Combat pour la Paix n°499 - Dossier : France

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Combat pour la Paix n°499 - Dossier : France
Combat pour la Paix n°499 – Dossier : France :
quelle culture de la paix dans le projet
constitutionnel ?
Dossier
France : quelle culture
constitutionnel ?
de
la
paix
dans
le
projet
La « Convention sur l‘Avenir de l’Europe » mise en place à la suite de la « Convention pour la Charte des Droits
fondamentaux en Europe » après que cette Charte ait été intégrée dans le Traité de Nice a longtemps laissé ouvert le
débat sur le statut final de ses travaux : projet de nouveau Traité Européen ou projet de Constitution pour l’Union
Européenne. Une double appellation fut retenue, celle d’un « Traité établissant une Constitution », ce qui a permis
finalement :
– d’incorporer après le sommet de Thessalonique la partie III qui porte un choix de politique économique relevant
expressément du libéralisme, en lui donnant un statut « constitutionnel ». Quand on sait la difficulté énorme qu’il y
aurait à modifier le texte constitutionnel, nécessitant l’unanimité des Etats membres, c’est dire que la contestation,
le refus, le remplacement, le dépassement des règles de la domination des critères financiers de rentabilité du capital
deviendraient des atteintes à la Constitution européenne, au nom de la libre concurrence,
– de passer, en France, le cap de l’examen, par le Conseil Constitutionnel, des articles incompatibles avec la
Constitution française, privilégiant cette fois, le seul aspect « Traité » du texte, ce qui n’entraînait que les
quelques modifications constitutionnelles qui seront soumises au Parlement.
Le texte et l’action pour la paix
La campagne dans le cadre du référendum prévu avant fin juin 2005 ne permet que de porter appréciation sur le projet
arrêté. En tant que Mouvement de la Paix, nous examinons le texte du point de vue de l’action pour la paix et le
désarmement, et de la promotion de la culture de la paix dans toutes ses dimensions.
Dans le préambule et le titre I où il est question des valeurs et des objectifs de l’Union Européenne, la paix est
placée dans l’article 3 du titre I comme un des objectifs de l’Union Européenne. Il aurait été heureux de la voir aussi
placée dans l’article 2, celui des « valeurs » à vocation universelle de l’Union. Les différents héritages et le passé
historique de l’Europe, ses divisions, sont évoqués pour ce qui doit motiver et fonder une aspiration à l’entente, à la
concertation et à la construction commune entre les pays européens. Aucun rappel, qui aurait été pourtant édifiant et
exigeant pour l’avenir, sur le fait que l’Europe a été le théâtre de nombreuses, longues et sanglantes guerres dont
deux mondiales, et qu’elle a vu se développer le nazisme et des dictatures criminelles, le totalitarisme, le
colonialisme et l’esclavagisme.
L’Union et les institutions internationales ?
La place, le rôle, le respect des fondements de l’Organisation des Nations Unies, des principes de sa Charte -ce qui
n’exclut nullement la recherche de l’amélioration de ses règles de fonctionnement, de son efficacité et de sa présence
opérationnelle – ne sont pas clairement réaffirmés comme étant des références pour la politique de l’Union, ainsi que
manquent les références aux structures européennes plus larges (Conseil de l’Europe, OSCE) et aux grands textes et
Traités du droit international. Il faut néanmoins remarquer que « dans la mise en œuvre de la politique de sécurité et
de défense commune », les missions « en dehors de l’Union » devraient se conformer, entre autres, aux principes de la
Charte des Nations Unies, même si cette précision n’apparaît qu’en dernier point.
Ce qui à nos yeux pose encore plus de problèmes, c’est la compatibilité obligée avec l’OTAN, dominée par
l’unilatéralisme des USA et bâtie dans le contexte de la guerre froide.
L’article I-40 stipule : « la politique de l’Union…respecte les obligations découlant du Traité de l’Atlantique Nord
pour certains Etats membres (…) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans
ce cadre ».
Veut-on « constitutionnaliser » l’OTAN en Europe ? L’Otan serait donc partie constitutive de l’identité de l’Union
Européenne, et ce seraient les choix de l’OTAN qui s’imposeraient à la PESDC de l’Union au lieu d’envisager le
contraire.
Pour tous les Etats membres, les choix de l’Union devraient être prééminents sur ceux de l’OTAN.
On est loin des aspirations de ceux qui voudraient voir l’UE favoriser, au plan international, le multilatéralisme, une
vocation universelle d’une autre Europe pour un autre monde, avec la paix comme valeur fondamentale des relations
internationales.
Le projet actuel développe une autre orientation, celle d’une Europe se militarisant de plus en plus, s’engageant à
améliorer ses capacités militaires, ses industries de production d’armement, sans condamner le commerce des armes,
investissant encore plus dans la recherche militaire en vue « des besoins opérationnels futurs ».
Aucune précision par contre sur l’avenir des armements nucléaires en Europe, ni sur l’attitude de l’Union par rapport
aux exigences du Traité de Non Prolifération nucléaire et au désarmement.
Enfin, nous sommes amenés à lire le texte du projet au regard des autres fondements de la Culture de la Paix retenus
par l’ONU dans son programme pour la Décennie de la Culture de la Paix.
Cela nous ramène aux droits et libertés, à la justice sociale, à la démocratie dans l’Union.
La Charte des Droits Fondamentaux, déjà dans le Traité de Nice, n’est donc pas un « plus » que nous devrions au nouveau
projet.
Mais, ses insuffisances dans plusieurs domaines (droits sociaux, protection sociale, droits des femmes, IVG,
contraception, droits des immigrés, citoyenneté de résidence, droit d’asile, laïcité, libre circulation des personnes,
…), ses retards sur certaines chartes sociales déjà existantes en Europe et sur certaines situations nationales déjà
acquises, sa non-justiciabilité devant les tribunaux en cas de violation, deviendraient « à valeur constitutionnelle »,
difficiles à améliorer par la voie législative, alors même que l’initiative des lois reste toujours aux mains de la
Commission, malgré quelques progrès dans les prérogatives du Parlement Européen.
Raoul Alonso
Responsable de la commission Europe du Mouvemetn de la Paix

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