temps d’intégration) et « affectivement » (chaque départ est vécu comme un échec). L’analyse du fonctionnement de l’atelier va mettre en évidence les causes endogènes de ces difficultés d’intégration : – chaque ouvrier réalise en totalité le travail d’usinage et d’assemblage d’un produit ; – les temps de fabrication ne sont pas imposés, mais cela induit entre les professionnels une certaine émulation ; – rien n’a été réellement formalisé dans les étapes de fabrication, et les documents techniques conçus par des stagiaires sont restés dans les tiroirs. LES ENSEIGNEMENTS Il est difficile, pour une organisation fondée à la fois sur l’autonomie et sur la maîtrise professionnelle, d’intégrer des nouveaux. Et, si rien n’est fait pour faciliter leur professionnalisation, ces derniers ne se sentent pas reconnus dans leur besoin légitime d’acquérir les savoir-faire du métier et préfèrent quitter l’entreprise. Lorsqu’il valorise implicitement la maîtrise professionnelle et la performance individuelle, le système de reconnaissance conforte la relation identitaire que les menuisiers ont vis-à-vis de leur métier. Pour Huet, il en résulte un fonctionnement des menuisiers en vase clos qui ne les incite pas à prendre en compte les enjeux de l’entreprise, qu’il s’agisse du service clients ou de la professionnalisation des nouveaux pour leur intégration. PAGE 8 Il est nécessaire de mettre en évidence les leviers de reconnaissance implicites, afin d’analyser leur influence sur le fonctionnement de l’organisation, en particulier lorsque l’entreprise est en phase de mutation. Le sens que confère au travail la possibilité de réaliser un ouvrage du début à la fin est, pour un professionnel accompli, souvent plus important que le niveau de rémunération. Pour Huet c’est un facteur de fidélisation déterminant. La professionnalisation des nouveaux embauchés passe par la formalisation des étapes de fabrication et des « savoirs » mobilisés dans le travail et nécessite l’implication des seniors. Pour Huet, c’est probablement l’une des solutions au problème de turn-over rencontré avec les nouveaux embauchés. 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 10:21 Page 10 QUATRE POINTS-CLÉS TRANSVERSAUX LA RÉFLEXION SUR LES COMPÉTENCES, AU CARREFOUR DES ÉVOLUTIONS DE L’ENTREPRISE STRATÉGIE DÉMARCHE COMPÉTENCE MANAGEMENT ORGANISATION Au-delà des études de cas qui permettent de ressortir les points-clés de chacune des démarches compétence, nous souhaitons reprendre en conclusion quelques-uns des points ayant fait l’objet de débats lors des quatres ateliers : 1. Lancer une démarche compétence en PME : quelques précautions indispensables, 2. Adapter les modes d’intervention aux « moyens comptés » des PME et à leurs spécificités de fonctionnement, 3. Construire AVEC l’encadrement, consolider avec le responsable des RH, 4. Formaliser les leviers de reconnaissance, un enjeu majeur pour une démarche compétence. PAGE 9 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 10:21 Page 11 1. LANCER UNE DÉMARCHE COMPÉTENCE EN PME : QUELQUES PRÉCAUTIONS INDISPENSABLES 2. ADAPTER LES MODES D’INTERVENTION AUX « MOYENS COMPTÉS » DES PME ET À LEURS SPÉCIFICITÉS DE FONCTIONNEMENT Une démarche compétence n’a de sens que si elle répond à des enjeux stratégiques pour l’entreprise : – améliorer la qualité de service pour garantir un positionnement marché, – anticiper les évolutions technologiques, – organiser la délégation et développer l’autonomie des salariés, – garantir une organisation « coopérative » pour permettre l’intégration et le transfert de compétences… Au-delà d’objectifs de projet partagés, la démarche doit prendre en compte les différents enjeux des acteurs dans l’entreprise. Les PME ont beaucoup de priorités à gérer de manière concomitante. Elles ont peu de moyens et des difficultés à organiser la disponibilité des acteurs. Cela nécessite un travail sur la demande pour : Aider les acteurs à prendre de la hauteur par rapport à leur demande initiale et aux solutions envisagées. Prévoir, lorsque les attentes sont différentes, la confrontation des points de vue pour expliciter les enjeux et rendre possible un accord sur les objectifs attendus. Cibler certains métiers. Pour garder la mobilisation des acteurs et éviter les « usines à gaz », il est préférable de sélectionner les services, sites, métiers, qui répondent à des enjeux prioritaires pour l’entreprise. Et un travail sur la construction du projet « démarche compétence » : Un diagnostic participatif pour mettre à jour ce que chaque acteur risque et espère. Un processus itératif dans la gestion du projet, entre des acteurs de terrain et la direction, pour permettre l’émergence d’une dynamique concertée dans la durée. PAGE 10 De ces constats découlent quelques recommandations pour un accompagnement sur la durée : Prévoir un cadrage précis et plusieurs étapes courtes : objets limités, formalisation des résultats attendus, acteurs ciblés, méthodologies adaptées, points de suivi. L’enchaînement des étapes est possible, mais attention à la précipitation. Prendre le temps de formaliser les acquis avant d’envisager la marche suivante. Enfin l’intervenant externe doit doser, dans sa proposition d’accompagnement, la pertinence technique et la faisabilité (notamment en termes d’acceptation économique) et la souplesse dans ses modalités de travail (ajustements, glissements des échéances…). 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 3. CONSTRUIRE AVEC L’ENCADREMENT, CONSOLIDER AVEC LE RESPONSABLE DES RH Quelle que soit la « porte d’entrée » d’une démarche compétence (changement de métier, organisation, stratégie, questionnement sur les missions et le rôle du management…), il nous semble essentiel que la direction soit « moteur » de la démarche. Par ailleurs, nous postulons que l’encadrement de proximité contribue de façon majeure à l’évaluation, au développement et à la reconnaissance des compétences. 10:21 Page 12 Éviter de rendre l’encadrement, souvent jugé trop technique, responsable des dysfonctionnements, et de lui faire jouer le rôle de bouc émissaire. Impliquer l’encadrement de façon opérationnelle tout au long de la démarche pour en partager les finalités et répondre à ses besoins tout en l’outillant pour son travail au quotidien (et pas simplement une fois dans l’année lors de l’évaluation). Pour que cette contribution soit efficace dans la durée, la direction doit : Affirmer le positionnement de l’encadrement de proximité : préciser et formaliser rôle et missions attendus, accompagner l’encadrement pour sa montée en compétence. De la gestion des compétences au management par les compétences Le choix du management par les compétences implique que l’entreprise articule ses priorités stratégiques, organisationnelles et humaines, et qu’elle mette en place une dynamique de développement (nouvelles formes d’organisation du travail, perspectives d’évolution professionnelles, reconnaissance des compétences). Si l’encadrement de proximité identifie les compétences, participe au développement des situations de travail formatives, à l’organisation de relations tuteur / tutoré… Les RH ou l’encadrement supérieur peuvent également organiser des temps de prise de recul pour assurer un bilan des compétences individuelles et collectives, interroger les besoins de formation et les attentes en matière de reconnaissance. Enfin, lorsqu’ils existent au préalable, les outils de gestion des RH doivent être « ré-interrogés » au regard des nouvelles priorités de l’entreprise, notamment pour être en cohérence avec un nouveau mode de « management par les compétences ». PAGE 11 071219-docsensib-competence.qxd:3 VOLETS - 210X297mm - Q 21/12/07 10:21 Page 1 LA GESTION DES COMPÉTENCES DANS LES PME, UNE DÉMARCHE DE MANAGEMENT MUTUELLEMENT PROFITABLE DÉMARCHE DE MANAGEMENT DES ORGANISATIONS MUTUELLEMENT PROFITABLE Un processus collectif et progressif Qui vise la satisfaction des attentes des clients et le renforcement de la compétitivité À la recherche d’un relatif équilibre entre contributions et rétributions 4. FORMALISER LES LEVIERS DE RECONNAISSANCE, UN ENJEU MAJEUR POUR UNE DÉMARCHE COMPÉTENCE Les « moyens comptés » des PME nécessitent de rechercher la diversification des modes de reconnaissance, le levier rémunération n’étant qu’un des éléments à prendre en compte. Les modalités de reconnaissance sont le plus souvent implicites Les évolutions (stratégie, organisation, métier…) peuvent avoir un impact majeur sur le modèle culturel de reconnaissance. Certains critères de reconnaissance peuvent servir certains objectifs (autonomie, qualité…) et aller à l’encontre d’autres (intégration de jeunes). Enfin, l’évolution des critères de reconnaissance nécessite un travail participatif pour garantir l’adaptation au contexte et l’acceptation par les différents acteurs. Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle Rhône-Alpes Agence Rhône-Alpes pour la valorisation de l’innovation sociale et l’amélioration des conditions de travail 14, rue Passet – 69007 Lyon – T. 04 37 65 49 70 – F. 04 37 65 49 75 – [email protected] – www.aravis.aract.fr DÉCEMBRE 2007 – TERRE DE SIENNE – Imprimé sur papier recyclé blanchi sans chlore. La reconnaissance de la compétence sera d’autant plus envisageable qu’elle sera formalisée (identification des compétences clés, processus de transmission) et organisée (tutorat, formation…).