Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle

Transcription

Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle
Eléments de réflexion sur la formation
des enseignants de fle en université au Japon
Monique LE LARDIC
Résumé
L’enseignement du fle au Japon s’inscrit dans un cadre en pleine mutation. Les réformes administratives et l’évolution du public d’apprenants font
émerger des nouveaux besoins auxquels les enseignants de français se trouvent confrontés. Au regard de cette situation, il semble important de cerner
le champ dans lequel s’inscrit le questionnement autour de la formation à
l’enseignement du français en université au Japon et de faire un travail
d’élucidation de l’objet « formation » pour le contexte japonais actuel.
Introduction
L’enseignement du français langue étrangère au Japon s’inscrit dans
un cadre en pleine mutation. Les réformes administratives et nouvelles
politiques entreprises par le gouvernement japonais, dans de nombreux
secteurs de la société japonaise, touchent de plein fouet l’éducation et
en particulier l’université. Elles affectent conjointement le futur des universités et l’avenir des département de langues. Par ailleurs, l’environnement socio-économique et socio-culturel actuel engendre une transformation des attentes des apprenants et de leur rapport au savoir, ce qui
ajoute une nouvelle problématique et amplifie le questionnement.
Dans cet article, nous proposons quelques éléments de réflexion sur
l’impact de ces réformes et les nouveaux enjeux auxquels les enseignants
de fle au Japon se retrouvent confrontés. Plusieurs entrées sont possibles
pour analyser la situation actuelle de l’enseignement du fle au Japon et
envisager son évolution. L’une d’entre elles concerne la formation des
! Enseignement du français au Japon n°33
juillet 2005
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enseignants de fle en université au Japon qui, depuis de nombreuses années, se retrouve au coeur des discussions entre les acteurs engagés dans
l’enseignement en université et dans les réseaux concernés par la politique éducative japonaise en matière d’enseignement des langues et par
la promotion de l’enseignement du français.
Le projet professionnel qui valide la formation : DESS Acteur international dans le domaine des langues du Centre de linguistique appliquée (CLA) de l’université de Franche-Comté, à Besançon, nous a
amené à utiliser les outils et les méthodes d’analyse de la démarche
d’ingénierie de la formation pour examiner l’hypothèse selon laquelle
une formation des enseignants de fle au Japon permettrait le
développement de compétences les préparant à répondre aux nouvelles
attentes institutionnelles, aux attentes du public d’apprenants et à faire
face aux enjeux émergeants.
Afin d’identifier les sources et les besoins de formation, nous avons,
dans un premier temps, fait un « état des lieux » en recueillant et analysant des informations et des données sur le contenu des réformes, les
fonctions des enseignants de français en université, le profil des enseignants de fle et la formation à l’enseignement du fle au Japon. Ce
travail a été fait à partir d’enquêtes, d’entretiens et de questionnaires
auprès d’une quarantaine d’enseignants et des responsables de formation,
des documents officiels et rapports émanant du Ministère de l’éducation
ainsi que de compte-rendu et analyses de consultants experts en formation. Le recoupement et l’analyse des informations a permis de dégager
les écarts entre la situation réelle de l’enseignement du fle en université
et les orientations attendues qui sont issues de la modification du contexte. Pour chacun de ces domaines, les constats d’écarts existants entre
la situation réelle et la situation souhaitée ont été soulignés.
Nous présentons ici les grands traits de ce travail et les résultats qui
ont permis d’émettre un diagnostic sur les sources et les causes de ces
écarts et de proposer le recours à l’ingénierie de la formation pour
l’élaboration d’un dispositif de formation à l’enseignement du fle en
contexte japonais.
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Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle en université au Japon
Les réformes administratives et éducatives
Les réformes administratives, qui ont démarré en 1991 et se poursuivent aujourd’hui, visent à accorder aux universités un statut juridique
qui les amènera à une indépendance administrative et financière. Elles
devront alors adopter des méthodes de gestion proches du monde de
l’entreprise.
La stabilité financière des universités dépendra en partie du nombre
d’étudiants qu’elles seront capables d’attirer. Un changement dans le
nombre d’étudiants s’inscrivant dans un cursus et la baisse du nombre
de jeunes japonais, en âge d’entrer à l’université, provoqueraient une
forte compétition entre les universités, ce qui contraindrait certaines
d’entre elles à fusionner ou à fermer certains départements et à réduire
leur nombre d’enseignants.
A cette responsabilité nouvelle dans la gestion financière et la gestion du personnel s’ajoute la volonté d’assurer que les directives du gouvernement en matière éducative soient effectivement suivies.
De son côté, le Ministère de l’éducation détaille, dans son « Plan de
réforme pour l’éducation du 21ème siècle » (MOMBUSHO, 1997), les
stratégies à mettre en oeuvre pour répondre aux transformations de la
société japonaise et l’inscrire dans le courant de mondialisation et de
globalisation. Il précise, pour chaque secteur de l’éducation, les transformations attendues, soulignant ainsi de façon détaillée certains manques
et dysfonctionnements du système actuel. Elles réfléchissent les transformations dans la société et obligent à une réflexion sur les rôles et les
fonctions de l’éducation et, particulièrement, sur le rôle formateur des
universités.
Le questionnement sur les responsabilités de l’université, sur sa capacité à s’ouvrir sur le monde professionnel et à développer chez les
étudiants des compétences réinvestissables dans ce monde professionnel,
s’étend à toutes les disciplines académiques. La vocation de l’université
de préparer des personnes capables de s’intégrer dans la société et le
monde du travail ou les entreprises, où elles recevraient la formation
adéquate pour le poste qui leur serait dévolu, ne correspond plus
totalement aux réalités sociales et économiques japonaises.
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Dans ce contexte et au regard de ces réformes, les acteurs impliqués
dans l’enseignement du français langue étrangère doivent s’interroger
sur les pratiques existantes et s’assurer qu’elles répondent aux réels besoins du public auquel elles s’adressent. Ils devront faire face aux nouvelles exigences de résultats qui se dessinent à travers ces réformes et à
la compétition entre facultés, pour la survie des départements, qui les
accompagnent.
Les exigences d’acquisition de savoirs et de savoir-faire, transposables en milieu professionnel, proviennent non seulement des employeurs potentiels mais d’un nombre croissant d’étudiants. (BRUCKERT,
2002) Des compétences spécifiques, exploitables dans divers domaines
économiques et dans la vie sociale, représentent pour ces derniers un
atout dans la recherche d’un emploi (leur garantissant promotion et
mobilité) et un outil de progrès et d’évolution professionnelle et personnelle. Ils sont aussi de plus en plus nombreux à s’éloigner du modèle
conventionnel d’emploi dans une entreprise de renom, qui leur garantirait un emploi à vie et une « formation maison » assurée par les ainés,
qui va de pair avec l’adhésion aux valeurs et à la culture de l’entreprise.
Le climat d’insécurité de l’emploi, la présence croissante d’entreprises
étrangères, le changement des mentalités transforment les attentes des
étudiants quant à la formation qu’ils reçoivent à l’université.
L’enseignement des langues étrangères doit pouvoir répondre à ces
défis. Dans l’enseignement de l’anglais, largement soutenu par le gouvernement et le monde professionnel, la dimension communicative dans
l’apprentissage des langues est fortement promue. L’absence de prise en
compte de cette dimension communicative et de l’évolution des attentes
et des besoins des apprenants se trouverait en désaccord avec les tendances de la société à valoriser les échanges internationaux, l’ouverture
vers l’étranger et la reconnaissance des langues étrangères comme outil/
atout professionnel.
Comment les enseignants de fle à l’université peuvent-ils remobiliser et capitaliser leurs compétences, la richesse de leurs expériences et
de leurs réflexions pour orienter l’enseignement vers des objectifs en
adéquation avec les besoins émergeants ? Comment l’enseignant de fle à
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Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle en université au Japon
l’université peut-il répondre à cette évolution et à ces enjeux ?
Les fonctions de l’enseignant d’université
Au Japon comme ailleurs, l’enseignant en université a une double
fonction : il est chercheur et est en charge d’enseignements.
La recherche reste un des volets les plus importants de ses activités
et il est tenu de produire des résultats de recherche de qualité élevée, en
quantité et innovatrices, dont il doit faire la publicité à travers publications et communications. Ces résultats de recherche sont non seulement
gage de promotion et de prestige ou garant de l’identité universitaire
mais servent aussi de mesure de réussite dans la profession et donc
d’évaluation. L’enseignement constitue l’autre volet de ces activités.
Donnay J. et Romainville M. (1996) signalent :
« En Europe, enseigner à l’université, c’était initier à la recherche ou,
au moins enseigner par la recherche. »
Cette situation prévalait de la même façon au Japon. De ce fait,
comme l’écrit Galinon-Mélenec B. (1996) :
« L’enseignant d’université doit non seulement participer à la construction de savoirs par la recherche (avec leurs conséquences sur le
progrès scientifique, technique, social) mais aussi former des étudiants marqués par la proximité offerte avec des constructeurs de
savoir. »
Dans ce domaine, la qualité des recherches produites par les chercheurs enseignants japonais et leurs compétences à former des étudiants
à la recherche est indéniable. Ils sont notamment internationalement reconnus parmi les plus grands spécialistes de littérature française du
XIXème siècle.
L’enseignant-chercheur, ou plutôt le chercheur en charge d’enseignements, puise dans ses compétences à la recherche pour enseigner.
Autrement dit, sa formation à l’enseignement et ses compétences d’enseignant sont entièrement dérivées, et reposent en grande partie, sur ses
capacités à rechercher et sur les savoirs issus de cette recherche.
En matière d’enseignement, l’étendue et la maitrise du savoir acquis
déterminent la capacité à passer ce savoir et légitiment l’idée qu’il n’y a
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pas besoin de formation à l’enseignement pour pouvoir enseigner, et
que la qualité de l’enseignement s’évalue sur la maîtrise du contenu et
de la présentation de ces contenus. Le cours devient ainsi une passation
des savoirs sous forme de communications adaptées au niveau des étudiants.
Dans ce contexte, l’acquisition des savoirs est perçue comme se faisant naturellement sans qu’il y ait besoin de faciliter cette acquisition
par une démarche réfléchie et des outils adaptés.
Auparavant, enseignant à des étudiants qui se spécialisaient en
langue et littérature françaises, il s’adressait à un public engagé dans une
discipline dont les finalités étaient clairement définies. Par la suite, la
promotion des langues étrangères a conduit à une augmentation importante du nombre d’apprenants dont les objectifs ne sont pas entièrement circonscrits. L’émergence de ce nouveau public d’apprenants,
parmi lesquels des « non spécialistes », a amené, d’une part, les
chercheurs-enseignants à innover dans le domaine de la pédagogie, alors
qu’en principe, c’est la recherche qui leur avait fait choisir le champ
universitaire. D’autre part, cela a conduit les universités à engager un
plus grand nombre d’enseignants de langue dont les intérêts et les compétences portent sur l’enseignement plutôt que sur la recherche. (DREYFUS,
1996)
Cependant, aujourd’hui encore, dans un grand nombre d’universités, le doctorat ou l’appartenance à une école doctorale, sont requis
pour l’obtention d’un poste de titulaire et les résultats de recherche et
notoriété de l’université d’origine constituent la base des critères de recrutement pour les postes en université. Ceci conduit certains enseignants à s’engager dans la recherche pour répondre à une logique de
carrière en université et les place face à un problème de choix quant au
domaine de compétences à développer en priorité pour leur avenir professionnel.
La complexité de la double fonction recherche et enseignement se
trouve augmentée quand il s’agit de déterminer les finalités du français
langue étrangère. Est-ce une langue média d’études spécialisées et de recherche ? Une langue de communication pour les échanges profession92
Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle en université au Japon
nels ? Une langue de communication pour les échanges sociaux ? Une
langue qui permet l’accès ponctuel à des documents de natures diverses
dans des domaines spécifiques ? Une langue outil de communication
qui permet d’engager des échanges en adéquation avec le contexte ?
Jusqu’à présent, la fonction d’initiation à la recherche de l’université
a conduit naturellement à considérer l’enseignement du français comme
étant prioritairement lié à la recherche et n’a que peu pris en compte la
nécessité de faire acquérir des connaissances et des capacités transférables dans le monde professionnel ou la vie sociale. Les finalités de
l’apprentissage du français langue de communication sociale et/ou professionnelle et du français langue d’études et de recherche n’ont pas été
clairement distinguées. De la même façon, les deux fonctions de recherche et d’enseignement ne sont encore aujourd’hui pas envisagées séparément. La distance existant entre ces deux domaines et la double fonction chercheur et enseignant met les enseignants face à une situation
complexe, génératrice de tension.
Il est devenu, aujourd’hui plus que jamais, indispensable de comprendre comment gérer la complexité de cette double fonction de recherche et d’enseignement ? Comment établir un équilibre dans la
qualité avec laquelle sont remplies ces deux fonctions ? Comment faire
reconnaitre la spécificité de la profession d’enseignant de français langue
étrangère, et lui reconnaître une valeur égale à la profession de
chercheur ? Comment éviter que la profession enseignant de français
langue étrangère perde de la consistance qu’elle avait acquise au cours
des années, grâce, entre autre, aux forts engagements des enseignants
ayant reconnu très tôt cette discordance entre les deux fonctions ?
L’enseignant d’université, qui se définit comme enseignant de
français langue étrangère et non pas comme chercheur, a besoin, d’un
espace de formation et de réflexion sur la formation. Dans un tel espace,
il pourrait analyser l’évolution du métier d’enseignant de fle, s’interroger
sur le sens du terme « enseignant-professionnel », sur les compétences
professionnelles mises en oeuvre par un enseignant expérimenté, sur la
manière dont s’acquièrent ces savoirs et compétences d’enseignement.
La reconnaissance de l’enseignement, à sa juste valeur, au même ti93
tre que la recherche, passe par la connaissance des diverses fonctions et
tâches accomplies par l’enseignant. La description des composantes de
cette profession ne peut pas se limiter à l’indication du nombre et des
intitulés de cours qu’il a à assurer. Cette description est essentielle pour
dessiner le profil de l’enseignant de français langue étrangère en université. Comment définir cette profession ? Qu’est-ce qu’un enseignant de
langue professionnel ?
Profil de l’enseignant de français langue étrangère.
Quel est le profil de l’enseignant de français langue étrangère ? Pour
pouvoir établir ce profil, il est indispensable, au préalable, de déterminer
quelles sont les tâches qu’un enseignant de français langue étrangère accomplit dans l’exercice de sa fonction. Ensuite seulement peut-on déterminer quels savoirs et quelles compétences il doit mettre en oeuvre
pour accomplir ces tâches et ces activités en vue d’assurer l’acquisition
de compétences linguistiques et de communication par les apprenants
dans le cadre des études universitaires.
L’examen du plan de réformes pour l’éducation du 21ème siècle
nous montre que l’apprentissage des langues étrangères est une des
stratégies prioritaires pour atteindre le modèle pour l’éducation japonaise dans la perspective du 21ème siècle. Toutefois, si les finalités de
l’apprentissage d’une langue étrangère sont clairement exprimées dans
les textes, il apparaît tout aussi clairement que les moyens d’y parvenir
sont encore largement problématiques. Il ne s’agit plus de convaincre
un public potentiel de la nécessité de maîtriser une langue étrangère,
mais de donner à ce public les moyens méthodologiques d’y accéder.
Les domaines sur lesquels portent les recommandations du Ministère de l’éducation montrent bien que c’est l’enseignement des langues
au Japon, dans son ensemble, qui est en question. Il ne s’agit pas seulement de répondre à l’évolution d’une société, ni de pourvoir à des besoins nouveaux, mais de revoir l’adéquation entre ce qu’est en droit
d’attendre une société de la formation de ses étudiants et ce qu’offre
l’université en matière d’acquisition des connaissances et des compétences transposables dans le monde professionnel.
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Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle en université au Japon
C’est ce que ce plan de réformes et les stratégies qui s’y attachent
démontrent en visant les aspects essentiels de l’enseignement des langues.
(MOMBUSHO, 1997) :
・Développement des compétences de communication avec une emphase particulière sur les compétences d’expression et de compréhension orale.
・Evaluation de ces compétences pour l’entrée au lycée et à l’université.
・Amélioration de la qualité de l’enseignement par l’adoption de
méthodes d’enseignement appropriées aux besoins des apprenants et
aux objectifs d’enseignement.
・Préparation et publication d’un syllabus détaillé pour chaque programme, contenant les informations précises sur les finalités du programme, l’organisation du cursus, le contenu des cours, les références et le matériel pédagogique, les méthodes et les critères
d’évaluation.
・Diffusion de ces syllabi et mise en place de systèmes d’accès aux
références et au matériel pédagogique, pour les enseignants et les
étudiants.
・Mise en place de structures permettant la rencontre entre les enseignants et les apprenants à des fins de conseil pédagogique, d’aide à
l’apprentissage, d’enseignement personnalisé et individualisé.
・Mise en place de groupe-classes et de séminaires, de taille limitée,
permettant l’interaction et le développement des capacités d’apprentissage et de résolution de problèmes.
・Développement professionnel des enseignants qui doivent être conscients de leurs responsabilités et travailler constamment à l’amélioration de leurs compétences.
・Utilisation de moyens technologiques divers.
・Mise en place d’un système d’évaluation des enseignants par les étudiants. Prise en compte de ces évaluations pour effectuer des
changements dans les cours et programmes.
Ces recommandations sont aujourd’hui très inégalement suivies par
les universités mais signalent un changement très important, tant dans
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la perception du rôle et des fonctions de l’université que du rôle et des
responsabilités des enseignants.
En revanche, en ce qui concerne la préparation des enseignants aux
tâches qu’ils auront à accomplir dans l’exercice de leur fonction et aux
compétences qu’ils auront à manifester dans leur enseignement, le Ministère de l’éducation se contente d’inclure parmi ses visées l’importance
de la formation et du développement professionnel (MOMBUSHO,
1997) et ceci en ces termes :
« Former des enseignants réellement professionnels en éducation :
- Introduire un système de bonus et de promotion pour les meilleurs
enseignants.
- Etablir un système où les enseignants acquièrent une expérience de
travail avec la communauté (notamment en relation avec les entreprises).
- Prendre des mesures appropriées contre les enseignants incompétents telle que la suspension de leurs activités. »
Dans ces recommandations, on ne trouve aucune indication sur le
profil et les compétences de « l’enseignant réellement professionnel en
éducation ». Aucune direction autre que l’introduction d’un système de
bonus pour les meilleurs enseignants et la prise de mesures contre les
enseignants n’ayant pas les compétences requises n’est proposée. En
outre, aucun critère d’évaluation et aucune référence pour identifier les
enseignants qui entreraient dans l’une ou l’autre catégorie ne sont
présentés.
La description des fonctions et tâches à accomplir ne sont pas circonscrites, il n’est jamais mentionné ce qui est mis en oeuvre pour parvenir aux résultats escomptés. Le résultat à atteindre, les compétences
que l’étudiant doit acquérir, sont plus ou moins détaillés et les risques
qu’encourent l’enseignant dans le cas où il ne parvient pas à les faire acquérir sont signalés. Mais entre ces deux pôles, extrêmement éloignés,
où se placent précisément les compétences requises pour enseigner, il
n’y a aucune indication. Quelles sont les compétences essentielles et
communes aux situations d’enseignement, qui sont requises ? A quel
degré de maîtrise de ces compétences doit-on parvenir ?
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Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle en université au Japon
La façon de mesurer le succès ou l’insuccès dans l’accomplissement
de la tâche n’est pas établie. De ce fait, l’enseignant ne dispose pas de
références pour déterminer son niveau de compétence. Comment alors
peut-on parler d’évaluation ? Doit-on considérer les évaluations des enseignants par les étudiants comme une évaluation ou une enquête de
satisfaction ? Qu’en est-il de l’évaluation des enseignants par l’institution ? Quels instruments/outils d’évaluation sont mis en place ? Comment sont-ils mis en place ? De quelles références se sert-on ? Comment
un enseignant peut-il effectuer son auto-évaluation (bilan de compétences) en vue de l’amélioration de ses performances quand il ne dispose pas de références ? De quels outils d’évaluation doit-il disposer
pour le faire ?
La préparation à l’enseignement des enseignants de français langue
étrangère
En l’absence d’informations sur les tâches à accomplir, en l’absence
de références, d’inventaires des savoirs et savoir-faire nécessaires à mobiliser pour accomplir ces tâches et en l’absence d’une quelconque préparation à l’enseignement, les nouveaux enseignants en charge des cours
de français langue étrangère n’ont d’autres choix que de compter sur
eux-mêmes et/ou sur le soutien de collègues plus expérimentés. Ils ont,
de ce fait, tendance à fonder leur enseignement sur leurs représentations.
Ces représentations de l’enseignement de l’apprentissage et du français
langue étrangère discipline d’enseignement, sont issues de leur culture
éducative et ont un impact important sur leurs pratiques et sur la justification de ces pratiques.
Les comportements, les manières d’être, autant que la maîtrise des
savoirs, tiennent lieu de passeport pour l’enseignement et constituent
l’identité professionnelle du chercheur-enseignant. Ses savoirs et ses
savoir-être face à un public sont les deux pôles de son enseignement.
Pour le nouvel enseignant de langue, les savoir-faire sont supposés innés
ou acquis par l’expérience. Dans la mesure où ces nouveaux enseignants
sont passés du statut d’étudiant et, dans le domaine du français, du
statut d’étudiant-chercheur à enseignant-chercheur, ils n’ont pas d’autres
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expériences dans le domaine de l’apprentissage du français que celles
qu’ils ont eux-même vécu. C’est de ce vécu qu’ils tirent leurs savoirfaire. Ce qui signifie que les représentations de l’enseignement et de
l’apprentissage et du français langue étrangère se sont formées et dépendent presqu’entièrement de leur expérience en tant qu’étudiant. Ce
dont ont rendu compte de nombreux chercheurs s’interrogeant sur l’effet des cultures éducatives, des cultures didactiques, des représentations
sur la langue et l’enseignement, parmi lesquels CASTELLOTI V. et MOORE
D., (2001) ; BLIN J-F., (1997) ; PERRENOUD Ph., (2001) ; VALENTIN Chr.,
(1997) ; ALTET M., (1994).
A moins d’avoir fait la démarche de se former à la pédagogie, de
s’auto-former par intérêt ou curiosité, et au cours des années à partir de
leurs expériences, par la confrontation avec leurs pratiques ou parce
qu’ils ont été en contact avec différentes approches d’enseignement, il
n’est pas étonnant qu’ils ne fassent que reproduire ce qu’ils ont vécu en
tant qu’étudiant. Autrement dit, dans la plupart des cas, l’objectif de
leur enseignement c’est apprendre à parler de la langue plutôt que d’apprendre à parler la langue. Il n’est pas surprenant non plus qu’ils attendent de leurs étudiants le même degré d’investissement et de motivation
qu’ils avaient eux-même quand ils étaient étudiants.
Il est important ici d’apporter quelques précisions sur l’effet de la
différence de statut entre les enseignants titulaires et les enseignants vacataires. Les enseignants vacataires ne sont pas titulaires de postes, ils
reçoivent des heures de vacation, souvent dans plusieurs universités.
Ceci les conduit à affronter des situations et des contextes d’enseignement très divers. Ils sont, de par leur contact avec des situations d’enseignement variées, plus sensibilisés aux problèmes que l’absence de formation provoque, surtout quand ils sont en charge de cours de français
pour débutants, non-spécialistes. Pourtant, ils ne sont pas impliqués
dans les décisions d’organisation des cours, ni les décisions concernant
la pédagogie. De plus, ils ont peu de temps à accorder à la recherche et
/ou à la formation et pour reprendre l’expression qu’utilise Perrenoud
Ph. (1999) on pourrait dire que pour eux :
« Enseigner, c’est agir dans l’urgence et décider dans l’incertitude. »
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Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle en université au Japon
Dans ce groupe d’enseignants, le questionnement pédagogique est
très fort. C’est aussi ce groupe qui souffrira en premier de la baisse du
nombre d’étudiants particulièrement importante parmi les étudiants
non-spécialistes.
A défaut de pouvoir influer sur la politique de formation au Japon,
nous pourrions nous attacher à répondre aux demandes des enseignants
qui ont fait le constat des difficultés dans leur enseignement et qui expriment aujourd’hui de plus en plus clairement leur désarroi. Il y a peu
encore, ils se présentaient dans les stages et séminaires en disant : « Je
suis balzacien, », « Je suis spécialiste de Flaubert ». Aujourd’hui on entend plus souvent : « Je ne sais pas comment enseigner », « Comment
motiver mes étudiants ? », « Comment les faire parler ? », « Je me sens
incompétent. »
Les universités n’exigent pas que les enseignants se forment, ou du
moins, en octroyant des budgets individuels pour la formation, elles
donnent le message que la formation est une affaire individuelle et personnelle et que l’enseignant est libre de décider de son contenu. Les enseignants, au travers des associations d’enseignants et de didacticiens, se
substituent à l’institution pour la gestion de la formation, en vue de
l’amélioration de la qualité de l’enseignement.
La formation pédagogique n’étant pas encore une contrainte imposée par l’université, elle représente une opportunité sans menace pour
les enseignants intéressés. Même si elle n’est toujours pas reconnue par
les institutions, elle permettra malgré tout une revalorisation personnelle
et professionnelle. Elle offre une liberté quant aux choix des objectifs
professionnels et dans le degré d’investissement qu’ils voudront mettre
dans leur formation. Elle aura un impact sur l’indépendance intellectuelle dans la mesure où elle propose des possibilités de choix réfléchis
quant aux moyens de résoudre les problèmes rencontrés dans les pratiques. Le choix d’une pédagogie adaptée aux contraintes et définie en
connaissance de cause est alors un outil de résolution des problèmes de
performance.
Cette formation devrait leur permettre de s’adapter à la diversité et
à la complexité des situations d’enseignement. A partir d’un bilan de
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compétences, par l’explicitation et la confrontation des représentations,
des théories implicites personnelles avec les théories explicites, par l’analyse et l’évaluation des situations d’enseignement/apprentissage réelles et
par la mise à l’épreuve dans la pratique des acquis, la formation assurera
une démarche réflexive. Elle apparait essentielle pour identifier les déficiences de performance, leurs causes et les compétences manquantes.
La formation continue au Japon
En matière de formation continue, les dispositifs de type journées
pédagogiques existent depuis plusieurs années. Elles sont organisées autour de présentations d’expériences pédagogiques autour d’un thème,
d’ateliers de présentations de techniques précises et dans certains cas, de
présentations faites par un invité extérieur, personnalité reconnue, suivie
d’une session questions-réponses. Plusieurs stages se sont mis en place à
l’initiative du Service Culturel de l’Ambassade, des Instituts et Centres
franco-japonais et d’associations d’enseignants. Cependant, les stages
proposés sont de courte durée. Ils regroupent des enseignants de niveau
hétérogène, tant au niveau linguistique que des compétences professionnelles, et restent largement dépendants pour leur contenu de la disponibilté et des spécialités des formateurs.
Les enseignants de français langue étrangère désirant recevoir une
formation didactique, méthodologique et pédagogique du français
langue étrangère choisissent de suivre des stages de formation de courte
ou longue durée en France. Certains ont complété des parcours de formation certifiants ou diplômants (licence de français langue étrangère,
maitrise de français langue étrangère) dans des universités françaises.
Ces formations, toutefois, ne sont pas valables pour tous et dans tous
les pays. Cristin R. (2000) signale ses limites et note :
« [...] il suffit de participer à quelques séminaires, de visiter
quelques écoles, de rencontrer des enseignants ou des responsables
de fle, pour se rendre compte à quel point les situations sont complexes et les résultats de stages de formation aléatoires quant aux
applications concrètes des compétences supposées acquises au cours
de session de formation. »
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Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle en université au Japon
A l’instar d’autres pays, il n’existe pas de formation à l’enseignement des langues dans les universités japonaises pour les enseignants
d’université. Les facultés d’éducation ont intégré, dans leurs programmes, des modules pour l’enseignement du japonais langue
étrangère ou pour l’enseignement de l’anglais. Qu’en est-il de l’enseignement du français langue étrangère dans les universités ? Comme
l’écrit Perrenoud Ph. (1999), dans « Enseigner, agir dans l’urgence, décider dans l’incertitude. » :
« [...] on se borne à faire en sorte que les enseignants en sachent
raisonnablement plus que leurs élèves [...] qu’ils dominent suffisament (le savoir) pour n’être pas en difficulté à la moindre question
imprévue. »
Pourtant, en marge de cette logique qui perdure, un nombre croissant d’enseignants est en quête d’une formation qui leur permettrait de
répondre aux problèmes qu’ils rencontrent dans leur enseignement.
C’est dans ce contexte, dont je viens de tracer les grandes lignes, qu’une
réflexion sur la formation à l’enseignement du français langue étrangère
a été menée depuis de nombreuses années.
Les enseignants de fle se retrouvent donc face à une absence d’offre
de formation à l’enseignement en général et à l’enseignement du
français langue étrangère en particulier et face à des enjeux auxquels ils
leur est difficile de répondre faute de moyens.
Les options méthodologiques et pédagogiques traditionnelles existantes dans la culture éducative japonaise restent fortement présentes
dans l’enseignement du français langue étrangère en université. Les enseignants de français à l’université sont encore majoritairement spécialistes de littérature. Pour exemple, parmi les 24 stagiaires au séminaire
de didactique organisé conjointement par l’Ambassade de France et la
Société Japonaise de Didactique du Français en 2001, 12 enseignants
étaient titulaires d’un doctorat en littérature française, 9 enseignants
dont certains préparaient un doctorat avaient une maitrise de littérature ; 3 stagiaires seulement sur les 24 stagiaires avaient reçu une formation pédagogique d’un mois au BELC entre 1994 et 1998.
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Les enjeux
Les enjeux à court terme, inhérents à la situation, apparaissent en
filigrane dans la présentation du contexte : désaffection du public d’apprenant, orientations des apprenants vers des apprentissages de langue
qui développent des compétences de communication hors de l’université,
démotivation des étudiants non spécialistes qui n’ont pas accès à des
documents en français sur leur spécialité. L’obligation de s’adapter aux
nouvelles orientations en matière d’éducation et d’enseignement des
langues va toucher les enseignants dans leur capacité à s’ajuster aux
nouvelles exigences du contexte socio-culturel et économique actuel. Le
temps et les moyens requis pour parvenir à cet ajustement pourraient
être cruciaux pour les perspectives d’avenir des enseignants. L’enjeu majeur, compte tenu des éléments du contexte décrit, pourraient être, à
plus ou moins long terme, la disparition de certains départements de
français langue étrangère et donc de postes d’enseignants de français,
particulièrement dans les universités où le français est enseigné à des
non spécialistes. Les enseignants les premiers touchés par la fermeture
de départements de français et par les suppressions de postes seraient les
enseignants vacataires. La comparaison de la situation de l’enseignement
du français au Japon en 1993 et en 2000, présentée dans Etat de la
Francophonie dans le monde, marque déjà quelques-uns des changements
annoncés.
L’absence de formation initiale à l’enseignement du français langue
étrangère au Japon revient comme un leitmotiv dans les échanges et
discussions avec les enseignants et responsables de coopération éducative.
Les diverses initiatives, visant à combler ce manque, ne semblent répondre que partiellement aux attentes perçues. Jusqu’à présent, compte
tenu des moyens financiers et du temps que peuvent dégager les
enseignants-formateurs et les stagiaires, ce sont des stages courts qui se
sont mis en place. Comment peut-on répondre aux besoins exprimés
par les enseignants et élaborer un dispositif de formation réfléchi, structuré, cohérent, approprié au contexte japonais, aux contraintes de temps
et de budget et visant un résultat tangible ? De quelle démarche et de
quels outils disposons-nous pour la mise en place d’un dispositif de for102
Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle en université au Japon
mation ?
Présentation générale du concept d’ingénierie de la formation
Au vue de ce qui est offert en matière de formation au Japon, la
nécessité de recourir à une démarche et des outils éprouvés apparait essentielle puisque comme l’écrit Cristin R. (2000) :
« Pour reprendre la problématique de l’objet formation posé par L.
Porcher, nous retiendrons l’idée que dans le marché des langues et
donc dans le marché de la formation qui nous occupe, le prestataire,
professeur ou formateur, ne peut à lui seul définir ce qui doit être
enseigné et appris, et comment cela doit être fait. »
Il existe une démarche éprouvée : la démarche d’ingénierie de la
formation, qui permet d’après Le Boterf (2000) :
« [...] la mise en œuvre systématique et explicite d’étapes, de méthodes et d’instruments pertinents par rapport aux types de résultats
attendus. Elle procédera à une analyse systématique des sources
documentaires. »
Elle est conçue selon Cristin R. (2000) :
« comme un processus dynamique de réflexion/action entre différents partenaires en vue de réaliser une ou plusieurs actions de formation pour un public donné en vue d’un résultat effectif. »
Elle est décrite par Ardouin T. (2003) comme :
« [...] un processus utilisant des méthodologies appropriées pour analyser, concevoir, réaliser et évaluer des dispositifs de formation en
tenant compte de l’environnement et des acteurs professionnels. »
La multiplicité des demandes, des statuts des demandeurs et de l’expression de la demande requiert un travail d’élucidation de l’objet de la
demande et des besoins de formation.
Le terme « formation » employé de façon récurrente dans le contexte qui nous occupe et associé dans des expressions : « besoins de formation », « manque de formation », « faire de la formation », « avoir
reçu une formation », recouvre un vaste ensemble de conceptions et de
représentations de la situation actuelle de l’enseignement du français
langue étrangère au Japon. Ceci recoupe ce que Rogiers X. (1997)
103
signale :
« Cette expression des besoins englobe les besoins qu’elles
perçoivent pour elles-mêmes, pour d’autres personnes, mais aussi les
besoins qu’elles perçoivent pour l’institution, y compris la façon
dont elles traduisent le discours officiel, dont elles s’en servent, dont
elles s’y réfèrent, dont elles l’interprètent, ou encore la façon dont
elles interprètent un dysfonctionnement ou dont elles se représentent la façon de le solutionner. »
La phase d’élucidation de la demande consiste en un recueil d’informations et une analyse de ces informations sur le contexte général,
sur les besoins des acteurs, sur le fonctionnement de l’institution, sur le
cadre normatif, ce que Rogiers (1997) nomme les « référentiels de l’action de formation ».
Le recueil d’informations visant à cerner les besoins des acteurs se
fait sur la base d’entretiens avec des responsables de formation, des
enseignants-formateurs (ayant participé à divers titres à des actions de
formation au Japon et engagés depuis de nombreuses années dans l’enseignement du français langue étrangère) et des enseignants. De par
leurs fonctions et engagements et leurs orientations professionnelles, ils
sont confrontés aux évolutions de l’enseignement du français langue
étrangère au Japon et aux mutations de l’identité professionnnelle des
enseignants de français langue étrangère.
Quant à la collecte d’informations sur le contexte général, le fonctionnement de l’institution, le cadre normatif, c’est par l’analyse de
documents officiels et d’articles que se dégagent les informations utiles à
l’analyse des besoins et les éléments pertinents pour la situation à traiter.
La démarche adoptée pour l’analyse des besoins part d’une identification des sources et des causes de besoins de formation issues de :
Situations où apparaissent des problèmes et dysfonctionnements
Projets et réformes en matière d’éducation et d’enseignement du
français langue étrangère
Changements socio-culturels et économiques
Evolution du métier d’enseignant de français langue étrangère
Introduction de nouvelles technologies
!
!
!
!
!
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Eléments de réflexion sur la formation des enseignants de fle en université au Japon
Le recoupement et l’analyse des informations permettent de mettre
à jour, pour chacune des catégories de situation, les facteurs de manques et dysfonctionnements et de constater les écarts existants. Les besoins de formation sont alors entendus comme écarts entre situation
souhaitée et situation réelle et/ou écarts entre performances souhaitées
et performances réelles. Par l’examen de la récurrence des écarts constatés, il convient alors dans un premier temps de déterminer quels
écarts, manques peuvent être comblés par la formation et ne retenir que
les écarts sur lesquels la formation peut agir directement et efficacement.
Une lecture des résultats permet de repérer les déficiences dans les
performances et l’inadéquation des compétences mises en oeuvre et qui
peuvent être traitées dans une action de formation.
Parmi les étapes suivantes, que nous ne pouvons détailler ici faute
de place, se trouve la constitution d’un référentiel de compétences dont
nous avions plus haut constaté l’importance et l’absence. Guittet A.
(1998) en donne la dénition suivante :
« Les référentiels sont des inventaires de compétences permettant de
donner une représentation claire d’une activité. Un référentiel doit
être élaboré d’une façon concertée, il doit aussi être validé par les
hiérarchiques. On parle de référentiels d’activités, de compétences et
de référentiels de formation ou pédagogique qui listent les savoirs et
les savoir-faire nécessaires. »
C’est à partir de ce référentiel de compétences que peut s’établir un
profil de l’enseignant et un bilan des compétences de chaque enseignant.
C’est à partir du repérage des compétences manquantes que peut se
construire une formation.
Conclusion
L’énergie et le temps consacrés jusqu’à aujourd’hui à la formation
au Japon méritent d’être reconnus et maintenus. La diversité des expériences et des compétences et la forte volonté de partage prévalant dans le
monde du fle au Japon représentent un atout majeur pour l’évolution
de la situation du fle au Japon. Cependant, à moins d’adopter une démarche rigoureuse qui prenne en compte et analyse tous les éléments de
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la situation dans sa complexité, on prend le risque de ne répondre que
ponctuellement et partiellement à des problèmes mal identifiés. Pour
qu’un dispositif de formation réponde réellement aux besoins de formation, il est essentiel, avant tout, d’analyser la réalité du métier d’enseignant de fle, son évolution dans le contexte actuel au Japon, d’évaluer
les dispositifs existants, d’analyser les besoins des enseignants, de déterminer les contenus en fonction de ces besoins. L’ingénierie de la formation et l’ingénierie pédagogique mettent à la disposition des responsables de formation des moyens et les outils qui permettraient de recentrer les efforts vers plus d’efficacité, de cohérence, de pertinence. Ces
démarches structurées permettraient de définir les compétences (complémentaires et transposables dans toutes les situations d’enseignement)
que l’enseignant de français langue étrangère devrait acquérir et les outils lui donnant la capacité d’engager une réflexion systématique sur son
action, de rapprocher les offres de formation des besoins réels en formation et d’éviter l’exportation de solutions didactiques préfabriquées et
mal adaptées au contexte japonais. L’enseignant, muni de ces compétences et de ces outils, pourrait s’engager ainsi dans la professionnalisation de ses activités.
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