absentéisme des lycéens
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absentéisme des lycéens
Groupe Etablissements et vie scolaire de l’IGEN. Rapporteur : Toulemonde Bernard L’Absentéisme des lycéens. Paris, CNDP - Hachette Education, 1998. 128p. (Hachette Livre). -----------------Plus qu’un phénomène nouveau, il s’agit bien d’une vieille histoire que celle de l’absentéisme scolaire. Qui n’a pas entendu évoquer la fameuse « école buissonnière »? L’absentéisme est aussi vieux que l’école. Cependant, les chiffres parlent et même s’ils ne sont pas très différents de ceux observés il y a 20 ans, l’inquiétude est bien là. L’impression de croissance de l’absentéisme repose sur plusieurs facteurs : - une amplification : la progression de l’absentéisme est certaine, mais pas considérable. L’amplification du phénomène est accusée par la massification. - une massification : si les pourcentages d’absences varient peu, ils recouvrent des montants absolus en nette augmentation parallèle à celle de la masse des lycéens. - une diffusion : l’absentéisme atteint aujourd’hui presque tous les établissements, seuls quelques lycées ruraux échappent à ce phénomène. - une concentration dans certains établissements et dans certaines filières. - une diversification des types d’absentéisme qui peuvent constituer une véritable interpellation pour les établissements. Le phénomène n’est donc pas nouveau, mais il a pris une ampleur et des formes nouvelles, plus inquiétantes. Qu’est-ce que l’absentéisme ? D’après Le Robert: « manque d’assiduité à un travail exigeant la présence en un lieu ; comportement de celui qui est souvent absent.» Dans une enquête de l’INSERM sur les adolescents publiée en 1994, l’absentéisme résulte de trois critères : « sécher les cours, arriver en retard, être absent une journée ou plus, au cours des douze derniers mois. C’est la fréquence de l’une de ces trois conduites qui permet de ranger les élèves dans l’échelle de l’absentéisme : - jamais ou une seule fois les trois conduites : pas d’absentéisme; - de temps à autre au moins l’une des trois conduites : absentéisme occasionnel; - souvent au moins une des trois conduites : absentéisme régulier. En 1995, par souci de précision plus grande dans sa définition de l’absentéisme, l’INSERM a ajouté l’idée de cumul des trois conduites : - jamais ou de temps en temps : peu ou pas absent; - souvent l’une des trois conduites : peu assidu; - souvent deux ou trois conduites : absentéiste. 1 Par convention, la définition retenue s’appuie sur deux éléments cumulatifs : absence volontaire et caractère répétitif. • Le taux d’absentéisme varie en fonction d’une série de - critères tirés du lieu d’implantation géographique (les écarts sont très marqués entre le milieu rural et le milieu urbain et l’absentéisme est massif dans des établissements situés dans des quartiers et des banlieues minés par les difficultés socio-économiques). - critères tirés de la nature de l’établissement (lycée d’enseignement général et technologique, lycée polyvalent, lycée professionnel, taille de l’établissement à l’intérieur de chaque catégorie) ainsi que les filières. - critères tirés du comportement de l’établissement (des établissements analogues ont des taux d’absentéisme différents selon le degré de préoccupation manifesté par l’équipe de direction et de mobilisation de la communauté éducative, selon la rapidité des réactions aux absence, selon les modalités de contrôle des motifs, selon la qualité des conséquences tirées sur le plan pédagogique, éducatif et disciplinaire). En tout état de cause, l’absentéisme constitue un signe, un symptôme ou le révélateur de difficultés qu’il convient d’élucider. • Les différents « visages » de l’absentéisme. On recense : - l’absentéisme par défaut de motivation (prolongation massive des études vers le lycée et incertitude des débouchés professionnels sur le marché du travail se traduisent par une augmentation du nombre des élèves concernés). - l’absentéisme de confort (samedi matin, veille ou lendemain de vacances, jour trop peu rempli…) qui révèle l’érosion de la règle de droit ou de la règle tout court. - l’absentéisme de consumérisme scolaire (gouverné par les stratégies de productivité et de rentabilité ; les élèves utilisent l’enseignement à la carte et les options constituent un nid d’absentéisme). - l’absentéisme de respiration. - l’absentéisme par nécessité économique. - l’absentéisme contraint (qui résulte d’une décision de l’institution -exclusion provisoire de la classe ou exclusion temporaire ou définitive de l’établissement. - le vrai-faux absentéisme (l’élève est présent dans le lycée, en dehors de la classe). L’absentéisme par défaut de motivation demeure celui qui prédomine et face auquel les lycéens ont le plus mal à réagir. 2 • Les différents facteurs de l’absentéisme. Les facteurs économiques et sociaux. La situation sociale des élèves les prédispose-t-elle aux conduites d’absentéisme ? Les réponses se feront sur trois plans distincts : financiers, sociaux et familiaux. Les facteurs financiers, qui, de l’avis général n’ont plus d’influence déterminante, grâce au fonds social lycéen. C’est plutôt le contexte économique général qui va être plus ou moins favorable à la motivation des élèves et à leur assiduité ; l’école n’est plus perçue comme un moyen d’intégration sociale et économique, l’école est une « fabrique à chômeurs », les élèves ne parviennent pas à se projeter dans un avenir professionnel. Les facteurs sociaux. D’une façon générale, l’enquête apporte trois éléments de réponse à propos de la relation entre les facteurs sociaux et l’absentéisme. o L’absentéisme est souvent le premier symptôme de déviances, (les plus importantes étant la consommation de drogues, les conduites violentes et la dépressivité).Dans quelques cas, s’ajoutent des démêlés avec la police et la justice. L’absentéisme est très lié à la notion d’enfant en danger et d’enfant délinquant. Il n’est cependant pas possible d’affirmer que l’absentéisme est la cause de ces déviances ou vice versa ; en réalité, les deux sont étroitement liés et se nourrissent mutuellement. o La tendance à la constitution d’un groupe social des jeunes serait une cause d’absences ; le sens de l’assiduité scolaire s’estompe lorsque les relations sociales et les activités sont centrées sur la classe d’âge plutôt que sur la famille, en dehors des temps scolaires. o La « rupture sociale », génératrice de « non communication » entre élèves et professeurs entraînerait également des absences, symptômes de découragement et de démotivation des élèves les plus éloignés de la culture scolaire. Les facteurs familiaux. Il est souvent question de la « démission », voire la « capitulation » des parents. La « complicité » des familles, leur « incapacité » à exercer l’autorité, déléguée à l’école, leur « impuissance » à faire respecter les règles, parfois même à faire lever leur enfant pour aller en classe et a fortiori à suivre le travail scolaire sont des réalités qu’il convient cependant de nuancer. 3 Il existe malgré tout une persistance des valeurs familiales d’efforts d’éducation et nombre de familles restent attachées à l’idée de promotion par l’école. D’un autre côté, il apparaît que le comportement du jeune qui aspire à son autonomie, rend le rôle des parents très difficile (d’autant que l’âge moyen des lycéens s’accroît). La cohésion de la cellule familiale mène à des avis divergents ; certains imputent aux familles éclatées, une responsabilité dans l’absentéisme, tandis que d’autres pensent qu’il faut tenir compte des difficultés qui, rencontrées au sein de la vie familiale, rejaillissent sur l’enfant. Plutôt que la consistance de la cellule familiale, c’est le climat familial qui importe. La perception négative de la vie familiale est une des causes de l’absentéisme. Le nombre d’enfants (fratrie nombreuse) est également signalé comme facteur d’absentéisme (filles aînées maghrébines par exemple). Les facteurs propres à la situation personnelle des lycéens (âge, sexe et qualité au sein de l’établissement-interne, demi-pensionnaire, externe). Les jugements sont très partagés quand est abordée la relation entre l’âge des élèves et l’absentéisme. Cependant, la majorité des avis converge pour dire que la majorité civile n’est pas, en soi, un facteur d’absentéisme, à l’exception des élèves de BTS qui se considèrent comme étudiants. L’âge doit être corrélé au retard scolaire pour être significatif et c’est même l’échec scolaire qui semble prévaloir sur l’âge. Le sexe n’est pas un critère très facile à retenir, de par le « monosexisme » qui règne dans certains lycées (selon les filières proposées ; parfois 10 filles sur 260 élèves, 6 sur 320…). Cependant, il apparaît que les absences des filles sont plus courtes et qu’elles sont plus souvent fondées sur des raisons de santé plausibles. L’étude de l’INSERM montre que les filles sont moins absentéistes que les garçons. Les élèves internes sont moins absents que les autres élèves ; ils ont moins d’occasions et de prétextes possibles et ils savent que les familles sont prévenues dans la journée. Cela porte à s’interroger sur le délai d’information des familles des externes et des demi-pensionnaires. Les facteurs relatifs à l’organisation du travail des lycéens. Sur l’ensemble de l’année scolaire, on observe une montée progressive du volume des absences, avec un premier palier à l’issue des conseils de classes du premier trimestre; le découragement face aux difficultés d’acquisitions des connaissances et de poursuite sur le long terme d’un travail personnel est une explication fournie. Un deuxième palier apparaît en janvier – février, dû plutôt à la fatigue et aux questions de santé. Le troisième « moment » est celui de la fin d’année, où les examens sonnent l’hallali de l’assiduité et le début de la débandade. La désorganisation des enseignements porte naturellement préjudice à ceux qui sont les plus fragiles. 4 Les veilles de vacances, les journées isolées d’ouverture « théorique » (lendemains de jours fériés), les rentrées de congés en milieu de semaine sont également sources d’absentéisme (notons dans ce domaine une plus grande tolérance du non-respect de la règle et soulignons qu’une partie de ces absences serait évitée s’il existait une plus grande souplesse dans la mise en œuvre du calendrier scolaire). Plusieurs lycées signalent le problème posé par le ramadan (en particulier lors de la fête de clôture de ce carême) et par le jour de sabbat. Sur la semaine scolaire, d’une façon générale, il est observé : plus de retards le lundi matin. plus d’absences le mercredi lorsqu’il n’y a pas cours l’après-midi. plus d’absences les jours où l’emploi du temps ne comporte que peu d’heures de cours. plus d’absences le vendredi après-midi quand le samedi matin est libéré. plus d’absences le samedi matin quand il existe encore. Les deux derniers points font apparaître la complicité des familles. Dans la majorité des établissements, la corrélation entre les absences des professeurs et l’absentéisme des élèves est vue comme une « évidence », entraînant une démobilisation proportionnelle au volume et à la durée des absences du ou des professeurs. Un même professeur régulièrement absent permet aux absentéistes d’user de la carte « je croyais qu’il n’était pas là ». Plusieurs professeurs absents le même jour font que les élèves estiment qu’il ne sert à rien de venir pour deux ou trois heures de cours. En lycée professionnel, un point fait l’unanimité : pendant les périodes de stage en entreprise, les élèves ne sont pas absents (ce qui laisse apparaître la différence avec le lycée ; plus grande « permissivité » ? plus grande souplesse ?).En tout cas, il existe deux courants d’opinion chez les chefs d’établissement: certains pensent que le stage encourage l’absentéisme (recherche avant, écriture du rapport ensuite, récupération, impression renforcée chez les élèves de ne rien apprendre au lycée, démobilisation, voire abandon pour embauche- BTS).D’autres estiment au contraire que les élèves éprouvent du plaisir à revenir au lycée (cadre familier) et qu’un stage réussi, valorisant pour le jeune, amène plus d’assiduité ensuite. En résumé, l’alternance peut-être selon le cas, un puissant vecteur de motivation ou, à l’inverse, de découragement et d’abandon. Les facteurs de nature pédagogique. Au cœur de l’absentéisme, se retrouvent les questions de l’orientation et de l’échec scolaire. Les taux d’absentéisme sont globalement plus élevés dans les filières technologiques que dans les filières générales, et les absences sont plus 5 nombreuses encore dans les filières professionnelles que dans les filières technologiques. Le taux d’absences est d’autant plus élevé que l’orientation n’a pas été vraiment désirée par le lycéen. Plus les élèves sont en échec, plus l’absentéisme est important. Insatisfaction scolaire, redoublements multiples, rejet de l’école et malaise familial vont de pair avec l’absentéisme scolaire. L’image de la formation est également importante, liée aux représentations complexes (recrutement social, débouchés professionnels, nature des métiers, montant des rémunérations…) Le niveau d’études est une variable à prendre en compte ; on observe un développement des absences au fur et à mesure de la progression dans le cursus, mais ce n’est pas systématique. Là encore, tout dépend des filières, du sentiment de réussite ou non, de l’existence ou non de redoublants…. Le statut de la matière d’une part et la personnalité de celui qui enseigne d’autre part jouent également un rôle dans l’absentéisme. L’importance d’une matière reconnue par un élève relève de facteurs subjectifs (représentations des disciplines dans l’esprit des lycéens et de leur famille) et de facteurs objectifs (coefficients, caractère obligatoire aux examens). Quant à la personnalité du professeur, elle influe considérablement sur l’assiduité des élèves. « L’engagement et le dynamisme » d’un professeur sont systématiquement associés, par les chefs d’établissement, à l’assiduité des élèves, et la relation professeur-élève est centrale. • Les moyens de lutte contre l’absentéisme. Le contrôle des absences est une obligation légale des établissements scolaires. Le constat effectué dans les classes par les professeurs doit être accompli avec rigueur. Les contrôles des premières heures (du matin et de l’après midi) permettent de donner des suites dans « l’instant », auprès des parents et amènent des résultats positifs. En pratique, la rapidité avec laquelle le lycée réagit à l’absence des élèves joue un rôle important dans le volume de l’absentéisme. La gestion informatique permet un suivi éducatif et pédagogique. Le contrôle des justificatifs est capital, à condition qu’il y ait analyse des absences, que les situations soient traitées en termes de besoins éducatifs (et pas seulement du point de vue administratif). Analyse, discernement et pertinence sont, pour la lutte contre l’absentéisme, essentiels et supposent une bonne connaissance des élèves ainsi qu’une écoute attentive. A cet égard, il apparaît important que ce jugement soit porté par les CPE eux-mêmes. Exiger inlassablement que les absences prévisibles soient annoncées à l’avance, multiplier les contacts avec les familles (téléphone, fax, sms, à domicile et sur le lieu de travail), expédier les courriers le jour même sont des moyens efficaces pour lutter contre l’absentéisme, et supposent 6 que les CPE et l’ensemble de la communauté éducative soient « motivés ». • Les instruments pédagogiques et éducatifs. Les lycées disposent de toute une gamme d’instruments pour lutter contre l’absentéisme : les sanctions disciplinaires (retenues, exclusions –qui sont un non-sens si aucune mesure d’accompagnement n’est mise en place), les sanctions administratives et financières (qui sont plus une épée de Damoclès que l’on suspend sans vraiment jamais passer à l’acte), les mesures d’accompagnement (stratégie de dissuasion, information collective, action individuelle avec entretien). La lutte contre l’absentéisme doit s’inscrire dans une politique globale où projet d’établissement et travail en équipe sont essentiels (chef d’établissement, CPE, assistants d’éducation, infirmière, assistante sociale, professeurs, COP, parents, délégués des élèves…). Des solutions sont parfois trouvées, telles que - la transmission hebdomadaire des relevés des absences par classe aux professeurs principaux, - des systèmes de tutorat ou de parrainage, - la réécriture du règlement intérieur par les élèves eux-mêmes (afin qu’ils se l’approprient), - l’attention portée sur les lieux d’accueil (ouverture du CDI en continu, maison des lycéens, pour que les élèves aient envie de venir au lycée), - des emplois du temps sans trous et refontes de ces derniers en cas d’absences de professeurs, - des commissions de suivi - des contrats d’assiduité… La liste n’est pas exhaustive… Pour conclure, nous dirons qu’afin de lutter contre l’absentéisme, il n’est pas d’autre voie que de rappeler et d’appliquer la règle ou mieux encore de la faire accepter par les élèves eux-mêmes : les lycéens sont soumis à l’obligation d’assiduité. Rappeler les exigences de la formation, développer le projet personnel et la prise de responsabilités, encourager le goût de l’effort, former des jeunes responsables de leur présent et de leur avenir, en somme éduquer à la responsabilité est une des tâches primordiales du système éducatif. ---------------------------------------- 7 N.B : une série d’annexes existe en fin d’ouvrage, donnant quelques exemples d’établissements. ---------------------------------------Carol Contois CPE au Collège Jules Verne de Déville-Lès-Rouen. 8