Comité d`évaluation des politiques de contrôle dans le transport routier
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Comité d`évaluation des politiques de contrôle dans le transport routier
Mars 2016 Comité d’évaluation des politiques de contrôle dans le transport routier Quelles pistes pour une plus grande efficacité des contrôles ? Dans le cadre du cahier des charges de la mission d’évaluation des politiques de contrôle du transport routier et conformément au périmètre d’évaluation défini par celui-ci, l’OTRE considère que la priorité doit être de permettre un contrôle accru des activités frauduleuses de concurrence déloyale dans le transport routier de marchandises, et d’empêcher le développement d’activités similaires, et de leurs conséquences, dans le transport routier de voyageurs. Cette note abordera donc uniquement la question du contrôle des activités économiques et de la concurrence déloyale. Elle n’abordera pas, en revanche, les questions relatives au contrôle de l’accès à la profession. 1- Nature des activités sources de concurrence déloyale nécessitant une meilleure politique de contrôle L’OTRE identifie deux types d’activités qui sont sources de concurrence déloyale et de perte de compétitivité pour les entreprises françaises. D’une part les activités qui peuvent être considérées comme classiques, directement liées à l’opération de transport : - - Le cabotage irrégulier, Le dumping social, Le prêt de main d’œuvre illégale (non-respect des règles de déclaration des travailleurs détachés), Les activités non soumises à la réglementation transport, autrement dit les activités VUL (véhicules utilitaires légers). Cependant, il existe désormais un second type d’activités à la source d’une concurrence déloyale. Ce sont des activités exercées par des entreprises tierces indirectement liées à l’opération proprement dite de transport routier : - Les activités de commissionnaire de transport, L’économie de fonctionnalité ou du partage. OTRE - Organisation des Transporteurs Routiers Européens Siège : Les bureaux du lac II - bâtiment S - 29, rue Robert Caumont - 33049 BORDEAUX CEDEX Téléphone : 05 56 39 40 88 - Télécopie : 05 56 39 35 50 - Site : www.otre.org - Courriel : [email protected] N° préfectoral : 4832 – SIRET 434 428 470 00018 2- Encadrement juridique de la politique de contrôle Avec le décret n°2010-389 de 2010 relatif au cabotage dans les transports routiers et fluviaux, l’article 3313-3 du code des transports initié la Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, du député Gilles Savary, et l’article 281 de la Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, l’OTRE considère que le cadre légal général existant répond aux exigences pour les activités utilisant des véhicules de plus de 3,5 tonnes. En revanche, les activités liées au transport par VUL doivent aujourd’hui être matière à réglementation, et leur encadrement est devenu impératif. Au même titre que les entreprises de transport routier utilisant des poids lourds de plus de 3,5 T, l’interdiction de prise du repos hebdomadaire du conducteur dans son véhicule pour les activités de – 3,5 T. La Commission européenne a indiqué être prête à travailler un encadrement de ces activité par le paquet routier. La France doit appuyer cette idée et être force de proposition. De même, et sans attendre, les dispositions de la loi Savary doivent être étendues aux activités VUL. L’OTRE attire aussi l’attention du comité d’évaluation sur les conséquences environnementales de la circulation des VUL : les émissions de CO2 à la tonne transportée sont décuplées. Le cadre légal existe donc. Il s’agit donc désormais de le rendre effectif, et de le compléter sur les activités liées aux VUL. 3- Pistes de réflexions et d’optimisation de la politique de contrôle pour un marché régulé Si les outils légaux existent et sont suffisants à l’exception de l’encadrement des activités relatives aux VUL, le constat est que les moyens de contrôle et les sanctions qui les accompagnent, sont, eux, insuffisants. Au-delà des sanctions dont l’échelle ne semble pas assez coercitive pour décourager les transporteurs étrangers délinquants, l’OTRE identifie trois raisons principales à cette déficience. D’une part les effectifs de chacun des corps de contrôle concernés sont limités et leur quantité tend à diminuer. D’autre part, il y a un manque flagrant de coordination et collaboration entre ces différents corps. Enfin, la difficulté rencontrée pour constater l’infraction. Il apparaît que les forces de contrôle n’ont pas les moyens de réunir l’ensemble des éléments qui sont constitutifs d’une infraction. Il faut donc simplifier la procédure permettant de constater ces infractions. Quelles solutions peuvent être apportées pour répondre à cette pénurie d’effectif sur le terrain face à la quantité de véhicules à contrôler ? Comment peut-on simplifier le contrôle et prouver les infractions ? OTRE - Organisation des Transporteurs Routiers Européens Siège : « Les bureaux du lac II » bâtiment S - 29, rue Robert Caumont - 33049 BORDEAUX CEDEX Téléphone : 05 56 39 40 88 - Télécopie : 05 56 39 35 50 - Site : www.otre.org - Courriel : [email protected] N° préfectoral : 4832 – SIRET 434 428 470 00018 A- La déclaration de cabotage dématérialisée. Le droit européen, par le règlement (CE) n° 1073/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009, autorise déjà l’autorisation de cabotage pour les opérations de transport routier de voyageurs. Le principe doit maintenant être adopté pour le transport routier de marchandises, quel que soit le véhicule utilisé, lourd ou léger. Le gouvernement autrichien a adopté une mesure équivalente. Dans le document de déclaration du conducteur détaché, l’entreprise de transport routier doit aussi déclarer la nature du contrat de transport et la destination de la marchandise. Le décret d’application de la Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques n’ayant pas retenu cette option pour l’instant, cette déclaration de cabotage devrait alors être associée à l’obligation de déclaration du conducteur détaché telle que prévue par la loi et son décret. Elle consisterait en la déclaration de toutes les opérations de transport routier effectuées sur le territoire national par période de 7 jours, soit une ou trois opérations. Cette double déclaration permettrait le contrôle direct tant des opérations de transport que de celui qui les effectue. Dans un avenir très proche, les déclarations des conducteurs détachés devraient aussi se faire de façon dématérialisée via internet. B- Le contrôle virtuel via les portiques Les obligations de déclaration ne pourront être efficaces que si elles sont pratiquement visées et constatées. Afin de pallier au manque d’effectif chez les contrôleurs, le contrôle automatique doit être envisagé. La reconversion des portiques précédemment destinés à l’écotaxe pourrait être le moyen adéquat. En effet, initialement, ces portiques avaient pour fonction de photographier le gabarit et la plaque d’immatriculation des poids lourds et d’envoyer ces informations vers un serveur afin de vérifier le bon enregistrement du véhicule sur le site du collecteur de la taxe. Dans notre proposition, les portiques auraient pour fonction de permettre aux services de contrôle compétents que le véhicule photographié a bien déclaré son salarié comme conducteur détaché ainsi que ses opérations de cabotage sur le territoire national. Au cours du groupe de travail sur la pérennité du financement des infrastructures de transport, un dispositif de contrôle comparable avait été étudié pour la vérification du paiement de la vignette. Le coût de son déploiement avait été estimé par l’inspecteur général au développement durable en charge de l’étude à moins de 10 millions d’euros. C- Les prérogatives des corps de contrôle et leur coopération Lorsqu’on observe les prérogatives de chacun des corps de contrôle en charge du transport routier, on s’aperçoit que chacun pratique dans un champ restreint : police et gendarmerie contrôlent les infractions au code de la route, les contrôleurs terrestres visent les infractions au code des transports, les douanes investiguent sur les fraudes ! Et désormais, avec l’obligation de déclaration du conducteur comme travailleur salarié, l’inspection du travail pourrait être saisie. De plus, la coopération entre ces différents corps est distendue, voire inexistante. Au regard de leurs effectifs restreints, l’amélioration de l’efficacité des contrôles passe par une équivalence des prérogatives de chaque corps. Quelle que soit le contrôleur et son corps d’origine, il doit pouvoir investiguer sur tous les éléments pouvant être à l’origine d’une infraction constitutive de concurrence déloyale. OTRE - Organisation des Transporteurs Routiers Européens Siège : « Les bureaux du lac II » bâtiment S - 29, rue Robert Caumont - 33049 BORDEAUX CEDEX Téléphone : 05 56 39 40 88 - Télécopie : 05 56 39 35 50 - Site : www.otre.org - Courriel : [email protected] N° préfectoral : 4832 – SIRET 434 428 470 00018 Cette similitude de prérogatives pourrait aboutir à une mutualisation des compétences et permettre la constitution d’un corps de police spécialisé, tel que les inspecteurs missionnés l’ont envisagé dans leurs réflexions. Dans ce cadre-là, la réalisation d’une banque de données commune qui concentrerait toutes les infractions liées à l’immatriculation d’un véhicule ou l’identité d’un conducteur permettrait aussi un contrôle plus efficace en l’accélérant. Cette banque de données devrait être accessible à tous les corps de contrôle sur route par le biais de leur smartphone ou d’une tablette. Un tel dispositif serait aussi de nature à diminuer les temps d’immobilisation du véhicule et du conducteur, et ainsi de ne pas perturber l’organisation du transport et les temps de travail du conducteur, si celui-ci est bien évidemment en règle. Le cas échéant, et dans le laps de temps qui sera nécessaire à cette transition, il est indispensable que les corps de contrôle qui n’ont pas les prérogatives nécessaires se voient autoriser à vérifier la concordance entre la lettre de voiture présentée par le conducteur et la nature réelle de la marchandise transportées En effet, certains contrôleurs routiers ont déjà pu constater qu’il leur était présenté de fausses lettres de voitures pratique courante lors de contrôles de VUL immatriculés en Europe de l’Est. D- Orientation des investigations et des contrôles Dans sa présentation orale du 8 décembre 2015, la présidente Mesples avait identifié les activités des différents donneurs d’ordres comme source d’infraction. Les différents textes légaux et réglementaires fondant la base juridique des contrôles visent la coresponsabilité du donneur d’ordre en cas d’infraction. Au-delà, donc, des contrôles sur routes constituants des flagrants délits, il apparaît nécessaire et primordial à l’OTRE que des campagnes de contrôle soient effectuées au siège ou dans les services comptables de ces donneurs d’ordres. La politique de contrôle en entreprise doit être revue pour ne plus viser exclusivement les prestataires mais en se réorientant majoritairement vers les donneurs d’ordres de transport et les chargeurs industriels. Cette proposition vise aussi les entreprises de transport agissant en tant que commissionnaire en soustraitant leurs opérations de transport. Dans le cadre d’une enquête en entreprise, ce serait alors ce poste de sous-traitance qui devrait faire prioritairement l’objet des vérifications des inspecteurs. De même, une grande partie du fret est traité aujourd’hui via les bourses de fret qui se présentent comme de simples coutiers qui mettent en relation donneurs d’ordre et transporteurs. Elles font partie du mécanisme qui tend à la chute des prix de transport intérieur. Il faut désormais légiférer pour que devienne obligatoire l’information sur le prix de transport proposer pour toute offre de fret faite sur une bourse de fret. E- Politiques de sanctions Une politique de contrôles n’est efficace que si elle est suivie d’effets, à savoir des sanctions adéquates aux infractions constatées. De ce point de vue, l’échelle de sanction n’est pas assez coercitive et importante pécuniairement. Il est primordial que, dès la première infraction, le coût financier de celle-ci soit prohibitif afin de dissuader les transporteurs contrevenants. Il en va de même du montant des immobilisations des véhicules en infraction. OTRE - Organisation des Transporteurs Routiers Européens Siège : « Les bureaux du lac II » bâtiment S - 29, rue Robert Caumont - 33049 BORDEAUX CEDEX Téléphone : 05 56 39 40 88 - Télécopie : 05 56 39 35 50 - Site : www.otre.org - Courriel : [email protected] N° préfectoral : 4832 – SIRET 434 428 470 00018 Dans cet arsenal, il est une « arme » existante qui n’est pas assez utilisée par les corps de contrôle et qui pourtant a montré son efficacité de dissuasion : l’immobilisation du véhicule. Cette mesure coercitive qui peut être utilisée même pour des infractions contraventionnelles doit être appliquée plus fréquemment. L’efficacité de la politique de contrôle passe enfin par le raccourcissement des délais de présentation des transporteurs contrevenants devant les tribunaux. En effet, les délais d’instruction dépassent les douze mois. Ces délais sont trop longs pour inquiéter les transporteurs délinquants. Dans ce cadre, l’OTRE préconise qu’une instruction ministérielle soit donnée aux parquets afin que l’interdiction de circuler sur le territoire national soit plus souvent demandée. CONCLUSIONS En résumé, pour l’OTRE, les conditions pour une politique des contrôles plus efficace passent par les évolutions suivantes : - Encadrement des activités de transport par V.U.L ; - Instauration d’une déclaration dématérialisée de cabotage ; - Automatisation des contrôles routiers en utilisant le parc des portiques ; - Synchronisation des prérogatives entre tous les corps de contrôle affectés au transport routier ; - Mise à disposition d’une banque de données relevant l’historique des infractions liées au code des transports et à la réglementation sur le travail de chaque poids lourd et chaque conducteur étranger ; - Alourdissement des sanctions, et utilisation plus systématique de l’immobilisation du véhicule et de l’interdiction d’exercer sur le territoire national. ∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞ OTRE - Organisation des Transporteurs Routiers Européens Siège : « Les bureaux du lac II » bâtiment S - 29, rue Robert Caumont - 33049 BORDEAUX CEDEX Téléphone : 05 56 39 40 88 - Télécopie : 05 56 39 35 50 - Site : www.otre.org - Courriel : [email protected] N° préfectoral : 4832 – SIRET 434 428 470 00018