Oliva Oliva, un film de Peter Hoffmann

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Oliva Oliva, un film de Peter Hoffmann
JEUNE CINEMA
Oliva Oliva, un film de Peter Hoffmann
Pour qui a été ébloui un jour par le film de Luis Buñuel, Las Hurdes (Terre sans pain, 1931)
et qui aurait aimé retourner sur les lieux si désespérément bien dépeints par le maître
espagnol, voici un film pour vous. En effet, le documentaire de Peter Hoffmann est
programmé avec le court-métrage (30 min.) de Buñuel en première partie, non par caprice,
mais parce que Oliva Oliva nous propose en quelque sorte une réponse ou du moins une
évocation. Après des vendanges au cours desquelles il a connu des membres de la famille
Oliva, le jeune Allemand Peter Hoffmann a tourné ce film pendant deux ans, seul, avec une
caméra super-8 chez les Oliva, apiculteurs en Estramadure espagnole. Sorte de mixte entre
images fixes et images animées, et présenté comme un journal, voici un film qui ne va pas
vous laisser indifférents même si, à la fin, et comme semblent le lui reprocher les Oliva, on
n’en saura pas tellement plus sur la vie des abeilles. Mais Peter Hoffmann n’est pas Maurice
Maeterlinck. Sorte finalement de caro diario, décliné à la première personne par la voix
même du cinéaste qui va même jusqu’à égrener les dates pourtant bien visibles à l’écran
comme pour nous en imprégner, ce documentaire est plus instructif sur une tentative artistique
que sur l’apiculture elle-même, on s’en doute un peu. À la manière de Chris Marker ou de
Sophie Calle, voici quelques images intéressantes qui racontent toutes la difficulté de créer, la
beauté du monde et la rage de vivre de ces paysans accrochés à leur propriété, la Finca, dont
on veut les exproprier pour construire sans doute des résidences.
Parti sur ce projet, le film change presque du tout ou tout, lorsque Peter Hoffmann se rend sur
les traces de Buñuel dans las Hurdes où la vie était dure, quasiment impossible. Et l’on
constate, un peu étonné toutefois, que finalement cela n’a pas tellement changé dans
l’Espagne libérale qui se veut la championne d’une certaine forme de libéralisme. Inventant
des appareils de bric et de broc pour tamiser et liquéfier leur miel, se heurtant à la vétusté de
leurs camions qui tombent sans cesse en panne, se disputant à cause des idées politiques quasi
franquistes du père, la région semble toujours aussi rude. Comme si l’empreinte de Buñuel s’y
faisait encore ressentir avec son film manifeste qui a scellé sa réputation mondiale et qui a été
réalisé avec l’argent d’un anarchiste qui avait gagné à la loterie. « Contrairement à beaucoup
d’Espagnols qui n’aiment pas du tout ce documentaire, constate Peter Hoffmann, les Oliva
sont convaincus que ce film est à l’origine de la grande célébrité de Buñuel. (…) La pauvreté
que l’on y voit ne les effraie pas, ils ne la refoulent pas. » Et pour cause, elle leur appartient
encore, et les ruches cylindriques de chêne-liège qu’on voit dans le film de Buñuel sont celles
encore utilisées par le père Oliva dans le documentaire de 2005.
Oliva Oliva. Scénario, réalisation, images, son, etc. : Peter Hoffmann.