Lettre d`actualité IPMT
Transcription
Lettre d`actualité IPMT
Lettre d'actualité IPMT Numéro 13 Décembre 2016 2 Hogan Lovells Veille législative et réglementaire Octobre 2016 DEUX NOUVELLES EXCEPTIONS AU DROIT D'AUTEUR La Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique crée deux exceptions au droit d'auteur et une exception au droit sur une base de données en modifiant notamment les articles L. 122-5 et L. 342-3 du Code de la propriété intellectuelle. Tout d'abord, l'exception de "liberté de panorama" empêche l'auteur d'une œuvre qui a été divulguée d'interdire "les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques, à l'exclusion de tout usage à caractère commercial". Ensuite, avec l'exception de "text and data mining", l'auteur d'une œuvre divulguée ne peut interdire "les copies ou reproductions numériques réalisées à partir d'une source licite, en vue de l'exploration des textes et de données incluses ou associés aux écrits scientifiques pour les besoins de la recherche publique, à l'exclusion de toute finalité commerciale". Un décret doit fixer les modalités de conservation et de communication des fichiers ainsi produits. Cette exception empêche également le titulaire de droit sur une base de données qui est mise à la disposition du public d'interdire "les copies ou reproductions numériques de la base réalisées par une personne qui y a licitement accès, en vue de fouilles de textes et de données incluses ou associés aux écrits scientifiques dans un cadre de recherche, à l'exclusion de toute finalité commerciale". Enfin, la Loi modifie l'article L. 533-4 du code de la recherche qui dispose désormais que "lorsqu'un écrit scientifique issu d'une activité de recherche financée au moins pour moitié par des dotations de l'Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics, par des subventions d'agences de financement nationales ou par des fonds de l'Union européenne est publié dans un périodique paraissant au moins une fois par an, son auteur dispose, même après avoir accordé des droits exclusifs à un éditeur, du droit de mettre à disposition gratuitement dans un format ouvert, par voie numérique, sous réserve de l'accord des éventuels coauteurs, la version finale de son manuscrit acceptée pour publication, dès lors que l'éditeur met lui-même celle-ci gratuitement à disposition par voie numérique ou, à défaut, à l'expiration d'un délai courant à compter de la date de la première publication. Ce délai est au maximum de six mois pour une publication dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et de douze mois dans celui des sciences humaines et sociales." Les dispositions de cette Loi évoquées ci-dessus sont entrées en vigueur le 9 octobre 2016. PRELEVEMENTS D'ECHANTILLONS REALISES PAR LES AGENTS DES DOUANES La Loi n° 2016-713 du 3 juin 2016 avait modifié le Code des douanes pour créer un article 67 quinquies B, unique et de portée générale, disposant qu'"en cas de vérification des marchandises prévue par la réglementation douanière européenne ou dans le cadre de l'application du présent code, les agents des douanes peuvent procéder ou faire procéder à des prélèvements d'échantillons, aux fins d'analyse ou d'expertise, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat". Le Décret n° 2016-1443 du 26 octobre 2016 pris en application de cette Loi vient préciser les modalités de ces prélèvements. Ce Décret est 29 octobre 2016. entré en vigueur le Lettre d'actualité IPMT décembre 2016 3 EXPLOITATION SUIVIE DES ŒUVRES AUDIOVISUELLES Novembre 2016 La Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine visait notamment à renforcer l’obligation des producteurs de rechercher l'exploitation suivie des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. CENSURE D'UN "CAVALIER LEGISLATIF" AU SEIN DE LA LOI VISANT A RENFORCER LA LIBERTE, L'INDEPENDANCE ET LE PLURALISME DES MEDIAS L'Arrêté du 7 octobre 2016 pris en application de cette Loi rend obligatoire aux producteurs d'œuvres audiovisuelles l'accord professionnel conclu le 3 octobre 2016 entre des organisations représentatives d'auteurs, réalisateurs, producteurs et distributeurs. Dans une Décision n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016, le Conseil constitutionnel a censuré, comme adopté selon une procédure contraire à la Constitution, l'article 27 de la Loi n° 2016-1524 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, qui modifiait les compétences de la commission des droits d'auteur des journalistes en matière de validation des accords collectifs de travail. Ainsi, le producteur doit faire ses meilleurs efforts pour permettre à une telle œuvre d'être exploitée en France et/ou à l'étranger. Il lui incombe notamment de : conserver en bon état les éléments ayant servi à la réalisation de l'œuvre ; rendre celle-ci disponible, dans des délais raisonnables en réponse à des demandes de cessionnaires ou mandataires potentiels, dans des formats et supports adaptés aux modes d'exploitation ciblés, en tenant compte des usages du marché et des évolutions technologiques ; rechercher des distributeurs et des diffuseurs ; et fournir à l'auteur, au moins une fois par an, un état des recettes provenant de l'exploitation de l'œuvre selon chaque mode d'exploitation. Les stipulations de l'accord professionnel sont devenues obligatoires à compter du 20 octobre 2016 et pour une durée de trois ans tacitement reconductible par périodes de trois ans. Cette disposition, introduite en première lecture au Sénat, ne présentait pas de lien, même indirect, avec celle qui figurait dans la proposition de loi déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale. MISE EN ŒUVRE DU BREVET EUROPEEN A EFFET UNITAIRE ET DE LA JURIDICTION UNIFIEE EN MATIERE DE BREVETS Le Conseil constitutionnel a, dans une Décision n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016, jugé conforme à la Constitution le 4° du paragraphe I de l'article 109 de la Loi n° 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIème siècle autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi et nécessaires à la mise en œuvre d'une coopération renforcée relativement à la création de la Juridiction Unifiée des Brevets. Ladite Loi est entrée en vigueur le 20 novembre 2016. 4 RESTITUTION DES BIENS CULTURELS AYANT QUITTE ILLICITEMENT LE TERRITOIRE D'UN ETAT MEMBRE DE L'UNION EUROPEENNE Pris en application de la Loi n° 2015-195 du 20 février 2015 transposant la Directive 2014/60/UE du Parlement et du Conseil du 15 mai 2014 (cf. Actualités Législatives et Réglementaires – Février 2015), le Décret n° 2016-1573 du 22 novembre 2016, relatif à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, répartit les compétences entre l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels, compétent pour les biens se trouvant en France et sortis illicitement du territoire d'un autre Etat membre, et la direction générale des patrimoines du ministère chargé de la culture, chargée exclusivement des biens se trouvant sur le territoire d'un autre Etat membre et sortis illicitement du territoire français. Ce Décret précise également les conditions de recevabilité de l'action en restitution engagée par un Etat membre requérant auprès du tribunal compétent de l'Etat membre requis, ainsi que les conditions dans lesquelles le possesseur de bonne foi suffisamment diligent peut être indemnisé pour la restitution d'un bien culturel. Les dispositions de ce Décret sont entrées en vigueur le 25 novembre 2016. Hogan Lovells Camille Pecnard Avocat, Paris T +33 (1) 53 67 23 62 [email protected] Fanny Cony Avocat, Paris T +33 (1) 53 67 47 16 [email protected] Lettre d'actualité IPMT décembre 2016 5 Brevets BREVET ET OFFRE FRAND TRIBUNAL DE COMMERCE DE MARSEILLE, 20 SEPTEMBRE 2016 Suivant la décision de la CJUE dans l'affaire Huawei/ZTE, une lettre, adressée aux clients d'un fournisseur nommé, mettant en garde contre une possible contrefaçon peut constituer une offre de licence FRAND et n'est alors pas constitutive de dénigrement. La société SISVEL, qui assure le lien entre les fabricants qui souhaitent avoir accès à la technologie de pointe — notamment la technologie LTE (dite 4G) — et les titulaires de droits qui souhaitent accorder des licences de leurs portefeuilles de droits, a adressé des courriers à plusieurs sociétés de grande distribution françaises, clientes de la société de conception et commercialisation de téléphones mobiles WIKO, dont le siège social est à Marseille. WIKO a alors assigné la société SISVEL devant le Tribunal de commerce de Marseille en estimant que l'envoi de ces lettres était constitutif d'un acte de dénigrement. Le Tribunal de Commerce rappelle que, par arrêt du 16 juillet 2015 (affaire Huawei/ZTE1), la Cour de Justice des Communautés Européennes s'est prononcée sur la question de savoir si le titulaire d'un brevet peut engager une action visant à interdire l'utilisation de son brevet par un tiers fabriquant offrant ou vendant des produits conformes à la norme, en indiquant notamment : « 61. En conséquence, le titulaire d'un Brevet Essentiel à une Norme qui estime que celui-ci fait l'objet d'une contrefaçon ne saurait, sauf à violer l'article 102 TFUE, introduire, sans préavis ni consultation préalable du contrefacteur allégué, une action en cessation ou en rappel de produits contre ce dernier, quand bien même ledit Brevet Essentiel à une 1 Affaire C-170/13 Norme a déjà été exploité par le contrefacteur allégué. (...) Il peut être rappelé que la CJUE propose une série d'étapes devant organiser le dialogue entre titulaire de droits et tiers : une étape d'alerte (attirer l'attention du tiers sur les brevets essentiels que l'on envisage de mettre en œuvre) qui précèderait une étape de manifestation d'intention du tiers concerné de conclure une licence avant que les termes précis de l'offre ne soient proposés par le titulaire de droits, une contreproposition pouvant être formalisée par le tiers. Au cas d'espèce, le Tribunal de commerce retient que la société SISVEL indiquait tenir à disposition un tableau rassemblant, par brevet concerné (tableau disponible sur son site internet), la date de son dépôt ainsi que la ou les normes LTE reprenant la technologie brevetée. La lettre de la société SISVEL rappelait également les conséquences que peut entraîner l'utilisation non autorisée des enseignements des brevets en cause. La société SISVEL informait également les destinataires de ces courriers qu'ils pouvaient contester les informations transmises ainsi que la validité des brevets en cause. La société SISVEL joignait, dans une feuille de modalités, "le cadre et les clauses de base" de la licence proposée pour une quantification de la redevance due en fonction du nombre de produits sous licence concernés. Le Tribunal de commerce de Marseille juge que les lettres adressées par la société SISVEL sont conformes à la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne qui fait obligation au titulaire de brevets essentiels à une norme d'attirer l'attention de tout tiers auquel il souhaiterait les opposer. Le Tribunal estime ainsi qu'une lettre de mise en connaissance de droits de brevets et d'offre de licence suivant des termes cadre joints à la lettre est conforme aux premières étapes 6 Hogan Lovells proposées par la CJUE dans sa décision Huawei/ZTE. En conséquence, les lettres envoyées par la société SISVEL ne constituaient pas un acte de concurrence déloyale par dénigrement. Stanislas Roux-Vaillard Associé, Paris T +33 (1) 53 67 18 87 [email protected] Lettre d'actualité IPMT décembre 2016 7 Brevets MESURES D'INSTRUCTION IN FUTURUM ET SECRET PROFESSIONNEL ETRANGER CASS. CIV. I, 3 NOVEMBRE 2016, POURVOI N° 15-20495 Sont valables la remise et la conservation sous séquestre de correspondances relatives à la stratégie d'exploitation des brevets d'une société, ordonnées sur requête, même si ces documents peuvent être couverts par un secret professionnel en vertu de la loi étrangère potentiellement applicable à l'action au fond éventuellement engagée, par exemple la loi américaine. Sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ("CPC"), le président d'un tribunal de commerce a ordonné, sur requête, la remise et la conservation sous séquestre de documents relatifs à la stratégie d'exploitation des brevets d'une société, permettant à la société américaine requérante de faire valoir ses droits à l'encontre de trois sociétés françaises et américaine. Les trois défenderesses ayant assigné la requérante en rétractation de l'ordonnance, celle-ci a reconventionnellement sollicité la communication des pièces séquestrées. En appel, la cour a infirmé la décision ordonnant le maintien des documents sous séquestre dans l'attente d'une saisine au fond et de la détermination de la loi applicable et ordonné la communication des pièces séquestrées. Dans leur pourvoi, les défenderesses allèguent que les correspondances de conseils internes et externes soumis au droit américain et travaillant aux Etats-Unis pour des sociétés américaines sont protégées par un privilège de confidentialité en vertu d'une règle d'ordre public de droit américain (Restatement (third) of the Law Governing Lawyers §119 (2000)). Selon les défenderesses, dans un litige international, seule la mise sous séquestre des éléments qui pourraient s'avérer couverts par un secret professionnel résultant de la loi étrangère potentiellement applicable permettrait d'assurer un équilibre entre les intérêts des parties et de prévenir une atteinte irréversible à ce secret professionnel. Ainsi, les juges d'appel auraient dû maintenir les correspondances sous séquestre jusqu'à l'introduction de l'instance au fond et donc jusqu'à la détermination de la loi applicable au fond. La Cour de cassation approuve cependant la cour d'appel d'avoir considéré que la mise en œuvre, en France, de mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 du CPC est soumise au droit français. Le juge n'est pas obligé de caractériser le motif légitime pour ordonner une mesure d'instruction au regard de la loi pouvant être appliquée à l'action au fond éventuellement engagée. De plus, la mesure sollicitée correspondait à une mesure de constatation qui, en tant que telle, était légalement admissible, dès lors qu'elle ne portait atteinte ni au principe de proportionnalité, ni aux libertés fondamentales, à savoir les règles internes de protection de la confidentialité des correspondances échangées entre avocats ou entre un avocat et son client édicté par l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 : les documents litigieux avaient été échangés entre des juristes n'ayant pas la qualité d'avocat au regard du droit français. Fanny Cony Avocat, Paris T +33 (1) 53 67 47 16 [email protected] 8 Hogan Lovells Brevets LA DATE DE PUBLICATION DE LA DEMANDE DE BREVET, POINT DE DÉPART DU DÉLAI DE PRESCRIPTION DE L'ACTION EN NULLITE COUR D'APPEL DE PARIS, 8 NOVEMBRE 2016, RG 14/15008 Dans un arrêt en date du 8 novembre 2016, la Cour d'appel de Paris se prononce sur le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité de brevet. Par assignation du 28 septembre 2010, une société avait agi en nullité du brevet français déposé par un concurrent, alors que la publication de la demande de brevet remontait au 20 septembre 2002. En défense, le titulaire du brevet faisait valoir que l'action en nullité était prescrite. En première instance, cette fin de non-recevoir a été écartée et la nullité du brevet prononcée. Le titulaire du brevet ayant interjeté appel du jugement, il appartenait désormais aux juges d'appel de se prononcer, notamment, sur la prescription de l'action en nullité de brevet. A cet égard, la Cour rappelle d'abord le délai de prescription applicable en la matière. Il est ainsi indiqué que : "l'action en nullité d'un brevet se prescrit par les règles du droit commun, soit selon l'article L 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, de 10 ans entre commerçants, ramenée à 5 ans par ladite loi, étant prévu par les dispositions transitoires de celle-ci qu'en cas de réduction du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure". Elle s'intéresse ensuite au point de départ dudit délai, et précise que : "la prescription de l'action en nullité d'un brevet ne peut courir à l'égard d'un tiers qu'à compter de la date de publication de la demande de brevet, avant laquelle il ne pouvait en connaître l'existence". Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a considéré que la prescription avait commencé à courir le 20 septembre 2002, date de publication de la demande de brevet. Ce faisant, la Cour d'appel de Paris vient, pour la première fois, se prononcer sur le point de départ de la prescription de l'action en nullité de brevet, mettant par là même un terme à l'incertitude qui régnait sur ce sujet. En effet, en première instance, il avait tantôt été décidé que le point de départ à retenir était, comme en l'espèce, celui de la date de publication de la demande de brevet, tantôt admis qu'il convenait de prendre en compte la date de la publication de la délivrance du brevet en cause, voire même celle de la connaissance effective par le demandeur de la ou des cause(s) de nullité. C'est donc désormais seule la date de publication de la demande brevet qui doit être retenue, et cette solution devrait valoir mutatis mutandis pour les autres droits de propriété industrielle, au premier rang desquels les marques et dessins et modèles. Marion Savary Avocat, Paris T +33 (1) 53 67 22 73 [email protected] Lettre d'actualité IPMT décembre 2016 9 Brevets PREUVE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS, ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT, 29 SEPTEMBRE 2016, N° RG 15/00961, MR A. REYNAUD C. META SYSTEMS SARL ET MENTOR GRAPHICS CORPORATION Est-il possible d'utiliser des éléments de preuve issus d'une procédure américaine de Discovery en France ? Le Juge de la mise en état du TGI de Paris ouvre la porte. Une action en paiement de rémunération supplémentaire pour une invention ayant fait l'objet d'un dépôt de brevet américain a été initiée par l'inventeur à l'encontre de son ancien employeur devant le TGI de Paris. L'ancien employeur a, en parallèle, initié une procédure de "Discovery" aux Etats-Unis à l'encontre de l'inventeur, vivant en Californie, devant la United States District Court, Northern District of California aux fins d'obtenir, pour un usage dans le cadre de la procédure engagée devant le TGI de Paris, des informations permettant d'établir la connaissance par l'inventeur de l'exploitation du brevet en question et de sa valeur et, partant, la prescription de sa demande en rémunération supplémentaire. En France, l'inventeur a saisi le Juge de la mise en état ("JME") afin que celui-ci juge que les pièces et informations éventuellement obtenues à l'issue de cette Discovery étaient irrecevables ou, à tout le moins, qu'elles étaient inutiles dans la procédure française. Selon le JME, ni la convention de la Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention de preuve à l'étranger, ni les règles du code de procédure civile (et plus particulièrement, celles relatives à la compétence exclusive du JME pour ordonner des mesures d'instruction) ne s'opposent à ce qu'il soit fait état par une partie, dans la procédure engagée en France, de témoignages recueillis dans le cadre de la Discovery aux Etats-Unis dès lors que ces éléments de preuve ont été recueillis par une autorité compétente en vertu de la loi applicable et selon les formes définies par cette loi. De plus, le JME précise qu'il appartiendra au juge statuant au fond d'apprécier la valeur probante de ces témoignages et leur incidence sur le fond du litige. A cet égard, le JME constate que l'inventeur n'a pas démontré en l'espèce que la procédure de Discovery serait contraire au droit applicable. Le JME observe également que le texte américain sur le fondement duquel la procédure de Discovery a été demandée (Section 28, paragraphe 1782 de l'U.S Code) indique qu'une District Court dans laquelle une personne réside ou se trouve peut lui ordonner de fournir son témoignage ou sa déclaration ou de produire un document ou tout autre chose destinée à être utilisée dans une procédure devant un tribunal étranger ou international. La demande d'irrecevabilité formulée par l'inventeur est donc écartée. En outre, le JME considère qu'il n'est pas compétent pour apprécier l'utilité ou non des éléments de preuve qui pourraient être recueillies dans le cadre de la Discovery et qu'il n'y a dès lors pas lieu d'interdire par principe la production de ces éléments avant que le tribunal statue au fond pour en apprécier l'utilité. Alya Bloum Avocat, Paris T +33 (1) 53 67 18 72 [email protected] 10 Hogan Lovells Marques PORTEE TERRITORIALE DU FOR DU DEFENDEUR D'ANCRAGE EN CAS DE PLURALITE DE DEFENDEURS (équivalent de l'article 4(1) du Règlement Bruxelles I bis), 5(3) et 6(1) du Règlement Bruxelles I (Cass. civ. 1ère, 22 mars 2012, pourvoi n° 11-12964). CASS. COM., 20 SEPTEMBRE 2016, POURVOI N° 14-25131 En l'espèce, une société italienne a assigné en concurrence déloyale et parasitaire deux sociétés française et suédoise. Les défenderesses ont classiquement soulevé une exception d'incompétence qui a été rejetée par le juge de la mise en état dont l'ordonnance a été confirmée en appel. Le TGI était donc compétent pour connaître du litige à l'égard de l'ensemble des défendeurs. Le juge français, compétent sur le fondement de l'article 6(1) du règlement Bruxelles I, pour connaître des demandes formées contre un défendeur établi à l'étranger à raison d'actes commis notamment hors de France, est compétent pour statuer sur l'intégralité du préjudice causé par ce dernier, en France et à l'étranger, peu important que le codéfendeur français n'ait lui-même commis aucun fait dommageable à l'étranger. Aux termes du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 dit "Bruxelles I bis", une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, quelle que soit sa nationalité, devant les juridictions de cet État membre (article 4(1)) ou, s’il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément (article 8(1)). Le 6 mai 2003, la Première Chambre Civile de la Cour de cassation avait jugé les juridictions françaises compétentes pour statuer sur les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale réalisés tant par le défendeur d'ancrage français que par son codéfendeur anglais, en France comme hors de France, sur le fondement de l'article 6(1) de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (Cass. civ. 1ère, 6 mai 2003, pourvoi n° 01-01774). Le 22 mars 2012, la même formation de la Cour de cassation avait pourtant approuvé les juges du fond d'avoir limité leur compétence aux seuls faits dommageables commis sur le territoire français, à l'exclusion de ceux commis à l'étranger, en se fondant sur les articles 2(1) Néanmoins, la cour d'appel a considéré qu'il convenait de statuer uniquement sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire affectant le marché français. Elle a, en effet, estimé que même s'il avait été définitivement jugé que le juge français était compétent pour connaître du litige et des conséquences dommageables résultant des actes commis par tous les codéfendeurs, au motif que l'un d'eux était domicilié en France, la réparation de faits dommageables commis à l'étranger, dans lesquels la société française, codéfendeur d'ancrage, n'est pas impliquée ne relevait pas de la compétence du juge français. Au visa des articles 2(1) et 6(1) du règlement Bruxelles I, la Chambre commerciale de la Cour de cassation casse la décision d'appel. Elle estime que les juges du fond sont compétents pour statuer sur l'intégralité du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés aux deux défenderesses, peu important que la société établie en France n'ait elle-même commis aucun fait dommageable à l'étranger. Fanny Cony Avocat, Paris T +33 (1) 53 67 47 16 [email protected] Lettre d'actualité IPMT décembre 2016 11 Marques MARQUE TRIDIMENSIONNELLE COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPEENNE, 10 NOVEMBRE 2016, No. C-30/15 P, SIMBA TOYS GMBH & CO C. SEVEN TOWNS LTD L'analyse de la validité d'une marque tridimensionnelle requiert, selon la CJUE, la prise en compte des éléments fonctionnels non visibles du produit tels que le mécanisme interne de rotation du produit. La société Seven Towns détient depuis le 6 avril 1999 une marque tridimensionnelle, protégeant la forme du fameux Rubik's cube, présentée comme des "puzzles en trois dimensions" pour des produits en classe 28. La forme ainsi protégée est la suivante : Le Tribunal refuse ainsi de tenir compte de la capacité de rotation des bandes verticales et horizontales du cube puisqu'elle ne constitue qu'un mécanisme interne et invisible de ce cube. Le Tribunal précise que l'analyse de la forme doit se faire de façon objective à partir de la forme concernée, telle que représentée graphiquement. Simba Toys forme alors un pourvoi pour obtenir l'annulation de cette décision. Saisie de l'affaire, la CJUE ne suit pas le raisonnement du Tribunal. La Cour reproche au Tribunal de ne pas avoir défini la fonction technique du produit concret en cause (un puzzle en trois dimensions) et de ne pas en avoir tenu compte dans l'évaluation de la fonctionnalité de la forme des caractéristiques essentielles de ce signe. En plus de la représentation graphique et des descriptions, la Cour rappelle que l'analyse de la marque tridimensionnelle peut aussi se faire en tenant compte des éléments utiles à l'identification convenable de caractéristiques essentielles dudit signe. Cette marque a fait l'objet le 15 novembre 2006 d'une demande en nullité de la part de la société Simba Toys, demande qui a été rejetée par l'EUIPO. Un recours est alors formé devant la chambre de recours mais sans succès. Simba Toys dépose finalement une requête devant le Tribunal de l'Union Européenne visant à faire annuler la décision de la chambre de recours. Dans son arrêt du 25 novembre 2014, le Tribunal rejette à son tour le recours de Simba Toys en considérant que les caractéristiques essentielles du signe en cause se limitent aux éléments visibles, à savoir un cube et une structure en grille visible sur chacune des faces. Ces caractéristiques essentielles ne répondant pas à une fonction technique, il n'y a pas lieu d'accepter le recours. A la lumière de ces rappels, la Cour considère que le Tribunal a procédé à une interprétation trop stricte de l'article 7, paragraphe 1, e), ii) du Règlement 40/94. Peu importe que le titulaire n'ait pas joint une description du mécanisme interne dans sa demande, la Cour considère qu'il convient de tenir compte de la fonction technique non mentionnée et invisible. La Cour annule donc l'arrêt du Tribunal et la décision de l'EUIPO. Etienne Barjol Avocat, Paris T +33 (1) 53 67 48 14 [email protected] Alicante Amsterdam Baltimore Bruxelles Budapest Caracas Colorado Springs Denver Dubaï Düsseldorf Francfort Hambourg Hanoï Hô-Chi-Minh Ville Hong Kong Houston Jakarta Johannesbourg Londres Los Angeles Louisville Luxembourg Madrid Mexico Miami Milan Minneapolis Monterrey Moscou Munich New York Oulan-Bator Paris Pékin Perth Philadelphie Rio de Janeiro Rome San Francisco São Paulo Shanghai Shanghai FTZ Silicon Valley Singapour Sydney Tokyo Varsovie Virginie du Nord Washington, D.C. Zagreb Nos bureaux Bureaux associés www.hoganlovells.com "Hogan Lovells" ou le "Cabinet" est un cabinet d'avocats international comprenant Hogan Lovells International LLP, Hogan Lovells US LLP et leurs affiliés. Les termes "associé" ou "partner" désignent un membre ou un associé de Hogan Lovells International LLP, de Hogan Lovells US LLP ou de l’une leurs entités affiliées, ou un employé ou un consultant de statut équivalent. Certaines personnes, désignées comme associés ou partners, mais qui ne sont pas membres de Hogan Lovells International LLP, ne jouissent pas de qualifications professionnelles équivalentes à celles d’un membre. Pour plus d'information sur Hogan Lovells, les associés et leurs qualifications, voir www.hoganlovells.com. Lorsque des études de cas sont reprises, les résultats obtenus ne constituent pas une garantie de résultats similaires pour les autres clients. ©Hogan Lovells 2016. Tous droits réservés.