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This article appeared in a journal published by Elsevier. The attached copy is furnished to the author for internal non-commercial research and education use, including for instruction at the authors institution and sharing with colleagues. Other uses, including reproduction and distribution, or selling or licensing copies, or posting to personal, institutional or third party websites are prohibited. In most cases authors are permitted to post their version of the article (e.g. in Word or Tex form) to their personal website or institutional repository. Authors requiring further information regarding Elsevier’s archiving and manuscript policies are encouraged to visit: http://www.elsevier.com/authorsrights Author's personal copy Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 62 (2014) 268–272 RESP ARTICLE ORIGINAL Demandes d’aide à la procréation formulées par les couples de même sexe auprès de médecins en France Requests for assisted reproduction formulated by same-sex couples consulting physicians in France P. Jouannet *, A. Spira 16, rue Bonaparte, 75006 Paris, France Reçu le 4 mars 2014 ; accepté le 27 mai 2014 Disponible sur Internet le 17 juillet 2014 Abstract Background, material and methods. – In order to determine the characteristic features of requests for assisted reproduction formulated by same-sex couples consulting physicians in France, we conducted a study in collaboration with professional organizations, general practitioners, gynecologists and obstetricians who distributed an email questionnaire among their recruitment. Results. – In our sample, 191 physicians (71% of responders) reported that 1040 homosexual couples expressed desire to become parents in 2011–2012. Nearly all of the physicians (94%) reported that the couples sought assistance before participating in an assisted reproduction technology (ART) program in a foreign country, but 35% reported that advice was solicited concerning natural reproduction and 48.5% reported requests for advice concerning inseminations performed by the woman herself. Most of the physicians responded to all or part of the requests and 61% of those who had been consulted reported they had directly participated in preparing an ART program in a foreign country. Among the 270 physicians who participated in this study, 162 (60%) believed that ART should be assessable to homosexual couples in France, but less than half of them were in favor of reimbursement by the national health insurance fund. Discussion. – Although biased and non-representative, this study shows that assisted reproduction, with or without medical intervention, is a real-life phenomenon for many homosexual couples, and for many physicians, even before samesex marriage became legal. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Résumé Position du problème, matériel et méthodes. – Afin de pouvoir caractériser les demandes d’aide à la procréation que les couples de même sexe pouvaient formuler auprès des médecins en France, une étude a été menée avec la collaboration d’organisations professionnelles de médecins généralistes, de gynécologues médicaux et de gynécologues-obstétriciens qui ont diffusé un questionnaire à leurs adhérents par courrier électronique. Résultats. – Au total 191 médecins (71 % des répondants) ont été consultés par 1040 couples homosexuels souhaitant devenir parents en 2011–2012. La presque totalité des médecins (94 %) ont été consultés avant une assistance médicale à la procréation (AMP) réalisée à l’étranger mais 35 % ont été sollicités pour des conseils en vue d’une procréation naturelle et 48,5 % pour des conseils en vue d’inséminations réalisées par la femme elle-même. La plupart des médecins ont répondu à tout ou partie des demandes et 61 % de ceux ayant été consultés ont participé directement à la préparation d’AMP réalisées * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Jouannet). http://dx.doi.org/10.1016/j.respe.2014.05.125 0398-7620/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Author's personal copy P. Jouannet, A. Spira / Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 62 (2014) 268–272 269 Keywords: Assisted reproduction; Homosexual couple; France; Survey Mots clés : Aide à la procréation ; Couple homosexuel ; France ; Enquête 1. INTRODUCTION Depuis avril 2013, les couples de même sexe peuvent se marier et adopter des enfants en France. En revanche, l’aide médicale à la procréation (AMP) n’est accessible qu’aux couples constitués d’un homme et d’une femme et que si elle a pour objet de remédier à l’infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Cependant, la possibilité pour les couples de même sexe de pouvoir bénéficier d’une AMP a souvent été évoquée lors des débats ayant précédé le vote de la loi sur le mariage pour tous et continue de susciter de nombreuses discussions et controverses dans la société. Indépendamment des considérations législatives, politiques ou idéologiques, les couples de même sexe qui élèvent des enfants et/ou souhaitent procréer sont de plus en plus nombreux. En 2013, l’Insee (Institut nationale de la statistique et des études économiques) estimait qu’environ 20 000 personnes vivant avec un partenaire de même sexe élevaient au moins un enfant en France [1]. Si dans la plupart des cas, il s’agissait d’enfants conçus lors d’une union hétérosexuelle antérieure, la situation semble évoluer depuis quelques années. Ainsi, une enquête menée en 2012 auprès de 405 mères lesbiennes a montré que si 53 % des enfants âgées de plus de 5 ans élevés par le couple étaient nés d’une union hétérosexuelle antérieure, ils n’étaient plus que 2 % quand l’enfant était âgé de moins de 5 ans. Dans ce dernier cas, 74 % des enfants étaient nés suite à une insémination artificielle avec sperme de donneur (IAD) contre seulement 24 % des enfants âgés de plus de 5 ans [2]. L’AMP étant en France, légalement inaccessible aux couples de même sexe, certains d’entre eux se rendent à l’étranger pour procréer. Une étude menée dans les centres belges pratiquant l’AMP avec sperme de donneur a montré que 1651 couples français s’étaient adressés à eux de 2005 à 2007 pour pouvoir bénéficier d’une AMP avec sperme de donneur, leur nombre augmentant de manière importante : < 450 en 2005, > 600 en 2007 [3]. Les médecins belges indiquent que dans la plupart des cas, la prise en charge des patientes se fait en coordination avec des médecins en France. Ceci a été confirmé dans une étude menée dans trois pays européens, 86 % des femmes se rendant dans ces pays pour bénéficier d’une AMP faisaient état d’un suivi médical en France assuré par le gynécologue habituel dans 56 % des cas [4]. Afin de pouvoir mieux caractériser les demandes d’aide à la procréation que les couples de même sexe pouvaient formuler auprès des médecins en France, une étude, basée sur la participation volontaire de médecins a été menée avec la collaboration de différentes organisations professionnelles. 2. MATÉRIEL ET MÉTHODES Un bref questionnaire a été élaboré, demandant aux médecins s’ils avaient été consultés par des couples homosexuels souhaitant devenir parents. En cas de réponse positive, il leur était demandé combien de couples les avaient consultés en 2011 et 2012, quel type de demande était formulée par les couples et comment ils y avaient répondu. Il était également demandé aux médecins s’ils pensaient que l’AMP devait être accessible aux couples homosexuels en France et si elle devait être prise en charge par l’Assurance maladie. Enfin, il leur était demandé d’indiquer leur spécialité, leur type et leur lieu d’exercice ainsi que leur âge. Le questionnaire a été adressé à différentes organisations professionnelles de médecins en leurs proposant de le diffuser auprès de leurs adhérents. Sept organisations ont répondu positivement : le Syndicat de la médecine générale (SMG), le Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNOGF), les Collèges régionaux Île-de-France (CGMIDF) et Val de Loire (CGMVDL) de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, le Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (SYNGOF), la Société française de gynécologie (SFG), le Groupe d’étude de la fécondation in vitro en France (GEFF) et l’Association des médecins gays. Le questionnaire a été diffusé par voie électronique entre juin et septembre 2013. Les médecins pouvaient répondre par courrier électronique ou postal, cette deuxième possibilité étant majoritairement utilisée par les médecins ne souhaitant pas être identifiés. 3. RÉSULTATS Fin novembre 2013, 271 questionnaires avaient été reçus dont 270 étaient exploitables. Le nombre de questionnaires RESP à l’étranger. Parmi les 270 médecins ayant participé à l’étude, 162 (60 %) pensent que l’AMP devrait être accessible aux couples homosexuels en France mais moins de la moitié de ces derniers sont en faveur d’une prise en charge de ces actes par l’Assurance maladie. Discussion. – Bien que biaisée et non représentative, cette étude montre que l’aide à la procréation, médicalisée ou non, était une réalité concernant de nombreux couples homosexuels et de nombreux médecins avant même la légalisation du mariage des couples de même sexe. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Author's personal copy RESP 270 P. Jouannet, A. Spira / Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 62 (2014) 268–272 reçus en fonction de l’organisme qui les a diffusés est présenté dans le Tableau 1. Des gynécologues médicaux et des gynécologues-obstétriciens ont retourné 201 questionnaires (74 %), et des médecins généralistes 55 (20 %) ; 182 médecins exerçaient en secteur libéral (67 %), 53 (20 %) à l’hôpital et 22 (8 %) avaient une activité mixte à l’hôpital et en ville ; 89 médecins exerçaient en région parisienne (33 %), 108 dans une agglomération de plus de 100 000 habitants (40 %), 48 dans une agglomération de moins de 100 000 habitants (18 %) et 16 (6 %) en milieu rural ; 37 des médecins ayant répondu avaient moins de 40 ans (14 %), 140 avaient entre 40 et 60 ans (52 %) et 82 (30,5 %) avaient plus de 60 ans. Enfin, 191 médecins (71 %) se sont identifiés et 79 (29 %) ont répondu de manière anonyme. Au total, 191 médecins répondants (71 %) ont été consultés par des couples homosexuels souhaitant devenir parents. La proportion était nettement plus importante chez les gynécologues (162/201, 80,5 %) que chez les médecins généralistes (23/55, 42 %). Elle était plus importante chez les médecins ayant une activité libérale (134/182, 73,5 %) que chez ceux travaillant à l’hôpital (33/51, 65 %). La proportion de médecins consultés variait peu selon le lieu où ils exerçaient (67,5 à 78,5 %) à l’exception des médecins exerçant en milieu rural dont 50 % seulement ont été consultés par des couples homosexuels. Les médecins ont déclaré avoir été consultés par 1040 couples, 462 en 2011 et 578 en 2012 ; 130 médecins (68 %) ont vu moins de 5 couples, 47 (24,5 %) ont vu entre 5 et 10 couples et 14 médecins (7,5 %) ont vu plus de 10 couples. Dans la presque totalité des cas, il s’agissait de couples de femmes, seulement 6 médecins ont été consultés par des couples d’hommes. Les motifs de consultation sont présentés sur le Tableau 2. La presque totalité des médecins a été consultée pour la réalisation d’une AMP à l’étranger et beaucoup moins souvent pour une AMP réalisée en France. Plus d’un tiers des médecins a vu des couples qui envisageaient une procréation naturelle et près de 50 % qui prévoyaient des inséminations réalisées par la femme elle-même. Les médecins ont été peu consultés avant de recourir à une gestation pour autrui. Seulement 13 médecins (7 %) n’ont jamais répondu aux demandes formulées, 53 ont répondu parfois (28 %) et 117 toujours (61 %). Cent dix-sept médecins, 61 % de ceux ayant été consulté, ont dit avoir directement participé à un Tableau 1 Nombre de questionnaires reçus en fonction de l’organisme qui les a diffusés. Fédération nationale des Collèges de gynécologie médicale Dont : Collège régional Île-de-France (CGMIDF) Collège régional val de Loire (CGMVDL) Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNOGF) Syndicat de la médecine générale (SMG) Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (SYNGOF) Groupe d’étude de la Fécondation in vitro en France (GEFF) Association des médecins gays Société française de gynécologie (SFG) Autres 78 59 19 62 44 41 17 13 12 3 Tableau 2 Type de demandes et nombre de médecins auprès desquels elles ont été formulées. Nombre de médecins, n (%) Conseils en vue d’une procréation naturelle Conseils en vue de la réalisation d’inséminations par la femme elle-même Conseils en vue d’une AMP réalisée en France Conseils en vue d’une AMP réalisée à l’étranger Conseils en vue d’une GPA réalisée en France Conseils en vue d’une GPA réalisée à l’étranger 67 (35)a 93 (48,5)a 28 180 8 30 (14,5)a (94)a (4)a (16)a AMP : assistance médicale à la procréation ; GPA : gestation pour autrui. a % du total des médecins ayant été consultés. projet d’AMP réalisé à l’étranger, en général en prescrivant les traitements hormonaux nécessaires à la stimulation hormonale. Seuls 9 médecins (5 %) ont déclaré avoir participé à des AMP réalisées en France. Une proportion relativement élevée de médecins est restée ensuite en contact avec les couples puisque 134 (70 %) savent que tout ou partie des couples qui les ont consultés sont devenus parents. Parmi les médecins ayant participé à l’étude, 162 pensent que l’AMP devrait être accessible aux couples homosexuels en France (60 %), 84 (31,5 %) qu’elle ne devrait pas être accessible, 9 (3,5 %) ne savent pas ou hésitent et 16 ne se sont pas prononcés. Les proportions des différentes catégories de médecins qui sont favorables à l’ouverture de l’AMP aux couples homosexuels sont présentées sur le Tableau 3. Les médecins généralistes sont plus favorables à cette accessibilité que les gynécologues médicaux et les gynécologues-obstétriciens. Les médecins exerçant en ville sont plus favorables que ceux exerçant à l’hôpital. Le lieu d’exercice n’avait pratiquement pas d’influence, la proportion de médecins favorable variant de 57,5 à 62,5 % selon le type d’agglomération et étant de 75 % en milieu rural. Parmi les 162 médecins pensant que l’AMP devait être accessible aux couples homosexuels en France, 75 (45,5 %) ont estimé qu’elle devrait être prise en charge totalement par les Tableau 3 Proportion des médecins favorables à l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples homosexuels en fonction de leurs caractéristiques. Médecins généralistes (40/55), % Gynécologues médicaux (CGMIDF + CGMVDL, 47/78), % Gynécologues-obstétriciens (CNOGF + SYNGOF, 57/103), % Médecins exerçant en ville (110/180), % Médecins exerçant à l’hôpital (28/53), % Médecins âgés de moins de 40 ans (27/37), % Médecins âgés de 40 à 60 ans (84/140), % Médecins âgés de plus de 60 ans (46/82), % Médecins ayant été consultés par des couples homosexuels (133/191), % Médecins n’ayant pas été consultés par des couples homosexuels (29/78), % Médecins ayant répondu de manière identifiée (125/191), % Médecins ayant répondu de manière anonyme (37/78), % 73 60 55,5 61,5 53 73 60 56 69,5 37 65,5 47,5 Author's personal copy caisses d’assurance maladie, 40 (25 %) partiellement et 44 (27,5 %) ont déclaré qu’elle ne devrait pas être prise en charge. 4. DISCUSSION Compte tenu du fait que les pratiques investiguées dans cette étude se situent en marge de la légalité, la participation des médecins ne pouvait être que le résultat d’une forte motivation. Cette motivation est aussi suggérée par le faible taux de réponses anonymes. Même si les conditions de réalisation de l’étude et les données disponibles ne permettent pas de le mesurer, il est très vraisemblable que l’échantillon des répondants est biaisé par rapport à la population de l’ensemble des médecins concernés. Deux biais de recrutement peuvent être évoqués : d’une part, le fait d’avoir effectivement été confronté à une demande émanant de couples homosexuels peut avoir sensibilisé des répondants ; d’autre part, être particulièrement intéressé et concerné par le sujet traité, éventuellement en ayant une pratique connue dans ce contexte. On ne pouvait cependant pas exclure que les médecins opposés à ces pratiques aient aussi répondu, ce qui ne semble pas avoir été le cas. Du fait de ces considérations méthodologiques, les résultats présentés doivent être interprétés avec une extrême prudence. Ils ne sont pas représentatifs de l’expérience et de l’opinion du corps médical dans son ensemble. Ils sont cependant tout à fait originaux et permettent plusieurs observations. Le nombre de médecins ayant participé à cette étude est relativement faible. Un seul organisme regroupant des médecins généralistes a participé, il a diffusé 380 questionnaires avec un taux de réponse de 11,5 %. Le nombre de gynécologues médicaux et de gynécologues-obstétriciens est estimé à environ 7300 en France et donc moins de 3 % ont répondu au questionnaire. Cependant, la diffusion n’a pas été nationale et on peut noter que 59 des 350 gynécologues médicaux en activité en Île-de-France, auxquels le questionnaire a été adressé, ont répondu (17 %). Par ailleurs, il est habituel que dans des études faites auprès des médecins dans des conditions similaires, les taux de participation soient très faibles [5]. Il ressort de cette étude que de nombreux couples de femmes homosexuelles vivant en France consultent un médecin quand elles souhaitent concevoir un enfant. Dans cette étude non exhaustive et rapportant l’expérience d’un nombre limité de médecins, elles étaient plusieurs centaines en 2011 et 2012. On peut faire l’hypothèse que ce nombre va augmenter suite à la légalisation du mariage des couples de même sexe et au renforcement des liens de filiation offert par la possibilité d’adopter les enfants de son conjoint. Les motifs de consultation mentionnés par les médecins apportent deux enseignements majeurs. Presque tous les médecins qui ont été consultés ont été sollicités pour donner des conseils en vue de la réalisation d’une AMP à l’étranger (94 %, soit 180 médecins). Ceci confirme les données correspondant à des témoignages régulièrement rapportés dans la presse et dans les études qui ont été faites auprès des femmes françaises se rendant à l’étranger pour pouvoir bénéficier d’une AMP [3,6]. Plus étonnante est la fréquence 271 avec laquelle les médecins disent avoir été consultés à propos d’un projet parental n’impliquant pas une AMP donc d’intervention médicale (près de 50 % d’entre eux). Qu’il s’agisse d’une procréation naturelle ou d’une « auto-insémination », le projet implique dans ce cas que le donneur de sperme soit connu de la femme. Cette situation peut conduire à des formes de coparentalité faisant du donneur un père légal mais aussi souvent social et affectif [2]. La majorité des médecins participant à cette étude et qui ont dit avoir été consultés ont répondu favorablement aux demandes des femmes et connaissent l’issue des grossesses (environ 60 %). Cette proportion reflète le biais de participation car il suggère que ces praticiens étaient probablement le (la) gynécologue ou médecin généraliste suivant habituellement ces femmes et que ces dernières lui ont « naturellement » parlé de leur projet d’enfant et ont éventuellement sollicité son aide comme le font souvent les femmes vivant en couple hétérosexuel. D’ailleurs, la plupart de ces médecins n’ont été consultés que par un nombre limité de femmes. La proportion de médecins, ayant répondu à cette enquête, qui sont favorables à ce que les couples de femmes puissent accéder à l’AMP en France (60 %) est très proche de ce qui avait été observé en 2010 lors d’une enquête menée auprès d’un échantillon représentatif de 595 médecins généralistes et de 416 gynécologues dont 56 % avaient déclaré que les femmes homosexuelles devraient pouvoir recourir à un traitement pour avoir un enfant [7]. Dans notre étude les catégories les plus favorables étaient les généralistes, les médecins les plus jeunes et ceux qui avaient été consultés par des femmes homosexuelles. Cette opinion a été exprimée très ouvertement puisqu’elle a été formulée par près des 2/3 des médecins ayant répondu de manière identifiable contre moins de la moitié de ceux ayant répondu anonymement. Trente-trois des médecins qui ont répondu aux demandes des femmes (19 %) se sont déclarés défavorable à l’accès à l’AMP pour les couples de femmes homosexuelles en France. Cette attitude ne reflète sans doute pas toujours une opposition de principe puisque 19 de ces médecins ont activement participé à une prise en charge de l’AMP à l’étranger. Quelques médecins ont évoqué les difficultés rencontrées dans la prise en charge des couples hétérosexuels et leur crainte du manque de donneurs de sperme pour justifier leur attitude. Enfin, les médecins ayant participé à cette étude, même quand ils sont favorables à la légalisation de l’AMP pour les couples de même sexe, ont souvent exprimé des réserves pour que ces actes soient pris en charge par l’Assurance maladie. Les arguments évoqués, quand ils étaient donnés, étaient que l’homosexualité n’est pas une maladie, qu’il n’y a pas d’indication médicale et qu’il serait préférable de chercher à réduire les déficits de l’Assurance maladie plutôt que de les augmenter. 5. CONCLUSION En conclusion, cette étude réalisée sur un échantillon de médecins volontaires et donc biaisé, confirme que de RESP P. Jouannet, A. Spira / Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 62 (2014) 268–272 Author's personal copy RESP 272 P. Jouannet, A. Spira / Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 62 (2014) 268–272 nombreux couples de femmes homosexuelles souhaitaient devenir parents et consultaient leurs médecins à ce sujet avant même que la loi légalisant le mariage de personnes de même sexe ait été adoptée en France. Bien que le recours à l’AMP ait été très souvent envisagé, ce n’était pas le seul moyen envisagé pour la réalisation du projet parental. Une majorité des médecins ayant participé à cette étude ont répondu favorablement aux demandes formulées par les couples et pensent que l’AMP devrait être accessible aux couples homosexuels en France. Ils sont plus réticents pour que ces actes soient pris en charge par l’Assurance maladie. DÉCLARATION D’INTÉRÊTS Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciements Les auteurs remercient Roger Henrion pour ses conseils fructueux lors de la mise en place de l’étude et de l’analyse des résultats. Ils remercient aussi Elisabeth Conte pour sa participation à la collecte des questionnaires. RÉFÉRENCES [1] Buisson G, Lapinte A. Le couple dans tous ses états. Paris: INSEE Première; 2013: 1435. [2] Gross M. Parent ou homo faut-il choisir ?. Le cavalier bleu éditions; 2013: 17–8. [3] Pennings G, Autin C, Decleer W, Delbaere A, Delbeke L, Delvigne A, et al. Cross-border reproductive care in Belgium. Human Reprod 2009;24:3108–18. [4] Rozée Gomez V, de la Rochebrochard E. Migrations procréatives pour recourir à l’Assistance médicale à la procréation (AMP) de Paris à Bruxelles, Barcelone ou Athènes. Séminaire IRESP 13 juin 2013. [5] Gautier A. Baromètre santé médecins généralistes 2009.266 pp Paris: INPES, coll. Baromètres santé; 2011, http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/ catalogue/pdf/1343.pdf. [6] Rozée Gomez V, de La Rochebrochard E. Cross-border reproductive care among French patients: experiences in Greece, Spain and Belgium. Human Reprod 2013;28:3103–10. [7] Moreau C, Bajos N, Bohet A. Connaissances et pratiques médicales en matière de santé sexuelle et reproductive en France. Rapport de recherche Inserm, juillet 2012.