Paul Dewandre joue et analyse les relations hommes

Transcription

Paul Dewandre joue et analyse les relations hommes
Interview
Paul Dewandre joue et analyse les relations
hommes-femmes
Vous avez sûrement déjà vu les
affiches de son spectacle Les
hommes viennent de Mars, les
femmes de Vénus. L’auteur et
comédien Paul Dewandre, qui s’est
inspiré du best-seller éponyme de
John Gray, y traite des relations
conjugales
et
de
la
famille.
Actuellement en tournée avec la
version 2 du spectacle, Paul
Dewandre livre quelques clés sur
ces questions quotidiennes.
Comment les deux spectacles Les
hommes viennent de Mars, les
femmes de Vénus, ont-ils germé en
vous ?
Dans une première vie, j’avais créé une
compagnie aérienne en Belgique.
Malheureusement, la crise du Golfe a
éclaté
en
1991,
entraînant
des
répercussions très importantes dans le
transport aérien. L’année suivante, j’ai
dû
envisager
d’autres
pistes
professionnelles. J'avais beaucoup aimé cette expérience mais j'avais aussi
touché du doigt les limites de ce système politico-financier dans lequel j'avais été
plongé. Et je voulais vivre autre chose. A travers une société canadienne qui
s'implantait en Europe, j'ai été amené à m'intéresser au développement
personnel.
En 1994, j’ai eu l’opportunité de suivre une conférence de John Gray (l’auteur de
Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus, qui s’est vendu à plus de
cinquante millions d’exemplaires dans le monde, ndlr). Cette conférence a eu
l’effet d’une révélation pour moi. J’ai trouvé des réponses concrètes aux
interrogations du quotidien comme le fameux « j’ai rien à me mettre » que
pouvait dire ma femme en ouvrant son armoire pleine de vêtements.
J’ai compris qu’il existait une autre logique que la mienne et découvert ce que
veut dire le masculin et le féminin au quotidien ! A partir de ce moment-là, j’ai
acheté les livres de John Gray puis je l’ai contacté pour que nous travaillions
ensemble. De cette collaboration sont nés, en 1996, des ateliers de
communication destinés aux particuliers et aux entreprises.
Le principe était de parler du couple mais n’étant ni psychologue ni psychiatre, je
me posais tout de même la question de ma légitimité. Cependant, les gens me
renvoyaient des échos positifs.
Plus tard, l’idée a germé de proposer un spectacle. Cette formule me paraissait
plus intéressante que la conférence qui impose des contraintes, comme une
audience limitée. Je pensais qu’il serait plus facile d’entraîner les gens à un
spectacle qu’à une conférence. Je sentais une envie de parler de la famille. Les
représentations ont commencé dans un café-théâtre de Marseille en 2006 et ont
vite affiché complet. J’ai construit le spectacle à ma sauce, au fur et à mesure
pendant les dix ans où j’ai partagé tout cela lors des rencontres des ateliers de
communication. J’ai recueilli beaucoup d’histoires et d’anecdotes de cette
manière.
Est-ce que le livre de John Gray a inspiré votre propre couple et votre vie
de famille ?
Mon histoire familiale, c’est une enfance avec des parents séparés et trois
grandes sœurs. Nous avons été élevés par ma mère. A 13 ans seulement, j’ai
compris que mon père avait quitté ma mère pour une collaboratrice. Avec mes
sœurs, nous n’en avions jamais parlé, bien qu’elles aient compris avant moi !
Quand je vois mes enfants je me demande comment nous avons pu vivre ainsi !
Pour moi, John Gray est le premier à avoir mis des mots sur le quotidien des
couples et insisté sur l’importance de comprendre les besoins de l’autre. Cela a
résonné très fort pour moi car j’ai été élevé avec peu de figures masculines
autour de moi.
On vous reproche parfois le côté caricatural ou simplificateur de la vision
de l’homme et de la femme dans votre spectacle.
Oui c’est le risque. Mais les raccourcis sont obligatoires. Une caricature ne donne
pas une vision fausse mais grossie et c’est ce qui permet que les gens s’y
retrouvent. Souvent, ceux qui critiquent sont ceux qui ne supportent pas les
différences hommes-femmes. Toutes les histoires du spectacle sont vraies.
J’essaie de raconter une histoire plutôt que de développer une théorie.
Dans le spectacle Mars et Vénus 2, je suis plus nuancé. Je pense que les
hommes et les femmes parlent des langages différents, que c’est biologique et
que l’on retrouve plus ou moins les deux traits chez l’un et l’autre. Je voudrais
simplement que chacun puisse se dire que quand l’autre agit ainsi, c’est parce
qu’il est dans son côté masculin ou son côté féminin.
Aujourd’hui la société nous renvoie beaucoup l’image d’un couple où les
rôles et les différences s'effacent, or vous insistez sur le fait que nous
sommes différents.
Le questionnement devrait plutôt être de trouver la manière de vivre heureux
ensemble. Une féministe me disait que parler de différence, c’est hiérarchiser le
rapport homme-femme. Elle trouvait qu’il n’est pas possible d’être égaux et
différents. Je lui ai répondu que j’aime la cuisine italienne et que j’aime
également la cuisine japonaise. Ce n’est pas la même cuisine, et il n’y a pas de
hiérarchie entre les deux. Les différences sont importantes car elles créent
l’attraction et le désir.
Vous utilisez l’image de l’homme qui a besoin d’aller dans sa grotte et du
dragon qui défend l’entrée.
La femme a aussi parfois besoin d’aller au fond de la grotte. L’envie de partager
son ressenti se fait surtout lorsqu’elle est en train de descendre dans le creux de
la vague. Si elle ne se sent pas en sécurité pour partager, elle va développer son
côté masculin et peut s’enfermer dans sa grotte aussi. La finesse de l’homme
sera de s’apercevoir qu’elle est dans ce côté masculin et aura peut-être juste
envie de décompresser. Beaucoup de femmes sont parfois dans leur grotte par
défaut, car elles savent que, de toute façon, leur homme n’aura pas envie de les
écouter.
Je crois que c’est un équilibre à trouver, c’est compliqué pour les couples
aujourd’hui. Les femmes qui travaillent sont plus souvent dans le côté masculin.
Elles ressentent d’autant plus le besoin d’être féminines dans leur vie privée car
elles sont « masculines » dans la vie professionnelle. L’homme, lui, a peut-être
besoin de comprendre qu’il doit nourrir son côté féminin. De toute façon, c’est au
cas par cas…
Votre premier spectacle était consacré à la vie de couple, dans le
deuxième, vous avez ajouté quelques touches pour les parents. Vous
aviez envie de l’élargir à la famille ou était-ce une demande de
spectateurs ?
J’ai quatre enfants et Corinne et moi avons adoré les éduquer. Nous étions très
impliqués et plutôt alternatifs dans nos choix d’éducation. Nous étions sensibles
au fait que les enfants ont besoin de petites attentions. Par exemple, lorsque je
partais en voyage, j’ai compris qu’il était important de leur ramener un petit
quelque chose, preuve que j’avais pensé à eux lorsque j’étais absent.
Je trouve que c’est difficile de parler d’éducation des enfants sans que le
spectateur ne prenne cela pour un modèle et ne se décourage en pensant avoir
tout raté ! Je crois qu’il n’y a pas de recette miracle, c’est pourquoi j’ai voulu
simplement envoyer des pistes.
J’ai eu une lettre d’une maman palestinienne qui habite à Paris et qui m’a dit
que, grâce au spectacle, elle avait compris pourquoi elle criait beaucoup sur ses
enfants. Elle pense que cela l’aider à être plus zen avec eux. C’est pour cela que
j’ai créé ce spectacle, pour que le public puisse prendre conscience de certaines
choses.
Vous avez eu un modèle de famille monoparentale. Avec Corinne, vous
vous êtes mariés jeunes et vous avez quatre enfants. Qu’est-ce qu’une
famille pour vous ?
Je ne réfléchis pas en terme de définition. Chacun a la famille qu’il a et essaie de
créer celle qu’il souhaite. J’ai la conviction que l’on fait du mieux qu’on peut. J’ai
rêvé que mes parents se remettent ensemble. Et lorsque j’allais chez un copain
où ils étaient cinq enfants, je croyais que c’était une famille parfaite. Avec le
recul, je me suis aperçu de leurs dysfonctionnements ! Je n’ai pas d’image de la
famille et désire être le plus humble possible par rapport à ça. J’aime bien que
les enfants se sentent en sécurité pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Je vois
la famille comme un pôle où l’on se soutient, où on est là l’un pour l’autre. Nous
avons choisi de donner à nos enfants la possibilité d’être eux-mêmes et
d’avancer à leur rythme en toute sécurité.
Vous évoquez dans votre spectacle les attentes de chacun et le fait que
souvent on donne ce qu’on aimerait recevoir soi-même. Pour vous, une
des clés dans la relation est de cesser d’attendre et donner à l’autre ce
dont il a besoin.
Il faut éviter de croire que l’autre aurait réagi comme moi dans les mêmes
circonstances et arrêter de penser qu’on est la norme. Des gens à la fin du
spectacle me disent : « On a bien rigolé, ma femme et moi, c’est exactement
ça.. » Mais ils oublient ensuite. D’autres disent que la phrase marquante pour
eux, c’était que l’on fait souvent l’erreur de donner ce qu’on aimerait bien
recevoir. Pour moi c’est phrase la plus importante.
J’aborde aussi la sexualité, le plaisir d’offrir, de donner un moment sans attendre
un retour. Cela peut se faire quand il y a suffisamment d’amour et ce n’est pas
désagréable. L’idée que la femme va jouir lors de chaque relation sexuelle peut
mettre l’homme dans une situation de besoin de compétence et donc de
pression. On peut accepter que la femme ait une relation sexuelle sans
forcément aller jusqu’au bout.
Quel message voulez-vous adresser aux familles pour ces fêtes de fin
d’année ?
Noël, c’est un moment familial, où l’on peut être particulièrement attentif à la
bienveillance. J’ai aussi envie d’encourager à faire confiance à la vie, se faire
confiance aussi. J’ai écrit un livre qui s’intitule La parabole du barrage. Depuis la
deuxième Guerre mondiale, nous vivons comme si chacun essayait de vivre
protégé par un barrage (sécurité de l’emploi, retraite …) Mais depuis quarante
ans, le barrage cède de partout et on se raccroche à des bouées. Pourtant, on
pourrait avoir du plaisir à nager dans la rivière plutôt que de rester enfermé dans
l’eau du lac. Cette parabole invite à avoir confiance soi et en la vie, croire au
hasard de la vie, des rencontres, prendre le risque d’aller vers ce qu’on a envie
de faire.
J’ai la foi, mais pas d’engagement dans une paroisse locale car je suis souvent en
déplacement. Mais je désire aller au-delà de l’aspect spirituel même si c’est
important pour moi. J’encourage à l’amour qu’on peut avoir au-delà des
conventions. C’est ce que j’essaie de partager en étant le plus léger possible...
Propos recueillis par Rachel Wolff, responsable du service de la pastorale
conjugale et familiale de l’Union des églises protestantes d’Alsace et de Lorraine.

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