Acte I, scène 1 de Ruy Blas - Geert

Transcription

Acte I, scène 1 de Ruy Blas - Geert
HUIZING Geert-Jan 1°S1
Acte I, scène 1 de Ruy Blas
Le Maître et le Valet
Problématique
En quoi peut-on considérer que cette scène 1 de l'acte I est une scène d’exposition particulière ?
Introduction
[ Présentation de Victor Hugo ]
Il écrit Ruy Blas en 1838, l'un des drames romantiques les plus représentatifs du genre. Il tient de
la tragédie par la peinture des passions et de la comédie par celle des caractères. L'action se
déroule à la cour d'Espagne au XVIIe siècle.
Lecture
Annonce des axes
Après une longue didascalie initiale, le dialogue entre les personnages apporte les réponses aux
questions que l'on peut se poser lors d'une scène d'exposition. Pour répondre à la question « En
quoi peut-on considérer que cette scène 1 de l'acte I est une scène d’exposition particulière ? »,
j'étudierai deux axes :
1. Les éléments d'une scène d'exposition
2. Mais une scène d'exposition qui n'est pas réellement classique
I – Les éléments d'une scène d'exposition
Dans les didascalies et les dialogues se retrouvent tous les éléments d'une scène d'exposition avec
la présentation du cadre spatio-temporel, les personnages et la mise en place e l'intrigue.
A – Le cadre spatio-temporel
Le lieu
La didascalie initiale nous présente le décor de la pièce, qui évoque la richesse. On retrouve par
exemple les mots « ameublement magnifique » (l. 1-2 de la didascalie). Les vêtements des
personnages et la localisation montre que l'action se déroule à la cour, au milieu de la noblesse.
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Non seulement Victor Hugo nous décrit avec exactitude les lieux et les personnages, mais il place
également ces derniers dans l'espace. Ainsi, l'indication « entre par la petite porte de gauche »
(l. 10 de la didascalie initiale) nous permet de visualiser l'entrée de Don Salluste, qui sera suivi par
les autres personnages.
L'heure et l'époque
Don Salluste annonce au vers 2 « Ils dorment encor tous ici, — le jour va naître. ». Ceci nous
indique que l'action se déroule à l'aube.
En ce qui concerne l'époque, il faut relever « du temps de Charles II » (l. 13 de la didascalie
initiale). Charles II a régné en Espagne — ceci nous donne également le lieu, de façon plus globale
— de 1665 à 1700. Par conséquent, l'histoire est ancrée dans la deuxième moitié du XVII e siècle.
B – Les personnages
[ Don Salluste ]
Gudiel
Il est noble car il porte l'épée, mais a moins d'importance que Don Salluste. En effet, Gudiel est
nommé en 2e et intervient en 2e. De plus, il porte les paquets, ce qui fait de lui un serviteur de Don
Salluste, le plus vraisemblablement.
Cette notion de serviteur est renforcée par le fait de Don Salluste appelle Gudiel par son prénom
alors que ce dernier appelle son maître « monseigneur » (v. 24).
Gudiel a un rôle de confident, il est certes un homme de l'ombre mais est néanmoins important.
« Depuis vingt ans » (v. 32), il est le maître de Don Salluste et a « aidé » (v. 33) celui-ci quand cela
était nécessaire.
Ruy Blas
Ruy Blas est un valet, et est vêtu comme tel, c’est-à-dire « en livrée » (l. 16 de la didascalie
initiale). Il est nommé en 3e, et paraît être à la merci des autres, tête nue et sans épée. Il se
contente d'obéir aux ordres, comme nous le montre la didascalie entre les vers 1 et 2.
Ruy Blas intervient très peu, avec de courtes répliques et des marques de respect envers Don
Salluste. Le spectateur peut être intrigué car d'une part, Ruy Blas a l'air d'être le personnage le
moins important, mais d'autre part, il donne son nom à la pièce. On attend les bouleversements
qui justifieront son importance.
Don César
Son nom peut sous-entendre une certaine noblesse, du fait de la particule et de l'homonymie avec
le célèbre général romain. Il est mentionné et présenté physiquement à la fin de la pièce, mais
n'intervient pas.
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Don César est un personnage troublent car sa présentation indique un noble mais ces vêtements
sont ceux d'un miséreux, et même d'un aventurier comme le sous-entend l'épée de spadassin.
La suivante
La suivante de la Reine est la cause des problèmes de Don Salluste. Elle est ipso facto présentée de
façon péjorative :
•
« fille de rien » (v. 8)
•
« donzelle » (v. 9)
•
« créature » (v. 11)
La Reine
Son nom est cité seulement, aux vers 8, 30 et 50. Tout comme la suivante, le fait qu'elle soit citée
plusieurs fois induit qu'elle a de l'importance dans l'histoire.
C – La mise en place de l'intrigue
La présentation des personnages est indissociable de celle de l'action, et les entrées et sorties des
personnages structurent la scène et mettent en évidence les différentes données de l'action.
Il est possible de séparer cet extrait en deux parties. En effet, on peut observer une rupture au
moment ou Gudiel sort de la pièce. Cette rupture se caractérise par un changement de temps et de
lexique. En revanche, Don Salluste reste un point fixe et les deux parties s'articulent autour de lui.
1e partie
Les temps utilisés sont :
•
L'impératif, qui donne les relations hiérarchiques entre les personnages.
•
L'imparfait, qui rappelle la gloire passée de Don Salluste et les événements ayant
contribué à sa chute.
•
Le présent d'énonciation, qui explique au spectateur les actions se déroulent au moment
même.
•
Le futur, qui permet d'annoncer au spectateur les action de Don Salluste pour se venger de
sa situation.
De plus, la ponctuation est très expressive — on peut dénombrer 26 points d'exclamation — et les
phrases sont souvent courtes et déstructurées. Cette déstructuration peut se traduire par la
présence de tirets (« — ») ou, plus rarement, par des vers s'étendant sur plusieurs répliques,
comme le vers 30. Nous pouvons également observer de nombreuses répétitions comme « Ah ! »
(v. 3 et 5) ou « tout ce que » (deux fois au vers 19 et une fois au vers 20).
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Tout cela montre que la situation affecte énormément Don Salluste, qui est à la fois très pressé et
très en colère.
2e partie
Si la première partie est avant tout un monologue de Don Salluste parfois entrecoupé très
brièvement par Gudiel des adresses à celui-ci de la part de son maître, la seconde est un véritable
dialogue entre Don Salluste et Ruy Blas. Cette partie est plus brève, les répliques plus courtes.
Cependant, elles sont mieux organisées et en majorité déclaratives.
Les personnages n'utilisent presque que deux temps : les présents de l'indicatif et de l'impératif.
Ceci montre que Don Salluste a repris ses esprits et prend des décisions. Ruy Blas montre
d'ailleurs du respect, dans ses paroles et dans ses gestes, à cette figure autoritaire.
Le ressaisissement de Don Salluste se retrouve également dans les didascalies, qui ont une grand
importance dans cette deuxième partie dans le sens où ils présentent les nouveaux personnages
— Ruy Blas et Don César — et décrivent la nouvelle façon de se comporter de Don Salluste. Ce
dernier a visiblement des idées en tête pour accomplir sa vengeance et les fait exécuter dès à
présent.
La scène se finit sur un aparté de Don Salluste. Cet aparté attise la curiosité du lecteur par rapport
à la suite du récit par la ponctuation, qui redevient subitement expressive, et d'étonnement
marqué de Don Salluste. Cet étonnement est dû au fait que Ruy Blas et Don César se connaissent,
ce qui ajoute à l'intrigue du récit.
Transition
On a bien tous les éléments d'un scène d'exposition qui pourrait faire penser à une tragédie
classique, bien que certaines différences avec celle-ci sont sensibles.
II – Une scène d'exposition qui n'est pas classique
En effet, un certain nombre d'éléments ne répondent pas aux règle de la tragédie.
A – Le cadre spatio-temporel
La tragédie classique se situe dans l'Antiquité ou dans la mythologie. Le cadre est généralement la
salle du trône ou l'antichambre. Ce lieu n'est généralement pas décrit, il est unique et plus
symbolique que réel.
Ici en revanche les précisions importantes des didascalies initiales créent un cadre défini — la
cour d'Espagne — inscrit dans une époque moderne — le XVIII. C'est l'une des caractéristiques du
drame romantique. Le foisonnement romantique s'oppose au dépouillement classique.
Cette modernité se retrouve également dans la présentation de certaines données dramatiques
dans le premier paragraphe de la didascalie initiale.
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B – Les personnages et l'intrigue
Par leurs fonctions les personnages pourraient être classiques mais plusieurs éléments rompent
avec le tragique et provoquent certaines interrogations.
On peut remarquer tout d'abord l'origine de l'exil de Don Salluste qui est un thème du drame
bourgeois. La séduction de la suivante est décrite du vers 5 au vers 13.
De plus, le personnage de Don Salluste est très agité, ce qui se remarque par ses paroles et par les
didascalies. Cette agitation se différencie de la tragédie classique qui a plutôt tendance à prôner
l’impassibilité des personnages.
Le personnage de Don Salluste est vraiment celui qui permet à cette scène d'exposition de se
démarquer du classicisme. Nous avons déjà parlé de l'origine de son exil et de son agitation. Il est
également possible de relever ses préoccupations domestiques qui sont en décalage avec la
situation : « Comme je ne dois plus coucher dans le palais, Il faut laisser les clefs et clore les
volets » (v. 47-48)
Enfin, le désir de vengeance de Don Salluste est inhabituel dans le sens où il est prononcé au tout
début de la pièce et définit l'intrigue. Le désir de vengeance et souligné par la répétition à deux
reprise de « je me vengerai » aux vers 31 et 43.
C – Le langage et la versification
Cette scène mélange des registres de langue quelquefois soutenu comme dans la tragédie mais
aussi familier, avec les mots « donzelle » (v. 9), « créature » (v. 11), « traîné son enfant » (v. 12),
« drôle » (v. 40). De plus, l'auteur fait allusion au monde extérieur avec des références aux
métiers : « prêtre » (v. 26) et « architecte » (v. 35).
Les alexandrins un un rythme quelquefois heurté comme aux vers 46 et 49. Cela montre la
fébrilité des personnages. De même, les coupes irrégulières dans les vers au moyen de tirets
montrent le bouleversement de Don Salluste.
Conclusion
Cette scène présente un intérêt dramatique car elle définit le cadre de l'action à venir. Elle est
caractéristique du théâtre romantique et montre la volonté de Victor Hugo de se rapprocher du
peuple en lui proposant des thèmes et un langage plus proche que celui de la tragédie.