Lettre d`actualité IPMT

Transcription

Lettre d`actualité IPMT
Lettre d'actualité IPMT
Numéro 13
Décembre 2016
2
Hogan Lovells
Veille législative et réglementaire
Octobre 2016
DEUX NOUVELLES EXCEPTIONS AU
DROIT D'AUTEUR
La Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une
République numérique crée deux exceptions au
droit d'auteur et une exception au droit sur une
base de données en modifiant notamment les
articles L. 122-5 et L. 342-3 du Code de la
propriété intellectuelle.
Tout d'abord, l'exception de "liberté de
panorama" empêche l'auteur d'une œuvre qui a
été divulguée d'interdire "les reproductions et
représentations d'œuvres architecturales et de
sculptures, placées en permanence sur la voie
publique, réalisées par des personnes
physiques, à l'exclusion de tout usage à
caractère commercial".
Ensuite, avec l'exception de "text and data
mining", l'auteur d'une œuvre divulguée ne peut
interdire "les copies ou reproductions
numériques réalisées à partir d'une source licite,
en vue de l'exploration des textes et de données
incluses ou associés aux écrits scientifiques pour
les besoins de la recherche publique, à
l'exclusion de toute finalité commerciale". Un
décret doit fixer les modalités de conservation et
de communication des fichiers ainsi produits.
Cette exception empêche également le titulaire
de droit sur une base de données qui est mise à
la disposition du public d'interdire "les copies
ou reproductions numériques de la base
réalisées par une personne qui y a licitement
accès, en vue de fouilles de textes et de données
incluses ou associés aux écrits scientifiques dans
un cadre de recherche, à l'exclusion de toute
finalité commerciale".
Enfin, la Loi modifie l'article L. 533-4 du code
de la recherche qui dispose désormais que
"lorsqu'un écrit scientifique issu d'une activité
de recherche financée au moins pour moitié par
des dotations de l'Etat, des collectivités
territoriales ou des établissements publics, par
des subventions d'agences de financement
nationales ou par des fonds de l'Union
européenne est publié dans un périodique
paraissant au moins une fois par an, son auteur
dispose, même après avoir accordé des droits
exclusifs à un éditeur, du droit de mettre à
disposition gratuitement dans un format ouvert,
par voie numérique, sous réserve de l'accord des
éventuels coauteurs, la version finale de son
manuscrit acceptée pour publication, dès lors
que l'éditeur met lui-même celle-ci gratuitement
à disposition par voie numérique ou, à défaut, à
l'expiration d'un délai courant à compter de la
date de la première publication. Ce délai est au
maximum de six mois pour une publication
dans le domaine des sciences, de la technique et
de la médecine et de douze mois dans celui des
sciences humaines et sociales."
Les dispositions de cette Loi évoquées ci-dessus
sont entrées en vigueur le 9 octobre 2016.
PRELEVEMENTS D'ECHANTILLONS
REALISES PAR LES AGENTS DES
DOUANES
La Loi n° 2016-713 du 3 juin 2016 avait modifié
le Code des douanes pour créer un article 67
quinquies B, unique et de portée générale,
disposant qu'"en cas de vérification des
marchandises prévue par la réglementation
douanière européenne ou dans le cadre de
l'application du présent code, les agents des
douanes peuvent procéder ou faire procéder à
des prélèvements d'échantillons, aux fins
d'analyse ou d'expertise, dans des conditions
fixées par décret en Conseil d'Etat".
Le Décret n° 2016-1443 du 26 octobre 2016 pris
en application de cette Loi vient préciser les
modalités de ces prélèvements.
Ce Décret est
29 octobre 2016.
entré
en
vigueur
le
Lettre d'actualité IPMT décembre 2016
3
EXPLOITATION SUIVIE DES ŒUVRES
AUDIOVISUELLES
Novembre 2016
La Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la
liberté de la création, à l'architecture et au
patrimoine visait notamment à renforcer
l’obligation des producteurs de rechercher
l'exploitation
suivie
des
œuvres
cinématographiques et audiovisuelles.
CENSURE D'UN "CAVALIER LEGISLATIF"
AU SEIN DE LA LOI VISANT A
RENFORCER LA LIBERTE,
L'INDEPENDANCE ET LE PLURALISME
DES MEDIAS
L'Arrêté du 7 octobre 2016 pris en application
de cette Loi rend obligatoire aux producteurs
d'œuvres audiovisuelles l'accord professionnel
conclu le 3 octobre 2016 entre des organisations
représentatives
d'auteurs,
réalisateurs,
producteurs et distributeurs.
Dans une Décision n° 2016-738 DC du
10 novembre 2016, le Conseil constitutionnel a
censuré, comme adopté selon une procédure
contraire à la Constitution, l'article 27 de la Loi
n° 2016-1524 visant à renforcer la liberté,
l'indépendance et le pluralisme des médias, qui
modifiait les compétences de la commission des
droits d'auteur des journalistes en matière de
validation des accords collectifs de travail.
Ainsi, le producteur doit faire ses meilleurs
efforts pour permettre à une telle œuvre d'être
exploitée en France et/ou à l'étranger. Il lui
incombe notamment de :




conserver en bon état les éléments ayant
servi à la réalisation de l'œuvre ;
rendre celle-ci disponible, dans des délais
raisonnables en réponse à des demandes de
cessionnaires ou mandataires potentiels,
dans des formats et supports adaptés aux
modes d'exploitation ciblés, en tenant
compte des usages du marché et des
évolutions technologiques ;
rechercher des distributeurs et des
diffuseurs ; et
fournir à l'auteur, au moins une fois par an,
un état des recettes provenant de
l'exploitation de l'œuvre selon chaque mode
d'exploitation.
Les stipulations de l'accord professionnel sont
devenues
obligatoires
à
compter
du
20 octobre 2016 et pour une durée de trois ans
tacitement reconductible par périodes de trois
ans.
Cette disposition, introduite en première lecture
au Sénat, ne présentait pas de lien, même
indirect, avec celle qui figurait dans la
proposition de loi déposée sur le bureau de
l'Assemblée nationale.
MISE EN ŒUVRE DU BREVET EUROPEEN
A EFFET UNITAIRE ET DE LA
JURIDICTION UNIFIEE EN MATIERE DE
BREVETS
Le Conseil constitutionnel a, dans une Décision
n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016, jugé
conforme à la Constitution le 4° du paragraphe I
de l'article 109 de la Loi n° 2016-1547 de
modernisation de la justice du XXIème siècle
autorisant le Gouvernement à prendre par
ordonnances les mesures relevant du domaine
de la loi et nécessaires à la mise en œuvre d'une
coopération renforcée relativement à la création
de la Juridiction Unifiée des Brevets.
Ladite Loi est entrée en vigueur le 20 novembre
2016.
4
RESTITUTION DES BIENS CULTURELS
AYANT QUITTE ILLICITEMENT LE
TERRITOIRE D'UN ETAT MEMBRE DE
L'UNION EUROPEENNE
Pris en application de la Loi n° 2015-195 du
20
février
2015
transposant
la
Directive 2014/60/UE du Parlement et du
Conseil du 15 mai 2014 (cf. Actualités
Législatives et Réglementaires – Février 2015),
le Décret n° 2016-1573 du 22 novembre 2016,
relatif à la restitution des biens culturels ayant
quitté illicitement le territoire d'un Etat
membre de l'Union européenne, répartit les
compétences entre l'Office central de lutte
contre le trafic des biens culturels, compétent
pour les biens se trouvant en France et sortis
illicitement du territoire d'un autre Etat
membre, et la direction générale des
patrimoines du ministère chargé de la culture,
chargée exclusivement des biens se trouvant sur
le territoire d'un autre Etat membre et sortis
illicitement du territoire français.
Ce Décret précise également les conditions de
recevabilité de l'action en restitution engagée
par un Etat membre requérant auprès du
tribunal compétent de l'Etat membre requis,
ainsi que les conditions dans lesquelles le
possesseur de bonne foi suffisamment diligent
peut être indemnisé pour la restitution d'un
bien culturel.
Les dispositions de ce Décret sont entrées en
vigueur le 25 novembre 2016.
Hogan Lovells
Camille Pecnard
Avocat, Paris
T +33 (1) 53 67 23 62
[email protected]
Fanny Cony
Avocat, Paris
T +33 (1) 53 67 47 16
[email protected]
Lettre d'actualité IPMT décembre 2016
5
Brevets
BREVET ET OFFRE FRAND
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MARSEILLE,
20 SEPTEMBRE 2016
Suivant la décision de la CJUE dans l'affaire
Huawei/ZTE, une lettre, adressée aux clients
d'un fournisseur nommé, mettant en garde
contre une possible contrefaçon peut constituer
une offre de licence FRAND et n'est alors pas
constitutive de dénigrement.
La société SISVEL, qui assure le lien entre les
fabricants qui souhaitent avoir accès à la
technologie de pointe — notamment la
technologie LTE (dite 4G) — et les titulaires de
droits qui souhaitent accorder des licences de
leurs portefeuilles de droits, a adressé des
courriers à plusieurs sociétés de grande
distribution françaises, clientes de la société de
conception et commercialisation de téléphones
mobiles WIKO, dont le siège social est à
Marseille.
WIKO a alors assigné la société SISVEL devant
le Tribunal de commerce de Marseille en
estimant que l'envoi de ces lettres était
constitutif d'un acte de dénigrement.
Le Tribunal de Commerce rappelle que, par
arrêt du 16 juillet 2015 (affaire Huawei/ZTE1),
la Cour
de
Justice
des
Communautés
Européennes s'est prononcée sur la question de
savoir si le titulaire d'un brevet peut engager
une action visant à interdire l'utilisation de son
brevet par un tiers fabriquant offrant ou
vendant des produits conformes à la norme, en
indiquant notamment :
« 61. En conséquence, le titulaire d'un Brevet
Essentiel à une Norme qui estime que celui-ci
fait l'objet d'une contrefaçon ne saurait, sauf à
violer l'article 102 TFUE, introduire, sans
préavis
ni
consultation
préalable
du
contrefacteur allégué, une action en cessation
ou en rappel de produits contre ce dernier,
quand bien même ledit Brevet Essentiel à une
1
Affaire C-170/13
Norme a déjà été exploité par le contrefacteur
allégué. (...)
Il peut être rappelé que la CJUE propose une
série d'étapes devant organiser le dialogue entre
titulaire de droits et tiers : une étape d'alerte
(attirer l'attention du tiers sur les brevets
essentiels que l'on envisage de mettre en œuvre)
qui précèderait une étape de manifestation
d'intention du tiers concerné de conclure une
licence avant que les termes précis de l'offre ne
soient proposés par le titulaire de droits, une
contreproposition pouvant être formalisée par
le tiers.
Au cas d'espèce, le Tribunal de commerce
retient que la société SISVEL indiquait tenir à
disposition un tableau rassemblant, par brevet
concerné (tableau disponible sur son site
internet), la date de son dépôt ainsi que la ou les
normes LTE reprenant la technologie brevetée.
La lettre de la société SISVEL rappelait
également les conséquences que peut entraîner
l'utilisation non autorisée des enseignements
des brevets en cause. La société SISVEL
informait également les destinataires de ces
courriers qu'ils pouvaient contester les
informations transmises ainsi que la validité des
brevets en cause.
La société SISVEL joignait, dans une feuille de
modalités, "le cadre et les clauses de base" de la
licence proposée pour une quantification de la
redevance due en fonction du nombre de
produits sous licence concernés.
Le Tribunal de commerce de Marseille juge que
les lettres adressées par la société SISVEL sont
conformes à la jurisprudence de la Cour de
Justice de l'Union Européenne qui fait
obligation au titulaire de brevets essentiels à
une norme d'attirer l'attention de tout tiers
auquel il souhaiterait les opposer.
Le Tribunal estime ainsi qu'une lettre de mise
en connaissance de droits de brevets et d'offre
de licence suivant des termes cadre joints à la
lettre est conforme aux premières étapes
6
Hogan Lovells
proposées par la CJUE dans sa décision
Huawei/ZTE.
En conséquence, les lettres envoyées par la
société SISVEL ne constituaient pas un acte de
concurrence déloyale par dénigrement.
Stanislas Roux-Vaillard
Associé, Paris
T +33 (1) 53 67 18 87
[email protected]
Lettre d'actualité IPMT décembre 2016
7
Brevets
MESURES D'INSTRUCTION IN FUTURUM
ET SECRET PROFESSIONNEL ETRANGER
CASS. CIV. I, 3 NOVEMBRE 2016, POURVOI
N° 15-20495
Sont valables la remise et la conservation sous
séquestre de correspondances relatives à la
stratégie d'exploitation des brevets d'une
société, ordonnées sur requête, même si ces
documents peuvent être couverts par un secret
professionnel en vertu de la loi étrangère
potentiellement applicable à l'action au fond
éventuellement engagée, par exemple la loi
américaine.
Sur le fondement de l'article 145 du code de
procédure civile ("CPC"), le président d'un
tribunal de commerce a ordonné, sur requête, la
remise et la conservation sous séquestre de
documents relatifs à la stratégie d'exploitation
des brevets d'une société, permettant à la
société américaine requérante de faire valoir ses
droits à l'encontre de trois sociétés françaises et
américaine. Les trois défenderesses ayant
assigné la requérante en rétractation de
l'ordonnance, celle-ci a reconventionnellement
sollicité la communication des pièces
séquestrées.
En appel, la cour a infirmé la décision
ordonnant le maintien des documents sous
séquestre dans l'attente d'une saisine au fond et
de la détermination de la loi applicable et
ordonné la communication des pièces
séquestrées.
Dans leur pourvoi, les défenderesses allèguent
que les correspondances de conseils internes et
externes soumis au droit américain et
travaillant aux Etats-Unis pour des sociétés
américaines sont protégées par un privilège de
confidentialité en vertu d'une règle d'ordre
public de droit américain (Restatement (third)
of the Law Governing Lawyers §119 (2000)).
Selon les défenderesses, dans un litige
international, seule la mise sous séquestre des
éléments qui pourraient s'avérer couverts par
un secret professionnel résultant de la loi
étrangère
potentiellement
applicable
permettrait d'assurer un équilibre entre les
intérêts des parties et de prévenir une atteinte
irréversible à ce secret professionnel. Ainsi, les
juges d'appel auraient dû maintenir les
correspondances
sous
séquestre
jusqu'à
l'introduction de l'instance au fond et donc
jusqu'à la détermination de la loi applicable au
fond.
La Cour de cassation approuve cependant la
cour d'appel d'avoir considéré que la mise en
œuvre, en France, de mesures d'instruction sur
le fondement de l'article 145 du CPC est soumise
au droit français. Le juge n'est pas obligé de
caractériser le motif légitime pour ordonner une
mesure d'instruction au regard de la loi pouvant
être appliquée à l'action au fond éventuellement
engagée. De plus, la mesure sollicitée
correspondait à une mesure de constatation qui,
en tant que telle, était légalement admissible,
dès lors qu'elle ne portait atteinte ni au principe
de
proportionnalité,
ni
aux
libertés
fondamentales, à savoir les règles internes de
protection
de
la
confidentialité
des
correspondances échangées entre avocats ou
entre un avocat et son client édicté par l'article
66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 :
les documents litigieux avaient été échangés
entre des juristes n'ayant pas la qualité d'avocat
au regard du droit français.
Fanny Cony
Avocat, Paris
T +33 (1) 53 67 47 16
[email protected]
8
Hogan Lovells
Brevets
LA DATE DE PUBLICATION DE LA
DEMANDE DE BREVET, POINT DE
DÉPART DU DÉLAI DE PRESCRIPTION DE
L'ACTION EN NULLITE
COUR D'APPEL DE PARIS,
8 NOVEMBRE 2016, RG 14/15008
Dans un arrêt en date du 8 novembre 2016, la
Cour d'appel de Paris se prononce sur le point
de départ du délai de prescription de l'action en
nullité de brevet.
Par assignation du 28 septembre 2010, une
société avait agi en nullité du brevet français
déposé par un concurrent, alors que la
publication de la demande de brevet remontait
au 20 septembre 2002.
En défense, le titulaire du brevet faisait valoir
que l'action en nullité était prescrite.
En première instance, cette fin de non-recevoir
a été écartée et la nullité du brevet prononcée.
Le titulaire du brevet ayant interjeté appel du
jugement, il appartenait désormais aux juges
d'appel de se prononcer, notamment, sur la
prescription de l'action en nullité de brevet.
A cet égard, la Cour rappelle d'abord le délai de
prescription applicable en la matière.
Il est ainsi indiqué que : "l'action en nullité d'un
brevet se prescrit par les règles du droit
commun, soit selon l'article L 110-4 du code de
commerce dans sa rédaction antérieure à la loi
du 17 juin 2008 portant réforme de la
prescription, de 10 ans entre commerçants,
ramenée à 5 ans par ladite loi, étant prévu par
les dispositions transitoires de celle-ci qu'en cas
de réduction du délai de prescription, ce
nouveau délai court à compter du jour de
l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la
durée totale puisse excéder la durée prévue par
la loi antérieure".
Elle s'intéresse ensuite au point de départ dudit
délai, et précise que : "la prescription de l'action
en nullité d'un brevet ne peut courir à l'égard
d'un tiers qu'à compter de la date de publication
de la demande de brevet, avant laquelle il ne
pouvait en connaître l'existence".
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a
considéré que la prescription avait commencé à
courir le 20 septembre 2002, date de
publication de la demande de brevet.
Ce faisant, la Cour d'appel de Paris vient, pour
la première fois, se prononcer sur le point de
départ de la prescription de l'action en nullité de
brevet, mettant par là même un terme à
l'incertitude qui régnait sur ce sujet.
En effet, en première instance, il avait tantôt été
décidé que le point de départ à retenir était,
comme en l'espèce, celui de la date de
publication de la demande de brevet, tantôt
admis qu'il convenait de prendre en compte la
date de la publication de la délivrance du brevet
en cause, voire même celle de la connaissance
effective par le demandeur de la ou des cause(s)
de nullité.
C'est donc désormais seule la date de
publication de la demande brevet qui doit être
retenue, et cette solution devrait valoir mutatis
mutandis pour les autres droits de propriété
industrielle, au premier rang desquels les
marques et dessins et modèles.
Marion Savary
Avocat, Paris
T +33 (1) 53 67 22 73
[email protected]
Lettre d'actualité IPMT décembre 2016
9
Brevets
PREUVE
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE
PARIS, ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE
EN
ETAT,
29
SEPTEMBRE
2016,
N° RG 15/00961, MR A. REYNAUD C. META
SYSTEMS SARL ET MENTOR GRAPHICS
CORPORATION
Est-il possible d'utiliser des éléments de preuve
issus d'une procédure américaine de Discovery
en France ? Le Juge de la mise en état du TGI
de Paris ouvre la porte.
Une action en paiement de rémunération
supplémentaire pour une invention ayant fait
l'objet d'un dépôt de brevet américain a été
initiée par l'inventeur à l'encontre de son ancien
employeur devant le TGI de Paris. L'ancien
employeur a, en parallèle, initié une procédure
de "Discovery" aux Etats-Unis à l'encontre de
l'inventeur, vivant en Californie, devant la
United States District Court, Northern District
of California aux fins d'obtenir, pour un usage
dans le cadre de la procédure engagée devant le
TGI de Paris, des informations permettant
d'établir la connaissance par l'inventeur de
l'exploitation du brevet en question et de sa
valeur et, partant, la prescription de sa demande
en rémunération supplémentaire. En France,
l'inventeur a saisi le Juge de la mise en état
("JME") afin que celui-ci juge que les pièces et
informations éventuellement obtenues à l'issue
de cette Discovery étaient irrecevables ou, à tout
le moins, qu'elles étaient inutiles dans la
procédure française.
Selon le JME, ni la convention de la Haye du
18 mars 1970 sur l'obtention de preuve à
l'étranger, ni les règles du code de procédure
civile (et plus particulièrement, celles relatives à
la compétence exclusive du JME pour ordonner
des mesures d'instruction) ne s'opposent à ce
qu'il soit fait état par une partie, dans la
procédure engagée en France, de témoignages
recueillis dans le cadre de la Discovery aux
Etats-Unis dès lors que ces éléments de preuve
ont été recueillis par une autorité compétente en
vertu de la loi applicable et selon les formes
définies par cette loi. De plus, le JME précise
qu'il appartiendra au juge statuant au fond
d'apprécier la valeur probante de ces
témoignages et leur incidence sur le fond du
litige. A cet égard, le JME constate que
l'inventeur n'a pas démontré en l'espèce que la
procédure de Discovery serait contraire au droit
applicable. Le JME observe également que le
texte américain sur le fondement duquel la
procédure de Discovery a été demandée
(Section 28, paragraphe 1782 de l'U.S Code)
indique qu'une District Court dans laquelle une
personne réside ou se trouve peut lui ordonner
de fournir son témoignage ou sa déclaration ou
de produire un document ou tout autre chose
destinée à être utilisée dans une procédure
devant un tribunal étranger ou international.
La demande d'irrecevabilité formulée par
l'inventeur est donc écartée. En outre, le JME
considère qu'il n'est pas compétent pour
apprécier l'utilité ou non des éléments de
preuve qui pourraient être recueillies dans le
cadre de la Discovery et qu'il n'y a dès lors pas
lieu d'interdire par principe la production de
ces éléments avant que le tribunal statue au
fond pour en apprécier l'utilité.
Alya Bloum
Avocat, Paris
T +33 (1) 53 67 18 72
[email protected]
10
Hogan Lovells
Marques
PORTEE TERRITORIALE DU FOR DU
DEFENDEUR D'ANCRAGE EN CAS DE
PLURALITE DE DEFENDEURS
(équivalent de l'article 4(1) du Règlement
Bruxelles I bis), 5(3) et 6(1) du Règlement
Bruxelles I (Cass. civ. 1ère, 22 mars 2012,
pourvoi n° 11-12964).
CASS. COM., 20 SEPTEMBRE 2016, POURVOI
N° 14-25131
En l'espèce, une société italienne a assigné en
concurrence déloyale et parasitaire deux
sociétés française et suédoise. Les défenderesses
ont classiquement soulevé une exception
d'incompétence qui a été rejetée par le juge de la
mise en état dont l'ordonnance a été confirmée
en appel. Le TGI était donc compétent pour
connaître du litige à l'égard de l'ensemble des
défendeurs.
Le juge français, compétent sur le fondement
de l'article 6(1) du règlement Bruxelles I, pour
connaître des demandes formées contre un
défendeur établi à l'étranger à raison d'actes
commis notamment hors de France, est
compétent pour statuer sur l'intégralité du
préjudice causé par ce dernier, en France et à
l'étranger, peu important que le codéfendeur
français n'ait lui-même commis aucun fait
dommageable à l'étranger.
Aux termes du règlement (UE) n° 1215/2012 du
12 décembre 2012 dit "Bruxelles I bis", une
personne domiciliée sur le territoire d’un État
membre peut être attraite, quelle que soit sa
nationalité, devant les juridictions de cet État
membre (article 4(1)) ou, s’il y a plusieurs
défendeurs, devant la juridiction du domicile de
l’un d’eux, à condition que les demandes soient
liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a
intérêt à les instruire et à les juger en même
temps afin d’éviter des solutions qui pourraient
être inconciliables si les causes étaient jugées
séparément (article 8(1)).
Le 6 mai 2003, la Première Chambre Civile de la
Cour de cassation avait jugé les juridictions
françaises compétentes pour statuer sur les faits
de contrefaçon et de concurrence déloyale
réalisés tant par le défendeur d'ancrage français
que par son codéfendeur anglais, en France
comme hors de France, sur le fondement de
l'article 6(1) de la Convention de Bruxelles du
27 septembre 1968 (Cass. civ. 1ère, 6 mai 2003,
pourvoi n° 01-01774).
Le 22 mars 2012, la même formation de la Cour
de cassation avait pourtant approuvé les juges
du fond d'avoir limité leur compétence aux seuls
faits dommageables commis sur le territoire
français, à l'exclusion de ceux commis à
l'étranger, en se fondant sur les articles 2(1)
Néanmoins, la cour d'appel a considéré qu'il
convenait de statuer uniquement sur les actes
de concurrence déloyale et parasitaire affectant
le marché français. Elle a, en effet, estimé que
même s'il avait été définitivement jugé que le
juge français était compétent pour connaître du
litige et des conséquences dommageables
résultant des actes commis par tous les
codéfendeurs, au motif que l'un d'eux était
domicilié en France, la réparation de faits
dommageables commis à l'étranger, dans
lesquels la société française, codéfendeur
d'ancrage, n'est pas impliquée ne relevait pas de
la compétence du juge français.
Au visa des articles 2(1) et 6(1) du règlement
Bruxelles I, la Chambre commerciale de la Cour
de cassation casse la décision d'appel. Elle
estime que les juges du fond sont compétents
pour statuer sur l'intégralité du préjudice
résultant des actes de concurrence déloyale et
parasitaire reprochés aux deux défenderesses,
peu important que la société établie en France
n'ait
elle-même
commis
aucun
fait
dommageable à l'étranger.
Fanny Cony
Avocat, Paris
T +33 (1) 53 67 47 16
[email protected]
Lettre d'actualité IPMT décembre 2016
11
Marques
MARQUE TRIDIMENSIONNELLE
COUR DE JUSTICE DE L'UNION
EUROPEENNE, 10 NOVEMBRE 2016,
No. C-30/15 P, SIMBA TOYS GMBH & CO
C. SEVEN TOWNS LTD
L'analyse de la validité d'une marque
tridimensionnelle requiert, selon la CJUE, la
prise en compte des éléments fonctionnels non
visibles du produit tels que le mécanisme
interne de rotation du produit.
La société Seven Towns détient depuis le 6 avril
1999 une marque tridimensionnelle, protégeant
la forme du fameux Rubik's cube, présentée
comme des "puzzles en trois dimensions" pour
des produits en classe 28. La forme ainsi
protégée est la suivante :
Le Tribunal refuse ainsi de tenir compte de la
capacité de rotation des bandes verticales et
horizontales du cube puisqu'elle ne constitue
qu'un mécanisme interne et invisible de ce cube.
Le Tribunal précise que l'analyse de la forme
doit se faire de façon objective à partir de la
forme concernée, telle que représentée
graphiquement. Simba Toys forme alors un
pourvoi pour obtenir l'annulation de cette
décision.
Saisie de l'affaire, la CJUE ne suit pas le
raisonnement du Tribunal. La Cour reproche au
Tribunal de ne pas avoir défini la fonction
technique du produit concret en cause (un
puzzle en trois dimensions) et de ne pas en avoir
tenu compte dans l'évaluation de la
fonctionnalité de la forme des caractéristiques
essentielles de ce signe.
En plus de la représentation graphique et des
descriptions, la Cour rappelle que l'analyse de la
marque tridimensionnelle peut aussi se faire en
tenant compte des éléments utiles à
l'identification convenable de caractéristiques
essentielles dudit signe.
Cette marque a fait l'objet le 15 novembre 2006
d'une demande en nullité de la part de la société
Simba Toys, demande qui a été rejetée par
l'EUIPO. Un recours est alors formé devant la
chambre de recours mais sans succès. Simba
Toys dépose finalement une requête devant le
Tribunal de l'Union Européenne visant à faire
annuler la décision de la chambre de recours.
Dans son arrêt du 25 novembre 2014, le
Tribunal rejette à son tour le recours de Simba
Toys en considérant que les caractéristiques
essentielles du signe en cause se limitent aux
éléments visibles, à savoir un cube et une
structure en grille visible sur chacune des faces.
Ces caractéristiques essentielles ne répondant
pas à une fonction technique, il n'y a pas lieu
d'accepter le recours.
A la lumière de ces rappels, la Cour considère
que le Tribunal a procédé à une interprétation
trop stricte de l'article 7, paragraphe 1, e), ii) du
Règlement 40/94. Peu importe que le titulaire
n'ait pas joint une description du mécanisme
interne dans sa demande, la Cour considère
qu'il convient de tenir compte de la fonction
technique non mentionnée et invisible.
La Cour annule donc l'arrêt du Tribunal et la
décision de l'EUIPO.
Etienne Barjol
Avocat, Paris
T +33 (1) 53 67 48 14
[email protected]
Alicante
Amsterdam
Baltimore
Bruxelles
Budapest
Caracas
Colorado Springs
Denver
Dubaï
Düsseldorf
Francfort
Hambourg
Hanoï
Hô-Chi-Minh Ville
Hong Kong
Houston
Jakarta
Johannesbourg
Londres
Los Angeles
Louisville
Luxembourg
Madrid
Mexico
Miami
Milan
Minneapolis
Monterrey
Moscou
Munich
New York
Oulan-Bator
Paris
Pékin
Perth
Philadelphie
Rio de Janeiro
Rome
San Francisco
São Paulo
Shanghai
Shanghai FTZ
Silicon Valley
Singapour
Sydney
Tokyo
Varsovie
Virginie du Nord
Washington, D.C.
Zagreb
Nos bureaux
Bureaux associés
www.hoganlovells.com
"Hogan Lovells" ou le "Cabinet" est un cabinet d'avocats international comprenant Hogan
Lovells International LLP, Hogan Lovells US LLP et leurs affiliés.
Les termes "associé" ou "partner" désignent un membre ou un associé de Hogan Lovells
International LLP, de Hogan Lovells US LLP ou de l’une leurs entités affiliées, ou un
employé ou un consultant de statut équivalent. Certaines personnes, désignées comme
associés ou partners, mais qui ne sont pas membres de Hogan Lovells International LLP, ne
jouissent pas de qualifications professionnelles équivalentes à celles d’un membre.
Pour plus d'information sur Hogan Lovells, les associés et leurs qualifications, voir
www.hoganlovells.com.
Lorsque des études de cas sont reprises, les résultats obtenus ne constituent pas une
garantie de résultats similaires pour les autres clients.
©Hogan Lovells 2016. Tous droits réservés.