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Transcription

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1re
ACCOMPAGNEMENT PERSONNALISÉ
Cesser d’improviser sur le sujet d’invention
Par Christine Gensanne
Exemple de réécriture du texte de Zola La Noce au Louvre
Rappel du sujet / Écriture d’invention : Sujet 4, Annales zéro, Eduscol
Compléments sur l’objet d’étude « le roman et ses personnages »
Réécrivez la scène décrite par Emile Zola en adoptant le point de vue d’un des gardiens du
musée, commentant avec ses collègues le défilé de la noce dans les galeries du Louvre.
Analyse du libellé de sujet :
« Réécrivez la scène décrite par Emile Zola » = il faut reprendre exactement le plan du texte (toutes les
idées de l’histoire). Il faut donc dégager le plan détaillé des idées du texte au brouillon, qu’on
redéveloppera ensuite avec les changements nécessaires.
« en adoptant le point de vue d’un des gardiens »
• la focalisation ou « point de vue » change : on était en focalisation zéro (narrateur omniscient) et
l’on passe en focalisation interne (narrateur personnage). Le personnage qui raconte
désormais l’histoire est l’un des gardiens. Il en sait donc moins que le narrateur omniscient (il
ne connaît pas le nom des gens de la noce par exemple), mais il dit « je », et l’on peut rajouter des
éléments à l’histoire (il peut avoir une façon différente de raconter la même scène, il peut donner
son opinion personnelle…)
• Il faut repérer dans le texte tout ce qui pourrait être en rapport avec les gardiens (il y a
trois salles : donc sans doute plusieurs gardiens / Gervaise critique le fait que le sujet de l’œuvre
n’est pas écrit sur le cadre du tableau : elle peut demander des explications au gardien / ou le
gardien peut percevoir sa question comme une critique et se sentir agressé / Il peut aussi se
moquer de l’inculture des visiteurs / Il connaît certainement le nom des copistes, qui sont des
habitués / Il peut parler profession avec les autres gardiens…)
« commentant avec ses collègues le défilé de la noce dans les galeries du Louvre »
Ce « commentaire » introduit du discours dans le récit du texte narratif : ou du discours direct
(dialogues avec tirets et guillemets) ou du discours indirect (« Mon collègue me dit alors que … »). Il
faut donc prévoir quelques passages de discours. Par ailleurs, on peut supposer, dans la logique du
texte de Zola, que ce « commentaire » ne sera pas très flatteur pour la noce.
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Guide de brouillon :
Paratexte : il n’y a aucun paratexte
Règles particulières :
- INTRODUCTION : on peut conserver le petit résumé qui précède le texte pour nous aider à introduire (ce
résumé ou « situation » rappelle les grandes lignes de ce qui s’est passé immédiatement avant notre
texte dans le roman) / Notre réécriture doit commencer au même moment que le texte de Zola
(quand la noce vient d’arriver dans la galerie d’Apollon).
– DÉVELOPPEMENT : nous suivons scrupuleusement le plan de Zola ; on peut rajouter d’autres
idées dans la logique du point de vue du gardien ; et un peu de discours, lequel n’existait pas
dans le texte de Zola ; on ajoute des personnages : les gardiens supplémentaires avec qui notre
gardien discute.
– CONCLUSION : comme dans le texte, il faut raconter que la visite se termine, que les invités de
la noce sont fatigués, et qu’ils sortent du musée.
Procédés de style : Un gardien peut s’exprimer avec un niveau de langue moins soutenu que celui
de Zola, voire être familier avec ses collègues.
Plan du développement du texte de Zola :
Tous les invités d’une noce en visite au Louvre
Visite de la galerie d’Apollon
Le parquet
Les dorures
Le balcon
Visite du salon carré
Les chefs
d’œuvre et
les réactions
qu’ils
suscitent
chez les
visiteurs
La cour que
M. Madinier
fait à Mme
Lorilleux
Visite de la longue galerie
Le mal de
tête de la
noce
à cause du
trop grand
nombre de
tableaux
L’attraction
que
constituent
les copistes
Ajouts possibles, on peut insister :
sur l’importance que se donne Monsieur Madinier, et sur la cour qu’il fait à Mme Lorilleux,
sur l’ignorance culturelle totale que manifestent les visiteurs,
sur des discussions privées entre les gardiens,
on peut souligner le mépris des gardiens pour les ouvriers de la noce.
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Peintres,
curieux et
gardiens se
moquent
des invités
de la noce
Code-couleurs permettant de suivre les étapes du plan identifié chez l’auteur dans la réécriture.
Idées principales en gras rouge :
Idées secondaires en gras vert :
Ramifications des idées secondaires : en vert non gras
Les invités de la noce des Coupeau font une promenade en plein air, mais un violent orage les oblige à
s’abriter. Ils décident de visiter le Louvre, tout proche, le temps que l’orage se calme. Le groupe est en train de
s’avancer dans la galerie d’Apollon, sous la surveillance des gardiens du musée.
Des clients peu habituels venaient d’entrer dans la galerie d’Apollon, où je venais juste de prendre mon
service d’après-midi. Ils tranchaient bigrement sur les visiteurs raffinés et élégants qui faisaient notre
ordinaire, à nous, les gardiens du Louvre. À voir leur dégaine, on avait affaire à des ouvriers ; et j’aurais
parié que c’était la toute première fois qu’ils mettaient les pieds dans un musée. Ils valaient le coup d’oeil.
Endimanchés et rubiconds comme ils étaient, je me dis qu’ils sortaient tout juste d’un banquet de noces.
Ils s’extasièrent absolument sur tout, sauf sur les tableaux accrochés au mur ; un comble ! Ce qui les
intéressait exclusivement, c’était l’éclat du parquet et les dorures du plafond. Il y avait même une
femme qui fermait les yeux : ce qui est assurément le meilleur moyen d’admirer les tableaux ! Une autre
femme enceinte qui n’allait pas tarder à accoucher faisaient les pointes comme une ballerine pour ne pas
abîmer le parquet et les autres lui dirent de marcher à plat pour ne pas risquer de tomber, vu son état. Les
têtes du reste du groupe tournaient dans tous les sens. Et il y avait surtout un insupportable petit
bonhomme qui faisait l’important et s’improvisait guide : il déclara doctement que Charles IX avait tiré sur
le peuple du balcon de la fenêtre de la galerie. Je pouffais intérieurement : tout le monde ici sait bien que
c’est une légende et qu’en plus il s’agit du balcon de la petite galerie ; mais à quoi bon les détromper ? À
quoi cela leur aurait-il servi de s’instruire ?
Ils passèrent dans le salon carré, où officiait mon collègue Blanchard, et je ne résistai pas à l’envie de les
suivre un peu, tout en gardant un œil sur ma salle. Blanchard fut aussi interloqué que moi :
« - Crénom ! Qu’est-ce que c’est que ces échappés du zoo ? » me dit-il. Il faut dire qu’ils valaient vraiment le
coup d’œil.
« - Regarde celui-là qui parade comme un petit coq » ajouta Blanchard : « - il n’y a là que des chefs d’œuvre
», qu’il leur dit. Va, mon bonhomme, je te mets au défi de me donner le nom d’un seul d’entre eux ! Tu as l’air
de t’y connaître en peinture à peu près autant que moi en tricot ».
Celle qui paraissait être la mariée, une fille pâle et un peu lourde, critiqua le manque d’explications sur le
sujet des tableaux : je faillis me mettre en colère, mais je me souvins que notre chef de service nous avait,
encore hier, recommandé la plus grande courtoisie avec les visiteurs. Et puis, je n’allais pas gâcher la noce.
Celui que j’identifiais comme le marié, à cause de son costume flambant neuf – mais du plus mauvais
goût – ne reconnut même pas la Joconde, le tableau le plus célèbre du monde… selon lui, Mona Lisa
ressemblait à sa tante. Tant d’ignorance était à peine croyable, mais leur manque de tenue était pire
encore. Devant les tableaux de nus, en particulier l’Antiope, deux jeunes ricanaient grassement et se
lançaient des œillades grivoises, sans vergogne ni respect envers les dames de la noce. Le couple à la
femme enceinte, bouche bée, resta longtemps à bader la Vierge de Murillo, avec un air idiot, dans
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l’attente de l’arrivée du Petit Jésus sans doute ! Blanchard, hilare, me donna un coup de coude quand la
troupe refit le tour complet du salon carré.
« - Tu as vu ça, ils nous refont un tour de piste ; on se croirait à la parade, au cirque ! Ils ont même leur
Monsieur Loyal ! ».
« - Et regarde-le faire le malin : il a l’air de s’intéresser de très près à la blonde entre deux âges à la
robe de soie » répondis-je.
De fait, il faisait le joli cœur et cherchait visiblement à épater les dames avec ses « connaissances » en
peinture. C’était assez pathétique pourtant : car il n’y connaissait fichtre rien, confondant un Vinci et un
Titien, et la maîtresse d’Henri IV et celle de François I. Quant à la robe de soie, elle n’hésita pas une minute
à comparer ses crins jaunes à la chevelure magnifique peinte par le maître italien ; pour se mettre en
valeur auprès du petit bonhomme sans doute.
Ils s’engagèrent enfin dans la longue galerie, ils avaient l’air fatigués et se plaignaient d’avoir mal à
la tête. Ils semblaient comme saouls de ce trop-plein de tableaux et de couleurs. Les physionomies
s’altéraient. L’ennui gagnait. Des siècles d’art et d’histoire leur étaient indifférents : ils joignaient
l’ignorance brute à l’absence de sensibilité artistique. Ça tanguait et ça regardait toujours le plafond,
comme si c’était la chose la plus importante au monde. Je rejoignis Mauduit, qui gardait la longue galerie,
après avoir prié Blanchard de surveiller ma propre salle. Notre noce badait à présent les copistes. À la
vue de Madame Plessis - la vieille copiste que nous connaissons bien car elle vient chaque lundi - qui
peignait, montée sur une échelle, ils restèrent fascinés. Mauduit me dit, perfide, qu’ils attendaient peutêtre qu’elle se casse la figure. Je lui répondis qu’ils étaient certainement plus bêtes que méchants. Leur
bizarre cortège avait fini par attirer les curieux, qui s’attroupaient pour voir l’attraction du
jour. Visiteurs, peintres, copistes et gardiens convergèrent rapidement vers ce nouveau centre d’intérêt :
c’était désormais le groupe - et non plus les œuvres - qui faisait le clou du spectacle. Mauduit me glissa
que si nous avions vendu des billets pour autoriser à voir nos phénomènes de foire, nous aurions fait ce
jour-là une sacrément bonne recette. Et c’était vrai qu’ils avaient du succès ; car les nouveaux arrivants
avaient bien du mal à réprimer leurs rires, et nous-mêmes gardions difficilement notre sérieux.
Le troupeau se dirigeait progressivement vers la sortie. Je les sentis de plus en plus épuisés. Ils devenaient
plus bruyants. Leurs souliers traînaient, c’était la débandade dans leurs rangs, et on était loin de l’ordre
avec lequel ils avaient commencé leur visite, guidés par leur petit chef. Ils contrastaient terriblement avec
la propreté et le calme des salles, et étaient plus déplacés que jamais dans ce Grand Louvre. Mon
amusement se mêla à de la pitié : ils avaient l’air vaincus par la vie, ébranlés et dépassés par ces grandes
choses qu’ils ne comprenaient pas, et je sentis bien que c’était leur première et dernière visite au musée.
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