ENTRAÎNER LE JEU DE PIEDS DES BOXEURS (un séminaire

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ENTRAÎNER LE JEU DE PIEDS DES BOXEURS (un séminaire
ENTRAÎNER LE JEU DE PIEDS DES BOXEURS
(un séminaire proposé par Rénald Boisvert)
Dans l'esprit de plusieurs, le «jeu de pieds» appartient à un certain type de boxeurs qui
se caractérisent par l'aisance à se déplacer dans le ring. C'est comme si cette aptitude
était réservée exclusivement à ceux-là qu'on appelle stylistes. Pourtant, il n'en est rien.
Le boxeur moins talentueux à ce niveau a autant, sinon davantage besoin de maîtriser
sa mobilité. Même si les déplacements de celui-ci n'apparaissent pas toujours
harmonieux, il demeure qu'il doit parvenir, à l'intérieur de sa sphère d'habiletés, à un
niveau de précision et d'efficacité optimal.
En revanche, le boxeur même styliste ne doit pas compter sur ses seules dispositions
dites naturelles pour améliorer son jeu de pieds. De façon plus rentable, un entraînement
méthodique et structuré procurera – à tout athlète et son entraîneur – un ensemble de
paramètres permettant de planifier les progressions et d'en faire le suivi au quotidien.
Dans ce séminaire, l'objectif sera ainsi de se familiariser avec les éléments constitutifs
du jeu de pieds. Pour y arriver, la méthode proposée consistera à aborder les divers types
de déplacement, dont plusieurs sont complexes, en les décomposant en segments
simples à exécuter pour ensuite progressivement parvenir à leur exécution complète.
Cette approche amène généralement l'athlète à maîtriser plus rapidement les divers types
de jeu de pieds.
D'un point de vue pédagogique, ce sont par ailleurs les «éducatifs» qui s'avèrent les
principaux outils servant à développer les habiletés de l'athlète. En tant qu'entraîneur,
nous en utilisons déjà plusieurs et, la plupart du temps, il suffit de les adapter aux
besoins particuliers de nos boxeurs. Lors de ce séminaire, il serait intéressant que nous
partagions nos connaissances à cet égard. Ainsi, les commentaires et suggestions des
participants pourraient contribuer à élever le niveau de notre compréhension du «jeu de
pieds» et, par voie de conséquence, favoriser le développement de nos boxeurs.
JEU DE PIEDS & ÉCHAUFFEMENT
Il est toujours utile de rappeler les principes de base qui sont applicables lors de la
séance d'échauffement. Ainsi, il s'agit pour l'athlète d'augmenter graduellement
l'intensité de son travail dans le but d'élever la température de son corps sans pour autant
se fatiguer. D'autre part, il importe qu'il échauffe en premier lieu les groupes musculaires
«les plus gros» et évite les exercices d'étirement tant et aussi longtemps que les muscles
ne sont pas chauds.
D'autre part, il convient que la séance d'échauffement se déroule en deux phases: la
première est générale alors que la deuxième est spécifique. Lors de la phase générale,
l'athlète exécute un bon nombre d'exercices qui ont pour but d'échauffer le corps dans
son ensemble. Puis, au cours de la phase spécifique, l'athlète sollicitera les groupes
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musculaires qui seront précisément utilisés lors de l'entraînement qu'il s'apprête à
effectuer.
Il n'est pas inutile d'insister sur la nécessité pour l'athlète de commencer l'échauffement,
en tout premier lieu, par la phase générale. Il arrive trop souvent de voir certains boxeurs
débuter l'échauffement par des exercices spécifiques à la compétition, alors que
l'organisme n'y a pas été préparé. Il s'ensuit alors un risque accru de claquages et autres
lésions musculaires.
Au cours du séminaire, nous proposerons un certain nombre d'exercices dans le but de
mettre en relief le rôle respectif de ces deux phases d'échauffement. À ce sujet, il sera
alors intéressant de connaître vos commentaires et suggestions.
JEU DE PIEDS & TRANSFERT DE POIDS
Il est généralement reconnu que l'équilibre est à la base non seulement de la position
initiale du boxeur, mais aussi de son jeu de pieds. Ainsi, on utilise l'expression «équilibre
statique» dans le cas où l'athlète est immobile, alors que l'expression «équilibre
dynamique» vise les cas où il est en mouvement. Néanmoins un malentendu subsiste
dans la compréhension de ce que signifie «équilibre» lorsqu'il est question de jeux de
pieds. Certains entraîneurs comprennent par là que le tronc et les épaules du boxeur
doivent demeurer immobile tout au long d'un déplacement. Par souci d'équilibre et de
stabilité, seules les jambes et non pas le tronc rempliraient alors une fonction
dynamique. Qu'en est-il?
Dans la plupart des cas, les déplacements effectués par les boxeurs ne doivent-ils pas
plutôt être accompagnés de transferts de leur centre de gravité? À défaut de tels
transferts de poids, il est fort à parier que ces déplacements paraîtront tout simplement
robotiques. Aussi, l'athlète qui prend conscience de l'importance de cet aspect gagnera
en fluidité. Pour l'en convaincre, il suffit de lui demander d'exécuter certains de ces
déplacements, tantôt en transférant le poids de son corps, tantôt en ne le transférant pas.
La comparaison rendra encore plus évidente notre affirmation.
Loin de compromettre la stabilité du boxeur, les mouvements du tronc (de type
balancier) et des épaules au cours d'un déplacement lui assure, tout au contraire, un
contrôle encore plus grand de sa stabilité. Par ailleurs, il convient d'apporter les nuances
nécessaires en ce qui concerne le degré d'amplitude du transfert de poids à appliquer
selon les circonstances et la stratégie convoitée. Parfois, le geste sera court et compact
de manière à rechercher l'effet de surprise; parfois, le geste sera plutôt ample dans le but
d'atteindre une plus grande vélocité.
Dans ce séminaire, nous proposerons donc un ensemble d'exercices ayant pour but de
sensibiliser l'athlète au rôle et à la pertinence des transferts de poids en vue d'améliorer
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la qualité de ses déplacements. Aussi, certains de ces exercices – que l'on nomme
«éducatifs» à juste titre – révèlent davantage la spécificité du geste de boxe. Par
exemple, l'athlète qui, tout en se déplaçant en chassés ou régulièrement, anticipe le jab
(d'un adversaire fictif ou de l'entraîneur), n'a qu'à donner un peu plus d'amplitude à son
transfert de poids pour lui permettre d'esquiver et ce, sans perte d'équilibre. Dans un tel
cas, c'est le transfert de poids qui a permis l'esquive. À noter que cette manoeuvre
défensive se distingue de celle où c'est plutôt la pression du pied au sol qui permet
d'éviter le jab. Il est utile ici que l'athlète puisse saisir ces façons radicalement
différentes de recourir à une esquive lors de son jeu de pieds.
JEU DE PIEDS & STYLES DE BOXE
L'expression «jeu de pieds» peut paraître inadéquate pour décrire les déplacements en
apparence laborieux de ces boxeurs qu'on appelle «pieds plats». Dans la langue anglaise,
le terme «footwork» a le mérite d'être plus inclusif que ne l'est l'expression française. En
plus, le terme anglais a l'avantage de comprendre la notion de «travail». Même si «jeu de
pieds» demeure une expression à conserver pour son sens profondément évocateur, il
vaut mieux, sur le plan pédagogique, étendre son interprétation de manière à inclure les
déplacements de tous les boxeurs, sans aucune exception.
Il est déplorable de constater que plusieurs de ces boxeurs moins talentueux renoncent à
améliorer leur mobilité sous prétexte qu'ils n'auraient pas, au départ, les habiletés
requises. Pourquoi ne pas considérer plutôt les choses de la façon suivante? La
performance du boxeur dépend de nombreux facteurs (technique, force, vitesse,
coordination etc...). En améliorant séparément chacun de ces facteurs, il est probable que
la somme des interventions contribuera éventuellement à augmenter la performance
globale du boxeur.
Mais il y a plus. En réalité, il existe un lien encore plus étroit entre ces facteurs de
performance. Considérons qu'il y a une interrelation telle que chacun de ces facteurs
atteindra sa réalisation «optimale» seulement si un certain travail est accompli au niveau
de l'un ou plusieurs des autres facteurs de performance. Il en est de même, croyons-nous,
pour le travail visant la mobilité, lequel travail peut s'avérer indispensable à la pleine
optimisation de plusieurs autres éléments de la performance du boxeur.
Dans cet ordre d'idée, nous proposerons, lors du séminaire, un certain nombre
d'exercices de coordination et d'agilité qui auront pour objet non seulement d'améliorer
la qualité des déplacements en soi, mais également d'optimiser certaines habiletés
techniques n'ayant en apparence aucun lien avec l'aptitude à se déplacer. Ainsi, nous
verrons comment un simple «pas de coté» peut constituer le point de départ de toutes les
types d'esquive. De même, nous verrons dans quelle mesure le chassé-arrière peut être
efficace pour saisir et parfaire l'habileté à rouler les coups.
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En somme, peu importe le style de boxe adopté par l'athlète, il ne fait aucun doute que le
travail en gymnase qu'il effectue en vue d'améliorer sa mobilité lui apportera des gains
qui s'étendent bien au delà de cette seule fonction; c'est donc sa coordination en général
qui en bénéficie en bout de ligne, de même qu'une plus grande fluidité au niveau de son
tronc et de ses épaules. À cette fin, nous présenterons lors du séminaire un certain
nombre d'exercices (il s'agit de courts segments tirés à partir de divers jeux de pieds)
destinés à améliorer «de façon générale» la coordination et la fluidité du boxeur.
Par la suite, nous passerons en revue les principaux styles de boxe, un à un, en fonction
du type de déplacement que chacun d'eux requiert normalement. Il sera alors intéressant
à cette étape du séminaire de débattre de la pertinence du jeu de pieds pour chacun des
styles de boxe. En outre, vos suggestions et commentaires auront pour conséquence
d'enrichir la discussion.
JEU DE PIEDS & STABILITÉ
Nous savons que l'expression «équilibre dynamique» vise l'aptitude d'un athlète à
maintenir une certaine stabilité alors qu'il est en mouvement. À compter du moment où
l'athlète s'immobilise, alors il convient d'utiliser plutôt l'expression «équilibre statique».
Pour beaucoup d'entraîneurs, ce n'est pas l'équilibre dynamique, mais l'équilibre statique
qui prévaut lorsque vient le temps pour le boxeur de «s'installer», c'est à dire au moment
où il se prépare à appliquer, par exemple, un direct de la main arrière. Selon ce point de
vue, le boxeur doit alors s'immobiliser (ne serait-ce qu'une fraction de seconde) avant de
déclencher son direct.
Lors du séminaire, nous tenterons de démontrer qu'au contraire, le boxeur expérimenté
n'a pas à s'immobiliser, sinon uniquement au moment où il applique ce direct de la main
arrière. Le boxeur accompli n'a nul besoin de s'immobiliser pour «s'installer» avant de
dégainer. Il y va de son intérêt de réduire au minimum et, si possible, annuler ce moment
d'immobilité. Ceci met en question l'efficacité même de son jeu de pieds au plan
offensif.
Par contre, nous convenons que lors de l'apprentissage du débutant, il vaut mieux lui
demander de prendre tout le temps qui lui est nécessaire pour «s'installer» et même, bien
ancrer ses appuis avant d'exécuter un coup de poing. Au plan pédagogique, il ne fait
aucun doute que de longs mois doivent s'écouler avant de songer à réduire ladite période
d'immobilité dont le débutant a besoin pour «s'installer» en toute stabilité.
Lors de ce séminaire, il vous sera proposé un certain nombre d'exercices qui ont pour but
d'identifier cet «instant précis» dont le débutant a besoin, en s'immobilisant, afin de lui
permettre de bien ancrer la position de ses pieds avant d'appliquer un coup de poing.
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Par la suite, nous vous suggérerons d'autres exercices ayant cette fois-ci pour objectif
d'amener graduellement l'athlète à diminuer cette période de temps visant à «s'installer».
Nous insisterons alors sur l'importance qui doit être accordée au rôle à jouer par
l'entraîneur en vue d'améliorer cette aptitude de l'athlète. Il ne doit utiliser aucun
raccourci. Chaque étape est cruciale pour la suivante. Mais évidemment, notre prise de
position en ce qui concerne toute cette question de stabilité pourrait en incommoder
certains. Place à la discussion...
JEU DE PIEDS & PRÉPARATION PHYSIQUE
Désormais, lorsqu'il est question d'entraînement de boxe, on ne peut plus faire
abstraction de l'influence considérable exercée par le domaine de la «préparation
physique». Pour quiconque veut «optimale» la performance de son athlète, alors
s'imposent les règles issues de ce domaine. Par exemple, il peut s'agir de déterminer la
contribution de chacun des systèmes d'énergie en fonction des divers modes
d'entraînement que l'athlète doit accomplir. Ceci suppose notamment que des variations
devront être apportées à la combinaison intensité-volume ainsi qu'aux temps de repos.
Il peut également s'agir du développement de certains types de fibres musculaires. Il
conviendra alors, en tout premier lieu, de déterminer lesquelles doit-on privilégier eu
égard à son sport. En revanche, de tels choix ne doivent pas être arbitraires. Ils doivent
s'inscrire dans une démarche tenant compte du cycle et des objectifs qui ont été
préalablement déterminés. Ainsi, le domaine de la préparation physique se porte à la
rescousse de l'entraîneur lorsque vient le temps de déterminer par avance les conditions
optimales d'entraînement. En un mot, elle s'occupe de «planification».
Mais il y a plus encore. Non seulement le domaine de la «préparation physique» procure
les moyens d'améliorer les qualités fonctionnelles de l'athlète au niveau énergétique,
mais également au plan des habiletés motrices (équilibre, agilité, coordination, adresse).
Ce qui est intéressant ici, c'est que le développement d'habiletés motrices «générales»
amène des effets bénéfiques au niveau des qualités sportives «spécifiques». Ainsi, il est
reconnu que l'athlète qui se construit un répertoire d'habiletés motrices diverses aura
beaucoup plus de facilité à adopter un nouveau schéma moteur en raison de leur
similitude avec celui-ci. C'est notamment le rôle du préparateur physique de créer un
ensemble d'exercices qui possède cette caractéristique de «similitude» entre les habiletés
de type général et de type spécifique.
Lors du séminaire, il vous sera proposé un certains nombre d'exercices visant
l'amélioration des habiletés «générales». Puis, nous vous soumettrons à titre d'exemples
certains exercices qui ont pour objet de faire ressortir cette similitude entre habileté
générale et habileté spécifique (jeu de pieds). Vous serez alors invités à y aller de vos
commentaires et suggestions.
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INSTABILITÉ & DÉSÉQUILIBRE
En général, les entraîneurs craignent l'instabilité et le déséquilibre comme la peste. Au
moindre faux pas lors d'un entraînement, l'athlète est réprimandé de manière à ce qu'il ne
commette jamais plus ce genre d'impair. Pourtant, lors d'un combat, les occasions où le
boxeur est instable et/ou en déséquilibre sont fréquentes. D'ailleurs, règle générale,
l'objectif n'est-il pas d'amener l'adversaire dans cet état de vulnérabilité?
Or, tenant compte que les boxeurs se retrouvent fréquemment, lors d'un combat, dans
ces situations d'instabilité et de déséquilibre, il est à se demander si les tentatives de
réprimer ce genre de faute sont efficaces. Suffit-il vraiment d'exiger de l'athlète de ne pas
se mettre dans cette situation pour qu'il ne s'y retrouve pas? Il est à croire que les
réprimandes ne suffisent pas. Le problème trouve plutôt sa solution dans la pratique
concrète de ce que l'athlète doit faire dans ces situations. Il s'agit alors de partir de ces
postures instables et de déséquilibre dans lesquelles l'athlète se retrouve malgré lui afin
qu'il en vienne à se familiariser avec les façons de se sortir d'affaire. Au cours du
séminaire, nous donnerons quelques exemples de ce procédé consistant à mettre l'athlète
dans une telle position de vulnérabilité et à partir de laquelle il doit réagir et exécuter
divers mouvements adaptés à la situation. Comme toujours, vous serez invités à faire
part de vos commentaires et suggestions.
Peut-être n'est-il pas inutile à ce moment-ci de distinguer «instabilité» et «déséquilibre».
Au sens négatif du terme, l'instabilité survient au moment où le boxeur est généralement
en équilibre, mais dont le poids du corps se trouve sur la mauvaise jambe, alors que le
déséquilibre désigne plutôt le cas où le centre de gravité est sorti de la base d'appuis.
Pour notre part, il importe que le boxeur comprenne bien cette distinction en faisant
sciemment l'expérience de chacune de ces situations. Même si un athlète doit en principe
éviter de se retrouver en déséquilibre, il est absolument impossible qu'il ne le soit
jamais. C'est donc lors de l'entraînement que l'athlète doit en tester les limites.
D'autre part, l'instabilité n'est pas synonyme de déséquilibre. Bien au contraire,
l'instabilité est d'abord et avant tout une habileté, une qualité primordiale chez un boxeur
consistant à transférer efficacement son centre de gravité d'une jambe à l'autre. Il doit
donc développer cette qualité d'être instable en vue d'accroître sa vitesse de réaction et
ainsi éviter d'être pris à contre-pied lors de ces transferts. Dans ce séminaire, nous
offrirons quelques exemples de ceci. Vous serez alors invités à les commenter.
CONCLUSION
On ne répétera jamais assez que le jeu de pieds est à la base du développement de tout
boxeur. Peu importe le style préconisé, l'athlète doit faire l'apprentissage, puis
ultimement maîtriser ces mouvements d'amplitude diverse, parfois saccadés, parfois
cadencés et rythmiques. Assez discuté! Place à l'action, place à l'entraînement...
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